Benoît XVI Homélies 25306

VISITE PASTORALE DANS LA PAROISSE ROMAINE "DIO PADRE MISERICORDIOSO" dimanche 26 mars 2006


IV Dimanche de Carême, 26 mars 2006

Chers frères et soeurs!


Ce quatrième dimanche de Carême, traditionnellement désigné comme "dimanche Laetare", est empreint d'une joie qui, dans une certaine mesure, adoucit le climat de pénitence de ce temps saint: "Réjouissez-vous avec Jérusalem - dit l'Eglise dans le chant d'entrée - Exultez à cause d'elle [...] Avec elle soyez plein d'allégresse, vous tous qui portiez son deuil". Le refrain du Psaume responsorial fait écho à cette invitation: "Ton souvenir, Seigneur, est notre joie". Penser à Dieu procure de la joie. On se demande alors spontanément: mais quel est le motif pour lequel nous devons nous réjouir? Un des motifs est certainement l'approche de Pâques, dont la prévision nous fait goûter à l'avance la joie de la rencontre avec le Christ ressuscité. La raison la plus profonde se trouve cependant dans le message offert par les lectures bibliques que la liturgie propose aujourd'hui et que nous venons d'écouter. Celles-ci nous rappellent que, malgré notre indignité, nous sommes les destinataires de la miséricorde infinie de Dieu. Dieu nous aime d'une façon que nous pourrions qualifier d'"obstinée", et il nous enveloppe de son inépuisable tendresse.

C'est ce qui apparaît déjà dans la première lecture, tirée du Livre des Chroniques de l'Ancien Testament (cf. 2Ch 36,14-16 2Ch 36,19-23), l'auteur saint propose une interprétation synthétique et significative de l'histoire du peuple élu, qui fait l'expérience de la punition de Dieu comme conséquence de son comportement rebelle: le temple est détruit et le peuple en exil n'a plus de terre; il semble réellement qu'il ait été oublié par Dieu. Mais il se rend ensuite compte qu'à travers les châtiments, Dieu poursuit un dessein de miséricorde. Ce sera la destruction de la ville sainte et du temple - comme on l'a dit -, ce sera l'exil, qui touchera le coeur du peuple et qui le fera revenir à son Dieu pour le connaître plus profondément. Et alors le Seigneur, démontrant le primat absolu de son initiative sur tout effort purement humain, se servira d'un païen, Cyrus, roi de Perse, pour libérer Israël. Dans le texte que nous venons d'entendre, la colère et la miséricorde du Seigneur se confrontent au cours d'un épisode à caractère dramatique, mais à la fin, l'amour triomphe, car Dieu est amour. Comment ne pas recueillir dans le souvenir de ces lointains événements le message qui est valable pour chaque époque, y compris la nôtre? En pensant aux siècles passés, nous pouvons voir que Dieu continue à nous aimer également à travers les châtiments. Les desseins de Dieu, même lorsqu'ils passent à travers l'épreuve, visent toujours à un résultat de miséricorde et de pardon.

C'est ce que nous a confirmé l'Apôtre Paul dans la deuxième lecture, en nous rappelant que "Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ" (Ep 2,4-5). Pour exprimer cette réalité de salut l'Apôtre, à côté du terme de miséricorde, eleos en grec, utilise également la parole amour, agape, reprise et amplifiée ultérieurement dans la très belle affirmation que nous avons entendue dans la page évangélique: "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique: ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle" (Jn 3,16). Nous savons que ce "don" de la part du Père a eu un développement dramatique: il est allé jusqu'au sacrifice du Fils sur la croix. Si toute la mission historique de Jésus est le signe éloquent de l'amour de Dieu, sa mort l'est de manière tout à fait particulière, la tendresse rédemptrice de Dieu s'étant pleinement exprimée en elle. Le centre de notre méditation doit donc toujours être, mais particulièrement en ce temps de Carême, la Croix. Dans celle-ci, nous contemplons la gloire du Seigneur qui resplendit dans le corps martyrisé de Jésus. C'est précisément dans ce don total de soi qu'apparaît la grandeur de Dieu, qu'apparaît qu'il est amour. C'est la gloire du Crucifié que chaque chrétien est appelé à comprendre, à vivre et à témoigner à travers son existence. La Croix - le don de soi-même du Fils de Dieu - est en définitive le "signe" par excellence qui nous est donné pour comprendre la vérité de l'homme et la vérité de Dieu: nous avons tous été créés et rachetés par un Dieu qui a immolé son Fils unique par amour. Voilà pourquoi dans la Croix, comme je l'ai écrit dans l'Encyclique Deus caritas est, "s'accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel il se donne pour relever l'homme et le sauver - tel est l'amour dans sa forme la plus radicale" ().

Comment répondre à cet amour radical du Seigneur? L'Evangile nous présente un personnage du nom de Nicodème, membre du Sanhédrin de Jérusalem, qui va chercher Jésus la nuit. Il s'agit d'un honnête homme, attiré par les paroles et par l'exemple du Seigneur, mais qui a peur des autres, qui hésite à franchir le pas de la foi. Il ressent la fascination de ce Rabbì si différent des autres, mais il ne réussit pas à se soustraire aux conditionnements du milieu, contraire à Jésus, et il restera hésitant sur le seuil de la foi. Que de personnes, à notre époque également, sont à la recherche de Dieu, à la recherche de Jésus et de son Eglise, à la recherche de la miséricorde divine, et attendent un "signe" qui touche leur esprit et leur coeur! Aujourd'hui, comme alors, l'évangéliste nous rappelle que le seul "signe" est Jésus élevé sur la croix: Jésus mort et ressuscité est le signe absolument suffisant. En Lui, nous pouvons comprendre la vérité de la vie et obtenir le salut. Telle est l'annonce centrale de l'Eglise, qui demeure immuable au cours des siècles. La foi chrétienne n'est donc pas une idéologie, mais une rencontre personnelle avec le Christ crucifié et ressuscité. De cette expérience, qui est individuelle et communautaire, naît ensuite une nouvelle façon de penser et d'agir: c'est ainsi que trouve son origine, comme en témoignent les saints, une existence marquée par l'amour.

Chers amis, ce mystère est particulièrement éloquent dans votre paroisse, consacrée à "Dieu le Père miséricordieux". Celle-ci a été voulue - comme nous le savons bien - par mon bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II en souvenir du Grand Jubilé de l'An 2000, afin de résumer de manière efficace la signification de cet événement spirituel extraordinaire. En méditant sur la miséricorde du Seigneur, qui s'est révélée de manière totale et définitive dans le mystère de la Croix, il me revient à l'esprit le texte que Jean-Paul II avait préparé pour la rencontre avec les fidèles du dimanche 3 avril, dimanche in Albis de l'année dernière. Dans les desseins divins, il était écrit qu'il devait nous quitter précisément la veille de ce jour, le samedi 2 avril - nous nous en souvenons tous parfaitement - et pour cette raison, il ne put pas prononcer ces paroles, qu'il me plaît à présent de vous reproposer, chers frères et soeurs. Le Pape avait écrit: "Le Seigneur ressuscité offre en don à l'humanité, qui semble parfois égarée et dominée par le pouvoir du mal, par l'égoïsme et par la peur, son amour qui pardonne, qui réconcilie et ouvre à nouveau l'âme à l'espérance. C'est l'amour qui convertit les coeurs et qui donne la paix". Dans ce dernier texte, qui est comme un testament, le Pape ajoutait: "Combien le monde a besoin de compréhension et d'accueillir la Divine Miséricorde!".

Comprendre et accueillir l'amour miséricordieux de Dieu: que cela soit votre engagement, tout d'abord au sein des familles et ensuite dans tous les milieux du quartier. Je forme ce voeu de tout coeur, alors que je vous salue cordialement, en commençant par les prêtres qui s'occupent de votre communauté sous la direction du curé, Dom Gianfranco Corbino, que je remercie sincèrement pour s'être fait l'interprète de vos sentiments, avec une belle présentation de cet édifice, de cette "barque" de Pierre et du Seigneur. J'étends ensuite mon salut au Cardinal Vicaire Camillo Ruini et au Cardinal Crescenzio Sepe, titulaire de votre église, au Vice-gérant et Evêque du secteur Est de Rome, et à ceux qui coopèrent activement aux divers services paroissiaux. Je sais que votre communauté est jeune, avec dix ans de vie seulement, qu'elle a passé les premiers temps dans des conditions précaires, dans l'attente de l'achèvement des structures actuelles. Je sais également que les difficultés initiales, plutôt que vous décourager, vous ont poussés à un engagement apostolique unanime, avec une attention particulière au domaine de la catéchèse, de la liturgie et de la charité. Chers amis, poursuivez le chemin entrepris, en vous efforçant de faire de votre paroisse une véritable famille où la fidélité à la Parole de Dieu et à la Tradition de l'Eglise devient jour après jour toujours davantage la règle de vie. Je sais ensuite que votre église, en raison de sa structure architecturale originale, est le but de nombreux visiteurs. Faites-leur apprécier non seulement la beauté particulière de l'édifice sacré, mais surtout la richesse d'une communauté vivante, visant à témoigner l'amour de Dieu, Père miséricordieux. Cet amour qui est le véritable secret de la joie chrétienne, auquel nous invite le dimanche in Laetare, le dimanche d'aujourd'hui. En tournant notre regard vers Marie, "Mère de la sainte joie", demandons-lui de nous aider à approfondir les raisons de notre foi, pour que, comme nous y exhorte aujourd'hui la liturgie, renouvelés dans l'esprit et l'âme joyeuse, nous répondions à l'amour éternel et infini de Dieu.

Amen!



CHAPELLE PAPALE À L'OCCASION DU PREMIER ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE JEAN-PAUL II, Lundi 3 avril 2006

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Place Saint-Pierre - Lundi 3 avril 2006




Chers frères et soeurs!

En ces jours est particulièrement vivante dans l'Eglise et dans le monde la mémoire du Serviteur de Dieu Jean-Paul II, à l'occasion du premier anniversaire de sa mort. Avec la veillée mariale d'hier, nous avons revécu le moment précis où, il y a un an, eut lieu sa pieuse disparition, tandis que nous nous retrouvons aujourd'hui sur cette même Place Saint-Pierre pour offrir le Sacrifice eucharistique en mémoire de son âme élue. Je salue avec affection, avec les Cardinaux, les Evêques, les prêtres et les religieux, les nombreux pèlerins venus de tant d'endroits, en particulier de Pologne, pour lui témoigner leur estime, leur affection et leur profonde reconnaissance. Nous voulons prier pour ce bien-aimé Pontife, en nous laissant éclairer par la Parole de Dieu que nous venons d'entendre.

Dans la première lecture, tirée du Livre de la Sagesse, il nous a été rappelé quel est le destin final des justes: un destin de bonheur surabondant, qui récompense sans limite pour les souffrances et les épreuves affrontées au cours de la vie. "Dieu les a mis à l'épreuve - affirme l'auteur sacré - et il les a trouvés dignes de lui; comme l'or au creuset, il les a éprouvés, comme un parfait holocauste, il les a agréés" (
Sg 3,5-6). Le terme d'"holocauste" fait référence au sacrifice au cours duquel la victime était entièrement brûlée, consumée par le feu; il s'agissait donc d'un signe de don total à Dieu. Cette expression biblique nous fait penser à la mission de Jean-Paul II, qui a fait don à Dieu et à l'Eglise de son existence et a vécu la dimension sacrificielle de son sacerdoce en particulier dans la célébration de l'Eucharistie. Parmi les invocations qui lui étaient chères, en figure une, tirée des "Litanies de Jésus Christ Prêtre et Victime", qu'il voulut placer à la fin de l'ouvrage Don et Mystère, publié à l'occasion du 50e anniversaire de son sacerdoce (cf. pp. 113-116): "Iesu, Pontifex qui tradidisti temetipsum Deo oblationem et hostiam - Jésus, Pontife qui t'offris toi-même à Dieu comme don et victime, prends pitié de nous". Combien de fois il répéta cette invocation! Celle-ci exprime bien le caractère profondément sacerdotal de toute sa vie. Il n'a jamais caché son désir de devenir toujours plus un avec le Christ Prêtre, à travers le Sacrifice eucharistique, source d'inlassable dévouement apostolique.

A la base de ce don total de soi figurait naturellement la foi. Dans la seconde Lecture, que nous venons d'entendre, saint Pierre utilise lui aussi l'image de l'or éprouvé par le feu et l'applique à la foi (1P 1,7). En, effet, dans les difficultés de la vie, c'est surtout la qualité de la foi de chacun qui est éprouvée et vérifiée: sa solidité, sa pureté, sa cohérence avec la vie. Et bien, le regretté Pontife, que Dieu avait doté de multiples dons humains et spirituels, en passant à travers le creuset des difficultés apostoliques et de la maladie, est apparu toujours plus comme un "roc" de la foi. Ceux qui ont eu l'occasion de le fréquenter de près ont presque pu toucher du doigt sa foi honnête et solide qui, si elle a impressionné le cercle de ses collaborateurs, n'a pas manqué de diffuser, au cours de son long Pontificat, son influence bénéfique sur toute l'Eglise, dans un crescendo qui a atteint son point culminant au cours des derniers mois et jours de sa vie. Une foi convaincue, forte et authentique, libre des peurs et des compromis, qui a gagné le coeur de tant de personnes, grâce également aux nombreux pèlerinages apostoliques dans tant de parties du monde, et en particulier grâce à ce dernier "voyage" qu'a été son agonie et sa mort.

La page de l'Evangile qui a été proclamée nous aide à comprendre un autre aspect de sa personnalité humaine et religieuse. Nous pourrions dire que, en tant que Successeur de Pierre, il a imité de façon particulière, parmi les Apôtres, Jean, le "disciple bien-aimé" qui demeura sous la Croix auprès de Marie, à l'heure de l'abandon et de la mort du Rédempteur. Les voyant près de la Croix - raconte l'évangéliste - Jésus les confia l'un à l'autre: "Femme, voici ton Fils!... Voici ta mère" (Jn 19,26-27). Ces paroles du Seigneur mourant étaient particulièrement chères à Jean-Paul II. Comme l'Apôtre évangéliste, lui aussi a voulu prendre Marie dans sa maison: "et ex illa hora accepit eam discipulus in sua" (Jn 19,27). L'expression "accepit eam in sua" est particulièrement riche de sens: elle indique la décision de Jean de faire participer Marie à sa propre vie afin de faire l'expérience que celui qui ouvre son coeur à Marie, est en réalité accueilli par Elle et lui appartient. La devise inscrite sur le blason pontifical du Pape Jean-Paul II, Totus tuus, résume bien cette expérience spirituelle et mystique, dans une vie totalement orientée vers le Christ au moyen de Marie: "ad Iesum per Mariam".

Chers frères et soeurs, ce soir, notre pensée revient avec émotion au moment de la mort du bien-aimé Pontife, mais dans le même temps, notre coeur est comme poussé à regarder vers l'avenir. Nous sentons résonner dans notre âme ses invitations répétées à avancer sans peur sur le chemin de la fidélité à l'Evangile pour être les messagers et les témoins du Christ dans le troisième millénaire. Ses exhortations incessantes à coopérer généreusement à la réalisation d'une humanité plus juste et plus solidaire, à être des artisans de paix et des bâtisseurs d'espérance nous reviennent à l'esprit. Notre regard reste toujours fixé sur le Christ qui est "le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13,8), qui guide solidement son Eglise. Nous avons cru à son amour et c'est la rencontre avec Lui "qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive" (Deus caritas est ). Que la force de l'Esprit de Jésus soit pour tous, chers frères et soeurs, comme elle le fut pour le Pape Jean-Paul II, une source de paix et de joie. Et que la Vierge Marie, Mère de l'Eglise, nous aide à être en toute circonstance, comme lui, des apôtres inlassables de son divin Fils et des prophètes de son amour miséricordieux. Amen!


DIMANCHE DES RAMEAUX - XXI Journée Mondiale de la Jeunesse - 9 avril 2006

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Chers frères et soeurs,


Depuis vingt ans, grâce au Pape Jean-Paul II, le Dimanche des Rameaux est devenu de façon particulière le jour de la jeunesse, le jour où les jeunes du monde entier vont à la rencontre du Christ, désirant l'accompagner dans leurs villes et leurs pays, afin qu'Il soit au milieu de nous et puisse établir sa paix dans le monde. Si nous voulons aller à la rencontre de Jésus et marcher avec Lui sur sa route, nous devons toutefois nous demander: Sur quelle voie désire-t-il nous guider? Qu'attendons-nous de Lui? Qu'attend-il de nous?

Pour comprendre ce qui a eu lieu au cours du Dimanche des Rameaux et savoir ce que cela signifie, non seulement à cette époque, mais aussi en tout temps, un détail se révèle important, qui devint également pour ses disciples la clé pour comprendre l'événement lorsque, après Pâques, ils reparcoururent avec un regard nouveau ces journées tumultueuses. Jésus entra dans la Ville Sainte à dos d'âne, c'est-à-dire l'animal des gens simples et ordinaires de la campagne, et en plus sur un âne qui ne lui appartenait pas, mais qu'II avait emprunté pour l'occasion. Il n'arrive pas sur un magnifique char royal, ni à cheval comme les grands de ce monde, mais sur un âne emprunté. Jean nous raconte que, dans un premier temps, les disciples ne le comprirent pas. Ce n'est qu'après Pâques qu'ils s'aperçurent que Jésus, agissant ainsi, accomplissait l'annonce des prophètes, que son action dérivait de la Parole de Dieu et la menait à bien. Ils se rappelèrent, dit Jean, que dans le prophète Zacharie, on lit: "Sois sans crainte, fille de Sion: voici que ton roi vient, monté sur un petit d'ânesse" (
Jn 12,15, cf. Za 9,9). Pour comprendre la signification de la prophétie et, ainsi, de l'action même de Jésus, nous devons écouter le texte tout entier de Zacharie, qui continue ainsi: "Il retranchera d'Ephraïm la charrerie et de Jérusalem les chevaux; l'arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix aux nations. Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre" (Za 9,10). A travers ces paroles, le prophète fait trois affirmations sur le roi à venir.

En premier lieu, il dit qu'il sera le roi des pauvres, un pauvre parmi les pauvres et pour les pauvres. La pauvreté doit être comprise dans ce cas dans le sens des anawim d'Israël, ces âmes croyantes et humbles que nous rencontrons autour de Jésus - dans la perspective de la première Béatitude du Discours de la Montagne. Une personne peut être matériellement pauvre, mais avoir le coeur empli de soif de richesse matérielle et du pouvoir qui dérive de la richesse. C'est précisément le fait qu'une personne vit dans l'envie et dans l'avidité qui prouve qu'au plus profond de son coeur, elle appartient au monde des riches. Elle désire renverser la répartition des biens, mais pour arriver à être elle-même dans la situation des riches d'avant. La pauvreté dans le sens où Jésus l'entend - et dans le sens des prophètes - présuppose surtout la liberté intérieure de l'avidité de possession et de la soif de pouvoir. Il s'agit d'une réalité plus grande que la simple répartition différentes des biens, qui resterait toutefois dans le domaine matériel, rendant même les coeurs plus durs. Il s'agit avant tout de la purification du coeur, grâce à laquelle on reconnaît la possession comme responsabilité, comme devoir envers les autres, en se plaçant sous le regard de Dieu et en se laissant guider par le Christ qui, étant riche, est devenu pauvre pour nous (cf. 2Co 8,9). La liberté intérieure est le présupposé pour dépasser la corruption et l'avidité qui désormais dévastent le monde; cette liberté ne peut être trouvée que si Dieu devient notre richesse; elle ne peut être trouvée que dans la patience des sacrifices quotidiens, dans lesquels elle se développe comme une véritable liberté. Le Dimanche des Rameaux, c'est Lui, le roi qui nous indique la voie vers cet objectif - Jésus -, que nous acclamons; nous Lui demandons de nous prendre avec lui sur son chemin.

En second lieu, le prophète nous montre que ce roi sera un roi de paix: il fera disparaître les chars de guerre et les chevaux de bataille, il rompra les arcs et annoncera la paix. Dans la figure de Jésus, cela se concrétise à travers le signe de la Croix. Celle-ci représente l'arc brisé et d'une certaine façon le nouveau, véritable arc-en-ciel de Dieu, qui unit le ciel et la terre et jette un pont sur les abîmes et entre les continents. La nouvelle arme que Jésus dépose entre nos mains est la Croix, signe de réconciliation, de pardon, signe de l'amour qui est plus fort que la mort. Chaque fois que nous faisons le signe de la Croix, nous devons nous rappeler de ne pas opposer à l'injustice une autre injustice, à la violence une autre violence; nous rappeler que nous pouvons vaincre le mal uniquement par le bien et jamais en répondant au mal par le mal.

La troisième affirmation du prophète est l'annonce anticipant l'universalité. Zacharie dit que le royaume du roi de la paix s'étend "de la mer à la mer... jusqu'aux extrémités de la terre". L'antique promesse de la terre, faite à Abraham et aux Pères, est ici remplacée par une nouvelle vision: l'espace du roi messianique n'est plus un pays déterminé qui se séparerait ensuite des autres et qui prendrait donc également inévitablement position contre d'autres pays. Son pays est la terre, le monde entier. En franchissant chaque limite, dans la multiplicité des cultures, Il crée l'unité. En pénétrant du regard les nuées de l'histoire, qui séparaient le prophète de Jésus, nous voyons ici apparaître de loin dans la prophétie le réseau des communautés eucharistiques qui embrasse la terre, le monde entier - un réseau de communautés qui constituent le "Royaume de la paix" de Jésus s'étendant d'une mer à l'autre, jusqu'aux extrémités de la terre. Dans toutes les cultures et dans toutes les parties du monde, partout dans les cabanes misérables et dans les pauvres campagnes, ainsi que dans la splendeur des cathédrales, Il vient. Il est partout le même, l'Unique, et ainsi toutes les personnes rassemblées en prière, dans la communion avec Lui, sont également unies entre elles dans un unique corps. Le Christ domine en se faisant Lui-même notre pain et en se donnant à nous. C'est de cette façon qu'il construit son Royaume.

Cette liaison devient tout à fait claire dans l'autre parole vétérotestamentaire qui caractérise et explique la liturgie du Dimanche des Rameaux et son climat particulier. La foule acclame Jésus: "Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur" (Mc 11,9 Ps 117,25 [118], 25sq). Ces paroles font partie du rite de la fête des tentes, au cours de laquelle les fidèles marchent autour de l'autel, tenant entre les mains des rameaux composés de branches de palmiers, de myrtes et de saules. Or, les gens élèvent ce cri avec les rameaux dans les mains devant Jésus, en qui ils voient Celui qui vient au nom du Seigneur: cette expression "Celui qui vient au nom du Seigneur", était en effet devenue depuis longtemps la façon de désigner le Messie. En Jésus, ils reconnaissent Celui qui vient vraiment au nom du Seigneur et apporte la présence de Dieu parmi eux. Ce cri d'espérance d'Israël, cette acclamation faite à Jésus lors de son entrée à Jérusalem, est devenue à juste titre dans l'Eglise l'acclamation à Celui qui, dans l'Eucharistie, vient à notre rencontre de manière nouvelle. Nous saluons avec le cri "Hosanna" Celui qui, de chair et de sang, a apporté la gloire de Dieu sur la terre. Nous saluons Celui qui est venu et qui toutefois demeure toujours Celui qui doit venir. Nous saluons Celui qui, dans l'Eucharistie, vient toujours à nouveau à nous, au nom du Seigneur, réunissant ainsi dans la paix de Dieu les extrémités de la terre. Cette expérience de l'universalité fait partie de manière essentielle de l'Eucharistie. En raison de la venue du Seigneur, nous sortons de nos particularismes exclusifs et nous entrons dans la grande communauté de tous ceux qui célèbrent ce saint sacrement. Nous entrons dans son royaume de paix et nous saluons également en Lui, d'une certaine manière, tous nos frères et soeurs, vers lesquels Il vient, pour devenir véritablement un royaume de paix au milieu de ce monde déchiré.

Les trois caractéristiques annoncées par le prophète - pauvreté, paix, universalité - sont résumées dans le signe de la Croix. C'est pourquoi, à juste titre, la Croix est devenue le centre des Journées mondiales de la Jeunesse. Il y a eu un temps - qui n'est pas encore entièrement terminé - où l'on refusait le christianisme précisément à cause de la Croix. La Croix parle de sacrifice, disait-on, la Croix est le signe de la négation de la vie. Nous, en revanche, nous voulons la vie tout entière sans restrictions et sans renoncements. Nous voulons vivre, rien d'autre que vivre. Nous ne nous laissons pas limiter par des préceptes et des interdictions; nous voulons la richesse et la plénitude - ainsi disait-on et dit-on encore. Tout cela nous apparaît convaincant et séduisant; c'est le langage du serpent qui dit: "Ne vous laissez pas intimider! Mangez tranquillement de tous les arbres du jardin!". Cependant, le Dimanche des Rameaux nous dit que le véritable grand "oui" est précisément la Croix, que la Croix est précisément le véritable arbre de la vie. Nous ne trouvons pas la vie en nous emparant d'elle, mais en la donnant. L'amour, c'est se donner soi-même, et c'est pourquoi le chemin de la vraie vie est symbolisé par la Croix. Aujourd'hui la Croix, qui a dernièrement été au centre de la Journée mondiale de la Jeunesse à Cologne, est remise à une délégation désignée à cet effet pour commencer son chemin vers Sydney, où, en 2008, la jeunesse du monde entend se rassembler à nouveau autour du Christ pour construire avec Lui le royaume de la paix. De Cologne à Sydney - un chemin à travers les continents et les cultures, un chemin à travers un monde déchiré et tourmenté par la violence! Symboliquement, il est le chemin indiqué par le prophète, le chemin d'une mer à l'autre, du fleuve jusqu'aux extrémité de la terre. C'est le chemin de Celui qui, sous le signe de la Croix, nous donne la paix et nous fait devenir des porteurs de la réconciliation et de sa paix. Je remercie les jeunes qui porteront à présent cette Croix sur les routes du monde, dans laquelle nous pouvons presque toucher le mystère de Jésus. Prions-le, afin que, dans le même temps, Il nous touche et ouvre nos coeurs, afin qu'en suivant sa Croix, nous devenions des messagers de son amour et de sa paix. Amen.



MESSE CHRISMALE DANS LA BASILIQUE SAINT-PIERRE, 13 avril 2006

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Jeudi Saint, 13 avril 2006

Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,

chers frères et soeurs,

Le Jeudi Saint est le jour où le Seigneur donna aux Douze le devoir sacerdotal de célébrer, dans le pain et dans le vin, le Sacrement de son Corps et de son Sang jusqu'à son retour. A la place de l'Agneau pascal et de tous les sacrifices de l'Ancienne Alliance apparaît le don de son Corps et de son Sang, le don de lui-même. Ainsi, le nouveau culte se fonde sur le fait que, avant toute chose, Dieu nous fait un don, et nous, emplis de ce don, devenons siens: la création retourne au Créateur. Ainsi, le sacerdoce est également devenu une chose nouvelle: ce n'est plus une question de descendance, mais une rencontre dans le mystère de Jésus Christ. Il est toujours Celui qui donne et qui nous attire en haut vers lui. Lui seul peut dire: "Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang". Le mystère du sacerdoce de l'Eglise réside dans le fait que nous, misérables êtres humains, en vertu du Sacrement, pouvons parler avec son Moi: in persona Christi. Il désire exercer son sacerdoce à travers nous. Ce mystère émouvant, qui dans chaque célébration du Sacrement nous touche à nouveau, nous le rappelons de façon particulière au cours du Jeudi Saint. Afin que le quotidien n'affaiblisse pas ce qui est grand et mystérieux, nous avons besoin d'un tel souvenir spécifique, nous avons besoin du retour à cette heure où Il a placé ses mains sur nous et nous a fait participer à ce mystère.

Réfléchissons donc à nouveau sur les signes dans lesquels le Sacrement nous a été donné. Au centre, il y a le geste très antique de l'imposition des mains, à travers lequel Il a pris possession de moi en me disant: "Tu m'appartiens". Mais, à travers cela, il a également dit: "Tu es sous la protection de mes mains. Tu es sous la protection de mon coeur. Tu es préservé dans le creux de mes mains, et précisément ainsi, tu te trouves dans toute l'étendue de mon amour. Reste dans l'espace de mes mains et donne-moi les tiennes".

Nous rappelons également que nos mains ont été ointes avec l'huile qui est le signe de l'Esprit Saint et de sa force. Pourquoi précisément les mains? La main de l'homme est l'instrument de son action, c'est le symbole de sa capacité à affronter le monde, précisément de "le prendre en main". Le Seigneur nous a imposé les mains et veut à présent les nôtres afin qu'elles deviennent les siennes, dans le monde. Il veut qu'elles ne soient plus des instruments pour prendre les choses, les hommes, le monde pour nous, pour en faire notre possession, mais que, au contraire, elles transmettent son action divine, se mettant au service de son amour. Il veut qu'elles soient des instruments de service et donc une expression de la mission de la personne tout entière qui devient garante de Lui et l'apporte aux hommes. Si les mains de l'homme représentent symboliquement ses facultés, et, plus généralement, la technique comme pouvoir de disposer du monde, alors, les mains ointes doivent être le signe de sa capacité de donner, de la créativité en vue de façonner le monde à travers l'amour, - et pour cela, nous avons sans aucun doute besoin de l'Esprit Saint. Dans l'Ancien Testament, l'onction est le signe de la prise de service: le roi, le prophète, le prêtre accomplit et donne plus que ce qui provient de sa propre personne. D'une certaine façon, il est exproprié de lui-même en fonction d'un service dans lequel il se met à la disposition de quelqu'un de plus grand que lui. Si Jésus se présente aujourd'hui dans l'Evangile comme l'Oint de Dieu, le Christ, alors cela veut précisément dire qu'Il agit sur mission du Père et dans l'unité du Saint Esprit et que, de cette façon, il donne au monde une nouvelle royauté, un nouveau sacerdoce, une nouvelle façon d'être prophète, qui ne se cherche pas lui-même, mais qui vit pour Celui en vue duquel le monde a été créé. Nous plaçons aujourd'hui à nouveau nos mains à sa disposition, et nous le prions de nous prendre toujours à nouveau par la main et de nous guider.

Dans le geste sacramentel de l'imposition des mains de la part de l'Evêque, c'est le Seigneur lui-même qui nous impose les mains. Ce signe sacramentel résume tout un parcours existentiel. Un jour, comme les premiers disciples, nous avons rencontré le Seigneur et nous avons entendu sa parole: "Suis-moi!". Sans doute au début l'avons-nous suivi de façon quelque peu incertaine, en regardant en arrière et en nous demandant si cette voie était vraiment la nôtre. Et, à un certain moment du chemin, peut-être avons-nous fait l'expérience de Pierre, après la pêche miraculeuse, c'est-à-dire que nous avons été effrayés par sa grandeur, la grandeur du devoir et l'insuffisance de notre pauvre personne, au point de vouloir reculer: "Eloigne-toi de moi Seigneur, car je suis un homme pécheur!" (
Lc 5,8). Mais Lui, ensuite, avec une grande bonté, nous a alors pris par la main, nous a attirés à lui et nous a dit: "Sois sans crainte! Je suis avec toi. Je ne te quitte pas, et toi, ne me quitte pas!". Et, plus d'une fois, chacun de nous a sans doute vécu la même chose que Pierre lorsque, marchant sur les eaux à la rencontre du Seigneur, il s'est soudain aperçu que l'eau ne le soutenait pas et qu'il allait se noyer. Et, comme Pierre, nous avons crié: "Seigneur, sauve-moi!" (Mt 14,30). En voyant les éléments se déchaîner, comment pouvions-nous franchir les eaux bruyantes et bouillonnantes du siècle dernier et du dernier millénaire? Mais alors, nous nous sommes tournés vers Lui... Et Lui nous a pris par la main et nous a donné un nouveau "poids spécifique": la légèreté qui découle de la foi et qui nous attire vers le haut. Puis, il nous donne la main qui soutient et porte. Il nous soutient. Fixons à nouveau notre regard vers Lui et tendons les mains vers Lui. Laissons-nous prendre par sa main et nous ne coulerons pas, mais nous servirons la vie qui est plus forte que la mort, et l'amour qui est plus fort que la haine. La foi en Jésus, Fils du Dieu vivant, est l'instrument grâce auquel nous prenons toujours à nouveau la main de Jésus et à travers lequel Il prend notre main et nous guide. L'une de mes prières préférées est la prière que la liturgie pose sur nos lèvres avant la Communion: "...Ne permets pas que je sois séparé de toi". Nous demandons de ne jamais tomber en dehors de la communion avec son Corps, avec le Christ lui-même, de ne jamais tomber en dehors du mystère eucharistique. Nous demandons qu'il ne lache jamais notre main...

Le Seigneur a placé sa main sur nous. Il a exprimé la signification de ce geste dans les paroles: "Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître" (Jn 15,15). Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis: dans ces paroles, on pourrait même voir l'institution du sacerdoce. Le Seigneur fait de nous ses amis: il nous confie tout; il nous confie sa personne, afin que nous puissions parler en son nom - in persona Christi capitis. Quelle confiance! Il s'est véritablement remis entre nos mains. Les signes essentiels de l'Ordination sacerdotale sont au fond tous des manifestations de cette parole: l'imposition des mains; la remise du livre - de sa parole qu'il nous confie; la remise de la coupe à travers laquelle il nous transmet son mystère le plus profond et personnel. Le pouvoir d'absolution fait également partie de tout cela. Il nous fait participer également à sa conscience en ce qui concerne la misère du péché et toute l'obscurité du monde, et dépose la clé entre nos mains pour rouvrir la porte vers la maison du Père. Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis. Telle est la signification profonde de la condition de prêtre: devenir ami de Jésus Christ. Pour cette amitié, nous devons nous engager chaque jour à nouveau. Nous devons nous exercer à cette communion de pensée avec Jésus, nous dit saint Paul dans l'Epître aux Philippiens (cf. Ph 2,2-5). Et cette communion de pensée n'est pas une chose uniquement intellectuelle, mais c'est une communion des sentiments et de la volonté, et donc également de l'action. Cela signifie que nous devons connaître Jésus de façon toujours plus personnelle, en l'écoutant, en vivant avec Lui, en nous arrêtant auprès de Lui. L'écouter, - dans la lectio divina, c'est-à-dire en lisant l'Ecriture Sainte de façon non académique, mais spirituelle; ainsi, nous apprenons à rencontrer Jésus présent qui nous parle. Nous devons raisonner et réfléchir sur ses paroles et sur son action devant Lui et avec Lui. La lecture de l'Ecriture Sainte est prière, elle doit être prière, - elle doit naître de la prière et conduire à la prière. Les évangélistes nous disent que le Seigneur, à plusieurs reprises - des nuits entières -, se retirait "sur la montagne" pour prier seul. Nous aussi nous avons besoin de cette "montagne": c'est le sommet intérieur que nous devons gravir, la montagne de la prière. Ce n'est qu'ainsi que se développe l'amitié. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons apporter le Christ et son Evangile aux hommes. Le simple activisme peut aller jusqu'à l'héroïsme. Mais l'action extérieure, en fin de compte, reste sans fruits et perd de son efficacité si elle ne naît pas de la communion intime avec le Christ. Le temps que nous passons pour cela est véritablement un temps d'activité pastorale, d'une activité authentiquement pastorale. Le prêtre doit être surtout un homme de prière. Le monde, dans son activité frénétique, perd souvent le sens de l'orientation. S'il manque la force de la prière, dont jaillissent les eaux de la vie capables de rendre féconde la terre aride, son action et ses capacités deviennent destructrices.

Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis. Le coeur du sacerdoce est d'être amis de Jésus Christ. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons véritablement parler in persona Christi, même si notre éloignement intérieur du Christ ne peut compromettre la validité du Sacrement. Etre ami de Jésus, être prêtre signifie être un homme de prière. Ainsi, nous le reconnaissons et nous sortons de l'ignorance des simples serviteurs. Ainsi, nous apprenons à vivre, à souffrir et agir avec Lui et pour Lui. L'amitié avec Jésus est, par antonomase, toujours une amitié avec les siens. Nous ne pouvons être amis de Jésus que dans la communion avec le Christ tout entier, avec la tête et le corps; dans la vigne abondante de l'Eglise animée par son Seigneur. Ce n'est qu'en elle que l'Ecriture Sainte est, grâce au Seigneur, une Parole vivante et actuelle. Sans le sujet vivant de l'Eglise qui embrasse tous les âges, la Bible se fragmente en passages souvent hétérogènes et devient ainsi un livre du passé. Celle-ci est éloquente dans le présent uniquement là où il y a la "Présence" - là où le Christ reste toujours notre contemporain: dans le corps de son Eglise.

Etre prêtre signifie devenir l'ami de Jésus Christ, et cela toujours plus avec toute notre existence. Le monde a besoin de Dieu - non pas d'un dieu quelconque, mais du Dieu de Jésus Christ, du Dieu qui s'est fait chair et sang, qui nous a aimés jusqu'à mourir pour nous, qui est ressuscité et qui a créé en lui un espace pour l'homme. Ce Dieu doit vivre en nous et nous en Lui. Tel est notre appel sacerdotal: ce n'est qu'ainsi que notre action, en tant que prêtres, peut porter des fruits. Je voudrais conclure cette homélie par une phrase d'Andrea Santoro, le prêtre du diocèse de Rome qui a été assassiné à Trébizonde tandis qu'il priait; le Cardinal Cé nous l'a communiqué au cours des Exercices spirituels. Cette phrase dit: "Je suis ici pour habiter parmi ce peuple et permettre à Jésus de le faire en lui prêtant ma chair... Ce n'est qu'en offrant sa chair que l'on devient capable de salut. Le mal du monde doit être porté et la douleur doit être partagée en l'absorbant jusqu'au bout dans sa chair comme l'a fait Jésus". Jésus a revêtu notre chair. Donnons-lui la nôtre, de cette façon Il peut venir dans le monde et le transformer. Amen!




Benoît XVI Homélies 25306