Benoît XVI Homélies 25911

MESSE Aéroport de Freiburg im Breisgau, Dimanche 25 septembre 2011

25911

Chers Frères et Soeurs,

Il est émouvant pour moi de célébrer ici l’Eucharistie, l’Action de grâces, avec tant de gens provenant de diverses parties de l’Allemagne et des pays voisins. Nous voulons adresser notre action de grâces surtout à Dieu, dans lequel nous nous mouvons et nous existons (cf. Ap.
Ap 17,28). Mais je voudrais vous remercier aussi, vous tous, pour votre prière en faveur du Successeur de Pierre, afin qu’il puisse continuer à exercer son ministère avec joie et espérance confiante et confirmer ses frères dans la foi.

« Dieu qui donne la preuve suprême de ta puissance, lorsque tu patientes et prends pitié… » avons-nous dit dans la collecte du jour. Dans la première lecture nous avons entendu comment Dieu, dans l’histoire d’Israël a manifesté la puissance de sa miséricorde. L’expérience de l’exil babylonien avait fait tomber le peuple dans une profonde crise de la foi : pourquoi ce malheur était-il survenu ? Peut-être que Dieu n’était pas vraiment puissant absolument ?

Il y a des théologiens qui, face à toutes les choses terribles qui surviennent aujourd’hui dans le monde, disent que Dieu ne peut être absolument tout-puissant. Face à cela, nous professons Dieu, le Tout-Puissant, le Créateur du ciel et de la terre. Et nous sommes heureux et reconnaissants qu’il soit tout-puissant. Mais nous devons, en même temps, nous rendre compte qu’il exerce sa puissance de manière différente de ce que nous, les hommes, avons l’habitude de faire. Lui-même a mis une limite à son pouvoir, en reconnaissant la liberté de ses créatures. Nous sommes heureux et reconnaissants pour le don de la liberté. Toutefois, lorsque nous voyons les choses horribles qui arrivent à cause d’elle, nous nous effrayons. Faisons confiance à Dieu dont la puissance se manifeste surtout dans la miséricorde et dans le pardon. Et nous en sommes certains, chers fidèles : Dieu désire le salut de son peuple. Il désire notre salut, mon salut, le salut de chaque personne. Toujours, et surtout en des temps de péril et de changement radical, il nous est proche, et son coeur s’émeut pour nous, il se penche sur nous. Pour que la puissance de sa miséricorde puisse toucher nos coeurs, il faut s’ouvrir à Lui, il faut librement être prêt à abandonner le mal, à sortir de l’indifférence, et à donner un espace à sa Parole. Dieu respecte notre liberté. Il ne nous contraint pas. Il attend notre « oui » et, pour ainsi dire, il le mendie.

Dans l’Évangile, Jésus reprend ce thème fondamental de la prédication prophétique. Il raconte la parabole des deux fils qui sont envoyés par leur père pour travailler dans la vigne. Le premier fils répond : « ‘Je ne veux pas’. Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla » (Mt 21,29). L’autre au contraire dit à son père : « ‘Oui Seigneur ! » mais « il n’y alla pas » (Mt 21,30). À la demande de Jésus, qui des deux a accompli la volonté du père, les auditeurs répondent justement : « Le premier » (Mt 21,31). Le message de la parabole est clair : ce ne sont pas les paroles qui comptent, mais c’est l’agir, les actes de conversion et de foi. Jésus –nous l’avons entendu- adresse ce message aux grands prêtres et aux anciens du peuple d’Israël, c’est-à-dire aux experts en religion dans son peuple. Eux, d’abord, disent « oui » à la volonté de Dieu. Mais leur religiosité devient routine, et Dieu ne les inquiète plus. Pour cela ils ressentent le message de Jean Baptiste et le message de Jésus comme quelque chose qui dérange. Ainsi, le Seigneur conclut sa parabole par des paroles vigoureuses : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean Baptiste est venu à vous, vivant selon la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; tandis que les publicains et les prostituées y ont cru. Mais vous, même après avoir vu cela, vous ne vous êtes pas repentis pour croire à sa parole » (Mt 21,31-32). Traduite en langage de ce temps, l’affirmation pourrait correspondre plus ou moins à ceci : les agnostiques, qui au sujet de la question de Dieu ne trouvent pas la paix ; les personnes qui souffrent à cause de leurs péchés et ont le désir d’un coeur pur, sont plus proches du royaume de Dieu que ne le sont les fidèles « de routine », qui dans l’Église voient désormais seulement ce qui paraît, sans que leur coeur soit touché par la foi.

Ainsi la parole doit faire beaucoup réfléchir, et même, doit nous secouer tous. Ceci, cependant, ne signifie pas que tous ceux qui vivent dans l’Église et travaillent pour elle sont à estimer comme loin de Jésus et du royaume de Dieu. Absolument pas ! Non, c’est plutôt le moment de dire une parole de profonde gratitude à tant de collaborateurs employés et volontaires, sans lesquels la vie dans les paroisses et dans l’Église tout entière serait impensable. L’Église en Allemagne a de nombreuses institutions sociales et caritatives, dans lesquelles l’amour pour le prochain est exercé sous une forme qui est aussi socialement efficace et jusqu’aux extrémités de la terre. À tous ceux qui s’engagent dans la Caritas allemande ou dans d’autres organisations ou qui mettent généreusement à disposition leur temps et leurs forces pour des tâches de volontariat dans l’Église, je voudrais exprimer, en ce moment, ma gratitude et mon appréciation. Ce service demande avant tout une compétence objective et professionnelle. Mais dans l’esprit de l’enseignement de Jésus il faut plus : le coeur ouvert, qui se laisse toucher par l’amour du Christ, et donne ainsi au prochain, qui a besoin de nous, plus qu’un service technique : l’amour, dans lequel se rend visible à l’autre le Dieu qui aime, le Christ. Alors interrogeons-nous aussi à partir de l’Évangile d’aujourd’hui : comment est ma relation personnelle avec Dieu, dans la prière, dans la participation à la messe dominicale, dans l’approfondissement de la foi par la méditation de la sainte Écriture et l’étude du Catéchisme de l’Église catholique ? Chers amis, le renouveau de l’Église, en dernière analyse, ne peut se réaliser qu’à travers la disponibilité à la conversion et à travers une foi renouvelée.

Dans l’Évangile de ce dimanche –nous l’avons vu- on parle de deux fils, derrière lesquels, cependant, se tient, de façon mystérieuse, un troisième. Le premier fils dit non, mais réalise ensuite la volonté de son père. Le deuxième fils dit oui, mais ne fait pas ce qui lui a été ordonné. Le troisième fils dit « oui » et fait aussi ce qui lui est ordonné. Ce troisième fils est le Fils unique de Dieu, Jésus Christ, qui nous a tous réunis ici. Entrant dans le monde, Jésus a dit : « Voici, je viens […], pour faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10,7). Ce « oui », il ne l’a pas seulement prononcé, mais il l’a accompli et il a souffert jusqu’à la mort. Dans l’hymne christologique de la deuxième lecture on dit : « Lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix » (Ph 2,6-8). En humilité et obéissance, Jésus a accompli la volonté du Père, il est mort sur la croix pour ses frères et ses soeurs –pour nous- et il nous a rachetés de notre orgueil et de notre obstination. Remercions-le pour son sacrifice, fléchissons les genoux devant son Nom et proclamons ensemble avec les disciples de la première génération : « Jésus Christ est le Seigneur – pour la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,10).

La vie chrétienne doit se mesurer continuellement sur le Christ : « Ayez entre vous les dispositions que l’on doit avoir dans le Christ Jésus » (Ph 2,5), écrit saint Paul dans l’introduction à l’hymne christologique. Et quelques versets avant il nous exhorte déjà : « S’il est vrai que dans le Christ on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage dans l’amour, si l’on est en communion dans l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la pitié, alors, pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité » (Ph 2,1-2). Comme le Christ était totalement uni au Père et lui obéissant, ainsi ses disciples doivent obéir à Dieu et avoir les mêmes dispositions entre eux. Chers amis, avec Paul, j’ose vous exhorter : rendez ma joie complète en étant solidement unis dans le Christ ! L’Église en Allemagne surmontera les grands défis du présent et de l’avenir et demeurera un levain dans la société si les prêtres, les personnes consacrées et les laïcs croyants dans le Christ, en fidélité à leur vocation spécifique, collaborent dans l’unité ; si les paroisses, les communautés et les mouvements se soutiennent et s’enrichissent mutuellement ; si les baptisés et les confirmés, en union avec l’Évêque, tiennent haut le flambeau d’une foi inaltérée et laissent illuminer par elle leurs riches connaissances et capacités. L’Église en Allemagne continuera d’être une bénédiction pour la communauté catholique mondiale, si elle demeure fidèlement unie aux Successeurs de saint Pierre et des Apôtres, si elle soigne de multiples manières la collaboration avec les pays de mission et se laisse aussi « gagner » en cela par la joie dans la foi des jeunes Églises.

À l’exhortation à l’unité, Paul joint l’appel à l’humilité. Il dit : «Ne soyez jamais intrigants ni vantards, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres » (Ph 2,3-4). L’existence chrétienne est une pro-existence : un être pour l’autre, un engagement humble pour le prochain et pour le bien commun. Chers fidèles, l’humilité est une vertu qui, dans le monde d’aujourd’hui et, en général, de tous les temps, ne jouit pas d’une grande estime. Mais les disciples du Seigneur savent que cette vertu est, pour ainsi dire, l’huile qui rend féconds les processus de dialogue, possible la collaboration et cordiale l’unité. Humilitas, le mot latin pour « humilité », a quelque chose à voir avec humus, c'est-à-dire avec l’adhérence à la terre, à la réalité. Les personnes humbles ont les deux pieds sur la terre. Mais surtout ils écoutent le Christ, la Parole de Dieu, qui renouvelle sans arrêt l’Église et chacun de ses membres.

Demandons à Dieu le courage et l’humilité de cheminer sur la route de la foi, de puiser à la richesse de sa miséricorde et de tenir fixé notre regard sur le Christ, la Parole qui fait toutes choses nouvelles, qui pour nous est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6), qui est notre avenir. Amen.



VISITE PASTORALE À LAMEZIA TERME ET À SERRA SAN BRUNO


MESSE Dimanche 9 octobre 2011

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Banlieue industrielle de Lamezia Terme

Dimanche 9 octobre 2011


Chers frères et soeurs!

C’est pour moi une grande joie de pouvoir rompre avec vous le pain de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie. Je suis heureux d’être pour la première fois ici en Calabre et de me trouver dans cette ville de Lamezia Terme. Je vous présente à tous, qui êtes accourus si nombreux, mes salutations cordiales et je vous remercie pour votre accueil chaleureux! Je salue en particulier votre pasteur, Mgr Luigi Antonio Cantafora, et je le remercie des expressions courtoises de bienvenue, qu’il m’a adressées en votre nom à tous. Je salue également les archevêques et les évêques présents, les prêtres, les religieux et les religieuses, les représentants des associations et des mouvements ecclésiaux. J’adresse une pensée respectueuse au maire, M. Gianni Speranza, reconnaissant pour sa courtoise adresse de salut, au représentant du gouvernement et aux autorités civiles et militaires qui, par leur présence, ont voulu honorer notre rencontre. Je remercie de manière particulière tous ceux qui ont généreusement collaboré à la réalisation de ma visite pastorale.

La liturgie de ce dimanche nous propose une parabole qui parle d’un banquet de noces auquel sont invitées un grand nombre de personnes. La première lecture, tirée du livre d’Isaïe, prépare ce thème, parce qu’elle parle du banquet de Dieu. C’est une image — celle du banquet — souvent utilisée dans l’Ecriture pour indiquer la joie dans la communion et dans l’abondance des dons du Seigneur, et elle laisse deviner quelque chose de la fête de Dieu avec l’humanité, comme le décrit Isaïe: «Le Seigneur des armées prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de viandes grasses, un festin de bons vins, de viandes moelleuses, de vins dépouillés» (
Is 25,6). Le prophète ajoute que l’intention de Dieu est de mettre fin à la tristesse et à la honte; il veut que tous les hommes vivent heureux dans l’amour pour Lui et dans la communion réciproque; son projet est alors d’éliminer la mort pour toujours, d’essuyer les larmes sur chaque visage, de faire disparaître l’opprobre de son peuple, comme nous l’avons écouté (vv. 7-8). Tout cela suscite une profonde gratitude et espérance: «Voyez, c’est notre Dieu, en lui nous espérions pour qu’il nous sauve; c’est le Seigneur, nous espérions en lui. Exultons, réjouissons-nous du salut qu’il nous a donné» (v. 9).

Jésus, dans l’Evangile, nous parle de la réponse qui est donnée à l’invitation de Dieu — représenté par un roi — à participer à son banquet (cf. Mt 22,1-14). Les invités sont nombreux, mais il arrive une chose inattendue: ils se refusent de participer à la fête, ils ont autre chose à faire; certains accueillent même l’invitation avec mépris. Dieu est généreux à notre égard, il nous offre son amitié, ses dons, sa joie, mais souvent nous n’accueillons pas ses paroles, nous montrons plus d’intérêt pour d’autres choses, nous mettons à la première place nos préoccupations matérielles, nos intérêts. L’invitation du roi rencontre même des réactions hostiles, agressives. Mais cela ne freine pas sa générosité. Il ne se décourage pas, et il envoie ses serviteurs inviter beaucoup d’autres personnes. Le refus des premiers invités a comme effet l’extension de l’invitation à tous, jusqu’aux plus pauvres, laissés-pour-compte et déshérités. Les serviteurs réunissent tous ceux qu’ils trouvent, et la salle se remplit: la bonté du roi n’a pas de limites et à tous il est donné la possibilité de répondre à son appel. Mais il y a une condition pour rester à ce banquet de noces: porter l’habit nuptial. Et en entrant dans la salle, le roi découvre que certains n’ont pas voulu l’endosser et, pour cette raison, ils sont exclus de la fête. Je voudrais m’arrêter un moment sur ce point avec une question: comment se fait-il que ce convive a accepté l’invitation du roi, est entré dans la salle du banquet, que la porte lui a été ouverte, mais qu’il n’a pas mis l’habit nuptial? Qu’est-ce que cet habit nuptial? Lors de la Messe in Cena Domini de cette année, j’ai fait référence à un beau commentaire de saint Grégoire le Grand à cette parabole. Il explique que ce convive a répondu à l’invitation de Dieu à participer à son banquet, il a en quelque sorte la foi, qui lui a ouvert la porte de la salle, mais il lui manque quelque chose d’essentiel: l’habit nuptial, qui est la charité, l’amour. Et saint Grégoire ajoute: «Chacun de vous, donc, qui, dans l’Eglise, a la foi en Dieu, a déjà pris part au banquet de noces, mais il ne peut pas dire avoir l’habit nuptial si il n’a pas en lui la grâce de la charité» (Homilia 38, 9: PL 76, 1287). Et ce vêtement est ourdi symboliquement de deux bois, l’un en haut et l’autre en bas: l’amour de Dieu et l’amour du prochain (cf. ibid. 10: PL 76, 1288). Nous sommes tous invités à être des convives du Seigneur, à entrer avec la foi à son banquet, mais nous devons nous revêtir et conserver en nous l’habit nuptial, la charité, vivre un profond amour pour Dieu et pour notre prochain.

Chers frères et soeurs! Je suis venu pour partager avec vous les joies et les espérances, les difficultés et les engagements, les idéaux et les aspirations de votre communauté diocésaine. Je sais que vous vous êtes préparés à cette visite à travers un intense cheminement spirituel, en adoptant comme devise un verset des Actes des Apôtres: «Au nom de Jésus Christ, le Nazaréen, marche!» (3, 6). Je sais qu’à Lamezia Terme aussi, comme dans toute la Calabre, les difficultés, les problèmes et les inquiétudes ne manquent pas. Quand on s’intéresse à cette belle région, on constate qu’ici la terre est sismique non seulement du point de vue géologique, mais aussi du point de vue structurel, comportemental et social; une terre, donc, où les problèmes se présentent sous des formes aiguës et déstabilisantes; une terre où le chômage est préoccupant, où une criminalité souvent impitoyable, lacère le tissu social, une terre où l’on a la sensation continuelle d’être dans l’urgence. Vous, Calabrais, avez souvent su répondre à l’urgence, avec une promptitude et une disponibilité surprenantes, avec une extraordinaire capacité d’adaptation aux difficultés. Je suis certain que vous saurez surmonter les difficultés d’aujourd’hui pour préparer un avenir meilleur. Ne cédez jamais à la tentation du pessimisme et du repli sur vous-mêmes. Faites appel aux ressources de votre foi et de vos capacité humaines; efforcez-vous de croître dans la capacité de collaborer, d’être attentifs à l’autre et aux biens publics, revêtez-vous de l’habit nuptial de l’amour; persévérez dans le témoignage des valeurs humaines et chrétiennes si profondément enracinées dans la foi et dans l’histoire de ce territoire et de sa population.

Chers amis! ma visite s’inscrit presque au terme du chemin entrepris par cette Eglise locale avec la rédaction du programme pastoral quinquennal. Je souhaite rendre grâce au Seigneur pour le chemin fécond parcouru et pour les si nombreux germes de bien semés, qui laissent de bonnes espérances pour l’avenir. Pour faire face à la nouvelle réalité sociale et religieuse, différente du passé, peut-être plus chargée de difficultés, mais aussi plus riche de potentialités, un travail pastoral moderne et organique est nécessaire, qui mobilise autour de l’évêque toutes les forces chrétiennes: prêtres, religieux et laïcs, animés par un engagement commun d’évangélisation. A cet égard, j’ai appris avec plaisir l’effort mis en oeuvre pour se placer à l’écoute attentive et persévérante de la Parole de Dieu, à travers la promotion de rencontres mensuelles dans divers centres du diocèse et la diffusion de la pratique de la Lectio divina. L’Ecole de doctrine sociale de l’Eglise est tout aussi opportune, tant pour la qualité et l’articulation de la proposition, que pour sa divulgation sur le terrain. Je souhaite vivement que, de telles initiatives, jaillissent une nouvelle génération d’hommes et de femmes capables de promouvoir non pas des intérêts partisans, mais le bien commun. Je désire aussi encourager et bénir les efforts de tous ceux qui, prêtres et laïcs, sont engagés dans la formation des couples chrétiens au mariage et à la famille, afin de donner une réponse évangélique et compétente aux si nombreux défis contemporains dans le domaine de la famille et de la vie.

Je connais, par ailleurs, le zèle et le dévouement avec lesquels les prêtres accomplissent leur service pastoral, ainsi que le travail de formation systématique et incisif qui les concerne, en particulier les plus jeunes d’entre eux. Chers prêtres, je vous exhorte à enraciner toujours davantage votre vie spirituelle dans l’Evangile, en cultivant la vie intérieure, un intense rapport avec Dieu et en vous détachant avec fermeté d’une certaine mentalité consumériste et du monde, qui est une tentation récurrente dans la réalité dans laquelle nous vivons. Apprenez à croître dans la communion entre vous et avec l’évêque, entre vous et les fidèles laïcs, en favorisant l’estime et la collaboration réciproques: il en découlera assurément de multiples bénéfices tant pour la vie des paroisses que pour la société civile elle-même. Sachez valoriser, avec discernement, selon les critères bien connus de l’ecclésialité, les groupes et les mouvements: ils doivent être bien intégrés à l’intérieur de la pastorale ordinaire du diocèse et des paroisses, dans un profond esprit de communion.

A vous fidèles laïcs, jeunes et familles, je dis: n’ayez pas peur de vivre et de témoigner la foi dans les différents domaines de la société, dans les multiples situations de l’existence humaine! Vous avez toutes les raisons de vous montrer forts, confiants et courageux, et ce grâce à la lumière de la foi et à la force de la charité. Et lorsque que vous rencontrerez l’opposition du monde, faites vôtres les paroles de l’Apôtre: «Je puis tout en Celui qui me rend fort» (Ph 4,13). C’est ainsi que se sont comportés les saints et les saintes, qui ont fleuri, au cours des siècles, dans toute la Calabre. Puissent-ils vous garder toujours unis et nourrir en chacun de vous le désir de proclamer, avec les paroles et à travers les oeuvres, la présence et l’amour du Christ. Que la Mère de Dieu, que vous vénérez tant, vous assiste et vous conduise à la connaissance profonde de son Fils. Amen!




CÉLÉBRATION DES VÊPRES Eglise de la Chartreuse de Serra San Bruno 9 octobre

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Dimanche 9 octobre 2011


Vénérés frères dans l’épiscopat,
chers frères chartreux,
chers frères et soeurs!

Je rends grâce au Seigneur qui m’a conduit dans ce lieu de foi et de prière, la chartreuse de Serra San Bruno. En renouvelant mon salut reconnaissant à Mgr Vincenzo Bertolone, archevêque de Catanzaro-Squillace, je m’adresse avec une grande affection à cette communauté de chartreux, à chacun de ses membres, à partir du prieur, le p. Jacques Dupont, que je remercie de tout coeur pour ses paroles, en le priant de faire parvenir ma pensée reconnaissante et ma bénédiction au ministre général et aux moniales de l’ordre.

J’ai tout d’abord à coeur de souligner que cette visite se situe dans la continuité de plusieurs signes forts de communion entre le Siège apostolique et l’ordre chartreux, qui ont eu lieu au cours du siècle dernier. En 1924, le Pape Pie xi promulgua une Constitution apostolique par laquelle il approuva les statuts de l’ordre, revus à la lumière du Code de Droit canonique. En mai, 1984, le bienheureux Jean-Paul II adressa au ministre général une lettre spéciale, à l’occasion du neuvième centenaire de la fondation par saint Bruno de la première communauté à la Chartreuse, près de Grenoble. Le 5 octobre de cette même année, mon bien-aimé prédécesseur vint ici, et le souvenir de son passage entre ces murs est encore vivant. Dans le sillage de ces événements passés, mais toujours actuels, je viens à vous aujourd’hui, et je voudrais que notre rencontre souligne un lien profond qui existe entre Pierre et Bruno, entre le service pastoral à l’unité de l’Eglise et la vocation contemplative dans l’Eglise. En effet, la communion ecclésiale a besoin d’une force intérieure, cette force que le père prieur rappelait il y a peu en citant l’expression captus ab Uno, qui se réfère à saint Bruno: «saisis par l’Un», par Dieu, Unus potens per omnia, comme nous l’avons chanté dans l’hymne des vêpres. Le ministère des pasteurs tire des communautés contemplatives une sève spirituelle qui vient de Dieu.

Fugitiva relinquere et aeterna captare: abandonner les réalités fugitives et chercher à saisir l’éternel. Dans cette expression de la lettre que votre fondateur adressa au prévôt de Reims, Rodolphe, est contenu le coeur de votre spiritualité (cf. Lettre à Rodolphe, 13): le fort désir d’entrer en union de vie avec Dieu, en abandonnant tout le reste, tout ce qui empêche cette communion et en se laissant saisir par l’immense amour de Dieu pour vivre seulement de cet amour. Chers frères, vous avez trouvé le trésor caché, la perle de grande valeur (cf.
Mt 13,44-46); vous avez répondu de manière radicale à l’invitation de Jésus: «Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux; puis viens, suis-moi» (Mt 19,21). Chaque monastère — masculin ou féminin — est une oasis où, avec la prière et la méditation, on creuse sans cesse le puits profond où puiser l’«eau vive» pour notre soif la plus profonde. Mais la chartreuse est une oasis spéciale, où le silence et la solitude sont conservés avec un soin particulier, selon la forme de vie commencée par saint Bruno et restée inchangée au cours des siècles. «J’habite dans le désert avec des frères» est la phrase synthétique qu’écrivait votre fondateur (Lettre à Rodolphe, 4). La visite du Successeur de Pierre dans cette chartreuse historique entend non seulement vous confirmer, vous qui vivez ici, mais aussi l’Ordre tout entier dans la mission, plus que jamais actuelle et significative dans le monde d’aujourd’hui.

Le progrès technique, en particulier dans le monde des transports et des communications, a rendu la vie de l’homme plus confortable, mais également plus pressée, parfois convulsive. Les villes sont presque toujours bruyantes: on y trouve rarement le silence, car un bruit de fond demeure toujours, dans certaines zones également la nuit. Ensuite, au cours des dernières décennies le développement des médias a diffusé et amplifié un phénomène qui se profilait déjà dans les années soixante: la virtualité qui risque de dominer sur la réalité. Toujours plus, même sans s’en apercevoir, les personnes sont plongées dans une dimension virtuelle, à cause de messages audiovisuels qui accompagnent leur vie du matin au soir. Les plus jeunes, qui sont déjà nés dans cette condition, semblent vouloir remplir de musique et d’images chaque moment vide, presque par peur de sentir, précisément, ce vide. Il s’agit d’une tendance qui a toujours existé, en particulier parmi les jeunes et dans les contextes urbains les plus développés, mais aujourd’hui celle-ci a atteint un niveau tel qu’il fait parler de mutation anthropologique. Certaines personnes ne sont plus capables de rester longtemps en silence et dans la solitude.

J’ai voulu évoquer cette situation socioculturelle, parce qu’elle met en évidence le charisme spécifique de la chartreuse, comme un don précieux pour l’Eglise et pour le monde, un don qui contient un message profond pour notre vie et pour l’humanité tout entière. Je le résumerais ainsi: en se retirant dans le silence et dans la solitude, l’homme, pour ainsi dire, s’«expose» au réel dans sa nudité, il s’expose à ce «vide» apparent que j’évoquais tout à l’heure, pour faire en revanche l’expérience de la Plénitude, de la présence de Dieu, de la Réalité la plus réelle qui soit, et qui est au-delà de la dimension sensible. C’est une présence perceptible dans toute créature: dans l’air que nous respirons, dans la lumière que nous voyons et qui nous réchauffe, dans l’herbe, dans les pierres... Dieu, Creator omnium, traverse toute chose, mais il est au-delà, et précisément pour cette raison il est le fondement de tout. Le moine, en quittant tout, court pour ainsi dire un «risque»: il s’expose à la solitude et au silence pour ne vivre de rien d’autre que l’essentiel, et c’est précisément en vivant de l’essentiel, qu’il trouve aussi une profonde communion avec ses frères, avec chaque homme.

Certains pourraient penser qu’il est suffisant de venir ici pour faire ce «saut». Mais ce n’est pas le cas. Cette vocation, comme toute vocation, trouve une réponse en chemin, dans la recherche de toute une vie. Il ne suffit pas en effet de se retirer dans un lieu comme celui-ci pour apprendre à être en présence de Dieu. De même, dans le mariage, il ne suffit pas de célébrer le sacrement pour devenir effectivement un, mais il faut laisser la grâce de Dieu agir et il faut parcourir ensemble le quotidien de la vie conjugale, de même devenir moine exige du temps, de l’exercice, de la patience, «dans une persévérante veille divine — comme l’affirmait saint Bruno — en attendant le retour du Seigneur pour lui ouvrir immédiatement la porte» (Lettre à Rodolphe, 4); et c’est précisément en cela que consiste la beauté de toute vocation dans l’Eglise: donner le temps à Dieu d’oeuvrer avec son Esprit, et à sa propre humanité de se former, de croître selon la mesure de la maturité du Christ, dans cet état de vie particulier. Dans le Christ, il y a le tout, la plénitude; nous avons besoin de temps pour faire nôtre l’une les dimensions de son mystère. Nous pourrions dire que cela est un chemin de transformation dans lequel est mis en oeuvre et se manifeste le mystère de la résurrection du Christ en nous, un mystère que nous a rappelé ce soir la Parole de Dieu dans la Lecture biblique, tirée de la Lettre aux Romains: l’Esprit Saint, qui a ressuscité Jésus d’entre les morts, et qui donnera la vie aussi à nos corps mortels (cf. Rm Rm 8,11), est Celui qui opère aussi notre configuration au Christ selon la vocation de chacun, un chemin qui va des fonts baptismaux jusqu’à la mort, le passage vers la maison du Père. Quelquefois, aux yeux du monde, il semble impossible de demeurer toute sa vie dans un monastère, mais en réalité toute une vie est à peine suffisante pour entrer dans cette union avec Dieu, dans cette Réalité essentielle et profonde qu’est Jésus Christ.

C’est pour cette raison que je suis venu ici, chers frères, qui formez la communauté des chartreux de Serra San Bruno! Pour vous dire que l’Eglise a besoin de vous, et que vous avez besoin de l’Eglise. Votre place n’est pas marginale: aucune vocation n’est marginale dans le peuple de Dieu: nous sommes un seul corps, dans lequel chaque membre est important et a la même dignité, et est inséparable du tout. Vous aussi, qui vivez dans un isolement volontaire, vous êtes en réalité au coeur de l’Eglise et vous faites courir dans ses veines le sang pur de la contemplation et de l’amour de Dieu.

Stat Crux dum volvitur orbis — comme le dit votre devise. La Croix du Christ est le point fixe, au milieu des mutations et des bouleversements du monde. La vie dans une chartreuse participe de la stabilité de la Croix, qui est celle de Dieu, de son amour fidèle. En demeurant solidement unis au Christ, comme les sarments à la vigne, vous aussi, frères chartreux, vous êtes associés à son mystère de salut, comme la Vierge Marie qui, auprès de la Croix stabat, unie au Fils dans la même oblation d’amour. Ainsi, comme Marie et avec elle, vous aussi vous êtes profondément insérés dans le mystère de l’Eglise, sacrement d’union des hommes avec Dieu et entre eux. En cela, vous êtes aussi singulièrement proches de mon ministère. Que veille donc sur vous la Très Sainte Mère de l’Eglise, et que le saint Père Bruno bénisse toujours du Ciel votre communauté. Amen.



MESSE POUR LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION Basilique Vaticane Dimanche 16 octobre 2011

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Vénérés frères, chers frères et soeurs!

C’est avec joie que je célèbre aujourd’hui la Messe pour vous, qui êtes engagés dans de nombreuses parties du monde sur les frontières de la nouvelle évangélisation. Cette liturgie marque la conclusion de la rencontre qui vous a appelés hier à échanger vos points de vue sur les domaines de cette mission et à écouter certains témoignages significatifs. J’ai moi-même voulu vous soumettre certaines pensées, tandis qu’aujourd’hui, je romps pour vous le pain de la Parole et de l’Eucharistie dans la certitude — partagée par nous tous — que sans le Christ, Parole et Pain de vie, nous ne pouvons rien faire (cf.
Jn 15,5). Je suis heureux que ce congrès se situe dans le cadre du mois d’octobre, précisément une semaine avant la Journée mondiale des missions : cela rappelle la juste dimension universelle de la nouvelle évangélisation, en harmonie avec celle de la mission ad gentes.

J’adresse un salut cordial à vous tous, qui avez accueilli l’invitation du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation. Je salue et remercie en particulier le président de ce dicastère récemment institué, Mgr Salvatore Fisichella, ainsi que ses collaborateurs.

Venons-en à présent aux lectures bibliques, dans lesquelles le Seigneur nous parle aujourd’hui. La première, tirée du Livre d’Isaïe, nous dit que Dieu est un, unique ; il n’y a pas d’autre dieu en dehors du Seigneur, et même le puissant Cyrus, empereur de Perse, fait partie d’un dessein plus grand, que Dieu seul connaît et réalise. Cette lecture nous explique le sens théologique de l’histoire: les tournants historiques, la succession des grandes puissances sont sous la domination suprême de Dieu; aucun pouvoir terrestre ne peut prendre sa place. La théologie de l’histoire est un aspect important, essentiel de la nouvelle évangélisation, car les hommes de notre temps, après la période néfaste des empires totalitaires du XXe siècle, ont besoin de retrouver un regard d’ensemble sur le monde et sur le temps, un regard véritablement libre, pacifique, le regard que le Concile Vatican II a transmis dans ses documents et que mes prédécesseurs, le serviteur de Dieu Paul VI et le bienheureux Jean-Paul II, ont illustré à travers leur magistère.

La deuxième lecture est le début de la Première Lettre aux Thessaloniciens, et rien que cela est très suggestif, car il s’agit de la lettre la plus ancienne qui nous soit parvenue du plus grand évangélisateur de tous les temps, l’apôtre Paul. Il nous dit avant tout que l’on n’évangélise pas de façon isolée : en effet, lui aussi avait comme collaborateurs Silvain et Timothée (cf. 1Th 1,1) et beaucoup d’autres. Et il ajoute immédiatement après une autre chose très importante : que l’annonce doit être toujours précédée, accompagnée et suivie par la prière. Il écrit en effet : « Nous rendons grâces à Dieu à tout moment pour vous tous, en faisant mention de vous sans cesse dans nos prières » (v. 2). L’Apôtre se dit ensuite bien conscient du fait que ce n’est pas lui, mais Dieu qui a choisi les membres de la communauté : « Vous avez été choisis », affirme-t-il (v. 4). Chaque missionnaire de l’Evangile doit toujours tenir compte de cette vérité : c’est le Seigneur qui touche les coeurs avec sa Parole et son Esprit, en appelant les personnes à la foi et à la communion dans l’Eglise. Enfin, Paul nous laisse un enseignement très précieux, tiré de son expérience. Il écrit : « Car notre Evangile ne s'est pas présenté à vous en paroles seulement, mais en puissance, dans l'action de l'Esprit Saint, en surabondance » (v. 5). L’évangélisation, pour être efficace, a besoin de la force de l’Esprit, qui anime l’annonce et diffuse en celui qui l’apporte la « surabondance » dont parle l’Apôtre. Ce terme, « surabondance », dans l’original grec, est pleroforìa : un terme qui exprime moins l’aspect suggestif, psychologique, que la plénitude, la fidélité, la totalité — dans ce cas, de l’annonce du Christ. Une annonce qui, pour être accomplie et fidèle, exige d’être accompagnée par des signes, par des gestes, comme la prédication de Jésus. Parole, Esprit et certitude — ainsi entendus — sont donc inséparables et contribuent à faire en sorte que le message évangélique se diffuse de façon efficace.

Nous nous arrêtons à présent sur le passage de l’Evangile. Il s’agit du texte sur la légitimité de l’impôt à payer à César, qui contient la célèbre réponse de Jésus : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22,21). Mais, avant d’arriver à ce point, il y a un passage qui peut se référer à ceux qui ont la mission d’évangéliser. En effet, les interlocuteurs de Jésus — les disciples des Pharisiens et les Hérodiens — s’adressent à Lui en des termes élogieux, en disant : « Nous savons que tu es véridique et que tu enseignes la voie de Dieu en vérité sans te préoccuper de qui que ce soit » (Mt 22,16). C’est précisément cette affirmation qui, bien que suscitée par l’hypocrisie, doit attirer notre attention. Les disciples des Pharisiens et les Hérodiens ne croient pas ce qu’ils disent. Ils l’affirment uniquement comme une captatio benevolentiae pour se faire entendre, mais leur coeur est bien loin de cette vérité; au contraire, ils veulent attirer Jésus dans un piège pour pouvoir l’accuser. Pour nous, en revanche, cette expression est précieuse et vraie : en effet, Jésus est véridique et enseigne la voie de Dieu en vérité, sans se préoccuper de qui que ce soit. Lui-même est ce « chemin de Dieu », que nous sommes appelés à parcourir. Nous pouvons rappeler ici les paroles de Jésus lui-même, dans l’Evangile de Jean : « Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14,6). A ce propos, le commentaire de saint Augustin est illuminant : « Il lui fallait dire [...]: “Je suis la voie, et la vérité et la vie”, puisque, étant connu le chemin par lequel il marchait, il ne restait à connaître que l'endroit où il allait, [...] parce qu'il allait à la vérité, à la vie ... Et nous, où allons-nous, si ce n'est à lui-même ? et par où y allons-nous, si ce n'est par lui-même ? » (In Ioh 69, 2). Les nouveaux évangélisateurs sont appelés à marcher en premier sur cette Voie qui est le Christ, pour faire connaître aux autres la beauté de l’Evangile qui donne la vie. Et sur ce chemin, on ne marche jamais seul, mais accompagné: c’est une expérience de communion et de fraternité qui est offerte à ceux que nous rencontrons, pour leur faire partager notre expérience du Christ et de son Eglise. Ainsi, le témoignage uni à l’annonce peut ouvrir le coeur de ceux qui sont à la recherche de la vérité, afin qu’ils puissent parvenir au sens de leur vie.

Une brève réflexion également sur la question centrale de l’impôt à César. Jésus répond par un réalisme politique surprenant, lié au théocentrisme de la tradition prophétique. L’impôt à César doit être payé, car l’effigie sur la pièce de monnaie est la sienne; mais l’homme, chaque homme, porte en lui une autre image, celle de Dieu, et c’est donc à Lui et à Lui seul que chacun doit sa propre existence. Les pères de l’Eglise, en partant du fait que Jésus fait référence à l’image de l’empereur frappée sur la pièce de monnaie de l’impôt, ont interprété ce passage à la lumière du concept fondamental d’homme image de Dieu, contenu dans le premier chapitre du Livre de la Genèse. Un auteur anonyme écrit : « L’effigie de Dieu n’est pas frappée sur l’or, mais sur le genre humain. La monnaie de César est l’or, celle de Dieu est l’humanité ... Donne donc ta richesse matérielle à César, mais réserve à Dieu l’innocence unique de ta conscience, où Dieu est contemplé ... En effet, César a exigé que son effigie apparaisse sur chaque pièce, mais Dieu a choisi l’homme, qu’il a créé, pour refléter sa gloire » (Anonyme, OEuvre incomplète sur Matthieu, homélie 42). Et saint Augustin a utilisé à plusieurs reprises cette référence dans ses homélies : « Si César cherche son effigie sur la monnaie — affirme-t-il —, Dieu ne cherche-t-il point son image dans l’homme ? » (En. in Ps., Psaume 94, 2). Et encore : « Il en est de Dieu comme de César, qui exige que son image soit frappée sur la monnaie ; [...] rendez à Dieu votre âme marquée à la lumière de sa face [...]. Le Christ habite chez l’homme intérieur » (ibid. , Psaume Ps 4,8).

Cette parole de Jésus est riche de contenu anthropologique, et ne peut être réduite à son seul domaine politique. L’Eglise ne peut donc se limiter à rappeler aux autres la juste distinction entre la sphère d’autorité de César et celle de Dieu, entre le domaine politique et le domaine religieux. La mission de l’Eglise, comme celle du Christ, consiste essentiellement à parler de Dieu, à faire mémoire de sa souveraineté, à rappeler à tous, en particulier aux chrétiens qui ont égaré leur identité, le droit de Dieu sur ce qui lui appartient, c’est-à-dire notre vie.

C’est précisément pour donner un élan renouvelé à la mission de toute l’Eglise de conduire les hommes hors du désert dans lequel ils se trouvent souvent, vers le lieu de la vie, l’amitié avec le Christ qui nous donne la vie en plénitude, que je voudrais annoncer en cette célébration eucharistique que j’ai décidé de proclamer une «Année de la foi» que j’illustrerai au moyen d’une Lettre apostolique. Cette « Année de la foi » commencera le 11 octobre 2012, à l’occasion du 50e anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican ii et se conclura le 24 novembre 2013, en la solennité du Christ Roi de l’univers. Il s’agira d’un moment de grâce et d’engagement pour une conversion toujours plus pleine à Dieu, pour renforcer notre foi en Lui et pour l’annoncer avec joie à l’homme de notre temps.

Chers frères et soeurs, vous faites partie des acteurs de la nouvelle évangélisation que l’Eglise a entreprise et qu’elle accomplit, non sans difficulté, mais avec le même enthousiasme que les premiers chrétiens. En conclusion, je fais miennes les paroles de l’apôtre Paul que nous avons écoutées: je rends grâce à Dieu pour vous tous, et je vous assure que je vous porte dans mes prières, en souvenir de votre engagement dans la foi, de votre zèle dans la charité et de votre espérance constante dans Notre Seigneur Jésus Christ. Que la Vierge Marie, qui n’eut pas peur de répondre « oui » à la Parole du Seigneur, et, après l’avoir conçue en son sein, se mit en route pleine de joie et d’espérance, soit toujours votre modèle et votre guide. Apprenez de la Mère du Seigneur et de notre Mère à être humbles et dans le même temps courageux; simples et prudents ; doux et forts, armés non pas de la force du monde, mais de celle de la vérité. Amen.





Benoît XVI Homélies 25911