Benoît XVI Homélies 9706


SOLENNITÉ DE L'ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE - Mardi 15 août 2006

15806
Paroisse "San Tommaso da Villanova" à Castelgandolfo

Mardi 15 août 2006

Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,

chers frères et soeurs!

Dans le Magnificat - le grand chant de la Vierge que nous venons d'écouter dans l'Evangile - nous trouvons une parole surprenante. Marie dit: "Désormais, toutes les générations me diront Bienheureuse". La Mère du Seigneur prophétise les louanges mariales de l'Eglise pour tout l'avenir, la dévotion mariale du Peuple de Dieu jusqu'à la fin des temps. En louant Marie, l'Eglise n'a pas inventé quelque chose "à côté" de l'Ecriture: elle a répondu à cette prophétie faite par Marie en cette heure de grâce.

Et ces paroles de Marie n'étaient pas seulement des paroles personnelles, arbitraires peut-être. Elisabeth avait, comme le dit saint Luc, poussé un grand cri et dit, remplie de l'Esprit Saint: "Bienheureuse celle qui a cru". Et Marie, elle aussi remplie de l'Esprit Saint, continue et complète ce qu'a dit Elisabeth, en affirmant: "Toutes les générations me diront bienheureuse". Il s'agit d'une véritable prophétie, inspirée par l'Esprit Saint, et l'Eglise, en vénérant Marie, répond à un commandement de l'Esprit Saint, et fait ce qu'elle doit faire. Nous ne louons pas suffisamment Dieu si nous nous taisons sur ses saints, en particulier sur "la Sainte" qui est devenue sa demeure sur la terre, Marie. La lumière simple et multiforme de Dieu ne nous apparaît de manière juste dans sa variété et dans sa richesse que dans le visage des saints, qui sont le véritable miroir de sa lumière. C'est précisément en voyant le visage de Marie que nous pouvons voir, plus que par d'autres moyens, la beauté de Dieu, sa bonté, sa miséricorde. Nous pouvons réellement percevoir la lumière divine sur ce visage.

Toutes les générations me diront Bienheureuse". Nous pouvons louer Marie, vénérer Marie, parce qu'elle est "bienheureuse", bienheureuse pour toujours. Et tel est le contenu de cette Fête. Bienheureuse parce qu'elle est unie à Dieu, qu'elle vit avec Dieu et en Dieu. Le Seigneur, la veille de sa Passion, en prenant congé des siens, a dit: "Je vais vous préparer, dans la grande maison du Père, une demeure. Et il y a de nombreuses demeures dans la maison du Père". Marie, en disant: "Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole", a préparé ici sur la terre la demeure pour Dieu: corps et âme, elle en est devenue la demeure et elle a ainsi ouvert la terre au ciel.

Saint Luc, dans l'Evangile que nous venons d'entendre, à travers différentes allusions, fait comprendre que Marie est la véritable Arche de l'Alliance, que le mystère du Temple - la venue de Dieu ici sur terre - s'accomplit en Marie. Dieu habite réellement en Marie, il devient présent ici sur la terre. Marie devient sa tente. Ce que désirent toutes les cultures - c'est-à-dire que Dieu vienne habiter parmi nous - se réalise ici. Saint Augustin dit: "Avant de concevoir le Seigneur dans le corps, elle l'avait déjà conçu dans l'âme". Elle avait donné au Seigneur l'espace de son âme et elle était ainsi devenue réellement le véritable Temple où Dieu s'est incarné, où il est devenu présent sur cette terre. Et ainsi, en étant la demeure de Dieu sur la terre, en elle est déjà préparée sa demeure éternelle, est déjà préparée cette demeure pour toujours. Et cela est tout le contenu du Dogme de l'Assomption de Marie à la gloire du ciel, corps et âme, exprimé ici dans ces paroles. Marie est "bienheureuse" parce qu'elle est devenue - totalement corps et âme, et pour toujours - la demeure du Seigneur. Si cela est vrai, Marie nous invite non seulement à l'admiration, à la vénération, mais elle nous guide, elle nous montre le chemin de la vie, elle nous montre comment nous pouvons devenir bienheureux, trouver le chemin du bonheur.

Ecoutons encore une fois la parole d'Elisabeth, qui s'achève dans le Magnificat de Marie: "Bienheureuse celle qui a cru". L'acte premier et fondamental pour devenir demeure de Dieu et pour trouver ainsi le bonheur définitif, c'est croire, c'est la foi, la foi en Dieu, la foi en ce Dieu qui s'est montré en Jésus Christ et se fait entendre dans la parole divine de l'Ecriture Sainte. Croire, ce n'est pas ajouter une opinion à d'autres. C'est la conviction, la foi que Dieu existe n'est pas une information comme les autres. Il y a de nombreuses informations dont il nous importe peu qu'elles soient vraies ou fausses, elles ne changent pas notre vie. Mais si Dieu n'existe pas, la vie est vide, l'avenir est vide. Et si Dieu existe, tout est transformé, la vie est lumière, notre avenir est lumière et nous avons une orientation pour savoir comment vivre. C'est pourquoi croire constitue l'orientation fondamentale de notre vie. Croire, dire: "Oui, je crois que Tu es Dieu, je crois que dans le Fils incarné Tu es présent parmi nous", oriente ma vie, me pousse à m'attacher à Dieu, à m'unir à Dieu et ainsi à trouver le lieu où vivre, et la manière de vivre. Et croire n'est pas seulement un type de pensée, une idée; c'est, comme je l'ai déjà suggéré, une manière d'agir, c'est une manière de vivre. Croire signifie suivre la trace qui nous est indiquée par la Parole de Dieu. Marie, en plus de cet acte fondamental de la foi, qui est un acte existentiel, une prise de position pour toute la vie, ajoute une autre parole: "Sa miséricorde s'étend sur ceux qui le craignent". Elle parle, avec toute l'Ecriture, de la "crainte de Dieu". Il s'agit peut-être là d'une parole que nous connaissons peu et que nous n'aimons pas beaucoup. Mais la "crainte de Dieu" n'est pas l'angoisse, c'est tout autre chose. En tant que fils, nous ne ressentons pas d'angoisse à l'égard du Père, mais nous ressentons la crainte de Dieu, la préoccupation de ne pas détruire l'amour sur lequel est placé notre vie. La crainte de Dieu est ce sens de la responsabilité que nous devons ressentir, la responsabilité de la portion du monde qui nous est confiée dans notre vie. La responsabilité de bien administrer cette part du monde et de l'histoire que nous sommes et de servir ainsi à la juste édification du monde, servir à la victoire du bien et de la paix.

"Toutes les générations te diront bienheureuse": cela veut dire que le futur, l'avenir appartient à Dieu, qu'il est entre les mains de Dieu, que Dieu l'emporte. Et ce n'est pas le dragon, qui est si fort et dont parle aujourd'hui la première Lecture, qui l'emporte, le dragon qui est la représentation de tous les pouvoirs de la violence du monde. Ils semblent invincibles, mais Marie nous dit qu'ils ne sont pas invincibles. La Femme - ainsi que nous montrent la première Lecture et l'Evangile - est plus forte parce que Dieu est plus fort. Certes, comparée au dragon, ainsi armé, cette Femme qui est Marie, qui est l'Eglise, apparaît sans défense, vulnérable. Et véritablement, Dieu est vulnérable dans le monde, parce qu'il est l'Amour et que l'amour est vulnérable. Et toutefois, c'est Lui qui a l'avenir entre ses mains: c'est l'amour qui l'emporte non la haine, à la fin, c'est la paix qui l'emporte.
Telle est la grande consolation contenue dans le Dogme de l'Assomption de Marie corps et âme à la gloire du ciel. Rendons grâce au Seigneur de cette consolation, mais envisageons également cette consolation comme un engagement pour nous à nous ranger du côté du bien, de la paix. Et prions Marie, la Reine de la Paix, pour qu'elle aide à la victoire de la paix, aujourd'hui: "Reine de la Paix, prie pour nous". Amen!



VOYAGE APOSTOLIQUE À MUNICH, ALTÖTTING ET RATISBONNE (9-14 SEPTEMBRE 2006)


Messe à Munich le 10 septembre 2006

10096
Esplanade de la "Neue Messe", Munich

Dimanche 10 septembre 2006

Chers frères et saeurs!


Avant tout, je voudrais, une fois de plus, vous saluer tous avec affection: je suis heureux, et je l'ai déjà dit, de pouvoir me trouver à nouveau parmi vous et de célébrer la Messe avec vous. Je suis heureux de pouvoir visiter une fois de plus les lieux qui me sont familiers, qui ont eu une influence déterminante sur ma vie, formant ma pensée et mes sentiments: les lieux dans lesquels j'ai appris à croire et à vivre. C'est l'occasion pour moi de remercier tous ceux - vivants et morts - qui m'ont guidé et m'ont accompagné. Je rends grâce à Dieu pour cette belle patrie et pour les personnes qui l'ont faite devenir ma patrie.

Nous venons d'écouter les trois lectures bibliques que la liturgie de l'Eglise a choisies pour ce dimanche. Toutes trois développent un double thème, qui, au fond, demeure un thème unique, et en accentue - selon les circonstances - tel ou tel aspect. Les trois lectures parlent de Dieu comme centre de la réalité et comme centre de notre vie personnelle. "Voici votre Dieu!" crie le prophète Isaïe dans la première lecture (
Is 35,4). La Lettre de Jacques et le passage évangélique disent à leur façon la même chose. Ils veulent nous guider vers Dieu, nous conduisant ainsi sur le droit chemin de la vie. Mais le thème de "Dieu" est lié au thème social: notre responsabilité réciproque, notre responsabilité pour la suprématie de la justice et de l'amour dans le monde. Cela est exprimé de façon dramatique dans la seconde lecture, dans laquelle Jacques, un proche parent de Jésus, nous parle. Il s'adresse à une communauté dans laquelle commence à apparaître l'orgueil, car dans celle-ci se trouvent également des personnes aisées et distinguées, tandis que l'on court le danger que l'attention au droit des pauvres disparaisse. Dans ses paroles, Jacques laisse entrevoir l'image de Jésus, de ce Dieu qui se fit homme et, tout en étant d'origine davidique, c'est-à-dire royale, devint un homme simple parmi les hommes simples; il ne siégea pas sur un trône, mais à la fin, mourut dans la pauvreté extrême de la Croix. L'amour du prochain, qui est en premier lieu sollicitude pour la justice, est la pierre de touche de la foi et de l'amour de Dieu. Jacques l'appelle "la loi royale" (cf. Jc 2,8) laissant entrevoir la parole préférée de Jésus: la royauté de Dieu, la domination de Dieu. Cela n'indique pas un royaume quelconque qui arrivera un jour ou l'autre, mais cela signifie que Dieu doit devenir à présent la force déterminante de notre vie et de nos actions. C'est ce que nous demandons lorsque nous prions: "Que ton Règne vienne". Nous ne demandons pas quelque chose d'éloigné, dont nous-mêmes ne voulons pas même, au fond, faire l'expérience. Nous prions au contraire pour que la volonté de Dieu détermine à présent notre volonté et qu'ainsi, Dieu règne dans le monde; nous prions donc afin que la justice et l'amour deviennent des forces décisives dans l'ordre du monde. Une telle prière s'adresse naturellement en premier lieu à Dieu, mais ébranle également notre coeur lui-même. Au fond, le voulons-nous vraiment? Sommes-nous en train d'orienter notre vie dans cette direction? Jacques appelle la "loi royale", la loi de la royauté de Dieu, également "loi de la liberté": si tous pensent et vivent selon Dieu, alors, nous devenons tous égaux, nous devenons libres et ainsi naît la véritable fraternité. Isaïe, dans la première lecture, en parlant de Dieu - "Voici votre Dieu!" - parle dans le même temps du salut pour les personnes qui souffrent, et Jacques, en parlant de l'ordre social comme expression indispensable de notre foi, parle logiquement également de Dieu, dont nous sommes les fils.

Mais nous devons à présent tourner notre attention vers l'Evangile qui rapporte la guérison d'un sourd-muet par Jésus. Là aussi, nous rencontrons à nouveau les deux aspects de l'unique thème. Jésus se consacre aux personnes qui souffrent, à celles qui sont exclues de la société. Il les guérit, et, leur ouvrant ainsi la possibilité de vivre et de décider ensemble, il les introduit dans l'égalité et la fraternité. Cela nous concerne évidemment tous: Jésus nous indique à tous la direction de nos actions, la façon dont nous devons agir. Tout cela, cependant, revêt également une autre dimension, que les Pères de l'Eglise ont mise en lumière de façon particulière, et qui nous concerne également aujourd'hui de façon spéciale. Les Pères parlent des hommes et pour les hommes de leur temps. Mais ce qu'ils disent nous concerne d'une façon nouvelle, également nous, hommes modernes. Il n'existe pas seulement la surdité physique, qui isole l'homme en grande partie de la vie sociale. Il existe également un affaiblissement de la capacité auditive à l'égard de Dieu, dont nous souffrons particulièrement à notre époque. Tout simplement, nous n'arrivons plus à l'entendre - trop de fréquences différentes parasitent nos oreilles. Ce que l'on dit de Lui nous semble préscientifique, et ne semble plus adapté à notre temps. Avec l'affaiblissement de la capacité auditive ou même la surdité à l'égard de Dieu, nous perdons naturellement également notre capacité de parler avec Lui ou à Lui. De cette façon, toutefois, nous perdons une perception décisive. Nos sens intérieurs courent le danger de s'éteindre. Avec la disparition de cette perception, l'étendue de notre rapport avec la réalité en général est également limitée de façon drastique et dangereuse. L'horizon de notre vie se réduit de façon préoccupante.

L'Evangile nous raconte que Jésus posa les doigts dans les oreilles du sourd-muet, il mit un peu de sa salive sur la langue du malade, et dit: "Effatà" - "Ouvre-toi!". L'évangéliste a conservé pour nous la parole araméenne originale que Jésus prononça alors, nous ramenant ainsi directement à ce moment. Ce qui y est raconté est une chose unique, et toutefois, n'appartient pas à un passé lointain: Jésus réalise la même chose de façon nouvelle et répétée aujourd'hui aussi. Dans notre Baptême, Il a réalisé sur nous ce geste du toucher et a dit: "Effatà" - "Ouvre-toi!" pour nous rendre capables d'entendre Dieu et pour nous redonner ainsi la possibilité de Lui parler. Mais cet événement, le Sacrement du Baptême, ne possède rien de magique. Le Baptême ouvre un chemin. Il nous introduit dans la communauté de ceux qui sont capables d'écouter et de parler; il nous introduit dans la communion avec Jésus lui-même qui, lui seul, a vu Dieu et a donc pu parler de Lui (cf. Jn 1,18): à travers la foi, Jésus veut partager avec nous sa vision de Dieu, son écoute du Père et son dialogue avec Lui. Le chemin du baptisé doit devenir un processus de développement progressif, dans lequel nous mûrissons dans la vie de communion avec Dieu, parvenant ainsi également à avoir un regard différent sur l'homme et sur la création.

L'Evangile nous invite à nous rendre compte qu'il existe en nous une insuffisance de notre capacité de perception - une carence qu'au début, nous ne ressentons pas comme telle, car tout le reste s'impose précisément par son urgence et sa justesse; car apparemment, tout procède normalement, même si nous n'avons plus d'oreilles ni d'yeux pour Dieu et que nous vivons sans Lui. Mais est-il vrai que tout procède simplement, lorsque Dieu est absent de notre vie et de notre monde? Avant de poser d'autres questions, je voudrais vous faire part de quelques-unes de mes expériences au cours de mes rencontres avec les Evêques du monde entier. L'Eglise catholique en Allemagne fait preuve de grandeur dans ses activités sociales, et sa disponibilité à aider partout où cela apparaît nécessaire. Au cours de leur visite "ad limina", les Evêques, et ces derniers temps ceux d'Afrique, me parlent toujours à nouveau avec gratitude de la générosité des catholiques allemands, et me chargent de me faire l'interprète de leur gratitude - c'est ce que je voudrais faire à présent publiquement. Même les Evêques des Pays baltes, venus avant les vacances, m'ont parlé de la façon dont les catholiques allemands les ont aidés de façon grandiose dans la reconstruction de leurs églises gravement détériorées à cause des décennies de domination communiste. Parfois, toutefois, certains Evêques africains me disent: "Si je présente en Allemagne des projets sociaux, je trouve immédiatement les portes ouvertes. Mais si je viens avec un projet d'évangélisation, je me heurte plutôt à des réserves". Il existe à l'évidence chez certains l'idée que les projets sociaux doivent être promus avec la plus grande urgence, tandis que les affaires qui concernent Dieu ou même la foi catholique, sont des choses plutôt particulières et moins prioritaires. Toutefois, l'expérience de ces Evêques est précisément que l'évangélisation doit avoir la priorité, que le Dieu de Jésus Christ doit être connu, cru et aimé, doit convertir les coeurs, afin que les affaires sociales puissent elles aussi progresser pour que commence la réconciliation, afin que - par exemple - le SIDA puisse être combattu en affrontant véritablement ses causes profondes et en soignant les malades avec toute l'attention et l'amour qui leur sont dus. Le fait social et l'Evangile sont tout simplement indissociables. Là où nous n'apportons aux hommes que des connaissances, le savoir-faire, des capacités techniques et des instruments, nous apportons trop peu. Alors apparaissent très tôt les mécanismes de la violence, et la capacité de détruire et de tuer devient prédominante, elle devient une capacité d'atteindre le pouvoir - un pouvoir qui, un jour ou l'autre, devrait apporter le droit, mais qui n'en sera jamais capable. De cette façon, nous nous éloignons toujours plus de la réconciliation, de l'engagement commun pour la justice et l'amour. Les critères, selon lesquels la technique entre au service du droit et de l'amour disparaissent alors; mais c'est précisément de ces critères que tout dépend: des critères qui ne sont pas seulement des théories, mais qui illuminent le coeur, conduisant ainsi la raison et l'action sur le droit chemin.

Les populations d'Afrique et d'Asie admirent certes les prestations technologiques de l'Occident, ainsi que notre science, mais elles sont effrayées face à cette conception de la raison qui exclut totalement Dieu de la vision de l'homme, en considérant qu'il s'agit de la forme la plus sublime de la raison, qu'il faut enseigner également à leurs cultures. La véritable menace pour leur identité n'est pas selon eux la foi chrétienne, mais le mépris de Dieu et le cynisme qui considère la dérision du sacré comme un droit de la liberté et élève l'utilité au rang de critère suprême pour les futures victoires de la recherche. Chers amis, ce cynisme n'est pas le type de tolérance et d'ouverture culturelle que les peuples attendent et que nous désirons tous! La tolérance dont nous avons un besoin urgent comprend la crainte de Dieu - le respect de ce qui est sacré pour l'autre. Mais ce respect pour ce que les autres considèrent comme sacré présuppose que nous aussi apprenions à nouveau la crainte de Dieu. Ce sens du respect ne peut être régénéré dans le monde occidental que si croît à nouveau la foi en Dieu, si Dieu est à nouveau présent pour nous et en nous.

Nous n'imposons notre foi à personne. Un tel genre de prosélytisme est contraire au christianisme. La foi ne peut se développer que dans la liberté. Mais c'est à la liberté des hommes, à laquelle nous faisons appel de s'ouvrir à Dieu, de le chercher, de lui prêter attention. Nous tous ici réunis demandons au Seigneur de tout notre coeur de prononcer à nouveau son "Effatà!", de guérir la faiblesse de notre ouïe pour Dieu, pour son action et pour sa parole, et de nous rendre capables de voir et d'écouter. Nous lui demandons de nous aider à retrouver la parole de la prière, à laquelle nous invite la Liturgie et dont il nous a enseigné la formule essentielle dans le Notre Père.

Le monde a besoin de Dieu. Nous avons besoin de Dieu. De quel Dieu avons-nous besoin? Dans la première lecture, le prophète s'adresse à un peuple opprimé en disant: "La vengeance de Dieu viendra" (Is 35,4). Nous pouvons facilement deviner comment les personnes s'imaginaient cette vengeance. Mais le prophète lui-même révèle ensuite ce en quoi elle consiste: dans la bonté de Dieu qui guérit. Et nous trouvons l'explication définitive de la parole du prophète dans Celui qui est mort pour nous sur la Croix: en Jésus, le Fils de Dieu incarné qui nous regarde avec tant d'insistance. Sa "vengeance" est la Croix: le "Non" à la violence, "l'amour jusqu'au bout". Tel est le Dieu dont nous avons besoin. Nous ne manquons pas de respect à l'égard des autres religions et cultures, nous n'offensons pas le profond respect pour leur foi, si nous confessons à haute voix et sans détours le Dieu qui a opposé sa souffrance à la violence; qui, face au mal et à son pouvoir, élève sa miséricorde comme limite et dépassement. C'est à Lui que nous adressons notre supplique, afin qu'Il soit parmi nous et qu'il nous aide à être ses témoins crédibles. Amen!


VÊPRES à MUNICH - 10 septembre 2006

10906
Cathédrale de Munich

Dimanche 10 septembre 2006



Chers enfants de la Première Communion!

Chers parents et éducateurs!
Chers frères et soeurs!

La lecture que nous venons d'entendre est un passage du dernier livre des écrits du Nouveau Testament, que l'on appelle l'Apocalypse. Il est permis au voyant de jeter un regard vers le haut, dans le ciel, et vers l'avant, vers l'avenir. Mais, précisément ainsi, il parle également de la terre et du présent, de notre vie. En effet, au cours de notre vie, nous sommes tous en chemin, progressant vers l'avenir. Et nous voulons trouver la bonne voie: découvrir la vie véritable, non pas finir dans une voie sans issue ou dans le désert. Nous ne voulons pas avoir à dire, à la fin: j'ai pris la mauvaise route, ma vie est un échec, elle s'est mal passée. Nous voulons nous réjouir de la vie; nous voulons, comme l'a dit une fois Jésus, "avoir la vie en abondance".

Mais écoutons à présent le voyant de l'Apocalypse.Que nous a-t-il dit dans ce passage qui vient de nous être lu? Il nous parle d'un monde réconcilié. D'un monde dans lequel les hommes "de toutes nations, races, peuples et langues" (
Ap 7,9), sont réunis dans la joie. Alors, nous nous demandons: "Comment cela peut-il se produire? Quelle est la route qui y conduit?". Et bien, la première chose, la plus importante, est: ces personnes vivent avec Dieu; Il a étendu "sur eux sa tente" (Ap 7,15), dit notre Lecture. Et nous nous demandons encore: "Quelle est cette "tente de Dieu"? Où se trouve-t-elle? Comment pouvons-nous y arriver?". Le voyant fait peut-être allusion au premier chapitre de l'Evangile de Jean, où l'on lit: "Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous" (Jn 1,14). Dieu n'est pas loin de nous, dans un lieu très éloigné de l'univers, où personne ne peut arriver. Il a placé sa tente parmi nous: en Jésus, il est devenu l'un de nous, de chair et de sang, comme nous. Telle est sa tente. Et lors de l'Ascension, il n'est pas allé dans un lieu éloigné de nous. Sa tente, Lui-même avec son Corps, reste parmi nous comme l'un de nous. Nous pouvons le tutoyer et parler avec Lui. Il nous écoute et, si nous sommes attentifs, nous entendons également qu'Il nous répond.

Je répète: en Jésus c'est Dieu qui "place sa tente" parmi nous. Mais je répète également: Où cela se passe-t-il précisément? Notre Lecture apporte deux réponses à cette question. Elle dit à propos des hommes réconciliés qu'"ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau" (Ap 7,14). Cela retentit de façon très étrange pour nous. Dans le langage codé du voyant, cela constitue une allusion au Baptême. La parole à propos du "sang de l'Agneau" fait allusion à l'amour de Jésus qu'Il a conservé jusqu'à sa mort sanglante. Cet amour divin et en même temps humain est le bain dans lequel Il nous plonge dans le Baptême - le bain dans lequel il nous lave, nous rendant propres au point d'être dignes de Dieu, de pouvoir vivre en sa compagnie. Cependant, l'acte du Baptême n'est qu'un début. En marchant avec Jésus, dans la foi et dans la vie avec Lui, son amour nous touche pour nous purifier et nous rendre lumineux. Nous avons entendu que, dans le bain de l'amour, les vêtements sont devenus blancs. Dans l'esprit du monde antique, le blanc était la couleur de la lumière. Les vêtements blancs signifient que, dans la foi, nous devenons lumière, nous effaçons les ténèbres, le mensonge, la fausseté, le mal en général, nous devenons des personnes claires, dignes de Dieu. L'habit baptismal, ainsi que celui de la Première communion que vous portez, veulent nous le rappeler et nous dire: grâce à la coexistence avec Jésus et avec la communauté des croyants, avec l'Eglise, deviens toi aussi une personne lumineuse, une personne de vérité et de bonté - une personne de laquelle transparaît la splendeur du bien, de la bonté de Dieu lui-même.

La deuxième réponse à la question "où trouvons-nous Jésus?", nous est à nouveau donnée par le voyant dans son langage codé. Il dit que l'Agneau guide la multitude de personnes de chaque culture et nation aux sources d'eau vive. Sans eau, il n'y a pas de vie. Les personnes dont la patrie côtoyait le désert le savaient bien. Ainsi, l'eau de la source est devenue pour elles le symbole de la vie par excellence. L'Agneau, c'est-à-dire Jésus, guide les hommes aux sources de la vie. L'Ecriture Sainte, à travers laquelle Dieu nous parle et nous dit comment vivre de manière juste, fait partie de ces sources. Mais ces sources possèdent davantage encore: en vérité, la source authentique est Jésus lui-même, en qui Dieu se donne à nous. Et il accomplit cela en particulier dans la sainte Communion, dans laquelle nous pouvons, pour ainsi dire, boire directement à la source de la vie: Il vient à nous et s'unit à chacun de nous. Nous pouvons le constater: à travers l'Eucharistie, le Sacrement de la Communion, se forme une communauté qui dépasse toutes les frontières et embrasse toutes les langues - nous le voyons ici: des Evêques de toutes les langues et de toutes les parties du monde sont présents - à travers la communion se forme l'Eglise universelle, dans laquelle Dieu parle et vit avec nous. C'est de cette façon que nous devons recevoir la Communion: comme une rencontre avec Jésus, avec Dieu lui-même, qui nous guide aux sources de la vie véritable.

Chers parents! Je voudrais vous inviter vivement à aider vos enfants à croire, vous inviter à les accompagner dans leur chemin vers la Première Communion, un chemin qui se poursuit ensuite, à les accompagner sur leur chemin vers Jésus et avec Jésus. Je vous en prie, allez avec vos enfants à l'église pour participer à la célébration eucharistique du dimanche! Vous verrez que cela n'est pas du temps perdu; c'est en revanche ce qui conserve la famille véritablement unie, en lui donnant son centre. Le dimanche devient plus beau, toute la semaine devient plus belle si vous participez ensemble à la liturgie dominicale. Et, s'il vous plaît, priez aussi ensemble à la maison: à table et avant d'aller vous coucher. La prière nous conduit non seulement vers Dieu, mais également l'un vers l'autre. C'est une force de paix et de joie. La vie en famille devient plus joyeuse et acquiert un souffle plus ample, si Dieu y est présent et que l'on ressent sa proximité dans la prière.

Chers professeurs de religion et chers éducateurs! Je vous prie de tout coeur de conserver vivante à l'école la recherche de Dieu, de ce Dieu qui en Jésus Christ s'est rendu visible à nous. Je sais que dans notre monde pluraliste, il est difficile d'établir un discours sur la foi à l'école. Mais il n'est absolument pas suffisant que les enfants et les jeunes n'acquièrent à l'école que des connaissances et des capacités techniques, et non les critères qui donnent aux connaissances et aux capacités une orientation et un sens. Stimulez les élèves pour qu'ils posent des questions non seulement sur telle ou telle chose - ce qui est également positif -, mais qu'ils interrogent en particulier pour savoir "d'où" et "vers où" va notre vie. Aidez-les à se rendre compte que toutes les réponses qui ne parviennent pas jusqu'à Dieu sont trop courtes.

Chers pasteurs d'âmes et vous tous qui exercez des activités d'assistance dans la paroisse, je vous demande de faire tout votre possible pour faire de la paroisse une patrie intérieure pour les hommes - une grande famille, dans laquelle nous vivons en même temps l'expérience de la famille encore plus grande qu'est l'Eglise universelle, en apprenant à travers la liturgie, la catéchèse et toutes les manifestations de la vie paroissiale à marcher ensemble sur le chemin de la vie véritable.

Les trois lieux de la formation - famille, école et paroisse - vont de pair et nous aident à trouver la route vers les sources de la vie; en vérité, chers enfants, chers parents, chers éducateurs, nous tous désirons "la vie en abondance".

Amen.


MESSE À ALTÖTTING - Lundi 11 septembre 2006

11906
Place du Sanctuaire d'Altötting

Lundi 11 septembre 2006

Chers confrères dans le ministère épiscopal et sacerdotal!

Chers frères et soeurs!

Dans la première lecture, dans le Psaume responsorial et dans le passage de l'Evangile de ce jour, nous rencontrons trois fois, de manière toujours différente, Marie, la Mère du Seigneur, comme une personne qui prie. Dans le Livre des Actes, nous la rencontrons au milieu de la communauté des Apôtres, qui se sont réunis au Cénacle et qui invoquent le Seigneur qui est monté au Père, afin qu'il accomplisse sa promesse: "Mais vous, c'est dans l'Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours" (
Ac 1,5). Marie guide l'Eglise naissante dans la prière; elle est presque l'Eglise priante en personne. Et ainsi, avec la grande communauté des saints et comme leur centre, elle se trouve encore aujourd'hui devant Dieu et intercède pour nous, demandant à son fils d'envoyer à nouveau son Esprit dans l'Eglise et dans le monde et de renouveler la face de la terre.

Nous avons répondu à cette lecture en chantant avec Marie la grande louange qu'elle avait entonnée, quand Elisabeth l'appela bienheureuse en raison de sa foi. C'est une prière d'action de grâce, de joie en Dieu, de bénédiction pour ses grandes oeuvres. La teneur de ce chant apparaît immédiatement dans la première parole: "Mon âme magnifie - c'est-à-dire exalte - le Seigneur". Exalter Dieu signifie lui donner une place dans le monde, dans notre propre vie, le laisser entrer dans notre temps et dans notre action: telle est l'essence la plus profonde de la prière véritable. Là où Dieu devient grand, l'homme ne devient pas petit: là, l'homme aussi devient grand et le monde lumineux.

Enfin, dans le passage évangélique Marie adresse à son Fils une demande en faveur de ses amis qui se trouvent en difficulté. A première vue, cela peut apparaître une conversation tout à fait humaine entre Mère et Fils; et, en effet, c'est également un dialogue rempli de profonde humanité. Toutefois, Marie ne s'adresse pas simplement à Jésus comme à un homme, en comptant sur son initiative et sa disponibilité à porter secours. Elle confie une nécessité humaine à son pouvoir - à un pouvoir qui va au-delà de l'habileté et de la capacité humaine. Et ainsi, dans le dialogue avec Jésus, nous la voyons réellement comme une Mère qui demande, qui intercède. Cela vaut la peine d'approfondir un peu plus la compréhension de ce passage évangélique: pour mieux comprendre Jésus et Marie, mais précisément aussi pour apprendre de Marie à prier de manière juste. Marie n'adresse pas une véritable demande à Jésus. Elle dit simplement: "Ils n'ont pas de vin" (Jn 2,3). En Terre Sainte, les noces étaient fêtées pendant une semaine entière; tout le village y participait, et l'on consommait donc de grandes quantités de vin. Or, les époux se trouvent en difficulté, et Marie le dit simplement à Jésus. Elle ne demande pas une chose précise, et encore moins que Jésus exerce son pouvoir, accomplisse un miracle, produise du vin. Elle confie simplement le fait à Jésus et Lui laisse la décision sur la façon de réagir. Nous constatons ainsi deux choses dans les simples paroles de la Mère de Jésus: d'une part, sa sollicitude affectueuse pour les hommes, l'attention maternelle avec laquelle elle perçoit la situation difficile d'autrui; nous voyons sa bonté cordiale et sa disponibilité à aider. Telle est la Mère vers laquelle les fidèles se mettent en pèlerinage depuis des générations, ici à Altötting. C'est à Elle que nous confions nos préoccupations, les nécessités et les situations difficiles. Cette bonté prête à aider de la Mère, à laquelle nous nous confions, c'est ici, dans l'Ecriture Sainte, que nous la voyons pour la première fois. Mais à ce premier aspect très familier à tous s'en ajoute un autre, qui nous échappe facilement: Marie remet tout au jugement du Seigneur. A Nazareth, elle a remis sa volonté, la plongeant dans celle de Dieu: "Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole!" (Lc 1,38). Telle est son attitude permanente de fond. Ainsi, elle nous enseigne à prier: ne pas vouloir affirmer face à Dieu notre volonté et nos désirs, aussi importants et raisonnables qu'ils puissent nous sembler; mais les présenter devant Lui et le laisser décider de ce qu'il veut faire. De Marie, nous apprenons la bonté prête à aider, mais également l'humilité et la générosité d'accepter la volonté de Dieu, en ayant confiance en Lui, certains que sa réponse, quelle qu'elle soit, sera notre bien, mon bien véritable.

Je crois que nous pouvons très bien comprendre l'attitude et les paroles de Marie; il nous est cependant d'autant plus difficile de comprendre la réponse de Jésus. Déjà, l'appellation ne nous plaît pas: "Femme" - pourquoi ne dit-il pas: mère? En réalité, ce titre exprime la position de Marie dans l'histoire du salut. Il renvoie à l'avenir, à l'heure de la crucifixion, où Jésus lui dira: "Femme, voici ton fils - Fils, voici ta mère" (cf. Jn 19,26-27). Il indique donc à l'avance l'heure où Il fera devenir la femme, sa mère, mère de tous ses disciples. D'autre part, ce titre évoque le récit de la création d'Eve: Adam, au milieu de la création et de toute sa richesse, se sent seul, comme être humain. Eve est alors créée, et en elle, il trouve la compagne qu'il attendait et qu'il appelle du nom de "femme". Ainsi, dans l'Evangile de Jean, Marie représente la femme nouvelle, définitive, la compagne du Rédempteur, notre Mère: l'appellation apparemment peu affectueuse exprime en revanche la grandeur de sa mission éternelle.

Mais ce que Jésus dit ensuite à Marie, à Cana, nous plaît encore moins: "Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore arrivée" (Jn 2,4). Nous serions tentés de répondre: Tu as beaucoup à voir avec elle! C'est elle qui t'a donné ta chair et ton sang, ton corps. Et pas seulement ton corps: avec son "oui", provenant du plus profond de son coeur, elle t'a porté dans son sein et, avec amour maternel, elle t'a donné le jour et introduit dans la communauté du peuple d'Israël. Mais si nous parlons ainsi avec Jésus, nous sommes déjà sur la bonne voie pour comprendre sa réponse. Car tout cela doit rappeler à notre esprit que lors de l'incarnation de Jésus, deux dialogues vont de pair et se fondent l'un avec l'autre, devenant une seule chose. Il y a tout d'abord le dialogue que Marie entretient avec l'Archange Gabriel, et dans lequel elle dit: "Qu'il m'advienne selon ta parole!" (Lc 1,38). Mais il existe un texte parallèle à celui-ci, un dialogue, pour ainsi dire, à l'intérieur de Dieu, qui nous est rapporté par la Lettre aux Hébreux, quand il est dit que les paroles du Psaume 40 sont devenues comme un dialogue entre le Père et le Fils - un dialogue dans lequel commence l'incarnation. Le Fils éternel dit au Père: "Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation; mais tu m'as façonné un corps... Voici je viens... pour faire [...] ta volonté" (He 10,5-7 cf. Ps 40,6-8). Le "oui" du Fils: "Je viens pour faire ta volonté", et le "oui" de Marie: "Qu'il m'advienne selon ta parole" - ce double "oui" devient un unique "oui", et ainsi, le Verbe devient chair en Marie. Dans ce double "oui", l'obéissance du Fils prend corps; Marie, avec son "oui" lui donne un corps. "Que me veux-tu, femme?". Ce qu'au plus profond ils ont à voir l'un avec l'autre, c'est ce double "oui", dans la concomitance duquel a eu lieu l'incarnation. C'est ce point de leur très profonde unité que le Seigneur vise à travers sa réponse. C'est précisément là que renvoie la Mère. Là, dans ce "oui" commun à la volonté du Père, se trouve la solution. Nous devons nous aussi apprendre toujours à nouveau à nous acheminer vers ce point; là apparaît la réponse à nos interrogations.

A partir de là, nous comprenons à présent également la deuxième phrase de la réponse de Jésus: "Mon heure n'est pas encore venue". Jésus n'agit jamais seulement de lui-même; jamais pour plaire aux autres. Il agit toujours en partant du Père, et c'est précisément cela qui l'unit à Marie, car c'est là, dans cette unité de volonté avec le Père, qu'elle a voulu elle aussi déposer sa demande. C'est pourquoi, après la réponse de Jésus, qui semble repousser la demande, elle peut dire de manière surprenante aux serviteurs avec simplicité: "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" (Jn 2,5). Jésus n'accomplit pas un prodige, il ne joue pas de son pouvoir dans un événement qui est au fond entièrement privé. Non, il accomplit un signe, avec lequel il annonce son heure, l'heure des noces, l'heure de l'union entre Dieu et l'homme. Il ne "produit" pas simplement du vin, mais il transforme les noces humaines en une image des noces divines, auxquelles le Père invite à travers le Fils et dans lesquelles Il donne la plénitude du bien, représentée dans l'abondance du vin. Les noces deviennent l'image de ce moment, où Jésus pousse l'amour jusqu'à l'extrême, laisse déchirer son corps et se donne ainsi à nous pour toujours, devient une seule chose avec nous - noces entre Dieu et l'homme. L'heure de la Croix, l'heure à laquelle naît le Sacrement dans lequel il se donne réellement à nous en chair et en sang, où il place son Corps entre nos mains et dans notre coeur, telle est l'heure des noces. Ainsi, de manière véritablement divine, est également résolue la nécessité du moment et la demande initiale est largement dépassée. L'heure de Jésus n'est pas encore arrivée, mais dans le signe de la transformation de l'eau en vin, dans le signe du don de fête, il anticipe déjà son heure au moment présent.

Son "heure" est la Croix; son heure définitive sera son retour à la fin des temps. Il anticipe également sans cesse précisément cette heure définitive dans l'Eucharistie, dans laquelle il vient toujours déjà à présent. Et il le fait toujours à nouveau par l'intercession de sa Mère, par l'intercession de l'Eglise, qui l'invoque dans les prières eucharistiques: "Viens, Seigneur Jésus!". Dans le Canon, l'Eglise implore toujours à nouveau cette anticipation de l'"heure", elle demande qu'il vienne déjà à présent et qu'il se donne à nous. Ainsi, nous voulons nous laisser guider par Marie, par la Mère des grâces d'Altötting, par la Mère de tous les fidèles, vers l'"heure" de Jésus. Nous Lui demandons le don de le reconnaître et de le comprendre toujours davantage. Et faisons en sorte que le moment où l'on reçoit ne soit pas seulement limité à celui de la Communion. Il reste présent dans l'Hostie sainte et nous attend sans cesse. L'adoration du Seigneur dans l'Eucharistie a trouvé à Altötting, dans l'antique salle du trésor, un lieu nouveau. Marie et Jésus vont de pair. A travers Elle, nous voulons continuer à dialoguer avec le Seigneur, en apprenant ainsi à mieux le recevoir. Sainte Mère de Dieu, prie pour nous, comme à Cana, tu as prié pour les époux! Guide-nous vers Jésus - toujours à nouveau! Amen!



Benoît XVI Homélies 9706