Benoît XVI Homélies 21811

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE DE CLÔTURE Dimanche 21 août 2011

21811
AU DÉBUT DE LA CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE


Aérodrome de Cuatro Vientos

Dimanche 21 août 2011




Chers jeunes,

J’ai pensé beaucoup à vous en ces heures durant lesquelles nous ne nous sommes pas vus. J’espère que vous avez pu dormir un peu, en dépit de la rigueur du temps. Je suis sûr qu’à l’aube de ce jour vous avez levé les yeux au ciel plus d’une fois, et non seulement les yeux, mais aussi le coeur, et cela vous a permis de prier. Dieu sait tirer de tout le bien. Avec cette confiance, et sachant que le Seigneur ne nous abandonne jamais, commençons notre célébration eucharistique pleins d’enthousiasme et fermes dans la foi.
* * *


HOMÉLIE


Chers jeunes,

Avec la célébration de l’Eucharistie, nous arrivons au moment culminant de ces Journées Mondiales de la Jeunesse. En vous voyant ici, venus en grand nombre de tous les horizons, mon coeur est plein de joie, pensant à l’affection spéciale avec laquelle Jésus vous regarde. Oui, le Seigneur vous aime et il vous appelle ses amis (cf.
Jn 15,15). Il vient à votre rencontre et il désire vous accompagner dans votre cheminement pour vous ouvrir les portes d’une vie pleine et vous faire participants de sa relation intime avec le Père. Pour notre part, conscients de la grandeur de son amour, nous désirons répondre avec grande générosité à cette marque de prédilection par la résolution de partager aussi avec les autres la joie que nous avons reçue. Certes ! Ils sont nombreux de nos jours, ceux qui se sentent attirés par la figure du Christ et désirent mieux le connaître. Ils perçoivent qu’Il est la réponse à leurs multiples inquiétudes personnelles. Cependant, qui est-Il réellement ? Comment est-il possible que quelqu’un qui a vécu sur la terre il y a tant d’années, ait quelque chose à voir avec moi aujourd’hui ?

Dans l’Évangile que nous avons écouté (cf. Mt 16,13-20), il y a comme deux manières distinctes de connaître le Christ qui nous sont présentées. La première consiste dans une connaissance externe caractérisée par l’opinion commune. À la demande de Jésus : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? », les disciples répondent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste, pour d’autres, Elie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes ». C'est-à-dire qu’on considère le Christ comme un personnage religieux supplémentaire qui s’ajoute à ceux connus. S’adressant ensuite personnellement aux disciples, Jésus leur demande : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre répond avec des paroles qui sont la première profession de foi : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » La foi va au-delà des simples données empiriques ou historiques ; elle est la capacité de saisir le mystère de la personne du Christ dans sa profondeur.

Mais, la foi n’est pas le fruit de l’effort de l’homme, de sa raison, mais elle est un don de Dieu : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux ». Elle a son origine dans l’initiative de Dieu, qui nous dévoile son intimité et nous invite à participer à sa vie divine même. La foi ne fournit pas seulement des informations sur l’identité du Christ, mais elle suppose une relation personnelle avec Lui, l’adhésion de toute la personne, avec son intelligence, sa volonté et ses sentiments, à la manifestation que Dieu fait de lui-même. Ainsi, la demande de Jésus : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? », pousse en fin de compte les disciples à prendre une décision personnelle par rapport à Lui. La foi et la suite (sequala) du Christ sont étroitement liées.

Et, comme elle suppose suivre le Maître, la foi doit se consolider et croître, devenir profonde et mûre, à mesure qu’elle s’intensifie et que se fortifie la relation avec Jésus, l’intimité avec Lui. Même Pierre et les autres apôtres ont eu à avancer sur cette voie, jusqu’à ce que leur rencontre avec le Seigneur ressuscité leur ouvre les yeux sur une foi plénière.

Chers jeunes, aujourd’hui, le Christ vous pose également la même demande qu’il a faite aux apôtres : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Répondez-lui avec générosité et courage comme il convient à un coeur jeune tel que le vôtre. Dites-lui : Jésus, je sais que tu es le Fils de Dieu, que tu as donné ta vie pour moi. Je veux te suivre avec fidélité et me laisser guider par ta parole. Tu me connais et tu m’aimes. J’ai confiance en toi et je remets ma vie entre tes mains. Je veux que tu sois la force qui me soutienne, la joie qui ne me quitte jamais.

Dans sa réponse à la confession de Pierre, Jésus parle de l’Église : « Et moi, je te déclare : ‘Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église’ ». Que signifie cela ? Jésus bâtit l’Église sur le rocher de la foi de Pierre qui confesse la divinité du Christ.

Oui ! L’Église n’est pas une simple institution humaine, comme n’importe quelle autre, bien plus elle est étroitement unie à Dieu. Le Christ lui-même se réfère à elle comme « son » Église. On ne peut pas séparer le Christ de l’Église, comme on ne peut pas séparer la tête du corps (cf. 1Co 1Co 12,12). L’Église ne vit pas par elle-même, mais elle vit par le Seigneur. Il est présent au milieu d’elle, et lui donne vie, aliment et force.

Chers jeunes, permettez-moi, en tant Successeur de Pierre, de vous inviter à renforcer cette foi qui nous a été transmise depuis les Apôtres, à mettre le Christ, le Fils de Dieu, au centre de votre vie. Mais permettez-moi aussi de vous rappeler que suivre Jésus dans la foi c’est marcher avec Lui dans la communion de l’Église. On ne peut pas suivre Jésus en solitaire. Celui qui cède à la tentation de marcher « à son propre compte » ou de vivre la foi selon la mentalité individualiste qui prédomine dans la société, court le risque de ne jamais rencontrer Jésus Christ, ou de finir par suivre une image fausse de Lui.

Avoir la foi, c’est s’appuyer sur la foi de tes frères, et que ta foi serve également d’appui pour celle des autres. Je vous exhorte, chers jeunes : aimez l’Église qui vous a engendrés dans la foi, vous a aidés à mieux connaître le Christ et vous a fait découvrir la beauté de son amour. Pour la croissance de votre amitié avec le Christ, il est fondamental de reconnaître l’importance de votre belle insertion dans les paroisses, les communautés et les mouvements, ainsi que l’importance de la participation à l’Eucharistie dominicale, de la réception fréquente du sacrement du pardon, et de la fidélité à la prière et à la méditation de la Parole de Dieu.

De cette amitié avec Jésus naîtra aussi l’élan qui porte à témoigner la foi dans les milieux les plus divers, y compris ceux dans lesquels il y a refus ou indifférence. On ne peut pas rencontrer le Christ et ne pas le faire connaître aux autres. Ne gardez donc pas le Christ pour vous-mêmes. Transmettez aux autres la joie de votre foi. Le monde a besoin du témoignage de votre foi, il a certainement besoin de Dieu. Je pense que votre présence ici, jeunes venus des cinq continents, est une merveilleuse preuve de la fécondité du mandat de Jésus donné à l’Église : « Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15). À vous aussi incombe le devoir extraordinaire d’être des disciples et des missionnaires du Christ dans d’autres terres et pays où se trouve une multitude de jeunes qui aspirent à de très grandes choses et qui, découvrant dans leurs coeurs la possibilité de valeurs plus authentiques, ne se laissent pas séduire par les fausses promesses d’un style de vie sans Dieu.

Chers jeunes, je prie pour vous avec toute l’affection de mon coeur. Je vous confie à la Vierge Marie, pour qu’elle vous accompagne toujours de son intercession maternelle et vous enseigne la fidélité à la Parole de Dieu. Je vous demande également de prier pour le Pape afin que, comme Successeur de Pierre, il puisse continuer à affermir ses frères dans la foi. Puissions-nous tous dans l’Église, pasteurs et fidèles, nous rapprocher davantage chaque jour du Seigneur, afin de croître en sainteté de vie et nous donnerons ainsi un témoignage efficace que Jésus est vraiment le Fils de Dieu, le Sauveur de tous les hommes et la source vive de leur espérance. Amen.





VISITE PASTORALE À ANCÔNE EN CONCLUSION DU XXVe CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL ITALIEN 11 septembre 2011

11911
CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE
Chantiers navals d'Ancône

Dimanche 11 septembre 2011


Très chers frères et soeurs!

Il y a six ans, le premier voyage apostolique en Italie de mon pontificat me conduisit à Bari, pour le XXIVe Congrès eucharistique national. Aujourd’hui, je suis venu conclure solennellement le XXVe, ici à Ancône. Je rends grâce au Seigneur pour ces intenses moments ecclésiaux qui renforcent notre amour pour l’Eucharistie et nous voient unis autour de l’Eucharistie! Bari et Ancône, deux villes tournées vers la mer Adriatique; deux villes riches d’histoire et de vie chrétienne; deux villes ouvertes à l’Orient, à sa culture et à sa spiritualité; deux villes que les thèmes des congrès eucharistiques ont contribué à rapprocher: à Bari, nous avons rappelé que «sans le Dimanche, nous ne pouvons pas vivre»; aujourd’hui nos retrouvailles sont à l’enseigne de l’«Eucharistie pour la vie quotidienne».

Avant de vous soumettre quelques réflexions, je voudrais vous remercier pour votre participation à tous: à travers vous, j’embrasse spirituellement toute l’Eglise qui est en Italie. J’adresse un salut reconnaissant au président de la Conférence épiscopale, le cardinal Angelo Bagnasco, pour les paroles cordiales qu’il m’a adressées également en votre nom à tous; à mon légat à ce congrès, le cardinal Giovanni Battista Re; à l’archevêque d’Ancône-Osimo, Mgr Edoardo Menichelli, aux évêques de la région, des Marches et à tous ceux qui sont venus nombreux de tout le pays. Avec eux, je salue les prêtres, les diacres, les personnes consacrées, et les fidèles laïcs, parmi lesquels je vois un grand nombre de familles et beaucoup de jeunes. Ma gratitude va aussi aux autorités civiles et militaires et à tous ceux qui, à divers titres, ont contribué au succès de cet événement.

«Elle est dure, cette parole! Qui peut l’écouter?» (
Jn 6,60). Face au discours de Jésus sur le pain de la vie, dans la synagogue de Capharnaüm, la réaction des disciples, dont un grand nombre abandonnèrent Jésus, n’est pas très éloignée de nos résistances face au don total qu’il fait de lui-même. Parce qu’accueillir vraiment ce don veut dire se perdre soi-même, se laisser impliquer et transformer, jusqu’à vivre de Lui, comme nous l’a rappelé l’apôtre Paul dans la seconde Lecture: «Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Donc, dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur» (Rm 14,8).

«Elle est dure, cette parole!», elle est dure parce que souvent nous confondons la liberté avec l’absence de liens, avec la conviction de pouvoir nous suffire à nous-mêmes, sans Dieu, considéré comme une limite à la liberté. C’est une illusion qui ne tarde pas à se transformer en déception, engendrant inquiétude et peur et portant, paradoxalement, à regretter les chaînes du passé: «Que ne sommes-nous morts de la main du Seigneur au pays d’Egypte...» — disaient les juifs dans le désert (Ex 16,3), comme nous venons de l’entendre. En réalité, ce n’est que dans l’ouverture à Dieu, dans l’accueil de son don, que nous devenons vraiment libres, libérés de l’esclavage du péché qui défigure le visage de l’homme et capables de servir le vrai bien de nos frères.

«Elle est dure, cette parole!»; elle est dure parce que l’homme tombe souvent dans l’illusion de pouvoir «transformer les pierres en pain». Après avoir marginalisé Dieu, ou l’avoir toléré comme un choix privé qui ne doit pas intervenir dans la vie publique, certaines idéologies ont visé à organiser la société à travers la force du pouvoir et de l’économie. L’histoire nous démontre, de façon dramatique, combien l’objectif d’assurer à tous le développement, le bien-être matériel et la paix en se passant de Dieu et de sa révélation a signifié en fin de compte donner aux hommes des pierres à la place du pain. Le pain, chers frères et soeurs, est «le fruit du travail de l’homme», et dans cette vérité est renfermée toute la responsabilité confiée à nos mains et à notre intelligence; mais le pain est aussi, et avant tout, le «fruit de la terre», qui reçoit d’en haut le soleil et la pluie: c’est un don à demander, qui nous ôte tout orgueil et nous fait invoquer avec la confiance des humbles: «Notre Père (…), donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien» (Mt 6,11).

L’homme est incapable de se donner la vie de lui-même, il se comprend seulement à partir de Dieu: c’est la relation avec Lui qui donne sa consistance à notre humanité et qui rend bonne et juste notre vie. Dans le Notre Père, nous demandons que soit sanctifié Son nom, que vienne Son règne, que s’accomplisse Sa volonté. C’est avant tout le primat de Dieu que nous devons retrouver dans notre monde et dans notre vie, parce que c’est ce primat qui nous permet de retrouver la vérité de ce que nous sommes, et c’est en connaissant et en suivant la volonté de Dieu que nous trouvons notre vrai bien. Donner du temps et de la place à Dieu, pour qu’Il soit le coeur vital de notre existence.

D’où partir, comme de la source, pour retrouver et réaffirmer le primat de Dieu? De l’Eucharistie: là Dieu se fait si proche qu’Il se fait notre nourriture, là Il se fait force sur le chemin souvent difficile, là Il se fait présence amie qui transforme. Déjà, la Loi donnée par l’intermédiaire de Moïse était considérée comme un «pain du ciel», grâce auquel Israël devint le peuple de Dieu, mais en Jésus, la parole ultime et définitive de Dieu se fait chair, vient à notre rencontre comme Personne. Lui, Parole éternelle, est la vraie manne, il est le pain de la vie (cf. Jn 6,32-35) et accomplir les oeuvres de Dieu, c’est croire en Lui (cf. Jn 6,28-29). Au cours de la Cène, Jésus résume toute son existence en un geste qui nous inscrit dans la grande bénédiction pascale à Dieu, un geste qu’il vit en tant que Fils comme une action de grâce au Père pour son immense amour. Jésus rompt le pain et le partage, mais avec une profondeur nouvelle, parce qu’Il fait don de Lui-même. Il prend la coupe et Il la partage afin que tous puissent boire, mais avec ce geste, Il donne la «nouvelle alliance dans son sang», Il fait don de Lui-même. Jésus anticipe l’acte d’amour suprême, en obéissance à la volonté du Père: le sacrifice de la Croix. La vie lui sera ôtée sur la Croix, mais dès à présent, Il l’offre de lui-même. Ainsi, la mort du Christ ne se réduit pas à une exécution violente, mais elle est transformée par Lui en un acte d’amour libre, en un acte de don de soi, qui traverse victorieusement la mort elle-même et réaffirme la bonté de la création sortie des mains de Dieu, humiliée par le péché et enfin rachetée. Ce don immense nous est accessible dans le sacrement de l’Eucharistie: Dieu se donne à nous, pour que nous Lui ouvrions notre existence, pour l’impliquer dans le mystère d’amour de la Croix, pour la faire participer au mystère éternel dont nous provenons et pour anticiper la nouvelle condition de la pleine vie en Dieu, dans l’attente de laquelle nous vivons.

Mais que comporte pour notre vie quotidienne cette décision de partir de l’Eucharistie pour réaffirmer le primat de Dieu? La communion eucharistique, chers amis, nous arrache à notre individualisme, nous communique l’esprit du Christ mort et ressuscité, et nous configure à Lui; elle nous unit intimement à nos frères dans ce mystère de communion qu’est l’Eglise, où l’unique Pain fait de la multitude un seul corps (cf. 1Co 10,17), en réalisant la prière de la communauté chrétienne des origines rapportée dans le livre de la Didachè: «De même que ce pain rompu, était dispersé sur les collines, et que rassemblé, il est devenu un (seul tout), qu’ainsi soit rassemblée ton Eglise des extrémités de la terre dans ton royaume» (IX, 4). L’Eucharistie soutient et transforme toute la vie quotidienne. Comme je le rappelais dans ma première encyclique, «dans la communion eucharistique, sont contenus le fait d’être aimé et celui d’aimer les autres à son tour», c’est pourquoi «une Eucharistie qui ne se traduit pas en une pratique concrète de l’amour est en elle-même tronquée» (Deus caritas est ).

L’histoire bimillénaire de l’Eglise est constellée de saints et de saintes, dont l’existence est le signe éloquent du fait que c’est précisément à partir de la communion avec le Seigneur, à partir de l’Eucharistie que naît une nouvelle et intense prise de responsabilité à tous les niveaux de la vie communautaire, que naît par conséquent un développement social positif, qui a pour centre la personne, en particulier lorsqu’elle est pauvre, malade ou en difficulté. Se nourrir du Christ, c’est la voie pour ne pas rester étrangers ou indifférents aux sorts de nos frères, mais pour entrer dans la même logique d’amour et de don du sacrifice de la Croix; celui qui sait s’agenouiller devant l’Eucharistie, qui reçoit le corps du Seigneur ne peut manquer d’être attentif, dans la vie de tous les jours, aux situations indignes de l’homme, et sait se pencher le premier vers ceux qui sont dans le besoin, sait rompre son pain avec celui qui a faim, partager son eau avec celui qui a soif, vêtir celui est nu, rendre visite au malade et au prisonnier (cf. Mt 25,34-36). En toute personne, il saura voir ce même Seigneur qui n’a pas hésité à se donner totalement pour nous et pour notre salut. Une spiritualité eucharistique, alors, est le vrai antidote à l’individualisme et à l’égoïsme qui souvent caractérisent la vie quotidienne. Elle porte à la redécouverte de la gratuité, de la place centrale des relations, à partir de la famille, avec une attention particulière pour soulager les blessures de celles qui sont séparées. Une spiritualité eucharistique est l’âme d’une communauté ecclésiale qui dépasse les divisions et les différends et met en valeur la diversité des charismes et des ministères en les mettant au service de l’unité de l’Eglise, de sa vitalité et de sa mission. Une spiritualité eucharistique est la voie pour rendre sa dignité aux jours de l’homme et donc à son travail, dans la recherche de sa conciliation avec les temps de la fête et de la famille et dans l’engagement à surmonter l’incertitude du travail précaire et le problème du chômage. Une spiritualité eucharistique nous aidera aussi à aborder les diverses formes de fragilité humaine, conscients qu’elles ne portent pas atteinte à la valeur de la personne, mais exigent la proximité, l’accueil et l’aide. C’est du Pain de la vie que tirera sa vigueur une capacité éducative renouvelée, attentive à témoigner des valeurs fondamentales de l’existence, du savoir, du patrimoine spirituel et culturel; sa vitalité nous fera habiter la cité des hommes avec la disponibilité de nous dépenser à l’horizon du bien commun pour la construction d’une société plus équitable et plus fraternelle.

Chers amis, repartons de cette terre des Marches avec la force de l’Eucharistie dans une osmose constante entre le mystère que nous célébrons et le cadre de notre quotidien. Il n’y a rien d’authentiquement humain qui ne trouve dans l’Eucharistie sa forme adéquate pour être vécu en plénitude: que la vie quotidienne devienne ainsi un lieu du culte spirituel, pour vivre en toute circonstance le primat de Dieu, à l’intérieur du rapport avec le Christ et comme offrande au Père (cf. Exhort. ap. post-syn. Sacramentum caritatis, n. 71). Oui, «ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu» (Mt 4,4): nous vivons dans l’obéissance à cette parole, qui est pain vivant, jusqu’à faire don de nous-mêmes, comme Pierre, avec l’intelligence de l’amour: «Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu» (Jn 6,68-69).

Comme la Vierge Marie, devenons nous aussi un «sein» disponible à offrir Jésus à l’homme de notre temps, en réveillant le désir profond de ce salut qui vient uniquement de Lui. Bonne route, avec le Christ Pain de vie, à toute l’Eglise qui est en Italie! Amen.



VOYAGE APOSTOLIQUE EN ALLEMAGNE

22-25 SEPTEMBRE 2011


MESSE Stade olympique de Berlin Jeudi 22 septembre 2011

22911
Chers frères dans l’Épiscopat et le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

Le regard sur l’ample stade olympique que vous remplissez aujourd’hui en si grand nombre, suscite en moi grande joie et confiance. Je vous salue tous avec affection: les fidèles de l’archidiocèse de Berlin et des diocèses allemands, ainsi que les nombreux pèlerins venus des pays voisins. Il y a quinze années, pour la première fois, un Pape est venu dans la capitale fédérale, à Berlin. Tous -et moi personnellement aussi-, nous avons un très vif souvenir de la visite de mon vénéré prédécesseur, le Bienheureux Jean-Paul II, et de la Béatification du prévôt de la cathédrale de Berlin, Bernhard Lichtenberg – avec celle de Karl Leisner – qui s’est justement déroulée ici, en ce lieu.

En pensant à ces Bienheureux et à toute la foule des Saints et Bienheureux, nous pouvons comprendre ce que signifie vivre comme des sarments de la vraie vigne qu’est le Christ, et porter beaucoup de fruit. L’Évangile d’aujourd’hui nous a rappelé l’image de cette plante qui est rampante de façon luxuriante dans l’orient et symbole de force vitale, une métaphore pour la beauté et le dynamisme de la communion de Jésus avec ses disciples et amis, avec nous.

Dans la parabole de la vigne, Jésus ne dis pas: «Vous êtes la vigne», mais: «Je suis la vigne; vous, les sarments» (
Jn 15,5). Ce qui signifie: « De même que les sarments sont liés à la vigne, ainsi vous m’appartenez! Mais, en m’appartenant, vous appartenez aussi les uns aux autres». Et cette appartenance l’un à l’autre et à Lui n’est pas une quelconque relation idéale, imaginaire, symbolique, mais – je voudrais presque dire – une appartenance à Jésus Christ dans un sens biologique, pleinement vital. C’est l’Église, cette communauté de vie avec Lui et de l’un pour l’autre, qui est fondée dans le Baptême et approfondie toujours davantage dans l’Eucharistie. «Je suis la vraie vigne», signifie cependant en réalité: «Je suis vous et vous êtes moi» - une identification inouïe du Seigneur avec nous, avec son Église.

Le Christ lui-même, à l’époque, avant Damas, demanda à Saul, le persécuteur de l’Église:«Pourquoi me persécutes-tu?» (Ac 9,4). De cette façon, le Seigneur exprime la communauté de destin qui dérive de l’intime communion de vie de son Église avec Lui, le Ressuscité. Il continue à vivre dans son Église en ce monde. Il est avec nous, et nous sommes avec Lui. – «Pourquoi me persécutes-tu? » - En définitif, c’est Jésus que veulent frapper les persécuteurs de son Église. Et, en même temps, cela signifie que nous ne sommes pas seuls quand nous sommes opprimés à cause de notre foi. Jésus Christ est avec et en nous.

Dans la parabole, le Seigneur Jésus dit une fois : «Je suis la vigne véritable, et mon Père est le vigneron» (Jn 15,1), et il explique que le vigneron prend le couteau, coupe les sarments secs et émonde ceux qui portent du fruit pour qu’ils portent davantage de fruit. Pour le dire avec l’image du prophète Ézéchiel, comme nous l’avons entendu dans la première lecture, Dieu veut ôter de notre poitrine le coeur mort, de pierre, et nous donner un coeur vivant, de chair (cf. Ez Ez 36,26). Il veut nous donner une vie nouvelle et pleine de force, un coeur rempli d’amour, de bonté et de paix. Le Christ est venu appeler les pécheurs. Ce sont eux qui ont besoin du médecin, non les biens portants (cf. Lc 5,31sv.). Et ainsi, comme dit le Concile Vatican II, l’Église est le «sacrement universel du salut» (LG 48) qui existe pour les pécheurs, pour nous, pour nous ouvrir la voie de la conversion, de la guérison et de la vie. C’est la grande mission continuelle de l’Église, que le Christ lui a conférée.

Certains regardent l’Église en s’arrêtant sur son aspect extérieur. L’Église apparaît alors seulement comme l’une des nombreuses organisations qui se trouvent dans une société démocratique, selon les normes et les lois de laquelle le concept «Église »qui est difficilement compréhensible en lui-même, doit ensuite être jugée et traitée. Si on ajoute encore à cela l’expérience douloureuse que dans l’Église, il y a des bons et des mauvais poissons, le bon grain et l’ivraie, et si le regard reste fixé sur les choses négatives, alors ne s’entrouvre plus le mystère grand et beau de l’Église.

Par conséquent, ne sourd plus aucune joie pour le fait d’appartenir à cette vigne qui est l’« Église ». Insatisfaction et mécontentement se diffusent, si on ne voit pas se réaliser les propres idées superficielles et erronées sur l’« Église» et les propres «rêves d’Église»! Alors cesse aussi le cantique joyeux «Je rends grâce au Seigneur qui, par grâce, m’a appelé dans son Église», que des générations de catholiques ont chanté avec conviction.

Revenons à l’Évangile. Le Seigneur continue ainsi: «Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit s’il ne demeure pas sur la vigne, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi, … car sans moi – on pourrait aussi traduire: en dehors de moi – vous ne pouvez rien faire» (Jn 15,4 ss.).

Chacun de nous est mis face à cette décision. Le Seigneur, dans sa parabole, nous dit de nouveau combien elle est sérieuse: «Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment et il se dessèche; on ramasse les sarments coupés, on les jette au feu et ils brûlent» (cf. Jn 15,6). A ce propos, saint Augustin commente: «Il n’y a que deux choses qui conviennent à ces branches: ou la vigne ou le feu; si elles sont unies à la vigne, elles ne seront pas jetées au feu; afin de n’être pas jetées au feu, qu’elles restent donc unies à la vigne» (In Joan. Ev. tract. 81,3 [PL 35,1842]).

Le choix demandé ici nous fait comprendre, de façon insistante, la signification fondamentale de notre décision de vie. Mais en même temps, l’image de la vigne est un signe d’espérance et de confiance. En s’incarnant, le Christ lui-même est venu dans ce monde pour être notre fondement. Dans chaque nécessité et sécheresse, Il est la source qui donne l’eau de la vie qui nous nourrit et nous fortifie. Lui-même porte sur lui chaque péché, peur et souffrance, et, à la fin, nous purifie et nous transforme mystérieusement en sarments bons qui donne du bon vin. Dans ces moments de besoin, parfois nous nous sentons comme finis sous un pressoir, comme les grappes de raisin qui sont pressées complètement. Mais nous savons que, unis au Christ, nous devenons du vin mûr. Dieu sait transformer en amour aussi les choses pesantes et opprimantes dans notre vie. Il est important que nous «demeurions» dans la vigne, dans le Christ. En cet extrait bref, l’évangéliste utilise la parole «demeurer» une douzaine de fois. Ce «demeurer-en-Christ» marque le discours tout entier. A notre époque d’activisme et d’arbitraire où aussi tant de personnes perdent orientation et appui; où la fidélité de l’amour dans le mariage et l’amitié est devenue si fragile et de brève durée; où nous voulons crier, dans notre besoin, comme les disciples d’Emmaüs: « Seigneur, reste avec nous, car le soir tombe (cf. Lc 24,29) oui, il fait sombre autour de nous! »; en ce moment, le Seigneur ressuscité nous offre un refuge, un lieu de lumière, d’espérance et de confiance, de paix et de sécurité. Là où la sécheresse et la mort menacent les sarments, là, il y a avenir, vie et joie dans le Christ; là, il y a toujours pardon et nouveau commencement, transformation en entrant dans son amour.

Demeurer dans le Christ signifie, comme nous l’avons déjà vu, demeurer aussi dans l’Église. La communauté entière des croyants est solidement unie dans le Christ, la vigne. Dans le Christ, tous nous sommes unis ensemble. Dans cette communauté Il nous soutient et, en même temps, tous les membres se soutiennent mutuellement. Nous résistons ensemble aux tempêtes et se protègent les uns les autres. Nous ne croyons pas seuls, nous croyons avec toute l’Église de tout lieu et de tout temps, avec l’Église qui est au ciel et sur la terre.

L’Église en tant qu’annonciatrice de la Parole de Dieu et dispensatrice des sacrements nous unit au Christ, la vraie vigne. L’Église comme «plénitude et complément du Rédempteur», comme l’appelait Pie XII (Mystici corporis, AAS 35 [1943] p. 230: «plenitudo et complementum Redemptoris») est pour nous gage de la vie divine et médiatrice des fruits dont parle la parabole de la vigne. L’Église est le don le plus beau de Dieu. Par conséquent, saint Augustin pouvait dire : «Autant on aime l’Église, autant on entre en participation de l’Esprit Saint» (In Ioan. Ev. Tract. 32,8 [PL 35, 1646]). Avec l’Église et dans l’Église, nous pouvons annoncer à tous les hommes que le Christ est la source de la vie, qu’Il est présent, qu’Il est la grande réalité après laquelle nous cherchons et aspirons. Il se donne lui-même et, ainsi, il nous donne Dieu, le bonheur, l’amour. Celui qui croit au Christ a un avenir. Parce que Dieu ne veut pas ce qui est aride, mort, artificiel, qui à la fin est jeté, mais il veut ce qui est fécond et vivant, la vie en abondance, et c’est lui qui nous donne la vie en abondance.

Chers soeurs et frères! Je vous souhaite, ainsi qu’à nous tous, de découvrir toujours plus profondément la joie d’être unis au Christ dans l’Église – avec tous ses besoins et toutes ses obscurités –, de pouvoir trouver dans vos besoins réconfort et rédemption et que nous tous puissions devenir toujours le vin délicieux de la joie et de l’amour du Christ pour ce monde. Amen.



MESSE Place de la cathédrale de Erfurt Samedi 24 septembre 2011

24911
Chers frères et soeurs !


« Louez le Seigneur en tout temps, car Il est bon » : voilà ce que nous venons de chanter avant l’évangile. Oui, en vérité, nous avons raison de rendre grâce à Dieu de tout notre coeur. Si, par la pensée, nous revenons dans cette ville en 1981, année du jubilé de sainte Élisabeth, voici trente ans, à l’époque de la DDR – qui aurait imaginé que le mur et les fils de fer barbelé aux frontières allaient tomber peu après ? Et si nous retournons encore plus en arrière, il y a environ soixante-dix ans, en 1941, à l’époque du national-socialisme, durant la Grande Guerre – qui aurait pu prédire que le « Reich millénaire » serait réduit en cendres quatre ans après ?

Chers frères et soeurs, ici, en Thuringe et dans ce qui était alors la République Démocratique d’Allemagne, vous avez dû supporter une dictature brune [nazie] et une dictature rouge [communiste], qui ont produit sur la foi chrétienne l’effet d’une pluie acide. De nombreuses séquelles de cette époque se font encore sentir, surtout dans le domaine intellectuel et religieux. Dans leur majorité, les habitants de ce pays vivent désormais loin de la foi au Christ et de la communion de l’Église. Pourtant, dans les deux dernières décennies, on a pu observer aussi des expériences positives : un horizon plus dégagé, un échange au-delà des frontières, une certitude confiante que Dieu ne nous abandonne pas et nous conduit sur des chemins nouveaux. « Là où est Dieu, là est l’avenir ».

Nous sommes tous convaincus que la nouvelle liberté a aidé à donner à l’homme une dignité plus grande et à ouvrir de nombreuses possibilités nouvelles. Du point de vue de l’Église, nous pouvons souligner avec gratitude que beaucoup de facilités ont été accordées : de nouvelles possibilités pour les activités paroissiales, la restructuration et l’agrandissement d’églises et de centres paroissiaux, des initiatives diocésaines de caractère pastoral ou culturel. Mais pour nous demeure ouverte cette question : ces possibilités se sont-elles accompagnées d’une croissance dans la foi ? Ne faut-il pas peut-être chercher plus profondément les racines profondes de la foi et de la vie chrétienne que dans la liberté sociale ? C’est précisément dans la situation difficile d’une oppression extérieure que de nombreux catholiques résolus sont restés fidèles au Christ et à l’Église. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Ces personnes ont accepté d’être désavantagées au plan personnel pour vivre leur foi. Je voudrais remercier ici les prêtres, leurs collaborateurs et leurs collaboratrices de cette époque. En particulier, je voudrais évoquer la pastorale des réfugiés immédiatement après la seconde guerre mondiale : de nombreux ecclésiastiques et laïcs ont fait alors de grandes choses pour atténuer la souffrance des exilés et leur procurer une nouvelle patrie. Et surtout, j’adresse de vifs remerciements aux parents qui, au milieu de la diaspora et dans un climat politique hostile à l’Église, ont éduqué leurs enfants dans la foi catholique. Avec gratitude je voudrai rappeler, par exemple, les Semaines religieuses pour les enfants qui avaient lieu durant les vacances, ainsi que le fructueux travail des Maisons de jeunesse catholiques, ‘Saint Sébastien’ à Erfurt et ‘Marcel Callo’ à Heiligenstadt. Spécialement dans l’Eichsfeld, de nombreux chrétiens catholiques ont opposé une résistance à l’idéologie communiste. Que Dieu récompense généreusement la persévérance dans la foi de tous ! Le témoignage courageux et la vie patiente avec lui, la confiance patiente en la Providence de Dieu sont comme de précieuses semailles prometteuses de fruits abondants pour l’avenir.

La présence de Dieu se manifeste toujours de manière particulièrement claire dans les saints. Leur témoignage de foi peut, aujourd’hui encore, nous donner le courage d’un nouveau réveil. Pensons ici surtout aux saints patrons du diocèse d’Erfurt, Élisabeth de Thuringe, Boniface et Kilien. Élisabeth vint d’un pays étranger, la Hongrie, à la Wartburg en Thuringe. Elle mena une vie de prière intense, dans la pénitence et la pauvreté évangélique. De son château, elle descendait régulièrement dans la ville d’Eisenach pour s’occuper des pauvres et des malades. Sa vie sur cette terre dura peu de temps – elle n’atteignit que l’âge de vingt-quatre ans –, mais le fruit de sa sainteté traverse les siècles. Sainte Élisabeth jouit d’une grande estime aussi chez les chrétiens évangéliques ; elle peut nous aider tous à découvrir la plénitude de la foi, sa beauté et sa profondeur et sa force transformatrice et purificatrice, et à la faire passer dans notre vie quotidienne.

La fondation du diocèse d’Erfurt en 742 par saint Boniface nous rappelle aussi les racines chrétiennes de notre pays. Cet événement constitue en même temps la première mention documentée de la ville d’Erfurt. L’évêque missionnaire était venu d’Angleterre et, conformément à sa manière de travailler, il agissait en étroite unité et collaboration avec l’Évêque de Rome, le Successeur de saint Pierre. Il savait que l’Église devait être unie autour de Pierre. Nous le vénérons comme « Apôtre de l’Allemagne » ; il mourut martyr. Deux de ses compagnons, qui rendirent avec lui le témoignage du sang pour la foi chrétienne, sont ensevelis ici, dans la cathédrale d’Erfurt : ce sont les saints Eoban et Adelar.

Avant même les missionnaires anglo-saxons, on vit oeuvrer en Thuringe saint Kilien, un missionnaire itinérant qui venait d’Irlande. Avec deux compagnons, il mourut martyr à Würzburg, parce qu’il critiquait le comportement immoral du duc de Thuringe qui y résidait. Et enfin, nous ne voulons pas oublier saint Sévère, le patron de la Severikirche, ici, sur la place de la cathédrale : au IVe siècle, il était évêque de Ravenne ; en 836, son corps fut porté à Erfurt, pour enraciner plus profondément la foi chrétienne dans cette région. Des morts vient le témoignage vivant de l’Église pérenne, de la foi qui féconde tous les âges et qui nous montre le chemin de la vie.

Posons la question : quel est le point commun de ces saints ? Comment pouvons-nous décrire, et pourtant comprendre, le côté particulier de leur vie ; qu’elle nous intéresse et qu’elle ait un effet dans notre vie ? Les saints nous montrent d’abord qu’il est possible et qu’il est bien de vivre de manière radicale le rapport avec Dieu, de mettre Dieu à la première place et non n’importe où, confiné dans le dernier coin. Les saints nous font comprendre la réalité que, pour sa part, Dieu s’est le premier tourné vers nous. Nous ne pourrions pas Le rejoindre, nous jeter n’importe comment dans l’inconnu, s’Il ne nous avait d’abord aimés le premier, s’Il n’était venu à notre rencontre le premier. Après qu’Il se soit rendu proche des pères en les appelant, Il s’est montré à nous Lui-même dans le Christ Jésus, et Il continue à se montrer en Lui. Le Christ vient aujourd’hui aussi à notre rencontre ; Il parle à chacun, comme Il l’a fait auparavant dans l’Évangile ; et Il invite chacun de nous à L’écouter, à apprendre à Le comprendre et à Le suivre. Les saints ont mis en valeur cet appel et cette possibilité ; ils ont reconnu un Dieu concret ; ils l’ont vu et écouté ; et ils sont allés à sa rencontre, ils sont allés avec Lui ; ils se sont laissés –pour ainsi dire- contaminer par Lui et ils se sont tendus vers Lui depuis ce qu’ils avaient de plus intime – dans le dialogue continuel de la prière – et ils ont reçu de Lui la lumière qui leur a ouvert la porte de la vraie vie.

La foi est toujours aussi essentiellement un croire avec les autres. Personne ne peut croire seul. Nous recevons la foi –ainsi nous l’enseigne saint Paul- à travers l’écoute, et écouter est nécessaire pour l’être ensemble, corps et esprit. C’est seulement dans le grand être ensemble des croyants de tous les temps, ceux qui ont trouvé le Christ et ceux qui se sont laissés trouver par Lui, que je peux croire. Le fait de pouvoir croire, je le dois d’abord à Dieu qui s’adresse à moi et, pour ainsi dire, allume ma foi. Mais, très concrètement, je dois ma foi à ceux qui me sont proches, qui ont cru avant moi et qui croient avec moi. Ce grand avec, sans lequel il ne peut exister aucune foi personnelle, c’est l’Église. Et cette Église ne s’arrête pas aux frontières des pays, comme le montre la nationalité des saints que j’ai mentionnés : Hongrie, Angleterre, Irlande et Italie. Oui, il est fondamental pour le devenir de l’Église de notre pays, fondamental pour tous les temps, que nous croyons ensemble en dépassant les limites des continents, et que nous apprenions à croire des autres. Si nous nous ouvrons à toute la foi dans toute l’histoire et dans ses témoignages par toute l’Église, la foi catholique a un avenir même comme force publique en Allemagne. Dans le même temps, les figures des saints que j’ai rappelées, montrent la grande fécondité d’une vie avec Dieu, de cet amour radical pour Dieu et pour le prochain. Les saints, même là où ils sont peu nombreux, changent le monde, et les grands saints demeurent pour tous les âges des forces qui changent.

Ainsi les changements politiques de l’année 1989 dans notre pays n’étaient-ils pas motivés seulement par le désir du bien-être et de la liberté de mouvement, mais, de manière décisive, par la soif de véracité. Ce désir fut entretenu notamment par des personnes qui étaient totalement au service de Dieu et du prochain, et qui étaient disposées à faire le sacrifice de leur vie. Avec les saints déjà évoqués, elles nous donnent le courage de profiter de la nouvelle situation. Nous ne voulons pas nous cacher dans une foi seulement privée, mais nous voulons mettre en oeuvre de manière responsable la liberté obtenue. Comme les saints Kilien, Boniface, Adelar, Eoban et Élisabeth de Thuringe, nous voulons aller à la rencontre de nos concitoyens en tant que chrétiens et les inviter à découvrir avec nous la plénitude de la Bonne Nouvelle, leur présence et leur force de vie, leur beauté. Alors nous ressemblerons à la célèbre cloche de la cathédrale d’Erfurt qui porte le nom de Glorieuse. Elle est considérée comme la plus grande cloche médiévale du monde en libre mouvement. C’est un signe vivant de notre profond enracinement dans la tradition chrétienne, mais aussi un signal donné pour nous mettre en chemin et nous engager dans la mission. Elle sonnera aussi aujourd’hui à la fin de la Messe solennelle. Puisse-t-elle nous pousser, en suivant l’exemple des saints, à rendre visible et audible pour le monde l’exemple du Christ, à rendre visible et audible la gloire de Dieu, pour pouvoir vivre dans un monde où Dieu sera présent et où la vie sera belle et pleine de sens. Amen.





Benoît XVI Homélies 21811