Benoît XVI Homélies 19708

19708

St. Mary's Cathedral

Samedi 19 juillet 2008




Chers frères et soeurs,

En cette noble cathédrale, j’ai la joie de saluer mes frères évêques et prêtres, les diacres, les personnes consacrées et les laïcs de l’archidiocèse de Sydney. D’une façon toute particulière, j’adresse mon salut aux séminaristes et aux jeunes religieux présents parmi nous. Comme les jeunes israélites dans la première Lecture de ce jour, ils sont un signe d’espérance et de renouveau pour le peuple de Dieu ; et, comme les jeunes israélites, eux aussi auront le devoir d’édifier la maison de Dieu pour la prochaine génération. Alors que nous admirons ce magnifique édifice, comment ne pas penser aux innombrables prêtres, religieux et fidèles laïcs qui, chacun selon leur vocation propre, ont contribué à bâtir l’Église en Australie ? Nos pensées vont en particulier vers ces familles de colons auxquelles le Père Jeremiah O’Flynn confia le Saint Sacrement au moment de son départ, un « petit troupeau » qui eut à coeur de préserver ce trésor précieux, en le confiant aux générations successives qui érigèrent ce grand tabernacle à la gloire de Dieu. Nous nous réjouissons de leur fidélité et de leur persévérance, et nous nous appliquons à prolonger leurs efforts pour la diffusion de l’Évangile, pour la conversion des coeurs et la croissance de l’Église dans la sainteté, dans l’unité et dans la charité !

Nous nous apprêtons à célébrer la consécration du nouvel autel de cette vénérable cathédrale. Comme nous le rappelle clairement le panneau frontal sculpté, tout autel est le symbole de Jésus Christ, présent au milieu de son église comme prêtre, autel et victime (cf. Préface de Pâques n°5). Crucifié, enseveli et ressuscité d’entre les morts, rendu à la vie dans l’Esprit et assis à la droite du père, le Christ est devenu notre Grand Prêtre, qui intercède éternellement pour nous. Dans la liturgie de l’Église, et surtout dans le sacrifice de la Messe consommé sur les autels du monde, il nous invite, en tant que membres de son Corps mystique, à partager sa libre oblation. Il nous appelle, peuple sacerdotal de la nouvelle et éternelle Alliance, à offrir en union avec lui, nos sacrifices quotidiens pour le salut du monde.

Dans la liturgie de ce jour, l’Église nous rappelle que, comme cet autel, nous avons nous aussi été consacrés, mis « à part » pour le service de Dieu et la construction de son règne. Trop souvent, cependant, nous nous retrouvons immergés dans un monde qui voudrait mettre Dieu « de côté ». Au nom de la liberté et de l’autonomie humaine, le nom de Dieu est mis sous silence, la religion est réduite à une dévotion personnelle et la foi est écartée de la place publique. Parfois, une mentalité de ce genre, totalement opposée à l’essence de l’Évangile, peut même en venir à obscurcir notre compréhension de l’Église et de sa mission. Nous aussi, nous pouvons être tentés de réduire la vie de foi à une simple question de sentiment, affaiblissant ainsi sa capacité d’inspirer une vision cohérente du monde et du dialogue rigoureux avec les nombreuses autres visions qui concourent pour gagner à elles les esprits et les coeurs de nos contemporains.

Et pourtant l’histoire, y compris celle de notre temps, nous démontre que la question de Dieu ne peut jamais être tue, ainsi que l’indifférence à la dimension religieuse de l’existence humaine, en dernière analyse, diminue et trahit l’homme lui-même. N’est-ce pas là le message délivré par l’architecture surprenante de cette cathédrale ? N’est pas là le mystère de la foi qui est annoncé à partir de cet autel lors de chaque célébration eucharistique ? La foi nous enseigne qu’en Jésus Christ, Parole incarnée, nous parvenons à comprendre la grandeur de notre propre humanité, le mystère de notre vie sur la terre et le destin sublime qui nous attend au Ciel (cf. Gaudium et spes
GS 24). La foi nous enseigne, en outre, que nous sommes des créatures de Dieu, faites à son image et à sa ressemblance, dotées d’une dignité inviolable et appelées à la vie éternelle. Là où l’homme est diminué, c’est le monde qui nous entoure qui est diminué; il perd sa signification ultime et s’écarte de sa finalité. Ce qui en ressort, c’est une culture non pas de la vie, mais de la mort. Comment peut-on considérer cela un « progrès » ? Au contraire, c’est un pas en arrière, une forme de régression qui, en définitive, assèche les sources mêmes de la vie, de l’individu comme de la société tout entière.

Nous savons qu’à la fin – comme saint Ignace de Loyola l’a vu de façon si claire – l’unique vrai « standard» auquel toute réalité humaine peut être mesuré est la Croix et son message d’amour immérité qui triomphe du mal, du péché et de la mort et qui engendre une vie nouvelle et une joie éternelle. La Croix révèle que nous nous retrouvons nous-mêmes seulement en donnant notre vie, en accueillant l’amour de Dieu comme un don non mérité et en agissant pour mener tout homme et tout femme à la beauté de cet amour et à la lumière de la vérité qui, seule, apporte le salut au monde.

C’est dans cette vérité – le mystère de la foi – que nous avons été consacrés (cf. Jn 17,17-19), et c’est dans cette vérité que nous sommes appelés à grandir, avec l’aide de la grâce de Dieu, dans la fidélité quotidienne à sa Parole, au sein de la communion vivifiante de l’Église. Et pourtant combien est difficile ce chemin de consécration ! Il exige une « conversion » continuelle, une mort à soi-même qui est la condition pour appartenir pleinement à Dieu, une transformation de l’esprit et du coeur qui apporte une vraie liberté et une nouvelle largeur de vue. La liturgie d’aujourd’hui nous offre un symbole éloquent de cette transformation spirituelle progressive à laquelle chacun de nous est appelé. De l’aspersion d’eau, de la proclamation de la Parole de Dieu, de l’invocation de tous les saints, à la prière de consécration, à l’onction et au nettoyage de l’autel, à sa parure de nappes blanches et de lumière – tous ces rites nous invitent à revivre notre propre consécration baptismale. Ils nous invitent à repousser le péché et ses fausses séductions, et à nous désaltérer toujours plus profondément à la source vivifiante de la grâce de Dieu.

Chers amis, puisse cette célébration, en la présence du successeur de Pierre, être un temps d’une nouvelle consécration et d’un renouvellement de toute l’Église en Australie ! Je désire ici m’arrêter quelques instants pour évoquer la honte que nous avons tous éprouvée à la suite des abus sexuels commis sur des mineurs par quelques prêtres et religieux de ce pays. Je suis vraiment profondément désolé pour la douleur et la souffrance que les victimes ont supportées et je les assure qu’en tant que Pasteur je partage leur souffrance. Ces méfaits qui constituent une trahison grave de la confiance doivent être condamnés sans équivoque. Ils ont causé de grandes souffrances et ont porté porter préjudice au témoignage de l’Église. Je demande à chacun de vous de soutenir et d’assister vos Évêques et de collaborer avec eux pour combattre ce mal. Les victimes doivent recevoir compassion et soin et les responsables de ces maux doivent comparaître devant la justice. C’est une priorité urgente que celle de promouvoir un environnement plus sûr et plus sain, spécialement pour les jeunes. Ces jours-ci, marqués par la célébration de la Journée Mondiale de la Jeunesse, nous sommes invités à réfléchir sur le précieux trésor – nos jeunes - qui nous a été confié, et combien leur éducation et leur accompagnement est une part importante de la mission de l’Église dans ce pays. Alors que l’Église en Australie continue, dans l’esprit de l’Évangile, à affronter avec efficacité ce défi pastoral sérieux, je m’unis à vous dans la prière afin que ce temps de purification aboutisse à la guérison, à la réconciliation et à une fidélité toujours plus grande aux exigences morales de l’Évangile.

Je désire m’adresser maintenant aux séminaristes et aux jeunes religieux qui sont parmi nous pour leur manifester mon affection et mes encouragements. Chers amis, avec une grande générosité, vous vous êtes mis un chemin sur une voie particulière de consécration, enracinée dans votre Baptême et entreprise en réponse à l’appel personnel de Seigneur. Vous vous êtes engagés, de façons diverses, à accepter l’invitation du Christ à le suivre, à tout quitter et à consacrer votre vie à la recherche de la sainteté et au service de son peuple.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, le Seigneur nous appelle à « croire en la lumière » (cf. Jn 12,36). Chers jeunes, séminaristes et religieux, ses paroles ont une signification particulière pour vous. Elles sont un appel à avoir confiance en la vérité de la Parole de Dieu et à espérer fermement la réalisation de ses promesses. Celles-ci nous invitent à voir, avec les yeux de la foi, l’oeuvre infaillible de sa grâce tout autour de nous, même en ces moments ténébreux où tous nos efforts semblent demeurer vains. Permettez que cet autel, avec l’image fortement suggestive du Serviteur souffrant, soit pour vous un motif constant d’inspiration. Tout disciple fidèle éprouve à certains moments la chaleur et le poids du jour (cf. Mt 20,12), et lutte pour donner un témoignage prophétique à un monde qui peut apparaître sourd aux exigences de la Parole de Dieu. Cependant n’ayez pas peur ! Croyez en la lumière ! Accueillez de tout coeur la vérité que nous avons entendue aujourd’hui dans la deuxième Lecture : « Jésus Christ, hier et aujourd’hui, est le même, il l’est pour l’éternité » (He 13,8). La lumière de Pâques continue à dissiper les ténèbres !

Le Seigneur nous appelle à marcher dans la lumière (cf. Jn 12,35). Chacun de vous a entrepris la plus grande et la plus glorieuse des batailles, celle d’être consacrés dans la vérité, de grandir dans la vertu, de parvenir à l’harmonie entre, d’une part, pensées et idéaux, et, d’autre part, entre paroles et actions. Entrez avec sincérité et de façon profonde dans la discipline et dans l’esprit de vos programmes de formation. Cheminez chaque jour dans la lumière du Christ en étant fidèles à la prière personnelle et liturgique, nourris par la méditation de la Parole inspirée de Dieu. Les Pères de l’Église aimaient voir les Écritures comme un paradis spirituel, un jardin où nous pouvons nous promener librement avec Dieu, admirant la beauté et l’harmonie de son plan salvifique tandis qu’il porte du fruit dans notre propre vie, dans la vie de l’Église et tout au long de l’histoire. Que la prière, donc, et la méditation de la Parole de Dieu soient la lampe qui illumine, purifie et guide vos pas le long de la voie que le Seigneur a tracée pour vous ! Faites de la célébration quotidienne de l’Eucharistie le centre de votre vie. À chaque messe, quand le Corps et le Sang du Seigneur sont élevés au terme de la prière eucharistique, élevez votre coeur et votre vie dans le Christ, avec Lui et par Lui, dans l’unité de l’Esprit Saint, comme un sacrifice agréable à Dieu notre Père.

Ainsi, chers jeunes, séminaristes et religieux, deviendrez-vous vous-mêmes des autels vivants, sur lesquels le sacrifice d’amour du Christ sera rendu présent comme un modèle et une source de nourriture spirituelle pour tous ceux que vous rencontrerez. En répondant à l’appel du Seigneur à le suivre dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance, vous avez entrepris, en tant que disciples, une démarche radicale qui fera de vous des « signes de contradiction » (cf. Lc 2,34) pour beaucoup de vos contemporains. Modelez quotidiennement votre vie sur la libre offrande pleine d’amour du Seigneur, en obéissance à la volonté du Père. De cette façon, vous découvrirez la liberté et la joie qui peuvent attirer les autres à cet Amour qui est au-dessus de tout autre amour comme sa source et son accomplissement ultime. N’oubliez jamais que la chasteté pour le Royaume signifie embrasser une vie entièrement dédiée à aimer. Aimer vous rend capables de vous consacrer sans réserve au service de Dieu pour être pleinement présents à vos frères et à vos soeurs, spécialement à ceux qui sont dans le besoin. Les trésors les plus grands que vous partagez avec d’autres jeunes – votre idéalisme, votre générosité, votre temps et vos énergies - sont les véritables sacrifices que vous déposez sur l’autel du Seigneur. Puissiez-vous toujours chérir ce charisme magnifique que Dieu vous a donné pour sa gloire et pour l’édification de l’Église !

Chers amis, laissez-moi conclure ces réflexions en attirant votre attention sur le grand vitrail présent dans le choeur de cette cathédrale. La Vierge Marie, Reine du Ciel, y est représentée en majesté sur le trône au côté de son divin Fils. L’artiste a représenté Marie comme la Nouvelle Ève, qui offre au Christ, nouvel Adam, une pomme. Ce geste symbolise le retournement qu’elle a opéré de la désobéissance de nos premiers parents, le fruit abondant que la grâce de Dieu a porté dans sa propre vie, et les premiers fruits de cette humanité sauvée et glorifiée qu’elle a précédée dans la gloire du Paradis. Demandons à Marie, Auxiliaire des chrétiens, de soutenir l’Église en Australie dans la fidélité à cette grâce par laquelle le Seigneur crucifié continue d’« attirer à lui » toute la création et chaque coeur humain (cf. Jn 12,32). Puisse la puissance de son Esprit Saint consacrer dans la vérité les fidèles de cette terre, produire des fruits abondants de sainteté et de justice pour la rédemption du monde et guider l’humanité entière vers la plénitude de vie autour de cet autel où, dans la gloire de la liturgie céleste , nous sommes appelés à chanter les louanges de Dieu pour l’éternité. Amen.


MESSE POUR LA JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE - Randvick, Dimanche 20 juillet 2008

20708
Hippodrome de Randwick

Dimanche 20 juillet 2008




Chers amis,

« Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous » (
Ac 1,8). Nous avons vu cette promesse réalisée ! Comme nous venons de l’entendre dans la première Lecture, le jour de la Pentecôte, le Seigneur ressuscité, assis à la droite du Père, a envoyé l’Esprit sur les disciples réunis au Cénacle. Par la force de cet Esprit, Pierre et les Apôtres sont partis pour prêcher l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre. À tout âge et en toute langue, l’Église continue de proclamer dans le monde entier les merveilles de Dieu et appelle toutes les nations et tous les peuples à accueillir la foi, l’espérance et la nouvelle vie dans le Christ.

Ces jours-ci, je suis venu moi aussi, en tant que Successeur de saint Pierre, sur cette magnifique terre de l’Australie. Mes jeunes frères et soeurs, je suis venu pour vous confirmer dans la foi et pour ouvrir vos coeurs au pouvoir de l’Esprit du Christ et à la richesse de ses dons. Je prie pour que cette grande assemblée, qui unit des jeunes « de toutes les nations qui sont sous le ciel » (Ac 2,5), devienne un nouveau Cénacle. Puisse le feu de l’amour de Dieu descendre pour remplir vos coeurs, pour vous unir toujours plus au Seigneur et à son Église et vous envoyer, comme une nouvelle génération d’Apôtres, pour porter le monde au Christ !

« Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous » (Ac 1,8). Ces paroles du Seigneur ressuscité ont une signification particulière pour les jeunes qui seront confirmés, marqués par le don de l’Esprit Saint, au cours de cette Messe. Mais ces paroles sont aussi adressées à chacun d’entre nous, à tous ceux qui ont reçu de l’Esprit le don de la réconciliation et de la vie nouvelle au Baptême, qui l’ont accueilli dans leurs coeurs comme leur soutien et leur guide à la Confirmation et qui, chaque jour, grandissent dans ses dons de grâce par la Sainte Eucharistie. En effet, à chaque Messe, l’Esprit Saint, invoqué par la prière solennelle de l’Église, descend de nouveau non seulement pour transformer nos offrandes, le pain et le vin, dans le Corps et le Sang du Seigneur, mais aussi pour transformer nos vies, pour faire de nous, par sa puissance, « un seul corps et un seul esprit dans le Christ ».

Mais quel est donc ce « pouvoir » de l’Esprit Saint ? C’est le pouvoir de la vie Dieu ! C’est le pouvoir de l’Esprit lui-même qui se répandit sur les eaux à l’aube de la création et qui, dans la plénitude des temps, releva Jésus de la mort. C’est le pouvoir qui nous conduit nous et le monde vers l’avènement du Royaume de Dieu. Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus annonce qu’une nouvelle ère a commencé, dans laquelle l’Esprit Saint sera répandu sur l’humanité entière (cf. Lc 4,21). Jésus lui-même, conçu de l’Esprit Saint et né de la Vierge Marie, est venu parmi nous pour nous donner cet Esprit. Comme source de notre vie nouvelle dans le Christ, l’Esprit Saint est aussi, d’une manière très réelle, l’âme de l’Église, l’amour qui nous lie au Seigneur et entre nous et la lumière qui ouvre nos yeux pour voir les merveilles de la grâce de Dieu autour de nous.

Ici, en Australie, ce « Grand Sud de l’Esprit Saint », nous avons tous expérimenté de manière inoubliable la présence et la puissance de l’Esprit dans la beauté de la nature. Nos yeux se sont ouverts pour voir le monde autour de nous tel qu’il est vraiment : « plein de la grandeur de Dieu » comme dit le poète, rempli de la gloire de son amour créateur. Ici aussi, dans cette grande assemblée de jeunes chrétiens venant du monde entier, nous avons fait la vive expérience de la présence et de la puissance de l’Esprit dans la vie de l’Église. Nous avons vu l’Église telle qu’elle est réellement : le Corps du Christ, vivante communauté d’amour, comprenant des personnes de toute race, nation et langue, de tout temps et tout lieu, dans l’unité née de notre foi dans le Seigneur ressuscité.

La puissance de l’Esprit ne cesse jamais de remplir l’Église de vie ! À travers la grâce des Sacrements de l’Église, cette force pénètre profondément en nous, comme une rivière souterraine qui nourrit l’esprit et nous attire toujours plus près de la source de notre vraie vie, qui est le Christ. Saint Ignace d’Antioche, qui est mort martyr à Rome, au début du deuxième siècle, nous a laissé une description splendide de la puissance de l’Esprit qui demeure en nous. Il parle de l’Esprit comme d’une fontaine d’eau vive qui jaillit dans son coeur et murmure : « Viens, Viens au Père ! » (cf. Rm 6,1-9).

Cependant, cette force, la grâce le l’Esprit, n’est pas quelque chose que nous pouvons mériter ou acquérir, mais nous pouvons seulement la recevoir comme un don. L’amour de Dieu peut répandre sa puissance uniquement quand nous lui permettons de nous transformer intérieurement. Nous devons lui permettre de traverser dans la dure carapace de notre indifférence, de notre lassitude spirituelle, de notre conformisme aveugle à l’esprit de notre temps. Alors seulement nous pouvons lui permettre d’enflammer notre imagination et de façonner nos désirs les plus profonds. Voilà pourquoi la prière est si importante : la prière quotidienne, la prière personnelle, dans le silence de notre coeur et devant le Saint Sacrement ainsi que la prière liturgique en Église. Elle est réceptivité pure de la grâce de Dieu, amour en acte, communion avec l’Esprit qui demeure en nous et nous conduit, à travers Jésus, dans l’Église, à notre Père céleste. Par la puissance de son Esprit, Jésus est toujours présent en nous, attendant tranquillement que nous nous mettions en silence à côté de Lui pour écouter sa voix, demeurer dans son amour et recevoir la « force qui vient d’en-haut », force qui nous rend capables d’être sel et lumière pour notre monde.

Lors de son Ascension, le Seigneur ressuscité, dit à ses disciples : « vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). Ici, en Australie, remercions le Seigneur du don de la foi, qui nous a été offert comme un trésor transmis de génération en génération dans la communion de l’Église. Ici, en Océanie, remercions de façon particulière tous les héroïques missionnaires, les prêtres et religieux dévoués, les parents et grands-parents chrétiens, les maîtres et les catéchistes qui ont édifié l’Église sur ces terres ; les témoins, comme la Bienheureuse Mary MacKillop, saint Pierre Chanel, le Bienheureux Peter To Rot et beaucoup d’autres ! La puissance de l’Esprit, révélée à travers leurs vies, est encore à l’oeuvre dans les oeuvres de bienfaisance qu’ils ont laissées, dans la société qu’ils ont façonnée et qui, à présent, vous est confiée.

Chers jeunes, permettez-moi de vous poser une question. Que laisserez-vous à la prochaine génération ? Bâtissez-vous vos existences sur des fondements solides, construisez-vous quelque chose de durable ? Vivez-vous vos vies de telle sorte que vous faites place à l’Esprit au milieu d’un monde qui veut oublier Dieu, ou même le rejeter au nom d’un concept erroné de liberté ? Comment utilisez-vous les dons que vous ont été fait, la « force » que l’Esprit Saint, aujourd’hui encore, est prêt à répandre sur vous ? Quel héritage laissez-vous aux jeunes qui viendront après vous ? Comment vous distinguerez-vous ?

La puissance de l’Esprit Saint ne nous éclaire ni ne nous console seulement. Elle nous oriente aussi vers l’avenir, vers l’avènement du Royaume de Dieu. Quelle magnifique vision d’une humanité rachetée et renouvelée entrevoyons-nous dans la nouvelle ère promise par l’Évangile d’aujourd’hui ! Saint Luc nous dit que Jésus Christ est la réalisation de toutes les promesses de Dieu, le Messie qui possède en plénitude l’Esprit Saint pour le communiquer à l’humanité tout entière. L’effusion de l’Esprit du Christ sur l’humanité est un gage d’espérance et de libération vis-à-vis de tout ce qui nous appauvrit. Elle redonne la vue à l’aveugle, elle libère les opprimés, et crée l’unité dans et à travers la diversité (cf. Lc 4,18-19 Is 61,1-2). Cette force peut créer un monde nouveau : elle peut « renouveler la face de la terre » (cf. Ps 104,30) !

Fortifiée par l’Esprit et s’inspirant d’une riche vision de foi, une nouvelle génération de chrétiens est appelée à contribuer à l’édification d’un monde où la vie est accueillie, respectée et aimée, non rejetée ou ressentie comme une menace et par conséquent détruite. Une nouvelle ère où l’amour n’est pas avide et égoïste, mais pur, fidèle et sincèrement libre, ouvert aux autres, respectueux de leur dignité, cherchant leur bien et rayonnant la joie et la beauté. Une nouvelle ère où l’espérance nous libère de la superficialité, de l’apathie et de l’égoïsme qui mortifient nos âmes et enveniment les relations humaines. Chers jeunes amis, le Seigneur vous demande d’être des prophètes de cette nouvelle ère, des messagers de son amour, capables d’attirer les personnes au Père et de bâtir un avenir plein d’espérance pour toute l’humanité.

Le monde a besoin de ce renouvellement ! Dans nombre de nos sociétés, à côté de la prospérité matérielle, le désert spirituel s’étend : un vide intérieur, une crainte indéfinissable, un sentiment caché de désespoir. Combien de nos contemporains se sont creusés des citernes fissurées et vides (cf. Jr 2,13) en cherchant désespérément le sens, la signification ultime que seul l’amour peut donner ? C’est là le don immense et libérateur que l’Évangile apporte : il nous révèle notre dignité d’hommes et de femmes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il nous révèle la sublime vocation de l’humanité qui est de trouver sa propre plénitude dans l’amour. Il renferme la vérité sur l’homme, la vérité sur la vie.

L’Église a aussi besoin de ce renouvellement ! Elle a besoin de votre foi, de votre idéalisme et de votre générosité, afin d’être toujours jeune dans l’Esprit (cf. Lumen gentium LG 4). Dans la deuxième Lecture d’aujourd’hui, l’Apôtre Paul nous rappelle que chaque chrétien a reçu un don qui doit être utilisé pour l’édification du Corps du Christ. L’Église a particulièrement besoin du don des jeunes, de tous les jeunes. Elle a besoin de grandir dans la puissance de l’Esprit qui, maintenant aussi, vous apporte la joie et vous encourage à servir avec allégresse le Seigneur. Ouvrez votre coeur à cette force ! J’adresse cet appel de façon spéciale à ceux que le Seigneur appelle à la vie sacerdotale et consacrée. N’ayez pas peur de dire votre « oui » à Jésus, de trouver votre joie en faisant sa volonté, en vous donnant totalement pour parvenir à la sainteté et en mettant vos talents au service des autres !

Dans quelques instants, nous célèbrerons le sacrement de la Confirmation. L’Esprit Saint descendra sur les confirmands. Ils seront « marqués » par le don de l’Esprit et envoyés pour être témoins du Christ. Que veut dire recevoir le « sceau » de l’Esprit Saint ? Cela veut dire être marqués de façon indélébile, être transformés de manière inaltérable, cela signifie être des créatures nouvelles. Pour ceux qui ont reçu ce don, rien ne peut plus être pareil ! Être « baptisés » dans l’Esprit signifie être embrasés par l’amour de Dieu. Être « désaltérés » par l’unique Esprit (cf. 1Co 12,13), cela signifie être « rafraîchis » par la beauté du dessein de Dieu sur nous et sur le monde, et devenir à notre tour une source de fraîcheur spirituelle pour les autres. Être « scellés par l’Esprit » cela signifie, en outre, ne pas avoir peur de défendre le Christ, laissant la vérité de l’Évangile pénétrer notre manière de voir, de penser et d’agir, pendant que nous travaillons au triomphe de la civilisation de l’amour.

En faisant monter notre prière pour les confirmands, prions aussi pour que la force de l’Esprit Saint ravive la grâce de notre Confirmation en chacun de nous. Que l’Esprit veuille répandre en abondance ses dons sur tous les présents, sur la ville de Sydney, sur cette terre d’Australie et sur tout son peuple ! Que chacun de nous soit renouvelé par l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et de force, l’esprit de science, de piété et de crainte de Dieu !

À travers la bienveillante intercession de Marie, Mère de l’Église, que cette XXIIIe Journée Mondiale des Jeunes puisse être vécue comme un nouveau Cénacle, afin que, brûlants du feu de l’amour de l’Esprit Saint, nous puissions tous continuer à proclamer le Seigneur ressuscité et attirer à Lui tous les coeurs. Amen !




MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L’ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE

15808
Paroisse "San Tommaso da Villanova" à Castelgandolfo

Vendredi 15 août 2008



Chers frères et soeurs,

Chaque année revient, au coeur de l'été, la solennité de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, la plus ancienne fête mariale. C'est une occasion pour s'élever avec Marie sur les hauteurs de l'esprit, où l'on respire un air pur de la vie surnaturelle et où l'on contemple la beauté la plus authentique, celle de la sainteté. L'atmosphère de la célébration d'aujourd'hui est tout imprégnée de joie pascale. "Aujourd'hui - comme le chante l'antienne du Magnificat - Marie est montée au ciel: réjouissez-vous, elle règne avec le Christ pour toujours. Alleluia". Cette annonce nous parle d'un événement tout à fait unique et extraordinaire, mais qui est destiné à combler d'espérance et de bonheur le coeur de tout être humain. Marie, en effet, représente les prémisses de l'humanité nouvelle, la créature en qui le mystère du Christ - incarnation, mort, résurrection, ascension au Ciel - a déjà eu son plein effet, en la rachetant de la mort et en la transférant corps et âme dans le royaume de la vie immortelle. C'est pourquoi la Vierge Marie, comme le rappelle le Concile Vatican II, constitue pour nous un signe d'espérance certaine et de consolation (cf. Lumen gentium
LG 68). La fête d'aujourd'hui nous pousse à lever le regard vers le Ciel. Ce n'est pas un ciel fait d'idées abstraites, ni même un ciel imaginaire créé par l'art, mais le ciel de la vraie réalité, qui est Dieu lui-même: Dieu est le ciel. C'est lui notre destination et la demeure éternelle, dont nous provenons et vers laquelle nous tendons.

Saint Germain, évêque de Constantinople au VIII siècle, dans un discours tenu en la fête de l'Assomption, s'adressant à la Mère céleste de Dieu s'exprimait ainsi: "Tu es Celle qui par l'intermédiaire de ta chair immaculée fit renouer avec le Christ le peuple chrétien... Comme toute personne assoiffée court à la source, ainsi toute âme court-elle vers Toi, source d'amour, et comme tout homme aspire à vivre, à voir la lumière qui ne connaît pas de crépuscule, ainsi tout chrétien soupire-t-il à entrer dans la lumière de la Très Sainte Trinité, où Tu es déjà entrée". Ce sont les mêmes sentiments qui nous animent aujourd'hui tandis que nous contemplons Marie dans la gloire de Dieu. Lorsqu'elle s'est endormie à ce monde pour se réveiller au ciel, en effet elle a simplement suivi pour la dernière fois son Fils Jésus dans son voyage le plus long et le plus décisif, dans son passage "de ce monde au Père" (cf. Jn 13,1).

Comme Lui, avec Lui, elle est partie de ce monde pour retourner "à la maison du Père" (cf. Jn 14,2). Et tout cela n'est pas éloigné de nous, comme il pourrait peut-être sembler dans un premier moment, parce que nous sommes tous des fils du Père, Dieu, nous sommes tous des frères de Jésus et nous sommes tous aussi des fils de Marie, notre Mère. Et nous sommes tous tendus vers le bonheur. Et le bonheur vers lequel nous tendons tous est Dieu, ainsi sommes-nous tous en chemin vers ce bonheur, que nous appelons le Ciel, qui est en réalité Dieu. Et puisse Marie nous aider, nous encourager à faire en sorte que chaque moment de notre existence soit un pas dans cet exode, sur ce chemin vers Dieu. Qu'elle nous aide à rendre ainsi également présente la réalité du ciel, la grandeur de Dieu, dans la vie de notre monde. N'est-ce pas au fond le dynamisme pascal de l'homme, de tout homme, qui veut devenir céleste, totalement heureux, en vertu de la Résurrection du Christ? Et n'est-ce pas là le début et l'anticipation d'un mouvement qui concerne tout être humain et le cosmos tout entier? Celle dont Dieu avait pris sa chair et dont l'âme avait été transpercée par une épée sur le Calvaire s'est trouvée associée la première et de manière singulière au mystère de cette transformation, à laquelle nous tendons tous, transpercés souvent nous aussi par l'épée de la souffrance en ce monde.

La nouvelle Eve a suivi le nouvel Adam dans la souffrance, dans la Passion, et ainsi également dans la joie définitive. Le Christ représente les prémisses, mais sa chair ressuscitée est inséparable de celle de sa Mère terrestre, Marie, et en Elle toute l'humanité est impliquée dans l'Assomption vers Dieu, et avec Elle toute la Création, dont les gémissements, les souffrances, sont - comme nous le dit saint Paul - le travail de l'accouchement de l'humanité nouvelle. Ainsi naissent les nouveaux cieux et la terre nouvelle, où il n'y aura plus ni pleurs, ni lamentations, parce que la mort n'y sera plus (cf. Ap 21,1-4).

Quel grand mystère d'amour est aujourd'hui reproposé à notre contemplation! Le Christ a vaincu la mort avec la toute-puissance de son amour. Seul l'amour est tout-puissant. Cet amour a poussé le Christ à mourir pour nous et ainsi à vaincre la mort. Oui, seul l'amour fait entrer dans le royaume de la vie! Et Marie y est entrée derrière le Fils, associée à sa gloire, après avoir été associée à sa passion. Elle y est entrée avec un élan irréfrénable, en conservant ouverte après elle la voie pour nous tous. Et c'est pourquoi nous l'invoquons aujourd'hui: "Porte du ciel", "Reine des anges" et "Refuge des pécheurs". Ce ne sont certes pas les raisonnements qui nous font comprendre ces réalités aussi sublimes, mais la foi simple, pure, et le silence de la prière qui nous met en contact avec le Mystère qui nous dépasse infiniment. La prière nous aide à parler avec Dieu et à entendre le Seigneur qui parle à notre coeur.

Demandons à Marie de nous faire aujourd'hui don de sa foi, cette foi qui nous fait déjà vivre dans cette dimension entre fini et infini, cette foi qui transforme également le sentiment du temps et du passage de notre existence, cette foi dans laquelle nous sentons intimement que notre vie n'est pas aspirée par le passé, mais attirée vers l'avenir, vers Dieu, où le Christ nous a précédé et derrière Lui, Marie.

En regardant la Vierge dans son Assomption au Ciel, nous comprenons mieux que notre vie de chaque jour, même marquée par les épreuves et les difficultés, coule comme un fleuve vers l'océan divin, vers la plénitude de la joie et de la paix. Nous comprenons que notre mort n'est pas la fin, mais l'entrée dans la vie qui ne connaît pas la mort. Notre crépuscule à l'horizon de ce monde est une renaissance à l'aurore du monde nouveau, du jour éternel.

"Marie, tandis que tu nous accompagnes dans les peines de notre vie et notre mort quotidiennes, garde-nous constamment orientés vers la vraie patrie de la béatitude. Aide-nous à faire comme tu as fait".

Chers frères et soeurs, chers amis qui ce matin prenez part à cette célébration, faisons ensemble cette prière à Marie. Devant le triste spectacle de tant de fausse joie et dans le même temps de tant d'angoissante douleur qui se déverse sur le monde, nous devons apprendre d'Elle à devenir nous-mêmes des signes d'espérance et de réconfort, nous devons annoncer avec notre vie la résurrection du Christ.

"Aide-nous, Mère, resplendissante Porte du ciel, Mère de la Miséricorde, source de laquelle a jailli notre vie et notre joie, Jésus Christ. Amen".




Benoît XVI Homélies 19708