Benoît XVI Homélies 7107

MESSE DANS LA CHAPELLE SIXTINE ET CÉLÉBRATION DU SACREMENT DU BAPTÊME - 7 janvier 2007

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Fête du Baptême du Seigneur

Dimanche, 7 janvier 2007


Chers frères et soeurs!

Nous nous retrouvons, cette année également, pour une célébration très familiale, le Baptême de treize enfants, dans cette magnifique Chapelle Sixtine, où la créativité de Michel-Ange et d'autres éminents artistes a su réaliser des chefs-d'oeuvre qui illustrent les prodiges de l'histoire du salut. Et je voudrais vous saluer immédiatement, vous tous ici présents: parents, parrains et marraines, familles et amis qui accompagnent ces nouveau-nés en un moment si important pour leur vie et pour l'Eglise. Chaque enfant qui naît nous apporte le sourire de Dieu et nous invite à reconnaître que la vie est un don venant de lui, un don qu'il faut accueillir avec amour et préserver avec soin toujours et en chaque moment.

Le temps de Noël, qui finit précisément aujourd'hui, nous a fait contempler l'Enfant Jésus dans l'humble crèche de Bethléem, entouré de l'amour de Marie et de Joseph. Dieu confie chaque enfant qui naît à ses parents: combien est alors importante la famille fondée sur le mariage, berceau de la vie et de l'amour! La maison de Nazareth, où vit la Sainte Famille, est un modèle et une école de simplicité, de patience et d'harmonie pour toutes les familles chrétiennes. Je prie le Seigneur afin que vos familles soient également des lieux accueillants, où ces petits puissent grandir non seulement en bonne santé, mais aussi dans la foi et dans l'amour pour Dieu, qui, aujourd'hui à travers le Baptême, fait d'eux ses fils.

Le rite du Baptême de ces enfants se déroule le jour où nous célébrons la fête du Baptême du Seigneur, solennité qui, comme je le disais, conclut le temps de Noël. Nous venons d'écouter le récit de l'évangéliste Luc, qui présente Jésus mêlé à la foule, alors qu'il se rend auprès de Jean-Baptiste pour être baptisé. Après avoir lui aussi reçu le Baptême, "il se trouvait, nous dit saint Luc, en prière" (
Lc 3,21). Jésus parle avec son Père. Et nous sommes certains qu'il a parlé non seulement pour lui-même, mais aussi de nous et pour nous; il a parlé également de moi, de chacun de nous et pour chacun de nous. Puis, l'évangéliste nous dit que le ciel s'ouvrit au-dessus du Seigneur en prière. Jésus entre en contact avec le Père, le ciel est ouvert au-dessus de Lui. En ce moment, nous pouvons penser que le ciel est ouvert également ici, au-dessus de nos enfants qui, à travers le sacrement du Baptême, entrent en contact avec Jésus. Le ciel s'ouvre au-dessus de nous dans le Sacrement. Plus nous vivons en contact avec Jésus dans la réalité de notre Baptême, plus le ciel s'ouvre au-dessus de nous. Et du ciel - nous revenons à l'Evangile - ce jour-là, une voix s'éleva qui dit à Jésus: "Tu es mon fils" (Lc 3,22). Dans le Baptême, le Père céleste répète ces paroles également pour chacun de ces enfants. Il dit: "Tu es mon Fils". Le Baptême est l'adoption et l'insertion dans la famille de Dieu, dans la communion avec la Très Sainte Trinité, dans la communion avec le Père, avec le Fils et avec l'Esprit Saint. C'est précisément pour cela que le Baptême doit être administré au nom de la Très Sainte Trinité. Ces paroles ne sont pas seulement une formule; elles sont une réalité. Elles marquent le moment où vos enfants renaissent comme fils de Dieu. De fils de parents humains, ils deviennent également fils de Dieu dans le Fils du Dieu vivant.

Mais nous devons à présent méditer sur une parole de la seconde lecture de cette liturgie dans laquelle saint Paul nous dit: Nous sommes sauvés "par le bain de la régénération et de la rénovation en l'Esprit Saint" (Tt 3,5). Un bain de régénération. Le Baptême n'est pas seulement une parole; ce n'est pas seulement quelque chose de spirituel, mais il implique également la matière. Toute la réalité de la terre est touchée. Le Baptême ne concerne pas seulement l'âme. La spiritualité de l'homme investit l'homme dans sa totalité, corps et âme. L'action de Dieu en Jésus Christ est une action dont l'efficacité est universelle. Le Christ assume la chair et cela continue dans les sacrements, dans lesquels la matière est assumée et fait partie de l'action divine.

A présent, nous pouvons nous demander pourquoi l'eau est précisément le signe de cette totalité. L'eau est l'élément de la fécondité. Sans eau, il n'y a pas de vie. Et ainsi, dans toutes les grandes religions, l'eau est considérée comme le symbole de la maternité, de la fécondité. Pour les Pères de l'Eglise, l'eau devient le symbole du sein maternel de l'Eglise. Chez un écrivain ecclésiastique du II-III siècle, Tertullien, se trouve une parole surprenante. Il dit: "Le Christ n'est jamais sans eau". Avec ces paroles, Tertullien voulait dire que le Christ n'est jamais sans l'Eglise. Dans le Baptême, nous sommes adoptés par le Père céleste, mais dans cette famille qu'Il se constitue, il y a également une mère, la mère Eglise. L'homme ne peut avoir Dieu comme Père, disaient déjà les anciens écrivains chrétiens, s'il n'a pas également l'Eglise comme mère. Nous voyons ainsi à nouveau que le christianisme n'est pas une réalité seulement spirituelle, individuelle, une simple décision subjective que nous prenons, mais qu'elle est quelque chose de réel, de concret, nous pourrions dire également quelque chose de matériel. La famille de Dieu se construit dans la réalité concrète de l'Eglise. L'adoption en tant que fils de Dieu, du Dieu trinitaire, est dans le même temps insertion de la famille de l'Eglise, insertion comme frères et soeurs dans la grande famille des chrétiens. Et ce n'est que si, en tant que fils de Dieu, nous nous insérons comme frères et soeurs dans la réalité de l'Eglise que nous pouvons dire "Notre Père" à notre Père céleste. Cette prière présuppose toujours le "nous" de la famille de Dieu.

Mais à présent, nous devons retourner à l'Evangile où Jean-Baptiste dit: "Pour moi je vous baptise avec de l'eau, mais vient le plus fort que moi [...] lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu" (Lc 3,16). Nous avons vu l'eau; à présent, cependant, s'impose la question: en quoi consiste le feu que Jean-Baptiste évoque? Pour voir cette réalité du feu présente dans le Baptême avec l'eau, nous devons observer que le Baptême de Jean était un geste humain, un acte de pénitence, un acte de l'homme qui s'avance vers Dieu pour demander le pardon des péchés et la possibilité de commencer une nouvelle existence. Ce n'était qu'un désir humain, un mouvement vers Dieu avec ses propres forces. Or, cela n'est pas suffisant. La distance serait trop importante. En Jésus Christ, nous voyons que Dieu vient à notre rencontre. Dans le Baptême chrétien, institué par le Christ, nous n'agissons pas seulement nous-mêmes avec le désir d'être lavés, en priant pour obtenir le pardon. Dans le Baptême, c'est Dieu lui-même qui agit, c'est Jésus qui agit à travers l'Esprit Saint. Dans le Baptême chrétien, est présent le feu de l'Esprit Saint. C'est Dieu qui agit, et pas seulement nous. Dieu est présent ici, aujourd'hui. Il assume et fait de vos enfants ses fils.

Mais, naturellement, Dieu n'agit pas de façon magique. Il n'agit qu'avec notre liberté. Nous ne pouvons renoncer à notre liberté. Dieu interpelle notre liberté, il nous invite à coopérer avec le feu de l'Esprit Saint. Ces deux choses doivent aller de pair. Le Baptême demeurera pour toute la vie un don de Dieu, qui a mis son sceau sur nos âmes. Mais ce sera ensuite notre coopération, la disponibilité de notre liberté qui prononcera ce "oui" qui rend l'action divine efficace.

Vos enfants, que nous baptiserons à présent, sont encore incapables de collaborer, de manifester leur foi. C'est la raison pour laquelle votre présence, chers pères et mères, ainsi que la vôtre, chers parrains et marraines, revêt une valeur et une signification particulières. Veillez toujours sur vos petits, afin qu'ils grandissent et qu'ils apprennent à connaître Dieu, à l'aimer de toutes leurs forces et à le servir fidèlement. Soyez pour eux les premiers éducateurs dans la foi, en offrant avec les enseignements également les exemples d'une vie chrétienne cohérente. Enseignez-leur à prier et à se sentir membres actifs de la famille concrète de Dieu, de la communauté ecclésiale.

L'étude attentive du Catéchisme de l'Eglise catholique ou du Compendium de ce Catéchisme, pourra également vous être d'une grande aide. Celui-ci contient les éléments essentiels de notre foi et pourra constituer un instrument très utile et immédiat pour croître vous-mêmes dans la connaissance de la foi catholique et pour pouvoir la transmettre intégralement et fidèlement à vos enfants. Surtout, n'oubliez pas que c'est votre témoignage, votre exemple qui influent le plus sur la maturation humaine et spirituelle de la liberté de vos enfants. Même pris par les activités quotidiennes souvent frénétiques, n'oubliez pas de cultiver personnellement et en famille la prière, qui constitue le secret de la persévérance chrétienne.

Nous confions ces enfants et leurs familles à la Vierge Marie, Mère de Jésus, notre Sauveur, présenté dans la liturgie d'aujourd'hui comme le Fils bien-aimé de Dieu: que Marie veille sur eux et qu'elle les accompagne toujours, afin qu'ils puissent réaliser jusqu'au bout le projet de salut que Dieu a pour chacun. Amen.



SECONDES VÊPRES DE LA SOLENNITÉ DE LA CONVERSION DE L'APÔTRE PAUL - Jeudi 25 janvier 2007

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EN CONCLUSION DE LA SEMAINE DE PRIÈRE POUR L'UNITÉ DES CHRÉTIENS
Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs - Jeudi 25 janvier 2007

Chers frères et soeurs!


Au cours de la "Semaine de prière" qui se conclut ce soir, s'est intensifiée dans les diverses Eglises et Communautés ecclésiales du monde entier, l'invocation commune au Seigneur pour l'unité des chrétiens. Nous avons médité ensemble sur les paroles de l'évangile de Marc qui viennent d'être proclamées: "Il fait entendre les sourds et parler les muets" (
Mc 7,37), thème biblique proposé par les communautés chrétiennes d'Afrique du Sud. Les situations de racisme, de pauvreté, de conflit, d'exploitation, de maladie, de souffrance, dans lesquelles elles se trouvent, en raison de l'impossibilité même de faire comprendre leurs besoins, suscitent en eux une exigence profonde d'écouter la parole de Dieu et de parler avec courage. Etre sourd-muet, c'est-à-dire ne pouvoir ni entendre ni parler, ne peut-il pas en effet être un signe de manque de communion et un symptôme de division? La division et l'incommunicabilité, conséquence du péché, sont contraires au dessein de Dieu. L'Afrique nous a offert cette année un thème de réflexion de grande importance religieuse et politique, car "parler" et "écouter" sont des conditions essentielles pour édifier la civilisation de l'amour.

Les paroles "Il fait entendre les sourds et parler les muets" constituent une bonne nouvelle, qui annonce la venue du Royaume de Dieu et la guérison de l'incommunicabilité et de la division. Ce message se retrouve dans toute la prédication et l'oeuvre de Jésus, qui traversait les villages, les villes et les campagnes, et, partout où il allait, "on mettait les malades sur les places et on le priait de les laisser toucher ne fût-ce que la frange de son manteau, et tous ceux qui le touchaient étaient sauvés" (Mc 6,56). La guérison du sourd-muet, sur laquelle nous avons médité ces derniers jours, a lieu alors que Jésus, ayant quitté la région de Tyr, se dirige vers le lac de Galilée, traversant ce qu'on appelle la "Décapole", territoire multiethnique et multireligieux (cf. Mc 7,31). Une situation emblématique également pour notre époque. Comme ailleurs, dans la Décapole également, on présente à Jésus un malade, un homme sourd et ayant des difficultés à parler (moghìlalon) et on le prie de lui imposer les mains, car on le considère comme un homme de Dieu. Jésus conduit le sourd-muet loin de la foule et accomplit des gestes qui signifient un contact salvifique - il met ses doigts dans ses oreilles, touche avec sa salive la langue du malade -, puis, tournant le regard vers le ciel, commande: "Ouvre-toi!". Il prononce ce commandement en araméen ("Ephphata") vraisemblablement la langue des personnes présentes et du sourd-muet lui-même, une expression que l'évangéliste traduit en grec (dianoìchtheti). Les oreilles du sourd s'ouvrirent, le lien de sa langue se dénoua: "et il parlait correctement" (orthos). Jésus recommande que l'on ne dise rien du miracle. Mais, plus il le recommandait, "de plus belle ils le proclamaient". Et le commentaire émerveillé de ceux qui y avaient assisté reprend la prédication d'Isaïe pour l'avènement du Messie: "Il fait entendre les sourds et parler les muets" (Mc 7,37).

Le premier enseignement que nous tirons de cet épisode biblique, rappelé également lors du rite du baptême, est que, dans la perspective chrétienne, l'écoute est prioritaire. A cet égard, Jésus affirme de façon explicite: "Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l'observent!" (Lc 11,28). Plus encore, à Marthe, préoccupée par tant de choses, Il dit qu'"il en faut peu, une seule même" (Lc 10,42). Et du contexte, il apparaît que cette seule chose est l'écoute obéissante de la Parole. C'est pourquoi l'écoute de la Parole de Dieu est prioritaire pour notre engagement oecuménique. En effet, ce n'est pas nous qui faisons ou organisons l'unité de l'Eglise. L'Eglise ne se fait pas elle-même et ne vit pas d'elle-même, mais de la parole créatrice qui vient de la bouche de Dieu. Ecouter ensemble la Parole de Dieu; pratiquer la lectio divina de la Bible, c'est-à-dire la lecture liée à la prière; se laisser surprendre par la nouveauté, qui ne vieillit jamais et qui ne s'épuise jamais, de la Parole de Dieu; surmonter notre surdité face aux paroles qui ne s'accordent pas avec nos préjugés et nos opinions; écouter et étudier, dans la communion des croyants de tous les temps: tout cela constitue un chemin à parcourir pour atteindre l'unité dans la foi, comme réponse à l'écoute de la Parole.

Celui qui se met à l'écoute de la Parole de Dieu peut et doit ensuite parler et la transmettre aux autres, à ceux qui ne l'ont jamais écoutée, ou à ceux qui l'ont oubliée et enterrée sous les épines des soucis et des séductions du monde (cf. Mt 13,22). Nous devons nous demander: nous, chrétiens, ne sommes-nous pas devenus trop muets? Ne nous manque-t-il pas le courage de parler et de témoigner comme l'ont fait ceux qui étaient les témoins de la guérison du sourd-muet dans la Décapole? Notre monde a besoin de ce témoignage; il attend surtout le témoignage commun des chrétiens. C'est pourquoi l'écoute du Dieu qui parle implique également l'écoute réciproque, le dialogue entre les Eglises et les Communautés ecclésiales. Le dialogue honnête et loyal constitue l'instrument irremplaçable de la recherche de l'unité. Le Décret sur l'oecuménisme du Concile Vatican II a souligné que si les chrétiens ne se connaissent pas réciproquement, aucun progrès sur la voie de la communion n'est envisageable. En effet, dans le dialogue, on s'écoute et l'on communique; on se confronte, et, avec la grâce de Dieu, on peut converger sur sa Parole en accueillant ses exigences, qui sont valables pour tous.

Dans l'écoute et dans le dialogue, les Pères conciliaires n'ont pas entrevu une utilité orientée exclusivement vers le progrès oecuménique, mais ils ont ajouté une perspective se référant à l'Eglise catholique elle-même: "De ce genre de dialogue - affirme le texte du Concile - ressort plus clairement aussi la vraie position de l'Eglise catholique" (Unitatis redintegratio UR 9). Il est bien sûr indispensable d'"exposer clairement la doctrine intégrale" pour un dialogue en mesure d'affronter, de discuter et de surmonter les divergences qui existent entre les chrétiens, mais dans le même temps "la méthode et la manière d'exprimer la foi catholique ne doivent nullement faire obstacle au dialogue avec les frères" (ibid., n. UR 11). Il faut parler correctement (orthos) et de manière compréhensible. Le dialogue oecuménique implique la correction fraternelle évangélique et conduit à un enrichissement spirituel réciproque dans le partage des expériences de foi et de vie chrétienne authentiques. Pour que cela ait lieu, il faut implorer sans se lasser l'assistance de la grâce de Dieu et l'illumination de l'Esprit Saint. C'est ce que les chrétiens du monde entier ont fait au cours de cette "Semaine" particulière, ou qu'ils feront au cours de la Neuvaine qui précède la Pentecôte, ainsi qu'en chaque circonstance opportune, en élevant leur prière confiante afin que tous les disciples du Christ soient un, et afin que, dans l'écoute de la Parole, ils puissent donner un témoignage unanime aux hommes et aux femmes de notre temps.

Dans cette atmosphère d'intense communion, je désire adresser mon salut cordial à toutes les personnes présentes: au Cardinal-Archiprêtre de cette Basilique, au Cardinal-Président du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens et aux autres cardinaux, aux vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce, aux Moines bénédictins, aux religieux et aux religieuses, aux laïcs qui représentent la communauté diocésaine de Rome tout entière. Je voudrais saluer de manière particulière les frères des autres Eglises et Communautés ecclésiales qui prennent part à la célébration, en renouvelant la tradition significative de conclure ensemble la "Semaine de prière", le jour où nous commémorons la conversion foudroyante de saint Paul sur le chemin de Damas. Je suis heureux de souligner que le sépulcre de l'Apôtre des nations, auprès duquel nous nous trouvons, a récemment été l'objet de recherches et d'études, à la suite desquelles on a voulu le rendre visible aux pèlerins, grâce à une intervention adaptée sous l'autel majeur. Je présente mes félicitations pour cette importante initiative. Je confie à l'intercession de saint Paul, inlassable constructeur de l'unité de l'Eglise, les fruits de l'écoute et du témoignage communs dont nous avons pu faire l'expérience lors des nombreuses rencontres fraternelles et des dialogues qui ont eu lieu au cours de l'année 2006, aussi bien avec les Eglises d'Orient qu'avec les Eglises et les Communautés ecclésiales en Occident. A travers ces événements, il a été possible de percevoir la joie de la fraternité, tout comme la tristesse pour les tensions qui demeurent, en conservant toujours l'espérance que le Seigneur nous transmet. Nous remercions ceux qui ont contribué à intensifier le dialogue oecuménique par la prière, par l'offrande de leur souffrance et par leur action inlassable. C'est surtout à notre Seigneur Jésus Christ que nous rendons grâce avec ferveur pour tout. Que la Vierge Marie fasse en sorte que l'on puisse au plus tôt réaliser l'ardente aspiration à l'unité de son divin Fils: "Que tous soient un... afin que le monde croie" (Jn 17,21).



Mercredi des Cendres, 21 février 2007

21207
CÉLÉBRATION PÉNITENTIELLE DANS LA BASILIQUE SAINTE-SABINE SUR L’AVENTIN


Chers frères et soeurs!


Avec la procession pénitentielle, nous sommes entrés dans le climat austère du Carême, et au début de cette célébration eucharistique, nous venons de prier pour que le Seigneur aide le peuple chrétien à "commencer un chemin de conversion véritable pour affronter de façon victorieuse, avec les armes de la pénitence, le combat contre l'esprit du mal" (Prière de la Collecte). Lorsque nous recevrons, dans quelques instants, les cendres sur le front, nous réécouterons encore une claire invitation à la conversion qui peut s'exprimer par une double formule: "Convertissez-vous et croyez à l'Evangile", ou bien: "Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière". C'est précisément en raison de la richesse des symboles et des textes bibliques et liturgiques que le Mercredi des Cendres est considéré comme la "porte" du Carême. En effet, la liturgie d'aujourd'hui et les gestes qui la caractérisent forment un ensemble qui anticipe de manière synthétique la physionomie même de toute la période quadragésimale. Dans sa tradition, l'Eglise ne se limite pas à nous offrir la thématique liturgique et spirituelle de l'itinéraire quadragésimal, mais elle nous indique également les instruments ascétiques et pratiques pour le parcourir de façon fructueuse.

"Revenez à moi de tout votre coeur, dans le jeûne, les pleurs et les cris de deuil". C'est par ces paroles que débute la Première Lecture, tirée du livre du prophète Joël (
Jl 2,12). Les souffrances, les catastrophes qui affligeaient à cette époque la terre de Judée poussent l'auteur saint à encourager le peuple élu à la conversion, c'est-à-dire à retourner avec une confiance filiale au Seigneur en se lacérant le coeur et non les vêtements. En effet, Celui-ci, rappelle le prophète, "est tendresse et pitié, lent à la colère, riche en grâce, et il a regret du mal" (Jl 2,13). L'invitation que Joël adresse à ceux qui l'écoutent vaut également pour nous, chers frères et soeurs. N'hésitons pas à retrouver l'amitié de Dieu perdue avec le péché; en rencontrant le Seigneur, faisons l'expérience de la joie de son pardon. Et ainsi, en répondant presque aux paroles du prophète, nous avons fait nôtre l'invocation du refrain du Psaume responsorial: "Pardonne-nous, Seigneur, nous avons péché". En proclamant le Psaume 50, le grand Psaume pénitentiel, nous en avons appelé à la miséricorde divine; nous avons demandé au Seigneur que la puissance de son amour nous redonne la joie d'être sauvés.

Dans cet esprit, nous débutons le temps favorable du Carême, comme nous l'a rappelé saint Paul dans la Seconde lecture, pour nous laisser réconcilier avec Dieu dans le Christ Jésus. L'Apôtre se présente comme ambassadeur du Christ et montre clairement que c'est précisément grâce à Lui qu'est offerte au pécheur, c'est-à-dire à chacun de nous, la possibilité d'une réconciliation authentique. "Celui qui n'avait pas connu le péché - dit-il - Il l'a fait péché pour nous afin qu'en lui nous devenions justice de Dieu" (2Co 5,21). Seul le Christ peut transformer chaque situation de péché en nouveauté de grâce. Voilà pourquoi l'exhortation que Paul adresse aux chrétiens de Corinthe revêt un profond impact spirituel: "Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu"; et encore: "Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut" (2Co 5,20 2Co 6,2). Alors que Joël parlait du prochain jour du Seigneur comme d'un jour de jugement terrible, saint Paul, en se référant à la parole du prophète Isaïe, parle de "moment favorable", de "jour du salut". Le prochain jour du Seigneur est devenu l'"aujourd'hui". Le jour terrible s'est transformé dans la Croix et dans la Résurrection du Christ, en jour du salut. Et ce jour, c'est maintenant, comme nous l'avons entendu dans le Chant de l'Evangile: "Aujourd'hui, n'endurcissez pas votre coeur, mais écoutez la voix du Seigneur". L'appel à la conversion, à la pénitence résonne aujourd'hui de toute sa force, pour que son écho nous accompagne à tous les moments de notre vie.

La liturgie du Mercredi des Cendres indique ainsi dans la conversion du coeur à Dieu la dimension fondamentale du temps quadragésimal. Tel est le rappel très suggestif qui nous vient du rite traditionnel de l'imposition des cendres, que nous renouvellerons d'ici peu. Un rite qui revêt une double signification: la première relative au changement intérieur, à la conversion et à la pénitence, alors que la seconde renvoie à la précarité de la condition humaine, comme on le perçoit facilement dans les deux formules différentes qui accompagnent le geste. Ici, à Rome, la procession pénitentielle du Mercredi des Cendres part de Saint-Anselme pour se conclure dans cette Basilique Sainte-Sabine, où a eu lieu la première station quadragésimale. A ce propos, il est intéressant de rappeler que l'antique liturgie romaine, à travers les stations quadragésimales, avait élaboré une géographie singulière de la foi, en partant de l'idée que, avec l'arrivée des apôtres Pierre et Paul et avec la destruction du Temple, Jérusalem s'était transférée à Rome. La Rome chrétienne était entendue comme une reconstruction de la Jérusalem du temps de Jésus à l'intérieur des murs de l'Urbs. Cette nouvelle géographie intérieure et spirituelle, inhérente à la tradition des églises "stationnelles" du Carême, n'est pas un simple souvenir du passé, ni une vaine anticipation de l'avenir; au contraire, elle entend aider les fidèles à parcourir un chemin intérieur, le chemin de la conversion et de la réconciliation, pour parvenir à la gloire de la Jérusalem céleste où habite Dieu.

Chers frères et soeurs, nous avons quarante jours pour approfondir cette extraordinaire expérience ascétique et spirituelle. Dans l'Evangile qui a été proclamé, Jésus indique quels sont les instruments utiles pour accomplir l'authentique renouvellement intérieur et communautaire: les oeuvres de charité (l'aumône), la prière et la pénitence (le jeûne). Ce sont trois pratiques fondamentales chères également à la tradition juive, parce qu'elles contribuent à purifier l'homme devant Dieu (cf. Mt 6,1-6 Mt 6,16-18). Ces gestes extérieurs, qui sont accomplis pour plaire à Dieu et non pour obtenir l'approbation ou l'assentiment des hommes, sont acceptés par Lui s'ils expriment la détermination du coeur à le servir, avec simplicité et générosité. Cela nous est rappelé également par une des Préfaces quadragésimales où, à propos du jeûne, nous lisons cette expression singulière: "ieiunio... mentem elevas: par le jeûne, tu élèves ton esprit" (Préface IV).

Le jeûne, auquel l'Eglise nous invite en ce temps fort, ne naît certes pas de motivations d'ordre physique ou esthétique, mais provient de l'exigence que l'homme a d'une purification intérieure qui le désintoxique de la pollution du péché et du mal; qui l'éduque à ces renonciations salutaires qui affranchissent le croyant de l'esclavage de son moi; qui le rende plus attentif et disponible à l'écoute de Dieu et aux services de ses frères. C'est pour cette raison que le jeûne et les autres pratiques quadragésimales sont considérées par la tradition chrétienne comme des "armes" spirituelles pour combattre le mal, les mauvaises passions et les vices. A ce sujet, je suis heureux d'écouter à nouveau avec vous un bref commentaire de saint Jean Chrysostome. "De même qu'à la fin de l'hiver - écrit-il - revient la saison estivale et le marin tire le bateau à la mer, le soldat nettoie ses armes et entraîne son cheval pour la lutte, l'agriculteur affile sa faux, le pèlerin revigoré se prépare à son long voyage et l'athlète dépose ses vêtements et se prépare à la compétition; ainsi, nous aussi, au début de ce jeûne, comme une sorte de retour à un printemps spirituel, nous fourbissons les armes comme les soldats, nous affilons la faux comme les agriculteurs, et comme les maîtres d'équipage, nous remettons en ordre le navire de notre esprit pour affronter les flots des passions absurdes, comme des pèlerins, nous reprenons le voyage vers le ciel et comme des athlètes, nous nous préparons à la lutte en nous dépouillant de tout" (Homélies au peuple d'Antioche, n. 3).

Dans le message pour le Carême, j'ai invité à vivre ces quarante jours de grâce particulière comme un temps "eucharistique". En puisant à la source intarissable de l'amour qu'est l'Eucharistie, dans laquelle le Christ renouvelle le sacrifice rédempteur de la Croix, chaque chrétien peut persévérer sur l'itinéraire que nous entreprenons aujourd'hui solennellement. Les oeuvres de charité (l'aumône), la prière et le jeûne en même temps que tout autre effort sincère de conversion trouvent leur plus haute signification et valeur dans l'Eucharistie, centre et sommet de la vie de l'Eglise et de l'histoire du salut. "Que ce sacrement que nous avons reçu, ô Père - ainsi prierons-nous à la fin de la messe -, nous soutienne sur le chemin quadragésimal, qu'il sanctifie notre jeûne et le rende efficace pour la guérison de notre esprit". Nous demandons à Marie de nous accompagner afin qu'au terme du Carême, nous puissions contempler le Seigneur ressuscité, intérieurement renouvelés et réconciliés avec Dieu et avec nos frères. Amen!



VISITE À L'INSTITUT PÉNITENTIAIRE POUR MINEURS DE "CASAL DEL MARMO" À ROME IV Dimanche de Carême 18 mars 2007

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Chapelle de la prison dédiée au Père Miséricordieux

IV Dimanche de Carême 18 mars 2007

Chers frères et soeurs,

chers jeunes garçons et jeunes filles!

C'est avec plaisir que je suis venu vous rendre visite, et le moment le plus important de notre rencontre est la Messe, au cours de laquelle est renouvelé le don de l'amour de Dieu: un amour qui nous réconforte et nous donne la paix, en particulier dans les moments difficiles de la vie. Dans ce climat de prière, je voudrais adresser mes salutations à chacun de vous: au Ministre de la Justice, Monsieur Clemente Mastella, auquel j'exprime une reconnaissance particulière, au Chef du département de la Justice des mineurs, Madame Melìta Cavallo, aux autres autorités ici présentes, aux responsables, aux agents, aux éducateurs et au personnel de cette structure pénitentiaire pour mineurs, aux volontaires, aux parents et à toutes les personnes présentes. Je salue le Cardinal-Vicaire et l'Evêque auxiliaire, Mgr Benedetto Tùzia. Je salue de façon particulière Mgr Giorgio Caniato, Inspecteur général des Aumôniers des Instituts de Prévention et de Détention, et votre Aumônier, que je remercie de s'être fait l'interprète de vos sentiments au début de la Messe.

Dans la Célébration eucharistique, c'est le Christ lui-même qui est présent au milieu de nous; je dirais même plus: Il vient nous éclairer à travers son enseignement - dans la Liturgie de la Parole - et nous nourrir avec son Corps et son Sang - dans la Liturgie eucharistique et dans la Communion. Il vient ainsi nous enseigner à aimer, il vient nous rendre aptes à aimer et ainsi capables de vivre. Mais, direz-vous peut-être, qu'il est difficile d'aimer pour de bon, de bien vivre! Quel est le secret de l'amour, le secret de la vie? Revenons à l'Evangile. Dans cet Evangile apparaissent trois personnes: le père et ses deux fils. Mais derrière les personnes apparaissent deux projets de vie assez différents. Les deux fils vivent en paix, ce sont des agriculteurs très aisés, ils ont de quoi vivre, ils vendent bien leurs produits, la vie semble être bonne.

Et toutefois, le fils le plus jeune trouve peu à peu cette vie ennuyeuse, insatisfaisante: ce ne peut pas être cela- pense-t-il - toute la vie: chaque jour se lever, que sais-je, à six heures du matin, puis selon les traditions d'Israël, une prière, une lecture de la Sainte Bible, puis on va travailler, et à la fin encore une prière. Ainsi, jour après jour, il pense: mais non, la vie c'est plus que cela, je dois trouver une autre vie où je sois véritablement libre, où je puisse faire ce qu'il me plaît; une vie libre de cette discipline et de ces normes des commandements de Dieu, des ordres de mon père; je voudrais être tout seul et avoir la vie totalement pour moi, avec toutes ses beautés. Maintenant, au contraire, il n'y a que le travail...

Et il décide ainsi de prendre tout son patrimoine et de s'en aller. Le père est très respectueux et généreux, et il respecte la liberté de son fils: c'est lui qui doit trouver son projet de vie. Et il s'en va, come dit l'Evangile, dans un pays très lointain. Lointain probablement au sens géographique, parce qu'il veut un changement, mais aussi intérieurement, parce qu'il veut une vie totalement différente. A présent, son idée est: liberté, faire ce que j'ai envie de faire, ne pas connaître ces normes d'un Dieu qui est lointain, ne pas être dans la prison de cette discipline de la maison, faire ce qui est beau, ce qui me plaît, profiter de la vie avec toute sa beauté et sa plénitude.

Et dans un premier temps - nous pourrions penser peut-être pendant quelques mois - tout se passe bien: il est content d'avoir atteint enfin la vie, il se sent heureux. Mais ensuite, peu à peu, il ressent là aussi de l'ennui, là aussi c'est toujours la même chose. Et en fin de compte, il reste un vide toujours plus inquiétant; le sentiment que cela n'est pas encore la vie devient de plus en plus vif; plus encore, en allant de l'avant avec toutes ces choses-là, la vie s'éloigne de plus en plus. Tout devient vide: à présent également réapparaît l'esclavage de faire toujours les mêmes choses. Et à la fin, l'argent aussi finit, et le jeune homme trouve que son niveau de vie est inférieur à celui des porcs.

Alors, il commence à réfléchir et il se demande si cela était réellement le chemin de la vie: une liberté interprétée dans le sens de faire ce que je veux, vivre, avoir la vie uniquement pour moi ou si en revanche, la vie ne serait pas plutôt de vivre pour les autres, de contribuer à la construction du monde, à la croissance de la communauté humaine... Ainsi commence le nouveau chemin, un chemin intérieur. Le jeune homme réfléchit et considère tous ces nouveaux aspects du problème et il commence à voir qu'il était bien plus libre chez lui, en étant propriétaire lui aussi, en contribuant à la construction de la maison et de la société en communion avec le Créateur, en connaissant le but de sa vie, en devinant le projet que Dieu avait pour lui. Dans ce chemin intérieur, dans cette maturation d'un nouveau projet de vie, en vivant également le chemin extérieur, le fils le plus jeune se met en marche pour revenir, pour recommencer avec sa vie, parce que désormais, il a compris que le chemin qu'il avait pris était le mauvais. Je dois repartir avec une autre idée, se dit-il, je dois recommencer.

Et il arrive à la maison du père qui lui a laissé sa liberté pour lui donner la possibilité de comprendre intérieurement ce que signifie vivre, ce que signifie ne pas vivre. Le père avec tout son amour l'embrasse, lui offre une fête et la vie peut commencer à nouveau en partant de cette fête. Le fils comprend que c'est précisément le travail, l'humilité, la discipline de chaque jour qui crée la véritable fête et la véritable liberté. Il retourne ainsi chez lui en ayant mûri et en s'étant purifié intérieurement: il a compris ce que signifie vivre. Assurément, à l'avenir également, sa vie ne sera pas facile, les tentations reviendront, mais il est désormais pleinement conscient qu'une vie sans Dieu ne fonctionne pas: il manque l'essentiel, il manque la lumière, il manque la raison, il manque le grand sens d'être homme. Il a compris que nous ne pouvons connaître Dieu que sur la base de sa Parole. (Nous chrétiens nous pouvons ajouter que nous savons qui est Dieu par Jésus, en qui nous a réellement été montré le visage de Dieu). Le jeune homme comprend que les commandements de Dieu ne sont pas des obstacles à la liberté et pour une vie belle, mais qu'ils sont les indicateurs de la route sur laquelle marcher pour trouver la vie. Il comprend que le travail également, la discipline, l'engagement non pour soi-même, mais pour les autres élargit la vie. Et c'est précisément cet effort de s'engager dans le travail qui donne sa profondeur à la vie, parce que l'on expérimente la satisfaction d'avoir en fin de compte contribué à faire grandir ce monde qui devient plus libre et plus beau.

Je ne voudrais pas à présent parler de l'autre fils qui est resté à la maison, mais devant sa réaction de jalousie, nous voyons qu'intérieurement, lui aussi rêvait qu'il aurait peut-être été beaucoup mieux de se permettre toutes les libertés. Lui aussi, intérieurement, doit "rentrer à la maison" et comprendre à nouveau ce qu'est la vie, comprendre que l'on ne vit vraiment qu'avec Dieu, avec sa Parole, dans la communion de sa propre famille, du travail; dans la communion de la grande famille de Dieu. Je ne voudrais pas à présent entrer dans ces détails: laissons chacun de nous trouver la manière d'appliquer cet Evangile à lui-même. Nos situations sont différentes et chacun a son monde. Cela n'ôte rien au fait que nous sommes tous touchés et que nous pouvons tous entrer avec nos chemins intérieurs dans la profondeur de l'Evangile.

Je ne ferais encore que quelques petites remarques. L'Evangile nous aide à comprendre qui est vraiment Dieu: il est le Père miséricordieux qui, en Jésus, nous aime au-delà de toute mesure. Les erreurs que nous commettons, même si elles sont grandes, n'entament pas la fidélité de son amour. Dans le sacrement de la confession, nous pouvons toujours à nouveau repartir avec la vie: il nous accueille, nous rend la dignité d'être ses fils. Redécouvrons donc ce sacrement du pardon qui fait jaillir la joie dans un coeur né à nouveau à la vie véritable.

Par ailleurs, cette parabole nous aide à comprendre qui est l'homme: il n'est pas une "monade", une entité isolée qui ne vit que pour elle-même et doit avoir la vie seulement pour elle-même. Au contraire, nous vivons avec les autres et nous sommes créés avec les autres, et uniquement en étant avec les autres, en nous donnant aux autres, nous trouvons la vie. L'homme est une créature dans laquelle Dieu a imprimé son image, une créature qui est attirée dans l'horizon de sa Grâce, mais qui est aussi une créature fragile, exposée au mal; mais cependant capable de bien. Et finalement, l'homme est une personne libre. Nous devons comprendre ce qu'est la liberté et ce qui n'est que l'apparence de la liberté. La liberté, pourrions-nous dire, est un tremplin pour plonger dans la mer infinie de la bonté divine, mais elle peut devenir aussi une pente sur laquelle glisser vers l'abîme du péché et du mal et perdre ainsi également la liberté et notre dignité.

Chers amis, nous sommes dans le temps du Carême, des quarante jours avant Pâques. En ce temps de Carême, l'Eglise nous aide à accomplir ce chemin intérieur et nous invite à la conversion qui, avant d'être un effort toujours important pour changer nos comportements, est une opportunité pour décider de se lever et de repartir, c'est-à-dire d'abandonner le péché et de choisir de revenir à Dieu. Parcourons - tel est l'impératif du Carême -, parcourons ensemble ce chemin de libération intérieure. Chaque fois que, comme aujourd'hui, nous participons à l'Eucharistie, source et école de l'amour, nous devenons capables de vivre cet amour, de l'annoncer et de le témoigner avec notre vie. il faut toutefois que nous décidions d'aller vers Jésus, comme l'a fait le fils prodigue, en revenant intérieurement et extérieurement auprès de son père. Dans le même temps, nous devons abandonner l'attitude égoïste du fils aîné sûr de lui, qui condamne facilement les autres, ferme son coeur à la compréhension, à l'accueil et au pardon de ses frères et oublie lui aussi qu'il a besoin du pardon. Puissent nous obtenir ce don la Vierge Marie et saint Joseph, mon Patron, dont c'est demain la fête, et que j'invoque à présent de façon particulière pour chacun de vous et pour les personnes qui vous sont chères.



Benoît XVI Homélies 7107