Benoît XVI Homélies 12909


VOYAGE APOSTOLIQUE EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE (26-28 SEPTEMBRE 2009)


MESSE - Aéroport Turany de Brno Dimanche 27 septembre 2009

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Cher frères et soeurs,

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (
Mt 11,28). Jésus invite tous ses disciples à rester avec lui, à trouver en Lui secours, soutien et réconfort. Il adresse cette invitation en particulier à notre Assemblée liturgique, qui rassemble spirituellement autour du Successeur de Pierre votre Communauté ecclésiale tout entière. Je vous salue tous et chacun personnellement : tout d’abord, l’Évêque de Brno – que je remercie pour les mots cordiaux qu’il m’a adressés au début de la Messe – ainsi que les Cardinaux et les autres Évêques présents. Je salue les prêtres, les diacres, les séminaristes, les religieux et les religieuses, les catéchistes et les agents pastoraux, les jeunes et les nombreuses familles. Mes déférentes salutations vont aussi aux Autorités civiles et militaires, et tout spécialement au Président de la République et son épouse, au Maire de la ville de Brno et au Président de la Région de la Moravie, terre riche en histoire, en activités culturelles, en industries et en commerce. Je désire, en outre, saluer cordialement les pèlerins provenant de toute la région de la Moravie et des diocèses de la Slovaquie, de la Pologne, de l’Autriche et de l’Allemagne.

Chers amis, grâce au caractère que revêt l’Assemblée liturgique d’aujourd’hui, j’ai partagé volontiers le choix, dont vient de parler votre Évêque, d’harmoniser les lectures bibliques de la Messe avec le thème de l’espérance : j’ai partagé ce choix en pensant aussi bien au peuple de ce cher Pays, qu’à l’Europe et à l’humanité entière, qui est assoiffée de quelque chose sur lequel elle puisse baser solidement son propre avenir. Dans ma seconde Encyclique – Spe salvi -, j’ai souligné que l’unique espérance « certaine » et « fiable » (cf. ) se fonde sur Dieu. L’expérience de l’histoire montre à quelles absurdités parvient l’homme quand il exclut Dieu de l’horizon de ses choix et de ses actions, et qu’il n’est pas facile de construire une société inspirée par les valeurs du bien, de la justice et de la fraternité, parce que l’être humain est libre et que sa liberté demeure fragile. La liberté doit alors toujours constamment être conquise pour le bien et la recherche non facile d’« ordonnancements droits pour les choses humaines » est une tâche qui incombe à toutes les générations (cf. ibid., ). Voilà pourquoi, chers amis, nous sommes ici, avant tout à l’écoute, à l’écoute d’une parole qui nous indique la route conduisant à l’espérance ; plus encore, nous sommes à l’écoute d’une parole qui seule peut nous donner une solide espérance parce qu’elle est Parole de Dieu.

Dans la première lecture (Is 61,1-3), le Prophète se présente comme étant investi de la mission d’annoncer à tous les affligés et les pauvres la libération, la consolation et la joie. Jésus a repris ce texte et l’a fait sien dans sa prédication. Bien plus, il a affirmé clairement que la promesse du prophète s’est accompli en Lui (cf. Lc 4,16-21). Elle s’est réalisée entièrement quand, par sa mort sur la croix et par sa résurrection des morts, il nous a libérés de l’esclavage de l’égoïsme et du mal, du péché et de la mort. Et c’est là l’annonce du salut, ancienne et toujours nouvelle, que l’Église proclame de génération en génération : Christ crucifié et ressuscité, Espérance de l’humanité !

Aujourd’hui encore, cette parole de salut résonne avec force dans notre Assemblée liturgique. C’est avec amour que Jésus s’adresse à vous, fils et filles de cette terre bénie, où, il y a plus d’un millénaire, a été jetée la semence de l’Évangile. Votre pays, comme d’autres nations, connaît une situation culturelle qui représente souvent un défit radical pour la foi et, donc, aussi pour l’espérance. En effet, à l’époque moderne, la foi aussi bien que l’espérance ont été « déplacées », car elles ont été reléguées sur le plan privé et ultra-terrestre, tandis qu’a été affirmée dans la vie concrète et publique la confiance dans le progrès scientifique et économique (cf. Spe salvi, ). Nous savons tous qu’un tel progrès est ambigu : il ouvre à la fois de bonnes possibilités et des perspectives négatives. Les développements techniques et l’amélioration des structures sociales sont importants et certainement nécessaires, mais ils ne suffisent pas à garantir le bien-être moral de la société (cf. ibid., ). L’homme a besoin d’être libéré des contraintes matérielles, mais il doit être sauvé, et ce plus profondément, des maux qui troublent son esprit. Et qui peut le sauver, si ce n’est Dieu, qui est Amour et qui a révélé, en Jésus Christ, son visage de Père Tout-Puissant et miséricordieux ? Notre ferme espérance repose donc dans le Christ : en Lui, Dieu nous a aimés jusqu’au bout et il nous a donné la vie en abondance. (cf. Jn 10,10), vie que toute personne, parfois même inconsciemment, désire ardemment posséder.

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos ». Ces paroles de Jésus, écrites en grandes lettres au-dessus de la porte de votre cathédrale de Brno, s’adressent à présent à chacun de nous et Jésus ajoute : « Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos » (Mt 11,29-30). Pouvons-nous rester indifférents face à son amour ? Ici, comme ailleurs, au cours des siècles passés beaucoup ont souffert pour rester fidèles à l’Évangile et n’ont pas perdu l’espérance. Beaucoup se sont sacrifiés pour redonner sa dignité à l’homme et leur liberté aux peuples, trouvant dans l’adhésion généreuse au Christ la force pour construire une humanité nouvelle. Néanmoins, dans la société actuelle, où de nombreuses formes de pauvreté sont le fruit de l’isolement, du non-amour des autres, du refus de Dieu et d’une fermeture initiale tragique de l’homme qui pense pouvoir se suffire à lui-même, ou bien n’être qu’un fait insignifiant et passager ; dans ce monde qui est aliéné « quand il met sa confiance en des projets purement humains » (cf. Caritas in veritate, ), seul Christ peut être notre espérance certaine. C’est là l’annonce que nous, chrétiens, sommes appelés à répandre chaque jour, par notre témoignage.

Annoncez-le, vous chers prêtres, en restant intimement unis à Jésus et en exerçant avec enthousiasme votre ministère, certains que rien ne peut manquer à qui s’en remet à Lui. Témoignez du Christ, vous chers religieux et chères religieuses, par votre pratique joyeuse et cohérente des conseils évangéliques, en montrant quelle est notre véritable patrie : le ciel. Et vous, chers fidèles laïcs, jeunes et adultes, chères familles, qui fondez sur la foi en Christ vos projets familiaux, de travail, d’étude, et les activités de tout domaine de la société. Jésus n’abandonne jamais ses amis. Il leur assure son aide car on ne peut rien faire sans Lui, mais, en même temps, il demande à chacun de s’engager personnellement à répandre son message universel d’amour et de paix. Que vous encourage l’exemple des saints Cyrille et Méthode, les principaux patrons de la Moravie, qui ont évangélisé les peuples slaves, et de Pierre et Paul, auxquels votre cathédrale est dédiée ! Suivez le témoignage lumineux de sainte Zdislava, mère de famille, riche en oeuvres de charité et de pitié ; celui de saint Jean Sarkander, prêtre et martyre ; de saint clément-Marie Hofbauer, prêtre et religieux, né dans ce Diocèse et canonisé il y a 100 ans, et de la bienheureuse Kafkova, religieuse née à Brno et tuée par les nazis à Vienne. Que Marie, Mère du Christ et notre Espérance, vous accompagne et vous protège. Amen.


MESSE EN LA FÊTE LITURGIQUE DE SAINT VENCESLAS, PATRON DE LA NATION

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Esplanade de la rue Melnik à Stará Boleslav - Lundi 28 septembre 2009



Messieurs les Cardinaux,
Chers frères dans l’Episcopat et dans le Sacerdoce,
Chers frères et soeurs,
Chers jeunes,

C’est avec une grande joie que je vous rencontre ce matin, alors que va se conclure mon voyage apostolique dans la bien-aimée République Tchèque, et j’adresse mon cordial salut à vous tous, de façon particulière au Cardinal Archevêque, auquel je suis reconnaissant pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom au commencement de la célébration eucharistique. Mon salut s’étend aux autres Cardinaux, aux Évêques, aux prêtres et aux personnes consacrées, aux représentants des mouvements et des associations de laïcs et spécialement aux jeunes. Je salue avec déférence Monsieur le Président de la République, auquel je présente mes voeux cordiaux à l’occasion de sa fête ; voeux qu’il me plaît d’adresser à ceux qui portent le nom de Venceslas, et au peuple tchèque tout entier au jour de sa fête nationale.

Ce matin le souvenir glorieux du martyre saint Venceslas, dont j’ai pu vénérer la relique, avant la messe, dans la Basilique qui lui est dédiée, nous réunit autour de l’autel. Il a versé son sang sur votre terre et son aigle que vous avez choisi comme écusson de la visite d’aujourd’hui – votre Cardinal Archevêque l’a rappelé il y a peu – constitue l’emblème historique de la noble Nation tchèque. Ce grand saint que vous aimez appeler ‘éternel’ Prince des Tchèques, nous invite à suivre toujours et fidèlement le Christ, il nous invite à être des saints. Lui-même est un modèle de sainteté pour tous, spécialement pour tous ceux qui conduisent le destin des communautés et des peuples. Mais nous nous demandons : de nos jours la sainteté est-elle encore actuelle ? ou n’est-ce pas plutôt un sujet peu attirant et peu important ? Ne recherche-t-on pas davantage aujourd’hui le succès et la gloire des hommes ? Cependant, combien dure et combien vaut le succès terrestre ?

Le siècle passé – et votre terre en a été le témoin – a vu tomber de nombreux puissants, qui paraissaient arrivés à des hauteurs presque inaccessibles. Á l’improviste, ils se sont retrouvés privés de leur pouvoir. Celui qui a nié et continue à nier Dieu et, en conséquence, ne respecte pas l’homme, semble avoir une vie facile et accéder au succès matériel. Mais il suffit de gratter la surface pour constater que, dans ces personnes, il y a de la tristesse et de l’insatisfaction. Seul celui qui conserve dans son coeur la sainte ‘crainte de Dieu’ a aussi confiance en l’homme et consacre son existence à construire un monde plus juste et plus fraternel. Aujourd’hui on a besoin de personnes qui soient ‘croyantes’ et ‘crédibles’, prêtes à répandre dans tous les milieux de la société ces principes et ces idéaux chrétiens dont s’inspire leur action. C’est cela la sainteté, vocation universelle de tous les baptisés, qui pousse à accomplir son devoir avec fidélité et courage, regardant non pas son propre intérêt égoïste, mais le bien commun, et recherchant à tout moment la volonté divine.

Dans la page évangélique nous avons entendu à ce sujet des paroles très claires : « Quel avantage – affirme Jésus – un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? » (
Mt 16,26). Il nous incite ainsi à considérer que la valeur authentique de l’existence humaine n’est pas mesurée seulement aux biens terrestres et aux intérêts passagers, parce que ce ne sont pas les réalités matérielles qui satisfont la soif profonde de sens et de bonheur qu’il y a dans le coeur de toute personne. C’est pourquoi Jésus n’hésite pas à proposer à ses disciples la voie ‘étroite’ de la sainteté : « Qui perd sa vie à cause de moi la gardera » (Mt 16,25). Et il nous répète résolument ce matin : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (Mt 16,24). C’est certainement un langage dur, difficile à accepter et à mettre en pratique, mais le témoignage des saints et des saintes assure que c’est possible pour tous, si on a foi dans le Christ et si on s’en remet à lui. Leur exemple encourage celui qui se dit chrétien à être crédible, c’est-à-dire cohérent avec les principes et la foi qu’il professe. Il ne suffit pas en effet d’apparaître bons et honnêtes ; il faut l’être réellement. Bon et honnête est celui qui ne couvre pas de son moi la lumière de Dieu, ne se met pas en avant lui-même, mais laisse Dieu transparaître.

C’est cela la leçon de vie de saint Venceslas, qui eut le courage de préférer le royaume du ciel à la fascination de celui de la terre. Son regard ne se détacha jamais de Jésus Christ, qui souffrit pour nous, nous laissant un exemple, pour que nous en suivions les traces, comme écrit saint Pierre dans la seconde lecture proclamée tout à l’heure. En disciple docile du Seigneur, le jeune souverain Venceslas demeura fidèle aux enseignements évangéliques que lui avait donnés sa sainte grand-mère, la martyre Ludmila. Les suivant encore avant de s’engager à construire une cohabitation pacifique à l’intérieur de la Patrie et avec les pays voisins, il mit tout en oeuvre pour propager la foi chrétienne, appelant des prêtres et construisant des églises. Dans le premier ‘récit’ paléoslave on lit qu’ « il servait les ministres de Dieu et il embellissait beaucoup d’églises » et qu’« il faisait du bien à tous les pauvres, vêtait ceux qui étaient nus, nourrissait les affamés, recueillait les voyageurs, selon la parole de l’Evangile. Il ne souffrait pas qu’on fasse du tort aux veuves, il aimait tous les hommes, qu’ils soient pauvres ou riches ». Il apprit du Seigneur à être « miséricordieux et pieux » (Psaume resp.) et animé d’un esprit évangélique il parvint à pardonner même à son frère, qui avait attenté à sa vie. Par conséquent, vous l’invoquez à juste titre comme ‘Héritier’ de votre Nation, et, dans un cantique que vous connaissez bien, vous lui demandez de ne pas permettre qu’elle périsse.

Venceslas est mort martyr pour le Christ. Il est intéressant de noter que son frère Boleslas réussit, en le tuant, à s’emparer du trône de Prague, mais la couronne que par la suite ses successeurs se mettaient sur la tête ne portait pas son nom. Elle portait le nom de Venceslas, en témoignage que «le trône du roi qui juge les pauvres dans la vérité restera solide pour l’éternité » (cf. l’Office des lectures de ce jour). Ce fait fut jugé comme une merveilleuse intervention de Dieu, qui n’abandonne pas ses fidèles : « l’innocent vaincu vainc le cruel vainqueur de la même façon que le Christ sur la croix » (cf. La légende de saint Venceslas), et le sang du martyr n’a appelé ni haine ni vengeance, mais le pardon et la paix.

Chers frères et soeurs, en cette Eucharistie, remercions ensemble le Seigneur d’avoir donné à votre Patrie et à l’Eglise ce saint souverain. Prions en même temps pour que, comme lui, nous aussi nous marchions d’un pas alerte vers la sainteté. C’est certainement difficile, parce que la foi est toujours exposée à de multiples défis, mais quand on se laisse attirer par Dieu qui est Vérité, le chemin se fait décidé, parce qu’on fait l’expérience de la force de son amour. Que l’intercession de saint Venceslas et des autres saints protecteurs des terres tchèques nous obtienne cette grâce. Que Marie, Reine de la paix et Mère de l’Amour nous protège et nous assiste toujours. Amen !



OUVERTURE DE LA II ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES

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Basilique Vaticane - Dimanche 4 octobre 2009




Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs,
Chers frères et soeurs,

Pax vobis - la paix soit avec vous! Par cette salutation liturgique, je m'adresse à vous tous, qui êtes rassemblés dans la basilique vaticane, où il y a quinze ans, le 10 avril 1994, le serviteur de Dieu Jean-Paul II a ouvert la première assemblée spéciale pour l'Afrique du synode des évêques. Le fait que nous nous trouvons aujourd'hui à inaugurer la seconde, signifie que celle-ci a certainement été un événement historique, mais pas isolé. Ce fut le point d'arrivée d'un cheminement qui s'est ensuite prolongé, et qui arrive maintenant à une nouvelle étape significative d'analyse et de relance. Rendons grâce au Seigneur pour cela! J'adresse la plus cordiale bienvenue aux membres de l'assemblée synodale qui concélèbrent avec moi cette sainte Eucharistie, les experts et les auditeurs, en particulier ceux qui viennent de la terre d'Afrique. Je salue avec une gratitude personnelle le secrétaire général du synode et ses collaborateurs. Je suis très heureux de la présence parmi nous de Sa Sainteté Abouna Paulos, patriarche de l'Eglise orthodoxe Tewahedo d'Ethiopie, que je remercie cordialement, et des délégués fraternels des autres Eglises et des Communautés ecclésiales. Je suis aussi heureux d'accueillir les autorités civiles et les ambassadeurs qui ont voulu participer à ce moment; je salue avec affection les prêtres, les religieuses et les religieux, les représentants d'organismes, de mouvements et d'associations et le choeur congolais qui anime notre célébration avec celui de la Chapelle Sixtine.

Les lectures bibliques de ce dimanche parlent du mariage. Mais, plus radicalement, elles parlent du dessein de la création, de l'origine et donc, de Dieu. C'est à ce niveau que converge aussi la seconde lecture, tirée de la Lettre aux Hébreux, là où elle dit: "Celui qui sanctifie - c'est-à-dire Jésus Christ - et ceux qui sont sanctifiés - c'est-à-dire les hommes - viennent tous de la même origine, c'est pourquoi il n'a pas honte de les appeler frères" (
He 2,11). Le primat du Dieu Créateur ressort donc de façon évidente de l'ensemble des lectures, avec cette validité éternelle de son empreinte originelle et la préséance absolue de sa seigneurie, de cette seigneurie que les enfants savent accueillir mieux que les adultes, et c'est pour cela que Jésus les désigne comme le modèle pour entrer dans le royaume des cieux (cf. Mc 10,13-15). Or, la reconnaissance de la seigneurie absolue de Dieu est certainement l'un des traits saillants et unifiants de la culture africaine. Naturellement, en Afrique, il y a de multiples cultures différentes, mais elles semblent toutes concorder sur ce point: Dieu est le Créateur et la source de la vie. Or, la vie - nous le savons bien - se manifeste en premier lieu dans l'union entre l'homme et la femme et dans la naissance des enfants; la loi divine, écrite dans la nature, est par conséquent plus forte et l'emporte sur toute loi humaine, selon l'affirmation nette et concise de Jésus: "Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni" (Mc 10,9). La perspective n'est pas d'abord morale: avant même le devoir, elle concerne l'être, l'ordre inscrit dans la création.

Chers frères et soeurs, dans ce sens, la liturgie de la Parole d'aujourd'hui - au-delà de la première impression - se révèle particulièrement adaptée pour accompagner l'ouverture d'une assemblée synodale dédiée à l'Afrique. Je voudrais souligner en particulier certains aspects qui émergent avec force et qui interpellent le travail qui nous attend. Le premier, déjà mentionné: le primat de Dieu, Créateur et Seigneur. Le deuxième: le mariage. Le troisième: les enfants. A propos du premier aspect, l'Afrique est dépositaire d'un trésor inestimable pour le monde entier: son profond sens de Dieu, que j'ai pu percevoir directement dans mes rencontres avec les évêques africains en visite "ad limina", et encore plus lors du récent voyage apostolique au Cameroun et en Angola, dont je conserve un souvenir empli de gratitude et d'émotion. C'est justement à ce pèlerinage en terre africaine que je voudrais maintenant me référer parce que c'est alors que j'ai idéalement ouvert cette assemblée synodale, en remettant l'Instrument de travail aux présidents des conférences épiscopales et aux chefs des synodes des évêques des Eglises orientales catholiques.

Lorsque l'on parle des trésors de l'Afrique, notre pensée va immédiatement aux ressources dont le continent est riche et qui sont malheureusement devenues, et continuent parfois de l'être, une source d'exploitation, de conflit et de corruption. La Parole de Dieu nous fait au contraire nous tourner vers un autre patrimoine: le patrimoine spirituel et culturel dont l'humanité a besoin encore plus que de matières premières. "En effet - dirait Jésus - quel avantage, un homme a-t-il à gagner le monde entier s'il le paye de sa vie?" (Mc 8,36). De ce point de vue, l'Afrique représente un immense "poumon" spirituel, pour une humanité qui semble en crise de foi et d'espérance. Mais ce "poumon" peut aussi tomber malade. Et, à l'heure actuelle, au moins deux pathologies dangereuses sont en train de l'attaquer: avant tout, une maladie déjà diffusée dans le monde occidental, à savoir le matérialisme pratique, associé à la pensée relativiste et nihiliste. Sans parler de la genèse de tels maux de l'esprit, il est toutefois indiscutable que le soi-disant "premier" monde a parfois exporté et continue d'exporter des déchets spirituels toxiques qui contaminent les populations des autres continents, parmi lesquels justement les populations africaines. C'est dans ce sens que le colonialisme, qui a pris fin au plan politique, n'est jamais tout à fait terminé. Mais, justement dans cette perspective, il faut signaler un second "virus" qui pourrait également toucher l'Afrique, à savoir le fondamentalisme religieux, lié à des intérêts politiques et économiques. Des groupes qui s'inspirent des différentes appartenances religieuses sont en train de se répandre sur le continent africain; ils le font au nom de Dieu, mais selon une logique opposée à la logique divine, c'est-à-dire en enseignant et en pratiquant non pas l'amour et le respect de la liberté, mais l'intolérance et la violence.

En ce qui concerne le thème du mariage, le texte du chapitre 2 du Livre de la Genèse nous en a rappelé le fondement perpétuel, que Jésus lui-même a confirmé: "A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un" (Gn 2,24). Comment ne pas rappeler l'étonnant cycle de catéchèse, que le serviteur de Dieu Jean-Paul ii a dédié à un tel sujet, à partir d'une exégèse, ô combien approfondie, de ce texte biblique? Aujourd'hui, en nous le proposant justement à l'ouverture du synode, la liturgie nous offre la lumière surabondante de la vérité révélée et incarnée dans le Christ, avec laquelle on peut considérer la thématique complexe du mariage dans le contexte ecclésial et social africain. Sur cet autre point cependant, je voudrais offrir brièvement une suggestion qui précède toute réflexion et toute indication de type moral, et qui est liée encore au primat du sens du sacré et de Dieu. Le mariage, tel que la Bible nous le présente, n'existe pas en dehors de la relation avec Dieu. La vie conjugale entre l'homme et la femme, et donc de la famille qui en découle, est inscrite dans la communion avec Dieu et, à la lumière du Nouveau Testament, elle devient une icône de l'Amour trinitaire et le sacrement de l'union du Christ avec l'Eglise. Dans la mesure où elle conserve et développe sa foi, l'Afrique pourra trouver des ressources immenses à donner en faveur de la famille fondée sur le mariage.

En incluant également dans l'épisode évangélique le texte sur Jésus et les enfants (Mc 10,13-15), la liturgie nous invite à considérer d'ores et déjà, dans notre sollicitude pastorale, la réalité de l'enfance qui constitue une grande partie, même si elle est malheureusement souffrante, de la population africaine. Dans la scène où Jésus accueille les enfants, en s'opposant avec indignation à ses propres disciples qui voulaient les éloigner, nous voyons l'image de l'Eglise qui, en Afrique et dans toute autre partie de la terre, manifeste sa maternité surtout à l'égard des plus petits, même lorsqu'ils ne sont pas encore nés. Comme le Seigneur Jésus, l'Eglise ne voit pas en eux avant tout les destinataires d'une aide, et encore moins que jamais d'un piétisme ou d'une manipulation, mais des personnes à part entière qui, par leur façon d'être, montrent la voie maîtresse pour entrer dans le royaume de Dieu, à savoir celle qui consiste à s'en remettre sans condition à son amour.

Chers frères, ces indications qui proviennent de la Parole de Dieu s'insèrent dans le vaste horizon de l'assemblée synodale qui commence aujourd'hui, et qui se rattache à celle qui a déjà été dédiée précédemment au continent africain, dont les fruits ont été présentés par le Pape Jean-Paul ii, de vénérée mémoire, dans l'exhortation apostolique Ecclesia in Africa. Le devoir premier de l'évangélisation, voire d'une nouvelle évangélisation qui tienne compte des mutations sociales rapides de notre époque et du phénomène de la mondialisation, reste naturellement valide et actuel. Il faut en dire autant du choix pastoral d'édifier l'Eglise comme Famille de Dieu (cf. ibid., ). C'est dans ce large sillage que se situe la seconde assemblée, qui a pour thème: "L'Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. "Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde" (Mt 5,13 Mt 5,14)". Ces dernières années, l'Eglise catholique en Afrique a connu un grand dynamisme, et l'assise synodale est l'occasion d'en rendre grâce au Seigneur. Et puisque la croissance de la communauté ecclésiale dans tous les domaines comporte également des défis ad intra et ad extra, le synode est un moment propice pour repenser l'activité pastorale et renouveler l'élan d'évangélisation. Pour devenir lumière du monde et sel de la terre, il faut toujours davantage viser la "haute mesure" de la vie chrétienne, c'est-à-dire la sainteté. Les pasteurs et tous les membres de la communauté ecclésiale sont appelés à être saints; les fidèles laïcs sont appelés à diffuser le parfum de la sainteté dans la famille, sur les lieux de travail, à l'école et dans tout autre milieu social et politique. Puisse l'Eglise en Afrique être toujours une famille de disciples du Christ authentiques, où les différences entre les ethnies deviennent le motif et le stimulant d'un enrichissement humain et spirituel réciproque.

Par son action d'évangélisation et de promotion humaine, l'Eglise peut certainement apporter en Afrique une grande contribution à toute la société, qui connaît malheureusement dans plusieurs pays la pauvreté, les injustices, les violences et les guerres. La vocation de l'Eglise, communauté de personnes réconciliées avec Dieu et entre elles, est d'être prophétie et ferment de réconciliation entre les différents groupes ethniques, linguistiques et aussi religieux, à l'intérieur de chaque nation et sur tout le continent. La réconciliation, don de Dieu que les hommes doivent implorer et accueillir, est un fondement stable sur lequel construire la paix, condition indispensable pour le progrès authentique des hommes et de la société, selon le projet de justice voulu par Dieu. Ouverte à la grâce rédemptrice du Seigneur ressuscité, l'Afrique sera ainsi toujours plus éclairée par sa lumière et, en se laissant guider par l'Esprit Saint, elle deviendra une bénédiction pour l'Eglise universelle, apportant sa contribution qualifiée à l'édification d'un monde plus juste et fraternel.

Chers pères synodaux, merci de la contribution que chacun d'entre vous apportera aux travaux des prochaines semaines, qui seront pour nous une expérience renouvelée de communion fraternelle qui rejaillira au bénéfice de toute l'Eglise, spécialement dans le contexte de cette Année sacerdotale. Et à vous, chers frères et soeurs, je demande de nous accompagner de votre prière. Je le demande aux personnes présentes; je le demande aux monastères contemplatifs et aux communautés religieuses présentes en Afrique et dans le monde entier, aux paroisses et aux mouvements, aux malades et aux personnes souffrantes: à tous je demande de prier pour que le Seigneur rende féconde cette seconde assemblée spéciale pour l'Afrique du synode des évêques. Invoquons sur elle la protection de saint François d'Assise, dont nous faisons aujourd'hui mémoire, celle de tous les saints et saintes africains et, de façon particulière, celle de la Sainte Vierge Marie, Mère de l'Eglise et Notre Dame d'Afrique. Amen!



CANONISATION de ZYGMUNT SZCZESNY FELINSKI (1822 – 1895) FRANCISCO COLL Y GUITART (1812 – 1875) JOZEF DAMIAAN DE VEUSTER (1840 – 1889)

RAFAEL ARNÁIZ BARÓN (1911 – 1938) MARIE DE LA CROIX (JEANNE) JUGAN (1792 – 1879) - Dimanche 11 octobre 2009

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Basilique Vaticane


Chers frères et soeurs!

"Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle?". C'est par cette question que commence le bref dialogue que nous avons écouté dans la page de l'Evangile entre un personnage, ailleurs identifié comme le jeune homme riche, et Jésus (cf.
Mc 10,17-30). Nous n'avons pas beaucoup de détails concernant ce personnage anonyme; de ces quelques traits, nous arrivons cependant à percevoir son désir sincère de parvenir à la vie éternelle en conduisant une honnête et vertueuse existence terrestre. Il connaît en effet les commandements et les observe fidèlement depuis le début de sa jeunesse. Et pourtant, tout ceci, qui est certes important, ne suffit pas - dit Jésus - une seule chose manque, mais elle est essentielle. En le voyant alors bien disposé, le divin Maître le fixe avec amour et lui propose le saut de qualité, l'appelle à l'héroïsme de la sainteté et lui demande de tout abandonner pour le suivre: "Vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres (...) puis viens et suis-moi" (Mc 10,21).

"Viens et suis-moi!". Voilà la vocation chrétienne qui jaillit d'une proposition d'amour du Seigneur et qui ne peut se réaliser que grâce à notre réponse d'amour. Jésus invite ses disciples au don total de leur vie, sans calcul ni intérêt humain, avec une confiance sans réserve en Dieu. Les saints accueillent cette invitation exigeante et se mettent, avec une humble docilité, à la suite du Christ crucifié et ressuscité. Leur perfection, dans la logique de la foi parfois humainement incompréhensible, consiste à ne plus se mettre au centre, mais à choisir d'aller à contre-courant en vivant selon l'Evangile. C'est ce qu'ont fait les cinq saints qui sont proposés aujourd'hui, avec grande joie, à la vénération de l'Eglise universelle: Zygmunt Szczesny Felinski, Francisco Coll y Guitart, Jozef Damiaan de Veuster, Rafael Arnáiz Barón, et Marie de la Croix (Jeanne) Jugan. En eux, nous contemplons la réalisation des paroles de l'apôtre Pierre: "Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre" (Mc 10,28) et la consolante promesse de Jésus: "personne n'aura quitté, à cause de moi et de l'Evangile, une maison, des frères, des soeurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu'il reçoive, en ce temps déjà, le centuple: ... avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle" (Mc 10,29-30).

Zygmunt Szczesny Felinski, Archevêque de Varsovie, fondateur de la Congrégation des Soeurs Franciscaines de la Famille de Marie, a été un grand témoin de la foi et de la charité pastorale à une époque très difficile pour la nation et pour l'Eglise en Pologne. Il s'occupait avec ferveur de la croissance spirituelle de ses fidèles, aidait les pauvres et les orphelins. A l'Académie ecclésiastique de Saint-Pétersbourg, il prit grand soin de la formation des prêtres. En tant qu'Archevêque de Varsovie, il invita avec ferveur tous les fidèles à un renouveau intérieur. Avant l'insurrection de 1863 contre l'annexion russe, il mit en garde le peuple contre une inutile effusion de sang. Quand pourtant l'émeute éclata et que les persécutions s'ensuivirent, il défendit courageusement les opprimés. Sur ordre du tsar russe, il passa vingt ans en exil à Jaroslaw sur la Volga, sans jamais pouvoir rentrer dans son diocèse. Il conserva en toute situation sa foi inébranlable dans la Providence divine et priait ainsi: "Ô, Dieu, protège-nous des tribulations et des inquiétudes de ce monde... multiplie l'amour dans nos coeurs et fais que nous conservions avec la plus profonde humilité la confiance infinie dans Ton aide et dans Ta miséricorde...". Aujourd'hui, que son don de soi à Dieu et aux hommes, empli de confiance et d'amour, devienne un exemple éclatant pour toute l'Eglise.

Saint Paul nous rappelle dans la deuxième lecture que "la Parole de Dieu est vivante et énergique" (He 4,12). En elle, le Père qui est aux cieux, converse amoureusement avec ses fils de tous les temps (cf. Dei Verbum DV 21), leur communiquant son amour infini et, de cette manière, les encourageant, les consolant et leur offrant son dessein de salut pour l'humanité et pour chaque personne. Conscient de cela, saint Francisco Coll se consacra avec acharnement à la propager, accomplissant ainsi fidèlement sa vocation dans l'Ordre des Prêcheurs, dans lequel il fit profession. Sa passion était d'aller prêcher, en grande partie de manière itinérante et suivant la forme des "missions populaires" pour annoncer et raviver la Parole de Dieu dans les villages et les villes de la Catalogne, aidant ainsi les personnes à une rencontre profonde avec Lui. Une rencontre qui porte à la conversion du coeur, à recevoir avec joie la grâce divine et à maintenir un dialogue constant avec Notre Seigneur par la prière. Pour lui, son activité d'évangélisation comprenait un grand dévouement au Sacrement de la Réconciliation, une emphase remarquable sur l'Eucharistie et une insistance constante sur la prière. Francisco Coll atteignait le coeur des autres parce qu'il transmettait ce que lui-même vivait intérieurement avec passion, ce qui brûlait ardemment dans son coeur: l'amour du Christ, son dévouement total à Lui. Pour que la semence de la Parole de Dieu rencontre un terrain fertile, Francisco fonda la Congrégation des Soeurs Dominicaines de l'Annonciation, dans le but de donner une éducation intégrale aux enfants et aux jeunes, de façon à ce qu'ils puissent découvrir la richesse insondable qu'est le Christ, l'ami fidèle qui ne nous abandonne jamais ni ne se lasse d'être à nos côtés, renforçant notre espérance avec sa Parole de vie.

Jozef De Veuster, qui reçut le nom de Damiaan dans la Congrégation des Sacrés Coeurs de Jésus et de Marie, quitta la Flandre, son pays natal, en 1863, à l'âge de 23 ans, pour annoncer l'Evangile à l'autre bout du monde, sur les îles Hawaï. Son activité missionnaire, qui l'a tellement rempli de joie, atteint son sommet dans la charité. Non sans peur et sans répugnance, il fit le choix d'aller sur l'île de Molokai au service des lépreux qui s'y trouvaient, abandonnés de tous; c'est ainsi qu'il s'exposa à la maladie dont ils souffraient. Il se sentait chez lui avec eux. Le serviteur de la Parole devint ainsi un serviteur souffrant, lépreux parmi les lépreux, au cours des quatre dernières années de sa vie. Pour suivre le Christ, le Père Damien n'a pas seulement quitté sa patrie, mais a également mis en jeu sa santé: c'est pour cela - comme le dit la parole de Jésus qui a été annoncée dans l'Evangile d'aujourd'hui - qu'il a reçu la vie éternelle (cf. Mc 10,30). En ce 20 anniversaire de la canonisation d'un autre saint belge, le Frère Mutien-Marie, l'Église en Belgique est unie une nouvelle fois pour rendre grâce à Dieu pour l'un de ses fils reconnu comme un authentique serviteur de Dieu. Nous nous souvenons devant cette noble figure que c'est la charité qui fait l'unité: elle l'enfante et la rend désirable. À la suite de saint Paul, saint Damien nous entraîne à choisir les bons combats (cf. 1Tm 1,18), non pas ceux qui portent la division, mais ceux qui rassemblent. Il nous invite à ouvrir les yeux sur les lèpres qui défigurent l'humanité de nos frères et appellent encore aujourd'hui, plus que notre générosité, la charité de notre présence servante.

En revenant à l'Evangile d'aujourd'hui, à la figure du jeune qui présente à Jésus son désir d'être bien plus qu'un bon exécuteur des devoirs que lui imposent la loi, répond la figure de Frère Rafael, canonisé aujourd'hui, mort à vingt-sept ans comme Oblat de la Trappe de San Isidro de Dueñas. Même s'il était de famille aisée et, comme il le disait lui-même, d'"âme un peu rêveuse", ses rêves ne se dissipèrent pas devant l'attachement aux biens matériels et à d'autres buts que la vie du monde propose parfois avec grande insistance. Il répondit oui à la proposition de suivre Jésus, de manière immédiate et décidée, sans limites ni conditions. De cette manière, il entreprit un chemin qui, du moment où il se rendit compte dans le Monastère, qu'il "ne savait pas prier", le porta en quelques années au sommet de sa vie spirituelle qu'il relate avec une grande simplicité et un grand naturel dans de nombreux écrits. Frère Rafael, encore proche de nous, continue à nous offrir par son exemple et son oeuvre un parcours attractif, en particulier pour les jeunes qui ne se contentent pas facilement, mais aspirent à la plénitude de la vérité, à la plus indicible joie que l'on atteint pour l'amour de Dieu. "Vie d'amour... C'est là la seule raison de vivre" dit le nouveau Saint. Et il insiste: "De l'amour de Dieu provient toute chose". Que le Seigneur écoute avec bienveillance l'une des dernières prières de Saint Rafael Arnáiz, lorsqu'il lui remit toute sa vie en suppliant: "Prends moi et donne-Toi au monde". Qui se donne pour ranimer la vie intérieure des chrétiens d'aujourd'hui. Qui se donne pour que ses frères de la Trappe et les centres monastiques continuent à être le phare qui permet de découvrir le désir intime de Dieu qu'il a placé dans tout coeur humain.

Par son oeuvre admirable au service des personnes âgées les plus démunies, Sainte Marie de la Croix est aussi comme un phare pour guider nos sociétés qui ont toujours à redécouvrir la place et l'apport unique de cette période de la vie. Née en 1792 à Cancale, en Bretagne, Jeanne Jugan a eu le souci de la dignité de ses frères et de ses soeurs en humanité, que l'âge a rendus vulnérables, reconnaissant en eux la personne même du Christ. "Regardez le pauvre avec compassion, disait-elle, et Jésus vous regardera avec bonté, à votre dernier jour". Ce regard de compassion sur les personnes âgées, puisé dans sa profonde communion avec Dieu, Jeanne Jugan l'a porté à travers son service joyeux et désintéressé, exercé avec douceur et humilité du coeur, se voulant elle-même pauvre parmi les pauvres. Jeanne a vécu le mystère d'amour en acceptant, en paix, l'obscurité et le dépouillement jusqu'à sa mort. Son charisme est toujours d'actualité, alors que tant de personnes âgées souffrent de multiples pauvretés et de solitude, étant parfois même abandonnées de leurs familles. L'esprit d'hospitalité et d'amour fraternel, fondé sur une confiance illimitée dans la Providence, dont Jeanne Jugan trouvait la source dans les Béatitudes, a illuminé toute son existence. Cet élan évangélique se poursuit aujourd'hui à travers le monde dans la Congrégation des Petites Soeurs des Pauvres, qu'elle a fondée et qui témoigne à sa suite de la miséricorde de Dieu et de l'amour compatissant du Coeur de Jésus pour les plus petits. Que sainte Jeanne Jugan soit pour les personnes âgées une source vive d'espérance et pour les personnes qui se mettent généreusement à leur service un puissant stimulant afin de poursuivre et de développer son oeuvre!

Chers frères et soeurs, rendons grâce au Seigneur pour le don de la sainteté qui resplendit aujourd'hui dans l'Eglise avec une beauté singulière. Alors que je salue affectueusement chacun d'entre vous - Cardinaux, Evêques, autorités civiles et militaires, prêtres, religieux et religieuses, fidèles laïcs de différentes nationalités qui prenez part à cette solennelle célébration eucharistique -, je voudrais vous adresser à tous l'appel à vous laisser attirer par les lumineux exemples de ces saints, à vous laisser guider par leurs enseignements pour que toute notre existence devienne un cantique de louange à l'amour de Dieu. Que leur intercession céleste et surtout la protection maternelle de Marie, Reine des Saints et Mère de l'humanité, nous obtienne cette grâce. Amen.




Benoît XVI Homélies 12909