Discours 2005-2013 1490


REMISE DU « PRIX RATZINGER » 2012 Salle Clémentine Samedi 20 octobre 2012

Galerie photographique




Vénérés frères,
Mesdames et Messieurs,
chers frères et soeurs!

1491 Je suis heureux d’adresser mon salut à vous tous, réunis pour cette cérémonie. Je remercie le cardinal Ruini de son intervention, ainsi que Mgr Scotti qui a introduit la rencontre. Je félicite vivement le professeur Daley et le professeur Brague, qui avec leurs personnalités illustrent cette initiative parvenue à sa seconde édition. Et j’entends le terme «personnalité» au sens plein: le profil de la recherche et de tout le travail scientifique; le précieux service de l’enseignement, que tous les deux exercent depuis de nombreuses années; mais également leur façon d’être, naturellement de manière différente — l’un est jésuite, l’autre un laïc marié —, engagés dans l’Eglise, actifs en offrant leur contribution qualifiée à la présence de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui.

A cet égard, j’ai remarqué quelque chose qui m’a fait réfléchir, à savoir que les deux lauréats de cette année sont compétents et engagés dans deux domaines décisifs pour l’Eglise de notre temps: je fais référence à l’oecuménisme et à la confrontation avec les autres religions. Le père Daley, en étudiant de manière approfondie les pères de l’Eglise, s’est placé à la meilleure école pour connaître et aimer l’Eglise une et indivise, mais avec la richesse de ses différentes traditions; c’est pourquoi il effectue également un service de responsabilité dans les relations avec les Eglises orthodoxes. Le professeur Brague est un grand spécialiste de la philosophie des religions, en particulier juive et islamique au Moyen-Age. Ainsi, à cinquante ans du début du Concile Vatican II, j’aimerais relire avec eux deux documents conciliaires: la Déclaration Nostra aetate sur les religions non chrétiennes et le Décret Unitatis redintegratio sur l'oecuménisme, auxquels j’ajouterai cependant un autre document qui s’est révélé d’une importance extraordinaire: la Déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse. Il serait certainement très intéressant, cher Père et cher professeur, d’écouter vos réflexions et aussi vos expériences dans ces domaines, où se joue une partie importante du dialogue de l’Eglise avec le monde contemporain.

En réalité, cette rencontre idéale et cette confrontation ont déjà lieu en lisant vos publications, qui sont en partie disponibles en différentes langues. Je me dois d’exprimer une satisfaction et une gratitude particulières pour cet effort de communiquer les fruits de ces recherches. Il s’agit d’un engagement qui est exigeant mais précieux pour l’Eglise et ceux qui oeuvrent dans le domaine académique et culturel. A cet égard, je voudrais simplement souligner le fait que les deux lauréats sont des professeurs universitaires, profondément engagés dans l’enseignement. Cet élément mérite d’être souligné, car il révèle un aspect de cohérence dans l’activité de la Fondation, qui, outre le Prix, promeut des bourses d’étude pour des doctorats en théologie et également des congrès d’étude au niveau universitaire, comme celui qui s’est tenu cette année en Pologne, et celui qui aura lieu dans trois semaines à Rio de Janeiro. Des personnalités comme le père Daley et le professeur Brague sont exemplaires pour la transmission d’un savoir qui unit science et sagesse, rigueur scientifique et passion pour l’homme, afin qu’il puisse découvrir l’«art de vivre». Et c’est précisément de personnes qui, à travers une foi éclairée et vécue, rendent Dieu proche et crédible à l’homme d’aujourd’hui, dont nous avons besoin; des hommes qui gardent le regard fixé vers Dieu en puisant à cette source la véritable humanité pour aider celui que le Seigneur place sur notre route à comprendre que le Christ est la voie de la vie; des hommes dont l’intelligence soit illuminée par la lumière de Dieu, pour qu’ils puissent parler également à l’esprit et au coeur des autres. Travailler dans la vigne du Seigneur, où il nous appelle, pour que les hommes et les femmes de notre temps puissent découvrir et redécouvrir le véritable «art de vivre»: telle a été également une grande passion du Concile Vatican II, plus que jamais actuelle dans l’engagement de la nouvelle évangélisation.

Je renouvelle de tout coeur mes félicitations aux lauréats, ainsi qu’au Comité scientifique de la Fondation et à tous les collaborateurs. Merci.

PROJECTION DU FILM DOCUMENTAIRE

"ART ET FOI - VIA PULCHRITUDINIS"

DISCOURS

Salle Paul VI Jeudi 25 octobre 2012


Vénérés frères, Illustres autorités, Mesdames et Messieurs !

Au terme de cette projection, je suis heureux de vous adresser à tous mon salut cordial.

Je salue tout d’abord la délégation polonaise, en particulier les autorités du gouvernement, l’ambassadeur près le Saint-Siège et tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce film.

Je salue le cardinal Bertone, secrétaire d’État, et le cardinal Bertello qui, en tant que président du gouvernorat, a présenté l’initiative — je le remercie et je le félicite, ainsi que la direction des Musées du Vatican. Je salue avec reconnaissance les administrateurs de la société qui ont réalisé et soutenu la production.

Ce n’est pas la première fois que les Musées du Vatican participent à des initiatives qui illustrent le lien entre art et foi, à partir du patrimoine conservé dans les galeries pontificales. Plusieurs expositions ont été réalisées sur ce thème, ainsi que plusieurs productions audiovisuelles. Toutefois, le film que nous avons vu se présente comme une contribution digne d’une référence spéciale, notamment parce qu’il est présenté au début de l’Année de la foi. Cela constitue en effet une contribution spécifique et qualifiée des Musées du Vatican à l’Année de la foi, et cela justifie également le grand engagement apporté à différents niveaux. Comme la partie finale du film le met explicitement en évidence, pour de nombreuses personnes, la visite aux Musées du Vatican représente, au cours de leur voyage à Rome, le plus grand contact, parfois unique, avec le Saint-Siège ; c’est donc une occasion privilégiée pour connaître le message chrétien. On pourrait dire que le patrimoine artistique de la Cité du Vatican constitue une sorte de grande « parabole », à travers laquelle le Pape parle à des hommes et à des femmes de toutes les parties du monde, et donc issus de multiples appartenances culturelles et religieuses, des personnes qui ne liront peut-être jamais l’un de ses discours ou l’une de ses homélies. On en vient à penser à ce que Jésus disait à ses disciples : à vous les mystères du Royaume de Dieu sont expliqués, alors qu’à ceux « qui sont dehors » tout est annoncé « sous l’énigme de paraboles » (cf. Mc 4,10-12). Le langage de l’art est un langage en paraboles, doté d’une ouverture universelle particulière : la « via Pulchritudinis » est une voie capable de guider l’esprit et le coeur vers l’Éternel, de les élever jusqu’aux sommets de Dieu.

1492 J’ai beaucoup apprécié le fait que, dans le film, on fasse plusieurs fois référence à l’engagement des Papes romains pour la conservation et la valorisation du patrimoine artistique ; et également, à l’époque contemporaine, pour un dialogue renouvelé de l’Église avec les artistes. La collection d’art religieux moderne des Musées du Vatican est la démonstration vivante de la fécondité de ce dialogue. Mais pas seulement celle-ci. Tout le grand organisme des Musées du Vatican — il s’agit en effet d’une réalité vivante ! — possède également cette dimension que nous pourrions appeler « évangélisante ». Et ce qui apparaît, c’est-à-dire les oeuvres exposées, présuppose tout un travail qui n’apparaît pas, mais qui est indispensable, pour leur meilleure conservation et jouissance.

Je suis en particulier heureux de rendre hommage à la grande sensibilité pour le dialogue entre art et foi de mon bien-aimé prédécesseur le bienheureux Jean-Paul II : le rôle que la Pologne occupe dans cette production atteste ses mérites dans ce domaine.

Art et foi : un binôme qui accompagne l’Église et le Saint-Siège depuis deux mille ans, un binôme qu’aujourd’hui aussi, nous devons valoriser davantage dans l’engagement d’apporter aux hommes et aux femmes de notre temps l’annonce de l’Évangile, du Dieu qui est Beauté et Amour infini.

Je remercie à nouveau tous ceux qui, de diverses manières, ont collaboré à la réalisation de ce film-documentaire, et je souhaite qu’il suscite chez de nombreuses personnes le désir de mieux connaître cette foi qui sait inspirer de telles et nombreuses oeuvres d’art. Bonne soirée à tous !

AU COURS DE LA DERNIÈRE CONGRÉGATION GÉNÉRALE

DE LA XIIIe ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE DU SYNODE DES ÉVÊQUES Salle du Synode Samedi 27 octobre 2012

Chers frères et soeurs,

Avant de vous remercier, je souhaite encore faire une communication.

Dans le contexte des réflexions du synode des évêques, « La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne », et en conclusion d’un chemin de réflexion sur les thèmes des séminaires et de la catéchèse, j’ai le plaisir d’annoncer que j’ai décidé, après une prière et d'ultérieures réflexions, de transférer la compétence sur les séminaires de la Congrégation pour l’éducation catholique à la Congrégation pour le clergé, et la compétence sur la catéchèse de la Congrégation pour le clergé au Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation.

Suivront les documents relatifs sous forme de Lettre apostolique Motu Proprio pour déterminer les domaines et les facultés respectives. Prions le Seigneur afin qu’il accompagne les trois dicastères de la Curie romaine dans leur importante mission, avec la collaboration de toute l’Église.

Je profite de cette intervention pour exprimer mes voeux les plus cordiaux aux nouveaux cardinaux. J’ai voulu, avec ce petit consistoire, compléter le consistoire de février, précisément dans le contexte de la nouvelle évangélisation, avec un geste exprimant l'universalité de l’Église, montrant que l’Église est l’Église de tous les peuples, parle dans toutes les langues, est toujours l’Église de la Pentecôte ; non pas l’Église d’un continent, mais l’Église universelle. Telle était mon intention, de montrer ce domaine, cette universalité de l’Église ; c’est aussi la belle expression de ce synode. Pour moi cela a été vraiment édifiant, réconfortant et encourageant, de voir ici le miroir de l’Église universelle avec ses souffrances, ses menaces, ses dangers et ses joies, ses expériences de la présence du Seigneur, même dans des situations difficiles.

1493 Nous avons entendu de quelle manière, aujourd’hui aussi, l’Église croît, vit. Je pense par exemple, à ce qui nous a été dit sur le Cambodge où l’Église, la foi naît à nouveau ; ou aussi sur la Norvège, et tant d’autres. Nous voyons comment aujourd’hui aussi, là où l’on ne s’y attendait pas, le Seigneur est présent et puissant et le Seigneur oeuvre également à travers notre travail et nos réflexions.

Même si l’Église sent des vents contraires, elles sent surtout le vent de l’Esprit Saint qui nous aide, nous montre la vraie voie ; et ainsi, avec un nouvel enthousiasme, il me semble, nous sommes en chemin et nous rendons grâce au Seigneur pour cette rencontre vraiment catholique.

Je vous remercie tous: les pères synodaux, les auditeurs, avec leurs témoignages souvent vraiment très émouvants, les experts, les délégués fraternels qui nous ont aidés ; et nous savons que nous voulons tous annoncer le Christ et son Évangile et lutter, en ces temps difficiles, pour la présence de la vérité du Christ et pour son annonce.

Je veux surtout remercier nos présidents qui nous ont guidés avec douceur et décision, les rapporteurs qui ont travaillé jour et nuit. Je pense toujours qu’il est un peu contraire au droit naturel de travailler aussi la nuit, mais s’ils le font volontairement, nous pouvons les remercier et leur exprimer notre gratitude ; et naturellement, notre secrétaire général, infatigable et riche d’idées.

Maintenant ces Propositiones sont un testament, un don, qui m’est fait à moi pour nous, pour élaborer un document qui vient de la vie et devrait engendrer la vie. Espérons et prions pour cela ; dans tous les cas, allons de l’avant avec l’aide du Seigneur. Merci à vous tous. Avec nombre d’entre vous nous nous reverrons en novembre — je pense au consistoire. Merci.
CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES À L'OCCASION DU 500e ANNIVERSAIRE

DE L'INAUGURATION DE LA VOÛTE DE LA CHAPELLE SIXTINE

PAROLES Chapelle Sixtine, Solennité de la Toussaint Mercredi 31 octobre 2012

[Vidéo]

Vénérés frères, chers frères et soeurs !

En cette liturgie des premières Vêpres de la solennité de la Toussaint, nous commémorons l’acte à travers lequel, il y a 500 ans, le Pape Jules II inaugura la fresque de la voûte de cette chapelle Sixtine. Je remercie le cardinal Bertello pour les paroles qu’il m’a adressées et je salue cordialement toutes les personnes présentes.

1494 Pourquoi rappeler cet événement historique et artistique dans une célébration liturgique ? Avant tout parce que la chapelle Sixtine est, de par sa nature, une salle liturgique, c’est la Cappella magna du Palais apostolique du Vatican. En outre, parce que les oeuvres d’art qui la décorent, en particulier les cycles de fresques, trouvent pour ainsi dire dans la liturgie leur milieu vital, le contexte dans lequel elles expriment au mieux toute leur beauté, toute la richesse et l’importance de leur signification. C’est comme si, au cours de l’action liturgique, toute cette symphonie de figures prenait vie, dans un sens certainement spirituel, mais de façon inséparable également esthétique, parce que la perception de la forme artistique est un acte typiquement humain et, en tant que tel, il touche les sens et l’esprit. En peu de mots, la chapelle Sixtine, contemplée dans la prière, est encore plus belle, plus authentique ; elle se révèle dans toute sa richesse.

Ici, tout vit, tout retentit au contact de la Parole de Dieu. Nous avons écouté le passage de la Lettre aux Hébreux : « Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, et de myriades d’anges, réunion de fête... » (12, 22-23). L’auteur s’adresse aux chrétiens et explique que pour eux se sont réalisées les promesses de l’Ancienne Alliance : une fête de communion qui a pour centre Dieu, et Jésus, l’Agneau immolé et ressuscité (cf. vv. 23-24). Nous voyons toute cette dynamique de promesse et d’accomplissement représentée ici dans les fresques des murs latéraux, oeuvre des grands peintres d’Ombrie et de Toscane de la deuxième moitié du XVe siècle. Et quand le texte biblique poursuit en disant que nous nous sommes approchés « de l’assemblée des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux, d’un Dieu Juge universel, et des esprits des justes qui ont été rendus parfaits » (v. 23), notre regard s’élève vers le Jugement dernier de Michel-Ange, où le fond bleu du ciel, rappelé dans le manteau de la Vierge Marie, donne une lumière et une espérance à la vision tout entière, très dramatique. « Christe, redemptor omnium, / conserva tuos famulos, / beatae semper Virginis / placatus sanctis precibus » — chante la première strophe de l’hymne latin de ces Vêpres. Et c’est précisément ce que nous voyons : le Christ rédempteur au centre, couronné par ses saints, et auprès de Lui Marie, dans un acte d’intercession suppliante, comme si elle voulait adoucir le terrible jugement.

Mais ce soir, notre attention se tourne principalement vers la grande fresque de la voûte, que Michel-Ange, sur une commande de Jules II, réalisa en quatre ans environ, de 1508 à 1512. Le grand artiste, déjà célèbre pour ses chefs-d’oeuvre de sculpture, affronta cette entreprise de peindre plus de mille mètres carrés de surface, et nous pouvons imaginer que l’effet produit sur ceux qui la virent pour la première fois achevée dût être véritablement impressionnant. De cette immense fresque s’est abattu sur l’histoire de l’art italien et européen — dira Wölfflin en 1899 à travers une belle métaphore désormais célèbre — quelque chose de comparable à un « violent torrent de montagne porteur de bonheur et, en même temps, de destruction » : rien ne fut plus comme avant. Giorgio Vasari, dans un célèbre passage des Vies d’artistes, écrit de façon très efficace : « Cette oeuvre a été et est véritablement la lampe à huile de notre art, qui a apporté tant de bienfaits et de lumière à l’art de la peinture qu’elle a suffi à illuminer le monde ».

Lampe à huile, lumière, illuminer ; trois mots de Giorgio Vasari qui auront été proches du coeur de ceux qui étaient présents à la célébration des Vêpres ce 31 octobre 1512. Mais il ne s’agit pas seulement de la lumière qui vient de l’utilisation savante de la couleur riche de contrastes, ou du mouvement qui anime le chef-d’oeuvre de Michel-Ange, mais de l’idée qui parcourt la grande voûte : c’est la lumière de Dieu qui illumine ces fresques et toute la chapelle papale. Cette lumière qui avec sa puissance vainc le chaos et l’obscurité pour donner vie : dans la création et dans la rédemption. Et la chapelle Sixtine raconte cette histoire de lumière, de libération, de salut, elle parle du rapport de Dieu avec l’humanité. Avec la voûte géniale de Michel-Ange, le regard est poussé à reparcourir le message des prophètes, auquel s’ajoute les sybilles païennes dans l’attente du Christ, jusqu’à l’origine de tout : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (
Gn 1,1). Avec une intensité expressive unique, le grand artiste dessine le Dieu Créateur, son action, sa puissance, pour dire avec évidence que le monde n’est pas le produit de l’obscurité, du hasard, de l’absurde, mais qu’il dérive d’une Intelligence, d’une Liberté, d’un acte suprême d’Amour. Dans cette rencontre entre le doigt de Dieu et celui de l’homme, nous percevons le contact entre le ciel et la terre ; en Adam, Dieu entre dans une relation nouvelle avec sa création, l’homme est en relation directe avec Lui, il est appelé par Lui, il est à l’image et ressemblance de Dieu.

Vingt ans après, dans le Jugement dernier, Michel-Ange conclura la grande parabole du chemin de l’humanité, en poussant le regard vers l’accomplissement de cette réalité du monde et de l’homme, vers la rencontre définitive avec le Christ Juge des vivants et des morts.

Prier ce soir dans cette chapelle Sixtine, entourés par l’histoire du chemin de Dieu avec l’homme, admirablement représentée dans les fresques qui nous surplombent et nous entourent, est une invitation à la louange, une invitation à élever au Dieu créateur, rédempteur et juge des vivants et des morts, avec tous les saints du Ciel, les paroles du cantique de l’Apocalypse : « Amen, alleluia !... [...] Louez notre Dieu, vous tous qui le servez, et vous qui le craignez, les petits et les grands ! [...] Alleluia ! Soyons dans l’allégresse et dans la joie, rendons gloire à Dieu » (19, 4a.5.7a). Amen.
Novembre 2012


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES Salle Clémentine Jeudi 8 novembre 2012



Excellences, Mesdames et Messieurs,

Je salue les membres de l’Académie pontificale des sciences à l’occasion de cette assemblée plénière, et j’exprime ma gratitude à votre président, le professeur Werner Arber, pour les paroles cordiales de salut qu’il m’a adressées en votre nom. Je suis également heureux de saluer S.Exc. Mgr Marcelo Sánchez Sorondo, votre chancelier, et je le remercie pour l’important travail qu’il accomplit pour vous.

1495 La session plénière actuelle, sur le thème : « Complexité et analogie dans la science : aspects théoriques, méthodologiques et épistémologiques », concerne un sujet important qui ouvre une série de perspectives indiquant une nouvelle vision de l’unité des sciences. En effet, les découvertes et les progrès importants de ces dernières années nous invitent à considérer la grande analogie entre la physique et la biologie qui se manifeste clairement chaque fois que nous parvenons à une plus grande compréhension de l’ordre naturel. S’il est vrai que certaines des nouvelles notions obtenues de cette façon peuvent également nous permettre de tirer des conclusions sur les processus du passé, cette extrapolation souligne également la grande unité de la nature dans la structure complexe de l’univers et le mystère de la place que l’homme y occupe. La complexité et la grandeur de la science contemporaine dans tout ce qu’elle permet à l’homme de savoir sur la nature a des répercussions directes sur les êtres humains. Seul l’homme peut constamment étendre sa connaissance de la vérité et l’ordonner de façon sage pour son bien et celui de son environnement.

Dans vos débats, vous vous êtes efforcés d’examiner, d’une part, la dialectique en cours sur l’expansion constante de la recherche, des méthodes et des spécialisations scientifiques et, d’autre part, la recherche d’une vision globale de cet univers dans lequel les êtres humains, dotés d’intelligence et de liberté, sont appelés à comprendre, aimer, vivre et travailler. À notre époque, la disponibilité de puissants instruments de recherche et le potentiel de mener des expériences hautement complexes et précises ont permis aux sciences naturelles de s’approcher des fondements mêmes de la réalité corporelle en tant que telle, même si elles n’arrivent pas à comprendre entièrement sa structure unifiante et son unité ultime. La succession infinie et l’intégration patiente de diverses théories, où les résultats obtenus servent à leur tour de présupposés pour une nouvelle recherche, témoignent toutes deux de l’unité du processus scientifique et de l’élan constant des scientifiques vers une compréhension plus appropriée de la vérité de la nature et une vision plus inclusive de celle-ci. Par exemple, nous pouvons penser ici aux efforts de la science et de la technologie en vue de réduire les diverses formes d’énergie à une force fondamentale élémentaire, qui semble à présent être mieux exprimée dans l’approche naissante de la complexité comme base pour des modèles explicatifs. Si cette force fondamentale ne semble plus être si simple, cela invite les chercheurs à élaborer une formulation plus vaste, capable d’englober à la fois les systèmes les plus simples et les plus complexes.

Une telle approche interdisciplinaire de la complexité montre également que les sciences ne sont pas des mondes intellectuels séparés les uns des autres et de la réalité, mais plutôt qu’elles sont liées et orientées vers l’étude de la nature en tant que réalité unifiée, intelligible et harmonieuse dans sa complexité indubitable. Une telle vision possède des points de contact féconds avec la vision de l’univers adoptée par la philosophie et la théologie chrétiennes, avec sa notion d’être participant, dans laquelle chaque créature individuelle, dotée d’une perfection propre, partage également une nature spécifique et cela au sein d’un univers ordonné trouvant son origine dans la Parole créatrice de Dieu. C’est précisément cette organisation « logique » et « analogique » intrinsèque de la nature qui encourage la recherche scientifique et qui conduit l’esprit humain à découvrir la coparticipation horizontale entre les êtres et la participation transcendante de la part de l’Être Premier. L’univers n’est ni le chaos, ni le résultat du chaos, mais il apparaît toujours plus clairement comme une complexité ordonnée qui nous permet de nous élever à travers l’analyse comparative et l’analogie, de la spécialisation vers un point de vue plus universalisant et inversement. Si les tout premiers moments de l’univers et de la vie échappent encore à l’observation scientifique, la science se trouve toutefois à réfléchir sur un vaste ensemble de processus qui révèlent un ordre de constantes et de correspondances évidentes et sert de composante essentielle de la création permanente.

C’est dans ce contexte plus vaste que je voudrais souligner combien l’utilisation de l’analogie s’est révélée fructueuse pour la philosophie et la théologie, pas simplement comme instrument d’analyse horizontale des réalités de la nature, mais également comme encouragement à la pensée créative sur un niveau transcendant plus élevé. Précisément en raison de la notion de création, la pensée chrétienne a employé l’analogie non seulement pour la recherche sur les réalités terrestres, mais également comme moyen de s’élever de l’ordre créé à la contemplation de son Créateur, avec le respect dû pour le principe selon lequel la transcendance de Dieu implique que toute similarité avec ses créatures comporte nécessairement une plus grande dissimilitude : tandis que la structure de la créature est celle d’être un être par participation, celle de Dieu est d’être un être par essence, ou Esse subsistens. Dans la grande entreprise humaine de chercher à dévoiler les mystères de l’homme et de l’univers, je suis convaincu du besoin urgent d’un dialogue constant et d’une coopération entre les mondes de la science et de la foi pour édifier une culture du respect de l’homme, pour la dignité et pour la liberté humaine, pour l’avenir de notre famille humaine et pour le développement durable à long terme de notre planète. Sans cette interaction nécessaire, les grandes questions de l’humanité quittent le domaine de la raison et de la vérité, et sont abandonnées à l’irrationnel, au mythe, ou à l’indifférence, au grand détriment de l’humanité elle-même, de la paix dans le monde et de notre destin ultime.

Chers amis, tandis que je conclus ces réflexions, je voudrais attirer votre attention sur l’Année de la foi que l’Église célèbre en commémoration du cinquantième anniversaire du Concile Vatican ii. En vous remerciant pour la contribution spécifique au renforcement des relations entre raison et foi, je vous assure de mon profond intérêt pour vos activités et de mes prières pour vous et pour vos familles. J’invoque sur vous tous d’abondantes Bénédictions de sagesse, de joie et de paix de Dieu tout-puissant.

AUX PARTICIPANTS À LA 81e ASSEMBLÉE GÉNÉRALE D'INTERPOL

Salle Paul VI Vendredi 9 novembre 2012

Illustres Autorités,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir au terme de l’Assemblée générale d’Interpol, qui a réuni à Rome les représentants des organismes de police et de sécurité et les représentants de la politique et des Institutions des 190 États membres, parmi lesquelles, depuis 2008, se trouve aussi l’État de la Cité du Vatican. Je vous salue tous cordialement, et à travers vous, je désire adresser mon salut déférent aux personnalités institutionnelles de vos pays et à tous vos concitoyens, pour la sécurité desquels vous oeuvrez avec professionnalisme et esprit de service. En particulier, je salue les ministres – le ministre de l’intérieur de la République italienne, qui s’est adressé à nous – et les membres des gouvernements qui ont tenu à être présents, le président d’Interpol et le secrétaire général, que je remercie pour les salutations qu’il nous a présentées.

Au cours de ces journées d’étude et de confrontation, vous avez porté votre attention sur le développement de la coopération internationale dans la lutte contre la criminalité. Il est en effet important d’accroître la collaboration et l’échange d’expériences au moment où, au niveau mondial, nous assistons à une extension des sources de violence provoquées par des phénomènes transnationaux qui freinent le progrès de l’humanité. Parmi eux, l’évolution de la violence criminelle constitue un aspect particulièrement préoccupant pour l’avenir du monde. Non moins important est le fait que cet effort de réflexion associe les responsables politiques de la sécurité et de la justice, les organismes judiciaires et les forces de l’ordre, de façon à ce que chacun selon sa compétence, puisse accomplir un travail efficace favorisé par un échange constructif. En effet, les instances politiques, sur la base du travail des forces de l’ordre, peuvent identifier plus aisément les principales évolutions émergentes en référence aux risques pour la société, et, par conséquent, sont à même de pouvoir donner les orientations législatives et opérationnelles adéquates dans le domaine de l’opposition à la criminalité.

1496 À notre époque, la famille humaine souffre à cause de nombreuses violations du droit et de la légalité, qui aboutissent dans de nombreux cas à des faits de violence et à des actes criminels. C’est pourquoi, il est nécessaire de protéger les individus et les communautés par un engagement constant et renouvelé et à l’aide d’instruments adaptés. À ce sujet, la fonction d’Interpol, que nous pouvons définir comme un instrument de sécurité internationale, revêt une importance remarquable en vue de la réalisation du bien commun, parce qu’une société juste exige aussi l’ordre et le respect des règles nécessaires à une vie en commun civile, pacifique et sereine. Je sais que certains parmi vous accomplissent leur devoir dans des conditions quelquefois d’extrême danger et risquent leur vie pour protéger celle des autres et permettre la construction de cette vie en commun sereine.

Nous sommes conscients qu’aujourd’hui la violence se manifeste sous des formes nouvelles. À la fin de “la guerre froide” entre les deux blocs de l’ouest et de l’est, sont nées de grandes espérances, spécialement là où une forme de violence politique institutionnalisée a été arrêtée par des mouvements pacifiques qui revendiquaient la liberté des peuples. Toutefois, bien que certaines formes de violence semblent diminuer, spécialement le nombre des conflits militaires, il en existe d’autres qui se développent, comme la violence criminelle, responsable chaque année de la plus grande partie des décès par mort violente dans le monde. Aujourd’hui, ce phénomène est si dangereux qu’il constitue un grave facteur de déstabilisation de la société et, parfois, met à dure épreuve la suprématie même de l’État.

L’Église et le Saint-Siège encouragent tous ceux qui s’emploient à combattre cette plaie de la violence et du crime, dans notre réalité qui ressemble toujours plus à un “village global”. Les formes les plus graves des activités criminelles peuvent être identifiées dans le terrorisme et dans la criminalité organisée. Le terrorisme, une des formes les plus brutales de la violence, sème la haine, la mort, le désir de vengeance. Ce phénomène, à partir d’une stratégie subversive typique de certaines organisations extrémistes visant à la destruction et au meurtre, s’est transformé en un réseau obscur de complicités politiques, en utilisant aussi des moyens techniques sophistiqués, des ressources financières considérables et en élaborant des projets à vaste échelle (cf. Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, n. 513). De son côté, la criminalité organisée prolifère dans les lieux de la vie quotidienne et agit et frappe souvent dans l’obscurité, en dehors de toute règle ; elle réalise ses affaires au moyen de nombreuses activités illicites et immorales, comme la traite des personnes – une forme moderne d’esclavage – les trafics de biens ou de substances, telles la drogue, les armes, les marchandises contrefaites, jusqu’au trafic de médicaments, utilisés en grande partie par les pauvres, médicaments qui tuent au lieu de soigner. Ce commerce illicite devient encore plus exécrable quand il concerne les organes humains de victimes innocentes : elles subissent des drames et des outrages que nous espérions dépassés pour toujours depuis les tragédies du XXe siècle, mais qui malheureusement, réapparaissent à travers les violences générées par les activités criminelles de personnes et d’organisations sans scrupules. Ces crimes brisent les barrières morales progressivement érigées par la civilisation et proposent une nouvelle forme de barbarie qui nie l’homme et sa dignité.

Chers amis, la rencontre d’aujourd’hui avec vous, agents de la police internationale, m’offre l’opportunité de rappeler une fois encore que la violence, sous ses diverses formes terroristes et criminelles, est toujours inacceptable, parce qu’elle blesse profondément la dignité humaine et constitue une offense à l’humanité entière. C’est donc un devoir de réprimer le crime, dans un cadre de règles morales et juridiques, car l’action contre la criminalité doit toujours être conduite dans le respect des droits de l’homme et des principes d’un État de droit. En effet, la lutte contre la violence doit certainement viser à endiguer le crime et à défendre la société, mais doit aussi viser au repentir et à la correction du criminel, qui demeure toujours une personne humaine, sujet de droits inaliénables et comme tel, ne doit pas être exclu de la société mais doit être récupéré. En même temps, la collaboration internationale contre la criminalité ne peut se limiter seulement à des opérations de police. Il est essentiel que même l’oeuvre répressive nécessaire soit accompagnée d’une courageuse et lucide analyse des motivations sous-jacentes à de telles actions criminelles inacceptables ; il convient de prêter une attention spéciale aux facteurs d’exclusion sociale et d’indigence qui persistent dans la population et constituent un véhicule de la violence et de la haine. Un engagement particulier sur le plan politique et pédagogique est aussi nécessaire pour résoudre les problèmes qui peuvent alimenter la violence, et pour favoriser les conditions afin qu’elle ne naisse ni se développe.

C’est pourquoi, la réaction contre la violence et contre le crime ne peut être déléguée aux seules forces de l’ordre, mais demande la participation de tous les sujets qui peuvent influer sur ce phénomène. Vaincre la violence est un engagement qui doit impliquer non seulement les institutions et les organismes concernés, mais la société dans son ensemble : les familles, les agences éducatives parmi lesquelles l’école et les réalités religieuses, les moyens de communication sociale et chacun des citoyens. Chacun a sa part spécifique de responsabilité pour un avenir de justice et de paix.

Je renouvelle aux dirigeants et à l’ensemble d’Interpol l’expression de ma gratitude pour son action, qui n’est pas toujours facile ni comprise par tous dans sa juste finalité. Ma pensée reconnaissante ne peut manquer de souligner l’appréciable collaboration qu’Interpol offre à la Gendarmerie de l’État de la Cité du Vatican, spécialement à l’occasion de mes voyages internationaux. Que Dieu tout puissant et miséricordieux vous éclaire dans l’exercice de vos responsabilités, qu’il vous soutienne dans votre service à la collectivité, vous protège vous et vos collaborateurs et vos familles. Je vous remercie de votre présence. Que le Seigneur vous bénisse !


Discours 2005-2013 1490