Benoît XVI Homélies 13426

MESSE IN CENA DOMINI

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Basilique Saint-Jean-de-Latran, 13 avril 2006


Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,

Chers frères et soeurs,

"Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, [il] les aima jusqu'à la fin" (
Jn 13,1): Dieu aime sa créature, l'homme; il l'aime même dans sa chute et ne l'abandonne pas à lui-même. Il aime jusqu'au bout. Il va jusqu'au bout avec son amour, jusqu'à l'extrême: il descend de sa gloire divine. Il dépose les habits de sa gloire divine et revêt les vêtements de l'esclave. Il descend jusqu'au degré le plus bas de notre chute. Il s'agenouille devant nous et nous rend le service de l'esclave; il lave nos pieds sales, afin que nous devenions admissibles à la table de Dieu, afin que nous devenions dignes de prendre place à sa table - une chose que par nous-mêmes nous ne pourrions ni ne devrions jamais faire.

Dieu n'est pas un Dieu lointain, trop distant et trop grand pour s'occuper de nos sottises. Puisqu'Il est grand, il peut également s'intéresser aux petites choses. Puisqu'il est grand, l'âme de l'homme - l'homme créé pour l'amour éternel -, n'est pas une petite chose, mais est grand et digne de son amour. La sainteté de Dieu n'est pas seulement un pouvoir incandescent, devant lequel nous devons nous retirer terrifiés; elle est un pouvoir d'amour et donc un pouvoir purificateur et restaurateur.

Dieu descend et devient esclave, il nous lave les pieds afin que nous puissions prendre place à sa table. En cela s'exprime tout le mystère de Jésus Christ. En cela devient visible ce que signifie sa rédemption. Le bain dans lequel il nous lave est son amour prêt à affronter la mort. Seul l'amour a cette force purificatrice qui nous ôte notre impureté et nous élève à la hauteur de Dieu. Le bain qui nous purifie c'est Lui-même qui se donne totalement à nous - jusqu'aux profondeurs de sa souffrance et de sa mort. Il est en permanence cet amour qui nous lave; dans les sacrements de la purification - le baptême et le sacrement de la pénitence - Il est sans cesse agenouillé à nos pieds et nous rend le service de l'esclave, le service de la purification, il nous rend aptes à recevoir Dieu. Son amour est intarissable, il va vraiment jusqu'au bout.

"Vous aussi, vous êtes purs, mais pas tous", nous dit le Seigneur (Jn 13,10). Dans cette phrase se révèle le grand don de la purification qu'Il nous fait, parce qu'il a le désir d'être à table avec nous, de devenir notre nourriture. "Mais pas tous" - il existe l'obscur mystère du refus, qui apparaît avec l'épisode de Judas et, précisément le Jeudi Saint, le jour où Jésus fait don de lui-même, doit nous faire réfléchir. L'amour du Seigneur ne connaît pas de limites, mais l'homme peut y mettre une limite.

"Vous êtes purs, mais pas tous": qu'est-ce qui rend l'homme impur? C'est le refus de l'amour, ne pas vouloir être aimé, ne pas aimer. C'est l'orgueil qui croit n'avoir besoin d'aucune purification, qui se ferme à la bonté salvatrice de Dieu. C'est l'orgueil qui ne veut pas confesser et reconnaître que nous avons besoin de purification. En Judas nous voyons la nature de ce refus encore plus clairement. Il évalue Jésus selon les catégories du pouvoir et du succès: pour lui, seuls le pouvoir et le succès sont une réalité, l'amour ne compte pas. Et il est avide: l'argent est plus important que la communion avec Jésus, plus important que Dieu et que son amour. Ainsi, il devient aussi un menteur, qui joue un double jeu et se détache de la vérité; une personne qui vit dans le mensonge et perd ainsi le sens de la vérité suprême, de Dieu. De cette façon, il s'endurcit, il devient incapable de conversion, du retour confiant du fils prodigue, et il jette la vie détruite.

"Vous êtes purs, mais pas tous". Le Seigneur nous met aujourd'hui en garde contre cette autosuffisance qui pose une limite à son amour illimité. Il nous invite à imiter son humilité, à nous remettre à celle-ci, à nous laisser "contaminer" par celle-ci. Il nous invite - pour autant que nous puissions nous sentir égarés - à revenir à la maison et à permettre à sa bonté purificatrice de nous réconforter et de nous faire entrer dans la communion du banquet avec Lui, avec Dieu lui-même.

Ajoutons un dernier mot à propos de ce passage évangélique fécond: "C'est un exemple que je vous ai donné" (Jn 13,15); "Vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres" (Jn 13,14). En quoi consiste le fait de "nous laver les pieds les uns les autres"? Qu'est-ce que cela signifie concrètement? Voilà, toute oeuvre de bonté pour l'autre - en particulier pour ceux qui souffrent et pour ceux qui sont peu estimés - est un service de lavement des pieds. Le Seigneur nous appelle à cela: descendre, apprendre l'humilité et le courage de la bonté et également la disponibilité à accepter le refus, mais toutefois se fier à la bonté et persévérer en elle. Mais il existe une dimension encore plus profonde. Le Seigneur ôte notre impureté avec la force purificatrice de sa bonté. Nous laver les pieds les uns les autres signifie surtout nous pardonner inlassablement les uns les autres, recommencer toujours à nouveau ensemble, même si cela peut paraître inutile. Cela signifie nous purifier les uns les autres en nous supportant mutuellement et en acceptant d'être supportés par les autres; nous purifier les uns les autres en nous donnant mutuellement la force sanctifiante de la Parole de Dieu et en nous introduisant dans le Sacrement de l'amour divin.

Le Seigneur nous purifie, et c'est pour cette raison que nous osons prendre place à sa table. Prions-le de nous donner à tous la grâce de pouvoir un jour être pour toujours des hôtes de l'éternel banquet nuptial. Amen!



VEILLÉE PASCALE - 15 avril 2006

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Basilique Vaticane

Samedi Saint, 15 avril 2006


«Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité: il n’est pas ici» (
Mc 16,6). Ainsi parle le messager de Dieu, vêtu de lumière, aux femmes qui cherchent le corps de Jésus dans le tombeau. En cette nuit sainte, l’évangéliste nous dit, à nous aussi, la même chose: Jésus n’est pas un personnage du passé. Il vit et, vivant, il marche devant nous; il nous appelle à le suivre, Lui, le vivant, et à trouver ainsi, nous aussi, le chemin de la vie.

«Il est ressuscité... il n’est pas ici». Lorsque, en descendant de la montagne de la Transfiguration, Jésus, pour la première fois, avait parlé à ses disciples de la croix et de la résurrection, ceux-ci se demandaient ce que voulait dire «ressusciter d’entre les morts» (Mc 9,10). À Pâques, nous nous réjouissons parce que le Christ n’est pas resté dans le tombeau, son corps n’a pas connu la corruption; il appartient au monde des vivants, non à celui des morts; nous nous réjouissons parce qu’Il est – ainsi que nous le proclamons dans le rite du cierge pascal – l’Alpha et en même temps l’Oméga; il existe donc non seulement hier, mais aujourd’hui et pour l’éternité (cf. He 13,8). Cependant, la résurrection est, en quelque sorte, située tellement au-delà de notre horizon, de même qu’au-delà de toutes nos expériences, que, lorsque nous faisons retour en nous-mêmes, nous en sommes à poursuivre la discussion des disciples: en quoi consiste précisément le «fait de ressusciter» ? Qu’est ce que cela signifie pour nous ? Pour le monde et pour l’histoire dans leur ensemble ? Un théologien allemand a dit une fois, de manière ironique, que le miracle d’un cadavre réanimé – si toutefois cela s’était réellement produit, ce à quoi d’ailleurs il ne croyait pas –, serait en fin de compte sans importance puisque, précisément, nous ne serions pas concernés. En effet, si une fois quelqu’un avait été réanimé, et rien d’autre, en quoi cela devrait-il nous concerner ? Mais, précisément, la résurrection du Christ est bien plus, il s’agit d’une réalité différente. Elle est – si nous pouvons pour une fois utiliser le langage de la théorie de l’évolution – la plus grande «mutation», le saut absolument le plus décisif dans une dimension totalement nouvelle qui soit jamais advenue dans la longue histoire de la vie et de ses développements: un saut d’un ordre complètement nouveau, qui nous concerne et qui concerne toute l’histoire.

La discussion que les disciples ont entamée comprendrait donc les questions suivantes: Que lui est-il arrivé ? Que cela signifie-t-il pour nous, pour l’ensemble du monde et pour moi personnellement ? Avant tout: Que s’est-il passé ? Jésus n’est plus dans le tombeau. Il est dans une vie totalement nouvelle. Mais comment cela a-t-il pu se produire ? Quelles forces ont agi là ? Il est décisif que cet homme Jésus n’ait pas été seul, n’ait pas été un moi renfermé sur lui-même. Il était un avec le Dieu vivant, tellement uni à Lui qu’il formait avec Lui une unique personne. Il se trouvait, pour ainsi dire, dans une union affectueuse avec Celui qui est la vie même, union affectueuse non seulement basée sur l’émotion, mais saisissant et pénétrant son être. Sa vie n’était pas seulement la sienne, elle était une communion existentielle avec Dieu et un être incorporé en Dieu, et c’est pourquoi cette vie ne pouvait pas lui être véritablement enlevée. Par amour, il pouvait se laisser tuer, mais c’est précisément ainsi qu’il a rompu le caractère définitif de la mort, parce qu’en lui était présent le caractère définitif de la vie. Il était un avec la vie indestructible, de telle manière que celle-là, à travers la mort, jaillisse d’une manière nouvelle. Nous pouvons exprimer encore une fois la même chose en partant d’un autre point de vue. Sa mort fut un acte d’amour. Au cours de la dernière Cène, Il a anticipé sa mort et Il l’a transformée en don de soi. Sa communion existentielle avec Dieu était concrètement une communion existentielle avec l’amour de Dieu, et cet amour est la vraie puissance contre la mort, il est plus fort que la mort. La résurrection fut comme une explosion de lumière, une explosion de l’amour, qui a délié le lien jusqu’alors indissoluble du «meurs et deviens». Elle a inauguré une nouvelle dimension de l’être, de la vie, dans laquelle la matière a aussi été intégrée, d’une manière transformée, et à travers laquelle surgit un monde nouveau.

Il est clair que cet événement n’est pas un quelconque miracle du passé, dont l’existence pourrait nous être, en définitive, indifférente. Il s’agit d’un saut qualitatif dans l’histoire de l’évolution et de la vie en général, vers une vie future nouvelle, vers un monde nouveau qui, en partant du Christ, pénètre déjà continuellement dans notre monde, le transforme et l’attire à lui. Mais comment cela se produit-il ? Comment cet événement peut-il effectivement m’arriver et attirer ma vie vers lui et vers le haut ? Dans un premier temps, la réponse pourrait sembler surprenante, mais elle est tout à fait réelle: un tel événement me rejoint à travers la foi et le Baptême. C’est pourquoi le Baptême fait partie de la Veillée pascale, comme le souligne aussi, au cours de cette célébration, le fait que soient conférés les Sacrements de l’Initiation chrétienne à quelques adultes provenant de différents pays. Le Baptême signifie précisément ceci, qu’il ne s’agit pas d’un événement du passé, mais qu’un saut qualitatif de l’histoire universelle vient à moi, me saisissant pour m’attirer. Le Baptême est quelque chose de bien différent qu’un acte de socialisation ecclésiale, qu’un rite un peu démodé et compliqué pour accueillir les personnes dans l’Église. Il est encore bien plus que le simple fait d’être lavé, qu’une sorte de purification et d’embellissement de l’âme. Il est vraiment mort et résurrection, renaissance, transformation en une vie nouvelle.

Comment pouvons-nous le comprendre ? Je pense que ce qui advient au Baptême s’éclaire plus facilement pour nous si nous regardons la partie finale de la petite autobiographie spirituelle que saint Paul nous a laissée dans sa Lettre aux Galates. Elle se conclut par les mots qui contiennent aussi le noyau de cette biographie: «Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi» (Ga 2,20). Je vis, mais ce n’est plus moi. Le moi lui-même, l’identité essentielle de l’homme – de cet homme, Paul – a été changée. Il existe encore et il n’existe plus. Il a traversé une négation et il se trouve continuellement dans cette négation: c’est moi, mais ce n’est plus moi. Par ces mots, Paul ne décrit pas une quelconque expérience mystique, qui pouvait peut-être lui avoir été donnée et qui pourrait sans doute nous intéresser du point de vue historique. Non, cette phrase exprime ce qui s’est passé au Baptême. Mon propre moi m’est enlevé et il s’incorpore à un sujet nouveau, plus grand. Alors mon moi existe de nouveau, mais précisément transformé, renouvelé, ouvert par l’incorporation dans l’autre, dans lequel il acquiert son nouvel espace d’existence. De nouveau, Paul nous explique la même chose, sous un autre aspect, quand, dans le troisième chapitre de la Lettre aux Galates, il parle de la «promesse», disant qu’elle a été donnée au singulier – à un seul: au Christ. C’est lui seul qui porte en lui toute la «promesse». Mais alors qu’advient-il pour nous ? Paul répond: «Vous ne faites plus qu’un dans le Christ» (Ga 3,28). Non pas une seule chose, mais un, un unique, un unique sujet nouveau. Cette libération de notre moi de son isolement, le fait de se trouver dans un nouveau sujet, revient à se trouver dans l’immensité de Dieu et à être entraînés dans une vie qui est dès maintenant sortie du contexte du «meurs et deviens». La grande explosion de la résurrection nous a saisis dans le Baptême pour nous attirer. Ainsi nous sommes associés à une nouvelle dimension de la vie dans laquelle nous sommes déjà en quelque sorte introduits, au milieu des tribulations de notre temps. Vivre sa vie comme une entrée continuelle dans cet espace ouvert : telle est la signification essentielle de l’être baptisé, de l’être chrétien. Telle est la joie de la Veillée pascale. La résurrection n’est pas passée, la résurrection nous a rejoints et saisis. Nous nous accrochons à elle, c’est-à-dire au Christ ressuscité, et nous savons que Lui nous tient solidement, même quand nos mains faiblissent. Nous nous accrochons à sa main, et ainsi nous nous tenons la main les uns des autres, nous devenons un unique sujet, et pas seulement une seule chose. C’est moi, mais ce n’est plus moi: voilà la formule de l’existence chrétienne fondée sur le Baptême, la formule de la résurrection à l’intérieur du temps. C’est moi, mais ce n’est plus moi: si nous vivons de cette manière, nous transformons le monde. C’est la formule qui contredit toutes les idéologies de la violence, et c’est le programme qui s’oppose à la corruption et à l’aspiration au pouvoir et à l’avoir.

«Je vis et, vous aussi, vous vivrez», dit Jésus à ses disciples, c’est-à-dire à nous, dans l’Évangile de Jean (Jn 14,19). Nous vivrons par la communion existentielle avec Lui, par le fait d’être incorporés en Lui qui est la vie même. La vie éternelle, l’immortalité bienheureuse, nous ne l’avons pas de nous-mêmes et nous ne l’avons pas en nous-mêmes, mais au contraire par une relation – par la communion existentielle avec Celui qui est la Vérité et l’Amour, et qui est donc éternel, qui est Dieu lui-même. Par elle-même, la simple indestructibilité de l’âme ne pourrait pas donner un sens à une vie éternelle, elle ne pourrait pas en faire une vraie vie. La vie nous vient du fait d’être aimés par Celui qui est la Vie; elle nous vient du fait de vivre-avec Lui et d’aimer-avec Lui. C’est moi, mais ce n’est plus moi: tel est le chemin de la croix, le chemin qui crucifie une existence renfermée seulement sur le moi, ouvrant par-là la route à la joie véritable et durable.

Ainsi nous pouvons, pleins de joie, chanter avec l’Église dans l’Exsultet: «Exultez de joie, multitude des anges, sois heureuse aussi, notre terre». La résurrection est un avènement cosmique, qui comprend le ciel et la terre, et qui les lie l’un à l’autre. Et nous pouvons encore proclamer avec l’Exsultet: «Le Christ, ton Fils... ressuscité des morts, répand sur les humains sa lumière et sa paix, Lui qui règne pour les siècles des siècles». Amen !



MESSE SOLENNELLE POUR LE V CENTENAIRE DE LA FONDATION DE LA GARDE SUISSE PONTIFICALE - Samedi 6 mai 2006

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Basilique Vaticane - Samedi 6 mai 2006

Chers frères et soeurs!


Cette année, nous commémorons plusieurs événements significatifs ayant eu lieu en 1506, il y a tout juste cinq cents ans: la redécouverte du groupe sculpté du Laocoon, à laquelle l'on fait remonter l'origine des Musées du Vatican; la pose de la première pierre de la Basilique Saint-Pierre, réédifiée au-dessus de la basilique constantinienne; et la naissance de la Garde Suisse pontificale. Aujourd'hui, nous souhaitons rappeler de manière particulière ce dernier événement. En effet, le 22 janvier, il y a 500 ans, les 150 premiers Gardes arrivèrent à Rome à la demande expresse du Pape Jules II et ils entrèrent à son service au Palais apostolique. Ce corps d'élection fut très vite appelé à démontrer sa fidélité au Souverain Pontife: en 1527, Rome fut envahie et pillée et le 6 mai, 147 Gardes Suisses trouvèrent la mort pour défendre le Pape Clément VII, pendant que les 42 autres l'escortèrent en lieu sûr au Château Saint-Ange. Pourquoi rappeler aujourd'hui ces événements si lointains, ayant eu lieu dans une Rome et une Europe si différente de la situation actuelle? Avant tout pour rendre hommage au Corps des Gardes Suisses qui, depuis lors, a toujours été reconfirmé dans sa mission, même en 1970 lorsque le serviteur de Dieu Paul VI décida de dissoudre tous les autres corps militaires du Vatican. Mais, dans le même temps, et surtout, nous rappelons à la mémoire ces événements historiques pour en tirer un enseignement, à la lumière de la Parole de Dieu. Les lectures bibliques de la liturgie d'aujourd'hui viennent nous aider dans ce but et le Christ ressuscité, que nous célébrons avec une joie particulière dans le temps pascal, nous ouvre l'esprit à l'intelligence des Ecritures (cf.
Lc 24,45), afin que nous puissions reconnaître le dessein de Dieu et suivre sa volonté.

Le Saint-Père poursuivait ensuite en en

La première Lecture est tirée du Livre de la Sagesse, traditionnellement attribué au grand roi Salomon. Ce Livre est tout entier un hymne de louanges à la Sagesse divine, présentée comme le trésor le plus précieux que l'homme puisse souhaiter découvrir, le bien le plus grand dont dépendent tous les autres biens. Pour la Sagesse, il vaut la peine de renoncer à toute autre chose, parce qu'elle seule donne tout son sens à la vie, un sens qui dépasse la mort elle-même parce qu'elle place en communion réelle avec Dieu. La Sagesse - dit le texte - "fait des amis de Dieu" (Sg 7,27): c'est une superbe expression, qui met en valeur d'une part sa dimension "formative", à savoir que la Sagesse forme la personne, la fait grandir de l'intérieur vers une pleine mesure de sa maturité; et, dans le même temps, elle affirme que cette plénitude de vie consiste dans l'amitié avec Dieu, dans l'harmonie intime avec son être et sa volonté. Le lieu intérieur d'où agit la Sagesse divine est celui que la Bible appelle le coeur, le centre spirituel de la personne. C'est pourquoi le refrain du Psaume responsorial nous a fait prier: "Donne-nous, ô Dieu, la sagesse du coeur". Le Psaume 89 rappelle ensuite que cette sagesse est offerte à qui apprend à "compter ses jours" (v. Ps 89,12), c'est-à-dire à reconnaître que tout le reste dans la vie est passager, éphémère et transitoire; et l'homme pécheur ne peut ni ne doit se cacher devant Dieu, mais se reconnaître pour ce qu'il est, une créature ayant besoin de piété et de grâce. Qui accepte cette vérité et se dispose à accueillir la Sagesse, la reçoit en don.

Pour la Sagesse, il vaut alors la peine de renoncer à tout. Ce thème de "quitter" pour "trouver" est au centre du passage évangélique que venons d'écouter, tiré du chapitre 19 de saint Matthieu. Après l'épisode du "jeune homme riche", qui n'avait pas eu le courage de se détacher de ses "grands biens" pour suivre Jésus (cf. Mt 19,22), l'Apôtre Pierre demande au Seigneur quelle récompense ils recevront, eux qui sont ses disciples et qui ont en revanche tout quitté pour être avec Lui (Mt 19,27). La réponse du Christ révèle l'immense largesse de son coeur: aux Douze, il promet qu'ils participeront à son autorité sur le nouvel Israël; à tous, ensuite, il assure que "quiconque aura laissé" les biens terrestres à cause de son nom, "recevra bien davantage et aura en héritage la vie éternelle" (Mt 19,29). Celui qui choisit le Christ trouve le trésor le plus grand, la perle précieuse (cf. Mt 13,44-46), qui donne une valeur à tout le reste, parce qu'Il est la Sagesse divine incarnée (cf. Jn 1,14), venue dans le monde pour que l'humanité ait la vie en abondance (cf. Jn 10,10). Et celui qui accueille la bonté supérieure et la beauté et la vérité du Christ, en qui demeure toute la plénitude de Dieu (cf. Col 2,9), entre avec Lui dans son Royaume, où les critères de valeurs de ce monde perdent leur sens et sont même renversés.

L'une des plus belles définitions du Règne de Dieu, nous la trouvons dans la deuxième lecture, un texte qui appartient à la partie exhortative de la Lettre aux Romains. L'apôtre Paul, après avoir exhorté les chrétiens à se laisser toujours guider par la charité et à ne pas être objets de scandale pour ceux qui sont faibles dans la foi, rappelle que le Règne de Dieu "est justice, paix et joie dans l'Esprit Saint" (Rm 14,17). Et il ajoute: "Celui qui sert le Christ de cette manière-là plaît à Dieu, et il est approuvé par les hommes. Recherchons donc ce qui contribue à la paix et ce qui nous associe les uns aux autres en vue de la même construction" (Rm 14,18-19). "Ce qui contribue à la paix" constitue une expression synthétique et accomplie de la sagesse biblique, à la lumière de la révélation du Christ et de son mystère de salut. La personne qui a reconnu en Lui la Sagesse faite chair et qui a laissé tout le reste pour Lui devient "artisan de paix", tant dans la communauté chrétienne que dans le monde; cela signifie qu'elle devient semence du Règne de Dieu qui est déjà présent et qui grandit jusqu'à sa pleine manifestation. Dans la perspective du binôme Sagesse-Christ, la Parole de Dieu nous offre cependant une vision accomplie de l'homme dans l'histoire: la personne qui, fascinée par la sagesse, la cherche et la trouve en Christ laisse tout pour Lui, recevant en échange le don inestimable du Règne de Dieu et, revêtue de tempérance, de prudence, de justice et de force - les vertus "cardinales" -, elle vit dans l'Eglise le témoignage de la charité.

On pourrait se demander si cette vision de l'homme peut constituer un idéal de vie également pour les hommes de notre temps, en particulier pour les jeunes. Que cela soit possible, les innombrables témoignages de vie chrétienne, personnelle et communautaire, qui font encore aujourd'hui la richesse du Peuple de Dieu pèlerin dans l'histoire, le démontrent. Parmi les multiples expressions de la présence des laïcs dans l'Eglise catholique, il y a aussi celle tout à fait particulière des Gardes Suisses pontificaux, ces jeunes qui, motivés par l'amour du Christ et de l'Eglise, se mettent au service du Successeur de Pierre. Pour certains d'entre eux, l'appartenance à ce Corps de garde est limitée à une période dans le temps, pour d'autres elle se prolonge jusqu'à devenir le choix de toute leur vie. Pour quelques-uns, et je le dis avec une grande satisfaction, le service au Vatican les a conduits à mûrir la réponse à une vocation sacerdotale ou religieuse. Pour tous cependant, être Garde Suisse signifie adhérer sans réserve au Christ et à l'Eglise, en étant prêt à donner sa vie pour cela. Le service effectif peut cesser, mais au-dedans on reste toujours Garde Suisse. C'est le témoignage qu'ont voulu donner environ quatre-vingts anciens Gardes qui, du 7 avril au 4 mai, ont accompli une marche extraordinaire de la Suisse jusqu'à Rome, en suivant au maximum l'itinéraire de la Via Francigena.

A chacun de vous et à tous les Gardes Suisses, je souhaite renouveler mon salut le plus cordial. J'unis dans mon souvenir les Autorités venues expressément de Suisse et les autres Autorités civiles et militaires, les Aumôniers qui ont animé, à travers l'Evangile et l'Eucharistie, le service quotidien des Gardes, ainsi que les nombreux parents et amis. Chers amis, pour vous et pour les défunts de votre Corps, j'offre de façon particulière cette Eucharistie, qui marque le moment spirituellement le plus élevé de votre fête. Nourrissez-vous du Pain eucharistique et soyez avant toute chose des hommes de prière, pour que la divine Sagesse fasse de vous d'authentiques amis de Dieu et des serviteurs de son Royaume d'amour et de paix. C'est dans le Sacrifice du Christ que prend toute sa signification et toute sa valeur le service offert par votre longue assemblée au cours de ces 500 ans. Me faisant en esprit l'interprète des Pontifes Romains que votre Corps a fidèlement servis au cours des siècles, je vous exprime mes remerciements mérités et sincères, tout en vous invitant, les yeux tournés vers l'avenir, à aller de l'avant acriter et fideliter, avec courage et fidélité. Que la Vierge Marie et vos Patrons saint Martin, saint Sébastien et saint Nicolas de Flüe, vous aident à accomplir votre service quotidien avec un généreux dévouement, toujours animés par un esprit de foi et d'amour pour l'Eglise.


ORDINATION DE 15 NOUVEAUX PRÊTRES POUR LE DIOCÈSE DE ROME - IV Dimanche de Pâques 7 mai 2006

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Basilique Vaticane - IV Dimanche de Pâques 7 mai 2006


Chers frères et soeurs, chers ordinands,


Chers amis, en cette heure où, à travers le Sacrement de l'ordination sacerdotale, vous êtes introduits comme pasteurs au service du grand Pasteur Jésus Christ, c'est le Seigneur lui-même qui, dans l'Evangile, nous parle du service en faveur du troupeau de Dieu. L'image du pasteur vient de loin. Dans l'Orient antique, les rois avaient l'habitude de se désigner eux-mêmes comme les pasteurs de leur peuple. Dans l'Ancien Testament, Moïse et David, avant d'être appelés à devenir les chefs et les pasteurs du Peuple de Dieu, avaient effectivement été pasteurs de troupeaux. Dans les tourments de la période de l'exil, face à l'échec des pasteurs d'Israël, c'est-à-dire des guides politiques et religieux, Ezéchiel avait tracé l'image de Dieu comme celle du Pasteur de son peuple. Par l'intermédiaire du prophète, Dieu dit: "Comme un pasteur s'occupe de son troupeau..., je m'occuperai de mes brebis. Je les retirerai de tous les lieux où elles furent dispersées, au jour de nuées et de ténèbres" (
Ez 34,12). A présent, Jésus annonce que cette heure est arrivée: Il est lui-même le Bon Pasteur en qui Dieu prend soin de sa créature; l'homme, en rassemblant les êtres humains et en les conduisant vers le véritable pâturage. Saint Pierre, à qui le Seigneur ressuscité avait donné la tâche de paître ses brebis, de devenir pasteur avec Lui et pour Lui, qualifie Jésus d'"archipoimen" - l'archipasteur (cf. 1P 5,4), et il entend dire ainsi que l'on ne peut être pasteur du troupeau de Jésus Christ que grâce à Lui et dans la communion la plus profonde avec Lui. C'est précisément cela qui est exprimé dans le Sacrement de l'Ordination: à travers le Sacrement, le prêtre est totalement inséré dans le Christ afin que, partant de Lui et agissant en vue de Lui, il accomplisse en communion avec Lui le service de l'unique Pasteur Jésus, en qui Dieu, devenu homme, veut être notre pasteur.

L'Evangile que nous avons écouté en ce dimanche n'est qu'une partie du grand discours de Jésus sur les pasteurs. Dans ce passage, le Seigneur nous dit trois choses sur le pasteur véritable: il donne sa vie pour ses brebis; il les connaît et elles le connaissent; il est au service de l'unité. Avant de réfléchir sur ces trois caractéristiques essentielles de la condition de pasteurs, il serait peut-être utile de rappeler brièvement la partie précédente du discours sur les pasteurs dans laquelle Jésus, avant de se désigner comme Pasteur, dit à notre surprise: "Je suis la porte" (Jn 10,7). C'est à travers Lui que l'on doit entrer dans le service de pasteur. Jésus souligne très clairement cette condition de fond en affirmant: celui qui "fait l'escalade par une autre voie est un brigand" (Jn 10,1). Ce mot "fait l'escalade" - "anabainei" en grec - évoque l'image de quelqu'un qui grimpe sur la clôture pour parvenir, en la franchissant, là où il ne pourrait pas légitimement arriver. "Faire l'escalade" - on peut également voir ici l'image du carriérisme, de la tentative d'arriver "en-haut", de se procurer une position grâce à l'Eglise: de se servir, et non de servir. C'est l'image de l'homme qui, à travers le sacerdoce, veut devenir important, devenir quelqu'un; l'image de celui qui a pour objectif sa propre ascension et non l'humble service de Jésus Christ. Mais l'unique ascension légitime vers le ministère de pasteur est la croix. Telle est la véritable ascension, la porte véritable. Ne pas désirer devenir personnellement quelqu'un, mais être en revanche présent pour l'autre, pour le Christ, et ainsi, à travers Lui et avec Lui, être présent pour les hommes qu'Il cherche, qu'Il veut conduire sur la voie de la vie. On entre dans le sacerdoce à travers le Sacrement - et cela signifie précisément: à travers le don de soi-même au Christ, afin qu'Il dispose de moi; afin que je Le serve et suive son appel, même si cela devait être en opposition avec mes désirs de réalisation personnelle et d'amour propre. Entrer par la porte, qui est le Christ, veut dire le connaître et l'aimer toujours plus, pour que notre volonté s'unisse à la sienne et que notre action devienne une seule chose avec son action. Chers amis, nous voulons toujours prier à nouveau pour cette intention, nous voulons nous engager précisément pour cela, c'est-à-dire que le Christ grandisse en nous, que notre union avec Lui devienne toujours plus profonde, de sorte que par notre intermédiaire, ce soit le Christ lui-même Celui qui paît les brebis.

Regardons à présent de plus près les trois affirmations fondamentales de Jésus sur le bon pasteur. La première, qui parcourt avec une grande force tout le discours sur les pasteurs, dit: le pasteur donne sa vie pour ses brebis. Le mystère de la Croix se trouve au centre du service de Jésus en tant que pasteur: c'est le grand service qu'Il nous rend à tous. Il se donne lui-même, et pas seulement dans un passé lointain. Dans la sainte Eucharistie, il réalise cela chaque jour, il se donne lui-même à travers nos mains, il se donne à nous. C'est pourquoi, à juste titre, au centre de la vie sacerdotale se trouve la sainte Eucharistie, dans laquelle le sacrifice de Jésus sur la Croix demeure sans cesse présent, réellement parmi nous. Et, à partir de cela, nous apprenons également ce que signifie célébrer l'Eucharistie de manière adéquate: c'est une rencontre avec le Seigneur qui se dépouille pour nous de sa gloire divine, qui se laisse humilier jusqu'à la mort sur la croix et se donne ainsi à chacun de nous. Pour le prêtre, l'Eucharistie quotidienne, dans laquelle il revit toujours à nouveau ce mystère, est très importante; il se place toujours à nouveau entre les mains de Dieu, faisant en même temps l'expérience de la joie de savoir qu'Il est présent, qu'Il m'accueille, qu'Il me relève toujours à nouveau et me porte, qu'Il me donne lui-même la main. L'Eucharistie doit devenir pour nous une école de vie, dans laquelle nous apprenons à donner notre vie. On ne donne pas sa vie seulement au moment de la mort et pas seulement dans le martyre. Nous devons la donner jour après jour. Je dois apprendre jour après jour que je ne possède pas ma vie pour moi-même. Jour après jour, je dois apprendre à m'abandonner moi-même; à me tenir prêt pour cette chose pour laquelle Lui, le Seigneur, a besoin de moi sur le moment, même si d'autres choses me semblent plus belles et plus importantes. Donner la vie, ne pas la prendre. C'est précisément ainsi que nous faisons l'expérience de la liberté. La liberté de nous-mêmes, l'étendue de l'être. Précisément ainsi, en étant utile, en étant une personne dont on a besoin dans le monde, notre vie devient importante et belle. Seul celui qui donne sa propre vie, la trouve.

En deuxième lieu, le Seigneur dit: "Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père" (Jn 10,14-15). Dans cette phrase, se trouvent deux relations apparemment totalement différentes, qui sont ici mêlées l'une à l'autre: la relation entre Jésus et le Père et la relation entre Jésus et les hommes qui lui sont confiés. Mais ces deux relations vont précisément de pair, parce que les hommes, en fin de compte, appartiennent au Père et sont à la recherche du Créateur, de Dieu. Quand ils s'aperçoivent que quelqu'un ne parle qu'en son propre nom et en s'inspirant seulement de sa propre personne, ils comprennent alors que c'est trop peu et qu'il ne peut pas être ce qu'ils cherchent. Cependant, là où une autre voix retentit dans une personne, la voix du Créateur, du Père, alors s'ouvre la porte de la relation que l'homme attend. Il doit donc en être ainsi dans notre cas. Nous devons tout d'abord vivre intimement en nous la relation avec le Christ et, par son intermédiaire, avec le Père; ce n'est qu'alors que nous pouvons vraiment comprendre les hommes, ce n'est qu'à la lumière de Dieu qu'on comprend la profondeur de l'homme. Alors, celui qui nous écoute se rend compte que nous ne parlons pas de nous, de quelque chose, mais du véritable Pasteur. Bien sûr, dans les paroles de Jésus est également contenu tout le devoir pastoral concret, qui est de suivre les hommes, d'aller les trouver, d'être ouverts à leurs nécessités et à leurs questions. Bien sûr, la connaissance pratique, concrète des personnes qui me sont confiées est fondamentale, et, bien sûr, il est important de comprendre cette "connaissance" des autres au sens biblique: il n'y a pas de véritable connaissance sans amour, sans un rapport intérieur, sans une profonde acceptation de l'autre. Le pasteur ne peut pas se contenter de connaître les noms et les dates. Sa connaissance des brebis doit toujours être également une connaissance du coeur. Mais cela n'est, en fait, réalisable que si le Seigneur a ouvert notre coeur; si notre connaissance ne lie pas les personnes à notre petit moi privé, à notre petit coeur, mais leur fait en revanche sentir le coeur de Jésus, le coeur du Seigneur. Ce doit être une connaissance faite avec le coeur de Jésus et orientée vers Lui, une connaissance qui ne lie pas l'homme à moi, mais qui le guide vers Jésus, le rendant ainsi libre et ouvert. Et ainsi, nous aussi, entre hommes, nous devenons proches. Nous voulons toujours à nouveau prier le Seigneur afin que cette façon de connaître avec le coeur de Jésus, de ne pas lier à ma personne, mais de lier au coeur de Jésus et de créer ainsi une véritable communauté, nous soit donné.

Enfin, le Seigneur nous parle du service de l'unité confiée au pasteur: "J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cet enclos; celles-là aussi, il faut que je les mène; elles écouteront ma voix; et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur" (Jn 10,16). C'est la même chose que Jean répète après la décision du Sanhédrin de tuer Jésus, lorsque Caïphe dit qu'il vaudrait mieux qu'un seul meure pour le peuple, plutôt que la nation tout entière ne périsse. Jean reconnaît dans cette parole de Caïphe une parole prophétique et il ajoute: "Jésus allait mourir pour la nation, et non pas pour la nation seulement, mais encore afin de rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés" (Jn 11,52). La relation entre la croix et l'unité se révèle; l'unité se paye avec la Croix. Mais c'est surtout l'horizon universel de l'action de Jésus qui apparaît. Si Ezéchiel, dans sa prophétie sur le pasteur, avait en vue le rétablissement de l'unité entre les tribus dispersées d'Israël (cf. Ez 34,22-24), il ne s'agit maintenant plus seulement de l'unification de l'Israël dispersé, mais de l'unification de tous les fils de Dieu, de l'humanité - de l'Eglise des juifs et des païens. La mission de Jésus concerne l'humanité tout entière, et l'Eglise reçoit donc une responsabilité pour toute l'humanité, afin que cette dernière reconnaisse Dieu, ce Dieu qui, pour nous tous, s'est fait homme en Jésus Christ, a souffert, est mort et est ressuscité. L'Eglise ne doit jamais se contenter de l'assemblée de ceux qu'elle a réussi à atteindre à un certain moment, et dire que les autres vont bien ainsi: les musulmans, les hindouistes et ainsi de suite. L'Eglise ne peut pas se retirer commodément dans les limites de son propre domaine. Elle est chargée de la sollicitude universelle, elle doit se préoccuper pour tous et de tous. Nous devons "traduire", d'une manière générale, cette grande tâche dans nos missions respectives. Bien sûr, un prêtre, un pasteur d'âme, doit tout d'abord se soucier de ceux qui croient et vivent avec l'Eglise, qui cherchent en elle le chemin de la vie et qui, pour leur part, comme des pierres vivantes, construisent l'Eglise et édifient et soutiennent ainsi également ensemble le prêtre. Toutefois, nous devons aussi toujours à nouveau - comme dit le Seigneur - sortir "par les chemins et le long des clôtures" (Lc 14,23) pour porter l'invitation de Dieu à son banquet également aux hommes qui jusqu'à présent n'en ont pas entendu parler, ou qui n'ont pas été touchés intérieurement par lui. Ce service universel, service pour l'unité, possède de multiples formes. L'unité pour l'engagement intérieur de l'Eglise en fait toujours également partie, afin que celle-ci, au-delà de toutes les diversités et les limites, soit un signe de la présence de Dieu dans le monde, lui seul pouvant créer une telle unité.

L'Eglise antique a trouvé dans la sculpture de son temps la figure du pasteur qui porte une brebis sur ses épaules. Peut-être ces images font-elles partie du rêve idyllique de la vie champêtre qui avait fasciné la société de l'époque. Mais pour les chrétiens, cette figure est devenue tout naturellement l'image de Celui qui s'est mis en marche pour chercher la brebis égarée: l'humanité; l'image de Celui qui nous suit jusque dans nos déserts et dans nos égarements; l'image de Celui qui a pris sur ses épaules la brebis égarée, qui est l'humanité, et qui la ramène à la maison. Il est devenue l'image du véritable Pasteur Jésus Christ. Nous nous confions à Lui. C'est à Lui que nous vous confions, chers frères, en particulier en cette heure, afin qu'Il vous conduise et vous soutienne tous les jours; afin qu'Il vous aide à devenir, grâce à Lui et avec Lui, les bons pasteurs de son troupeau. Amen!



Benoît XVI Homélies 13426