Discours 2005-2013 1523

1523 Avec ces souhaits, je désire vous présenter mes voeux pour la nouvelle année, ainsi qu’à vos familles, que je recommande toutes à la protection maternelle de la Très Sainte Vierge, afin qu’elle intercède auprès de son Fils divin pour obtenir pour vous la prospérité, la paix, la concorde et pour vous protéger de tout danger. Que vous accompagne également ma Bénédiction apostolique que je donne de tout coeur à vous tous.



À LA DÉLÉGATION OECUMÉNIQUE DE FINLANDE, À L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT HENRI Jeudi 17 janvier 2013



Eminence,
Excellences,
chers amis,

Une fois de plus, je suis heureux d’accueillir votre délégation oecuménique à l’occasion de sa visite annuelle à Rome pour la fête de saint Henri, patron de la Finlande. Il est heureux que notre rencontre ait lieu la veille de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, dont le thème cette année est tiré du Livre du prophète Michée: «Que nous demande le Seigneur?» (cf. Mi Mi 6,6-8).

Le prophète explique naturellement ce que le Seigneur nous demande: c’est «d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec notre Dieu» (v. 8). Le temps de Noël que nous venons de célébrer nous rappelle que c’est Dieu qui, depuis le début, a marché avec nous et qui, dans la plénitude des temps, s’est fait chair pour nous sauver de nos péchés et pour guider nos pas sur la voie de la sainteté, de la justice et de la paix. Marcher humblement en présence du Seigneur, dans l’obéissance à sa parole salvifique et la confiance dans son dessein de grâce, est une image éloquente non seulement de la vie de la foi, mais également de notre itinéraire oecuménique sur la voie vers la pleine et visible unité de tous les chrétiens. Sur ce chemin de discipolat, nous sommes appelés à marcher ensemble sur la voie étroite de la fidélité à la volonté souveraine de Dieu, en affrontant toutes les difficultés et les obstacles que nous pourrions rencontrer.

Avancer sur la voie de la communion oecuménique exige donc que nous devenions toujours plus unis dans la prière, toujours plus engagés dans la poursuite de la sainteté, et toujours plus investis dans les domaines de la recherche théologique et de la coopération au service d’une société juste et fraternelle. Sur ce chemin d’oecuménisme spirituel, nous marchons véritablement avec Dieu et les uns avec les autres dans la justice et dans l’amour (cf. Mi Mi 6,8) car, comme l’affirme la déclaration conjointe sur la doctrine de la justification: «Nous sommes acceptés par Dieu et nous recevons l’Esprit Saint qui renouvelle nos coeurs, nous habilite et nous appelle à accomplir des oeuvres bonnes» (n. 15).

Chers amis, je souhaite que votre visite à Rome contribue à renforcer les relations oecuméniques entre tous les chrétiens en Finlande. Rendons grâce à Dieu pour tout ce qui a été fait jusqu’à présent et prions pour que l’Esprit de vérité guide les disciples du Christ dans votre pays vers un amour et une unité toujours plus grands, alors qu’ils s’efforcent de vivre à la lumière de l’Evangile et d’apporter cette lumière aux grandes questions morales auxquelles doit faire face notre société aujourd’hui. En marchant ensemble avec humilité le long de la voie de la justice, de la miséricorde et de la rectitude que nous a indiquée le Seigneur, les chrétiens non seulement demeureront dans la vérité, mais seront également des phares de joie et d’espérance pour tous ceux qui recherchent un point de référence certain dans notre monde en rapide mutation. Au début de cette Nouvelle Année, je vous assure de ma proximité dans la prière. Sur vous tous j’invoque cordialement la sagesse, la grâce et la paix de Jésus Christ notre Rédempteur.




AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DUN CONSEIL PONTIFICAL « COR UNUM » Salle du Consistoire Samedi 19 janvier 2013



Chers amis,

1524 Je vous souhaite la bienvenue avec affection et avec joie, à l’occasion de l’assemblée plénière du Conseil pontifical Cor Unum. Je remercie son président, le cardinal Robert Sarah, de ses paroles et j’adresse mon salut cordial à chacun de vous, en l’étendant idéalement à tous ceux qui travaillent dans le service de la charité de l’Eglise. Avec le récent motu proprio Intima Ecclesiae natura, j’ai voulu réaffirmer le sens ecclésial de votre activité. Votre témoignage peut ouvrir la porte de la foi à de nombreuses personnes qui cherchent l’amour du Christ. Ainsi, en cette Année de la foi, le thème «Charité, nouvelle éthique et anthropologie chrétienne», que vous traitez, reflète le lien profond entre amour et vérité ou, si l’on préfère, entre foi et charité. Tout l’ethos chrétien reçoit en effet son sens de la foi comme «rencontre» avec l’amour du Christ, qui offre un nouvel horizon et imprime à la vie sa direction décisive (cf. Enc. Deus caritas est ). L’amour chrétien trouve son fondement et sa forme dans la foi. En rencontrant Dieu et en faisant l’expérience de son amour, nous apprenons «à ne plus vivre pour nous-mêmes, mais pour Lui et avec Lui pour les autres» (ibid. n. 33).

A partir de ce rapport dynamique entre foi et charité, je voudrais réfléchir sur un point, que j’appellerais la dimension prophétique que la foi insuffle à la charité. L’adhésion croyante à l’Evangile imprime en effet à la charité sa forme typiquement chrétienne et en constitue le principe de discernement. Le chrétien, en particulier celui qui travaille dans les organismes de charité, doit se laisser orienter par les principes de la foi, à travers laquelle nous adhérons au «point de vue de Dieu», à son projet sur nous (cf. Enc. Caritas in veritate ). Ce nouveau regard sur le monde et sur l’homme offert par la foi fournit également le critère correct d’évaluation des expressions de charité, dans le contexte actuel.

A chaque époque, quand l’homme n’a pas recherché ce projet, il a été victime de tentations culturelles, qui ont fini par le rendre esclave. Au cours des derniers siècles, les idéologies qui exaltaient le culte de la nation, de la race, de la classe sociale se sont révélées de véritables idolâtries; et on peut en dire tout autant du capitalisme sauvage avec son culte du profit, qui a engendré des crises, des inégalités et la misère. Aujourd’hui, on partage toujours davantage un sentiment commun à propos de la dignité inaliénable de chaque être humain et de la responsabilité réciproque et interdépendante envers celui-ci; et cela au bénéfice de la véritable civilisation, la civilisation de l’amour. D’autre part, hélas, notre époque connaît aussi des ombres qui voilent le projet de Dieu. Je fais surtout référence à une tragique réduction anthropologique qui repropose l’antique matérialisme hédoniste, auquel s’ajoute cependant un «prométhéisme technologique». De l’association entre une vision matérialiste de l’homme et le grand développement de la technologie naît une anthropologie qui est au fond athée. Celle-ci présuppose que l’homme soit réduit à des fonctions autonomes, l’esprit au cerveau, l’histoire humaine à un destin d’autoréalisation. Tout cela en faisant abstraction de Dieu, de la dimension proprement spirituelle et de l’horizon ultra-terrestre. Dans la perspective d’un homme privé de son âme, et donc d’une relation personnelle avec le Créateur, ce qui est techniquement possible devient moralement licite, toute expérience est acceptable, toute politique démographique permise, toute manipulation légitimée. Le piège le plus terrible de ce courant de pensée est en fait l’absolutisation de l’homme: l’homme veut être ab-solutus, libéré de tout lien et de toute constitution naturelle. Il prétend être indépendant et pense que dans la seule affirmation de soi réside son bonheur. «L’homme conteste sa propre nature ... L’être humain désormais existe seulement dans l’abstrait, qui ensuite, de façon autonome, choisit pour soi quelque chose comme sa nature» (Discours à la Curie romaine, 21 décembre 2012). Il s’agit d’une négation radicale de la condition de créature de l’homme, qui finit dans une solitude dramatique.

La foi et le sain discernement chrétien nous incitent donc à prêter une attention prophétique à cette problématique éthique et à la mentalité qui lui est sous-jacente. La juste collaboration avec les instances internationales dans le domaine du développement et de la promotion humaine, ne doit pas nous faire fermer les yeux face à ces graves idéologies, et les pasteurs de l’Eglise — qui est «le pilier et le soutien de la vérité» (
1Tm 3,15) — ont le devoir de mettre en garde contre ces dérives, aussi bien les fidèles catholiques que chaque personne de bonne volonté et de raison intègre. Il s’agit en effet d’une dérive négative pour l’homme, même si elle se cache derrière des bons sentiments, au nom d’un prétendu progrès, ou de prétendus droits, ou d’un prétendu humanisme. Face à cette réduction anthropologique, quelle tâche revient à chaque chrétien, et en particulier à vous, qui êtes engagés dans des activités caritatives, et donc en relation directe avec de nombreux autres acteurs sociaux? Assurément, nous devons faire preuve de vigilance critique, et parfois refuser les financements et les collaborations qui, directement ou indirectement, favorisent des actions ou des projets en opposition avec l’anthropologie chrétienne. Mais l’Eglise a toujours été engagée de façon positive à promouvoir l’homme selon le dessein de de Dieu, dans sa pleine dignité, dans le respect de sa double dimension, verticale et horizontale. C’est à cela que tend également l’action de développement des organismes ecclésiaux. La vision chrétienne de l’homme est en effet un grand oui à la dignité de la personne appelée à la communion intime avec Dieu, une communion filiale, humble et confiante. L’être humain n’est ni un individu indépendant, ni un élément anonyme dans la collectivité, mais une personne singulière et unique, intrinsèquement ordonnée à la relation et au domaine social. C’est pourquoi l’Eglise réaffirme son grand oui à la dignité et à la beauté du mariage comme expression d’une alliance fidèle et féconde entre l’homme et la femme, et son non à des philosophies comme celle du genre, en raison du fait que la réciprocité entre masculin et féminin est une expression de la beauté de la nature voulue par le Créateur.

Chers amis, je vous remercie pour votre engagement en faveur de l’homme, dans la fidélité à sa véritable dignité. Face à ces défis historiques, nous savons que la réponse est la rencontre avec le Christ. En Lui, l’homme peut réaliser pleinement son bien personnel et le bien commun. Je vous encourage à continuer avec l’âme pleine de joie et de générosité, et je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.



À LA COMMISSION MIXTE INTERNATIONALE

POUR LE DIALOGUE THÉOLOGIQUE ENTRE L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET LES ÉGLISES ORTHODOXES ORIENTALES Salle des Papes Vendredi 25 janvier 2013



Eminences,
Excellences,
chers frères dans le Christ,

C’est avec joie dans le Seigneur que je vous accueille, chers membres de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes orientales. A travers vous, j’étends mes salutations fraternelles aux chefs de toutes les Eglises orthodoxes orientales. De façon particulière, je salue Son Eminence Anba Bishoy, co-président de la Commission, et je le remercie pour ses aimables paroles.

1525 Avant toute chose, je voudrais rappeler avec estime la mémoire de Sa Sainteté Shenouda III, Pape d’Alexandrie et patriarche du Siège de Saint-Marc, récemment disparu. Je rappelle également avec gratitude Sa Sainteté Abuna Paulos, patriarche de l’Eglise orthodoxe éthiopienne Tewahedo, qui a accueilli l’an dernier la neuvième rencontre de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique à Addis Abeba, en Ethiopie. J’ai été également triste d’apprendre la mort de Mgr Jules Mikhael Al-Jamil, archevêque titulaire de Takrit et procureur du patriarcat syro-catholique à Rome, ainsi que membre de votre Commission. Je m’unis à vos prières pour le repos éternel de ces dévoués serviteurs du Seigneur.

Notre rencontre d’aujourd’hui nous donne l’occasion de réfléchir ensemble avec gratitude sur le travail de la Commission mixte internationale, qui a commencé il y a dix ans, en janvier 2003, à l’initiative des autorités ecclésiales de la famille des Eglises orthodoxes orientales et du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Au cours des dix dernières années, la Commission a examiné d’un point de vue historique les diverses façons dont les Eglises ont exprimé leur communion dans les premiers siècles. Au cours de cette semaine consacrée à la prière pour l’unité de tous les disciples du Christ, vous vous êtes rencontrés pour examiner plus profondément la communion et la communication qui existaient entre les Eglises au cours des cinq premiers siècles de l’histoire chrétienne. En reconnaissant les progrès accomplis, j’exprime l’espoir que les relations entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes orientales continuent de se développer dans un esprit fraternel de coopération, en particulier au moyen de l’approfondissement d’un dialogue théologique capable d’aider tous les disciples du Seigneur à croître dans la communion et à apporter au monde le témoignage de la vérité salvifique de l’Evangile.

Un grand nombre d’entre vous proviennent de régions où les chrétiens, en tant que personnes et en tant que communautés, affrontent de douloureuses épreuves et difficultés, qui sont une source de profonde préoccupation pour nous tous. A travers vous, je désire assurer à tous les fidèles du Moyen-Orient ma proximité spirituelle et ma prière afin que cette terre, si importante dans le dessein de salut de Dieu, puisse être guidée, à travers le dialogue constructif et la coopération, vers un avenir de justice et de paix durable. Tous les chrétiens doivent oeuvrer ensemble dans l’acceptation et la confiance réciproques pour servir la cause de la paix et de la justice, en fidélité à la volonté du Seigneur. Puissent l’exemple et l’intercession des innombrables martyrs et saints qui, tout au long des siècles, ont apporté un témoignage courageux du Christ dans toutes nos Eglises, nous soutenir et nous renforcer tous alors que nous affrontons les défis du présent avec confiance et espérance dans l’avenir que le Seigneur ouvre à nous. Sur vous, et sur tous ceux qui sont associés au travail de la Commission, j’invoque cordialement une effusion renouvelée des dons de sagesse, de joie et de paix de l’Esprit Saint. Merci pour votre attention.






À L'OCCASION DE L’INAUGURATION DE L’ANNÉE JUDICIAIRE DU TRIBUNAL DE LA ROTE ROMAINE


Salle Clémentine Samedi 26 janvier 2013




Chers membres du Tribunal de la Rote romaine !

C’est pour moi un motif de joie de vous retrouver à l’occasion de l’inauguration de l’année judiciaire. Je remercie votre doyen, Mgr Pio Vito Pinto, des sentiments exprimés en votre nom à tous et que, en retour, je vous adresse moi aussi de tout coeur. Cette rencontre m’offre l’opportunité de réaffirmer mon estime et ma considération pour le service élevé que vous prêtez au Successeur de Pierre et à l’Église tout entière, ainsi que de vous inciter à un engagement toujours plus grand dans un domaine assurément difficile, mais précieux pour le salut des âmes. Le principe selon lequel la salus animarum est la loi suprême dans l’Église (cf. cic CIC 1752) doit être bien gardé à l’esprit et trouver chaque jour, dans votre travail, la réponse rigoureuse qui lui est due.

1. Dans le contexte de l’Année de la foi, je voudrais m’arrêter de manière particulière sur certains aspects du rapport entre foi et mariage, en observant comment l’actuelle crise de la foi, qui touche différentes parties du monde, porte en elle une crise de la société conjugale, avec toute la charge de malaise et de souffrance que cela comporte aussi pour les enfants. Nous pouvons prendre comme point de départ la racine linguistique commune que possèdent, en latin, les termes fides et foedus, ce dernier étant un terme avec lequel le Code de droit canonique désigne la réalité naturelle du mariage, comme un pacte irrévocable entre un homme et une femme (cf. can. 1055 § 1). En effet, la confiance réciproque est la base incontournable de tout pacte ou alliance.

Sur le plan théologique, la relation entre foi et mariage prend une signification encore plus profonde. En effet, le lien sponsal, bien qu’étant une réalité naturelle, entre les baptisés a été élevé par le Christ à la dignité de sacrement (cf. ibid.).

Le pacte indissoluble entre un homme et une femme n’exige pas, afin d’assurer son caractère sacramentel, la foi personnelle des futurs époux ; ce qui est demandé, comme condition minimale nécessaire, est l’intention de faire ce que fait l’Église. Mais s’il est important de ne pas confondre le problème de l’intention avec celui de la foi personnelle des contractants, il n’est toutefois pas possible de les séparer totalement. Comme le faisait remarquer la Commission théologique internationale dans un document de 1977, « Là donc où l’on ne perçoit aucune trace de la foi comme telle (au sens du terme “croyance”, disposition à croire) ni aucun désir de la grâce et du salut, la question se pose de savoir, au plan des faits, si l’intention générale et vraiment sacramentelle, dont nous venons de parler, est présente ou non, et si le mariage est validement contracté ou non » (La doctrine catholique sur le sacrement du mariage [1977], 2.3: Documents 1969-2004, vol. 13, Bologne 2006, p. 145). Le bienheureux Jean-Paul II, en s’adressant à ce tribunal, il y a dix ans, précisa toutefois qu’« une attitude des futurs époux ne tenant pas compte de la dimension surnaturelle du mariage peut le rendre nul uniquement si elle porte atteinte à la validité sur le plan naturel, sur lequel est placé le signe sacramentel lui-même » (Discours à la Rote romaine, 30 janvier 2003 ; cf. orlf n. 1 du 3 janvier 2003). À propos de cette problématique, en particulier dans le contexte actuel, il sera nécessaire de promouvoir des réflexions supplémentaires.

2. La culture contemporaine, marquée par un subjectivisme et un relativisme éthique et religieux accentués, place la personne et la famille face à des défis pressants. En premier lieu, face à la question concernant la capacité même de l’être humain de se lier, et de savoir si un lien qui dure toute la vie est vraiment possible et correspond à la nature de l’homme, ou s’il n’est pas plutôt en opposition avec sa liberté et avec son autoréalisation. En effet, il appartient à une mentalité diffuse de penser que la personne ne devient elle-même qu’en restant « autonome » et en entrant en contact avec l’autre uniquement à travers des relations que l’on peut interrompre à tout instant (cf. Allocution à la Curie romaine [21 décembre 2012]: orlf n. 1, du 3 janvier 2013). Il n’échappe à personne que, sur le choix de l’être humain de se lier par un lien qui dure toute la vie, influe la perspective de base de chacun, c’est-à-dire s’il est ancré à un plan purement humain, ou bien s’il est ouvert à la lumière de la foi dans le Seigneur. En effet, ce n’est qu’en s’ouvrant à la vérité de Dieu qu’il est possible de comprendre, et de réaliser concrètement dans la vie également conjugale et familiale, la vérité de l’homme en tant que son fils, régénéré par le baptême. « Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5) : c’est ce qu’enseignait Jésus à ses disciples, en leur rappelant l’incapacité substantielle de l’être humain d’accomplir tout seul ce qui est nécessaire à l’obtention du bien véritable. Le refus de la proposition divine conduit en effet à un déséquilibre profond entre toutes les relations humaines (cf. Discours à la Commission théologique internationale [7 décembre 2012] : orlf n. 50, du 13 décembre 2012), y compris matrimoniale, et facilite une compréhension erronée de la liberté et de l’autoréalisation qui, unie au refus d’avoir la patience de supporter la douleur, condamne l’homme à s’enfermer dans son égoïsme et son égocentrisme. Au contraire, l’accueil de la foi rend l’homme capable du don de soi, dans lequel ce n’est qu’« en s’ouvrant à l’autre, aux autres, aux enfants, à la famille... en se laissant modeler dans la souffrance, qu’il découvre la dimension du fait d’être une personne humaine » (Discours à la Curie romaine [21 décembre 2012] : orlf n. 1, du 3 janvier 2013).

1526 La foi en Dieu, soutenue par la grâce divine, est donc un élément très important pour vivre le dévouement mutuel et la fidélité conjugale (Catéchèse à l’Audience générale [8 juin 2011] : orlf n. 23, du 9 juin 2011. On n’entend pas par cela affirmer que la fidélité, comme les autres propriétés, ne soient pas possibles dans le mariage naturel, contracté entre non baptisés. En effet, celui-ci n’est pas privé des biens qui « proviennent du Dieu créateur et s’inscrivent de manière inchoactive dans l’amour sponsal qui unit le Christ et l’Église » (Commission théologique internationale, La doctrine catholique sur le sacrement du mariage [1977], 3.4 : Documents 1969-2004, vol. 13, Bologne 2006, p. 147). Mais assurément, la fermeture à Dieu ou le refus de la dimension sacrée de l’union conjugale et de sa valeur dans l’ordre de la grâce rend difficile l’incarnation concrète du modèle très élevé du mariage conçu par l’Église selon le dessein de Dieu, pouvant arriver à miner la validité même du pacte si, comme le reconnaît la jurisprudence consolidée de ce Tribunal, elle se traduit par un refus de principe de l’obligation conjugale de fidélité elle-même, c’est-à-dire des autres éléments ou propriétés essentielles du mariage.

Tertullien, dans sa célèbre Lettre à sa femme, en parlant de la vie conjugale marquée par la foi, écrit que les époux chrétiens « sont vraiment deux dans une seule chair, et là où la chair est unique, l’esprit est unique. Ils prient ensemble, ils se prosternent ensemble et jeûnent ensemble ; l’un apprivoise l’autre, l’un honore l’autre, l’un soutient l’autre » (Ad uxorem libri duo, ii ; ix : pl i, 1415b-1417a). Saint Clément d’Alexandrie s’exprime dans les mêmes termes : « En effet, si pour tous les deux Dieu est un seul, alors pour tous les deux un seul est le Pédagogue — le Christ —, une est l’Église, une la sagesse, une la pudeur, en commun nous avons la nourriture, le mariage nous unit... Et si la vie est commune, commune est également la grâce, le salut, la vertu, la morale» (Paedagogus, i, iv, 10. i : pg 8, 259b). Les saints qui ont vécu l’union matrimoniale et familiale dans la perspective chrétienne, ont réussi à surmonter également les situations les plus contraires, obtenant alors la sanctification du conjoint et des enfants avec un amour toujours renforcé par une solide confiance en Dieu, par une sincère piété religieuse et par une intense vie sacramentelle. C’est précisément ces expériences, marquées par la foi, qui font comprendre combien, aujourd’hui encore, est précieux le sacrifice offert par le conjoint abandonné ou qui a subi le divorce, si — reconnaissant l’indissolubilité du lien matrimonial valide — il réussit à ne pas se laisser « entraîner dans une nouvelle union... Alors, son témoignage de fidélité et de cohérence chrétienne est d'une valeur toute particulière pour le monde et pour l'Église» (Jean-Paul II, Familiaris consortio [22 novembre 1981], 83 : aas 74 [1982], p. 184).

3. Je voudrais enfin m’arrêter brièvement sur le bonum coniugum. La foi est importante dans la réalisation du bien conjugal authentique, qui consiste simplement à vouloir toujours et quoi qu’il en soit le bien de l’autre, en fonction d’un véritable et indissoluble consortium vitae. En vérité, dans l’intention des époux chrétiens de vivre une véritable communio coniugalis se trouve un dynamisme propre à la foi, selon lequel la confessio, la réponse personnelle sincère à l’annonce salvifique, fait participer le croyant au mouvement d’amour de Dieu. « Confessio » et « Caritas » sont « les deux modalités dans lesquelles Dieu nous engage, nous fait agir avec Lui, en Lui et pour l’humanité, pour sa créature... La “confessio” n’est pas une chose abstraite, elle est “caritas”, elle est amour. Seulement ainsi, elle est le reflet de la vérité divine qui, en tant que vérité, est également inséparablement amour » (Méditation au cours de la première congrégation générale de la XIIIe assemblée générale ordinaire du synode des évêques [8 octobre 2012] : orlf n. 41, du 11 octobre 2012). Ce n’est qu’à travers la flamme de la charité que la présence de l’Évangile n’est plus seulement parole, mais réalité vécue. En d’autres termes, s’il est vrai que « la foi sans la charité ne porte pas de fruit et la charité sans la foi serait un sentiment à la merci constante du doute », on doit conclure que « foi et charité se réclament réciproquement, si bien que l’une permet à l’autre de réaliser son chemin » (Lett. apos. Porta fidei [11 octobre 2011], 14 : orlf n. 42, du 20 octobre 2011). Si cela est valable dans le vaste contexte de la vie communautaire, cela doit valoir encore plus dans l’union matrimoniale. C’est dans celle-ci, de fait, que la foi fait croître et fructifier l’amour des époux, en laissant place à la présence de Dieu Trinité et en rendant la vie conjugale elle-même, ainsi vécue, « une heureuse nouvelle » face au monde.

Je reconnais les difficultés, d’un point de vue juridique et pratique, de cerner l’élément essentiel du bonum coniugum, jusqu’à présent entendu principalement en relation avec les hypothèses d’incapacité (cf. cic
CIC 1095). Le bonum coniugum prend de l’importance également dans le domaine de la simulation du consentement. Assurément, dans les cas soumis à votre jugement, ce sera l’enquête de facto qui vérifiera le caractère éventuellement fondé de ce chef de nullité, dominant ou coexistant avec un autre chef des trois « biens » augustiniens, la procréativité, l’exclusivité et la perpétuité. On ne doit donc pas faire abstraction de la considération qu’il puisse exister des cas dans lesquels, justement en raison de l’absence de foi, le bien des conjoints est compromis et donc exclu par le consentement même ; par exemple, dans l’hypothèse de subversion de la part de l’un d’eux, à cause d’une conception erronée du lien nuptial, du principe de parité, ou bien dans l’hypothèse de refus de l’union à deux qui caractérise le lien matrimonial, en rapport avec l’exclusion coexistante possible de la fidélité et de l’usage de la copule accomplie humano modo.

Je n’entends certainement pas, par ces présentes considérations, suggérer un automatisme facile entre carence de foi et invalidité de l’union matrimoniale, mais plutôt souligner combien une telle carence peut, bien que non nécessairement, blesser également les biens du mariage, du moment que la référence à l’ordre naturel voulu par Dieu est inhérente au pacte conjugal (cf. Gn Gn 2,24).

Chers frères, j’invoque l’aide de Dieu sur vous et sur ceux qui dans l’Église se prodiguent pour la sauvegarde de la vérité et de la justice à l’égard du lien sacré du mariage et, par là même, de la famille chrétienne. Je vous confie à la protection de la Très Sainte Vierge Marie, Mère du Christ et de saint Joseph, Gardien de la Famille de Nazareth, exécuteur silencieux et obéissant du plan divin du salut, alors que je vous donne avec plaisir, ainsi qu’à vos proches, ma Bénédiction apostolique.



FEVRIER  2013



CONCERT ORGANISÉ PAR L'AMBASSADE D'ITALIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

EN L'HONNEUR

ET DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE, M. GIORGIO NAPOLITANO,

POUR LE 84e ANNIVERSAIRE DES ACCORDS DU LATRAN


PAROLES Salle Paul VI Lun\idi \I4 février 2013

[Vidéo]



Je salue tout d’abord Monsieur le président de la République italienne, S.E. M. Giorgio Napolitano, et je le remercie des paroles intenses qu’il m’a adressées. Au cours de ces sept années — comme il l’a rappelé — nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises et nous avons partagé des expériences et des réflexions. Je salue son épouse, les autorités italiennes, ainsi que messieurs les ambassadeurs et les nombreuses personnalités présentes. Mes remerciements sincères vont aux promoteurs et aux organisateurs de cette soirée, en particulier à la « Flying Angels Foundation », engagée dans le domaine de la solidarité.

1527 L’Orchestre du « Maggio Musicale Fiorentino » et son directeur, Zubin Metha, n’ont pas besoin d’être présentés : ils occupent tout deux une place importante dans le panorama musical international et, ce soir, ils l’ont démontré en nous offrant un moment de profonde élévation de l’esprit avec la remarquable interprétation de la Symphonie de Verdi et de la Troisième symphonie de Beethoven.

Giuseppe Verdi, La Forza del Destino : un hommage naturel au grand musicien italien en l’année où l’on célèbre les 200 ans de sa naissance. Dans ses oeuvres, on est toujours frappé de la façon dont il a su saisir et représenter musicalement les situations de la vie, en particulier les drames de l’âme humaine, de manière si immédiate, incisive et essentielle comme rarement dans le panorama musical. C’est un destin toujours tragique que celui des personnages de Verdi auxquels n’échappent pas les protagonistes de La Forza del Destino : la symphonie que nous avons écoutée, dès les premières mesures, nous le fait comprendre. Mais en affrontant le thème du destin, Verdi se trouve à affronter directement le thème religieux, à se confronter à Dieu, à la foi, à l’Église ; et ainsi apparaît encore une fois l’âme de ce musicien, son inquiétude, sa recherche religieuse. Dans La Forza del Destino non seulement l’un des airs les plus célèbres, « La Vergine degli Angeli », est une prière pleine de tristesse, mais nous y trouvons aussi deux histoires de conversion et de rapprochement de Dieu : celle de Leonora, qui reconnaît dramatiquement ses fautes et décide de se retirer dans une vie d’ermite, et celle de don Alvaro, qui lutte entre le monde et une vie de solitude avec Dieu. Il est intéressant de noter combien dans les deux versions de cet opéra, celle de 1862 pour Saint Pétersbourg et celle de 1869 pour « La Scala » de Milan, le finale est différent : dans la première, don Alvaro termine sa vie par le suicide, refusant l’habit religieux et invoquant l’enfer ; dans la seconde, en revanche, il écoute les paroles de Frate Guardiano qui l’invite à avoir confiance dans le pardon de Dieu et l’opéra se termine par les mots « Salita a Dio » (montée vers Dieu). Ici se dessine le drame de l’existence humaine marquée par un destin tragique et par la nostalgie de Dieu, de sa miséricorde et de son amour, qui offrent lumière, sens et espérance même dans l’obscurité. La foi nous offre cette perspective qui n’est pas illusoire, mais réelle. Comme l’affirme saint Paul « ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (
Rm 8,38-39). Telle est la force du chrétien, qui naît de la mort et résurrection du Christ, de l’acte suprême d’un Dieu qui est entré dans l’histoire de l’homme non seulement avec les mots, mais en s’incarnant.

Un mot aussi sur la Troisième symphonie de Beethoven, une oeuvre complexe qui marque de manière claire le détachement du symphonisme classique de Haydn et Mozart. Chacun sait qu’elle était dédiée à Napoléon, mais le grand compositeur allemand changea d’idée après que Bonaparte se proclama empereur, modifiant le titre en : « composée pour fêter le souvenir d’un grand homme ». Beethoven exprime musicalement l’idéal du héros porteur de liberté et d’égalité, face au choix de la résignation ou de la lutte, de la mort ou de la vie, de la reddition ou de la victoire, et la symphonie décrit ces états d’âme avec une richesse de couleurs et de thèmes jusqu’alors inconnue. Je n’entre pas dans la lecture des quatre mouvements, mais j’évoque uniquement le deuxième, la célèbre Marche funèbre, une méditation pleine de tristesse sur la mort, qui commence apr une première section aux tons dramatiques et désolés, mais qui contient, dans la partie centrale, un épisode serein entonné par le hautbois puis la double fugue et les sonneries de trompette : la pensée sur la mort invite à réfléchir sur l’au-delà, sur l’infini. Dans ces années-là, Beethoven, dans le testament de Heiligenstadt d’octobre 1802 écrivait : « O Dieu, d’en-haut tu regardes dans l’intimité de moi-même, tu la connais et tu sais qu’elle est emplie d’amour pour l’humanité et de désir de faire le bien ». La recherche d’un sens qui puisse ouvrir à une espérance solide pour l’avenir fait partie du chemin de l’humanité.

Merci, Monsieur le président, de votre présence. Merci au chef d’orchestre et aux professeurs de l’Orchestre du « Maggio Musicale Fiorentino ». Merci aux promoteurs et aux organisateurs et à vous tous ! Bonne soirée !




Discours 2005-2013 1523