Benoît XVI Homélies 25209


VOYAGE APOSTOLIQUE AU CAMEROUN ET EN ANGOLA (17-23 MARS 2009)


CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE À L'OCCASION DE LA PUBLICATION DE L’INSTRUMENTUM LABORIS

19309
Stade Amadou Ahidjo de Yaoundé

Jeudi 19 mars 2009




Chers Frères dans l’Episcopat,
Chers frères et soeurs,
Loué soit Jésus-Christ qui nous réunit aujourd’hui sur ce stade, afin de nous faire pénétrer plus profondément dans sa vie !

Jésus-Christ nous rassemble en ce jour où l’Église, ici au Cameroun, comme sur toute la terre, célèbre la fête de saint Joseph, époux de la Vierge Marie. Je commence par souhaiter une très bonne fête à tous ceux qui, comme moi, ont reçu la grâce de porter ce beau nom, et je demande à saint Joseph de leur accorder une protection spéciale en les guidant vers le Seigneur Jésus Christ tous les jours de leur vie. Je salue aussi les paroisses, les écoles et les collèges, les institutions qui portent le nom de saint Joseph. Je remercie Mgr Tonyé Bakot, Archevêque de Yaoundé, pour ses aimables paroles et j’adresse un salut chaleureux aux représentants des Conférences épiscopales d’Afrique venus à Yaoundé à l’occasion de la publication de l’Instrumentum laboris de la deuxième Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques.

Comment pouvons-nous entrer dans la grâce spécifique de ce jour ? Tout à l’heure, à la fin de la messe, la liturgie nous dévoilera le point culminant de notre méditation, quand elle nous fera dire : « Par cette nourriture reçue à ton autel, Seigneur, tu as rassasié ta famille, heureuse de fêter saint Joseph ; garde-la toujours sous ta protection et veille sur les dons que tu lui as faits ». Vous le voyez, nous demandons au Seigneur de garder toujours l’Église sous sa constante protection – et Il le fait ! – exactement comme Joseph a protégé sa famille et a veillé sur les premières années de Jésus enfant.

L’Évangile vient de nous le rappeler. L’Ange lui avait dit : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse » (
Mt 1,20) et c’est exactement ce qu’il a fait : « Il fit ce que l’Ange du Seigneur lui avait prescrit » (Mt 1,24). Pourquoi saint Matthieu a-t-il tenu à noter cette fidélité aux paroles reçues du messager de Dieu, sinon pour nous inviter à imiter cette fidélité pleine d’amour ?

La première lecture que nous venons d’entendre ne parle pas explicitement de saint Joseph, mais elle nous apprend beaucoup de choses sur lui. Le prophète Nathan va dire à David, sur l'ordre de Dieu lui-même : « Je te donnerai un successeur dans ta descendance » (2S 7,12). David doit accepter de mourir sans voir la réalisation de cette promesse, qui s’accomplira « quand [sa] vie sera achevée » et qu’il reposera « auprès de [ses] pères ». Ainsi, nous voyons qu’un des voeux les plus chers de l’homme, celui d'être le témoin de la fécondité de son action, n’est pas toujours exaucé par Dieu. Je pense à ceux parmi vous qui sont pères et mères de famille : ils ont très légitimement le désir de donner le meilleur d’eux-mêmes à leurs enfants et ils veulent les voir parvenir à une véritable réussite. Pourtant, il ne faut pas se tromper sur cette réussite : ce que Dieu demande à David, c’est de Lui faire confiance. David ne verra pas lui-même son successeur, celui qui aura un trône « stable pour toujours » (2S 7,16), car ce successeur annoncé sous le voile de la prophétie, c’est Jésus. David fait confiance à Dieu. De même, Joseph fait confiance à Dieu, quand il écoute son messager, son Ange, lui dire : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1,20). Joseph est, dans l’histoire, l’homme qui a donné à Dieu la plus grande preuve de confiance, même devant une annonce aussi stupéfiante.

Et vous, chers pères et chères mères de famille qui m’écoutez, avez-vous confiance en Dieu qui fait de vous les pères et les mères de ses enfants d’adoption ? Acceptez-vous qu’Il compte sur vous pour transmettre à vos enfants les valeurs humaines et spirituelles que vous avez reçues et qui les feront vivre dans l’amour et le respect de son saint Nom ? Aujourd’hui où tant de personnes sans scrupule cherchent à imposer le règne de l’argent au mépris des plus démunis, il vous faut être très attentifs. L’Afrique en général, et le Cameroun, en particulier, sont en danger s’ils ne reconnaissent pas le Véritable Auteur de la Vie ! Frères et soeurs du Cameroun et de l’Afrique, vous qui avez reçu de Dieu tant de qualités humaines, ayez soin de vos âmes ! Ne vous laissez pas fasciner par de fausses gloires et de faux idéaux ! Croyez, oui, continuez à croire que Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, est le Seul qui vous aime vraiment comme vous l’attendez, qu’Il est le seul à pouvoir vous combler, à pouvoir donner la stabilité à vos vies. Le Christ est l’unique chemin de Vie.

Seul Dieu pouvait donner à Joseph la force de faire confiance à l’Ange. Seul Dieu vous donnera, chers frères et soeurs qui êtes mariés, la force d’élever votre famille comme Il le veut. Demandez-le Lui ! Dieu aime qu’on Lui demande ce qu’Il veut donner. Demandez-Lui la grâce d’un amour véritable et toujours plus fidèle, à l’image de son propre amour. Comme le dit magnifiquement le psaume : son « amour est bâti pour toujours, [sa] fidélité est plus stable que les cieux » (Ps 88,3).

Comme sur d’autres continents, aujourd’hui, la famille connaît effectivement, dans votre pays et dans le reste de l’Afrique, une période difficile que sa fidélité à Dieu l’aidera à traverser. Certaines valeurs de la vie traditionnelle ont été bouleversées. Les rapports entre générations ont évolué de telle manière qu'ils ne favorisent plus comme avant la transmission des connaissances antiques et de la sagesse héritée des aïeux. Trop souvent, on assiste à un exode rural comparable à celui que de très nombreuses périodes humaines ont connues elles aussi. La qualité des liens familiaux s’en trouve profondément affectée. Déracinés et fragilisés, les membres des jeunes générations, souvent - hélas ! - sans véritable travail, cherchent des remèdes à leur mal de vivre dans des paradis éphémères et artificiels importés dont on sait qu’ils ne parviennent jamais à assurer à l’homme un bonheur profond et durable. Parfois aussi l’homme africain est contraint à fuir hors de lui-même et à abandonner tout ce qui faisait sa richesse intérieure. Confronté au phénomène d’une urbanisation galopante, il quitte sa terre, physiquement et moralement, non pas comme Abraham pour répondre à l’appel du Seigneur, mais pour une sorte d’exil intérieur qui l'écarte de son être même, de ses frères et soeurs de sang et de Dieu lui-même.

Y a-t-il là une fatalité, une évolution inévitable ? Certes non ! Plus que jamais, nous devons « espérer contre toute espérance » (Rm 4,18). Je veux saluer ici avec admiration et reconnaissance le travail remarquable réalisé par d’innombrables associations qui encouragent la vie de foi et la pratique de la charité. Qu’elles en soient chaleureusement remerciées ! Qu’elles trouvent dans la Parole de Dieu un regain de force pour mener à bien tous leurs projets au service d’un développement intégral de la personne humaine en Afrique, et notamment au Cameroun !

La première priorité consistera à redonner sens à l’accueil de la vie comme don de Dieu. Pour l’Ecriture Sainte comme pour la meilleure sagesse de votre continent, l’arrivée d’un enfant est une grâce, une bénédiction de Dieu. L’humanité est aujourd’hui conviée à modifier son regard : en effet, tout être humain, tout petit d’homme, aussi pauvre soit-il, est créé « à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Gn 1,27). Il doit vivre ! La mort ne doit pas l’emporter sur la vie ! La mort n’aura jamais le dernier mot !

Fils et filles d'Afrique, n’ayez pas peur de croire, d’espérer et d’aimer, n’ayez pas peur de dire que Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie, et que par Lui seulement nous pouvons être sauvés. Saint Paul est bien l’auteur inspiré que l’Esprit Saint a donné à l’Église pour y être le « docteur des nations » (1Tm 2,7), lorsqu’il nous dit qu’Abraham « espérant contre toute espérance, a cru et est ainsi devenu le père d’un grand nombre de peuples, selon la Parole du Seigneur : Vois quelle descendance tu auras ! » (Rm 4,18).

« Espérant contre toute espérance » : n’est-ce pas une magnifique définition du chrétien ? L’Afrique est appelée à l’espérance à travers vous et en vous ! Avec le Christ Jésus, qui a foulé le sol africain, l’Afrique peut devenir le continent de l’espérance ! Nous sommes tous membres des peuples que Dieu a donnés comme descendance à Abraham. Chacun et chacune d’entre nous est pensé, voulu et aimé par Dieu. Chacun et chacune d’entre nous a son rôle à jouer dans le plan de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. Si le découragement vous envahit, pensez à la foi de Joseph ; si l’inquiétude vous prend, pensez à l’espérance de Joseph, descendant d’Abraham qui espérait contre toute espérance ; si le dégoût ou la haine vous saisit, pensez à l’amour de Joseph, qui fut le premier homme à découvrir le visage humain de Dieu, en la personne de l’Enfant conçu par l’Esprit Saint dans le sein de la Vierge Marie. Bénissons le Christ de s’être fait aussi proche de nous et rendons-Lui grâce de nous avoir donné Joseph comme exemple et modèle de l'amour à son égard.

Chers frères et soeurs, je vous le dis à nouveau de tout coeur : comme Joseph, ne craignez pas de prendre Marie chez vous, c’est-à-dire ne craignez pas d’aimer l’Église. Marie, Mère de l’Eglise, vous apprendra à suivre ses pasteurs, à aimer vos évêques, vos prêtres, vos diacres et vos catéchistes, et à suivre ce qu’ils vous enseignent, à prier aussi à leurs intentions. Vous qui êtes mariés, regardez l’amour de Joseph pour Marie et pour Jésus ; vous qui vous préparez au mariage, respectez votre futur conjoint ou conjointe comme le fit Joseph ; vous qui vous êtes donnés à Dieu dans le célibat, repensez à l’enseignement de l’Église notre Mère : « La virginité et le célibat pour le Royaume de Dieu ne diminuent en rien la dignité du mariage ; au contraire ils la présupposent et la confirment. Le mariage et la virginité sont les deux manières d’exprimer et de vivre l’unique mystère de l'Alliance de Dieu avec son peuple » (Redemptoris custos, 20).

Je voudrais encore adresser une exhortation particulière aux pères de famille puisque saint Joseph est leur modèle. C’est lui qui peut leur enseigner le secret de leur propre paternité, lui qui a veillé sur le Fils de l’Homme. De même, chaque père reçoit de Dieu ses enfants créés à sa ressemblance et à son image. Saint Joseph a été l’époux de Marie. De même, chaque père de famille se voit confier le mystère de la femme à travers sa propre épouse. Comme saint Joseph, chers pères de famille, respectez et aimez votre épouse, et conduisez vos enfants, avec amour et par votre présence avisée, vers Dieu où ils doivent être (cf. Lc 2,49).

Enfin, à tous les jeunes qui sont ici, j’adresse des paroles d’amitié et d’encouragement : devant les difficultés de la vie, gardez courage ! Votre existence a un prix infini aux yeux de Dieu. Laissez-vous saisir par le Christ, acceptez de Lui donner votre amour et, pourquoi pas, dans le sacerdoce ou la vie consacrée ! C’est le plus haut service. Aux enfants qui n'ont plus de père ou qui vivent abandonnés dans la misère de la rue, à ceux qui sont séparés violemment de leurs parents, maltraités et abusés, et incorporés de force dans des groupes paramilitaires sévissant dans certains pays, je voudrais dire : Dieu vous aime, Il ne vous oublie pas et saint Joseph vous protège ! Invoquez-le avec confiance.

Que Dieu vous bénisse et vous garde tous ! Qu’Il vous donne la grâce d’avancer vers Lui avec fidélité ! Qu’Il donne à vos vies la stabilité pour recueillir le fruit qu’Il attend de vous ! Qu’Il fasse de vous les témoins de son amour, ici, au Cameroun et jusqu’aux extrémités de la terre ! Je Le prie avec ferveur de vous faire goûter la joie de Lui appartenir, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.



CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE AVEC LES ÉVÊQUES, LES PRÊTRES, LES RELIGIEUSES ET RELIGIEUX, LES MOUVEMENTS ECCLÉSIASTIQUES ET LES CATÉCHISTES D’ANGOLA ET SÃO TOMÉ

21309
Eglise São Paolo de Luanda

Samedi 21 mars 2009




Chers frères et soeurs,
Bien-aimés ouvriers de la vigne du Seigneur,

Comme nous venons de l’entendre, les fils d’Israël se disaient l’un à l’autre : « efforçons-nous de connaître le Seigneur ». Par ces paroles, ils s’encourageaient mutuellement, alors qu’ils étaient plongés dans les tribulations. Celles-ci les avaient accablés – explique le prophète – parce qu’ils vivaient dans l’ignorance de Dieu ; et leurs coeurs étaient pauvres d’amour. Le seul médecin en mesure de les guérir, c’était le Seigneur. Mieux encore, lui-même, comme un bon médecin, ouvre la plaie, afin de guérir la blessure. Le peuple se décide alors : « Allons ! Revenons au Seigneur ! C’est lui qui nous a cruellement déchirés, c’est lui qui nous guérira » (
Os 6,1). De cette manière, ont pu se rencontrer la misère humaine et la Miséricorde divine, laquelle ne désire rien d’autre que d’accueillir les miséreux.

Nous le voyons dans la page d’Évangile qui vient d’être proclamée : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier » ; et de là, l’un s’en retourna « juste, et l’autre, non » (Lc 18,10 Lc 18,14). Ce dernier avait mis en avant tous ses mérites devant Dieu, faisant de Lui presque son débiteur. Au fond, celui-ci n’éprouvait pas le besoin de Dieu, même si il Le remerciait de lui avoir accordé d’être si parfait « et non comme ces publicains ». Pourtant, c’est le publicain qui reviendra chez lui justifié. Conscient de ses péchés qui le faisaient rester la tête basse – mais en réalité il était tout tourné vers le Ciel -, il attendait tout du Seigneur : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis » (Lc 18,13). Il frappait à la porte de la Miséricorde, laquelle s’ouvre et le justifie, parce que – conclut Jésus : « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » (Lc 18,14).

De ce Dieu, riche en miséricorde, saint Paul nous parle en vertu de son expérience personnelle, lui qui est le patron de la ville de Luanda et de cette magnifique église, construite voilà près de cinquante ans. J’ai souhaité souligner le bimillénaire de la naissance de saint Paul par la célébration de l’Année paulinienne qui est en cours, dans le but d’apprendre de lui à mieux connaître Jésus Christ. Tel est le témoignage qu’il nous a laissé : « Voici une parole sûre, et qui mérite d’être accueillie sans réserve : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi le premier, je suis pécheur, mais si le Christ Jésus m’a pardonné, c’est pour que je sois le premier en qui toute sa générosité se manifesterait ; je devais être le premier exemple de ceux qui croiraient en lui pour la vie éternelle » (1Tm 1,15-16). Au fil des siècles, le nombre de ceux qui ont été rejoints par la grâce n’a cessé d’augmenter. Toi et moi, nous sommes de ceux-là. Nous rendons grâce à Dieu parce qu’il nous a appelés à prendre place dans cet immense cortège pour nous conduire vers l’avenir. À la suite de ceux qui ont suivi Jésus, et avec eux, nous suivons le même Christ et ainsi, entrons-nous dans la Lumière.

Chers frères et soeurs, j’éprouve une grande joie à me retrouver parmi vous, qui êtes mes compagnons de labeur dans la vigne du Seigneur; dont vous prenez soin quotidiennement, préparant le vin de la Miséricorde divine et le versant sur les plaies de votre peuple si meurtri. Monseigneur Gabriel Mbilingi s’est fait l’interprète de vos espérances et de vos peines dans les paroles aimables qu’il m’a adressées. Avec reconnaissance et plein d’espérance, je vous salue tous – hommes et femmes donnés à la cause de Jésus – qui êtes ici et qui en représentez tant d’autres : Évêques, prêtres, personnes consacrées, séminaristes, catéchistes, responsables des mouvements et des associations les plus divers de cette chère Église de Dieu. Je désire faire mémoire aussi des religieuses contemplatives, présence invisible mais si féconde pour les pas de chacun d’entre nous. Que me soit permis enfin une parole toute particulière à l’adresse des Salésiens et aux fidèles de cette paroisse saint Paul qui nous accueillent dans leur église, sans hésiter pour cela à céder les places qu’ils occupent habituellement dans l’assemblée liturgique. J’ai appris qu’ils se trouvaient réunis dans le champ adjacent et j’espère, à la fin de cette Eucharistie, pouvoir les saluer et les bénir, mais d’ors et déjà, je leur dis : « Merci beaucoup ! Que Dieu suscite au milieu de vous et grâce à vous de nombreux apôtres dans le sillage de votre saint Patron ! »

La rencontre avec Jésus, alors qu’il marchait sur le chemin de Damas, a été fondamentale dans la vie de Paul : le Christ lui apparaît comme une lumière éblouissante, lui parle et conquiert son coeur. L’apôtre a vu Jésus ressuscité, c’est-à-dire l’homme dans sa stature parfaite. C’est alors produit en lui un renversement de perspective, et il s’est mis à envisager toute chose à partir de cette état final de l’homme en Jésus Christ : ce qui lui semblait à l’origine essentiel et fondamental ne vaut désormais pour lui pas plus que des « balayures » ; ce n’est plus un gain mais une perte, parce que maintenant ne compte plus que la vie dans le Christ (cf. Ph 3,7-8). Il ne s’agit pas d’une simple maturation du « moi » de Paul, mais d’une mort à soi-même et d’une résurrection dans le Christ : en lui, est morte une certaine forme d’existence ; et avec Jésus ressuscité, une forme nouvelle est née.

Chers frères et amis, « efforçons-nous de connaître le Seigneur » ressuscité ! Comme vous le savez, Jésus, homme parfait, est aussi le vrai Dieu. En Lui, Dieu est devenu visible à nos yeux pour nous rendre participants de sa divinité. De cette façon, surgit avec lui une nouvelle dimension de l’être et de la vie, dans laquelle la matière a elle aussi sa part et par laquelle apparaît un monde nouveau. Mais, dans l’histoire universelle, ce saut qualitatif que Jésus a accompli à notre place et pour nous, comment concrètement rejoint-il l’être humain, en pénétrant sa vie et en l’emportant vers le Haut ? Il rejoint chacun d’entre nous à travers la foi et le baptême. En effet, ce sacrement est mort et résurrection, transformation en une vie nouvelle, à tel point que la personne baptisée peut affirmer avec saint Paul : « je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). Je vis, mais ce n’est déjà plus moi. D’une certaine façon, je suis enlevé à moi-même, et je suis intégré en un « Moi » plus grand ; mon moi est encore présent, mais il est transformé et ouvert aux autres moyennant mon insertion dans un Autre : dans le Christ, j’ai acquis mon nouvel espace de vie. Qu’est-il donc advenu de nous ? Paul répond : vous êtes devenus un dans le Christ (cf. Ga 3,28).

Grâce à cet être christifié par l’oeuvre et la grâce de l’Esprit Saint, se réalise peu à peu la croissance du Corps du Christ tout au long de l’Histoire. En cet instant, il me plaît de revenir, par la pensée, cinq cents ans plus tôt, c’est-à-dire, vers les années 1506 et suivantes, quand sur cette terre, alors que les portugais étaient présents, s’est formé le premier royaume chrétien sub-saharien, grâce à la foi et à la détermination politique du roi Dom Afonso I Mbemba-a-Hzinga, qui régna de 1506 à 1543, année de sa mort ; le royaume demeura officiellement catholique de la fin du XVIè jusqu’au XVIIIè siècle, ayant son ambassadeur à Rome. Vous voyez comment deux peuples si divers – bantou et lusitanien – ont pu trouver dans la religion chrétienne un lieu d’entente, et se sont employés ensuite à ce que cette entente se prolonge et que les divergences – il y en a eu, et d’importantes – ne séparent pas les deux royaumes. De fait, le Baptême permet que tous les croyants soient un dans le Christ.

Aujourd’hui, il vous revient, frères et soeurs, dans le sillage des saints et héroïques messagers de Dieu, de présenter le Christ ressuscité à vos concitoyens. Ils sont si nombreux à vivre dans la peur des esprits, des pouvoirs néfastes dont ils se croient menacés ; désorientés, ils en arrivent à condamner les enfants des rues et aussi les anciens, parce que – disent-ils – ce sont des sorciers. Qui ira auprès d’eux pour leur dire que le Christ a vaincu la mort et toutes les puissances des ténèbres (cf. Ep 1,19-23 Ep 6,10-12) ? Quelqu’un objectera : «Pourquoi ne les laissons-nous pas en paix ? Ceux-ci ont leur vérité ; et nous, la nôtre. Cherchons à vivre pacifiquement, en laissant chacun comme il est, afin qu’il réalise le plus parfaitement possible sa propre identité ». Mais si nous sommes convaincus et avons fait l’expérience que, sans le Christ, la vie est inachevée, qu’une réalité – la réalité fondamentale – lui fait défaut, nous devons être également convaincus du fait que nous ne faisons d’injustice à personne si nous lui présentons le Christ et lui donnons la possibilité de trouver de cette façon, non seulement sa véritable authenticité, mais aussi la joie d’avoir trouvé la vie. Bien plus, avons-nous le devoir de le faire ; c’est un devoir d’offrir à tous cette possibilité dont dépend leur éternité.

Frères et soeurs très chers, disons-leur comme le peuple d’Israël : « Allons ! Revenons au Seigneur ! C’est lui qui nous a cruellement déchirés, c’est lui qui nous guérira ». Aidons la misère de l’homme à rencontrer la Miséricorde divine. Le Seigneur fait de nous ses amis, Il s’en remet à nous, Il nous confie son Corps dans l’Eucharistie, Il nous confie son Église. Nous devons donc être véritablement ses amis, avoir avec Lui les mêmes sentiments, vouloir ce que Lui veut et ne pas vouloir ce qu’Il ne veut pas. Jésus lui-même a dit : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15,14). Que ce soit là notre engagement commun : faire, ensemble, sa sainte volonté : « Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15). Épousons sa volonté, comme saint Paul l’a fait : Annoncer l’Évangile, « c’est une nécessité qui s’impose à moi : malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1Co 9,16).


CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE AVEC LES ÉVÊQUES DE L’I.M.B.I.S.A. (INTERREGIONAL MEETING OF BISHOPS OF SOUTHERN AFRICA)

22309
Esplanade de Cimangola à Luanda

Dimanche 22 mars 2009




Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’Épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers Frères et Soeurs dans le Christ,

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle » (
Jn 3,16). Ces paroles nous comblent de joie et d’espérance, nous qui attendons l’accomplissement des promesses de Dieu. C’est pour moi, en tant que Successeur de l’Apôtre Pierre, un motif de joie particulier de pouvoir célébrer aujourd’hui cette Messe avec vous, Frères et Soeurs venus des différentes régions de l’Angola, de São Tomé e Principe et de bien d’autres pays. Avec une grande affection, je salue dans le Seigneur les communautés catholiques de Luanda, Bengo, Cabinda, Benguela, Huambo, Huíla, Cuando Kubango, Kunene, Kwanza Norte, Kwanza Sul, Lunda Norte, Lunda Sul, Malanje, Namibe, Moxico, Uíge e Zaire.

Je salue d’une manière toute particulière mes Frères Évêques, les membres de l’Association interrégionale des Évêques de l’Afrique australe réunis autour de cet autel du Sacrifice du Seigneur. Je remercie le Président de la CEAST, Monseigneur Damião Franklin, pour ses aimables paroles de bienvenue, et en la personne de leurs Pasteurs, je salue tous les fidèles du Botswana, du Lesotho, du Mozambique, de Namibie, de l’Afrique du Sud, du Swaziland et du Zimbabwe.

La première lecture de ce jour résonne de manière particulière pour le Peuple de Dieu en Angola. C’est un message d’espérance adressé au Peuple élu dans son lointain exil, une invitation à retourner à Jérusalem pour y reconstruire le Temple du Seigneur. La description saisissante de la destruction et de la ruine causée par la guerre trouve un écho dans l’expérience personnelle de nombreuses de personnes de ce pays lors des terribles dévastations de la guerre civile. Qu’il est vrai de dire que la guerre peut détruire tout ce qui est précieux (cf. 2Ch 36,19) : des familles, des communautés entières, le fruit du travail des hommes, les espoirs qui guident et soutiennent leurs vies et leur travail ! Une telle expérience est malheureusement trop familière à l’Afrique tout entière : le pouvoir destructeur de la guerre civile, la chute vertigineuse dans le tourbillon de la haine et de la vengeance, le gaspillage des efforts de générations de personnes honnêtes. Lorsque la Parole de Dieu n’est plus écoutée – Parole qui a pour objectif de construire les personnes, les communautés et la famille humaine tout entière – et quand la Loi de Dieu est tournée en dérision et méprisée (cf. ibid., 2Ch 36,16), il ne peut en résulter que destruction et injustice : l’humiliation de notre humanité commune et la trahison de notre vocation à être fils et filles du Père miséricordieux, frères et soeurs de son Fils bien-aimé.

Recueillons donc le réconfort qui nous vient des paroles de consolation que nous avons entendues dans la première lecture ! L’appel à faire retour et à reconstruire le Temple de Dieu a un sens particulier pour chacun de nous. Saint Paul, dont nous célébrons cette année le bimillénaire de la naissance, nous dit que « nous sommes le temple du Dieu vivant » (2Co 6,16). Comme nous le savons, Dieu demeure dans les coeurs de ceux qui mettent leur foi dans le Christ, qui sont « renés » par le Baptême et qui deviennent temple de l’Esprit Saint. Aujourd’hui encore, dans l’unité du Corps du Christ qui est l'Église, Dieu nous appelle à reconnaître la puissance de sa présence en nous, à faire nôtre de nouveau le don de son amour et de son pardon, et à devenir messagers de cet amour miséricordieux au sein de nos familles et de nos communautés, à l’école et sur nos lieux de travail, dans tous les secteurs de la vie sociale et politique.

Ici en Angola, ce dimanche a été désigné comme la journée de prière et de pénitence pour la réconciliation nationale. L’Évangile nous enseigne que la réconciliation – une réconciliation vraie – ne peut être que le fruit d’une conversion, d’un changement du coeur, d’une nouvelle façon de penser. Il nous enseigne que seul le pouvoir de l’amour de Dieu peut changer nos coeurs et nous rendre plus forts que la puissance du péché et de la division. Quand nous étions « morts par suite de nos fautes » (cf. Ep 2,5), son amour et sa miséricorde nous ont offert la réconciliation et la vie nouvelle dans le Christ. C’est là le coeur de l’enseignement de l’Apôtre Paul, et il est important de nous souvenir que seule la grâce de Dieu peut créer en nous un coeur nouveau ! Seul son amour peut changer notre « coeur de pierre » (Ez 11,19) et nous rendre capable de construire plutôt que de démolir. Seul Dieu peut faire toutes choses nouvelles !

Je suis venu en Afrique précisément pour annoncer ce message de pardon, d’espérance et d’une vie nouvelle dans le Christ. Il y a trois jours, à Yaoundé, j’ai eu la joie de rendre publique l’Instrumentum laboris de la Deuxième Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, qui sera consacrée au thème : L’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Je vous demande aujourd’hui de prier, en union avec nos frères et soeurs de toute l’Afrique, pour cette intention : que chaque chrétien, sur ce grand continent, expérimente l’action recréatrice de l’amour miséricordieux de Dieu et que l’Église en Afrique devienne « pour tous le lieu d’une authentique réconciliation, grâce au témoignage rendu par ses fils et ses filles » (Ecclesia in Africa, ).

Chers amis, tel est le message que le Pape vous apporte ainsi qu’à vos enfants. De l’Esprit Saint, vous avez reçu la force d’être les bâtisseurs d’un avenir meilleur pour votre pays bien-aimé. Dans le Baptême, l’Esprit vous a été donné pour être les hérauts du Royaume de Dieu, règne de vie et de vérité, de grâce et de sainteté, de justice, d’amour et de paix (cf. Missel Romain, Préface du Christ Roi de l’univers). Au jour de votre Baptême, vous avez reçu la lumière du Christ. Soyez fidèles à ce don, certains que l’Évangile peut affermir, purifier et ennoblir les profondes valeurs humaines présentes dans votre culture d’origine et dans vos traditions : l’unité de la famille, le profond sens religieux, la célébration joyeuse du don de la vie, la considération pour la sagesse des anciens et pour les aspirations de la jeunesse. Enfin, soyez reconnaissants pour la lumière du Christ ! Manifestez de la gratitude envers ceux qui vous l’ont apportée : des générations et des générations de missionnaires qui ont tant contribué et qui continuent de contribuer au développement humain et spirituel de ce Pays. Soyez reconnaissants pour le témoignage de tant de parents et d’enseignants chrétiens, de catéchistes, de prêtres, de religieuses et de religieux, qui ont sacrifié leur vie pour vous transmettre ce trésor précieux ! Affrontez le défi que ce patrimoine vous impose. Prenez conscience que l’Église, en Angola et partout en Afrique, a le devoir d’être, devant le monde, un signe de cette unité à laquelle l’humanité entière est appelée par la foi au Christ rédempteur.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, les paroles que Jésus énonce ne laissent pas indifférent : il nous dit que le jugement de Dieu sur le monde a déjà été prononcé (cf. Jn 3,19ss). La lumière est déjà venue dans le monde. Mais les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises. Combien sont épaisses les ténèbres en de nombreuses régions du monde ! De façon tragique, les sombres nuages du mal ont aussi assombri l’Afrique, y compris cette nation bien-aimée, l’Angola. Nous pensons au fléau de la guerre, aux conséquences cruelles du tribalisme et des rivalités ethniques, à la cupidité qui corrompt le coeur de l’homme, réduit en esclavage les pauvres et prive les générations futures des ressources dont elles auront besoin pour créer une société plus solidaire et plus juste – une société vraiment et authentiquement africaine dans son génie et dans ses valeurs. Et que dire de l’égoïsme insidieux qui fait se replier les individus sur eux-mêmes, divise les familles et, supplantant les grands idéaux de générosité et de dévouement, conduit inévitablement à l’hédonisme, à la fuite vers de faux paradis à travers l’usage de la drogue, à l’irresponsabilité sexuelle, à l’affaiblissement du lien matrimonial, à la destruction des familles et à l’élimination de vies humaines innocentes par l’avortement.

Cependant, la parole de Dieu est une parole d’espérance sans limite. En effet, « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,16-17). Dieu ne nous donne jamais pour perdus ! Il continue de nous inviter à lever les yeux vers un avenir d’espérance et il nous promet la force pour le concrétiser. Comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture d’aujourd’hui, Dieu nous a créés dans le Christ Jésus pour mener une vie juste, pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous (cf. Ep 2,10). Il nous a donnés ses commandements, non comme un fardeau, mais comme une source de liberté : la liberté de devenir des femmes et de hommes pleins de sagesse, des maîtres de justice et de paix, des gens qui ont confiance dans les autres et qui recherchent leur véritable bien. Dieu nous a créés pour vivre dans la lumière et pour être lumière pour le monde autour de nous ! C’est ce que Jésus nous dit dans l’Évangile d’aujourd’hui : «Celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses oeuvres soient reconnues comme des oeuvres de Dieu » (Jn 3,21).

« Vivez donc selon la vérité ! » Rayonnez la lumière de la foi, de l’espérance et de l’amour dans vos familles et dans vos communautés ! Soyez témoins de la sainte vérité qui rend les hommes et les femmes libres ! Vous savez, de par une amère expérience, que face à la fureur inattendue et destructrice du mal, le travail de reconstruction est douloureusement lent et dur. Cela nécessite temps, effort et persévérance. Ce travail doit commencer dans nos coeurs, dans les petits sacrifices quotidiens requis pour être fidèles à la loi de Dieu, dans les petits gestes par lesquels nous manifestons que nous aimons notre prochain – notre prochain quelle que soit sa race, son ethnie ou sa langue – dans la disponibilité à collaborer avec lui pour construire ensemble sur des bases durables. Faites en sorte que vos paroisses deviennent des communautés où la lumière de la vérité de Dieu et le pouvoir de l’amour du Christ qui réconcilie ne soient pas seulement célébrés, mais vécus dans les oeuvres concrètes de la charité. N’ayez pas peur ! Même si cela signifie être « signe de contradiction » (Lc 2,34) face à des attitudes de dureté et à une mentalité qui considère les autres comme des instruments à manipuler plutôt que comme des frères et des soeurs à aimer, à respecter et à aider sur le chemin de la liberté, de la vie et de l’espérance.

Permettez-moi de terminer en m’adressant en particulier aux jeunes de l’Angola et à tous les jeunes de l’Afrique. Chers jeunes, vous êtes l’espérance et l’avenir de votre Pays, la promesse d’un lendemain meilleur ! Commencez dès aujourd’hui à grandir dans l’amitié avec Jésus, qui est « le chemin, la vie et la vérité » (Jn 14,6) : une amitié nourrie et approfondie par une prière humble et persévérante. Cherchez la volonté qu’il a sur vous, en écoutant quotidiennement sa Parole et en laissant sa loi façonner votre vie et vos relations. Ainsi, vous deviendrez de sages et généreux prophètes de l’amour salvifique de Dieu ; vous deviendrez les évangélisateurs de vos compagnons, les conduisant par votre exemple à apprécier la beauté et la vérité de l’Évangile et les orientant vers l’espérance d’un avenir modelé par les valeurs du Royaume de Dieu. L’Église a besoin de votre témoignage ! N’ayez pas peur de répondre généreusement à l’appel de Dieu à le servir, que ce soit comme prêtres, religieuses ou religieux, comme parents chrétiens ou bien encore à travers tant d’autres formes de service que l’Église vous propose.

Chers frères et soeurs ! À la fin de la première lecture d’aujourd’hui, Cyrus, roi de Perse, inspiré par Dieu, enjoint au Peuple élu de retourner sur sa terre bien-aimée et de reconstruire le Temple du Seigneur. Que ces paroles du Seigneur soient un appel au peuple de Dieu tout entier, ici en Angola et dans toute l’Afrique australe : Levez-vous ! Prenez la route (cf. 2Ch 36,23). Regardez l’avenir avec espérance, ayez confiance dans les promesses de Dieu et vivez dans sa vérité. De cette façon, vous construirez quelque chose qui est destiné à subsister et vous laisserez aux générations futures un héritage durable de réconciliation, de justice et de paix. Amen.




Benoît XVI Homélies 25209