Benoît XVI Homélies 19910

MESSE ET BÉATIFICATION DU VÉNÉRABLE CARDINAL JOHN HENRY NEWMAN Cofton Park de Rednal - Birmingham - Dimanche 19 septembre 2010

19910


Chers Frères et Soeurs dans le Christ,

Ce jour qui nous rassemble ici à Birmingham est un jour particulièrement béni. D’abord, parce que c’est le Jour du Seigneur, dimanche, jour où notre Seigneur Jésus Christ est sorti vivant d’entre les morts et a changé pour toujours le cours de l’histoire humaine, offrant une vie et une espérance nouvelles à tous ceux qui vivent dans les ténèbres et l’ombre de la mort. C’est pourquoi les chrétiens dans le monde entier se réunissent ce jour-là pour rendre gloire à Dieu et le remercier de toutes les merveilles qu’il a accomplies pour nous. Ce dimanche-ci évoque en outre un moment significatif de la vie de la nation britannique, car c’est le jour choisi pour commémorer le soixante-dixième anniversaire de la «Bataille d’Angleterre». Pour moi, qui ai vécu et subi les souffrances liées aux jours sombres du régime nazi en Allemagne, il est très émouvant de me trouver ici parmi vous en cette occasion et de faire mémoire de vos si nombreux concitoyens qui ont sacrifié leur vie, résistant courageusement contre les forces de cette terrible idéologie. Ma pensée rejoint d’une manière spéciale la ville voisine de Coventry qui fut frappée au cours du mois de novembre 1940 par des bombardements massifs et de lourdes pertes en vies humaines. Soixante-dix ans plus tard, nous nous souvenons avec des sentiments de honte et d’horreur de l’effrayant coût en vies humaines et en destructions que la guerre entraîne, et nous renouvelons notre résolution de travailler pour la paix et la réconciliation là où pèse la menace de conflits. Toutefois, un autre motif, plus joyeux, fait de ce jour un moment particulièrement porteur de promesses pour la Grande-Bretagne, pour les Midlands, pour Birmingham. Car c’est le jour qui voit le Cardinal John Henry Newman officiellement élevé aux honneurs des autels et proclamé Bienheureux.

Je remercie Monseigneur Bernard Longley pour ses paroles de bienvenue au début de cette Messe. Et j’exprime mon appréciation à tous ceux qui ont travaillé fermement au long de nombreuses années pour promouvoir la Cause du Cardinal Newman, en particulier les Pères de l’Oratoire de Birmingham que les membres de la Famille spirituelle Das Werk (l’OEuvre). Je salue toutes les personnes présentes ici, de Grande-Bretagne, d’Irlande et d’ailleurs; je vous remercie d’être venus à cette célébration où nous rendons gloire et louange à Dieu pour la vertu héroïque d’un saint Anglais.

L’Angleterre a une longue tradition de saints martyrs, dont le témoignage courageux a soutenu et inspiré la communauté catholique durant des siècles ici. Mais il est également juste et bon de reconnaître aujourd’hui la sainteté d’un confesseur, un fils de cette nation qui, bien qu’il n’ait pas été appelé à répandre son sang pour le Seigneur, lui a cependant rendu un témoignage éloquent durant une longue vie consacrée au ministère sacerdotal, et spécialement en prêchant, en enseignant et en écrivant. Il mérite bien de prendre place dans une longue lignée de saints et d’érudits de ces Iles, saint Bède, sainte Hilda, saint Aelred, le bienheureux Dun Scott, pour n’en nommer que quelques-uns. Dans la personne du bienheureux John Henry, cette tradition d’élégante érudition, de profonde sagesse humaine et d’ardent amour du Seigneur a porté des fruits abondants, signe de la présence pleine d’amour de l’Esprit Saint dans les profondeurs du coeur du peuple de Dieu, faisant mûrir d’abondants dons de sainteté.

La devise du Cardinal Newman, Cor ad cor loquitur, ou «le coeur parle au coeur» nous donne une indication sur la manière dont il comprenait la vie chrétienne: un appel à la sainteté, expérimenté comme le désir profond du coeur humain d’entrer dans une intime communion avec le Coeur de Dieu. Il nous rappelle que la fidélité à la prière nous transforme progressivement à la ressemblance de Dieu. Comme il l’écrivait dans l’un de ses nombreux et beaux sermons, «pour la pratique qui consiste à se tourner vers Dieu et le monde invisible en toute saison, en tout lieu, en toute situation d’urgence, la prière, donc, a ce qu’on peut appeler un effet naturel, en ce qu’elle élève et spiritualise l’âme. L’homme n’est plus ce qu’il était auparavant: progressivement, il s’est imprégné de tout un nouvel ensemble d’idées, il a assimilé de nouveaux principes» (Sermons paroissiaux, IV, p. 203, Le paradoxe chrétien, Cerf, 1986). L’Évangile d’aujourd’hui nous enseigne que personne ne peut servir deux maîtres (
Lc 16,13), et l’enseignement du bienheureux John Henry sur la prière montre comment le fidèle chrétien est définitivement pris pour le service du seul véritable Maître, le seul qui puisse prétendre recevoir une dévotion sans conditions à son service (cf. Mt 23,10). Newman nous aide à comprendre ce que cela signifie dans notre vie quotidienne: il nous dit que notre divin Maître a donné à chacun de nous une tâche spécifique à accomplir, «un service précis» demandé de manière unique et à chaque personne individuellement: «J’ai une mission», écrivait-il, «Je suis un chaînon, un lien entre des personnes. Il ne m’a pas créé pour rien. Je ferai le bien, j’exécuterai la tâche qu’il m’a confié; je serai un ange de paix, je prêcherai la vérité à la place où je suis… si j’observe ses commandements et le sers à la place qui est la mienne )» (Méditations sur la doctrine chrétienne, Ad Solem, Genève 2000, PP 28-29).

Le service particulier auquel le bienheureux John Henry a été appelé consistait à appliquer son intelligence fine et sa plume féconde sur les nombreuses et urgentes «questions du jour». Ses intuitions sur le rapport entre foi et raison, sur la place vitale de la religion révélée dans la société civilisée, et sur la nécessité d’une approche de l’éducation qui soit ample en ses fondements et ouverte à de larges perspectives ne furent pas seulement d’une importance capitale pour l’Angleterre de l’époque victorienne, mais elles continuent à inspirer et à éclairer bien des personnes de par le monde. Je voudrais rendre un hommage particulier à sa conception de l’éducation, qui a eu une grande influence pour former l’éthos, force motrice qui soutient les écoles et les collèges catholiques d’aujourd’hui. Fermement opposé à toute approche réductrice ou utilitaire, il s’est efforcé de mettre en place un environnement éducationnel où l’exercice intellectuel, la discipline morale et l’engagement religieux pourraient progresser ensemble. Le projet de fonder une Université catholique en Irlande lui donna la possibilité de développer ses idées à ce sujet, et l’ensemble des discours qu’il a publiés sur «L’idée d’une Université» met en évidence un idéal dont tous ceux qui sont engagés dans la formation académique peuvent continuer à s’inspirer. En effet, quel meilleur objectif pourraient avoir des professeurs de religion que celui que le bienheureux John Henry a présenté dans son célèbre appel en faveur d’un laïcat intelligent et bien formé: «Je désire un laïcat qui ne soit pas arrogant, ni âpre dans son langage, ni prompt à la dispute, mais des personnes qui connaissent leur religion, qui pénètrent en ses profondeurs, qui savent précisément où ils sont, qui savent ce qu’ils ont et ce qu’ils n’ont pas, qui connaissent si bien leur foi qu’ils peuvent en rendre compte, qui connaissent assez leur histoire pour pouvoir la défendre» (The Present position of Catholics in England, IX, 390). En ce jour où l’auteur de ces lignes est élevé à l’honneur des autels, je prie pour que, par son intercession et son exemple, tous ceux qui sont engagés dans l’enseignement et la catéchèse se sentent poussés par la conception qu’il a si clairement exposée devant nous à entreprendre de nouveaux efforts.

S’il est bien compréhensible que l’héritage intellectuel de John Henry Newman ait été l’objet d’une large attention dans la vaste littérature qui illustre sa vie et son oeuvre, je préfère, en ce jour, conclure par une brève réflexion sur sa vie de prêtre, de pasteur des âmes. La chaleur et l’humanité qui marquent son appréciation du ministère pastoral sont magnifiquement mises en évidence dans un autre de ses célèbres sermons: «Si des anges avaient été vos prêtres, mes frères, ils n’auraient pas pu souffrir avec vous, avoir de la sympathie pour vous, éprouver de la compassion pour vous, sentir de la tendresse envers vous et se montrer indulgents avec vous, comme nous; ils n’auraient pas pu être vos modèles et vos guides, et n’auraient pas pu vous amener à sortir de vous-mêmes pour entrer dans une vie nouvelle, comme le peuvent ceux qui viennent du milieu de vous» («Hommes, non pas Anges: les prêtres de l’Évangile», Discourses to Mixed Congregations, 3). Il a vécu à fond cette vision profondément humaine du ministère sacerdotal dans l’attention délicate avec laquelle il s’est dévoué au service du peuple de Birmingham au long des années qu’il a passées à l’Oratoire, fondé par lui, visitant les malades et les pauvres, réconfortant les affligés, s’occupant des prisonniers. Il n’est pas étonnant qu’à sa mort, des milliers de personnes s’alignaient dans les rues avoisinantes tandis que son corps était transporté vers sa sépulture à moins d’un kilomètre d’ici. Cent vingt ans plus tard, de grandes foules se sont rassemblées à nouveau pour se réjouir de la reconnaissance solennelle de l’Église pour l’exceptionnelle sainteté de ce père des âmes très aimé. Comment pourrions-nous mieux exprimer la joie de ce moment, sinon en nous tournant vers notre Père des cieux dans une vibrante action de grâce, et en priant avec les paroles mêmes que le bienheureux John Henry a mises sur les lèvres du choeur des anges dans le ciel:

Loué soit le Très Saint dans les hauteurs
Et loué soit-Il dans les profondeurs;
Très admirable en toutes Ses paroles;
Infaillible en toutes Ses voies!
(Le songe de Gerontius).






VISITE PASTORALE À PALERME - MESSE Foro Italico « Umberto I » de Palerme, Sicile - Dimanche 3 octobre 2010

31010


Chers frères et soeurs!

Ma joie est grande de pouvoir rompre avec vous le pain de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie. Je vous salue tous avec affection et je vous remercie pour votre accueil chaleureux! Je salue en particulier votre pasteur, Mgr Paolo Romeo; je le remercie pour les paroles de bienvenue qu’il a voulu m’adresser au nom de tous et également pour le don significatif qu’il m’a offert. Je salue également les archevêques et les évêques présents, les prêtres, les religieux et les religieuses, les représentants des associations et des mouvements ecclésiaux. J’adresse une pensée respectueuse au maire, M. Diego Cammarata, en exprimant ma reconnaissance pour son aimable adresse de salut, au représentant du gouvernement et des autorités civiles et militaires qui, à travers leur présence, ont voulu honorer notre rencontre. J’adresse un remerciement particulier à tous ceux qui ont généreusement offert leur collaboration pour l’organisation et la préparation de cette journée.

Chers amis! Ma visite a lieu à l’occasion d’un important rassemblement ecclésial régional des jeunes et des familles, que je rencontrerai dans l’après-midi. Je suis venu également pour partager avec vous les joies et les espérances, les difficultés et les engagements, les idéaux et les aspirations de cette communauté diocésaine. Lorsque les antiques grecs arrivèrent dans cette région, comme l’a également rappelé le maire dans son salut, ils l’appelèrent «Panormo», c’est-à-dire «le port des ports»: un nom qui voulait indiquer la sécurité, la paix et la sérénité. En venant pour la première fois parmi vous, mon souhait est que cette ville, en s’inspirant des valeurs les plus authentiques de son histoire et de sa tradition, sache véritablement réaliser pour ses habitants, ainsi que pour la nation tout entière, le présage de sérénité et de paix contenu dans son nom.

Je sais qu’à Palerme, ainsi que dans toute la Sicile, ne manquent pas les difficultés, les problèmes et les préoccupations: je pense, en particulier, à ceux qui vivent de façon concrète leur existence dans des conditions précaires, à cause du manque de travail, de l’incertitude pour l’avenir, de la souffrance physique et morale et, comme l’a rappelé l’archevêque, à cause du crime organisé. Je suis aujourd’hui parmi vous pour témoigner de ma proximité et de mon souvenir dans la prière. Je suis ici pour vous apporter un puissant encouragement à ne pas avoir peur de témoigner avec clarté des valeurs humaines et chrétiennes, si profondément enracinées dans la foi et dans l’histoire de ce territoire et de sa population.

Chers frères et soeurs, chaque assemblée liturgique est l’espace de la présence de Dieu. Réunis pour la sainte Eucharistie, les disciples du Seigneur plongés dans le sacrifice rédempteur du Christ, proclament qu’Il est ressuscité, qu’il est vivant et donne la vie, et témoignent que sa présence est grâce, force et joie. Nous ouvrons le coeur à sa parole et nous accueillons le don de sa présence! Tous les textes de la liturgie de ce dimanche nous parlent de la foi, qui est le fondement de toute la vie chrétienne. Jésus a éduqué ses disciples à croître dans la foi, à croire et à placer leur confiance toujours plus en Lui, pour édifier leur vie sur le roc. C’est pour cela qu’ils demandent: «Augmente en nous la foi!» (
Lc 17,6). Il s’agit là d’une requête importante qu’ils adressent au Seigneur, et une requête fondamentale: les disciples ne demandent pas des dons matériels, ils ne demandent pas des privilèges, mais ils demandent la grâce de la foi, qui oriente et illumine toute la vie; ils demandent la grâce de reconnaître Dieu et de pouvoir être en relation intime avec lui, en recevant de Lui tous ses dons, et également ceux du courage, de l’amour et de l’espérance.

Sans répondre directement à leur prière, Jésus a recours à une image paradoxale pour exprimer l’incroyable vitalité de la foi. De même qu’un levier peut soulever un poids bien supérieur au sien, ainsi la foi, et même un degré minime de foi, peut accomplir des choses impensables, extraordinaires, comme déraciner un grand arbre et le replanter dans la mer (ibid. Lc 17,6). La foi — avoir confiance dans le Christ, l’accueillir, le laisser nous transformer, le suivre jusqu’au bout — rend possible ce qui est humainement impossible, dans toute réalité. C’est ce dont témoigne également le prophète Habaquc dans la première lecture. Il implore le Seigneur à partir d’une terrible situation de violence, d’injustice, et d’oppression; et précisément dans cette situation difficile d’insécurité, le prophète introduit une vision qui laisse entrevoir une partie du projet que Dieu envisage et réalise dans l’histoire: «Celui qui est insolent n'a pas l'âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité» (Ha 2,4). L’impie, celui qui n’agit pas selon Dieu, place sa confiance dans ses propres possibilités, mais s’appuie sur une réalité fragile et inconsistante, et donc il se pliera, et il est destiné à tomber; le juste, au contraire, place sa confiance dans une réalité cachée mais solide, il place sa confiance en Dieu et pour cela il aura la vie. Au cours des siècles passés, l’Eglise qui est à Palerme a été enrichie et animée d’une foi fervente, qui a trouvé son expression la plus haute et la plus complète dans les saints et les saintes. Je pense à sainte Rosalie, que vous vénérez et honorez, et qui, du Mont Pellegrino, veille sur votre ville dont elle est la patronne. Et je pense également à deux grandes saintes de Sicile, Agathe et Lucie. Il ne faut pas non plus oublier que votre sentiment religieux a également toujours inspiré et guidé la vie familiale, en nourrissant les valeurs, comme la capacité de donner et d’être solidaires envers les autres, en particulier les personnes qui souffrent, ainsi que le respect inné pour la vie, qui constituent un héritage précieux qu’il faut conserver avec zèle et promouvoir encore plus de nos jours. Chers amis, conservez ce trésor précieux de foi de votre Eglise; que les valeurs chrétiennes guident toujours vos choix et vos actions!

La deuxième partie de l’Evangile d’aujourd’hui présente un autre enseignement, un enseignement d’humilité, qui est toutefois étroitement lié à la foi. Jésus nous invite à être humbles et donne l’exemple d’un serviteur qui a travaillé dans les champs. Lorsqu’il revient chez lui, le maître lui demande encore de travailler. Selon la mentalité de l’époque de Jésus, son maître avait tout le droit de le faire. Le serviteur devait une disponibilité complète à son maître; et le maître ne se considérait pas obligé envers lui parce qu’il avait exécuté les ordres reçus. Jésus nous fait prendre conscience que, face à Dieu, nous nous trouvons dans une situation semblable: nous sommes les serviteurs de Dieu; nous ne sommes pas créditeurs à son égard, mais nous sommes toujours débiteurs, car nous Lui devons tout, car chaque chose est son don. Accepter et accomplir sa volonté est l’attitude qu’il faut avoir chaque jour, à chaque moment de notre vie. Nous ne devons jamais nous présenter devant Dieu comme quelqu’un qui croit avoir rendu un service et mériter une grande récompense. Il s’agit d’une illusion qui peut naître chez tous, même chez les personnes qui travaillent beaucoup au service du Seigneur, dans l’Eglise. Nous devons en revanche être conscients que, en réalité, nous ne faisons jamais assez pour Dieu. Nous devons dire, comme nous le suggère Jésus: «Nous sommes des serviteurs quelconques: nous n’avons fait que notre devoir» (Lc 17,10). C’est une attitude d’humilité qui nous met vraiment à notre place et qui permet au Seigneur d’être vraiment généreux avec nous. En effet, dans un autre passage de l’Evangile il nous promet qu’«il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour» (cf. Lc 12,37). Chers amis, si nous accomplissons chaque jour la volonté de Dieu, avec humilité, sans rien prétendre de Lui, ce sera Jésus lui-même qui nous servira, qui nous aidera, qui nous encouragera, qui nous donnera force et sérénité.

Dans la lecture d’aujourd’hui, l’apôtre Paul parle lui aussi de la foi. Timothée est invité à avoir la foi et, au moyen de celle-ci, à exercer la charité. Le disciple est exhorté à raviver dans la foi également le don de Dieu qui est en lui par l’imposition des mains de Paul, c’est-à-dire le don de l’ordination, reçu pour exercer le ministère apostolique comme collaborateur de Paul (cf. 2Tm 1,6). Il ne doit pas laisser ce don s’éteindre, mais il doit le rendre toujours plus vivant au moyen de la foi. Et l’apôtre ajoute: «Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de raison» (2Tm 1,7).

Chers Palermitains et chers Siciliens! Votre belle île a été parmi les premières régions d’Italie à accueillir la foi des Apôtres, à recevoir l'annonce de la Parole de Dieu, à adhérer à la foi de manière si généreuse que, même au milieu des difficultés et des persécutions, a germé en elle la fleur de la sainteté. La Sicile a été et demeure une terre de saints, appartenant à toutes les conditions sociales, qui ont vécu l'Evangile avec simplicité et intégrité. A vous, fidèles laïcs, je répète: n'ayez pas peur de vivre et de témoigner de la foi dans les divers milieux de la société, dans les multiples situations de l'existence humaine, en particulier les plus difficiles! La foi vous donne la force de Dieu pour être toujours emplis de confiance et de courage, pour aller de l'avant avec une nouvelle fermeté, pour prendre les initiatives nécessaires pour donner un visage toujours plus beau à votre terre. Et lorsque vous rencontrez l'opposition du monde, écoutez les paroles de l'Apôtre: «Ne rougis donc pas du témoignage à rendre à notre Seigneur» (2Tm 1,8). Il faut rougir du mal, de ce qui offense Dieu, de ce qui offense l'homme; il faut rougir du mal que l'on fait à la communauté civile et religieuse avec des actions qui n'aiment pas être révélées! La tentation du découragement, de la résignation, vient à celui qui est faible dans la foi, à celui qui confond le mal avec le bien, à qui pense que face au mal, souvent profond, il n'y aurait rien à faire. En revanche qui est solidement enraciné dans la foi, qui a pleinement confiance en Dieu et vit dans l'Eglise, est capable de porter la force impétueuse de l'Evangile. C'est ainsi que se sont comportés les saints et les saintes qui ont fleuri au cours des siècles à Palerme et dans toute la Sicile, tout comme des laïcs et des prêtres d'aujourd'hui qui vous sont bien connus, comme, par exemple, Don Pino Puglisi. Qu'ils vous gardent toujours unis et qu'ils nourrissent en chacun le désir de proclamer, par ses paroles et par ses oeuvres, la présence et l'amour du Christ. Peuple de Sicile, regarde ton avenir avec espérance! Fais apparaître dans toute sa lumière le bien que tu désires, que tu cherches et que tu as! Vis avec courage les valeurs de l'Evangile pour faire resplendir la lumière du bien! Avec la force de Dieu tout est possible! Que la Mère du Christ, la Vierge Hodighitria que vous vénérez tant, vous assiste et vous conduise à la profonde connaissance de son Fils. Amen!




CHAPELLE PAPALE POUR L’OUVERTURE DE L'ASSEMBLÉE SPÉCIALE DU SYNODE DES ÉVÊQUES POUR LE MOYEN-ORIENT Basilique vaticane - Dimanche 10 octobre 2010

10101

Vénérés frères
Mesdames et Messieurs,
Chers frères et soeurs!

La Célébration eucharistique, action de grâce à Dieu par excellence, est marquée aujourd’hui pour nous, réunis auprès de la Tombe de Saint Pierre, par un motif extraordinaire: la grâce de voir réunis pour la première fois au sein d’une Assemblée synodale, autour de l’Evêque de Rome et Pasteur universel, les évêques de la région du Moyen-Orient. Cet événement si singulier démontre l’intérêt de l’Eglise tout entière pour la précieuse et bien-aimée portion du Peuple de Dieu qui vit en Terre Sainte et dans tout le Moyen-Orient.

Rendons grâce tout d’abord au Seigneur de l’histoire parce qu’Il a permis que, malgré des vicissitudes souvent difficiles et tourmentées, le Moyen-Orient voit toujours, depuis le temps de Jésus jusqu’à nos jours, la continuité de la présence des chrétiens. En ces terres, l’unique Eglise du Christ s’exprime dans la variété des traditions liturgiques, spirituelles, culturelles et disciplinaires des six vénérables Eglises orientales catholiques sui iuris, ainsi que dans la Tradition latine. Le salut fraternel que j’adresse avec une grande affection aux Patriarches de chacune d’entre elles, veut s’étendre en ce moment à tous les fidèles confiés à leur charge pastorale dans leurs pays respectifs ainsi qu’au sein de la diaspora.

En ce XXVIIIe Dimanche du temps per annum, la Parole de Dieu offre un thème de méditation qui se rapproche de manière significative de l’événement synodal que nous inaugurons aujourd’hui. La lecture continue de l’Evangile selon saint Luc nous conduit à l’épisode de la guérison des dix lépreux, dont un seul, un samaritain, revient sur ses pas pour remercier Jésus. En relation avec ce texte, la première lecture, extraite du Second Livre des Rois, raconte la guérison de Naamân, chef de l’armée araméenne, lui aussi lépreux, qui est guéri en s’immergeant par sept fois dans les eaux du Jourdain suivant l’ordre du prophète Elisée. Naamân retourne lui aussi auprès du prophète et, reconnaissant en lui le médiateur de Dieu, professe la foi en l’unique Seigneur. Nous nous trouvons donc face à deux malades de la lèpre, deux non juifs, qui guérissent parce qu’ils croient à la parole de l’envoyé de Dieu. Ils guérissent dans leur corps, mais s’ouvrent à la foi, et celle-ci les guérit dans leur âme, c’est-à-dire qu’elle les sauve.

Le Psaume responsorial chante cette réalité: «Yahvé a fait connaître son salut, aux yeux des païens révélé sa justice, se rappelant son amour et sa fidélité pour la maison d'Israël» (
Ps 98,2-3). Voici alors le thème: le salut est universel, mais il passe par une médiation déterminée, historique: la médiation du peuple d’Israël qui devient ensuite celle de Jésus Christ et de l’Eglise. La porte de la vie est ouverte pour tous, mais il s’agit bien d’une «porte», c’est-à-dire d’un passage défini et nécessaire. C’est ce qu’affirme de manière synthétique la formule paulinienne que nous avons écoutée dans la Seconde Lettre à Timothée: «Le salut qui est dans le Christ Jésus» (2Tm 2,10). C’est le mystère de l’universalité du salut et, en même temps, de son lien nécessaire avec la médiation historique de Jésus Christ, précédée par celle du peuple d’Israël et prolongée par celle de l’Eglise. Dieu est amour et veut que tous les hommes participent de Sa vie. Pour réaliser ce dessein, Lui qui est Un et Trine, crée dans le monde un mystère de communion humain et divin, historique et transcendant: Il le crée à travers la «méthode» pour ainsi dire — de l’alliance, se liant d’un amour fidèle et inépuisable aux hommes, se formant un peuple saint qui devienne une bénédiction pour toutes les familles de la terre (cf. Gn 12,3). Ainsi, il se révèle comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (cf. Ex 3,6) qui veut conduire son peuple à la «terre» de la liberté et de la paix. Cette «terre» n’est pas de ce monde; tout le dessein divin dépasse l’histoire, mais le Seigneur veut le construire avec les hommes, pour les hommes et dans les hommes, à partir des critères d’espace et de temps dans lesquels ils vivent et que Lui-même a donnés.

Ce que nous appelons «le Moyen-Orient» fait partie, avec sa propre spécificité, de tels critères. Cette région du monde, Dieu la voit aussi dans une perspective différente, nous pourrions dire «d’en haut»: c’est la terre d’Abraham, d’Isaac et de Jacob; la terre de l’exode et du retour de l’exil; la terre du temple et des prophètes; la terre dans laquelle le Fils Unique est né de Marie, où il a vécu, est mort et est ressuscité; le berceau de l’Eglise, constituée afin d’apporter l’Evangile du Christ jusqu’aux frontières du monde. Et nous aussi, en tant que croyants, nous regardons vers le Moyen-Orient avec ce même regard, dans la perspective de l’histoire du salut. C’est cette optique intérieure qui m’a guidé dans les voyages apostoliques en Turquie, en Terre Sainte — Jordanie, Israël, Palestine — et à Chypre, où j’ai pu connaître de près les joies et les préoccupations des communautés chrétiennes. C’est aussi pour cela que j’ai accueilli volontiers la proposition des Patriarches et des Evêques de convoquer une Assemblée synodale afin de réfléchir ensemble, à la lumière de l’Ecriture Sainte et de la Tradition de l’Eglise, sur le présent et sur l’avenir des fidèles et des populations du Moyen-Orient.

Regarder cette partie du monde dans la perspective de Dieu signifie reconnaître en elle «le berceau» d’un dessein universel de salut dans l’amour, un mystère de communion qui se réalise dans la liberté et demande par conséquent aux hommes une réponse. Abraham, les prophètes, la Vierge Marie sont les protagonistes de cette réponse qui a toutefois son accomplissement en Jésus Christ, fils de cette même terre, mais descendu du Ciel. De Lui, de son Coeur et de son Esprit, est née l’Eglise, qui est pèlerine en ce monde, mais lui appartient pourtant. L’Eglise est constituée pour être, au milieu des hommes, signe et instrument de l’unique et universel projet salvifique de Dieu; elle accomplit cette mission en étant simplement elle-même, c’est-à-dire «communion et témoignage», comme le rappelle le thème de l’Assemblée synodale qui s’ouvre aujourd’hui et qui fait référence à la célèbre définition de Luc de la première communauté chrétienne: «La multitude de ceux qui étaient croyants avait un seul coeur et une seule âme» (Ac 4,32). Sans communion, il ne peut pas y avoir de témoignage: le grand témoignage est précisément la vie de la communion. Jésus le dit clairement: «A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres» (Jn 13,35). Cette communion est la vie même de Dieu qui se communique dans l’Esprit Saint, par Jésus Christ. Il s’agit donc d’un don, et non de quelque chose que nous devons avant tout construire nous-mêmes avec nos propres forces. Et c’est précisément pour cela qu’elle interpelle notre liberté et attend notre réponse: la communion requiert toujours la conversion, comme un don qui réclame d’être toujours mieux accueilli et réalisé. Les premiers chrétiens, à Jérusalem, étaient peu nombreux. Personne n’aurait pu imaginer ce qui s’est réalisé par la suite. Et l’Eglise vit toujours de cette même force qui l’a fait partir puis croître. La Pentecôte est l’événement originaire, mais est aussi un dynamisme permanent, et le Synode des Evêques est un moment privilégié dans lequel peut se renouveler, dans le chemin de l’Eglise, la grâce de la Pentecôte, afin que la Bonne Nouvelle soit annoncée avec franchise et puisse être accueillie par toutes les foules.

Par conséquent, le but de cette Assemblée synodale est principalement pastoral. Même en ne pouvant pas ignorer la situation sociale et politique délicate et parfois dramatique de certains pays, les Pasteurs des Eglises au Moyen-Orient désirent se concentrer sur les aspects propres à leur mission. A cet égard, le Document de travail, élaboré par un Conseil pré-synodal dont je remercie vivement les membres pour le travail accompli, a souligné cette finalité ecclésiale de l’Assemblée, en relevant qu’il est de son intention, sous la conduite de l’Esprit Saint, de raviver la communion de l’Eglise catholique au Moyen-Orient. Avant tout, au sein de chaque Eglise, parmi tous ses membres: patriarche, évêques, prêtres, religieux, consacrés et laïcs. Et puis, dans les rapports avec les autres Eglises. La vie ecclésiale, ainsi affermie, verra se développer des fruits très positifs sur le chemin oecuménique avec les autres Eglises et Communautés ecclésiales présentes au Moyen-Orient. Cette occasion est également propice pour poursuivre de façon constructive le dialogue avec les juifs auxquels nous lie de manière indissoluble la longue histoire de l’Alliance, tout comme celui avec les musulmans. Les travaux de l’Assemblée synodale sont en outre orientés vers le témoignage des chrétiens aux niveaux personnel, familial et social. Cela requiert le renforcement de leur identité chrétienne par l’intermédiaire de la Parole de Dieu et des Sacrements. Nous souhaitons tous que les fidèles sentent la joie de vivre en Terre Sainte, terre bénie par la présence et par le glorieux mystère pascal du Seigneur Jésus Christ. Tout au long des siècles, ces Lieux ont attiré des multitudes de pèlerins, ainsi que des communautés religieuses masculines et féminines, qui ont considéré comme un grand privilège le fait de pouvoir vivre et rendre témoignage en Terre de Jésus. Malgré les difficultés, les chrétiens de Terre Sainte sont appelés à raviver la conscience d’être des pierres vivantes de l’Eglise au Moyen-Orient, auprès des Lieux Saints de notre salut. Mais vivre dignement dans sa propre patrie est avant tout un droit humain fondamental: c’est pourquoi il faut favoriser des conditions de paix et de justice, indispensables pour un développement harmonieux de tous les habitants de la région. Tous sont donc appelés à apporter leur propre contribution: la communauté internationale, en soutenant un chemin fiable, loyal et constructif vers la paix; les religions majoritairement présentes dans la région, en promouvant les valeurs spirituelles et culturelles qui unissent les hommes et excluent toute expression de violence. Les chrétiens continueront à offrir leur contribution non seulement par le biais d’oeuvres de promotion sociale, comme les instituts d’éducation et de santé, mais surtout avec l’esprit des Béatitudes évangéliques qui anime la pratique du pardon et de la réconciliation. Dans cet engagement, ils auront toujours le soutien de toute l’Eglise, comme cela est ici solennellement attesté par la présence des délégués des épiscopats d’autres continents.

Chers amis, confions les travaux de l’Assemblée synodale pour le Moyen-Orient aux nombreux saints et saintes de cette terre bénie; invoquons sur elle la protection constante de la Bienheureuse Vierge Marie afin que les prochaines journées de prière, de réflexion et de communion fraternelle portent de bons fruits pour le présent et l’avenir des chères populations du Moyen-Orient. Nous leur adressons de tout coeur le souhait suivant: «Salut à toi, salut à ta maison, salut à tout ce qui t’appartient!» (1S 25,6).





Benoît XVI Homélies 19910