Benoît XVI Homélies 15410

CONCÉLÉBRATION AVEC LES MEMBRES DE LA COMMISSION PONTIFICALE BIBLIQUE Chapelle Pauline du Palais Apostolique Vatican - Jeudi 15 avril 2010

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Chers frères et soeurs,


Je n'ai pas trouvé le temps de préparer une véritable homélie. Je voudrais seulement inviter chacun à une méditation personnelle, en proposant et en soulignant certaines phrases de la liturgie d'aujourd'hui, qui s'offrent au dialogue de prière entre nous et la Parole de Dieu. La parole, la phrase que je voudrais proposer à la méditation commune est cette grande affirmation de saint Pierre: "Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes" (
Ac 5,29). Saint Pierre se trouve devant l'institution religieuse suprême, à laquelle on devrait normalement obéir, mais Dieu se trouve au-dessus de cette institution et Dieu lui a donné un autre "règlement": il doit obéir à Dieu. L'obéissance à Dieu est la liberté, l'obéissance à Dieu lui donne la liberté de s'opposer à l'institution.
Et les exégètes attirent ici notre attention sur le fait que la réponse de saint Pierre au Sanhédrin est presque ad verbum identique à la réponse de Socrate au juge du tribunal d'Athènes. Le tribunal lui offre la liberté, la libération, à condition cependant qu'il ne continue pas à rechercher Dieu. Mais rechercher Dieu, la recherche de Dieu est pour lui un mandat supérieur, il vient de Dieu lui-même. Et une liberté achetée en renonçant au chemin vers Dieu ne serait plus une liberté. Il doit donc obéir non pas à ces juges - il ne doit pas acheter sa vie en se perdant lui-même - mais il doit obéir à Dieu. L'obéissance à Dieu a la primauté.

Il est important de souligner ici qu'il s'agit d'obéissance et que c'est précisément l'obéissance qui donne la liberté. L'époque moderne a parlé de la libération de l'homme, de sa pleine autonomie, et donc également de sa libération de l'obéissance à Dieu. L'obéissance ne devrait plus exister, l'homme est libre, il est autonome: rien d'autre. Mais cette autonomie est un mensonge: c'est un mensonge ontologique, car l'homme n'existe pas par lui-même et pour lui-même, et c'est également un mensonge politique et pratique, car la collaboration, le partage de la liberté est nécessaire. Et si Dieu n'existe pas, si Dieu n'est pas une instance accessible à l'homme, il ne reste comme instance suprême que le consensus de la majorité. En conséquence, le consensus de la majorité devient le dernier mot auquel nous devons obéir. Et ce consensus - nous le savons depuis l'histoire du siècle dernier - peut également être un "consensus du mal".

Nous voyons ainsi que la soi-disant autonomie ne libère pas véritablement l'homme. L'obéissance à Dieu est la liberté, car elle est la vérité, elle est l'instance qui nous place face à toutes les instances humaines. Dans l'histoire de l'humanité, ces paroles de Pierre et de Socrate sont le véritable phare de la libération de l'homme, qui sait voir Dieu et, au nom de Dieu, peut et doit obéir non pas tant aux hommes, mais à Lui, et se libérer ainsi du positivisme de l'obéissance humaine. Les dictatures ont toujours été contre cette obéissance à Dieu. La dictature nazie, comme la dictature marxiste, ne peuvent pas accepter un Dieu qui soit au-dessus du pouvoir idéologique; et la liberté des martyrs, qui reconnaissent Dieu, précisément dans l'obéissance au pouvoir divin, est toujours l'acte de libération à travers lequel nous parvient la liberté du Christ.

Aujourd'hui, grâce à Dieu, nous ne vivons pas sous une dictature, mais il existe des formes subtiles de dictatures: un conformisme qui devient obligatoire, penser comme tout le monde, agir comme tout le monde, et les agressions subtiles contre l'Eglise, ainsi que celles plus ouvertes, démontrent que ce conformisme peut réellement être une véritable dictature. Pour nous vaut cette règle: on doit obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Dieu n'est pas un prétexte pour la propre volonté, mais c'est réellement Lui qui nous appelle et nous invite, si cela était nécessaire, également au martyre. C'est pourquoi, confrontés à cette parole qui commence une nouvelle histoire de liberté dans le monde, nous prions surtout de connaître Dieu, de connaître humblement et vraiment Dieu et, en connaissant Dieu, d'apprendre la véritable obéissance qui est le fondement de la liberté humaine.

Choisissons une deuxième parole de la Première lecture: saint Pierre dit que Dieu a élevé le Christ à sa droite comme chef et sauveur (cf. Ac 5,31). Chef est la traduction du terme grec archegos, qui implique une vision beaucoup plus dynamique: archegos est celui qui montre la route, qui précède, c'est un mouvement, un mouvement vers le haut. Dieu l'a élevé à sa droite - parler du Christ comme archegos veut donc dire que le Christ marche devant nous, nous précède et nous montre la route. Et être en communion avec le Christ signifie être en chemin, monter avec le Christ, suivre le Christ, c'est cette montée vers le haut, suivre l'archegos, celui qui est déjà passé, qui nous précède et qui nous montre la voie.

Il est ici bien évidemment important que l'on nous dise où arrive le Christ et où nous devons arriver nous aussi: hyposen - en haut - monter à la droite du Père. La "sequela" du Christ n'est pas seulement l'imitation de ses vertus, n'est pas seulement le fait de vivre dans ce monde, pour autant que cela nous soit possible, semblables au Christ, selon sa parole; mais c'est un chemin qui a un objectif. Et l'objectif est la droite du Père. Il y a ce chemin de Jésus, cette "sequela" de Jésus qui termine à la droite du Père. C'est à l'horizon de cette "sequela" qu'appartient tout le chemin de Jésus, également arriver à la droite du Père.

En ce sens, l'objectif de ce chemin est la vie éternelle à la droite du Père en communion avec le Christ. Aujourd'hui, nous avons souvent un peu peur de parler de la vie éternelle. Nous parlons des choses qui sont utiles pour le monde, nous montrons que le christianisme aide également à améliorer le monde, mais nous n'osons pas dire que son objectif est la vie éternelle et que de cet objectif proviennent ensuite les critères de la vie. Nous devons comprendre à nouveau que le christianisme demeure un "fragment" si nous ne pensons pas à cet objectif, qui est de suivre l'archegos à la hauteur de Dieu, à la gloire du Fils qui nous rend fils dans le Fils et nous devons à nouveau reconnaître que ce n'est que dans la grande perspective de la vie éternelle que le christianisme révèle tout son sens. Nous devons avoir le courage, la joie, la grande espérance que la vie éternelle existe, qu'elle est la vraie vie et que de cette vraie vie provient la lumière qui illumine également ce monde.

On peut dire que, même en faisant abstraction de la vie éternelle, de la promesse des Cieux, il est mieux de vivre selon les critères chrétiens, car vivre selon la vérité et l'amour, même face à de nombreuses persécutions, est un bien en soi-même et mieux que tout le reste. C'est précisément cette volonté de vivre selon la vérité et selon l'amour qui doit également nous ouvrir à toute l'ampleur du projet de Dieu à notre égard, au courage d'éprouver la joie dans l'attente de la vie éternelle, de la montée en suivant notre archegos. Et Soter est le Sauveur, qui nous sauve de l'ignorance, qui recherche les choses ultimes. Le Sauveur nous sauve de la solitude, nous sauve d'un vide qui demeure dans la vie sans l'éternité, il nous sauve en nous donnant l'amour dans sa plénitude. Il est le guide. Le Christ, l'archegos, nous sauve en nous donnant la lumière, en nous donnant la vérité, en nous donnant l'amour de Dieu.

Arrêtons-nous encore sur un verset: le Christ, le Sauveur, a donné à Israël la conversion et le pardon des péchés (Ac 5,31) - dans le texte grec le terme est metanoia - il a donné la pénitence et le pardon des péchés. Cela est pour moi une observation très importante: la pénitence est une grâce. Il existe une tendance dans l'exégèse qui dit: Jésus en Galilée aurait annoncé une grâce sans condition, absolument sans condition, donc également sans pénitence, une grâce comme telle, sans conditions humaines préalables. Mais il s'agit là d'une fausse interprétation de la grâce. La pénitence est grâce; c'est une grâce que nous reconnaissions notre péché, c'est une grâce que nous reconnaissions avoir besoin de renouvellement, de changement, d'une transformation de notre être. Pénitence, pouvoir faire pénitence, est le don de la grâce. Et je dois dire que nous chrétiens, également ces derniers temps, nous avons souvent évité le mot pénitence, il nous paraissait trop dur. A présent, face aux attaques du monde qui nous parle de nos péchés, nous voyons que pouvoir faire pénitence est une grâce. Et nous voyons qu'il est nécessaire de faire pénitence, c'est-à-dire de reconnaître ce qui ne va pas dans notre vie, s'ouvrir au pardon, se préparer au pardon, se laisser transformer. La douleur de la pénitence, c'est-à-dire de la purification, de la transformation, cette douleur est une grâce, car elle est renouvellement, elle est l'oeuvre de la miséricorde divine. Et ainsi, les deux choses que dit saint Pierre - pénitence et pardon - correspondent au début de la prédication de Jésus: metanoeite, c'est-à-dire convertissez-vous (cf. Mc 1,15). Cela est donc le point fondamental: la metanoia n'est pas une chose privée, qui semblerait remplacée par la grâce, mais la metanoia est l'arrivée de la grâce qui nous transforme.

Et, enfin, une parole de l'Evangile nous dit que celui qui croit aura la vie éternelle (cf. Jn 3,36). Dans la foi, dans cette "transformation" que la pénitence apporte, dans cette conversion, sur cette route de l'existence, nous arrivons à la vie, à la vraie vie. Et ici, deux autres textes me viennent à l'esprit. Dans la "Prière sacerdotale" le Seigneur dit: cela est la vie, te connaître, ainsi que ton consacré (cf. Jn 17,3). Connaître l'essentiel, connaître la Personne décisive, connaître Dieu et son Envoyé est la vie, la vie et la connaissance, la connaissance de réalités qui sont la vie. Et l'autre texte est la réponse du Seigneur au Saduccéens à propos de la Résurrection, où, à partir des livres de Moïse, le Seigneur prouve la Résurrection en disant: Dieu est le Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob (cf. Mt 22,31-32 Mc 12,26-27 Lc 20,37-38). Dieu n'est pas le Dieu des morts. Si Dieu est le Dieu de ceux-ci, ils sont vivants. Celui qui est écrit dans le nom de Dieu participe à la vie de Dieu, il vit. Et ainsi, croire signifie être inscrits dans le nom de Dieu. Et ainsi nous sommes vivants. Celui qui appartient au nom de Dieu n'est pas un mort, il appartient au Dieu vivant. C'est dans ce sens que nous devrions comprendre le dynamisme de la foi, qui est d'inscrire notre nom dans le nom de Dieu et ainsi entrer dans la vie.

Prions le Seigneur afin que cela se produise et que réellement, avec notre vie, nous connaissions Dieu, pour que notre nom entre dans le nom de Dieu et que notre existence devienne vraie vie: vie éternelle, amour et vérité.



VOYAGE APOSTOLIQUE À MALTE - 1950e ANNIVERSAIRE DU NAUFRAGE DE SAINT PAUL MESSE à Granaries Square, Floriana - Dimanche 18 avril 2010

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Chers frères et soeurs en Jésus Christ,
Mahbubin uliendi, (Mes chers fils et filles!)

Je suis très heureux d’être ici avec vous tous aujourd’hui, devant la magnifique église Saint-Publius, pour célébrer le grand mystère de l’amour de Dieu rendu manifeste dans la Sainte Eucharistie. En ce moment, la joie du temps pascal remplit nos coeurs parce que nous célébrons la victoire du Christ, la victoire de la vie sur le péché et sur la mort. C’est une joie qui transforme nos vies et nous remplit d’espérance en l’accomplissement des promesses de Dieu. Le Christ est ressuscité, alléluia !

Je salue le Président de la République et Madame Abela, les autorités civiles de ce cher pays, et tout le peuple de Malte et de Gozo. Je remercie Son Excellence l’Archevêque Cremona pour ses aimables paroles, et je salue également Leurs Excellences Grech, Depasquale, Mercieca, Cauchi, les autres évêques et les prêtres présents, ainsi que l’ensemble des fidèles chrétiens de l’Église à Malte et à Gozo. Depuis mon arrivée, hier, j’ai fait l’expérience d’un accueil aussi chaleureux que celui que vos ancêtres réservèrent à l’Apôtre Paul en l’an 60.

Beaucoup de voyageurs ont débarqué ici, tout au long de votre histoire. La richesse et la variété de la culture maltaise est un signe que votre peuple a largement bénéficié de l’échange des dons et de l’hospitalité accordée aux visiteurs venus de la mer. C’est aussi un signe que vous avez su comment exercer un discernement en retenant le meilleur de ce qu’ils vous ont apporté.

Je vous encourage à continuer à faire ainsi. Tout ce que le monde d’aujourd’hui propose n’est pas digne d’être accepté par le peuple de Malte. Beaucoup de voix cherchent à nous persuader de mettre de côté notre foi en Dieu et en son Église et de choisir par nous-mêmes les valeurs et les croyances dans lesquelles vivre. Elles nous disent que nous n’avons pas besoin de Dieu ou de l’Église. Si nous sommes tentés de les croire, nous devrions nous rappeler ce qui est arrivé dans l’Évangile de ce jour tandis que les disciples, qui étaient tous des pécheurs expérimentés, avaient peiné toute la nuit sans prendre un seul poisson. Quand Jésus apparut sur le rivage, il les dirigea alors pour en prendre tellement qu’ils pouvaient à peine les hisser à bord. Laissés à eux-mêmes, leurs efforts étaient demeurés infructueux ; quand Jésus se tint à leurs côtés, ils prirent dans leurs filets une énorme quantité de poissons. Mes chers frères et soeurs, si nous plaçons notre confiance dans le Seigneur et si nous suivons ses enseignements, nous recueillerons toujours d’immenses récompenses.

Aujourd’hui, la première lecture de la messe est, je le sais, l’une de celles que vous aimez entendre : le récit du naufrage de Paul sur les côtes de Malte, et l’accueil chaleureux qu’il reçoit de la part des habitants de ces îles. Remarquez comment l’équipage du navire, pour survivre, fut contraint de jeter par-dessus bord la cargaison du bateau, y compris le blé qui constituait pourtant leur unique nourriture. Paul les pressa de mettre leur confiance en Dieu seul, tandis que le bateau était chahuté par les vagues. Nous devons nous aussi placer notre confiance en lui seul. Il est tentant de penser que la technique si avancée d’aujourd’hui peut répondre à tous nos besoins et nous sauver de tous les dangers et de tous les périls qui nous guettent. Mais ce n’est pas exact. À chaque moment de notre existence, nous dépendons entièrement de Dieu, en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être. Il est le seul à pouvoir nous protéger du mal, il est le seul à pouvoir nous guider à travers les tempêtes de la vie, il est le seul à pouvoir nous conduire à bon port, comme il le fit pour Paul et ses compagnons à la dérive au large des côtes maltaises. Ceux-ci firent ce que Paul les avaient incité à faire et c’est ainsi « que tous parvinrent sains et saufs à terre » (
Ac 27,44).

Mieux que quelle que forme de chargement dont nous puissions être dotés – au sens de talents humains, de biens possédés, de moyens techniques -, c’est notre relation avec le Seigneur qui fournit les clefs de notre bonheur et de notre accomplissement humain. Et il nous appelle à une relation d’amour. Remarquez la question qu’il pose par trois fois à Pierre sur les rives du lac : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Se fondant sur la réponse positive de Pierre, Jésus lui assigne une tâche – la tâche de paître son troupeau. Nous voyons ici le fondement de tout ministère pastoral dans l’Église. C’est notre amour pour le Seigneur qui doit donner forme à chaque aspect de notre prédication et de notre enseignement, de notre célébration des sacrements, de notre attention pour le peuple de Dieu. C’est notre amour pour le Seigneur qui nous porte à aimer ceux qu’Il aime, et à accepter avec joie le devoir de communiquer son amour pour tous ceux que nous servons. Durant la Passion de Notre Seigneur, Pierre l’a renié trois fois. Maintenant, après la résurrection, Jésus l’invite à trois reprises à confesser son amour, lui offrant ainsi la guérison et le pardon en même temps qu’il l’investit de sa mission. La pêche miraculeuse a souligné la dépendance des Apôtres à l’égard du Seigneur pour le succès de leurs premiers projets. Le dialogue entre Pierre et Jésus a souligné la nécessité de la divine miséricorde pour soigner leurs blessures spirituelles, les blessures du péché. Dans tous les domaines de notre existence, nous avons besoin de l’aide de la grâce de Dieu. Avec lui, nous pouvons tout ; sans lui, nous ne pouvons rien faire.

Nous connaissons par l’Évangile de saint Marc les signes qui accompagnent ceux qui ont mis leur foi en Jésus : ils prendront des serpents dans leurs mains et ils resteront saufs, ils imposeront les mains aux malades, et ils s’en trouveront bien (cf. Mc 16,18). Ces signes furent immédiatement reconnus par vos aïeux quand Paul arriva parmi eux. Une vipère s’accrocha à sa main, mais il l’a secoua simplement dans le feu, et il n’en ressentit aucun mal. Paul fut emmené ensuite auprès du père de Publius, le premier magistrat de l’île, et après avoir prié et lui avoir imposé les mains, Paul le guérit de sa fièvre. De tous les biens qui sont arrivés sur ces côtes au cours de l’histoire de votre peuple, le don apporté par Paul a été le plus grand de tous, c’est votre grand mérite de l’avoir immédiatement accepté et de l’avoir gardé précieusement. Préservez la foi et les valeurs que vous a transmises votre père, l’Apôtre saint Paul. Continuez d’explorer la richesse et la profondeur du don que Paul vous a fait et ne manquez pas de le transmettre non seulement à vos enfants, mais aussi à tous ceux que vous rencontrez aujourd’hui. Aucun visiteur de Malte n’a pu manquer d’être impressionné par la dévotion de votre peuple, par la foi vibrante que vous manifestez lors des célébrations des jours de fêtes, par la beauté de vos églises et de vos lieux de pèlerinages. Mais ce don doit être partagé avec les autres, il doit être annoncé. Comme Moïse l’a enseigné au peuple d’Israël, les commandements du Seigneur « resteront dans ton coeur. Tu les rediras à tes fils, tu les répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé » (Dt 6,6-7). Ceci fut très bien compris par le premier saint maltais à être canonisé, Don Gorg Preca. Son infatigable travail de catéchèse, inspirant aux jeunes comme aux anciens un amour pour la doctrine chrétienne et une profonde dévotion pour le Verbe de Dieu incarné, constitue un exemple que je vous recommande de poursuivre. Rappelez-vous que l’échange des biens entre vos îles et le monde est une réalité à double sens. Ce que vous recevez, évaluez-le avec soin, et tout ce que vous possédez et qui a de la valeur, partagez-le avec les autres.

Je voudrais adresser quelques mots en particulier aux prêtres présents ici, en cette année consacrée à la célébration du grand don de la prêtrise. Don Gorg était un prêtre d’une humilité, d’une bonté, d’une douceur et d’une générosité remarquables, profondément enraciné dans la prière et habité par la passion de communiquer les vérités de l’Évangile. Qu’il soit un modèle d’inspiration pour vous dans l’accomplissement de la mission que vous avez reçu de paître le troupeau du Seigneur. Rappelez-vous, également, la question que le Seigneur ressuscité a posée par trois fois à Pierre : « M’aimes-tu ? ». C’est la question qu’il pose à chacun de vous. L’aimez-vous ? Désirez-vous le servir à travers le don de toute votre vie ? Avez-vous le souhait profond de conduire les autres à le connaître et à l’aimer ? Avec Pierre, ayez le courage de répondre : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime » et d’accepter d’un coeur reconnaissant la très belle tâche qu’il vous a assignée. La mission confiée aux prêtres est vraiment un service rendu à la joie, à la joie de Dieu qui veut faire son entrée dans le monde (cf. Homélie du 24 avril 2005).

En regardant autour de moi la grande foule rassemblée ici à Floriana pour la célébration de cette Eucharistie, je me souviens de la scène décrite dans la deuxième lecture, dans laquelle des milliers de milliers, des myriades de myriades, unissent leurs voix en un seul chant de louange : « À celui qui siège sur le Trône, et à l’agneau, bénédiction, honneur, gloire et domination pour les siècles des siècles » (Ap 5,13). Continuez de chanter cet hymne, pour prier le Seigneur ressuscité et pour le remercier de ses multiples dons. Avec les mots de saint Paul, Apôtre de Malte, je conclus les propos que je vous adresse ce matin : « Je vous aime tous dans le Christ Jésus » (1Co 16,24).

Que Jésus Christ soit béni !



CHAPELLE PAPALE POUR LES OBSÈQUES DU CARDINAL TOMÁŠ ŠPIDLÍK Basilique Vaticane - Mardi 20 avril 2010

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Vénérés frères,

Mesdames et Messieurs,
chers frères et soeurs!

Parmi les dernières paroles prononcées par le regretté cardinal Spidlíck, figurent celles-ci: "Toute ma vie j'ai recherché le visage de Jésus, et à présent, je suis heureux et serein parce que je vais aller le voir". Cette merveilleuse pensée - si simple, presque infantile dans son expression, et pourtant si profonde et vraie - renvoie immédiatement à la prière de Jésus, qui a résonné il y a peu dans l'Evangile: "Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire, que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde" (
Jn 17,24). Il est beau et réconfortant de méditer ce lien entre le désir de l'homme, qui aspire à voir le visage du Seigneur, et le désir de Jésus lui-même. En réalité, il y a chez le Christ bien plus qu'une simple aspiration: il y a une volonté. Jésus dit au Père: "Je veux que ceux que tu m'as donnés soient avec moi". C'est précisément ici, dans cette volonté, que nous trouvons le "roc", le fondement solide pour croire et pour espérer. La volonté de Jésus, en effet, coïncide avec celle de Dieu le Père, et avec l'oeuvre de l'Esprit Saint, elle constitue pour l'homme une sorte d'"accolade" sûre, forte et douce, qui le conduit à la vie éternelle.

Quel don immense que d'écouter cette volonté de Dieu de sa propre bouche! Je pense que les grands hommes de foi vivent plongés dans cette grâce, ils ont le don de percevoir avec une force particulière cette vérité, et ils peuvent ainsi traverser également de dures épreuves, comme les a traversées le père Tomás Spidlík, sans perdre confiance, et en conservant même un vif sens de l'humour, qui est assurément un signe d'intelligence, mais aussi de liberté intérieure. Sous ce profil, la ressemblance entre notre regretté cardinal et le vénérable Jean-Paul II était évidente: tous deux étaient portés sur les mots d'esprit et sur la plaisanterie, bien qu'ils aient connu dans leur jeunesse des épisodes personnels difficiles et sous certains aspects semblables. La Providence les a conduits à se rencontrer et à collaborer pour le bien de l'Eglise, en particulier pour que celle-ci apprenne à respirer pleinement "avec ses deux poumons" comme aimait à le dire le Pape slave.

Cette liberté et cette présence d'esprit trouve leur fondement objectif dans la Résurrection du Christ. Je suis content de le souligner, parce que nous nous trouvons dans le temps liturgique pascal et parce que le suggèrent la première et la deuxième lectures bibliques de la prédication. Dans sa première célébration, le jour de Pentecôte, saint Pierre, empli de l'Esprit Saint, annonce l'accomplissement en Jésus Christ du psaume 16. Il est merveilleux de voir que l'Esprit Saint révèle aux apôtres toute la beauté de ces paroles dans la pleine lumière intérieure de la Résurrection: "Je voyais sans cesse le Seigneur devant moi, car il est à ma droite, pour que je ne vacille pas. Aussi mon coeur s'est réjoui et ma langue a-t-elle jubilé; ma chair elle-même reposera dans l'espérance" (Ac 2,25-26 cf. Ps 16,8-9/15, 8-9). Cette prière trouve un accomplissement surabondant lorsque le Christ, le Saint de Dieu, n'est pas abandonné aux enfers. Le premier, il a connu "des chemins de la vie" et il a été comblé de joie avec la présence du Père (cf. Ac 2,27-28 Ps 16,11/15, 11). L'espérance et la joie de Jésus sont aussi l'espérance et la joie de ses amis, grâce à l'action de l'Esprit Saint. Le père Spidlík avait l'habitude de le démontrer par sa manière de vivre, et son témoignage devenait toujours plus éloquent au fil des années, car, malgré son âge avancé et les inévitables problèmes de santé, son esprit conservait sa vivacité et sa jeunesse. Qu'est-ce que cela sinon l'amitié avec le Seigneur ressuscité?

Dans la deuxième lecture, saint Pierre bénit Dieu car "dans sa grande miséricorde, il nous a engendrés de nouveau par la Résurrection de Jésus Christ d'entre les morts, pour une vivante espérance" et il ajoute: "Vous en tressaillez de joie, bien qu'il vous faille encore quelque temps être affligés par diverses épreuves" (1P 1,3 1P 1,6). Ici aussi apparaît clairement comment l'espérance et la joie sont des réalités théologales qui proviennent du mystère de la Résurrection du Christ et du don de son Esprit. Nous pourrions dire que l'Esprit Saint les prend du coeur du Christ ressuscité et les transporte dans le coeur de ses amis.

J'ai volontairement introduit l'image du "coeur" parce que, comme beaucoup d'entre vous le savent, le Père Spidlík la choisit comme devise de son blason cardinalice: "Ex toto corde", "de tout mon coeur". Cette expression se trouve dans le Livre du Deutéronome, dans le premier et fondamental commandement de la loi, là où Moïse dit au peuple: "Ecoute Israël: Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton pouvoir" (Dt 6,4-5). "De tout ton coeur- ex toto corde" se réfère donc à la manière dont Israël doit aimer son Dieu. Jésus confirme le primat de ce commandement, auquel il ajoute celui de l'amour pour le prochain, en affirmant que celui-ci est "semblable" au premier et que de tous deux dépendent toute la loi et les prophètes (cf. Mt 22,37-39). En choisissant cette devise, notre vénéré frère plaçait, pour ainsi dire, sa vie à l'intérieur du commandement de l'amour, il l'inscrivait tout entière dans le primat de Dieu et de la charité.

Il y a un autre aspect, une signification supplémentaire de l'expression "ex toto corde", que le Père Spidlík avait assurément à l'esprit et entendait exprimer par sa devise. Toujours à partir de la racine biblique, le symbole du coeur représente dans la spiritualité orientale le siège de la prière, de la rencontre entre l'homme et Dieu, mais aussi avec les autres hommes avec l'univers. Il faut rappeler ici que dans la devise du cardinal Spidlík, le coeur, qui campe dans son blason, contient une croix dans les bras de laquelle se croisent les paroles phos et zoe, "lumière" et "vie", qui sont des noms de Dieu. Donc, l'homme qui accueille pleinement, ex toto corde, l'amour de Dieu, accueille la lumière et la vie, et devient à son tour lumière et vie dans l'humanité et dans l'univers.

Mais qui est cet homme? Qui est ce "coeur" du monde, sinon Jésus Christ? C'est Lui la Lumière et la Vie, parce qu'en Lui "habite corporellement toute la plénitude de la divinité" (Col 2,9). Et je suis heureux ici de rappeler que notre défunt frère a été membre de la Compagnie de Jésus, c'est-à-dire un fils spirituel de saint Ignace, qui place au centre de la foi et de la spiritualité la contemplation de Dieu dans le mystère du Christ. Dans ce symbole du coeur se rencontrent l'Orient et l'Occident, non pas dans un sens dévotionnel mais profondément christologique, comme l'ont mis en lumière d'autres théologiens jésuites du siècle dernier. Et le Christ, figure centrale de la Révélation, est aussi le principe formel de l'art chrétien, un domaine qui a trouvé chez le père Spidlík un grand maître, inspirateur d'idées et de projets expressifs, ayant trouvé une synthèse importante dans la Chapelle Redemptoris Mater du Palais apostolique.

Je voudrais conclure en revenant au thème de la Résurrection, en citant un texte très apprécié du cardinal Spidlík, un passage des Hymnes sur la Résurrection de saint Ephrem le Syrien:

"D'en haut, il est descendu
comme Seigneur,
du ventre il est sorti
comme un serviteur,
la mort s'est agenouillée
devant Lui au Shéol,
et la vie l'a adoré
dans sa résurrection.
Bénie soit sa victoire!"
(n. 1, 8).

Que la Vierge Mère de Dieu accompagne l'âme de notre vénéré frère dans l'étreinte de la Très Sainte Trinité, où "avec tout son coeur" il louera pour l'éternité son Amour infini. Amen.



VISITE PASTORALE À TURIN - CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE Place San Carlo - Dimanche 2 mai 2010

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Chers frères et soeurs!

Je suis heureux de me trouver avec vous en ce jour de fête et de célébrer pour vous cette Eucharistie solennelle. Je salue chacune des personnes présentes, en particulier le pasteur de votre archidiocèse, le cardinal Severino Poletto, que je remercie des paroles chaleureuses qu'il m'a adressées au nom de tous. Je salue également les archevêques et les évêques présents, les prêtres, les religieux et les religieuses, les représentants des associations et des mouvements ecclésiaux. J'adresse une pensée respectueuse au maire, M. Sergio Chiamparino, reconnaissant pour son hommage courtois, au représentant du gouvernement et aux autorités civiles et militaires, avec des remerciements particuliers à tous ceux qui ont généreusement offert leur collaboration pour la réalisation de ma visite pastorale. J'étends ma pensée à tous ceux qui n'ont pas pu être présents, en particulier aux malades, aux personnes seules et à tous ceux qui se trouvent en difficulté. Je confie au Seigneur la ville de Turin et tous ses habitants au cours de cette célébration eucharistique qui, comme tous les dimanches, nous invite à participer de manière communautaire au double banquet de la Parole de vérité et du Pain de la vie éternelle.

Nous sommes dans le temps pascal, qui est le temps de la glorification de Jésus. L'Evangile que nous avons écouté il y a peu nous rappelle que cette glorification s'est réalisée à travers la passion. Dans le mystère pascal, passion et glorification sont étroitement liées entre elles et forment une unité indivisible. Jésus affirme: "Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui" (
Jn 13,31) et il le fait lorsque Judas sort du Cénacle pour accomplir le plan de sa trahison, qui conduira à la mort du Maître: c'est précisément à ce moment-là que commence la glorification de Jésus. L'évangéliste Jean le fait comprendre clairement: en effet, il ne dit pas que Jésus a été glorifié seulement après sa passion, au moyen de la résurrection, mais il montre que sa glorification a commencé précisément avec la passion. Dans celle-ci, Jésus manifeste sa gloire, qui est gloire de l'amour, qui se donne totalement. Il a aimé le Père, accomplissant sa volonté jusqu'au bout, en une donation parfaite; il a aimé l'humanité, donnant sa vie pour nous. Ainsi, dans sa passion, il est déjà glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Mais la passion - comme expression très réelle et profonde de son amour - n'est qu'un début. C'est pourquoi Jésus affirme que sa glorification sera également future (cf. Jn 13,32). Ensuite le Seigneur, au moment où il annonce son départ de ce monde (cf. Jn 13,33), comme un testament laissé à ses disciples pour poursuivre de manière nouvelle sa présence parmi eux, leur donne un commandement: "Je vous donne un commandement nouveau: c'est de vous aimer les uns les autres" (Jn 13,34). Si nous nous aimons les uns les autres, Jésus continue à être présent parmi nous, à être glorifié dans le monde.

Jésus parle d'un "commandement nouveau". Mais quelle est sa nouveauté? Déjà dans l'Ancien Testament, Dieu avait donné le commandement de l'amour; à présent, cependant, ce commandement est devenu nouveau dans la mesure où Jésus y apporte un ajout très important: "Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres". Ce qui est nouveau est précisément cet "aimer comme Jésus a aimé". Tout notre amour est précédé par son amour et se réfère à cet amour, s'insère dans cet amour, se réalise précisément pour cet amour. L'Ancien Testament ne présentait aucun modèle d'amour, mais formulait seulement le précepte d'aimer. Jésus, en revanche, s'est donné lui-même à nous comme modèle et comme source d'amour. Il s'agit d'un amour sans limites, universel, en mesure de transformer également toutes les circonstances négatives et tous les obstacles qui se dressent pour progresser dans l'amour. Et nous voyons dans les saints de cette ville la réalisation de cet amour, toujours à partir de la source de l'amour de Jésus.

Au cours des siècles passés, l'Eglise qui est à Turin a connu une riche tradition de sainteté et de généreux service à nos frères - comme l'ont rappelé le cardinal-archevêque et le maire - grâce à l'oeuvre de prêtres, de religieux et de religieuses de vie active et contemplative et de fidèles laïcs zélés. Les paroles de Jésus acquièrent alors un écho particulier pour cette Eglise de Turin, une Eglise généreuse et active, à commencer par ses prêtres. En nous donnant le commandement nouveau, Jésus nous demande de vivre son amour même, de son amour même, qui est le signe vraiment crédible, éloquent et efficace pour annoncer au monde la venue du Royaume de Dieu. Bien évidemment, avec nos seules forces nous sommes faibles et limités. Il y a toujours en nous une résistance à l'amour et dans notre existence, il y a tant de difficultés qui provoquent des divisions, du ressentiment et des rancoeurs. Mais le Seigneur nous a promis d'être présent dans notre vie, en nous rendant aptes à cet amour généreux et total, qui sait vaincre tous les obstacles, même ceux qui sont dans nos propres coeurs. Si nous sommes unis au Christ, nous pouvons vraiment aimer de cette manière. Aimer les autres comme Jésus nous a aimés n'est possible qu'avec cette force qui nous est communiquée dans la relation avec Lui, en particulier dans l'Eucharistie, où devient présent de manière réelle son sacrifice d'amour qui engendre l'amour: c'est la véritable nouveauté dans le monde et la force d'une glorification permanente de Dieu, qui se glorifie dans la continuité de l'amour de Jésus dans notre amour.

Je voudrais alors adresser une parole d'encouragement en particulier aux prêtres et aux diacres de cette Eglise, qui se consacrent avec générosité au travail pastoral, ainsi qu'aux religieux et aux religieuses. Etre des ouvriers dans la vigne du Seigneur peut être parfois fatigant, les engagements se multiplient, les demandes sont nombreuses, les problèmes ne manquent pas: sachez puiser quotidiennement à la relation d'amour avec Dieu dans la prière la force pour apporter l'annonce prophétique du salut; re-centrez votre existence sur l'essentiel de l'Evangile; cultivez une dimension réelle de communion et de fraternité à l'intérieur du presbyterium, de vos communautés, dans les relations avec le Peuple de Dieu; témoignez dans le ministère de la puissance de l'amour qui vient d'en-Haut, qui vient du Seigneur présent parmi nous.

La première lecture que nous avons écoutée, nous présente précisément une manière particulière de glorification de Jésus: l'apostolat et ses fruits. Paul et Barnabé, au terme de leur premier voyage apostolique, reviennent dans les villes déjà visitées et encouragent à nouveau les disciples, les exhortant à rester solides dans la foi, car, comme ils le disent: "Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu" (Ac 14,22). Chers frères et soeurs, la vie chrétienne n'est pas facile; je sais qu'à Turin également les difficultés, les problèmes, les préoccupations ne manquent pas: je pense, en particulier, à ceux qui vivent concrètement leur existence dans des situations précaires, à cause du manque de travail, de l'incertitude pour l'avenir, de la souffrance physique et morale; je pense aux familles, aux jeunes, aux personnes âgées qui vivent souvent dans la solitude, aux laissés-pourcompte, aux immigrés. Oui, la vie conduit à affronter de nombreuses difficultés, de nombreux problèmes, mais c'est précisément la certitude qui nous vient de la foi, la certitude que nous ne sommes pas seuls, que Dieu aime chacun sans distinction et est proche de chacun avec son amour, qui permet d'affronter, de vivre et de surmonter la fatigue des problèmes quotidiens. C'est l'amour universel du Christ ressuscité qui a poussé les apôtres à sortir d'eux-mêmes, à diffuser la parole de Dieu, à se prodiguer sans réserve pour les autres, avec courage, avec joie et sérénité. Le Ressuscité possède une force d'amour qui dépasse toute limite, il ne s'arrête devant aucun obstacle. Et la communauté chrétienne, en particulier dans les domaines les plus engagés sur le plan pastoral, doit être un instrument concret de cet amour de Dieu.

J'exhorte les familles à vivre la dimension chrétienne de l'amour dans les simples actions quotidiennes, dans les relations familiales en surmontant les divisions et les incompréhensions, en cultivant la foi qui rend la communion encore plus solide. Dans le monde riche et varié de l'université et de la culture, que ne manque pas également le témoignage de l'amour dont nous parle l'Evangile d'aujourd'hui, dans la capacité de l'écoute attentive et du dialogue humble dans la recherche de la Vérité, certains que c'est la vérité elle-même qui vient à notre rencontre et qui nous saisit. Je désire également encourager l'effort, souvent difficile, de ceux qui sont appelés à administrer le bien public: la collaboration pour rechercher le bien commun et rendre la ville toujours plus humaine et vivable est un signe que la pensée chrétienne sur l'homme n'est jamais contre sa liberté, mais en faveur d'une plus grande plénitude qui ne trouve sa réalisation que dans une "civilisation de l'amour". A tous, en particulier aux jeunes, je veux dire de ne jamais perdre l'espérance, celle qui vient du Christ ressuscité, de la victoire de Dieu sur le péché, sur la haine et sur la mort.

La deuxième lecture d'aujourd'hui nous montre précisément l'issue finale de la Résurrection de Jésus: c'est la Jérusalem nouvelle, la ville sainte, qui descend du ciel, de Dieu, prête comme une épouse parée pour son époux (cf. Ap 21,2). Celui qui a été crucifié, qui a partagé notre souffrance, comme nous le rappelle également de manière éloquente le Saint-Suaire, est celui qui est ressuscité et il veut nous réunir tous dans son amour. Il s'agit d'une espérance merveilleuse, "forte" solide, car, comme le dit l'Apocalypse: "(Dieu) essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n'existera plus; et il n'y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse; car la première création aura disparu" (Ap 21,4). Le Saint-Suaire ne transmet-il pas le même message? Dans celui-ci nous voyons, comme reflétées, nos souffrances dans les souffrances du Christ: "Passio Christi. Passio hominis". C'est précisément pour cette raison qu'il est un signe d'espérance: le Christ a affronté la croix pour mettre un frein au mal; pour nous faire entrevoir, dans sa Pâque, l'anticipation de ce moment où, pour nous aussi, chaque larme sera essuyée et il n'y aura plus ni mort, ni pleurs, ni cris, ni tristesse.

Le passage de l'Apocalypse termine par l'affirmation: "Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara: "Voici que je fais toutes choses nouvelles"" (Ap 21,5). La première chose absolument nouvelle réalisée par Dieu a été la résurrection de Jésus, sa glorification céleste. Elle est le début de toute une série de "choses nouvelles", auxquelles nous participons nous aussi. Les "choses nouvelles" sont un monde plein de joie, où il n'y a plus de souffrances ni d'abus, où il n'y a plus de rancoeur et de haine, mais seulement l'amour qui vient de Dieu et qui transforme tout.

Chère Eglise qui est à Turin, je suis venu parmi vous pour vous confirmer dans la foi. Je désire vous exhorter, avec force et avec affection, à rester solides dans cette foi que vous avez reçue et qui donne un sens à la vie, qui donne la force d'aimer; à ne jamais perdre la lumière de l'espérance dans le Christ ressuscité, qui est capable de transformer la réalité et de rendre toutes choses nouvelles; à vivre l'amour de Dieu dans votre ville, dans les quartiers, dans les communautés, dans les familles, de manière simple et concrète: "Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres".

Amen.





Benoît XVI Homélies 15410