Discours 2005-2013 1403

1403 Dans le passage de l’Évangile proclamé il y a quelques minutes, Jésus se présente comme serviteur, s’offrant comme modèle à imiter et à suivre. Sur le fond de la troisième annonce de la passion, mort et résurrection du Fils de l’homme, se détache avec un contraste criant la scène des deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, qui poursuivent encore des rêves de gloire auprès de Jésus. Ils lui demandèrent : « Accorde-nous […] de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ta gloire. » (Mc 10,37). La réponse de Jésus est immédiate et sa question inattendue : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » (v. 38). L’allusion est très claire : le calice est celui de la passion, que Jésus accepte pour réaliser la volonté du Père. Le service de Dieu et des frères, le don de soi : c’est là la logique que la foi authentique imprime et développe dans notre vécu quotidien et qui, par contre, n’est pas le style mondain du pouvoir et de la gloire.

Par leur requête, Jacques et Jean montrent qu’ils ne comprennent pas la logique de vie dont Jésus témoigne, logique, qui – selon le Maître – doit caractériser le disciple, dans son esprit et dans ses actes. Cette logique erronée n’habite pas seulement les deux fils de Zébédée car, selon l’évangéliste, elle contamine aussi « les dix autres » apôtres qui « se mirent à s'indigner contre Jacques et Jean » (v. 41). Ils s’indignent parce qu’il n’est pas facile d’entrer dans la logique de l’Évangile et de laisser celle du pouvoir et de la gloire. Saint Jean Chrysostome affirme que tous les apôtres étaient encore imparfaits, aussi bien les deux qui veulent s’élever au-dessus des dix, que les autres qui sont jaloux d’eux (cf. Commentaire sur Mt 65,4, PG 58). Et, en commentant les passages parallèles dans l’Évangile selon Luc, saint Cyrille d’Alexandrie ajoute : « Les disciples étaient tombés dans la faiblesse humaine et discutaient entre eux sur qui était le chef et supérieur aux autres […]. Cela est arrivé et nous a été raconté à notre profit […]. Ce qui est arrivé aux saints Apôtres peut nous servir d’encouragement à l’humilité » (Commentaire sur Lc 12, 5, 24 : ). Cet épisode permet à Jésus de s’adresser à tous les disciples et de « les appeler à lui », presque pour les serrer contre lui, pour former comme un corps unique et indivisible avec Lui et indiquer quelle est la voie pour parvenir à la vraie gloire, celle de Dieu : « Vous savez que ceux qu'on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l'esclave de tous. » (Mc 10,42-44).

Domination et service, égoïsme et altruisme, possession et don, intérêt et gratuité : ces logiques profondément opposées se confrontent à toute époque et en tout lieu. Il n’y a aucun doute sur la voie choisie par Jésus : il ne se limite pas à l’indiquer par ses paroles aux disciples de l’époque et d’aujourd’hui, il la vit aussi dans sa propre chair. Il explique en effet : « Aussi bien, le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (v. 45). Ces paroles éclairent d’une intensité particulière le Consistoire public d’aujourd’hui. Elles résonnent au plus profond de l’âme et sont une invitation et un appel, une consigne et un encouragement spécialement pour vous, chers et vénérés Frères, qui allez devenir membres du Collège cardinalice.

Selon la tradition biblique, le Fils de l’homme est celui qui reçoit le pouvoir et la souveraineté de Dieu (cf. Da 7, 13s). Jésus interprète sa mission sur la terre en superposant à la figure du Fils de l’homme celle du Serviteur souffrant, décrit par Isaïe (cf. Is Is 53,1-12). Il reçoit le pouvoir et la gloire uniquement en tant que « serviteur » ; mais il est serviteur dans la mesure où il prend sur lui le destin de souffrance et de péché de toute l’humanité. Son service s’accomplit dans la totale fidélité et dans la pleine responsabilité envers les hommes. C’est pourquoi la libre acceptation de sa mort violente devient le prix de la libération pour la multitude, devient le commencement et le fondement de la rédemption de chaque homme et du genre humain tout entier.

Chers Frères qui allez être devenir membres du Collège cardinalice ! Que le don total de soi, offert par le Christ sur la croix, soit pour vous la norme, le stimulant et la force d’une foi qui opère dans la charité. Que votre mission dans l’Église et dans le monde soit toujours et uniquement « dans le Christ », qu’elle réponde à sa logique et non à celle du monde, qu’elle soit éclairée par la foi et animée par la charité qui nous viennent de la Croix glorieuse du Seigneur. Sur l’anneau que je vais vous remettre dans quelques instants, sont représentés les saints Pierre et Paul, avec au centre une étoile qui évoque la Vierge Marie. En portant cet anneau, vous êtes appelés chaque jour à vous souvenir du témoignage que les deux Apôtres ont donné au Christ jusqu’à la mort par le martyre, ici, à Rome, fécondant ainsi l’Église de leur sang. Tandis que le rappel de la Vierge Marie sera toujours pour vous une invitation à suivre celle qui fut solide dans sa foi et humble servante du Seigneur.

En concluant cette brève réflexion, je voudrais adresser mon cordial salut et mes remerciements à vous tous qui êtes présents, en particulier aux Délégations officielles des différents pays et aux représentants de nombreux diocèses. Dans leur service, les nouveaux Cardinaux sont appelés à rester toujours fidèles au Christ, en se laissant guider uniquement par son Évangile. Chers frères et soeurs, priez pour qu’en eux puisse se refléter sur le vif notre unique Pasteur et Maître, le Seigneur Jésus, source de toute sagesse, qui indique la route à tous. Priez aussi pour moi, afin que je puisse toujours offrir au Peuple de Dieu le témoignage de la doctrine sûre et tenir avec une humble fermeté la barre de la sainte Église. Amen

CONSISTOIRE ORDINAIRE PUBLIC

POUR LA CRÉATION DE NOUVEAUX CARDINAUX


AUX NOUVEAUX CARDINAUX, ACCOMPAGNÉS DE LEURS FAMILLES ET DE LEURS AMIS Salle Paul VI Lundi 20 février 2012

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Messieurs les cardinaux,
chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
1404 chers frères et soeurs!

C’est avec une grande joie que je vous rencontre, familles et amis des nouveaux cardinaux, au lendemain des solennelles célébrations du consistoire, durant lequel vos bien-aimés pasteurs ont été appelés à faire partie du Collège cardinalice. Il m’est ainsi donné la possibilité de présenter de manière plus directe et plus intime mon salut cordial à tous et, en particulier, mes félicitations et mes voeux aux nouveaux cardinaux. Que l’événement si important et suggestif du consistoire soit, pour vous ici présents et pour ceux qui sont liés à divers titres aux nouveaux cardinaux, un motif et un encouragement pour vous rassembler avec affection autour d’eux: sentez-vous encore davantage proches de leur coeur et de leur zèle apostolique; écoutez avec une vive espérance leurs paroles de pères et de maîtres. Soyez unis à eux et entre vous dans la foi et dans la charité, pour être des témoins du Christ toujours plus fervents et courageux.

Saluto anzitutto voi, cari Porporati della Chiesa che è in Italia! Il Cardinale Fernando Filoni, Prefetto della Congregazione per l’Evangelizzazione dei Popoli; il Cardinale Antonio Maria Vegliò, Presidente del Pontificio Consiglio della Pastorale per i Migranti e gli Itineranti; il Cardinale Giuseppe Bertello, Presidente della Pontificia Commissione per lo Stato della Città del Vaticano e Presidente del Governatorato del medesimo Stato; il Cardinale Francesco Coccopalmerio, Presidente del Pontificio Consiglio per i Testi Legislativi; il Cardinale Domenico Calcagno, Presidente dell’Amministrazione del Patrimonio della Sede Apostolica; il Cardinale Giuseppe Versaldi, Presidente della Prefettura degli Affari Economici della Santa Sede; e infine il Cardinale Giuseppe Betori, Arcivescovo di Firenze. Venerati Fratelli, l’affetto e la preghiera di tante persone a voi care vi sostengano nel servizio alla Chiesa, affinché ciascuno di voi possa rendere generosa testimonianza al Vangelo della verità e della carità.

Je salue cordialement les pèlerins francophones, et plus particulièrement les Belges qui ont accompagné Monsieur le Cardinal Julien Ries. Puisse notre loyauté au Christ être ferme et décidée afin de rendre crédible notre témoignage. Notre société, qui connaît des moments d’incertitudes et de doute, a besoin de la clarté du Christ. Que chaque chrétien en témoigne avec foi et courage, et le temps de Carême qui approche, permet de revenir vers Dieu. Bon pèlerinage à tous!

I am pleased to extend a warm greeting to the English-speaking Prelates whom I had the joy of raising to the dignity of Cardinal in Saturday’s Consistory: Cardinal Edwin Frederick O’Brien, Grand Master of the Equestrian Order of the Holy Sepulchre of Jerusalem; Cardinal George Alencherry, Major Archbishop of Ernakulam-Angamaly of the Syro-Malabars (India); Cardinal Thomas Christopher Collins, Archbishop of Toronto (Canada); Cardinal Timothy Michael Dolan, Archbishop of New York (the United States of America); Cardinal John Tong Hon, Bishop of Hong Kong (the People’s Republic of China); Cardinal Prosper Grech, O.S.A., Emeritus Professor of various Roman Universities and Consultor of the Congregation for the Doctrine of the Faith.

I also extend a cordial welcome to the family members and friends who join them today. I ask you to continue to support the new Cardinals by your prayers as they take up their important responsibilities in the service of the Apostolic See.

Einen ganz herzlichen Gruß richte ich an die neuernannten Kardinäle deutscher Sprache, an den Erzbischof von Berlin Rainer Maria Kardinal Woelki und an Karl Josef Kardinal Becker aus der Gesellschaft Jesu. Ich versichere ihnen meine Verbundenheit und mein Gebet für den besonderen Dienst, der ihnen in der Universalkirche anvertraut ist, und empfehle sie dem Schutz Marias, der Mutter der Kirche.

Mit Freude begrüße ich auch die Familienangehörigen und Freunde, die Pilger aus den Heimatdiözesen Berlin und Köln, die Mitarbeiter in den verschiedenen kirchlichen Einrichtungen, die Vertreter der Politik und des öffentlichen Lebens sowie alle Landsleute, die zu diesem Konsistorium nach Rom gekommen sind. Auch eurem Gebet möchte ich die neuen Kardinäle empfehlen, damit sie gemäß dem Zeichen des Purpur, den sie nun tragen, als opferbereite Zeugen der Wahrheit und treue Mitarbeiter des Nachfolgers Petri wirken.

Saludo con afecto al Cardenal Santos Abril y Castelló, Arcipreste de la Basílica Santa María la Mayor, así como a sus familiares, a los Obispos, sacerdotes, religiosos y laicos venidos especialmente de España para esta ocasión. Les invito a todos a acompañar con sus plegarias y cercanía espiritual a los nuevos miembros del Colegio de cardenales para que, llenos de amor a Dios y estrechamente unidos al Sucesor de Pedro, continúen la misión espiritual y apostólica con plena fidelidad al Evangelio.

Saúdo os novos Cardeais de língua portuguesa, com seus familiares, amigos e colaboradores, e ainda os diversos representantes da comunidade eclesial e civil, para quem redunda também a honra que acaba de ser conferida ao Cardeal João Braz de Aviz, que guia a Congregação para os Institutos de Vida Consagrada e as Sociedades de Vida Apostólica, e ao Cardeal Manuel Monteiro de Castro, que preside à Penitenciaria Apostólica. À Virgem Mãe, confio vossas vidas devotadas ao serviço da unidade e da santidade do Povo de Deus.

S láskou zdravím Otce kardinála Dominika Duku a vás, verící z Ceské republiky, kterí sdílíte jeho radost. At ve vás tyto svátecní dny modlitby obnoví lásku ke Kristu a jeho církvi. Všem vám žehnám. Chvála Kristu a Panne Marii.

1405 Gaarne begroet ik Kardinaal Willem Jacobus Eijk, Aartsbisschop van Utrecht, en tevens de gelovigen die hem vergezellen. Mogen deze dagen van intense spiritualiteit bij iedereen een nog grotere liefde voor Christus en Zijn Kerk opwekken. Blijft Uw Aartsbisschop steunen met Uw gebed zo dat hij met herderlijke ijver degenen die hem zijn toevertrouwd leiding kan geven.

Salut cu bucurie pe Preafericirea Sa Lucian Muresan si pe voi toti, credinciosi din România, care ati dorit sa va strângeti în jurul iubitului vostru Pastor, pe care l-am creat Cardinal. Împreuna cu voi salut întregul popor român si Patria voastra, legata acum si mai mult de Sediul Sfântului Petru! Binecuvântarea mea sa va sustina mereu.

Chers amis, merci encore pour votre présence significative. La création des nouveaux cardinaux est l’occasion de réfléchir sur la mission universelle de l’Eglise dans l’histoire des hommes: dans les événements humains, souvent si frénétiques et qui s’opposent, l’Eglise est toujours vivante et présente, apportant le Christ, lumière et espérance pour l’humanité tout entière. Rester unis à l’Eglise et au message de salut qu’elle diffuse, signifie s’ancrer à la Vérité, renforcer le sens des valeurs véritables, être sereins face à chaque événement. Je vous exhorte donc à rester toujours unis à vos pasteurs, ainsi qu’aux nouveaux cardinaux, pour être en communion avec l’Eglise. L’unité dans l’Eglise est un don divin à défendre et à faire grandir. Vénérés frères cardinaux, je vous confie à la protection de la Mère de Dieu et des apôtres Pierre et Paul, ainsi que les fidèles qui vous accompagnent. Avec ces sentiments, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction.

RENCONTRE

AVEC LE CLERGÉ DE ROME

LECTIO DIVINA


Salle Paul VI Jeudi 23 février 2012

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Chers frères,

C’est pour moi une grande joie de rencontrer chaque année, au début du carême, mon clergé, le clergé de Rome, et c’est pour moi un plaisir de voir aujourd’hui que nous sommes nombreux. Je pensais que dans cette grande salle, nous aurions constitué un groupe un peu perdu, mais je vois que nous sommes une grande armée de Dieu et que nous pouvons entrer avec force dans notre temps, dans les batailles nécessaires pour promouvoir, pour mener de l’avant le Royaume de Dieu. Nous sommes entrés hier par la porte du carême, renouvellement annuel de notre baptême; nous répétons presque notre catéchuménat, en allant de nouveau dans les profondeurs de notre être de baptisés, en reprenant, en retournant à notre être de baptisés et ainsi incorporés dans le Christ. De cette manière, nous pouvons aussi chercher à guider nos communautés à nouveau dans cette communion intime avec la mort et la résurrection du Christ, nous configurer toujours plus au Christ, devenir toujours plus réellement chrétiens.

Le passage de la Lettre de saint Paul aux Ephésiens que nous avons écouté (4, 1-16) est l’un des grands textes ecclésiaux du Nouveau Testament. Il commence par la présentation de soi de l’auteur: «Moi le prisonnier dans le Seigneur» (v. 1). Le mot grec desmios signifie «enchaîné»: Paul, comme un criminel, porte des chaînes, est enchaîné pour le Christ et ainsi commence-t-il en communion avec la passion du Christ. C’est le premier élément de la présentation de soi: il parle enchaîné, il parle dans la communion de la passion du Christ et ainsi, il est en communion aussi avec la résurrection du Christ, avec sa nouvelle vie. Nous devons toujours, lorsque nous parlons, parler en communion avec sa passion et accepter aussi nos passions, nos souffrances et épreuves, dans ce sens: ce sont véritablement des preuves de la présence du Christ, qu’Il est avec nous et que que nous allons, en communion avec sa passion, vers la nouveauté de la vie, vers la résurrection. «Enchaîné», par conséquent, est d’abord une parole de la théologie de la croix, de la communion nécessaire de tout évangélisateur, de tout pasteur avec le Pasteur suprême, qui nous a rachetés «en se donnant», en souffrant pour nous. L’amour est souffrance, c’est se donner, c’est se perdre, et c’est précisément de cette manière qu’il est fécond. Mais ainsi, dans l’élément extérieur des chaînes, de la liberté qui n’est plus, apparaît et transparaît aussi un autre aspect: la vraie chaîne qui lie Paul au Christ c’est la chaîne de l’amour. «Enchaîné par amour»: un amour qui donne la liberté, un amour qui le rend capable de rendre présent le Message du Christ et le Christ lui-même. Et cela devrait être, pour nous tous aussi, la dernière chaîne qui nous libère, reliés à la chaîne de l’amour au Christ. Ainsi trouvons-nous la liberté et la vraie route de la vie, et nous pouvons, avec l’amour du Christ, conduire à cet amour, qui est la joie, la liberté, également des hommes qui nous sont confiés.

Et il dit ensuite: «J’exhorte» (Ep 4,1): sa tâche est celle d’exhorter, mais ce n’est pas une admonestation moraliste. Il exhorte depuis la communion avec le Christ; c’est le Christ lui-même, en fin de compte, qui exhorte, qui invite avec l’amour d’un père et d’une mère. Il faut «mener une vie digne de l'appel que vous avez reçu» (v. 1); c’est-à-dire que, premier élément, nous avons reçu un appel. Je ne suis pas anonyme et sans aucun sens dans le monde: il y a un appel, il y a une voix qui m’a appelé, une voix que je suis. Et ma vie devrait consister à entrer toujours plus en profondeur sur le chemin de l’appel, suivre cette voix et trouver ainsi la véritable route et guider les autres sur cette route.

Je suis «appelé par un appel». Je dirais que nous recevons le premier grand appel à être avec le Christ lors du baptême; le deuxième grand appel est celui à être des pasteurs à son service, et nous devons être toujours davantage à l’écoute de cet appel, de manière à pouvoir appeler ou mieux à aider aussi d’autres afin qu’ils entendent la voix du Seigneur qui appelle. La grande souffrance de l’Eglise d’aujourd’hui en Europe et en Occident, c’est le manque de vocations sacerdotales, mais le Seigneur appelle toujours, c’est l’écoute qui manque. Nous avons entendu sa voix et nous devons être attentifs à la voix du Seigneur pour les autres également, aider à ce que l’appel soit entendu, et ainsi soit accepté, que s’ouvre une route de la vocation à être pasteurs avec le Christ. Saint Paul revient sur ce mot «appel» à la fin de ce premier paragraphe, et il parle d’une vocation, d’un appel qui est à l’espérance — l’appel lui-même est une espérance — et il démontre ainsi les dimensions de l’appel; il n’est pas seulement individuel, l’appel est déjà un phénomène dialogique, un phénomène dans le «nous»; dans le «moi et toi» et dans le «nous». «Appel à l’espérance». Nous voyons ainsi les dimensions de l’appel; elles sont trois. Appel, enfin, selon ce texte, vers Dieu. Dieu est la fin; à la fin, nous arrivons simplement en Dieu et tout le chemin est un chemin vers Dieu. Mais ce chemin vers Dieu n’est jamais isolé, un chemin uniquement dans le «moi», c’est un chemin vers l’avenir, vers le renouveau du monde, et un chemin dans le «nous» des appelés qui en appelle d’autres, leur fait entendre cet appel. C’est pourquoi l’appel est toujours aussi une vocation ecclésiale. Etre fidèles à l’appel du Seigneur implique de découvrir ce «nous» dans lequel et pour lequel nous sommes appelés, ainsi qu’aller ensemble et réaliser les vertus nécessaires. L’«appel» implique le caractère ecclésial, il implique donc la dimension verticale et horizontale, qui sont inséparables, il implique le caractère ecclésial au sens de nous laisser aider pour le «nous» et de construire ce «nous» de l’Eglise. En ce sens, saint Paul illustre l’appel avec cette finalité: un Dieu unique, seul, mais avec cette direction vers l’avenir; l’espérance est dans le «nous» de ceux qui ont l’espérance, qui aiment à l’intérieur de l’espérance, avec certaines vertus qui sont précisément les éléments du fait de marcher ensemble.

1406 La première est: «en toute humilité» (Ep 4,2). Je voudrais m’arrêter un peu plus sur celle-ci, parce que c’est une vertu qui dans le catalogue des vertus préchrétiennes n’apparaît pas; c’est une vertu nouvelle, la vertu de la sequela Christi. Pensons à la Lettre aux Philippiens, au chapitre deux: le Christ, étant l’égal de Dieu, s’est humilié, en acceptant la forme de serviteur et en obéissant jusqu’à la croix (cf. Ph 2,6-8). C’est le chemin de l’humilité du Fils que nous devons imiter. Suivre le Christ veut dire entrer dans ce chemin de l’humilité. Le texte grec dit tapeinophrosyne (cf. Ep Ep 4,2): ne pas penser en grand de soi-même, avoir la juste mesure. Humilité. Le contraire de l’humilité est l’orgueil, comme la racine de tous les péchés. L’orgueil qui est arrogance, qui veut avant tout le pouvoir, l’apparence, apparaître aux yeux des autres, être quelqu’un ou quelque chose, n’a pas l’intention de plaire à Dieu, mais de plaire à soi-même, d’être acceptés par les autres et — disons — vénérés par les autres. Le «moi» au centre du monde: il s’agit de mon moi orgueilleux, qui sait tout. Etre chrétien veut dire dépasser cette tentation originelle, qui est aussi le coeur du péché originel, d’être comme Dieu, mais sans Dieu; être chrétien, c’est être vrai, sincère, réaliste. L’humilité est avant tout vérité, vivre dans la vérité, apprendre la vérité, apprendre que ma petitesse est justement la grandeur, parce qu’ainsi, je suis important pour le grand tissu de l’histoire de Dieu avec l’humanité. C’est précisément en reconnaissant que je suis une pensée de Dieu, de la construction de son monde, et que je suis irremplaçable, c’est précisément ainsi, dans ma petitesse, et seulement de cette manière que je suis grand. C’est le début de l’être chrétien: vivre la vérité. Et c’est seulement en vivant la vérité, le réalisme de ma vocation pour les autres, avec les autres, dans le corps du Christ, que je vis bien. Vivre contre la vérité est toujours mal vivre. Vivons la vérité! Apprenons ce réalisme: ne pas vouloir apparaître, mais vouloir plaire à Dieu et faire ce que Dieu a pensé de moi et pour moi, et ainsi accepter aussi l’autre. Le fait d’accepter l’autre, qui est peut-être plus grand que moi, suppose précisément le réalisme et l’amour de la vérité; il suppose de m’accepter moi-même comme «pensée de Dieu», comme je suis, dans mes limites et, de cette manière, dans ma grandeur. M’accepter moi-même et accepter l’autre va de pair; ce n’est qu’en m’acceptant moi-même dans le grand tissu divin que je peux accepter aussi les autres, qui forment avec moi la grande symphonie de l’Eglise et de la création. Je pense que les petites humiliations, que jour après jour nous devons vivre, sont salutaires, parce qu’elles aident chacun à reconnaître sa vérité et à être ainsi libérés de cette vaine gloire qui est contre la vérité et ne peut pas me rendre heureux et bon. Accepter et apprendre cela, et ainsi apprendre et accepter ma position dans l’Eglise, mon petit service comme grand aux yeux de Dieu. Et c’est précisément cette humilité, ce réalisme, qui rend libres. Si je suis arrogant, si je suis orgueilleux, je voudrais toujours plaire et si je n’y parviens pas je suis malheureux, et je dois toujours chercher ce plaisir. Lorsque en revanche, je suis humble j’ai la liberté aussi d’être en opposition avec une opinion dominante, avec les pensées des autres, parce que l’humilité me donne la capacité, la liberté de la vérité. Et ainsi, dirais-je, prions le Seigneur pour qu’il nous aide, qu’il nous aide à être réellement des constructeurs de la communauté de l’Eglise; qu’elle croisse, que nous-mêmes croissions dans la grande vision de Dieu, du «nous», et soyons membres du Corps du Christ, appartenant ainsi, en unité, au Fils de Dieu.

La deuxième vertu — mais nous serons plus brefs — est la «douceur», dit la traduction italienne (Ep 4,2), en grec praus, c’est-à-dire «doux, paisible»; et il s’agit là aussi d’une vertu christologique comme l’humilité, qui est suivre le Christ sur ce chemin de l’humilité. Ainsi, praus, être doux, être paisible, signifie suivre le Christ qui dit: Venez à moi, car je suis doux de coeur (cf. Mt 11,29). Cela ne veut pas dire faiblesse. Le Christ peut aussi être dur, si nécessaire, mais toujours avec un coeur bon, la bonté, la mansuétude restent toujours visibles. Dans l’Ecriture Sainte, le terme «les doux» est parfois tout simplement le nom donné aux croyants, au petit troupeau des pauvres qui, dans toutes les épreuves, restent humbles et fermes dans la communion du Seigneur: chercher cette douceur, qui est le contraire de la violence. La troisième béatitude. L’Evangile de saint Matthieu dit: heureux les doux, car ils posséderont la terre (cf. Mt 5,5). Ce n’est pas les violents qui possèdent la terre, à la fin ce sont les doux qui restent: ce sont eux qui ont la grande promesse, et ainsi nous devons être vraiment sûrs de la promesse de Dieu, de la douceur qui est plus forte que la violence. Dans ce terme de douceur se cache l’opposition avec la violence: les chrétiens sont les non violents, sont les opposants à la violence.

Et saint Paul poursuit: «avec magnanimité» (Ep 4,2): Dieu est magnanime. Malgré nos faiblesses et nos péchés, il recommence toujours à nouveau avec nous. Il me pardonne, même s’il sait que demain je tomberai à nouveau dans le péché; il distribue ses dons, même s’il sait que nous sommes souvent des administrateurs qui ne sont pas à la hauteur. Dieu est magnanime, il a un grand coeur, il nous confie sa bonté. Et cette magnanimité, cette générosité fait précisément partie à nouveau de la sequela du Christ.

Enfin, «supportez-vous les uns les autres avec charité» (Ep 4,2); il me semble que c’est précisément de l’humilité que provient cette capacité d’accepter l’autre. L’altérité de l’autre est toujours un poids. Pourquoi l’autre est-il différent? Mais précisément cette diversité, cette altérité est nécessaire à la beauté de la symphonie de Dieu. Et nous devons devenir capables, précisément avec l’humilité dans laquelle je reconnais mes limites, mon altérité dans la confrontation avec l’autre, le poids que je suis pour l’autre, non seulement de supporter l’autre, mais, avec amour, de trouver précisément dans l’altérité également la richesse de son être et des idées et de l’imagination de Dieu.

Tout cela sert donc comme vertu ecclésiale à la construction du Corps du Christ, qui est l’Esprit du Christ, pour qu’il devienne à nouveau un exemple, à nouveau un corps et qu’il grandisse. Paul le dit ensuite de manière concrète, en affirmant que toute cette variété des dons, des tempéraments, du fait d’être homme, sert à l’unité (cf. Ep Ep 4,11-13). Toutes ces vertus sont également des vertus de l’unité. Par exemple, il est pour moi très significatif que la première Lettre après le Nouveau Testament, la Première Lettre de Clément, soit adressée à une communauté, celle des Corinthiens, qui est divisée et qui souffre de la division (cf. pg ). Dans cette Lettre, le mot «humilité» est précisément un mot clef: ils sont divisés parce que l’humilité manque, l’absence d’humilité détruit l’unité. L’humilité est une vertu fondamentale de l’unité et ce n’est qu’ainsi que grandit l’unité du Corps du Christ, que nous devenons réellement unis et que nous recevons la richesse et la beauté de l’unité. C’est pourquoi il est logique que la liste de ces vertus, qui sont des vertus ecclésiales, christologiques, les vertus de l’unité, aille vers l’unité explicite: «un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême; un seul Dieu et Père de tous» (Ep 4,5). Une seule foi et un seul baptême, comme réalité concrète de l’Eglise qui se trouve sous l’unique Seigneur.

Baptême et foi sont inséparables. Le baptême est le sacrement de la foi et la foi possède un double aspect. C’est un acte profondément personnel: je connais le Christ, je rencontre le Christ et je lui accorde ma confiance. Pensons à la femme qui touche son vêtement dans l’espoir d’être sauvée (cf. Mt 9,20-21); elle se confie totalement à Lui et le Seigneur lui dit: Tu es sauvée, parce que tu as cru (cf. Mt 9,22). Aux lépreux aussi, au seul qui revient, il dit: Ta foi t’a sauvé (cf. Lc 17,19). La foi est donc, surtout au début, une rencontre personnelle, le fait de toucher le vêtement du Christ, le fait d’être touché par le Christ, d’être en contact avec le Christ, de se remettre au Seigneur, d’avoir et de trouver l’amour du Christ et, dans l’amour du Christ, la clef également de la vérité, de l’universalité. Mais précisément pour cela, parce qu’elle est la clef de l’universalité de l’unique Seigneur, cette foi n’est pas seulement un acte personnel de confiance, mais un acte qui possède un contenu. La fides qua exige la fides quae, le contenu de la foi, et le baptême expriment ce contenu: la formule trinitaire est l’élément substantiel du credo des chrétiens. Il est, en lui-même, un «oui» au Christ, et ainsi au Dieu trinitaire, avec cette réalité, avec ce contenu qui m’unit à ce Seigneur, à ce Dieu, qui a ce Visage: il vit comme Fils du Père dans l’unité de l’Esprit Saint et dans la communion du Corps du Christ. Cela me semble donc très important: la foi a un contenu, mais ce n’est pas suffisant, ce n’est pas un élément d’unification si ce contenu de l’unique foi n’est pas présent et n’est pas vécu et confessé.

C’est pourquoi, l’«Année de la foi», l’Année du catéchisme — pour être très concret — sont indissolublement liées. Nous renouvellerons le Concile uniquement en renouvelant le contenu — condensé ensuite de nouveau — du Catéchisme de l’Eglise catholique. Et un grand problème de l’Eglise actuelle est le manque de connaissance de la foi, est l’«analphabétisme religieux», comme l’ont dit les cardinaux vendredi dernier à propos de cette réalité. «Analphabétisme religieux»; et avec cet analphabétisme nous ne pouvons pas croître, l’unité ne peut pas croître. C’est pourquoi nous devons nous-mêmes nous approprier de nouveau de ce contenu, comme richesse de l’unité et non comme un ensemble de dogmes et de commandements, mais comme une réalité unique qui se révèle dans sa profondeur et sa beauté. Nous devons faire tout le possible pour un renouveau catéchistique, pour que la foi soit connue et, ainsi, que Dieu soi connu, que le Christ soit connu, que la vérité soit connue et que grandisse l’unité dans la vérité.

Ensuite toutes ces unités finissent dans: «un seul Dieu et Père de tous». Tout ce qui n’est pas humilité, tout ce qui n’est pas foi commune, détruit l’unité, détruit l’espérance et rend la Face de Dieu invisible. Dieu est Un et Unique. Le monothéisme était le grand privilège d’Israël, qui a connu l’unique Dieu, et qui reste un élément constitutif de la foi chrétienne. Le Dieu trinitaire — nous le savons — n’est pas trois divinités, mais un unique Dieu; et nous voyons mieux ce que signifie l’unité: l’unité, c’est l’unité de l’amour. C’est ainsi: précisément parce qu’il est le cercle de l’amour, Dieu est Un et Unique.

Pour Paul, comme nous l’avons vu, l’unité de Dieu s’identifie avec notre espérance. Pourquoi? De quelle manière? Parce que l’unité de Dieu est espérance, parce que celle-ci nous garantit que, à la fin, il n’y a pas différents pouvoirs, à la fin il n’y a pas de dualisme entre pouvoirs différents et opposés, à la fin il ne reste pas la tête du dragon qui pourrait s’élever contre Dieu, il ne reste pas la salissure du mal et du péché. A la fin, il ne reste que la lumière! Dieu est unique et il est l’unique Dieu: il n’y a pas d’autre pouvoir contre Lui! Nous savons qu’aujourd’hui, avec les maux toujours plus grands que nous affrontons dans le monde, beaucoup doutent de la Toute-puissance de Dieu. Plus encore, divers théologiens — même valables — disent que Dieu ne serait pas tout-puissant, car la toute-puissance ne serait pas compatible avec ce que nous voyons dans le monde. Et ainsi, ils veulent créer une nouvelle apologie, excuser Dieu et «disculper» Dieu de ces maux. Mais cela n’est pas la manière juste, car si Dieu n’est pas tout-puissant, si d’autres pouvoirs forts existent et demeurent, il n’est pas vraiment Dieu et il n’est pas l’espérance, car à la fin resterait le polythéisme, à la fin resterait la lutte, le pouvoir du mal. Dieu est tout-puissant, l’unique Dieu. Certes, dans l’histoire on a donné une limite à sa toute-puissance, en reconnaissant notre liberté. Mais à la fin tout revient et il ne reste pas d’autre pouvoir; telle est l’espérance: que la lumière gagne, que l’amour gagne! A la fin la force du mal ne reste pas, Dieu seul reste! Et ainsi nous sommes sur le chemin de l’espérance, en marchant vers l’unité de l’unique Dieu, qui s’est révélé à travers l’Esprit Saint, dans l’Unique Seigneur, le Christ.

Puis, de cette grande vision, saint Paul rentre un peu dans les détails et dit du Christ: «Montant dans les hauteurs il a emmené des captifs, il a donné des dons aux hommes» (Ep 4,8). L’apôtre cite le Psaume 68, qui décrit de façon poétique la montée de Dieu avec l’Arche de l’Alliance vers les hauteurs, vers le sommet du mont Sion, vers le temple: Dieu comme vainqueur qui a dépassé les autres, qui sont prisonniers et, tel un vrai vainqueur, distribue des dons. Le judaïsme a vu en cela plutôt une image de Moïse, qui monte vers le mont Sinaï pour recevoir au sommet la volonté de Dieu, les commandements, qui ne sont pas considérés comme un poids, mais comme le don de connaître le Visage de Dieu, la volonté de Dieu. Paul, à la fin, voit ici une image de l’ascension du Christ qui s’élève après être descendu; il s’élève et attire l’humanité vers Dieu, il laisse la place à la chair et au sang en Dieu lui-même; il nous attire vers la hauteur de sa nature de Fils et nous libère de la prison du péché, il nous rend libres car vainqueur. Etant vainqueur, Il distribue les dons. Et ainsi, nous sommes arrivés de la montée de Dieu à l’Eglise. Les dons sont la charis en tant que telle, la grâce: être dans la grâce, dans l’amour de Dieu. Et puis il y a les charismes qui concrétisent la charis dans chaque fonction et mission: apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs et maîtres pour édifier ainsi le Corps du Christ (cf. Ep Ep 4,11).

Je ne voudrais pas entrer à présent dans une exégèse détaillée. On discute beaucoup aujourd’hui sur ce que veut dire être apôtres, prophètes... Dans tous les cas, nous pouvons dire que l’Eglise est construite sur le fondement de la foi apostolique, qui demeure toujours présente: les Apôtres, dans la succession apostolique, sont présents dans les pasteurs, que nous sommes, par la grâce de Dieu et en dépit de toute notre pauvreté. Et nous sommes reconnaissants à Dieu qui a voulu nous appeler pour demeurer dans la succession apostolique et continuer d’édifier le Corps du Christ. Ici apparaît un élément qui me semble important: les ministères — ce que l’on appelle les ministères — sont appelés «dons du Christ», ce sont des charismes; c’est-à-dire qu’il n’y a pas cette opposition: d’une part le ministère, comme une chose juridique, et d’autre part, les charismes, comme don prophétique, vivant, spirituel, comme présence de l’Esprit et sa nouveauté. Non! Les ministères sont précisément un don du Ressuscité et sont des charismes, ce sont des articulations de sa grâce; on ne peut pas être prêtre sans être charismatique. Etre prêtre est un charisme. Nous devons — me semble-t-il — toujours garder cela à l’esprit: être appelés au sacerdoce, être appelés par un don du Seigneur, par un charisme du Seigneur. Et ainsi, inspirés par son Esprit, nous devons chercher à vivre notre charisme. Je pense que ce n’est qu’ainsi que l’on peut comprendre que l’Eglise en Occident a lié de façon indissoluble le sacerdoce et le célibat: être dans une existence eschatologique vers l’ultime destination de notre espérance, vers Dieu. Précisément parce que le sacerdoce est un charisme et qu’il doit être également lié à un charisme: s’il n’était pas cela et s’il n’était qu’une chose juridique, il serait absurde d’imposer un charisme qui est un véritable charisme; mais si le sacerdoce même est un charisme, il est normal qu’il coexiste avec le charisme, avec l’état charismatique de la vie eschatologique.

1407 Prions le Seigneur afin qu’il nous qu’il nous aide à comprendre toujours plus cela, à vivre toujours plus dans le charisme de l’Esprit Saint et à vivre ainsi également ce signe eschatologique de la fidélité à l’Unique Seigneur, qui est nécessaire précisément pour notre temps, avec la fragmentation du mariage et de la famille, qui ne peuvent se composer que dans la lumière de cette fidélité à l’unique appel du Seigneur.

Un dernier point. Saint Paul parle de la croissance de l’homme parfait, qui atteint la mesure de la plénitude du Christ: nous ne serons plus des enfants à la merci des vagues, emportés à tout vent de la doctrine (cf. Ep
Ep 4,13-14). «Mais, vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandirons de toutes manières vers Celui qui est la Tête» (Ep 4,15). On ne peut pas vivre dans une enfance spirituelle, dans une enfance de foi: malheureusement, dans notre monde, nous constatons cette enfance. De nombreuses personnes, au delà de la première catéchèse, n’ont pas continué; peut-être ce noyau est-il resté, peut-être a-t-il été détruit. Et, d’ailleurs, ils sont sur les vagues du monde et rien d’autre; ils ne peuvent pas, en tant qu’adultes, avec une compétence et une conviction profonde, exposer et rendre présente la philosophie de la foi — pour ainsi dire — la grande sagesse, la rationalité de la foi, qui ouvre les yeux également des autres, qui ouvre les yeux précisément sur ce qu’il y a de bon et de vrai dans le monde. Le fait d’être adulte fait défaut dans la foi, et il reste l’enfance dans la foi.

Bien sûr, au cours de ces dernières décennies, nous avons vécu également un autre usage de la parole «foi adulte». On parle de «foi adulte», c’est-à-dire émancipée par le Magistère de l’Eglise. Tant que je suis sous la protection de la mère, je suis un enfant, je dois m’émanciper; une fois émancipé du Magistère, je suis finalement adulte. Mais le résultat n’est pas une foi adulte, le résultat est la dépendance des vagues du monde, des opinions du monde, de la dictature des moyens de communication, de l’opinion que tous pensent et veulent. Cela n’est pas la vraie émancipation, l’émancipation de la communion du Corps du Christ! Au contraire, cela signifie tomber sous la dictature des vagues, du vent du monde. La véritable émancipation signifie précisément se libérer de cette dictature, dans la liberté des fils de Dieu qui croient ensemble dans le Corps du Christ, avec le Christ Ressuscité, et voient ainsi la réalité, et sont capables de répondre aux défis de notre temps.

Il me semble que nous devons beaucoup prier le Seigneur, afin qu’il nous aide à être émancipés dans ce sens, libres dans ce sens, avec une foi réellement adulte qui voit, fait voir et peut aider également les autres à atteindre la véritable perfection, le véritable âge adulte, en communion avec le Christ.

Dans ce contexte, il y a la belle expression de l’aletheuein en te agape, être vrais dans la charité, vivre la vérité, être vérité dans la charité: les deux concepts vont ensemble. Aujourd’hui, le concept de vérité est un peu l’objet de soupçons car on allie la vérité avec la violence. Malheureusement, dans l’histoire, il y a eu également des épisodes où l’on cherchait à défendre la vérité au moyen de la violence. Mais les deux sont contraires. La vérité ne s’impose pas par d’autres moyens, mais par elle seule! La vérité ne peut arriver qu’à travers elle-même, la propre lumière. Mais nous avons besoin de la vérité; sans vérité, nous ne connaissons pas les véritables valeurs, et alors comment pourrions-nous ordonner le kosmos des valeurs? Sans vérité, nous sommes aveugles dans le monde, nous n’avons pas de voie. Le grand don du Christ est précisément que nous voyons le Visage de Dieu, et même de façon énigmatique, très insuffisante, nous connaissons le fond, l’essentiel de la vérité dans le Christ, dans son Corps. Et en connaissant cette vérité, nous grandissons aussi dans la charité qui est la légitimation de la vérité et qui nous montre qu’elle est la vérité. Je dirais précisément que la charité est le fruit de la vérité — l’arbre se reconnaît à ses fruits — et s’il n’y a pas de charité, la vérité n’est pas non plus véritablement appropriée, vécue; et là où est la vérité, naît la charité. Grâce à Dieu, nous le voyons à tous les siècles: en dépit des faits négatifs, le fruit de la charité a toujours été présent dans le christianisme et il l’est aujourd’hui! Nous le voyons dans les martyrs, nous le voyons dans les nombreux religieuses, religieux et prêtres qui servent humblement les pauvres, les malades, qui sont la présence de la charité du Christ. Et ainsi, ils sont le grand signe qui est ici la vérité.

Prions le Seigneur afin qu’il nous aide à apporter le fruit de la charité et être ainsi témoins de sa vérité. Merci.

AUX MEMBRES DU CERCLE SAINT-PIERRE Salle des Papes Vendredi 24 février 2012


Discours 2005-2013 1403