Benoît XVI Homélies 10101

CANONISATION DES BIENHEUREUX: STANISLAW KAZIMIERCZYK SOLTYS (1433 - 1489) ANDRÉ (Alfred) BESSETTE (1845 - 1937)

CÁNDIDA MARÍA DE JESÚS (Juana Josefa) CIPITRIA y BARRIOLA (1845 - 1912) MARY OF THE CROSS (Mary Helen) MacKILLOP (1842 - 1909)

GIULIA SALZANO (1846 - 1929) BATTISTA CAMILLA DA VARANO (1458 - 1524) Place Saint-Pierre - Dimanche 17 octobre 2010

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Chers frères et soeurs,


Aujourd'hui, place Saint-Pierre, se renouvelle la fête de la sainteté. C'est avec joie que je vous souhaite cordialement la bienvenue, à vous qui êtes arrivés ici, même de très loin, pour y prendre part. J'adresse mes salutations particulières aux Cardinaux, aux Evêques et aux Supérieurs généraux des Instituts fondés par les nouveaux saints, tout comme aux délégations officielles et à l'ensemble des autorités civiles. Ensemble, cherchons à accueillir ce que le Seigneur nous dit dans les Saintes Ecritures qui viennent d'être proclamées. La liturgie de ce Dimanche nous offre un enseignement fondamental: la nécessité de toujours prier, sans jamais se lasser. Parfois, nous nous lassons de prier, nous avons l'impression que la prière n'est pas si utile à la vie, qu'elle est peu efficace. C'est pourquoi, nous sommes tentés de nous consacrer à l'activité, d'employer tous les moyens humains afin d'atteindre nos objectifs, et nous n’avons pas recours à Dieu. Jésus, en revanche, affirme qu'il faut toujours prier et Il le fait à travers une parabole particulière (cf.
Lc 18,1-8).

Elle parle d'un juge qui ne craint pas Dieu et n'a de considération pour personne, un juge qui n'a aucune attitude positive, mais qui recherche seulement son propre intérêt. Il ne craint pas le jugement de Dieu et ne respecte pas son prochain. L'autre personnage est une veuve, une personne qui se trouve en situation de faiblesse. Dans la Bible, la veuve et l'orphelin sont les catégories les plus nécessiteuses, parce que sans défense et privées de moyens. La veuve va voir le juge et lui demande justice. Ses possibilités d'être écoutée sont presque nulles, parce que le juge la méprise et elle ne peut faire aucune pression sur lui. Elle ne peut pas non plus faire appel à des principes religieux parce que le juge ne craint pas Dieu. Cette veuve semble donc privée de toute possibilité. Mais elle insiste, elle demande sans se lasser. Elle est importune et ainsi, à la fin, elle réussit à obtenir le résultat du juge. C'est à ce moment-là que Jésus fait une réflexion en utilisant l'argument a fortiori: si un juge inique se laisse, à la fin, convaincre par la prière d'une veuve, Dieu, qui est bon, exaucera d'autant plus celui qui le prie. Dieu, en effet, est la générosité en personne, Il est miséricordieux et Il est donc toujours disposé à écouter les prières. Donc, nous ne devons jamais désespérer, mais persévérer toujours dans la prière.

La conclusion du passage évangélique parle de la foi: «le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?» (Lc 18,8). C'est une question qui veut susciter en nous une croissance de la foi. Il est en effet clair que la prière doit être une expression de foi, autrement il ne s'agit pas d'une authentique prière. Si un homme ne croit pas en la bonté de Dieu, il ne peut pas prier de manière vraiment adaptée. La foi est essentielle comme fondement de l'attitude de la prière. C'est ce qu'ont fait les six nouveaux saints qui sont aujourd'hui proposés à la vénération de l'Eglise universelle: Stanislaw Soltys, André Bessette, Cándida María de Jesús Cipitria y Barriola, Mary of the Cross MacKillop, Giulia Salzano et Battista Camilla Da Varano.

Saint Stanislaw Kazimierczyk, religieux du XVe siècle, peut être pour nous aussi un exemple et un intercesseur. Toute sa vie est liée à l'Eucharistie. Tout d'abord dans l'église du Corpus Domini de Kazimierz, dans l'actuelle Cracovie, où, aux côtés de sa mère et de son père, il apprit la foi et la piété; où il prononça ses voeux religieux chez les Chanoines Réguliers; où il travailla comme prêtre et éducateur, attentif au soin des nécessiteux. Il était cependant particulièrement lié à l'Eucharistie à travers l'amour ardent pour le Christ présent sous les espèces du pain et du vin; en vivant le mystère de la mort et de la résurrection, qui, sans effusion de sang, s'accomplit durant la Sainte Messe; à travers la pratique de l'amour du prochain, dont la Communion est la source et le signe.

Frère André Bessette, originaire du Québec, au Canada, et religieux de la Congrégation de la Sainte-Croix, connut très tôt la souffrance et la pauvreté. Elles l'ont conduit à recourir à Dieu par la prière et une vie intérieure intense. Portier du collège Notre Dame à Montréal, il manifesta une charité sans bornes et s'efforça de soulager les détresses de ceux qui venaient se confier à lui. Très peu instruit, il a pourtant compris où se situait l'essentiel de sa foi. Pour lui, croire signifie se soumettre librement et par amour à la volonté divine. Tout habité par le mystère de Jésus, il a vécu la béatitude des coeurs purs, celle de la rectitude personnelle. C'est grâce à cette simplicité qu'il a permis à beaucoup de voir Dieu. Il fit construire l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal dont il demeura le gardien fidèle jusqu'à sa mort en 1937. Il y fut le témoin d'innombrables guérisons et conversions. «Ne cherchez pas à vous faire enlever les épreuves» disait-il, «demandez plutôt la grâce de bien les supporter».Pour lui, tout parlait de Dieu et de sa présence. Puissions-nous, à sa suite, rechercher Dieu avec simplicité pour le découvrir toujours présent au coeur de notre vie! Puisse l'exemple du Frère André inspirer la vie chrétienne canadienne!

Lorsque le Fils de l'Homme viendra pour rendre justice aux élus, trouvera-t-il la foi sur la terre? (cf. Lc 18,8). Aujourd'hui nous pouvons dire que oui, avec soulagement et fermeté, en contemplant des figures comme celles de Mère Cándida Maria de Jesús Cipitria y Barriola. Cette jeune fille d'origine modeste, avec un coeur dans lequel Dieu mit son sceau et qui, très rapidement, la conduisit, grâce à l'aide de ses directeurs spirituels jésuites, à prendre la ferme résolution de vivre «uniquement pour Dieu». Une décision qu'elle maintiendra fidèlement, comme elle s'en souviendra elle-même lorsqu'elle sera sur le point de mourir. Elle vécut pour Dieu et pour ce qu'Il désire le plus: parvenir à tous, apporter à tous l'espérance qui ne vacille pas, tout spécialement à ceux qui en ont le plus besoin. «Là où il n'y a pas de place pour les pauvres, il n'y en a pas non plus pour moi» disait la nouvelle sainte qui, avec des ressources limitées, réussit à entraîner d’autres Soeurs à suivre Jésus et à se consacrer à l'éducation et à la promotion de la femme. C'est ainsi que naquirent les Filles de Jésus, qui trouvent aujourd'hui en leur fondatrice un modèle de vie très élevé à imiter, et une mission passionnante à poursuivre dans les nombreux pays où sont arrivés l'esprit et le désir ardent d'apostolat de Mère Cándida.

«Souviens-toi de ceux qui étaient tes enseignants — c'est à partir d'eux que tu peux apprendre la sagesse qui conduit au salut à travers la foi au Christ Jésus». Pendant de nombreuses années, d'innombrables jeunes, dans toute l'Australie, ont été bénis par des enseignants qui étaient inspirés par le courageux et saint exemple de zèle, de persévérance et de prière de Mère Mary MacKillop. Elle se consacra comme jeune femme à l'éducation des pauvres sur le terrain difficile et exigeant de l'Australie rurale, inspirant d'autres femmes à la rejoindre dans ce qui fut la première communauté de religieuses du pays. Elle pourvut aux besoins de chaque jeune qui lui était confié, sans considérer ni sa condition, ni sa richesse, lui fournissant une formation aussi bien intellectuelle que spirituelle. Malgré de nombreux défis, ses prières à saint Joseph et son inépuisable dévotion au Sacré-Coeur de Jésus, auquel elle dédia sa nouvelle congrégation, ont donné à cette sainte femme les grâces nécessaires pour rester fidèle à Dieu et à l'Eglise. Par son intercession, que les disciples d'aujourd'hui continuent à servir Dieu et l'Eglise avec foi et humilité!

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, en Campanie, dans le sud de l'Italie, le Seigneur appela une jeune institutrice, Giulia Salzano, et en fit une apôtre de l'éducation chrétienne, fondatrice de la Congrégation des Soeurs catéchistes du Sacré-Coeur de Jésus. Mère Giulia comprit bien l'importance de la catéchèse dans l'Eglise et, en unissant la préparation pédagogique à la ferveur spirituelle, elle se consacra à celle-ci avec générosité et intelligence, contribuant ainsi à la formation de personnes de tous les âges et de tous les milieux sociaux. Elle répétait à ses consoeurs qu'elle désirait faire le catéchisme jusqu'à la dernière heure de sa vie, démontrant de tout son être que si «Dieu nous a créés pour Le connaître, L'aimer et Le servir en cette vie», il ne fallait rien placer avant cette mission. Que l'exemple et l'intercession de sainte Giulia Sarzano soutiennent l'Eglise dans son éternelle mission d'annoncer le Christ et de former d'authentiques consciences chrétiennes.

Sainte Battista Camilla Varano, moniale clarisse du XVe siècle, témoigna jusqu'au bout le sens évangélique de la vie, spécialement en persévérant dans la prière. Entrée à 23 ans au monastère d'Urbin, elle s'inséra en personne dans ce vaste mouvement de réforme de la spiritualité féminine franciscaine qui entendait pleinement récupérer le charisme de sainte Claire d'Assise. Elle promut de nouvelles fondations monastiques à Camerino, où elle fut plusieurs fois élue abbesse, à Fermo et à San Severino. La vie de sainte Battista, totalement immergée dans les profondeurs divines, fut une ascension constante sur la voie de la perfection, avec un amour héroïque envers Dieu et le prochain. Elle fut marquée par de grandes souffrances et des consolations mystiques. Elle avait en effet décidé, comme elle l'écrit elle-même, d'«entrer dans le Très Saint Coeur de Jésus et de se noyer dans l'océan de ses très dures souffrances». A une époque où l'Eglise souffrait d'un relâchement des moeurs, elle parcourut de manière décidée la voie de la pénitence et de la prière, animée par l'ardent désir de renouvellement du Corps mystique du Christ.

Chers frères et soeurs, rendons grâce au Seigneur pour le don de la sainteté, qui resplendit dans l'Eglise et transparaît aujourd'hui sur le visage de ces frères et soeurs. Jésus invite aussi chacun d'entre nous à le suivre pour avoir en héritage la Vie éternelle. Laissons-nous attirer par ces exemples lumineux, laissons-nous conduire par leurs enseignements, afin que notre existence soit un cantique de louange à Dieu. Que la Vierge Marie et l'intercession des six nouveaux saints que nous vénérons aujourd'hui avec joie, obtiennent cette grâce pour nous. Amen.



CHAPELLE PAPALE EN CONCLUSION DE L'ASSEMBLÉE SPÉCIALE DU SYNODE DES ÉVÊQUES POUR LE MOYEN ORIENT Basilique Saint-Pierre - Dimanche 24 octobre 2010

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Vénérés Frères,

Mesdames et Messieurs,
chers frères et soeurs!

Deux semaines après la Célébration d'ouverture, nous sommes à nouveau réunis en ce Jour du Seigneur autour de l'Autel de la Confession de la Basilique Saint-Pierre, afin de conclure l'Assemblée Spéciale pour le Moyen-Orient du Synode des Evêques. De nos coeurs s’élève une profonde gratitude envers Dieu qui nous a fait don de cette expérience réellement extraordinaire, non seulement pour nous, mais pour le bien de l'Eglise, du Peuple de Dieu qui vit dans les terres qui s'étendent de la Méditerranée à la Mésopotamie. En tant qu'Evêque de Rome, je désire partager cette reconnaissance avec vous, vénérés Pères Synodaux: Cardinaux, Patriarches, Archevêques, Evêques. Je remercie en particulier le Secrétaire général, les quatre Présidents délégués, le Rapporteur général, le Secrétaire spécial et tous les collaborateurs qui, durant ces jours, ont travaillé sans relâche.

Ce matin, nous avons quitté la Salle du Synode et nous sommes venus «au Temple pour prier»; c'est pour cela que, la parabole du pharisien et du publicain racontée par Jésus et reprise par l'évangéliste saint Luc (cf.
Lc 18,9-14), nous concerne directement. Nous pourrions nous aussi être tentés, comme le pharisien, de rappeler à Dieu nos mérites, en pensant notamment à l'engagement de ces journées. Mais pour monter au ciel, la prière doit jaillir d'un coeur humble, pauvre. Et donc, nous aussi, au terme de cet événement ecclésial, nous voulons avant tout rendre grâce à Dieu, non pas pour nos mérites, mais pour le don qu'Il nous a fait. Nous nous reconnaissons petits et nous avons besoin de salut et de miséricorde; nous reconnaissons que tout vient de Lui et que, uniquement avec Sa grâce, se réalisera ce que l'Esprit Saint nous a dit. Seulement ainsi nous pourrons «rentrer à la maison» véritablement enrichis, rendus plus justes et plus à même de cheminer sur les voies du Seigneur.

La première lecture et le Psaume responsorial insistent sur le thème de la prière, en soulignant qu'elle est d'autant plus puissante au sein de Dieu que celui qui prie est dans le besoin et dans l'affliction. «La prière de l'humble pénètre les nuées», affirme le Siracide (Si 35,21); et le psalmiste d'ajouter: «Proche est Yahvé des coeurs brisés, il sauve les esprits abattus» (Ps 34,19). Ma pensée va vers ces nombreux frères et soeurs qui vivent dans la région du Moyen-Orient et qui se trouvent dans des situations difficiles, parfois très pesantes, tant à cause des difficultés matérielles et du découragement, qu'en raison de l'état de tension et parfois de la peur. La Parole de Dieu nous offre aujourd'hui aussi une lumière d'espérance réconfortante, là où elle présente la prière personnifiée et qui «ne renonce pas tant que le Très-Haut n'ait jeté les yeux sur lui, qu'il n'ait fait droit aux justes et rétabli l'équité» (Si 35,21-22).

Ce lien entre prière et justice nous fait aussi penser à tant de situations dans le monde, en particulier au Moyen-Orient. Le cri des pauvres et des opprimés trouve un écho immédiat en Dieu qui veut intervenir pour ouvrir une issue, pour restituer un avenir de liberté et un horizon d'espérance.

Cette confiance dans le Dieu proche, qui libère ses amis, est celle dont témoigne l'Apôtre Paul dans l'Epître de ce jour, tirée de la Deuxième Epître à Timothée. Voyant désormais proche la fin de sa vie terrestre, Paul dresse un bilan: «J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi» (2Tm 4,7). Pour chacun d'entre nous, chers frères dans l'épiscopat, il s'agit d'un modèle à imiter: que la Bonté divine nous accorde de faire nôtre un tel bilan! «Le Seigneur, lui — continue saint Paul — m'a assisté et m'a rempli de force afin que, par moi, le message fût proclamé et qu'il parvînt aux oreilles de tous les païens» (2Tm 4,17). Il s'agit d'une parole qui résonne avec une force particulière en ce dimanche au cours duquel nous célébrons la Journée missionnaire mondiale! Communion avec Jésus crucifié et ressuscité, témoignage de son amour. L'expérience de l'Apôtre est paradigmatique pour tout chrétien, spécialement pour nous Pasteurs. Nous avons partagé un moment fort de communion ecclésiale. Maintenant, nous nous quittons pour retourner chacun à notre mission, mais nous savons que nous demeurons unis, que nous demeurons dans Son amour.

L'Assemblée synodale qui s'achève aujourd'hui a toujours gardé à l'esprit l'icône de la première communauté chrétienne décrite dans les Actes des Apôtres: «La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul coeur et une seule âme» (Ac 4,32). C'est une réalité dont nous avons fait l’expérience ces derniers jours, au cours desquels nous avons partagé les joies et les peines, les préoccupations et les espérances des chrétiens du Moyen-Orient. Nous avons vécu l'unité de l'Eglise dans la variété des Eglises présentes dans cette région. Guidés par l'Esprit Saint, nous sommes devenus «un seul coeur et une seule âme» dans la foi, dans l'espérance et dans la charité, surtout durant les Célébrations eucharistiques, source et sommet de la communion ecclésiale, comme également dans la Liturgie des Heures, célébrée chaque matin dans l'un des sept rites catholiques du Moyen-Orient. Nous avons ainsi valorisé la richesse liturgique, spirituelle et théologique des Eglises orientales catholiques, outre que de l'Eglise latine. Il s'est agit d'un échange de dons précieux dont ont bénéficié tous les Pères synodaux. Il est souhaitable qu'une telle expérience positive se répète également au sein des communautés respectives du Moyen-Orient, en favorisant la participation des fidèles aux célébrations liturgiques des autres Rites catholiques et leur permettant ainsi de s'ouvrir aux dimensions de l'Eglise universelle.

La prière commune nous a également aidés à affronter les défis de l'Eglise catholique au Moyen-Orient. L'un d'entre eux est la communion à l'intérieur de chaque Eglise sui iuris, tout comme dans les rapports entre les différentes Eglises catholiques de différentes traditions. Comme nous l'a rappelé la page de l'Evangile d'aujourd'hui (cf. Lc 18,9-14), nous avons besoin d'humilité pour reconnaître nos limites, nos erreurs et nos omissions, afin de pouvoir former véritablement «un seul coeur et une seule âme». Une communion plus pleine au sein de l'Eglise catholique favorise également le dialogue oecuménique avec les autres Eglises et Communautés ecclésiales. L'Eglise catholique a réaffirmé également durant cette Assemblée synodale sa profonde conviction de poursuivre ce dialogue afin que s'accomplisse pleinement la prière du Seigneur Jésus: «afin que tous soient un» (Jn 17,21).

Aux chrétiens du Moyen-Orient, peuvent s'appliquer les paroles du Seigneur Jésus: «Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s'est complu à vous donner le Royaume» (Lc 12,32). En effet, même s'ils sont peu nombreux, ils sont porteurs de la Bonne Nouvelle de l'amour de Dieu pour l'homme, amour qui s'est justement révélé en Terre Sainte en la personne de Jésus Christ. Cette Parole de salut, renforcée par la grâce des Sacrements, résonne avec une efficacité particulière dans les lieux où, par la Providence divine, elle a été écrite, et elle est l'unique Parole en mesure de rompre le cercle vicieux de la vengeance, de la haine, de la violence. D'un coeur purifié, en paix avec Dieu et avec son prochain, peuvent naître des résolutions et des initiatives de paix au niveau local, national et international. Dans cette oeuvre, que toute la communauté internationale est appelée à réaliser, les chrétiens, citoyens de plein droit, peuvent et doivent apporter leur contribution avec l'esprit des béatitudes, en devenant des constructeurs de paix et des apôtres de la réconciliation au profit de la société tout entière.

Depuis trop longtemps les conflits, les guerres, la violence et le terrorisme perdurent au Moyen-Orient. La paix, qui est don de Dieu, est aussi le résultat des efforts des hommes de bonne volonté, des institutions nationales et internationales, en particulier des Etats les plus engagés dans la recherche d'une solution aux conflits. Il ne faut jamais se résigner au manque de paix. La paix est possible. La paix est urgente. La paix est la condition indispensable pour une vie digne de la personne humaine et de la société. La paix est également le meilleur remède pour éviter l'émigration du Moyen-Orient. «Appelez la paix sur Jérusalem» nous dit le Psaume (Ps 112,6). Prions pour la paix en Terre Sainte. Prions pour la paix au Moyen-Orient, en nous engageant afin qu'un tel don de Dieu offert aux hommes de bonne volonté se répande dans le monde entier.

Une autre contribution que les chrétiens peuvent apporter à la société est la promotion d'une authentique liberté religieuse et de conscience, un des droits fondamentaux de la personne humaine que tout Etat devrait toujours respecter. Dans de nombreux Pays du Moyen-Orient, la liberté de culte existe, alors que l'espace de la liberté religieuse est souvent très limité. Elargir cet espace de liberté devient un besoin afin de garantir, à tous ceux qui appartiennent aux différentes communautés religieuses, la véritable liberté de vivre et de professer leur propre foi. Un tel argument pourrait faire l'objet d'un dialogue entre les chrétiens et les musulmans, un dialogue dont l'urgence et l'utilité ont été réaffirmées par les Pères synodaux.

Au cours des travaux de l'Assemblée, on a souvent souligné la nécessité de proposer à nouveau l'Evangile aux personnes qui le connaissent peu, voire qui se sont éloignées de l'Eglise. Le besoin urgent d'une nouvelle évangélisation, même pour le Moyen-Orient, a souvent été évoqué. Il s'agit d'un thème très répandu, surtout dans les Pays qui ont une christianisation ancienne. La création récente du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation répond aussi à ce profond besoin. C'est pourquoi, après voir consulté l'épiscopat du monde entier et après avoir entendu le Conseil ordinaire de la Secrétairerie générale du Synode des Evêques, j'ai décidé de dédier la prochaine Assemblée générale ordinaire, en 2012, au thème suivant: «Nova evangelizatio ad christianam fidem tradendam — La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne».

Chers frères et soeurs du Moyen-Orient! Que l'expérience de ces jours vous assure que vous n'êtes jamais seuls, que vous accompagnent toujours le Saint-Siège et toute l'Eglise qui, née à Jérusalem, s'est diffusée au Moyen-Orient et ensuite dans le monde entier. Confions l'application des résultats de l'Assemblée Spéciale pour le Moyen-Orient, tout comme la préparation de l'Assemblée générale ordinaire, à l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de l'Eglise et Reine de la Paix. Amen.




4 novembre 2010: Chapelle Papale pour les cardinaux et les évêques décédés au cours de l'année écoulée

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non traduit

VOYAGE APOSTOLIQUE À SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE ET BARCELONE (6-7 NOVEMBRE 2010)


MESSE À L'OCCASION DE L'ANNÉE SAINTE COMPOSTELLANE Place de l'Obradoiro à Saint-Jacques-de-Compostelle - Samedi 6 novembre 2010

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(En galicien) Chers frères et soeurs en Jésus-Christ,

Je rends grâce à Dieu pour le don qu’il me fait d’être ici, sur cette splendide place, haut-lieu de l’art, de la culture et riche de signification spirituelle. En cette Année Sainte, je viens en pèlerin parmi les pèlerins, accompagnant tous ceux qui viennent ici assoiffés de la foi dans le Christ ressuscité. Foi annoncée et transmise fidèlement par les Apôtres, comme saint Jacques le Majeur, qui est vénéré à Compostelle depuis des temps immémoriaux.

(En espagnol) Je suis reconnaissant pour les aimables paroles de bienvenue de Monseigneur Julien Barrio Barrio, Archevêque de cette église locale et pour la présence courtoise de Leurs Altesses Royales le Prince et la Princesse des Asturies, de Messieurs les Cardinaux, ainsi que des nombreux Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce. Mon salut cordial rejoint également les Parlementaires européens, membres de l’intergroupe ‘Camino de Santiago’, et aussi les Autorités nationales, régionales et locales qui ont voulu être présentes à cette célébration. C’est là une marque de déférence envers le Successeur de Pierre et aussi un signe du profond sentiment que Saint-Jacques-de-Compostelle éveille en Galice et en d’autres lieux de l’Espagne, qui reconnaît l’Apôtre comme son Patron et Protecteur. J’adresse un chaleureux salut aussi aux personnes consacrées, aux séminaristes et aux fidèles qui participent à cette Eucharistie et, avec une émotion particulière, aux pèlerins, artisans de l’authentique esprit jacquin sans lequel on ne comprendrait pas grand-chose ou rien de ce qui se déroule en ce lieu.

Une phrase de la première lecture affirme avec une admirable simplicité: « Avec beaucoup de puissance, les apôtres rendaient témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus» (
Ac 4,33). En effet, au point de départ de tout ce que le christianisme a été et continue d’être ne se trouve pas une initiative ou un projet humain, mais Dieu, qui déclare Jésus juste et saint devant la sentence du tribunal humain qui le condamne comme blasphémateur et subversif; Dieu, qui a arraché Jésus Christ à la mort; Dieu qui fera justice à tous ceux qui sont injustement les humiliés de l’histoire.

«Nous sommes témoins de ces choses, nous et l’Esprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent» (Ac 5,32), disent les apôtres. Ainsi, ils donneront eux-mêmes le témoignage de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ Jésus qu’ils connurent pendant qu’il prêchait et accomplissait des miracles. A nous, chers frères et soeurs, il incombe aujourd’hui de suivre l’exemple des apôtres, en connaissant le Seigneur chaque jour davantage et en donnant un témoignage clair et courageux de l’Evangile. Il n’y a pas de plus grand trésor que nous puissions offrir à nos contemporains. Ainsi nous imiterons aussi saint Paul qui, au milieu de tant de tribulations, dans les naufrages et les moments de solitude proclamait en exultant: «Ce trésor, nous le portons en des vases d’argile, pour que cet excès de puissance soit de Dieu et ne vienne pas de nous» (2Co 4,7).

À ces paroles de l’Apôtre des gentils, sont liées les paroles mêmes de l’Evangile que nous venons d’entendre et qui invitent à vivre selon l’humilité du Christ qui, suivant en tout la volonté du Père, est venu pour servir «et donner sa propre vie en rançon pour une multitude » (Mt 20,28). Pour les disciples qui veulent suivre et imiter le Christ, servir leurs frères n’est pas une simple option, mais une part essentielle de leur être. Un service qui ne se mesure pas sur la base des critères du monde, de l’immédiat, du matériel et de l’apparence, mais qui rend présent l’amour de Dieu pour tous les hommes et dans toutes ses dimensions et qui Lui rend témoignage même à travers les gestes les plus simples. En proposant ce nouveau mode de relation dans la communauté, basé sur la logique de l’amour et du service, Jésus s’adresse aussi aux «chefs des peuples», parce que là où il n’y a pas un engagement pour les autres surgissent des formes de pouvoir absolu et d’exploitation qui ne laissent pas de place à une authentique promotion humaine intégrale. Et je voudrais que ce message rejoigne avant tout les jeunes: c’est précisément à eux que le contenu essentiel de l’Evangile indique la voie pour que, renonçant à un mode de pensée égoïste, à court terme, comme tant de fois cela vous est proposé, et assumant celui de Jésus, vous puissiez vous réaliser pleinement et être germe d’espérance.

Voilà ce que nous rappelle aussi la célébration de cette Année Sainte compostellane. Et c’est ce que, dans leur secret du coeur, le sachant explicitement ou le sentant sans savoir l’exprimer en paroles, vivent tant de pèlerins qui cheminent jusqu’à Saint Jacques de Compostelle pour embrasser l’Apôtre. La fatigue de la marche, la variété des paysages, la rencontre avec des personnes d’une autre nationalité les ouvrent à ce qui nous unit aux hommes dans ce qu’il y a de plus profond et de plus commun : nous sommes des êtres en recherche, des êtres qui ont besoin de la vérité et de la beauté, qui ont besoin de faire une expérience de grâce, de charité et de paix, de pardon et de rédemption. Et au plus profond de tous, résonne la présence de Dieu et l’action de l’Esprit-Saint. Oui, la personne qui fait silence en elle-même et prend de la distance par rapport aux convoitises, aux désirs et à l’action immédiats, la personne qui prie, Dieu l’illumine pour qu’elle le rencontre et reconnaisse le Christ. Qui accomplit le pèlerinage à Santiago, au fond, le fait pour rencontrer par-dessus tout Dieu, manifesté dans la majesté du Christ, qui l’accueille et le bénit à son arrivée au Pórtico de la Gloria.

De ce lieu, en messager de l’Evangile que Pierre et Jacques signèrent de leur propre sang, je désire porter mon regard vers l’Europe qui vint en pèlerinage à Compostelle. Quelles sont ses grandes nécessités, ses craintes et ses espérances? Quelle est la contribution spécifique et fondamentale de l’Eglise à cette Europe qui, au cours du dernier demi-siècle, a parcouru un chemin vers de nouvelles configurations et vers des projets? Son apport est centré sur une réalité aussi simple et décisive que celle-ci: Dieu existe et c’est Lui qui nous a donné la vie. Lui seul est l’absolu, l’amour fidèle et immuable, le terme infini qui transparaît derrière tous les biens, derrière la vérité et la beauté merveilleuses de ce monde; merveilleuses mais insuffisantes pour le coeur de l’homme. Sainte Thérèse de Jésus le comprit bien quand elle écrivit: «Dieu seul suffit!»

Il est tragique qu’en Europe, surtout au XIXe siècle, se soit affirmée et ait été défendue la conviction que Dieu est le rival de l’homme et l’ennemi de sa liberté. On voulait ainsi mettre une ombre sur la vraie foi biblique en Dieu qui envoie son Fils Jésus dans le monde pour que personne ne meure mais que tous aient la vie éternelle (cf. Jn 3,16).

L’auteur sacré affirme de façon péremptoire devant un paganisme pour lequel Dieu est jaloux de l’homme et le méprise: comment Dieu aurait-il créé toutes les choses s’il ne les avait pas aimées, Lui qui, dans son infinie plénitude, n’a besoin de rien? (cf. Sg 11,24-26). Comment se serait-il révélé aux hommes s’il n’avait pas voulu les protéger? Dieu est à l’origine de notre être et il est le fondement et le sommet de notre liberté, et non son adversaire. Comment l’homme mortel peut-il être son propre fondement et comment l’homme pécheur peut-il se réconcilier avec lui-même? Comment est-il possible que soit devenu public le silence sur la réalité première et essentielle de la vie humaine? Comment se peut-il que ce qui est le plus déterminant en elle soit enfermé dans la sphère privée ou relégué dans la pénombre? Nous les hommes nous ne pouvons vivre dans les ténèbres, sans voir la lumière du soleil. Alors, comment est-il possible que soit nié à Dieu, soleil des intelligences, force des volontés et boussole de notre coeur, le droit de proposer cette lumière qui dissipe toute ténèbre? Pour cela, il est nécessaire que Dieu recommence à résonner joyeusement sous le ciel de l’Europe; que cette parole sainte ne soit jamais prononcée en vain; qu’elle ne soit pas faussée et utilisée à des fins qui ne sont pas les siennes. Il convient qu’elle soit proclamée saintement! Il est nécessaire que nous la percevions aussi dans la vie de chaque jour, dans le silence du travail, dans l’amour fraternel et dans les difficultés que les années apportent avec elles.

L’Europe doit s’ouvrir à Dieu, sortir sans peur à sa rencontre, travailler avec sa grâce pour la dignité de l’homme que les meilleures traditions avaient découverte : la tradition biblique – fondement de cet ordre –, et les traditions classique, médiévale et moderne desquelles naquirent les grandes créations philosophiques et littéraires, culturelles et sociales de l’Europe.

C’est ce Dieu et c’est cet homme qui se sont manifestés concrètement et historiquement dans le Christ. C’est ce Christ, que nous pouvons trouver sur le chemin qui conduit à Compostelle, par le fait que sur ce chemin, il y a une croix qui accueille et oriente aux carrefours. Cette croix, signe suprême de l’amour porté jusqu’à l’extrême, et en cela, don et pardon en même temps, doit être l’étoile qui nous guide dans la nuit du temps. La Croix et l’amour, la Croix et la lumière ont été synonymes dans notre histoire, parce que le Christ s’est laissé clouer sur elle pour nous donner le suprême témoignage de son amour, pour nous inviter au pardon et à la réconciliation, pour nous enseigner à vaincre le mal par le bien. Ne cessez pas d’apprendre les leçons de ce Christ des carrefours des chemins et de la vie, en Lui nous rencontrons Dieu comme ami, père et guide. O croix bénie, brille toujours sur les terres d’Europe!

Permettez que je proclame depuis ce lieu la gloire de l’homme, que j’avertisse des menaces envers sa dignité par la privation de ses valeurs et de ses richesse originaires, par la marginalisation ou la mort infligée aux plus faibles et aux plus pauvres ! On ne peut rendre un culte à Dieu sans protéger l’homme, son fils, et on ne sert pas l’homme sans s’interroger sur qui est son Père et sans répondre à la question sur lui. L’Europe de la science et des technologies, l’Europe de la civilisation et de la culture, doit être en même temps l’Europe ouverte à la transcendance et à la fraternité avec les autres continents, ouverte au Dieu vivant et vrai à partir de l’homme vivant et vrai. Voilà ce que l’Eglise désire apporter à l’Europe: avoir soin de Dieu et avoir soin de l’homme, à partir de la compréhension qui, de l’un et l’autre, nous est offerte en Jésus Christ.

Chers amis, nous élevons un regard d’espérance vers tout ce que Dieu nous a promis et nous offre. Qu’il nous donne sa force, qu’il stimule cet Archidiocèse de Compostelle, qu’il vivifie la foi de ses enfants et les aide à rester fidèles à leur vocation de semer et de donner vigueur à l’Evangile aussi sur d’autres terres.

(En galicien) Que saint Jacques, l’ami du Seigneur, obtienne d’abondantes bénédictions pour la Galice, pour les autres peuples de l’Espagne, de l’Europe et de tant d’autres lieux par delà les mers où l’Apôtre est signe d’identité chrétienne et promoteur de l’annonce du Christ! Amen!





Benoît XVI Homélies 10101