Benoît XVI Homélies 7310

VISITE PASTORALE et MESSE À LA PAROISSE ROMAINE « SAN GIOVANNI DELLA CROCE » Dimanche 7 mars 2010

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Chers frères et soeurs!

« Convertissez-vous, dit le Seigneur, le Royaume des cieux est proche », avons-nous proclamé avant l'Evangile de ce troisième dimanche de Carême, qui nous présente le thème fondamental de ce « temps fort » de l'année liturgique: l'invitation à la conversion de notre vie et à accomplir de dignes oeuvres de pénitence. Jésus, comme nous venons de l'écouter, évoque deux épisodes de faits divers: une répression brutale de la part de la police romaine à l'intérieur du temple (cf.
Lc 13,1) et la tragédie de dix-huit personnes ayant trouvé la mort dans l'écroulement de la tour de Siloé (Lc 13,4). Les gens interprètent ces faits comme une punition divine pour les péchés de ces victimes, et, se considérant justes, se croient à l'abri de ces accidents, pensant ne pas avoir besoin de conversion dans leur vie. Mais Jésus dénonce cette attitude comme une illusion: « Pensez-vous que, pour avoir subi pareil sort, ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens? Eh bien non, je vous le dis; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux » (Lc 13,2-3). Et il invite à réfléchir sur ces faits, en vue d'un plus grand engagement sur le chemin de conversion, car c'est précisément le fait d'être fermé au Seigneur, de ne pas parcourir la voie de la conversion de soi, qui conduit à la mort, celle de l'âme. Au cours du carême, chacun de nous est invité par Dieu à accomplir un tournant dans son existence, en pensant et en vivant selon l'Evangile, en corrigeant quelque chose dans sa façon de prier, d'agir, de travailler et dans les relations avec les autres. Jésus nous adresse cet appel non pas en vertu d'une sévérité gratuite, mais précisément parce qu'il se préoccupe de notre bien, de notre bonheur, de notre salut. Pour notre part, nous devons lui répondre avec un effort intérieur sincère, en lui demandant de nous faire comprendre sur quels points en particulier nous devons nous convertir.

La conclusion du passage évangélique reprend la perspective de la miséricorde, en montrant la nécessité et l'urgence de retourner à Dieu, de renouveler la vie selon Dieu. Se référant à une coutume de son époque, Jésus présente la parabole d'un figuier planté dans une vigne; toutefois, ce figuier se révèle stérile, il ne donne pas de fruit. (cf. Lc 13,6-9). Le dialogue qui a lieu entre le maître et le vigneron manifeste, d'une part, la miséricorde de Dieu, qui est patient et laisse à l'homme, à nous tous, un temps pour la conversion; et, de l'autre, la nécessité de commencer immédiatement un changement intérieur et extérieur dans la vie pour ne pas perdre les occasions que la miséricorde de Dieu nous offre pour surmonter notre paresse spirituelle et répondre à l'amour de Dieu par notre amour filial.

Saint Paul lui aussi, dans le passage que nous avons écouté, nous exhorte à ne pas nous faire d'illusion: il ne suffit pas d'avoir été baptisés et d'avoir été nourris à la même table eucharistique, si l'on ne vit pas en tant que chrétiens et si l'on est pas attentif aux signes du Seigneur (cf. 1Co 10,1-4).

Très chers frères et soeurs de la paroisse « San Giovanni della Croce » ! Je suis très heureux d'être parmi vous, aujourd'hui, pour célébrer avec vous le Jour du Seigneur. Je salue cordialement le cardinal-vicaire, l'évêque auxiliaire du secteur, votre curé, dom Enrico Gemma, que je remercie pour les belles paroles qu'il m'a adressées au nom de tous, et les autres prêtres qui collaborent avec lui. Je voudrais également étendre ma pensée à tous les habitants du quartier, en particulier les personnes âgées, les malades, les personnes seules et en difficulté. Je rappelle tous et chacun au Seigneur au cours de cette Messe.

Je sais que votre paroisse est une communauté jeune. En effet, elle a commencé son activité pastorale en 1989, pendant douze ans dans des locaux provisoires, puis dans le nouveau complexe paroissial. A présent que vous disposez d'un nouvel édifice sacré, ma visite désire vous encourager à réaliser toujours plus l'Eglise de pierres vivantes que vous êtes. Je sais que l'expérience des douze premières années a marqué un style de vie qui demeure encore. Le manque de structures adaptées et de traditions consolidées vous a, en effet, poussés à vous confier à la force de la parole de Dieu, qui a été une lampe sur le chemin et qui a porté des fruits concrets de conversion, de participation aux Sacrements, en particulier à l'Eucharistie du dimanche, et de service. Je vous exhorte à présent à faire de cette Eglise un lieu dans lequel on apprend toujours plus à écouter le Seigneur qui nous parle dans les Saintes Ecritures. Celles-ci demeurent toujours le centre vivifiant de votre communauté afin qu'elle devienne une école permanente de vie chrétienne, dont découle toute activité pastorale.

La construction de la nouvelle église paroissiale vous a poussés à un engagement apostolique commun, avec une attention particulière dans le domaine de la catéchèse et de la liturgie. Je me réjouis des efforts pastoraux que vous êtes en train d'accomplir. Je sais que divers groupes de fidèles se réunissent pour prier, se former à l'école de l'Evangile, participer aux Sacrements – notamment ceux de la Pénitence et de l'Eucharistie – et vivre cette dimension essentielle pour la vie chrétienne qu'est la charité. Je pense avec gratitude à tous ceux qui contribuent à rendre plus vivantes et activement vécues les célébrations liturgiques, ainsi qu'à ceux qui, à travers la Caritas paroissiale et le groupe de Sant'Egidio, essaient d'aller à la rencontre des si nombreuses exigences du territoire, en particulier les attentes des personnes les plus pauvres et les plus indigentes. Je pense, enfin, à ce que vous accomplissez de manière louable en faveur des familles, de l'éducation chrétienne des enfants et de ceux qui fréquentent l'aumônerie.

Depuis sa naissance, cette paroisse s'est ouverte aux Mouvements et aux nouvelles communautés ecclésiales, en développant ainsi une plus ample conscience de l'Eglise et en expérimentant de nouvelles formes d'évangélisation. Je vous exhorte à poursuivre avec courage dans cette direction, en vous engageant, toutefois, à impliquer toutes les réalités présentes dans un projet pastoral unitaire. J'ai appris avec plaisir que votre communauté se propose de promouvoir, dans le respect des vocations et des rôles des personnes consacrées et des laïcs, la coresponsabilité de tous les membres du Peuple de Dieu. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler, cela exige un changement de mentalité, en particulier à l'égard des laïcs, « en ne les considérant plus seulement comme des "collaborateurs" du clergé, mais en les reconnaissant réellement comme "coresponsables" de l'être et de l'agir de l'Eglise, en favorisant la consolidation d'un laïcat mûr et engagé » (cf. Discours d'ouverture du congrès ecclésial du diocèse de Rome, 26 mai 2009; cf. ORLF n. 22 du 2 juin 2009).

Très chères familles chrétiennes, très chers jeunes qui habitez ce quartier et fréquentez cette paroisse, laissez-vous toujours davantage interpeller par le désir d'annoncer à tous l'Evangile de Jésus Christ. N'attendez pas que les autres viennent vous porter d'autres messages, qui ne conduisent pas à la vie, mais devenez vous-mêmes missionnaires du Christ pour vos frères, là où ils vivent, ils travaillent, étudient ou passent seulement de leur temps libre. Créez là aussi une pastorale des vocations capillaire et organique, à travers l'éducation des familles et des jeunes à la prière et à vivre la vie comme un don qui vient de Dieu.

Chers frères et soeurs! Le temps fort du carême invite chacun de nous à reconnaître le mystère de Dieu, qui se fait présent dans notre vie, comme nous l'avons écouté dans la première lecture. Moïse voit dans le désert un buisson ardent, qui ne se consume pas. Dans un premier moment, poussé par la curiosité, il s'approche pour voir cet événement mystérieux, lorsque voici que du buisson, une voix l'appelle, en disant: « Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob » (Ex 3,6). Et c'est précisément ce Dieu qui le renvoie en Egypte, avec la mission de conduire le peuple d'Israël sur la terre promise, en demandant au pharaon, en Son nom, la libération d'Israël. Alors Moïse demande à Dieu quel est Son nom, le nom avec lequel Dieu montre son autorité particulière, afin de pouvoir se présenter au peuple, puis au pharaon. La réponse de Dieu peut sembler étrange; elle apparaît comme une réponse et une non réponse. Il dit simplement de lui: « Je suis celui qui est! » « Il est », et cela doit suffire. Dieu n'a donc pas refusé la requête de Moïse, il exprime son nom, en créant ainsi la possibilité de l'invocation, de l'appel, du rapport. En révélant son nom, Dieu établit une relation entre lui et nous. Il se rend invocable, il entre en relation avec nous et nous donne la possibilité d'être en rapport avec lui. Cela signifie qu'il s'en remet, en quelque sorte, à notre monde humain, en devenant accessible, presque l'un d'entre nous. Il affronte le risque de la relation, de l'être avec nous. Ce qui commença près du buisson ardent dans le désert, s'accomplit près du buisson ardent de la croix, où Dieu, devenu accessible dans son Fils fait homme, devenu réellement l'un d'entre nous, est remis entre nos mains et, de cette manière, il réalise la libération de l'humanité. Sur le Golgotha, Dieu qui, pendant la nuit de la fuite d'Egypte, s'est révélé comme Celui qui libère de l'esclavage, se révèle être Celui qui embrasse tout homme avec la puissance salvifique de la Croix et de la Résurrection et le libère du péché et de la mort, l'accepte dans les bras de Son amour.

Demeurons dans la contemplation de ce mystère du nom de Dieu pour mieux comprendre le mystère du carême et vivre comme individus et comme communauté en conversion permanente, de manière à être dans le monde une épiphanie permanente, un témoignage du Dieu vivant, qui libère et sauve par amour. Amen.




DIMANCHE DES RAMEAUX -XXVe Journée Mondiale de la Jeunesse Place Saint-Pierre - Dimanche 28 mars 2010

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Chers frères et soeurs,
chers jeunes!

L'Evangile de la bénédiction des rameaux, que nous écoutons ici réunis sur la place Saint-Pierre, commence par la phrase: "Jésus marchait en avant de ses disciples pour monter à Jérusalem" (
Lc 19,28). Tout au début de la liturgie de ce jour, l'Eglise anticipe sa réponse à l'Evangile, en disant: "Nous suivons le Seigneur". Avec cela, le thème du Dimanche des Rameaux est clairement exprimé. Il s'agit de la "sequela". Etre chrétiens signifie considérer le chemin de Jésus Christ comme le juste chemin pour être des hommes - comme le chemin qui conduit à l'objectif, à une humanité pleinement réalisée et authentique. Je voudrais répéter de manière particulière à tous les jeunes, garçons et filles, en cette XXV Journée mondiale de la jeunesse, qu'être chrétiens est un chemin, ou mieux: un pèlerinage, un cheminement avec Jésus Christ. Un cheminement dans la direction qu'Il nous a indiquée et qu'il nous indique.

Mais de quelle direction s'agit-il? Comment la trouver? La phrase de notre Evangile offre deux indications à cet égard. En premier lieu, elle dit qu'il s'agit d'une montée. Cela a tout d'abord une signification très concrète. Jéricho, où s'est déroulée la dernière partie du pèlerinage de Jésus, se trouve à 250 mètres sous le niveau de la mer, alors que Jérusalem - le but du chemin - se trouve à 740-780 mètres au-dessus du niveau de la mer: une montée de presque mille mètres. Mais ce chemin extérieur est surtout une image du mouvement intérieur de l'existence, qui s'accomplit à la suite du Christ: c'est une montée à la véritable hauteur permettant d'être des hommes. L'homme peut choisir un chemin facile et éloigner toute difficulté. Il peut aussi descendre vers le bas, la vulgarité. Il peut sombrer dans le marécage du mensonge et de la malhonnêteté. Jésus marche devant nous, et il se dirige vers le haut. Il nous conduit vers ce qui est grand, pur, il nous conduit vers l'air sain des hauteurs: vers la vie selon la vérité; vers le courage qui ne se laisse pas intimider par la rumeur des opinions dominantes; vers la patience qui supporte et soutient l'autre. Il conduit vers la disponibilité pour les personnes qui souffrent, pour les laissés-pour-compte; vers la fidélité qui est du côté de l'autre, lorsque la situation devient difficile. Il conduit vers la disponibilité à apporter de l'aide; vers la bonté qui ne se laisse pas désarmer, même par l'ingratitude. Il nous conduit vers l'amour - il nous conduit vers Dieu.

"Jésus marchait en avant de ses disciples pour monter à Jérusalem". Si nous lisons cette parole de l'Evangile dans le contexte du chemin de Jésus dans son ensemble - un chemin qu'il poursuit précisément jusqu'à la fin des temps - nous pouvons découvrir dans l'indication de l'objectif "Jérusalem" différents niveaux. Il faut naturellement tout d'abord comprendre simplement le lieu "Jérusalem": c'est la ville où se trouve le Temple de Dieu, dont l'unicité devait rappeler l'unicité de Dieu lui-même. Ce lieu annonce donc tout d'abord deux choses: d'une part, il dit que Dieu est un seul dans tout le monde, il dépasse immensément tous nos lieux et temps; il est ce Dieu auquel appartient toute la création. C'est le Dieu dont tous les hommes, au plus profond d'eux-mêmes, sont à la recherche et dont, d'une certaine façon, tous ont également connaissance. Mais ce Dieu s'est donné un nom. Il s'est fait connaître à nous, il a commencé une histoire avec les hommes; il a choisi un homme - Abraham - comme point de départ de cette histoire. Le Dieu infini est dans le même temps le Dieu proche. Lui, qui ne peut être enfermé dans aucun édifice, veut toutefois habiter parmi nous, être totalement avec nous.

Si Jésus monte avec Israël en pèlerinage vers Jérusalem, Il y va pour célébrer la Pâque avec Israël: le mémorial de la libération d'Israël - un mémorial qui, dans le même temps, est toujours espérance de la libération définitive, que Dieu donnera. Et Jésus va vers cette fête avec la conscience d'être Lui-même l'Agneau en qui s'accomplira ce que le Livre de l'Exode dit à cet égard: un agneau sans défaut, mâle, qui, au coucher du soleil, devant les yeux des fils d'Israël, est immolé "comme rite perpétuel" (cf. Ex 12,5-6 Ex 12,14). Enfin, Jésus sait que sa vie ira au-delà: la croix ne constituera pas sa fin. Il sait que son chemin déchirera le voile entre ce monde et le monde de Dieu; qu'Il montera jusqu'au trône de Dieu et réconciliera Dieu et l'homme dans son corps. Il sait que son corps ressuscité sera le nouveau sacrifice et le nouveau Temple; qu'autour de Lui, de la multitude des anges et des saints, se formera la nouvelle Jérusalem qui est dans le ciel et toutefois aussi déjà sur la terre, car dans sa passion Il a ouvert la frontière entre le ciel et la terre. Son chemin conduit au-delà de la cime du mont du Temple, jusqu'à la hauteur de Dieu lui-même: telle est la grande montée à laquelle il nous invite tous. Il reste toujours auprès de nous sur la terre et il est toujours déjà parvenu auprès de Dieu, Il nous guide sur la terre et au-delà de la terre.

Ainsi, dans l'amplitude de la montée de Jésus deviennent visibles les dimensions de notre "sequela" - l'objectif auquel il veut nous conduire: jusqu'aux hauteurs de Dieu, à la communion avec Dieu; à l'être-avec-Dieu. Tel est le véritable objectif, et la communion avec Lui est le chemin. La communion avec Lui est une manière d'être en marche, une montée permanente vers la véritable hauteur de notre appel. Marcher avec Jésus est dans le même temps toujours un cheminement dans le "nous" de ceux qui veulent Le suivre. Il nous introduit dans cette communauté. Etant donné que le chemin jusqu'à la vraie vie, jusqu'à être des hommes conformes au modèle du Fils de Dieu Jésus Christ dépasse nos propres forces, ce cheminement comporte toujours également le fait que nous soyons portés. Nous nous trouvons, pour ainsi dire, dans une cordée avec Jésus Christ - avec Lui dans la montée vers les hauteurs de Dieu. Il nous tire et nous soutient. Se laisser intégrer dans cette cordée, accepter de ne pas pouvoir y arriver seuls, fait partie de cette "sequela" du Christ. Cet acte d'humilité, entrer dans le "nous" de l'Eglise; s'accrocher à la cordée, la responsabilité de la communion - ne pas arracher la corde en étant butés et pédants, fait partie de celle-ci. Croire humblement avec l'Eglise, ainsi qu'être accrochés à la cordée de la montée vers Dieu, est une condition essentielle de la "sequela". Ne pas se comporter en patrons de la Parole de Dieu, ne pas courir derrière une idée erronée de l'émancipation, fait également partie du fait de se trouver dans l'ensemble de la cordée. L'humilité de l'"être-avec" est essentielle à la montée. Que dans les sacrements nous nous laissions toujours prendre à nouveau par la main par le Seigneur, que nous nous laissions purifier et fortifier par Lui, que nous acceptions la discipline de la montée, même si nous sommes fatigués, fait également partie de celle-ci.

Enfin, il nous faut encore dire: la Croix fait partie de la montée vers la hauteur de Jésus Christ, de la montée jusqu'à la hauteur de Dieu. De même que dans les événements de ce monde on ne peut pas atteindre de grands résultats sans renonciation et un dur exercice, de même que la joie d'une grande découverte dans le domaine des connaissances ou d'une véritable capacité d'action est liée à la discipline, ou plutôt à la fatigue de l'apprentissage; le chemin vers la vie, vers la réalisation de la propre humanité, est lié à la communion avec Celui qui est monté à la hauteur de Dieu à travers la Croix. En dernière analyse, la Croix est l'expression de ce que signifie l'amour: seul celui qui se perd, se trouve.

Résumons: la "sequela" du Christ demande, comme premier pas, de nous réveiller de la nostalgie pour être authentiquement des hommes, et ainsi de nous réveiller pour Dieu. Elle demande également que l'on entre dans la cordée de ceux qui montent, dans la communion de l'Eglise. Dans le "nous" de l'Eglise nous entrons en communion avec le "Toi" de Jésus Christ et nous rejoignons ainsi le chemin vers Dieu. En outre, il est demandé que l'on écoute la Parole de Jésus Christ et qu'on la vive: dans la foi, l'espérance et l'amour. Ainsi, nous sommes en chemin vers la Jérusalem définitive et, dès à présent, d'une certaine manière, nous nous trouvons là, dans la communion de tous les saints de Dieu.

Notre pèlerinage à la suite du Christ ne va pas vers une ville terrestre, mais vers la nouvelle Cité de Dieu, qui grandit au milieu de ce monde. Le pèlerinage vers la Jérusalem terrestre, toutefois, peut être précisément également pour nous, chrétiens, un élément utile pour ce voyage plus grand. J'ai moi-même attribué trois significations à mon pèlerinage en Terre Sainte de l'an dernier. Tout d'abord, j'avais pensé qu'à cette occasion, il peut nous arriver ce que Jean dit au début de sa Première Lettre: ce que nous avons entendu, nous pouvons, d'une certaine façon, le voir et le toucher de nos propres mains (cf. 1Jn 1,1). La foi en Jésus Christ n'est pas une invention légendaire. Elle se base sur une histoire qui a véritablement eu lieu. Cette histoire, nous pouvons, pour ainsi dire, la contempler et la toucher. Il est émouvant de se trouver à Nazareth sur le lieu où l'Ange apparut à Marie et lui confia le devoir de devenir la Mère du Rédempteur. Il est émouvant de se trouver à Bethléem sur le lieu où le Verbe, s'étant fait chair, est venu habiter parmi nous; poser le pied sur le terrain saint où Dieu a voulu se faire homme et enfant. Il est émouvant de monter l'escalier vers le Calvaire jusqu'au lieu où Jésus est mort pour nous sur la Croix. Et de demeurer enfin devant le sépulcre vide; prier là où sa sainte dépouille a reposé et où, le troisième jour, eut lieu la résurrection. Suivre les chemins extérieurs de Jésus doit nous aider à marcher de façon plus joyeuse et avec une nouvelle certitude sur le chemin intérieur qu'Il nous a indiqué et qui est Lui-même.

Lorsque nous nous rendons en Terre Sainte comme pèlerin, nous y allons toutefois également - et cela est le deuxième aspect - comme messagers de la paix, avec la prière pour la paix; avec l'invitation à tous de faire en ce lieu, qui porte dans son nom le mot "paix", tout le possible afin qu'il devienne véritablement un lieu de paix. Ainsi, ce pèlerinage est dans le même temps - c'est un troisième aspect - un encouragement pour les chrétiens à demeurer dans le pays de leurs origines et à s'y consacrer profondément pour la paix.

Revenons une fois de plus à la liturgie du Dimanche des Rameaux. Dans la prière avec laquelle sont bénis les rameaux d'oliviers, nous prions afin que dans la communion avec le Christ, nous puissions apporter le fruit de bonnes oeuvres. A partir d'une interprétation erronée de saint Paul, s'est développée de façon répétée, au cours de l'histoire et aujourd'hui encore, l'opinion selon laquelle les bonnes oeuvres ne feraient pas partie de l'identité des chrétiens et que, dans tous les cas, elles seraient insignifiantes pour le salut de l'homme. Mais si Paul dit que les oeuvres ne peuvent justifier l'homme, il ne s'oppose pas en cela à l'importance d'agir de façon droite et, si il parle de la fin de la Loi, il ne déclare pas dépassés et sans importance les Dix Commandements. Il n'est pas nécessaire à présent de réfléchir sur toute l'ampleur de la question qui intéressait l'Apôtre. Il est important de souligner qu'à travers le terme de "Loi", il n'entend pas les Dix Commandements, mais le style de vie complexe à travers lequel Israël devait se protéger contre les tentations du paganisme. Toutefois, le Christ a apporté Dieu aux païens. Cette forme de distinction ne leur est pas imposée. On leur donne uniquement le Christ comme Loi. Mais cela signifie l'amour pour Dieu et pour le prochain, et tout ce qui en fait partie. Les Commandements, qu'il faut lire de façon nouvelle et plus profonde à partir du Christ, appartiennent à cet amour, ces Commandements qui ne sont autres que les règles fondamentales du véritable amour: d'abord, et comme principe fondamental l'adoration de Dieu, le primat de Dieu, qu'expriment les trois premiers Commandements. Ils nous disent: sans Dieu, rien n'aboutit. C'est à partir de la personne de Jésus Christ que nous apprenons qui est ce Dieu et comment il est. Puis suivent la sainteté de la famille (quatrième Commandement), la sainteté de la vie (cinquième Commandement), l'ordre du mariage (sixième Commandement), l'ordre social (septième Commandement) et enfin la nature inviolable de la vérité (huitième Commandement). Tout cela est aujourd'hui de la plus grande actualité, et va précisément également dans le sens de saint Paul - si nous lisons entièrement ses Lettres. "Porter du fruit avec les bonnes oeuvres": au début de la Semaine sainte, nous prions le Seigneur de nous donner à tous toujours plus de ce fruit.

A la fin de l'Evangile pour la bénédiction des Rameaux, nous entendons l'acclamation par laquelle les pèlerins saluent Jésus aux portes de Jérusalem. C'est la parole du psaume 118 (117) que les prêtres proclamaient à l'origine de la Ville Sainte aux pèlerins, mais qui, entre temps, était devenue l'expression de l'espérance messianique: "Béni soit au nom de Yahvé celui qui vient" (Ps 117,26 [118], 26; Lc 19,38). Les pèlerins voient dans Jésus l'Attendu, celui qui vient au nom du Seigneur, et selon l'Evangile de saint Luc, ils ajoutent même un mot: "Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur". Et ils poursuivent par une acclamation qui rappelle le message des Anges à Noël, mais ils le modifient d'une manière qui fait réfléchir. Les Anges avaient parlé de la gloire de Dieu au plus haut des cieux et de la paix sur terre pour les hommes de bonne volonté. A l'entrée de la Ville sainte, les pèlerins disent: "Paix dans le Ciel et gloire au plus haut des cieux!". Ils ne savent que trop bien que sur terre, il n'y a pas de paix. Et ils savent que le lieu de la paix est le ciel - ils savent que cela fait partie de l'essence du ciel d'être un lieu de paix. Ainsi, cette acclamation est l'expression d'une peine profonde, et également une prière d'espérance: que Celui qui vient au nom du Seigneur apporte sur terre ce qui est aux cieux. Que sa royauté devienne la royauté de Dieu, présence du ciel sur la terre. L'Eglise, avant la consécration eucharistique, chante la parole du Psaume avec laquelle Jésus est salué avant son entrée dans la Ville Sainte: elle salue Jésus comme le Roi qui, venant de Dieu, au nom de Dieu, fait son entrée parmi nous. Aujourd'hui aussi, ce salut joyeux est toujours une prière et une espérance. Prions le Seigneur afin qu'il nous apporte le ciel: la gloire de Dieu et la paix des hommes. Nous comprenons ce salut dans l'esprit de la demande de Notre Père: "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel!". Nous savons que le ciel est le ciel, le lieu de la gloire et de la paix, car c'est là que règne entièrement la volonté de Dieu. Et nous savons que la terre n'est pas le ciel tant que ne se réalise pas en elle la volonté de Dieu. Nous saluons, donc Jésus qui vient du ciel et nous le prions de nous aider à connaître et à faire la volonté de Dieu. Que la royauté de Dieu entre dans le monde et qu'il soit ainsi empli de la splendeur de la paix. Amen.




CHAPELLE PAPALE - Ve ANNIVERSAIRE DE LA MORT DU SERVITEUR DE DIEU JEAN-PAUL II Basilique vaticane - Lundi 29 mars 2010

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Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

Nous sommes réunis autour de l'autel, auprès du tombeau de l'apôtre Pierre, pour offrir le sacrifice eucharistique en mémoire de l'âme élue du Vénérable Jean-Paul II, à l'occasion du Ve anniversaire de sa mort. Nous le faisons avec quelques jours d'avance, car le 2 avril sera cette année le Vendredi Saint. Nous sommes, quoi qu'il en soit, dans le cadre de la Semaine Sainte, cadre plus que jamais propice au recueillement et à la prière, dans lequel la Liturgie nous fait revivre plus intensément les dernières journées de la vie terrestre de Jésus. Je désire exprimer ma reconnaissance à vous tous qui participez à cette Messe. Je salue cordialement les cardinaux – de façon particulière Mgr Stanislas Dziwisz – les évêques, les prêtres, les religieux et les religieuses; ainsi que les pèlerins venus expressément de Pologne, les innombrables jeunes et les nombreux fidèles qui ont voulu être présents à cette célébration.

Dans la première lecture biblique qui a été proclamée, le prophète Isaïe présente la figure d'un « Serviteur de Dieu », qui est dans le même temps son élu, dans lequel il se complaît. Le Serviteur agira avec une fermeté inébranlable, avec une énergie qui ne faillira pas tant qu'il n'aura pas réalisé le devoir qui lui a été confié. Et pourtant, il n'aura pas à sa disposition les instruments humains qui semblent indispensables à la réalisation d'un dessein si grandiose. Il se présentera avec la force de la conviction, et ce sera l'Esprit que Dieu a placé en lui qui lui donnera la capacité d'agir avec douceur et avec force, lui assurant le succès final. Ce que le prophète inspiré dit du Serviteur, nous pouvons l'appliquer au bien-aimé Jean-Paul II: le Seigneur l'a appelé à son service et, en lui confiant des devoirs d'une responsabilité toujours plus grande, il l'a également accompagné par sa grâce et par son assistance constante. Au cours de son long Pontificat, il s'est prodigué pour proclamer le droit avec fermeté, sans faiblesse ni hésitation, surtout lorsqu'il devait affronter les résistances, les hostilités et les refus. Il savait qu'il avait été pris par la main par le Seigneur, et cela lui a permis d'exercer un ministère très fécond, pour lequel, une fois de plus, nous rendons grâce à Dieu avec ferveur.

L'Evangile qui vient d'être proclamé nous conduit à Béthanie, où, comme le souligne l'Evangéliste, Lazare, Marthe et Marie offrent un dîner au Maître (
Jn 12,1). Ce banquet dans la maison des trois amis de Jésus est caractérisé par les pressentiments de la mort imminente: les six jours avant Pâques, la suggestion du traître Judas, la réponse de Jésus qui rappelle l'un des actes de compassion de la sépulture anticipée par Marie, l'allusion au fait qu'ils ne l'auraient pas toujours eu avec eux, l'intention d'éliminer Lazare, dans lequel se reflète la volonté de tuer Jésus. Dans ce récit évangélique, il y a un geste sur lequel je voudrais attirer l'attention: Marie de Béthanie « prenant une livre d'un parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux » (Jn 12,3). Le geste de Marie est l'expression de la foi et de l'amour immenses pour le Seigneur: pour elle, il n'est pas suffisant de laver les pieds du Maître avec de l'eau, mais elle les oint d'une grande quantité de parfum précieux, que – comme le reprochera Judas – l'on aurait pu vendre trois cents deniers; de plus, elle ne oint pas la tête, comme c'était l'usage, mais les pieds: Marie offre à Jésus ce qu'elle a de plus précieux et avec un geste de dévotion profonde. L'amour ne calcule pas, ne mesure pas, ne regarde pas la dépense, n'élève pas de barrière, mais sait donner avec joie, et recherche simplement le bien de l'autre, vainc la mesquinerie, l'avarice, les ressentiments, la fermeture que l'homme porte parfois dans son coeur.

Marie se place aux pieds de Jésus dans une humble attitude de service, comme le fera le Maître lui-même au cours de la dernière Cène, lorsque – nous dit l'Evangile – « il se lève de table, dépose ses vêtements, et prenant un linge, il s'en ceignit. Puis il met de l'eau dans un bassin et il commença à laver les pieds des disciples » (Jn 13,4-5), pour que – dit-il – « vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous » (Jn 13,15): la règle de la communauté de Jésus est celle de l'amour qui sait servir jusqu'au don de la vie. Et le parfum se répand: « la maison s'emplit de la senteur du parfum » (Jn 12,3). La signification du geste de Marie, qui est la réponse à l'Amour infini de Dieu, se diffuse parmi tous les convives; chaque geste de charité et de dévotion authentique au Christ ne demeure pas un fait personnel, ne concerne pas seulement le rapport entre la personne et le Seigneur, mais concerne tout le corps de l'Eglise, est contagieux: il diffuse amour, joie, lumière.

« Il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçu » (Jn 1,11): à l'acte de Marie s'opposent l'attitude et les paroles de Judas qui, sous le prétexte de l'aide à apporter aux pauvres, cache l'égoïsme et la fausseté de l'homme refermé sur lui-même, esclave de l'avidité de la possession, qui ne se laisse pas envelopper par le bon parfum de l'amour divin. Judas calcule là où on ne peut pas calculer, il entre avec une âme mesquine là où l'espace est celui de l'amour, du don, du dévouement total. Et Jésus, qui jusqu'à ce moment était resté en silence, intervient en faveur du geste de Marie: « Laisse-la! Il fallait qu'elle garde ce parfum pour le jour de mon ensevelissement » (Jn 12,7). Jésus comprend que Marie a eu l'intuition de l'amour de Dieu et il annonce que désormais son « heure » approche, l'« heure » où l'Amour trouvera son expression suprême sur le bois de la Croix: le Fils de Dieu se donne lui-même pour que l'homme ait la vie, il descend dans l'abîme de la mort pour élever l'homme à la hauteur de Dieu, il n'a pas peur de s'humilier « en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix » (Ph 2,8). Saint Augustin, dans le Sermon dans lequel il commente ce passage évangélique, adresse à chacun de nous, avec des paroles pressantes, l'invitation à entrer dans ce circuit d'amour, en imitant le geste de Marie et en se plaçant concrètement à la suite de Jésus. Augustin écrit: « Que chaque âme qui veut être fidèle, s'unisse à Marie pour oindre avec un parfum précieux les pieds du Seigneur... Oins les pieds de Jésus: suis les traces du Seigneur en conduisant une vie digne. Essuie-lui les pieds avec tes cheveux: si tu as du superflu, donne-le aux pauvres, et tu auras essuyé les pieds du Seigneur » (In Ioh. evang., 50, 6).

Chers frères et soeurs! Toute la vie du Vénérable Jean-Paul II s'est déroulée sous le signe de cette charité, de la capacité de se donner de manière généreuse, sans réserves, sans mesure, sans calcul. Ce qui l'animait était l'amour envers le Christ, auquel il avait consacré sa vie, un amour surabondant et inconditionné. Et précisément parce qu'il s'est approché toujours plus de Dieu dans l'amour, il a pu devenir le compagnon de voyage de l'homme d'aujourd'hui, en répandant dans le monde le parfum de l'Amour de Dieu. Celui qui a eu la joie de le connaître et de le fréquenter, a pu constater concrètement combien était vivante en lui la certitude « de voir les bontés du Seigneur sur la terre des vivants », comme nous l'avons entendu dans le psaume responsorial (cf. Ps 26,13/27, 13); une certitude qui l'a accompagné au cours de son existence et qui, de manière particulière, s'est manifestée au cours de la dernière période de son pèlerinage sur cette terre: en effet, la faiblesse physique progressive n'a jamais entamé sa foi solide comme un roc, son espérance lumineuse, sa charité fervente. Il s'est laissé consumer pour le Christ, pour l'Eglise, pour le monde entier: sa souffrance a été vécue jusqu'au bout par amour et avec amour.

Dans l'homélie pour le XXVe anniversaire de son pontificat, il confia qu'il avait ressenti avec force dans son coeur, au moment de son élection, la question de Jésus à Pierre: « M'aimes-tu, m'aimes-tu plus que ceux-ci...? » (Jn 21,15-16); et il ajouta: « Chaque jour a lieu dans mon coeur le même dialogue entre Jésus et Pierre. Dans l'esprit, je fixe le regard bienveillant du Christ ressuscité. Bien que conscient de ma fragilité humaine, il m'encourage à répondre avec confiance comme Pierre: "Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime" (Jn 21,17). Puis il m'invite à assumer les responsabilités que Lui-même m'a confiées » (16 octobre 2003; cf. ORLF n. 42 du 21 octobre 2003). Ce sont des paroles pleines de foi et d'amour, l'amour de Dieu, qui vainc tout!

Je désire enfin saluer les Polonais ici présents. Vous êtes rassemblés nombreux autour de la tombe du vénérable serviteur de Dieu avec un sentiment particulier, en tant que fils et filles de la même terre, qui ont grandi dans la même culture et tradition spirituelle. La vie et l'oeuvre de Jean-Paul II, grand Polonais, peut constituer pour vous un motif d'orgueil. Il faut cependant que vous vous rappeliez que celle-ci est également un puissant appel à être de fidèles témoins de la foi, de l'espérance et de l'amour, qu'il nous a sans cesse enseignés. Par l'intercession de Jean-Paul II, que vous soutienne toujours la bénédiction du Seigneur.

Alors que nous poursuivons la célébration eucharistique, en nous apprêtant à vivre les jours glorieux de la Passion, de la Mort et de la Résurrection du Seigneur, remettons-nous avec confiance – selon l'exemple du vénérable Jean-Paul II – à l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de l'Eglise, afin qu'elle nous soutienne dans l'engagement à être, en toutes circonstances, des apôtres inlassables de son Fils divin et de son Amour miséricordieux. Amen!





Benoît XVI Homélies 7310