Benoît XVI Homélies 30510

CHAPELLE PAPALE POUR LES OBSÈQUES DU CARDINAL PAUL AUGUSTIN MAYER, O.S.B. Basilique vaticane, autel de la chaire - Lundi 3 mai 2010

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Vénérés frères,

Mesdames et Messieurs,
chers frères et soeurs!

L'heure est venue également pour notre bien-aimé frère le cardinal Paul Augustin Mayer de quitter ce monde. Il était né, il y a presque un siècle, dans la même terre que moi, précisément à Altötting, où s'élève le célèbre sanctuaire marial auquel se rattachent tant de nos liens d'affection et de nos souvenirs à nous, Bavarois. Tel est le destin et l'existence humaine: elle fleurit de la terre – en un point précis du monde – et elle est appelée au Ciel, à la patrie dont elle provient mystérieusement. « Desiderat anima mea ad te, Deus » (
Ps 41,2/42, 2). Dans ce verbe « desiderat » il y a tout l'homme, son être chair et esprit, terre et ciel. C'est le mystère originel de l'image de Dieu dans l'homme. Le jeune Paul – qui une fois devenu moine s'appellera Augustin Mayer – étudia ce thème dans les écrits de Clément d'Alexandrie, pour son doctorat de théologie. C'est le mystère de la vie éternelle, déposé en nous comme une semence depuis le Baptême, et qui demande à être accueilli au cours du voyage de notre vie, jusqu'au jour où nous rendons l'esprit à Dieu le Père.

« Pater, in manus tuas commendo spiritum meum » (Lc 23,46). Les dernières paroles de Jésus sur la croix nous guident dans la prière et dans la méditation, alors que nous sommes rassemblés autour de l'autel pour donner le dernier salut à notre regretté frère. Chacune de nos célébrations d'obsèques se place sous le signe de l'espérance: dans le dernier souffle de Jésus sur la croix (cf. Lc 23,46 Jn 19,30), Dieu s'est donné entièrement à l'humanité, comblant le vide ouvert par le péché et rétablissant la victoire de la vie sur la mort. C'est pourquoi, chaque homme qui meurt dans le Seigneur participe par la foi à cet acte d'amour infini, d'une certaine manière, il rend l'esprit avec le Christ, dans l'espérance certaine que la main du Père le ressuscitera des morts et l'introduira dans le Royaume de la vie.

« L'espérance ne trompe pas – affirme Paul en écrivant aux chrétiens de Rome –, puisque l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). La grande espérance indéfectible, fondée sur le roc solide de l'amour de Dieu, nous assure que la vie de ceux qui meurent dans le Christ « n'est pas enlevée, mais changée »; et que « lorsque prend fin le séjour sur la terre, une demeure éternelle est préparée dans les cieux » (Préface des défunts I). A une époque comme la nôtre, où la peur de la mort jette de nombreuses personnes dans le désespoir et dans la recherche de consolations illusoires, le chrétien se distingue par le fait qu'il place sa certitude en Dieu, dans un Amour si grand qu'il peut renouveler le monde entier. « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5), déclare – vers la fin du Livre de l'Apocalypse – Celui qui siège sur le trône. La vision de la nouvelle Jérusalem exprime la réalisation du désir le plus profond de l'humanité: celui de vivre ensemble dans la paix, sans qu'il n'y ait plus la menace de la mort, mais en jouissant de la pleine communion avec Dieu et entre nous. L'Eglise et, en particulier, la communauté monastique, constituent une préfiguration sur la terre de cet objectif final. Il s'agit d'une anticipation imparfaite, marquée par les limites et par les péchés, et qui a donc toujours besoin de conversion et de purification; mais, toutefois, dans la communion eucharistique on goûte déjà la victoire de l'amour du Christ sur ce qui divise et mortifie. « Congregavit nos in unum Christi amor » – « L'amour du Christ nous a rassemblés dans l'unité »: telle est la devise épiscopale de notre vénéré frère qui nous a quittés. Comme fils de saint Benoît, il a fait l'expérience de la promesse du Seigneur: « Tel sera l'héritage réservé au vainqueur / je serai son Dieu, et il sera mon fils » (Ap 21,7).

Formé à l'école des Pères bénédictins de l'abbaye Saint-Michel à Metten, il prononça ses voeux monastiques en 1931. Pendant toute son existence, il a cherché à réaliser ce que saint Benoît dit dans la Règle: « Que l'on ne place rien avant l'amour du Christ ». Après des études à Salzbourg et à Rome, il entreprit une longue carrière, reconnue, d'enseignement à l'Université pontificale Saint-Anselme, dont il devint le recteur en 1949, recouvrant cette charge pendant 17 ans. C'est précisément pendant cette période que fut fondé l'Institut pontifical liturgique, qui est devenu un point de référence fondamental pour la préparation des formateurs dans le domaine de la liturgie. Elu, après le Concile, abbé de sa bien-aimée abbaye de Metten, il exerça cette charge pendant cinq ans, mais déjà en 1972, le serviteur de Dieu le Pape Paul VI le nomma secrétaire de la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers et il voulut personnellement le consacrer évêque le 13 février 1972.

Au cours de ses années de service dans ce dicastère, il promut l'application progressive des dispositions du Concile Vatican II à l'égard des familles religieuses. Dans ce domaine particulier, en sa qualité de religieux, il eut l'occasion de faire preuve d'une sensibilité ecclésiale et humaine particulière. En 1984, le vénérable Jean-Paul II lui confia la charge de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, le créant ensuite cardinal lors du consistoire du 25 mai 1985 et lui assignant le titre de « Sant'Anselmo all'Aventino ». Ensuite, il le nomma premier président de la Commission pontificale Ecclesia Dei; et dans cette nouvelle tâche délicate, le cardinal Mayer se révéla également un serviteur zélé et fidèle, cherchant à appliquer le contenu de sa devise: « L'amour du Christ nous a rassemblés dans l'unité ».

Chers frères, notre vie est à chaque instant entre les mains du Seigneur, en particulier au moment de la mort. C'est pourquoi, avec l'invocation confiante de Jésus sur la croix: « Père, je remets mon esprit entre tes mains », nous voulons accompagner notre frère Paul Augustin, au moment où il accomplit son passage de ce monde au Père. En cet instant, ma pensée ne peut que se tourner vers le sanctuaire de la Mère des Grâces d'Altötting. Spirituellement tournés vers ce lieu de pèlerinage, nous confions à la Sainte Vierge notre prière d'intention pour le regretté cardinal Mayer. Il naquit près de ce sanctuaire, il a configuré sa vie au Christ selon la Règle bénédictine et il est mort à l'ombre de cette basilique vaticane. Que la Vierge, saint Pierre et saint Benoît accompagnent ce fidèle disciple du Seigneur dans son Royaume de lumière et de paix. Amen.



CHAPELLE PAPALE POUR LES OBSÈQUES DU CARDINAL LUIGI POGGI - Basilique vaticane, autel de la Chaire - Vendredi 7 mai 2010

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Vénérés frères,
Mesdames et Messieurs,
Chers frères et soeurs!

Vous vous êtes rassemblés autour de l'autel du Seigneur pour accompagner par la célébration du Sacrifice eucharistique, dans lequel se réalise le Mystère pascal, le dernier voyage du cher cardinal Luigi Poggi, que le Seigneur a appelé à lui. En adressant mon salut cordial à chacun de vous, je remercie en particulier le cardinal Sodano qui, en tant que doyen du Collège cardinalice, a présidé la Messe de funérailles.

L'Evangile qui a été proclamé au cours de cette célébration nous aide à vivre plus intensément le triste moment du détachement de la vie terrestre de notre regretté frère. La douleur pour la perte de sa personne est adoucie par l'espérance dans la résurrection, fondée sur la parole même de Jésus: « Car la volonté de mon Père, c'est que tout homme qui voit le Fils et croit en lui obtienne la vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (
Jn 6,40). Face au mystère de la mort, tout semble être irrémédiablement perdu pour l'homme qui n'a pas la foi. C'est la parole du Christ qui éclaire alors le chemin de la vie et confère sa valeur à chacun de ses moments. Jésus Christ est le Seigneur de la vie, et il est venu pour ressusciter au dernier jour tout ce que le Père lui a confié (cf. Jn 6,39). C'est également le message que Pierre annonce avec une grande force le jour de la Pentecôte (cf. Ac 2,14 Ac 2,22-28). Il montre que Jésus ne pouvait pas être retenu par la mort. Dieu l'a libéré de ses angoisses, car il n'était pas possible que cette dernière le garde en son pouvoir. Sur la croix, le Christ a remporté la victoire, qui devait se manifester par un dépassement de la mort, c'est-à-dire par sa résurrection.

C'est sur cet horizon de foi que notre regretté frère a conduit toute son existence, consacrée à Dieu et au service de ses frères, devenant ainsi le témoin de cette foi courageuse qui sait avoir confiance en Dieu. Nous pouvons dire que toute la mission sacerdotale du cardinal Luigi Poggi a été consacrée au service direct du Saint-Siège. Né à Piacenza le 25 novembre 1917, après des études ecclésiastiques au Collège « Alberoni » et son ordination sacerdotale, reçue le 28 juillet 1940, il poursuivit ses études à Rome, obtenant une maîtrise « in utroque iure » et exerçant son ministère sacerdotal dans plusieurs paroisses romaines. Entré à l'Académie pontificale ecclésiastique, il commença en 1945 son travail auprès de ce qui était alors la Première section de la secrétairerie d'Etat: des années difficiles, au cours desquelles il se prodigua au service de l'Eglise. Après une première charge, au printemps 1963, auprès du gouvernement de la République tunisienne pour parvenir à un « modus vivendi » entre le Saint-Siège et le gouvernement de ce pays à propos de la situation de l'Eglise catholique en Tunisie, il fut nommé en avril 1965 délégué apostolique pour l'Afrique centrale, avec dignité d'archevêque et juridiction sur le Cameroun, le Tchad, le Congo-Brazzaville, le Gabon et la République centrafricaine. En mai 1969, il fut promu nonce apostolique au Pérou, où il resta jusqu'en août 1973, lorsqu'il fut rappelé à Rome avec la qualification de nonce apostolique avec charges spéciales, en particulier pour entretenir des contacts avec les gouvernements de Pologne, de Hongrie, de Tchécoslovaquie, de Roumanie et de Bulgarie, dans le but d'améliorer la situation de l'Eglise catholique dans ces pays.

En juillet 1974, les rapports entre le Saint-Siège et le gouvernement polonais furent institutionnalisés et Mgr Poggi fut nommé chef de la délégation du Saint-Siège pour les contacts permanents de travail avec le gouvernement de la Pologne. Au cours de cette période, il effectua de multiples voyages en Pologne, rencontrant de nombreuses personnalités politiques et ecclésiastiques, devenant, à l'école de son supérieur, le cardinal Agostino Casaroli, un protagoniste de l'Ostpolitik vaticane dans les pays du bloc communiste. Le 19 avril 1986, il fut nommé nonce apostolique en Italie: cette nonciature a également été chargée, précisément depuis cette date, d'étudier les dossiers relatifs aux nominations d'évêques dans le pays. Et, toujours au cours de cette période, ce fut lui qui, en qualité de représentant pontifical, géra la délicate phase de réorganisation des diocèses italiens. Créé et publié cardinal lors du consistoire du 26 novembre 1994, il fut nommé par le vénérable Jean-Paul II archiviste et bibliothécaire de la Sainte Eglise romaine, conservant cette charge jusqu'en mars 1998.

Chers frères, il y a quelques instants, ces paroles de l'apôtre Paul ont été proclamées: « Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui » (Rm 6,8). Cette page de la Lettre aux Romains constitue l'un des textes fondamentaux du Lectionnaire liturgique. Celle-ci, en effet, nous est proposée chaque année au cours de la veillée pascale. Nous pensons à ces paroles éclairantes de saint Paul, alors que nous présentons avec émotion notre dernier salut au cher cardinal Luigi Poggi. Combien de fois lui-même les aura-t-il lues, méditées et commentées! Ce que l'apôtre écrit à propos de l'union mystique du baptisé avec le Christ mort et ressuscité, il le vit à présent dans la réalité ultraterrestre, libéré des conditionnements imposés à la nature humaine par le péché. « Car – comme l'affirme saint Paul dans ce même passage – celui qui est mort est affranchi du péché » (Rm 6,7). L'union sacramentelle, mais réelle, avec le Mystère pascal du Christ ouvre aux baptisés la perspective de participer à sa même gloire. Et cela comporte déjà une conséquence pour la vie d'ici-bas, car, si en vertu du baptême, nous participons déjà à la résurrection du Christ, alors dès maintenant, « nous pouvons mener une vie nouvelle » (Rm 6,4). Voilà pourquoi la pieuse mort d'un frère dans le Christ, d'autant plus s'il est marqué par le caractère sacerdotal, est toujours un motif d'émerveillement profond et reconnaissant pour le dessein de la paternité divine, qui nous libère du pouvoir des ténèbres et nous transporte dans le règne de son Fils bien-aimé (cf. Col 1,13).

Alors que nous invoquons pour notre frère l'intercession maternelle de la Bienheureuse Vierge Marie, Reine des apôtres et Mère de l'Eglise, nous en confions l'âme élue au Père de la vie, pour qu'il l'introduise dans la place préparée pour ses amis, fidèles serviteurs de l'Evangile et de l'Eglise.





VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE BENOÎT XVI AU PORTUGAL POUR LE Xe ANNIVERSAIRE DE

LA BEATIFICATION DE JACINTA ET FRANCISCO, PASTOUREAUX DE FÁTIMA (11-14 MAI 2010)


MESSE Terreiro do Paço de Lisbonne - Mardi 11 mai 2010

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Chers Frères et Soeurs,
Chers jeunes amis!

« Allez donc ! de toutes les nations faites des disciples, […] apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (
Mt 28,19-20). Ces paroles du Christ ressuscité revêtent une signification particulière en cette ville de Lisbonne, d’où sont parties en grand nombre des générations et des générations de chrétiens – évêques, prêtres, personnes consacrées et laïcs, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes –, obéissant à l’appel du Seigneur et armés simplement de cette certitude qu’il leur a laissée : « Moi, je suis avec vous tous les jours ». La place que le Portugal s’est acquise parmi les nations pour le service offert à la diffusion de la foi est glorieuse : dans les cinq parties du monde, il y a des Églises locales qui ont tiré leur origine de l’action missionnaire portugaise.

Dans le passé, votre départ à la recherche des autres peuples n’a ni empêché ni détruit les liens avec ce que vous étiez et croyiez, au contraire, avec sagesse chrétienne, vous avez réussi à transplanter expériences et particularités, en vous ouvrant à la contribution des autres pour être vous-mêmes, dans une apparente faiblesse qui est une force. Aujourd’hui, en participant à l’édification de la Communauté européenne, vous apportez la contribution de votre identité culturelle et religieuse. En effet, de même que Jésus Christ s’est joint aux disciples sur la route d’Emmaüs, de même marche-t-il aussi avec nous selon sa promesse : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Même si elle est différente de celle des Apôtres, nous avons nous aussi une expérience vraie et personnelle du Seigneur ressuscité. La distance des siècles est dépassée et le Ressuscité se présente vivant et agissant, par notre intermédiaire, dans l’aujourd’hui de l’Église et du monde. C’est cela notre grande joie. Dans le fleuve vivant de la Tradition ecclésiale, le Christ ne se trouve pas à deux mille ans de distance, mais il est réellement présent parmi nous et il nous offre la Vérité, il nous donne la lumière qui nous fait vivre et trouver le chemin vers l’avenir.

Présent dans sa Parole, dans l’assemblée du peuple de Dieu avec ses Pasteurs et, de façon éminente, dans le sacrement de son Corps et de son Sang, Jésus est ici avec nous. Je salue Monsieur le Cardinal Patriarche de Lisbonne, que je remercie pour les paroles affectueuses qu’il m’a adressées, au commencement de la célébration, au nom de sa communauté qui m’accueille et que je porte dans mon coeur avec ses presque deux millions de fils et de filles ; à vous tous ici présents – bien-aimés Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, chères personnes consacrées et laïcs engagés, chères familles et jeunes, baptisés et catéchumènes – j’adresse mon salut fraternel et amical, que j’étends à tous ceux qui se trouvent unis à nous par la radio et la télévision. Je remercie vivement Monsieur le Président de la République pour sa présence ainsi que les autres Autorités, en particulier Monsieur le Maire de Lisbonne, qui m’a courtoisement remis les clés de la ville.

Lisbonne mon amie, port et abri de tant d’espérances qui t’étaient confiées par celui qui partait et que désirait celui qui te rendait visite, j’aimerais aujourd’hui me servir de ces clés que tu m’a remises pour que tu puisses fonder tes espérances humaines sur l’Espérance divine. Dans la lecture qui vient d’être proclamée, tirée de la Première Lettre de saint Pierre, nous avons entendu : « Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse, et celui qui se confie en elle ne sera pas déçu ». Et l’Apôtre explique : Approchez-vous du Seigneur, il est « la pierre vivante, rejetée par les hommes, mais que Dieu a choisie parce qu’il en connaît la valeur » (1P 2,6 1P 2,4). Frères et soeurs, celui qui croit en Jésus ne sera pas déçu : il est la Parole de Dieu, qui ne se trompe pas et ne peut pas nous tromper. Parole confirmée par une « foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues » contemplée par l’auteur de l’Apocalypse « en vêtements blancs, avec des palmes à la main » (Ap 7,9). Dans cette foule immense il n’y a pas seulement les saints Verissimo, Maxima et Julia, martyrisés ici pendant la persécution de Dioclétien, ou saint Vincent, diacre et martyr, patron principal du Patriarcat ; saint Antoine et saint Jean de Brito qui sont partis d’ici pour semer le bon grain de Dieu auprès d’autres terres et d’autres peuples, ou saint Nuno de Santa María que, depuis un peu plus d’un an, j’ai inscrit au livre des Saints. Mais elle est formée des « serviteurs de notre Dieu » de tous les temps et de tous les lieux, sur le front desquels a été tracé le signe de la croix avec « le sceau du Dieu vivant » (Ap 7,2) : l’Esprit Saint. Il s’agit du rite initial accompli sur chacun de nous dans le sacrement du Baptême, par lequel l’Église conduit les ‘saints’ à la lumière.

Nous savons que des enfants récalcitrants et même rebelles ne lui manquent pas, mais c’est dans les Saints que l’Église reconnaît ses propres traits caractéristiques et c’est vraiment en eux qu’elle savoure sa joie la plus profonde. Ce qui les unit tous, c’est la volonté d’incarner l’Évangile dans leur propre existence, mus par l’Esprit-Saint, âme éternelle du Peuple de Dieu. Fixant son regard sur ses saints, cette Église locale a justement conclu qu’aujourd’hui la priorité pastorale est de faire de chaque chrétien une présence rayonnante de la perspective évangélique au milieu du monde, dans la famille, dans la culture, dans l’économie, dans la politique. Souvent nous nous préoccupons fébrilement des conséquences sociales, culturelles et politiques de la foi, escomptant que cette foi existe, ce qui malheureusement s’avère de jour en jour moins réaliste. On a peut-être mis une confiance excessive dans les structures et dans les programmes ecclésiaux, dans la distribution des responsabilités et des fonctions ; mais qu’arrivera-t-il si le sel s’affadit ?

Pour que cela n’arrive pas, il faut de nouveau annoncer avec vigueur et joie l’événement de la mort et de la résurrection du Christ, coeur du christianisme, fondement et soutien de notre foi, levier puissant de nos certitudes, vent impétueux qui balaie toute peur et toute indécision, tout doute et tout calcul humain. La résurrection du Christ nous assure qu’aucune puissance adverse ne pourra jamais détruire l’Église. Par conséquent notre foi a un fondement, mais il faut que cette foi devienne vie en chacun de nous. Il y a donc un vaste effort capillaire à accomplir afin que tout chrétien se transforme en témoin capable de rendre compte à tous et toujours de l’espérance qui l’anime (cf. 1P 3,15) : seul le Christ peut satisfaire pleinement les profondes aspirations de tout coeur humain et répondre à ses interrogations les plus inquiètes sur la souffrance, l’injustice et le mal, sur la mort et sur la vie dans l’Au-delà.

Chers Frères et jeunes amis, le Christ est toujours avec nous et il marche toujours avec son Église, il l’accompagne et la garde, comme il nous l’a dit : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Ne doutez jamais de sa présence ! Cherchez toujours le Seigneur Jésus, grandissez dans l’amitié avec lui, recevez-le dans la communion. Apprenez à écouter sa parole et aussi à le reconnaître dans les pauvres. Vivez votre existence avec joie et enthousiasme, sûrs de sa présence et de son amitié gratuite, généreuse, fidèle jusqu’à la mort de la croix. Témoignez à tous la joie de sa présence forte et douce, en commençant par ceux qui ont votre âge. Dites-leur qu’il est beau d’être l’ami de Jésus et qu’il vaut la peine de le suivre. Par votre enthousiasme montrez que, parmi tant de modes de vie que le monde aujourd’hui semble nous offrir – tous apparemment du même niveau –, l’unique dans lequel se trouve le vrai sens de la vie et donc la joie véritable et durable est de suivre Jésus.

Cherchez chaque jour la protection de Marie, Mère du Seigneur et miroir de toute sainteté. Elle, la toute Sainte, vous aidera à être de fidèles disciples de son Fils Jésus Christ.



VÊPRES AVEC LES PRÊTRES, LES RELIGIEUX, LES SÉMINARISTES ET LES DIACRES Eglise de la Trinité - Fátima - Mercredi 12 mai 2010

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Chers frères et soeurs,


« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme (…) pour faire de nous des fils » (
Ga 4,4-5). La plénitude du temps est arrivée, quand l’Éternel est entré dans le temps ; par l’oeuvre et la grâce de l’Esprit Saint, le Fils du Très-Haut fut conçu et s’est fait homme dans le sein d’une femme : la Vierge Mère, type et modèle parfait de l’Église croyante. Celle-ci ne cesse d’engendrer de nouveaux fils dans le Fils, que le Père a voulu comme Premier-né d’une multitude de frères. Chacun de nous est appelé à être, avec Marie et comme Marie, un signe humble et simple de l’Église qui continuellement s’offre comme épouse dans les mains de son Seigneur.

À vous tous qui avez donné votre vie au Christ, je désire, ce soir, exprimer l’estime et la reconnaissance de l’Église. Merci pour votre témoignage souvent silencieux et qui n’est en rien facile ; merci pour votre fidélité à l’Évangile et à l’Église. En Jésus présent dans l’Eucharistie, je donne l’accolade à mes frères dans le sacerdoce et aux diacres, aux personnes consacrées, aux séminaristes et aux membres des mouvements et des nouvelles communautés ecclésiales ici présents. Que le Seigneur veuille récompenser, comme Lui seul sait et peut le faire, tous ceux qui ont permis de nous retrouver ici auprès de Jésus-Eucharistie, en particulier la Commission épiscopale pour les Vocations et les Ministères avec son Président, Monseigneur Antonio Santos, que je remercie pour les paroles pleines d’affection collégiale et fraternelle qu’il m’a adressées au début des Vêpres. Dans ce ‘cénacle’ idéal de foi qu’est Fatima, la Vierge Mère nous indique le chemin pour notre oblation pure et sainte entre les mains du Père.

Permettez-moi de vous ouvrir mon coeur pour vous dire que la principale préoccupation de tout chrétien, particulièrement de la personne consacrée et du ministre de l’Autel, doit être la fidélité, la loyauté à sa propre vocation, en tant que disciple qui veut suivre le Seigneur. La fidélité dans le temps est le nom de l’amour ; d’un amour cohérent, vrai et profond, au Christ-Prêtre. « Si le Baptême fait vraiment entrer dans la sainteté de Dieu au moyen de l’insertion dans le Christ et de l’inhabitation de son Esprit, ce serait un contresens que de se contenter d’une vie médiocre, vécue sous le signe d’une éthique minimaliste et d’une religiosité superficielle » (Jean-Paul II, Lettre ap. Novo millennio ineunte NM 31). En cette année sacerdotale qui va s’achever, que descende sur vous tous une grâce abondante afin que vous viviez la joie de votre consécration et que vous témoigniez de la fidélité sacerdotale fondée sur la fidélité du Christ. Cela suppose évidemment une vraie intimité avec le Christ dans la prière, puisque ce sera l’expérience forte et intense de l’amour du Seigneur qui devra conduire les prêtres et les personnes consacrées à correspondre de façon exclusive et sponsale à son amour.

Cette vie de consécration particulière est née comme une mémoire évangélique pour le peuple de Dieu, mémoire qui manifeste, authentifie et annonce à l’Église entière la radicalité évangélique et la venue du Royaume. Eh bien, chers frères et soeurs consacrés, par votre engagement dans la prière, dans l’ascèse, dans le développement de la vie spirituelle, dans l’action apostolique et dans la mission, tendez vers la Jérusalem céleste, anticipez l’Église eschatologique, fermes dans la possession et la contemplation amoureuse du Dieu Amour ! Combien est grande aujourd’hui la nécessité de ce témoignage ! Beaucoup de nos frères vivent comme s’il n’y avait pas d’Au-delà, sans se préoccuper de leur salut éternel. Les hommes sont appelés à adhérer à la connaissance et à l’amour de Dieu, et l’Église a la mission de les aider dans cette vocation. Nous savons bien que Dieu est maître de ses dons ; et la conversion des hommes est une grâce. Mais nous sommes responsables de l’annonce de la foi, de la totalité de la foi et de ses exigences. Chers amis, imitons le Curé d’Ars qui priait ainsi le bon Dieu : « Concède-moi la conversion de ma paroisse, et j’accepte de souffrir tout ce que Tu veux pour le reste de ma vie ». Et il a tout fait pour arracher les personnes à leur tiédeur afin de les ramener à l’amour.

Il y a une solidarité profonde entre tous les membres du Corps du Christ : il n’est pas possible de l’aimer sans aimer ses frères. C’est pour leur salut que Jean-Marie Vianney a voulu être prêtre : « Gagner les âmes au bon Dieu » déclarait-il en annonçant sa vocation à l’âge de dix-huit ans, à l’image de Paul qui disait : « afin d’en gagner le plus grand nombre possible » (1Co 9,19). Le Vicaire général lui avait dit : « Il n’y a pas beaucoup d’amour de Dieu dans la paroisse, vous en mettrez ». Dans son zèle sacerdotal, le saint curé était miséricordieux comme Jésus dans la rencontre avec chaque pécheur. Il préférait insister sur l’aspect fascinant de la vertu, sur la miséricorde de Dieu en présence de laquelle nos péchés sont des ‘grains de sable’. Il évoquait la tendresse offensée de Dieu. Il craignait que les prêtres deviennent « insensibles » et s’habituent à l’indifférence de leurs fidèles : « Malheur au pasteur – avertissait-il – qui demeure muet en voyant Dieu outragé et les âmes se perdre ».

Chers frères prêtres, en ce lieu que Marie a rendu si singulier, en ayant devant les yeux sa vocation de fidèle disciple de son fils Jésus, de la conception à la Croix et ensuite dans les pas de l’Église naissante, considérez la grâce inouïe de votre sacerdoce. La fidélité à votre vocation propre exige courage et confiance, mais le Seigneur veut aussi que vous sachiez unir vos forces ; soyez pleins de sollicitude les uns avec les autres, en vous soutenant fraternellement. Les moments de prière et d’étude en commun, le partage des exigences de la vie et du travail sacerdotal sont une part nécessaire de votre vie. Comme il est merveilleux quand vous vous accueillez les uns les autres dans vos maisons, avec la paix du Christ dans vos coeurs ! Comme il est important de vous aider réciproquement par le moyen de la prière et par des conseils et des discernements utiles ! Réservez une attention particulière aux situations d’affaiblissement des idéaux sacerdotaux ou bien au fait de se consacrer à des activités qui ne s’accordent pas complètement avec ce qui est le propre d’un ministre de Jésus Christ. C’est alors le moment d’assumer, avec la chaleur de la fraternité, l’attitude décidée du frère qui aide son frère à ‘rester debout’.

Bien que le sacerdoce du Christ soit éternel (cf. He 5,6), la vie des prêtres est limitée. Le Christ veut que d’autres perpétuent au long du temps le sacerdoce ministériel qu’Il a institué. Aussi, maintenez donc, en vous et autour de vous, le désir de susciter – en secondant la grâce de l’Esprit Saint – de nouvelles vocations sacerdotales parmi les fidèles. La prière confiante et persévérante, l’amour joyeux de votre propre vocation et un travail appliqué de direction spirituelle vous permettront de discerner le charisme de la vocation chez ceux qui sont appelés par Dieu.

Chers séminaristes, qui avez déjà fait le premier pas vers le sacerdoce et qui vous préparez au grand séminaire ou bien dans les maisons de formation religieuses, le Pape vous encourage à être conscients de la grande responsabilité que vous devrez assumer : vérifiez bien vos intentions et vos motivations ; consacrez-vous avec force d’âme et générosité d’esprit à votre formation. L’Eucharistie, centre de la vie du chrétien et école d’humilité et de service, doit être l’objet principal de votre amour. L’adoration, la piété et l’attention portée au Saint Sacrement, au cours de ces années de formation, vous conduiront un jour à célébrer le sacrifice de l’Autel avec une dévotion édifiante et vraie.

Sur ce chemin de fidélité, bien-aimés prêtres et diacres, frères et soeurs consacrés, séminaristes et laïcs engagés, que la Bienheureuse Vierge Marie nous guide et nous accompagne. Avec Elle et comme Elle, nous sommes libres pour être saints ; libres pour être pauvres, chastes et obéissants, libres pour tous, parce que détachés de tout ; libres de nous-mêmes afin qu’en chacun grandisse le Christ, l’authentique consacré du Père et le Pasteur auquel les prêtres prêtent leur voix et leurs gestes, en le représentant ; libres pour porter à la société d’aujourd’hui Jésus mort et ressuscité, qui demeure avec nous jusqu’à la fin des temps et qui se donne à tous dans la Très Sainte Eucharistie.



MESSE Esplanade du sanctuaire de Fátima - Jeudi 13 mai 2010

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Chers pèlerins,

« Votre descendance sera célèbre parmi les nations, (…) elle sera la descendance bénie par le Seigneur » (
Is 61,9). C’est ainsi que débutait la première lecture de cette Eucharistie, dont les paroles trouvent un admirable accomplissement dans cette assemblée recueillie avec dévotion aux pieds de la Vierge de Fatima. Chers frères et soeurs bien-aimés, moi aussi je suis venu en tant que pèlerin à Fatima, en cette ‘maison’ que Marie a choisie pour nous parler en nos temps modernes. Je suis venu à Fatima pour jouir de la présence de Marie et de sa protection maternelle. Je suis venu à Fatima, parce que vers ce lieu converge aujourd’hui l’Église pérégrinante, voulue par son Fils comme instrument d’évangélisation et sacrement du salut. Je suis venu à Fatima pour prier, avec Marie et avec de nombreux pèlerins, pour notre humanité affligée par des détresses et des souffrances. Enfin, je suis venu à Fatima, avec les mêmes sentiments que ceux des Bienheureux François et Jacinthe et de la Servante de Dieu Lucie, pour confier à la Vierge la confession intime que ‘j’aime’ Jésus, que l’Église, que les prêtres ‘l’aiment’ et désirent garder les yeux fixés sur Lui, alors que s’achève cette Année sacerdotale, et pour confier à la protection maternelle de Marie les prêtres, les personnes consacrées, les missionnaires et tous ceux qui oeuvrent pour rendre la Maison de Dieu accueillante et bienfaisante.

Ils sont la descendance que le Seigneur a bénie… la descendance que le Seigneur a bénie, c’est toi, cher diocèse de Leira-Fatima, avec ton Pasteur, Monseigneur Antonio Marto, que je remercie pour le salut qu’il m’a adressé au début de cette célébration et pour toutes les attentions dont il m’a comblé dans ce sanctuaire, y compris à travers ses collaborateurs. Je salue Monsieur le Président de la République et les autres Autorités qui sont au service de cette glorieuse Nation. De coeur, j’embrasse tous les diocèses du Portugal, ici représentés par leurs Évêques, et je confie au Ciel tous les peuples et toutes les nations de la terre. Je confie à Dieu, dans mon coeur, tous leurs fils et filles, en particulier ceux qui vivent dans l’épreuve ou qui sont abandonnées, avec le désir de leur transmettre cette grande espérance qui brûle en mon coeur et qui, ici à Fatima, se laisse accueillir de façon plus palpable. Que notre grande espérance plonge des racines profondes dans la vie de chacun de vous, chers pèlerins qui êtes ici présents, ainsi que dans la vie de tous ceux qui nous sont unis à travers les moyens de communication sociale.

Oui ! Le Seigneur, notre grande espérance, est avec nous ; dans son amour miséricordieux, il offre un avenir à son peuple : un avenir de communion avec Lui. Ayant expérimenté la miséricorde et la consolation de Dieu qui ne l’avait pas abandonné sur le pénible chemin de retour de l’exil à Babylone, le peuple de Dieu s’exclame : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu » (Is 61,10). Fille éminente de ce peuple, revêtue de grâce et doucement étonnée par la gestation du Fils de Dieu qui s’accomplissait en son sein, la Vierge Mère de Nazareth fait également sienne cette joie et cette espérance dans le cantique du Magnificat : « Mon esprit exulte en Dieu, mon Sauveur ». Toutefois, elle ne se regardait pas comme une privilégiée au milieu d’un peuple stérile, au contraire, elle prophétisait pour lui les douces joies d’un prodigieuse maternité du Fils de Dieu, parce que « son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent » (Lc 1,47 Lc 1,50).

Ce lieu béni en est la preuve. Dans sept ans, vous reviendrez ici pour célébrer le centenaire de la première visite faite par la Dame « venue du Ciel », comme une maîtresse qui introduit les petits voyants dans la connaissance profonde de l’Amour trinitaire et les conduit à goûter Dieu lui-même comme la réalité la plus belle de l’existence humaine. Une expérience de grâce qui les a fait devenir amoureux de Dieu en Jésus, au point que Jacinthe s’exclamait : « J’aime tellement dire à Jésus que je L’aime ! Quand je le Lui dit de nombreuses fois, il me semble avoir un feu dans le coeur, mais qui ne me brûle pas ». Et François disait : « Ce que j’ai aimé par-dessus tout, fut de voir Notre Seigneur dans cette lumière que Notre Mère nous a mise dans le coeur. J’aime tant Dieu ! » (Mémoires de Soeur Lucie I p. 42 et p.126).

Frères, en entendant ces innocentes et profondes confidences mystiques des petits bergers, certains pourraient les regarder avec un peu d’envie parce que eux ils ont vu, ou bien avec la résignation amère de celui qui n’a pas eu la même chance mais qui insiste parce qu’il veut voir. À ces personnes, le Pape dit comme Jésus : « N’êtes-vous pas dans l’erreur, en méconnaissant les Écritures, et la puissance de Dieu ? » (Mc 12,24). Les Écritures nous invitent à croire : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29), mais Dieu – plus intime à moi que je le suis à moi-même (cf. Saint Augustin, Confessions, III, 6, 11) – a le pouvoir d’arriver jusqu’à nous, en particulier à travers nos sens intérieurs, de sorte que l’âme reçoive le toucher suave d’une réalité qui se trouve au-delà du sensible et qui la rende capable de rejoindre le non-sensible, ce qui est imperceptible aux sens. Pour cela, il est besoin d’une vigilance du coeur que, la plupart du temps, nous n’avons pas en raison de la forte pression de la réalité extérieure, des images et des préoccupations qui emplissent l’âme (cf. Commentaire théologique du Message de Fatima, 2000). Oui ! Dieu peut nous rejoindre, en s’offrant à notre vision intérieure.

Qui plus est, cette Lumière dans l’âme des jeunes bergers, qui provient de l’éternité de Dieu, est la même qui s’est manifestée à la plénitude des temps et qui est venue pour tous : le Fils de Dieu fait homme. Qu’Il ait le pouvoir d’enflammer les coeurs les plus froids et les plus tristes, nous le voyons avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24,32). C’est pourquoi notre espérance a un fondement réel, elle s’appuie sur un événement qui prend sa place dans l’histoire et en même temps la dépasse : c’est Jésus de Nazareth. L’enthousiasme suscité par sa sagesse et par sa puissance salvifique auprès des gens de l’époque était tel qu’une femme au milieu de la foule – comme nous l’avons entendu dans l’Évangile – s’exclama pour dire : « Heureuse la mère qui t’a porté dans ses entrailles, et qui t’a nourri de son lait ! ». Cependant, Jésus répond : « Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » (Lc 11,27 Lc 11,28). Mais qui a le temps d’écouter sa parole et de se laisser séduire par son amour ? Qui veille, dans la nuit du doute ou de l’incertitude, avec le coeur éveillé en prière ? Qui attend l’aube du jour nouveau, tenant allumée la flamme de la foi ? La foi en Dieu ouvre à l’homme l’horizon d’une espérance certaine qui ne déçoit pas ; elle indique un fondement solide sur lequel appuyer, sans peur, toute son existence ; elle requiert l’abandon, plein de confiance, entre les mains de l’Amour qui soutient le monde.

« Votre descendance sera célèbre parmi les nations, (…) elle sera la descendance bénie par le Seigneur » (Is 61,9) avec une espérance inébranlable et qui fructifie en un amour qui se sacrifie pour les autres et qui ne sacrifie pas les autres ; au contraire – comme nous l’avons entendu dans la deuxième lecture – qui « supporte tout, fait confiance en tout, espère tout, endure tout » (1Co 13,7). De cela, les petits bergers sont un exemple et nous stimulent, eux qui ont fait de leur vie une offrande à Dieu et l’ont partagée avec les autres par amour de Dieu. La Vierge les a aidés à ouvrir leur coeur à l’universalité de l’amour. La Bienheureuse Jacinthe, notamment, se montrait infatigable dans le partage avec les pauvres et dans le sacrifice pour la conversion des pécheurs. Ce n’est qu’avec cet amour de fraternité et de partage, que nous réussirons à bâtir la civilisation de l’Amour et de la Paix.

Celui qui penserait que la mission prophétique de Fatima est achevée se tromperait. Revit ici ce dessein de Dieu qui interpelle l’humanité depuis ses origines : « Où est ton frère Abel ? (…) La voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi ! » (Gn 4,9). L’homme a pu déclencher un cycle de mort et de terreur, mais il ne réussit pas l’interrompre… Dans l’Écriture Sainte, il apparaît fréquemment que Dieu est à la recherche des justes pour sauver la cité des hommes et il en est de même ici, à Fatima, quand Notre Dame demande : « Voulez-vous vous offrir à Dieu pour prendre sur vous toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer, en réparation des péchés par lesquels il est offensé, et en intercession pour la conversion des pécheurs ? » (Mémoires de Soeur Lucie I p. 162).

À la famille humaine prête à sacrifier ses liens les plus saints sur l’autel de l’égoïsme mesquin de la nation, de la race, de l’idéologie, du groupe, de l’individu, notre Mère bénie est venue du Ciel pour mettre dans le coeur de ceux qui se recommandent à Elle, l’amour de Dieu qui brûle dans le sien. À cette époque, ils n’étaient que trois ; leur exemple de vie s’est diffusé et multiplié en d’innombrables groupes sur la surface de la terre, en particulier au passage des Vierges pèlerines, qui se sont consacrés à la cause de la solidarité fraternelle. Puissent ces sept années qui nous séparent du centenaire des Apparitions hâter le triomphe annoncé du Coeur Immaculée de Marie à la gloire de la Très Sainte Trinité.

Adoration du Saint-Sacrement et Bénédiction des malades

Chers frères et soeurs malades,

Avant de m’avancer vers vous qui êtes ici présents, portant dans mes mains l’ostensoir avec Jésus Eucharistie, je voudrais vous adresser une parole d’encouragement et d’espérance, que j’étends à tous les malades qui nous accompagnent par la radio et la télévision et à tous ceux qui n’ont pas cette possibilité mais qui nous sont unis par les liens plus profonds de l’esprit, c’est-à-dire dans la foi et dans la prière :

Mon frère, ma soeur, aux yeux de Dieu, tu as, « une valeur si grande que Lui-même s’est fait homme pour pouvoir compatir avec l’homme de manière très réelle, dans la chair et le sang, comme cela nous est montré dans le récit de la Passion de Jésus. De là, dans toute souffrance humaine est entré quelqu’un qui partage la souffrance et la patience ; de là se répand dans toute souffrance la con-solation ; la consolation de l’amour participe de Dieu et ainsi surgit l’étoile de l’espérance » (Benoît XVI, Enc. Spe salvi, ). Avec cette espérance au coeur, tu peux sortir des sables mouvants de la maladie et de la mort et rester debout sur le roc inébranlable de l’amour divin. En d’autres termes, tu pourras dépasser la sensation d’inutilité de la souffrance qui consume la personne au plus profond d’elle-même et la fait se regarder comme un poids pour les autres, alors qu’en vérité, la souffrance, vécue avec Jésus, sert au salut des frères.

Comment est-ce possible ? Les sources de la puissance divine jaillissent précisément au milieu de la faiblesse humaine. C’est le paradoxe de l’Évangile. A quoi le divin Maître, plutôt que de s’attarder à expliquer les raisons de la souffrance, a préféré appeler chacun à le suivre, en disant : « Prends ta croix et suis-moi » (cf Mc 8,34). Viens avec moi. Prends part, avec ta souffrance, à cette oeuvre du salut du monde, qui se réalise à travers ma souffrance, par le moyen de ma Croix. Au fur et à mesure que tu embrasses ta croix en t’unissant spirituellement à ma Croix, se révélera à tes yeux le sens salvifique de la souffrance. Tu trouveras dans la souffrance la paix intérieure et même la joie spirituelle.

Chers malades, accueillez cet appel de Jésus qui passera près de vous dans le Saint-Sacrement et confiez lui toutes les contrariétés et les peines que vous affrontez, pour qu’elles deviennent -selon ses desseins- moyen de rédemption pour le monde entier. Vous serez rédempteurs dans le Rédempteur, comme vous êtes fils dans le Fils. Près de la Croix… se trouvait la Mère de Jésus, notre Mère.




Benoît XVI Homélies 30510