Benoît XVI Homélies 13308

CÉLÉBRATION DE LA PÉNITENCE AVEC LES JEUNES DU DIOCÈSE DE ROME EN PRÉPARATION À LA XXIII JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE

13308
Basilique Vaticane

Jeudi 13 mars 2008




Chers jeunes du diocèse de Rome!

Cette année aussi, à l'approche du Dimanche des Rameaux, nous nous retrouvons pour préparer la XXIII Journée mondiale de la Jeunesse qui, comme vous le savez, atteindra son sommet lors de la Rencontre des jeunes du monde entier qui se tiendra à Sydney du 15 au 20 juillet prochain. Vous connaissez depuis un certain temps déjà le thème de cette Journée. Il est tiré des paroles qui viennent d'être entendues lors de la première lecture: "Mais vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins" (
Ac 1,8). Nous retrouver aujourd'hui ensemble prend, et ce n'est pas un hasard, la forme d'une liturgie pénitentielle, avec la célébration des confessions individuelles.

Pourquoi "n'est-ce pas un hasard"? On peut trouver la réponse dans ce que j'ai écrit dans ma première Encyclique. Dans celle-ci, je remarquais qu'à l'origine du fait d'être chrétien se trouve la rencontre, avec un événement, avec une Personne, qui donne un nouvel horizon à la vie et, avec celui-ci, la direction décisive (cf. Deus caritas est ). Précisément pour encourager cette rencontre vous vous apprêtez à ouvrir vos coeurs à Dieu, en confessant vos péchés et en recevant, à travers l'action de l'Esprit Saint et à travers le ministère de l'Eglise, le pardon et la paix. C'est ainsi que nous faisons place à la présence en nous de l'Esprit Saint, la troisième Personne de la Très Sainte Trinité qui est l'"âme" et le "souffle vital" de la vie chrétienne: l'Esprit nous rend capables "de mûrir une compréhension de Jésus toujours plus approfondie et plus joyeuse, et en même temps de réaliser une mise en pratique efficace de l'Evangile" (Message pour la XXIII Journée mondiale de la Jeunesse, n. 1).

Lorsque j'étais Archevêque de Munich-Freising, je me suis inspiré pour une méditation sur la Pentecôte d'un film intitulé Seelenwanderung (Métempsychose), pour expliquer quelle est l'action de l'Esprit Saint dans une âme. Le film raconte l'histoire de deux pauvres personnes qui, en raison de leur bonté, ne réussissaient pas à aller de l'avant dans la vie. Un jour, l'idée vint à l'un des deux que, n'ayant rien d'autre à mettre en vente, il pouvait vendre son âme. Celle-ci fut achetée pour trois fois rien et placée dans une boîte. A partir de ce moment, à sa grande surprise, tout changea dans sa vie. Il commença une ascension rapide, il devint toujours plus riche, il obtint de grands honneurs et, à sa mort, il portait le titre de consul, largement couvert d'argent et de biens. A partir du moment où il s'était libéré de son âme, il n'avait plus eu d'égards ni d'humanité. Il avait agi sans scrupules, en ne pensant qu'au gain et au succès. L'homme ne comptait plus rien. Lui-même n'avait plus d'âme. Le film - concluais-je - démontre de manière impressionnante que derrière l'apparence du succès se cache souvent une existence vide.

Apparemment l'homme n'a rien perdu, mais son âme lui manque et sans celle-ci tout manque. Il est évident - poursuivais-je dans cette méditation - que l'être humain ne peut pas littéralement jeter son âme au loin, puisque c'est celle-ci qui en fait une personne. En effet, il reste toujours une personne humaine. Il a pourtant l'effrayante possibilité d'être inhumain, de rester une personne en vendant et en perdant en même temps sa propre humanité. La distance entre la personne humaine et l'être inhumain est immense, on ne peut pourtant pas la démontrer; elle est réellement essentielle et pourtant elle est apparemment sans importance (cf. Suchen, was droben ist. Meditationen das Jahr hindurch , LEV, Lv 1985).

L'Esprit Saint, qui se trouve à l'origine de la création et qui, grâce au Mystère de Pâques, est descendu en abondance sur Marie et les Apôtres le jour de la Pentecôte, n'apparaît pas non plus avec évidence au regard extérieur. On ne peut pas voir ou démontrer s'il pénètre dans la personne ou non; mais cela change et renouvelle toute la perspective de l'existence humaine. L'Esprit Saint ne change pas les situations extérieures de la vie, mais les situations intérieures. Le soir de Pâques Jésus, en apparaissant aux disciples, "répandit sur eux son souffle et il leur dit: "Recevez l'Esprit Saint"" (Jn 20,22). De manière encore plus évidente, l'Esprit descendit sur les Apôtres le jour de la Pentecôte, comme un vent impétueux et sous la forme de langues de feu. Ce soir aussi l'Esprit descendra dans nos coeurs, pour pardonner nos péchés et nous renouveler intérieurement en nous revêtant d'une force qui nous rendra nous aussi, comme les Apôtres, courageux pour annoncer que "le Christ est mort et ressuscité!".

Chers amis, préparons-nous donc, par un examen de conscience sincère, à nous présenter à ceux à qui le Christ a confié le ministère de la réconciliation. Avec une âme repentie nous confessons nos péchés, en nous proposant sérieusement de ne plus jamais les répéter, surtout en nous proposant de rester toujours sur la voie de la conversion. Nous éprouverons ainsi la joie véritable: celle qui découle de la miséricorde de Dieu, qui se répand dans nos coeurs et qui nous réconcilie avec Lui. Cette joie est contagieuse! "Mais vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous - dit le verset biblique choisi comme thème de la XXIII Journée mondiale de la Jeunesse - Vous serez alors mes témoins" (Ac 1,18). Faites-vous les porteurs de cette joie qui vient de l'accueil des dons de l'Esprit Saint, en donnant dans votre vie le témoignage des fruits de l'Esprit: "Amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi" (Ga 5,22), tels sont les fruits de l'Esprit dont saint Paul fait la liste dans la Lettre aux Galates.

Rappelez-vous toujours que vous êtes le "temple de l'Esprit"; laissez-le habiter en vous et obéissez docilement à ses indications, pour apporter votre contribution à l'édification de l'Eglise (cf. 1Co 12,7) et discerner à quel type de vocation le Seigneur vous appelle. Aujourd'hui aussi le monde a besoin de prêtres, d'hommes et de femmes consacrées, de couples d'époux chrétiens. Pour répondre à la vocation à travers l'une de ces voies soyez généreux, faites-vous aider par le recours au sacrement de la confession et par la pratique de la direction spirituelle sur votre chemin de chrétiens cohérents. Cherchez en particulier à ouvrir sincèrement votre coeur à Jésus, le Seigneur, pour lui offrir votre "oui" inconditionné.

Chers jeunes, cette ville de Rome est entre vos mains. C'est à vous que revient la tâche de la rendre belle, également d'un point de vue spirituel, grâce à votre témoignage d'une vie vécue dans la grâce de Dieu et dans l'éloignement du péché, en adhérant à tout ce que l'Esprit Saint vous appelle à être, dans l'Eglise et dans le monde. Vous rendrez ainsi visible la grâce de la miséricorde surabondante du Christ, qui de son côté transpercé a jailli pour nous sur la croix. Le Seigneur Jésus nous lave des péchés, il nous guérit des fautes et nous fortifie pour ne pas succomber dans la lutte contre le péché et dans le témoignage de son amour.

Il y a vingt-cinq ans, le bien-aimé Serviteur de Dieu Jean-Paul II inaugura, non loin de cette Basilique, le Centre international des Jeunes "San Lorenzo": une initiative spirituelle qui s'unissait à tant d'autres initiatives en oeuvre dans le diocèse de Rome, pour favoriser l'accueil des jeunes, l'échange d'expériences et de témoignages de la foi, et surtout la prière qui nous fait découvrir l'amour de Dieu. A cette occasion, le Pape Jean-Paul II écrivit: "Celui qui se laisse combler par cet amour - l'amour de Dieu - ne peut pas nier plus longtemps sa faute. La perte du sens du péché dérive, en dernière analyse, de la perte plus radicale et cachée du sens de Dieu" (Homélie pour l'inauguration du Centre international des jeunes "San Lorenzo", 13 mars 1983, n. 5). Et il ajouta: "Où aller en ce monde, avec le péché et la faute, sans la Croix? La Croix prend sur elle toute la misère du monde, qui naît du péché. Elle se révèle comme signe de grâce. Elle recueille notre solidarité et nous encourage au sacrifice pour les autres" (ibid.).

Chers jeunes, cette expérience se renouvelle aujourd'hui pour vous: regardez la Croix en ce moment et accueillez l'amour de Dieu qui nous est donné par la Croix, par l'Esprit Saint qui vient du côté transpercé du Seigneur et, comme le disait le Pape Jean-Paul II, "Devenez vous-mêmes des rédempteurs des jeunes du monde" (ibid.).

Coeur divin de Jésus, d'où jaillirent le Sang et l'Eau comme source de miséricorde pour nous, nous nous remettons à Toi. Amen!



CÉLÉBRATION DU DIMANCHE DES RAMEAUX

16308
Place Saint-Pierre

XXIII Journée Mondiale de la Jeunesse

Dimanche 16 mars 2008




Chers frères et soeurs,

Chaque année, l'Evangile du Dimanche des Rameaux nous raconte l'entrée de Jésus à Jérusalem. Accompagné de ses disciples et d'une foule croissante de pèlerins, Il était monté de la plaine de Galilée jusqu'à la Cité sainte. Comme des étapes de cette ascension, les évangélistes nous ont transmis trois annonces de Jésus concernant sa Passion, faisant en même temps allusion à l'ascension intérieure qui se déroulait au cours de ce pèlerinage. Jésus marche vers le temple - vers le lieu où Dieu, comme dit le Deutéronome, avait voulu "faire habiter" son nom (cf.
Dt 12,11 Dt 14,23). Le Dieu qui a créé le ciel et la terre s'est donné un nom, il a permis qu'on l'invoque, il a même permis que les hommes puissent presque le toucher. Aucun lieu ne peut Le contenir et pourtant, ou précisément pour cela, Il se donne lui-même un lieu et un nom, afin qu'Il puisse personnellement, Lui qui est le vrai Dieu, y être vénéré comme le Dieu au milieu de nous. Le récit sur Jésus à l'âge de douze ans nous a montré qu'Il aimait le temple comme la maison de son Père, comme sa maison paternelle. Il revient maintenant dans ce temple mais son parcours va au-delà: le dernier objectif de son ascension est la Croix. C'est l'ascension que la Lettre aux Hébreux décrit comme l'ascension vers la tente qui n'est pas faite de mains d'homme, jusqu'à se trouver en présence de Dieu. L'ascension jusqu'à la présence de Dieu passe par la Croix. C'est l'ascension vers "l'amour jusqu'à la fin" (cf. Jn 13,1) qui est la vraie montagne de Dieu, le lieu définitif du contact entre Dieu et l'homme.

Au moment de l'entrée à Jérusalem, la foule rend hommage à Jésus comme fils de David avec les paroles du Psaume 118 [117] des pèlerins: "Hosanna au fils de David! Béni sois celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna au plus haut des cieux!" (Mt 21,9). Puis Il arrive au temple. Mais à l'endroit où doit avoir lieu la rencontre entre Dieu et l'homme, Il trouve des marchands d'animaux et des changeurs qui occupent le lieu de prière avec leurs affaires. Le bétail en vente était certes destiné aux sacrifices à immoler dans le temple; et puisque dans le temple on ne pouvait utiliser les pièces sur lesquelles étaient représentés les empereurs romains qui étaient en opposition avec le vrai Dieu, il fallait les échanger contre des pièces sur lesquelles n'étaient pas représentées des images d'idolâtrie. Mais tout cela pouvait avoir lieu ailleurs: l'espace où cela se déroulait devait être, selon sa destination, l'atrium des païens. En effet, le dieu d'Israël était l'unique Dieu de tous les peuples. Et même si les païens n'entraient pas, si l'on veut, au coeur de la Révélation, ils pouvaient cependant s'associer à la prière au Dieu unique, dans l'atrium de la foi. Le Dieu d'Israël, le Dieu de tous les hommes, attendait également toujours leur prière, leur recherche, leur invocation. Mais à présent, les affaires avaient pris le dessus - des affaires légalisées par les autorités compétentes qui recevaient elles aussi une part du gain des marchands. Les marchands agissaient correctement selon le règlement en vigueur, mais le règlement lui-même était corrompu. "L'avidité est l'idolâtrie", dit la Lettre aux Colossiens (cf. Col 3,5). C'est l'idolâtrie que rencontre Jésus et face à laquelle il cite Isaïe: "Ma maison s'appellera maison de prière" (Mt 21,13 cf. Is 56,7) et Jérémie: "Or vous, vous en faites une caverne de bandits" (Mt 21,13 cf. Jr 7,11). Contre l'ordre mal interprété, Jésus, par son geste prophétique, défend l'ordre véritable, qui se trouve dans la Loi et les Prophètes.

Tout cela doit nous faire réfléchir, nous aussi comme chrétiens: notre foi est-elle suffisamment pure et ouverte, pour que les "païens", les personnes qui sont aujourd'hui en quête et se posent des questions, puissent, à partir de cette foi, recevoir l'intuition de la lumière du Dieu unique, s'associer à notre prière dans les atrium de la foi et avec leurs interrogations devenir peut-être eux aussi des adorateurs? Sommes-nous conscients que l'avidité et l'idolâtrie atteignent aussi notre coeur et notre mode de vie? Ne laissons-nous pas, de différentes manières, les idoles entrer elles aussi dans le monde de notre foi? Sommes-nous prêts à nous laisser toujours à nouveau purifier par le Seigneur, en lui permettant de chasser en nous et dans l'Eglise tout ce qui lui est contraire?

Toutefois, dans la purification du temple, il ne s'agit pas seulement de la lutte contre les abus. Une nouvelle heure de l'histoire est annoncée. Ce que Jésus avait annoncé à la Samaritaine concernant sa question sur la vraie adoration est en train de se réaliser: "Mais l'heure vient - et c'est maintenant - où les véritables adorateurs adoreront le Père dans l'esprit et la vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père" (Jn 4,23). Le temps où des animaux étaient immolés à Dieu est révolu. Depuis toujours, les sacrifices d'animaux avaient été une piètre substitution, un geste de nostalgie de la vraie manière d'adorer Dieu. La Lettre aux Hébreux, sur la vie et l'action de Jésus, cite comme devise une phrase du Psaume 40 [39]: "Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation; mais tu m'as façonné un corps" (He 10,5). Aux sacrifices cruels et aux offrandes de vivres succède le corps du Christ, succède sa propre personne. Seul "l'amour jusqu'au bout", seul l'amour qui pour les hommes se donne totalement à Dieu, est le véritable culte, le véritable sacrifice. Adorer en esprit et en vérité signifie adorer en communion avec Celui qui est la vérité; adorer dans la communion avec son Corps, dans lequel l'Esprit Saint nous réunit.

Les évangélistes nous racontent que, lors du procès contre Jésus, de faux témoins se présentèrent et affirmèrent que Jésus avait dit: "Je peux détruire le Temple de Dieu et, en trois jours, le rebâtir" (Mt 26,61). Devant le Christ suspendu à la Croix certains se moquent en faisant référence à cette même parole et crient: "Toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même" (Mt 27,40). Dans son récit de la purification du temple, Jean nous a transmis la juste version de la parole, telle qu'elle a été prononcée par Jésus lui-même. Face à la demande d'un signe par lequel Jésus devait se justifier pour une telle action, le Seigneur répondit: "Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai" (Jn 2,18 sq.). Jean ajoute que, repensant à cet événement après la Résurrection, les disciples comprirent que Jésus avait parlé du Temple de son Corps (cf. Jn 2,21 sq.). Ce n'est pas Jésus qui détruit le temple; celui-ci est abandonné à la destruction par l'attitude de ceux qui ont transformé le lieu de la rencontre de tous les peuples avec Dieu, en une "caverne de bandits", le lieu de leurs affaires. Mais, comme toujours depuis la chute d'Adam, l'échec des hommes devient l'occasion d'un engagement encore plus grand de l'amour de Dieu à notre égard. L'heure du temple de pierre, l'heure des sacrifices d'animaux était passée: le fait que maintenant le Seigneur chasse les marchands empêche non seulement un abus mais indique une nouvelle action de Dieu. Le nouveau Temple se forme: Jésus Christ lui-même, à travers lequel l'amour de Dieu se penche sur les hommes. Dans sa vie, Il est le Temple nouveau et vivant. Lui qui est passé à travers la Croix et est ressuscité, Il est l'espace vivant d'esprit et de vie, dans lequel se réalise la juste adoration. Ainsi, la purification du temple, comme sommet de l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, est à la fois le signe de la destruction imminente de l'édifice et la promesse du nouveau Temple; promesse du royaume de la réconciliation et de l'amour qui, dans la communion avec le Christ, est instauré au-delà de toute frontière.

Saint Matthieu, dont nous écoutons l'Evangile cette année, rapporte à la fin du récit du Dimanche des Rameaux, après la purification du temple, encore deux petits événements qui, à nouveau, ont un caractère prophétique et qui nous font clairement voir encore une fois quelle est la volonté véritable de Jésus. Immédiatement après la parole de Jésus sur la maison de prière de tous les peuples, l'évangéliste continue ainsi: "Des aveugles et des boiteux s'approchèrent de lui dans le Temple, et il les guérit". En outre, Matthieu nous dit que des enfants répétèrent dans le temple l'acclamation que les pèlerins avaient prononcée à l'entrée de la ville: "Hosanna au fils de David!" (Mt 21,14sq.). Jésus oppose sa bonté qui guérit au commerce des animaux et aux affaires d'argent. C'est elle la vraie purification du temple. Il ne vient pas comme destructeur; il ne vient pas avec l'épée du révolutionnaire. Il vient avec le don de la guérison. Il se consacre à ceux qui, à cause de leur maladie, sont poussés jusqu'aux dernières extrémités de leur vie et en marge de la société. Jésus présente Dieu comme Celui qui aime, et son pouvoir comme le pouvoir de l'amour. Et ainsi, il nous dit ce qui fera pour toujours partie du juste culte de Dieu: la guérison, le service, la bonté qui guérit.

Et il y a ensuite les enfants qui rendent hommage à Jésus comme fils de David et chantent l'Hosanna. Jésus avait dit à ses disciples que, pour entrer dans le royaume de Dieu, ils auraient dû redevenir comme les enfants. Il s'est lui-même fait tout petit pour venir à notre rencontre, pour nous conduire vers Dieu, lui qui embrasse le monde entier. Pour reconnaître Dieu nous devons nous défaire de l'orgueil qui nous éblouit, qui veut nous éloigner de Dieu, comme si Dieu était notre concurrent. Pour rencontrer Dieu il faut être capable de voir avec le coeur. Nous devons apprendre à voir avec un coeur jeune, qui n'est pas entravé par des préjugés et aveuglé par des intérêts. Ainsi, chez les petits qui Le reconnaissent avec un tel coeur libre et ouvert, l'Eglise a vu l'image des croyants de tous les temps, sa propre image.

Chers amis, en ce moment nous nous associons à la procession des jeunes de l'époque, une procession qui traverse l'histoire tout entière. Nous allons à la rencontre de Jésus avec tous les jeunes du monde. Laissons-Le nous guider vers Dieu pour apprendre de Dieu lui-même la juste manière d'être hommes. Avec Lui, remercions Dieu car Jésus, le Fils de David, nous a donné un espace de paix et de réconciliation qui embrasse le monde. Prions-Le, afin de devenir nous aussi avec Lui et à partir de Lui des messagers de sa paix, afin qu'en nous et autour de nous grandisse son Royaume. Amen.


MESSE D'INTENTION POUR S. EXC. MGR PAULOS FARAJ RAHHO ARCHEVÊQUE DE MOSSOUL DES CHALDÉENS 17 mars 08

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Chapelle Redemptoris Mater

Lundi 17 mars 2008

Vénérés et chers frères,


Nous sommes entrés dans la Semaine Sainte en portant dans nos coeurs la grande douleur de la mort tragique du très cher Mgr Paulos Faraj Rahho, Archevêque de Mossoul des Chaldéens. J'ai voulu célébrer cette Messe à son intention, et je vous remercie d'avoir accepté mon invitation à prier ensemble pour lui. Je sens qu'en cet instant, sont proches de nous le Patriarche de Babylone des Chaldéens, le Cardinal Emmanuel III Delly, et les Evêques de cette Eglise bien-aimée qui souffre, croit et prie en Irak. J'adresse à ces vénérés frères dans l'épiscopat, à leurs prêtres, aux religieux et à tous les fidèles une parole particulière de salut et d'encouragement, assuré qu'ils sauront trouver dans la foi la force pour ne pas perdre courage dans la situation difficile qu'ils vivent actuellement.

Le contexte liturgique dans lequel nous nous trouvons est des plus éloquents: ce sont les jours au cours desquels nous revivons les derniers moments de la vie terrestre de Jésus: des heures dramatiques, pleines d'amour et de crainte, particulièrement dans l'âme de ses disciples. Des heures au cours desquelles l'opposition entre la vérité et le mensonge, entre la douceur d'âme et la droiture du Christ et la violence et la duperie de ses ennemis est réelle. Jésus a connu l'approche de sa mort violente, il a senti le filet de ses persécuteurs se resserrer autour de lui. Il a connu l'épreuve de l'angoisse et de la peur, jusqu'à l'heure cruciale du Gethsémani. Mais il a vécu tout cela plongé dans la communion avec le Père et réconforté par l'"onction" de l'Esprit Saint.

L'Evangile d'aujourd'hui évoque le repas de Béthanie, qui, au regard plein de foi du disciple Jean, révèle des significations profondes. Le geste de Marie, l'onction des pieds de Jésus avec le précieux onguent, devient un acte reconnaissant d'amour extrême en vue de la sépulture du Maître; et le parfum, qui se diffuse dans toute la maison, est le symbole de son immense charité, de la beauté et de la bonté de son sacrifice, qui remplit l'Eglise. Je pense au saint Chrême, dont fut oint le front de Mgr Rahho au moment de son baptême et de sa confirmation; dont furent ointes ses mains au jour de son ordination sacerdotale, enfin son front et ses mains quand il fut consacré Evêque. Mais je pense également à toutes les "onctions" d'affection filiale, d'amitié spirituelle, de dévotion que ses fidèles réservaient à sa personne, et qui l'ont accompagné dans les heures terribles de l'enlèvement et de la prison douloureuse - où il était peut-être déjà blessé -, jusqu'à l'agonie et à la mort. Jusqu'à cette indigne sépulture, où on a retrouvé sa dépouille mortelle. Mais ces onctions, sacramentelles et spirituelles, étaient un gage de résurrection, gage de la vie véritable et pleine que le Seigneur Jésus est venu nous donner!

La lecture du prophète Isaïe nous a placés devant la figure du Serviteur du Seigneur, dans le premier des quatre "Chants", dans lesquels ressortent la douceur et la force de ce mystérieux envoyé de Dieu, qui s'est pleinement réalisé en Jésus Christ. Le Serviteur est présenté comme celui qui "portera le droit", "proclamera le droit", "établira le droit", j'insiste sur ce terme qui doit faire l'objet d'une attention particulière. Le Seigneur l'a appelé "pour la justice" et il réalisera cette mission universelle avec la force non violente de la vérité. Nous voyons dans la Passion du Christ l'accomplissement de cette mission, quand, face à une condamnation injuste, Il rend témoignage à la vérité, en restant fidèle à la loi de l'amour. Sur cette même voie, Mgr Rahho a pris sa croix et a suivi le Seigneur Jésus, et a ainsi contribué à porter le droit dans son pays martyrisé et dans le monde entier, en rendant témoignage à la vérité. Il a été un homme de paix et de dialogue. Je sais qu'il avait une prédilection particulière pour les pauvres et les porteurs de handicap, pour l'assistance physique et psychique desquels il avait créé une association spéciale intitulée Joie et Charité ("Farah wa Mahabba"), à laquelle il avait confié la tâche de valoriser ces personnes et de soutenir leurs familles, et nombre d'entre elles avaient appris de lui à ne pas cacher ces parents et à voir le Christ en eux. Puisse son exemple soutenir tous les Irakiens de bonne volonté, chrétiens et musulmans, à construire une communauté de vie pacifique, fondée sur la fraternité humaine et sur le respect réciproque.

Ces jours-ci, en profonde union avec la communauté chaldéenne en Irak et à l'étranger, nous avons pleuré sa mort, et la manière inhumaine par laquelle a été conclue sa vie terrestre. Mais aujourd'hui, dans cette Eucharistie que nous offrons pour son âme consacrée, nous voulons rendre grâce à Dieu pour tout le bien qu'il a accompli en lui et à travers lui. Nous voulons en même temps espérer que, du ciel, il intercède auprès du Seigneur pour obtenir aux fidèles de cette terre tellement éprouvée le courage de continuer à travailler pour un avenir meilleur. Que les chrétiens de cette terre sachent persévérer dans l'engagement de l'édification d'une société pacifique et solidaire sur la voie du progrès et de la paix, comme le bien-aimé Mgr Paulos se dépensa sans réserve au service de son peuple. Nous confions ces voeux à l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, Mère du Verbe incarné pour le salut des hommes, et donc, pour tous, Mère de l'espérance.



MESSE CHRISMALE Basilique Vaticane Jeudi Saint, 20 mars 2008

20308

Chers frères et soeurs,

Chaque année la Messe chrismale nous exhorte à rentrer dans ce "oui" de l'appel de Dieu, que nous avons prononcé le jour de notre Ordination sacerdotale. "Adsum - Me voici!", avons-nous dit comme Isaïe, lorsqu'il entendit la voix de Dieu qui lui demandait: "Qui enverrai-je? Qui ira pour nous" "Me voici, Envoie-moi!", répondit Isaïe (
Is 6,8). Puis le Seigneur lui-même, à travers les mains de l'Evêque, nous imposa les mains et nous nous sommes offert à sa mission. Par la suite nous avons parcouru beaucoup de routes dans le cadre de son appel. Pouvons-nous toujours affirmer ce que Paul, après des années d'un service à l'Evangile souvent difficile et marqué par toutes sortes de souffrances, écrivit au Corinthiens: "Miséricordieusement investis de ce ministère, nous ne faiblissons pas" (cf. 2Co 4,1)? "Nous ne faiblissons pas". Nous prions en ce jour, afin que notre zèle soit toujours entretenu, afin qu'il soit toujours à nouveau nourri par la flamme vivante de l'Evangile.

Dans le même temps, le Jeudi Saint est pour nous une occasion de nous demander toujours à nouveau: A quoi avons-nous dit "oui"? Que signifie "être prêtre de Jésus Christ"? Le canon II de notre Missel, qui fut probablement rédigé à la fin du II siècle à Rome, décrit l'essence du ministère sacerdotal avec les paroles par lesquelles, dans le Livre du Deutéronome (Dt 18,5 Dt 18,7), était décrite l'essence du sacerdoce vétérotestamentaire: astare coram te et tibi ministrare. Ce sont par conséquent deux tâches qui définissent l'essence du ministère sacerdotal: en premier lieu le fait de "se tenir devant le Seigneur". Dans le Livre du Deutéronome cela doit être lu dans le contexte de la disposition précédente, selon laquelle les prêtres ne reçoivent pas de portion de terrain de la Terre Sainte - ils vivent de Dieu et pour Dieu. Ils n'étaient pas tenus aux travaux habituels nécessaires pour assurer la vie quotidienne. Leur profession était de "se tenir devant le Seigneur" - de veiller sur Lui, d'être là pour Lui. Ainsi, en définitive, la parole indiquait une vie en présence de Dieu ainsi qu'un ministère en représentation des autres. De même que les autres cultivaient la terre, de laquelle vivait également le prêtre, il maintenait quant à lui le monde ouvert vers Dieu, il devait vivre avec le regard tourné vers Lui. Si ces paroles se trouvent à présent dans le Canon de la Messe immédiatement après la consécration des dons, après l'entrée du Seigneur dans l'assemblée en prière, alors cela signifie pour nous qu'il faut nous tenir devant le Seigneur présent, c'est-à-dire que cela indique l'Eucharistie comme le centre de la vie sacerdotale. Mais ici aussi la portée est bien supérieure. Dans l'hymne de la Liturgie des Heures qui au cours du Carême introduit l'Office des lectures - l'Office qui, chez les moines, était jadis récité pendant l'heure de veillée nocturne devant Dieu et pour les hommes - l'une des tâches du Carême est décrite avec l'impératif: arctius perstemus in custodia - veillons de manière plus intense. Dans la tradition du monachisme syriaque, les moines étaient qualifiés comme "ceux qui sont debout"; être debout était l'expression de la vigilance. Dans ce qui était ici considéré comme le devoir des moines, nous pouvons avec raison voir également l'expression de la mission sacerdotale et la juste interprétation de la parole du Deutéronome: le prêtre doit être quelqu'un qui veille. Il doit être vigilant face aux pouvoirs menaçants du mal. Il doit garder le monde en éveil pour Dieu. Il doit être quelqu'un qui reste debout: droit face au courant du temps. Droit dans la vérité. Droit dans l'engagement au service du bien. Se tenir devant le Seigneur doit toujours, également, signifier profondément une prise en charge des hommes auprès du Seigneur qui, à son tour, nous prend tous en charge auprès du Père. Et cela doit signifier prendre en charge le Christ, sa parole, sa vérité, son amour. Le prêtre doit être droit, courageux et même disposé à subir des outrages pour le Seigneur, comme le rapportent les Actes des Apôtres: ils étaient "joyeux d'avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le nom de Jésus" (Ac 5,41).

Passons à présent à la seconde phrase, que le Canon II reprend du texte de l'Ancien Testament -"se tenir devant toi et te servir". Le prêtre doit être une personne pleine de rectitude, vigilante, qui se tient droite. A tout cela s'ajoute ensuite la nécessité de servir. Dans le texte vétérotestamentaire cette phrase a une signification essentiellement rituelle: c'est aux prêtres que revenaient toutes les actions de culte prévues par la Loi. Mais ce devoir d'agir selon le rite était ensuite classé comme relevant du service, d'une charge de service, et ainsi s'explique dans quel esprit ces activités devaient être accomplies. Avec l'adoption du mot "servir" dans le Canon, cette signification liturgique du terme est en un certain sens adoptée - conformément à la nouveauté du culte chrétien. Ce qu'accomplit le prêtre à ce moment-là, dans la célébration de l'Eucharistie, est servir, accomplir un service à Dieu et un service aux hommes. Le culte que le Christ a rendu au Père a été un don de soi jusqu'au bout pour les hommes. C'est dans ce culte, dans ce service, que le prêtre doit s'inscrire. Ainsi la parole "servir" comporte-t-elle plusieurs dimensions. Bien sûr l'une d'elles est avant tout la célébration digne de la Liturgie et des Sacrements en général, accomplie avec une participation intérieure. Nous devons apprendre à comprendre toujours davantage la Liturgie sacrée dans toute son essence, développer une familiarité vivante avec celle-ci, afin qu'elle devienne l'âme de notre vie quotidienne. En célébrant de manière juste, l'ars celebrandi, l'art de célébrer, s'impose de lui-même. Dans cet art, il ne doit y avoir rien d'artificiel. Si la Liturgie est un devoir central du prêtre, cela signifie également que la prière doit être une réalité prioritaire qu'il faut apprendre toujours à nouveau et toujours plus profondément à l'école du Christ et des saints de tous les temps. Puisque la Liturgie chrétienne, par nature, est toujours aussi annonce, nous devons être des personnes qui entretiennent une familiarité avec la Parole de Dieu, qui l'aiment, et qui la vivent: c'est seulement alors que nous pourrons l'expliquer de manière appropriée. "Servir le Seigneur" - le service sacerdotal signifie précisément aussi apprendre à connaître le Seigneur dans sa Parole et à Le faire connaître à tous ceux qu'Il nous confie.

Enfin, il y a encore deux autres aspects des diverses dimensions du "service". Personne n'est aussi proche de son seigneur que le serviteur qui a accès à la dimension privée de sa vie. En ce sens, "servir" signifie proximité, exige de la familiarité. Cette familiarité comporte également un danger: que le sacré avec lequel nous sommes quotidiennement en contact devienne pour nous une habitude. Ainsi s'affaiblit la crainte révérencielle. Conditionnés par les habitudes, nous ne percevons pas le fait le plus nouveau, le plus surprenant, qu'Il soit lui-même présent, qu'il nous parle, qu'il se donne à nous. Contre cette accoutumance à la réalité extraordinaire, contre l'indifférence du coeur nous devons lutter sans trêve, en reconnaissant toujours davantage notre insuffisance et la grâce qu'il y a dans le fait qu'Il se remette entre nos mains. Servir signifie proximité, mais cela signifie surtout aussi obéissance. Le serviteur se place sous les paroles: "Que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse" (Lc 22,42). Par ces mots, Jésus au Jardin des Oliviers a résolu la bataille décisive contre le péché, contre la rébellion du coeur qui a connu la chute. Le péché d'Adam consistait, justement, dans le fait qu'il voulait réaliser sa volonté et non celle de Dieu. La tentation de l'humanité est toujours celle de vouloir être totalement autonome, de suivre uniquement sa propre volonté et d'estimer que ce n'est que de cette manière que nous serions libres; que ce n'est que grâce à une semblable liberté sans limites que l'homme serait complètement homme. Mais précisément ainsi, nous allons à l'encontre de la vérité. Puisque la vérité est que nous devons partager notre liberté avec les autres et que nous ne pouvons être libres qu'en communion avec eux. Cette liberté partagée ne peut être liberté véritable que si à travers elle nous entrons dans ce qui constitue la mesure même de la liberté, si nous entrons dans la volonté de Dieu. Cette obéissance fondamentale qui fait partie de l'essence de l'homme, un être qui n'est pas par lui-même et uniquement pour lui-même, devient encore plus concrète chez le prêtre: nous ne nous annonçons pas nous-mêmes, mais nous annonçons Dieu et sa Parole, que nous ne pouvions pas élaborer seuls. Nous annonçons la Parole du Christ de manière juste uniquement dans la communion de son Corps. Notre obéissance est une manière de croire avec l'Eglise, de penser et de parler avec l'Eglise, de servir avec elle. Cela recouvre également toujours ce que Jésus a prédit à Pierre: "Tu seras conduit où tu ne voulais pas". Cette manière de se faire porter là où nous ne voulions pas est une dimension essentielle de notre service, et c'est précisément ce qui nous rend libres. Ainsi guidés, même de manière contraire à nos idées et à nos projets, nous faisons l'expérience d'une chose nouvelle - la richesse de l'amour de Dieu.

"Se tenir devant Lui et Le servir": Jésus Christ en tant que véritable Grand Prêtre du monde a conféré à ces paroles une profondeur jusqu'alors inimaginable. Lui, qui comme Fils de Dieu était et est le Seigneur, a voulu devenir ce serviteur de Dieu que la vision du Livre du prophète Isaïe avait prévu. Il a voulu être le serviteur de tous. Il a représenté l'ensemble de son souverain sacerdoce dans le geste du lavement des pieds. A travers le geste de l'amour jusqu'à la fin, Il lave nos pieds sales, avec l'humilité de son service il nous purifie de la maladie de notre orgueil. Ainsi nous rend-il capables de devenir des commensaux de Dieu. Il est descendu, et la véritable ascension de l'homme se réalise à présent dans notre descente avec Lui et vers Lui. Son élévation est la Croix. C'est la descente la plus profonde et, comme l'amour poussé jusqu'au bout, elle est dans le même temps le sommet de l'ascension, la véritable "élévation" de l'homme. "Se tenir devant Lui et Le servir" - cela signifie à présent entrer dans son appel de serviteur de Dieu. L'Eucharistie comme présence de la descente et de l'ascension du Christ renvoie ainsi toujours, au-delà d'elle-même, aux multiples manières dont nous disposons pour servir l'amour du prochain. Demandons au Seigneur, en ce jour, le don de pouvoir à nouveau prononcer en ce sens notre "oui" à son appel: "Me voici. Envoie-moi, Seigneur" (Is 6,8). Amen.



Benoît XVI Homélies 13308