Benoît XVI Homélies 8511

VISITE PASTORALE À AQUILÉE ET VENISE - MESSE Dimanche 8 mai 2011

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Parc San Giuliano - Mestre

Dimanche 8 mai 2011




Chers frères et soeurs!

Je suis très heureux de me trouver aujourd’hui parmi vous et de célébrer avec vous et pour vous, cette solennelle Eucharistie. Il est significatif que le lieu choisi pour cette liturgie soit le parc San Giuliano: un espace où l’on ne célèbre habituellement pas de rites religieux, mais où ont lieu des manifestations culturelles et musicales. Aujourd’hui, cet espace accueille Jésus ressuscité, réellement présent dans sa Parole, dans l’assemblée du Peuple de Dieu avec ses pasteurs et, de manière éminente, dans le sacrement de son Corps et de son Sang. Je vous adresse, vénérés frères évêques, avec les prêtres et les diacres, ainsi qu’à vous religieux, religieuses et laïcs, mon salut le plus cordial, avec une pensée particulière pour les malades et les infirmes ici présents, accompagnés par l’unitalsi. Merci de votre accueil chaleureux! Je salue avec affection le patriarche, le cardinal Angelo Scola, que je remercie des paroles touchantes qu’il m’a adressées au début de la Messe. J’adresse une pensée respectueuse au maire, au ministre de la culture qui représente le gouvernement, au ministre du travail et des politiques sociales et aux autorités civiles et militaires, qui ont voulu honorer notre rencontre de leur présence. J’exprime mes remerciements sincères à ceux qui ont généreusement offert leur collaboration pour la préparation et le déroulement de ma visite pastorale. Merci de tout coeur!

L’Evangile du troisième dimanche de Pâques — que nous venons d’écouter — présente l’épisode des disciples d’Emmaüs (cf. Lc
Lc 24,13-35), un récit qui ne finit jamais de nous étonner et de nous émouvoir. Cet épisode montre les conséquences que la rencontre avec Jésus ressuscité a chez les deux disciples: la conversion du désespoir à l’espérance; la conversion de la tristesse à la joie; et également la conversion à la vie communautaire. Parfois, lorsque l’on parle de conversion, on pense uniquement à son aspect difficile, de détachement et de renoncement. En revanche, la conversion chrétienne est également et surtout source de joie, d’espérance et d’amour. Elle est toujours l’oeuvre du Christ ressuscité, Seigneur de la vie, qui a obtenu pour nous cette grâce au moyen de sa passion et qui nous la communique en vertu de sa résurrection.

Chers frères et soeurs! Je suis venu parmi vous en tant qu’Evêque de Rome et continuateur du ministère de Pierre, pour vous confirmer dans la fidélité à l’Evangile et dans la communion. Je suis venu pour partager avec les évêques et les prêtres le souci de l’annonce missionnaire, à laquelle nous devons tous participer dans un service sérieux et coordonné à la cause du Royaume de Dieu. Vous qui êtes aujourd’hui ici présents, vous représentez les communautés ecclésiales nées de l’Eglise mère d’Aquilée. De même que, par le passé, ces Eglises se distinguèrent par leur ferveur apostolique et leur dynamisme pastoral, ainsi faut-il aujourd’hui aussi promouvoir et défendre avec courage la vérité et l’unité de la foi. Il faut rendre compte de l’espérance chrétienne à l’homme moderne, souvent terrassé par des problématiques vastes et graves qui mettent en crise les fondements mêmes de son être et de son action.

Vous vivez dans un contexte dans lequel le christianisme se présente comme la foi qui a accompagné, au cours des siècles, le chemin de tant de peuples, également à travers des persécutions et des épreuves très dures. Les multiples témoignages présents partout sont l’expression éloquente de cette foi: les églises, les oeuvres d’art, les hôpitaux, les bibliothèques, les écoles; le cadre même de votre ville, ainsi que celui des campagnes et des montagnes, entièrement constellées de références au Christ. Et pourtant, cet appartenance au Christ risque aujourd’hui de se vider de sa vérité et de ses contenus les plus profonds; elle risque de devenir un horizon qui n’embrasse la vie que superficiellement — et dans ses aspects plutôt sociaux et culturels; elle risque de se réduire à un christianisme dans lequel l’expérience de foi en Jésus crucifié et ressuscité n’illumine pas le chemin de l’existence, comme nous l’avons entendu dans l’Evangile d’aujourd’hui à propos des deux disciples d’Emmaüs, qui, après la crucifixion de Jésus, s’en retournaient chez eux plongés dans le doute, dans la tristesse et dans la déception. Cette attitude tend, malheureusement, à se diffuser également sur votre terre: cela a lieu lorsque les disciples d’aujourd’hui s’éloignent de la Jérusalem du Crucifié et du Ressuscité, en ne croyant plus dans la puissance et dans la présence vivante du Seigneur. Le problème du mal, de la douleur et de la souffrance, le problème de l’injustice et de l’oppression, la peur des autres, des étrangers et de ceux qui arrivent de loin dans nos terres et semblent porter atteinte à ce que nous sommes, conduisent les chrétiens d’aujourd’hui à dire avec tristesse: nous espérions que le Seigneur nous libère du mal, de la douleur, de la souffrance, de la peur, de l’injustice.

Il est alors nécessaire, pour chacun de nous, comme cela a eu lieu pour les deux disciples d’Emmaüs, de se laisser instruire par Jésus: tout d’abord en écoutant et en aimant la Parole de Dieu, lue à la lumière du Mystère pascal, pour qu’elle réchauffe notre coeur et illumine notre esprit; et qu’elle nous aide à interpréter les événements de la vie et à leur donner un sens. Il faut ensuite s’asseoir à table avec le Seigneur, devenir ses hôtes, afin que sa présence humble dans le sacrement de son Corps et de son Sang nous restitue le regard de la foi, pour regarder tout et tous avec les yeux de Dieu, dans la lumière de son amour. Demeurer avec Jésus qui est resté avec nous, assimiler son style de vie donnée, choisir avec lui la logique de la communion entre nous, de la solidarité et du partage. L’Eucharistie est la plus haute expression du don que Jésus fait de lui-même et elle est une invitation constante à vivre notre existence dans la logique eucharistique comme un don à Dieu et aux autres.

L’Evangile rapporte également que les deux disciples, après avoir reconnu Jésus lors de la fraction du pain, «à cette heure même, [ils] partirent et s'en retournèrent à Jérusalem» (Lc 24,33). Ils ressentent le besoin de rentrer à Jérusalem et de raconter l’extraordinaire expérience vécue: la rencontre avec le Seigneur ressuscité. Il est nécessaire d’accomplir un grand effort pour que chaque chrétien, ici dans le nord-est comme dans d’autres parties du monde, se transforme en témoin, prêt à annoncer avec vigueur et avec joie l’événement de la mort et de la résurrection du Christ. Je connais le soin que, en tant qu’Eglises des Trois Vénéties, vous mettez pour chercher à comprendre les raisons du coeur de l’homme moderne et comment, en vous réclamant des antiques traditions chrétiennes, vous vous préoccupez de tracer les lignes d’orientation de la nouvelle évangélisation, en considérant avec attention les nombreux défis du temps présent et en repensant l’avenir de cette région. Je désire, à travers ma présence, soutenir votre oeuvre et transmettre à tous la confiance dans l’intense programme pastoral lancé par vos pasteurs, en souhaitant un engagement fructueux de la part de toutes les composantes de la communauté ecclésiale.

Même un peuple traditionnellement catholique peut, cependant, ressentir de manière négative, ou assimiler presque inconsciemment, les contrecoups d’une culture qui finit par insinuer une manière de penser dans laquelle le message évangélique est ouvertement refusé, ou entravé de manière cachée. Je sais combien votre engagement a été et continue à être grand pour défendre les valeurs éternelles de la foi chrétienne. Je vous encourage à ne jamais céder aux tentations récurrentes de la culture hédoniste et aux appels du consumérisme matérialiste. Accueillez l’invitation de l’apôtre Pierre, contenue dans la deuxième lecture d’aujourd’hui, à vous comporter «avec crainte pendant le temps de votre exil» (1P 1,17); une invitation qui se concrétise dans une vie vécue intensément sur les routes de notre monde, dans la conscience de l’objectif à atteindre: l’unité avec Dieu, dans le Christ crucifié et ressuscité. En effet, notre foi et notre espérance sont adressées à Dieu (cf. 1P 1,21): elles sont adressées à Dieu car enracinées en lui, fondées dans son amour et sur sa fidélité. Au cours des siècles passés, vos Eglises ont connu une riche tradition de sainteté et de généreux service à vos frères, grâce à l’oeuvre de prêtres, de religieux et de religieuses de vie active et contemplative zélés. Si nous voulons nous mettre à l’écoute de leur enseignement spirituel, il ne nous est pas difficile de reconnaître l’appel personnel et unique qu’ils nous adressent: Soyez saints! Placez le Christ au coeur de votre vie! Bâtissez sur Lui l’édifice de votre existence. En Jésus, vous trouverez la force pour vous ouvrir aux autres et pour faire de vous-mêmes, selon leur exemple, un don pour l’humanité tout entière.

Autour d’Aquilée se retrouvèrent unis des peuples de langues et de cultures différentes, rassemblés non seulement par des exigences politiques mais, surtout, par la foi en Christ et par la civilisation inspirée par l’enseignement évangélique, la Civilisation de l’Amour. Les Eglises engendrées par Aquilée sont appelées aujourd’hui à renforcer cette antique unité spirituelle, en particulier à la lumière du phénomène de l’immigration et des nouvelles situations géopolitiques qui sont apparues. La foi chrétienne peut certainement contribuer à rendre concret un tel programme, qui concerne le développement harmonieux et intégral de l’homme et de la société dans laquelle il vit. Ma présence parmi vous veut donc également être un vif soutien aux efforts qui sont déployés pour favoriser la solidarité entre vos diocèses du nord-est. En outre, elle veut être un encouragement pour chaque initiative qui tend au dépassement de ces divisions qui pourraient rendre vaines les aspirations concrètes à la justice et à la paix.

Chers frères, tel est mon souhait, telle est la prière que j’adresse à Dieu pour vous tous, en invoquant l’intercession céleste de la Vierge Marie et des nombreux saints et bienheureux, parmi lesquels j’ai à coeur de rappeler saint Pie x et le bienheureux Jean XXIII, mais également le vénérable Giuseppe Toniolo, dont la béatification est désormais proche. Ces témoins lumineux de l’Evangile sont la plus grande richesse de votre territoire: suivez leurs exemples et leurs enseignements, en les conjuguant avec les exigences actuelles. Ayez confiance: le Seigneur ressuscité marche avec vous, hier, aujourd’hui et à jamais.

Amen.



VOYAGE APOSTOLIQUE EN CROATIE
(4-5 JUIN 2011)

MESSE À L'OCCASION DE LA JOURNÉE NATIONALE DES FAMILLES CATHOLIQUES CROATES Dimanche 5 juin 2011

50611
Hippodrome de Zagreb

Dimanche 5 juin2011




Chers frères et soeurs,

Au cours de cette Sainte Messe que j’ai la joie de présider, concélébrant avec de nombreux Frères dans l’épiscopat et avec un grand nombre de prêtres, je rends grâce au Seigneur pour toutes les familles bien-aimées réunies ici, et pour tant d’autres qui sont reliées à nous par la radio et la télévision. Je remercie particulièrement le Cardinal Josip Bozanic, Archevêque de Zagreb, pour ses chaleureuses paroles du début de la Messe. A tous, j’adresse mon salut et je vous exprime ma grande affection avec un baiser de paix !

Nous avons célébré, il y a peu, l’Ascension du Seigneur et nous nous préparons à recevoir le grand don du Saint-Esprit. Dans la première lecture, nous avons vu comment la communauté apostolique était réunie en prière dans le Cénacle avec Marie, la Mère de Jésus (cf. Ac
Ac 1,12-14). C’est là un portrait de l’Église qui plonge ses racines dans l’événement pascal : le Cénacle, en effet, est le lieu où Jésus institua l’Eucharistie et le Sacerdoce, au cours de la Dernière Cène, et où, ressuscité des morts, il répandit l’Esprit Saint sur ses Apôtres le soir de Pâques (cf. Jn 20,19-23). A ses disciples, le Seigneur avait ordonné « de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’y attendre ce que le Père avait promis » (cf. Ac Ac 1,4) ; il avait plutôt demandé qu’ils restent ensemble pour se préparer à recevoir le don de l’Esprit Saint. Et ils se réunirent pour prier avec Marie au Cénacle dans l’attente de l’événement promis (cf. Ac Ac 1,14). Rester ensemble fut la condition mise par Jésus pour accueillir la venue du Paraclet, et la prière prolongée fut la condition nécessaire de leur concorde. Nous trouvons ici une formidable leçon pour chaque communauté chrétienne. On pense parfois que l’efficacité missionnaire dépend principalement d’une programmation consciencieuse et de son intelligente mise en oeuvre par un engagement concret. Certes, le Seigneur demande notre collaboration, mais avant n’importe quelle réponse de notre part, son initiative est nécessaire : c’est son Esprit le vrai protagoniste de l’Église, à invoquer et à accueillir.

Dans l’Évangile, nous avons écouté la première partie de ce qu’on appelle « la prière sacerdotale » de Jésus (cf. Jn 17,1-11) – en conclusion des discours d’adieux – pleine de confidence, de douceur et d’amour. Elle est appelée « prière sacerdotale », parce qu’en elle, Jésus se présente dans l’attitude du prêtre qui intercède pour les siens, au moment où il va quitter ce monde. Le passage est dominé par le double thème de l’heure et de la gloire. Il s’agit de l’heure de la mort (cf. Jn 2,4 Jn 7,30 Jn 8,20), l’heure au cours de laquelle le Christ doit passer de ce monde au Père (13, 1). Mais elle est aussi, en même temps, l’heure de sa glorification qui s’accomplit à travers la croix, appelée par l’évangéliste Jean « exaltation », c’est-à-dire élévation, montée dans la gloire : l’heure de la mort de Jésus, l’heure de l’amour suprême, est l’heure de sa gloire la plus haute. Pour l’Église aussi, pour chaque chrétien, la gloire la plus haute est celle de la Croix, c’est vivre la charité, don total à Dieu et aux autres.

Chers frères est soeurs ! J’ai accueilli très volontiers l’invitation que m’ont adressée les Évêques de la Croatie à visiter ce pays à l’occasion de la première Rencontre Nationale des Familles Catholiques Croates. Je désire exprimer ma vive appréciation pour l’attention et l’engagement envers la famille, non seulement parce que cette réalité humaine fondamentale aujourd’hui, dans votre pays comme ailleurs, doit affronter des difficultés et des menaces et donc a particulièrement besoin d’être évangélisée et soutenue, mais aussi parce que les familles chrétiennes sont une ressource décisive pour l’éducation à la foi, pour l’édification de l’Église comme communion et pour sa présence missionnaire dans les situations les plus diverses de la vie. Je connais la générosité et le dévouement avec lequel, vous, chers Pasteurs, servez le Seigneur et l’Église. Votre travail quotidien pour la formation à la foi des nouvelles générations, comme aussi pour la préparation au mariage et pour l’accompagnement des familles, est la route fondamentale pour régénérer toujours de nouveau l’Église et aussi pour vivifier le tissu social du pays. Poursuivez avec disponibilité votre précieux engagement pastoral !

Il est bien connu de tous que la famille chrétienne est un signe spécial de la présence et de l’amour du Christ et qu’elle est appelée à donner une contribution spécifique et irremplaçable à l’évangélisation. Le bienheureux Jean-Paul II, qui a visité par trois fois ce noble pays, affirmait que « la famille chrétienne est appelé à prendre une part active et responsable à la mission de l’Église d’une façon propre et originale, en se mettant elle-même au service de l’Église et de la société dans son être et dans son agir, en tant que ‘communauté intime de vie et d’amour’ » (Familiaris consortio FC 50). La famille chrétienne a toujours été la première voie de transmission de la foi et elle conserve aujourd’hui de grandes possibilités pour l‘évangélisation dans de multiples domaines.

Chers parents, engagez-vous toujours à enseigner à vos enfants à prier, et priez avec eux ; faites-les approcher des Sacrements, particulièrement de l’Eucharistie - cette année vous célébrez les 600 ans du ‘miracle eucharistique de Ludbreg’ - ; et introduisez-les dans la vie de l’Église ; dans l’intimité domestique, n’ayez pas peur de lire la Sainte Écriture, illuminant la vie familiale de la lumière de la foi et louant Dieu comme Père. Soyez presque un petit cénacle, comme celui de Marie et des disciples, dans lequel se vit l’unité, la communion, la prière !

Aujourd’hui, grâce à Dieu, de nombreuses familles chrétiennes acquièrent toujours plus la conscience de leur vocation missionnaire et s’engagent sérieusement dans le témoignage au Christ Seigneur. Le bienheureux Jean-Paul II a dit : « A notre époque, les familles qui collaborent activement à l’évangélisation sont de plus en plus nombreuses… Dans l’Église a mûri l’heure de la famille, qui est également l’heure de la famille missionnaire » (Angelus, 21 octobre 2001). Dans la société d’aujourd’hui, la présence des familles chrétiennes exemplaires est plus que jamais nécessaire et urgente. Malheureusement, nous devons constater, spécialement en Europe, que se répand une sécularisation qui porte à la marginalisation de Dieu dans la vie et à une croissante désagrégation de la famille. On absolutise une liberté sans engagement pour la vérité, et on entretient comme idéal le bien-être individuel à travers la consommation des biens matériels et des expériences éphémères, négligeant la qualité des relations avec les personnes et les valeurs humaines plus profondes ; on réduit l’amour à une émotion sentimentale et à une satisfaction de pulsions instinctives, sans s’engager à construire des liens durables d’appartenance réciproque et sans ouverture à la vie. Nous sommes appelés à contester une telle mentalité ! Auprès de la parole de l’Église, le témoignage et l’engagement des familles sont très importants, votre témoignage concret, surtout pour affirmer l’intangibilité de la vie humaine de la conception à sa fin naturelle, la valeur unique et irremplaçable de la famille fondée sur le mariage et la nécessité de mesures législatives qui soutiennent les familles dans la tâche d’engendrer et d’éduquer les enfants. Chères familles, soyez courageuses ! Ne cédez pas à la mentalité sécularisée qui propose la cohabitation comme préparatoire, ou même substitutive au mariage ! Montrez par votre témoignage de vie qu’il est possible d’aimer, comme le Christ, sans réserve, qu’il ne faut pas avoir peur de s’engager pour une autre personne ! Chères familles, réjouissez-vous de la paternité et de la maternité ! L’ouverture à la vie est signe d’ouverture à l’avenir, de confiance dans l’avenir, de même que le respect de la morale naturelle libère la personne au lieu de l’humilier ! Le bien de la famille est aussi le bien de l’Église. Je voudrais rappeler tout ce que j’ai affirmé dans le passé : «L’édification de chaque famille chrétienne se situe dans le contexte de la famille plus vaste de l’Église, qui la soutient et la conduit avec elle… Et, réciproquement, l’Église est édifiée par les familles, 'petites Églises domestiques' » (Discours d’ouverture du Congrès ecclésial diocésain de Rome, 6 juin Insegnamenti di Benedetto XVI, I, 2005, p. 205). Prions le Seigneur pour que les familles soient toujours plus de petites Églises et que les communautés ecclésiales soient toujours plus une famille !

Chères familles croates, en vivant la communion de foi et de charité, soyez témoins de façon toujours plus transparente de la promesse que le Seigneur monté au ciel fait à chacun de nous : « …je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Chers chrétiens croates, sentez-vous appelés à évangéliser par toute votre vie ; écoutez avec force la parole du Seigneur : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19). Que la Vierge Marie, Reine des croates, accompagne toujours votre chemin. Amen ! Loués soient Jésus et Marie !



MESSE EN LA SOLENNITÉ DE PENTECÔTE 12 juin 2011

12611
Basilique vaticane

Dimanche 12 juin 2011





Chers frères et soeurs!

Nous célébrons aujourd’hui la grande solennité de la Pentecôte. Si, en un certain sens, toutes les solennités liturgiques de l’Eglise sont grandes, celle de la Pentecôte l’est d’une manière particulière, parce qu’elle marque, au bout de cinquante jours, l’accomplissement de l’événement de la Pâque, de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus, à travers le don de l’Esprit du Ressuscité. L’Eglise nous a préparés à la Pentecôte ces jours derniers, à travers sa prière, avec l’invocation répétée et intense à Dieu pour obtenir une effusion renouvelée de l’Esprit Saint sur nous. L’Eglise a revécu ainsi ce qui est advenu à ses origines, lorsque les Apôtres, réunis au Cénacle de Jérusalem, «étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères» (
Ac 1,14). Ils étaient réunis dans l’attente humble et confiante que s’accomplisse la promesse du Père qui leur avait été communiquée par Jésus: «C’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours... vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous» (Ac 1,5 Ac 1,8).

Dans la liturgie de la Pentecôte, au récit des Actes des Apôtres sur la naissance de l’Eglise (cf. Ac Ac 2,1-11), correspond le Psaume 103 que nous avons écouté, une louange de toute la création, qui exalte l’Esprit Créateur qui a fait toute chose avec sagesse: «Que tes oeuvres sont nombreuses, Seigneur! Toutes avec sagesse tu les fis, la terre est remplie de ta richesse... A jamais soit la gloire du Seigneur, que le Seigneur se réjouisse en ses oeuvres!» (Ps 103,24 Ps 103,31). Ce que veut nous dire l’Eglise est ceci: l’Esprit créateur de toute chose, et l’Esprit Saint que le Christ a fait descendre du Père sur la communauté des disciples, sont un et identique: création et rédemption s’appartiennent réciproquement et constituent, en profondeur, un unique mystère d’amour et de salut. L’Esprit Saint est avant tout Esprit Créateur et donc la Pentecôte est aussi fête de la création. Pour nous chrétiens, le monde est le fruit d’un acte d’amour de Dieu, qui a fait toute chose et duquel Il se réjouit parce que «cela est bon», «cela est très bon», comme le dit le récit de la création (cf. Gn Gn 1,1-31). Dieu n’est pas le totalement Autre, innommable et obscur. Dieu se révèle, il a un visage, Dieu est raison, Dieu est volonté, Dieu est amour, Dieu est beauté. La foi dans l’Esprit Créateur et la foi dans l’Esprit que le Christ Ressuscité a donné aux Apôtres et donne à chacun de nous, sont alors inséparablement liées.

La deuxième lecture et l’Evangile d’aujourd’hui nous montrent ce lien. L’Esprit Saint est Celui qui nous fait reconnaître en Christ le Seigneur, et nous fait prononcer la profession de foi de l’Eglise: «Jésus est Seigneur» (cf. 1Co 12,3). Seigneur est le titre attribué à Dieu dans l’Ancien Testament, titre qui dans la lecture de la Bible prenait la place de son nom imprononçable. Le Credo de l’Eglise n’est rien d’autre que le développement de ce qui est dit à travers cette simple affirmation: «Jésus est Seigneur». De cette profession de foi, saint Paul nous dit qu’il s’agit précisément de la parole et de l’oeuvre de l’Esprit. Si nous voulons être dans l’Esprit Saint, nous devons adhérer à ce Credo. En le faisant nôtre, en l’acceptant comme notre parole, nous accédons à l’oeuvre de l’Esprit Saint. L’expression «Jésus est Seigneur» peut se lire dans les deux sens. Elle signifie: Jésus est Dieu, et dans le même temps: Dieu est Jésus. L’Esprit Saint éclaire cette réciprocité: Jésus a une dignité divine et Dieu a le visage humain de Jésus. Dieu se montre en Jésus et il nous donne ainsi la vérité sur nous-mêmes. Se laisser éclairer en profondeur par cette parole, tel est l’événement de la Pentecôte. En récitant le Credo nous entrons dans le mystère de la première Pentecôte: après le désordre de Babel, de ces voix qui crient l’une contre l’autre, a lieu une transformation radicale: la multiplicité se fait unité multiforme, à travers le pouvoir unificateur de la Vérité grandit la compréhension. Dans le Credo qui nous unit de tous les coins de la Terre, qui, à travers l’Esprit Saint, fait en sorte que l’on se comprenne même dans la diversité des langues, à travers la foi, l’espérance et l’amour, se forme la nouvelle communauté de l’Eglise de Dieu.

Le passage évangélique nous offre ensuite une merveilleuse image pour éclairer le lien entre Jésus, l’Esprit Saint et le Père: l’Esprit Saint est représenté comme le souffle de Jésus Christ ressuscité (cf. Jn 20,22). L’évangéliste Jean reprend ici une image du récit de la création, là où il est dit que Dieu souffla dans les narines de l’homme une haleine de vie (cf. Gn Gn 2,7). Le souffle de Dieu est vie. Aujourd’hui le Seigneur souffle dans notre âme la nouvelle haleine de vie, l’Esprit Saint, son essence la plus intime, et il l’accueille de cette manière dans la famille de Dieu. A travers le baptême et la confirmation nous est fait ce don de manière spécifique, et à travers les sacrements de l’Eucharistie et de la pénitence, il se répète continuellement: le Seigneur souffle dans notre âme une haleine de vie. Tous les sacrements, chacun à leur manière, communiquent à l’homme la vie divine, grâce à l’Esprit Saint qui oeuvre en eux.

Dans la liturgie d’aujourd’hui nous saisissons encore un lien supplémentaire. L’Esprit Saint est Créateur, il est dans le même temps Esprit de Jésus Christ, mais d’une façon que le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont un seul et unique Dieu. Et à la lumière de la première Lecture nous pouvons ajouter: l’Esprit Saint anime l’Eglise. Elle ne dérive pas de la volonté humaine, de la réflexion, de l’habileté de l’homme ou de sa grande capacité d’organisation, car s’il en était ainsi, elle se serait déjà éteinte depuis longtemps, comme passe toute chose humaine. L’Eglise en revanche est le Corps du Christ, animé par l’Esprit Saint. Les images du vent et du feu, utilisées par saint Luc pour représenter la venue de l’Esprit Saint (cf. Ac Ac 2,2-3), rappellent le Sinaï, où Dieu s’est révélé au peuple d’Israël et lui avait concédé son alliance; «la montagne du Sinaï était toute fumante — lit-on dans le Livre de l’Exode —, parce que le Seigneur y était descendu dans le feu» (19, 18). En effet, Israël fêta le cinquantième jour après Pâques, après la commémoration de la fuite de l’Egypte, comme la fête du Sinaï, la fête du Pacte. Quand saint Luc parle de langues de feu pour représenter l’Esprit Saint, on rappelle l’antique Pacte, établi sur la base de la Loi reçue par Israël sur le Sinaï. Ainsi, l’événement de la Pentecôte est représenté comme un nouveau Sinaï, comme le don d’un nouveau Pacte où l’alliance avec Israël est étendue à tous les peuples de la Terre, où tombent toutes les barrières de l’ancienne Loi et apparaît son coeur le plus saint et immuable, c’est-à-dire l’amour, que l’Esprit Saint justement communique et diffuse, l’amour qui embrasse toute chose. Dans le même temps, la Loi s’élargit, s’ouvre, tout en devenant plus simple: c’est le Nouveau Pacte, que l’Esprit «écrit» dans les coeurs de ceux qui croient dans le Christ. L’extension du Pacte à tous les peuples de la Terre est représentée par saint Luc à travers une énumération de populations considérables pour cette époque (cf. Ac Ac 2,9-11). A travers cela, une chose très importante nous est ainsi communiquée: que l’Eglise est catholique dès le premier moment, que son universalité n’est pas le fruit de l’agrégation successive de différentes communautés. Dès le premier instant, en effet, l’Esprit Saint l’a créée comme l’Eglise de tous les peuples; elle embrasse le monde entier, dépasse toutes les frontières de race, de classe, de nation: elle abat toutes les barrières et unit les hommes dans la profession du Dieu un et trine. Dès le début, l’Eglise est une, catholique et apostolique: c’est sa vraie nature et elle doit être reconnue comme telle. Elle est sainte non pas grâce à la capacité de ses membres, mais parce que Dieu lui-même, avec son Esprit, la crée, la purifie et la sanctifie toujours.

Enfin l’Evangile d’aujourd’hui nous offre cette très belle expression: «Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur» (Jn 20,20). Ces paroles sont profondément humaines. L’Ami perdu est à nouveau présent, et qui était jusque là bouleversé se réjouit. Mais celle-ci nous dit bien davantage. Parce que l’Ami perdu ne vient pas d’un lieu quelconque, mais de la nuit de la mort; et Il l’a traversée! Il n’est plus un parmi d’autres, mais il est l’Ami et dans le même temps Celui qui est la Vérité qui fait vivre les hommes; et ce qu’il donne n’est pas une joie quelconque, mais c’est la joie même, don de l’Esprit Saint. Oui, il est bon de vivre parce que je suis aimé, et c’est la Vérité qui m’aime. Les disciples furent remplis de joie, en voyant le Seigneur. Aujourd’hui, à la Pentecôte, cette expression nous est destinée aussi, parce que dans la foi nous pouvons Le voir; dans la foi Il vient parmi nous et à nous aussi Il nous montre ses mains et son côté, et nous en sommes remplis de joie. C’est pourquoi nous voulons prier: Seigneur, montre-toi! Fais-nous le don de ta présence, et nous aurons le don le plus beau: ta joie. Amen!



VISITE PASTORALE AU DIOCÈSE DE SAINT-MARIN-MONTEFELTRO, Dimanche 19 juin 2011

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CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE

Stade de Serravalle - République de Saint-Marin

Dimanche 19 juin 2011


Chers frères et soeurs!

C’est une grande joie de pouvoir rompre avec vous le pain de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie et de pouvoir vous présenter, chers Saint-Marinais, mes salutations les plus cordiales. J’adresse une pensée particulière aux Capitaines Régents et aux autres autorités politiques et civiles, présentes à cette célébration eucharistique; je salue avec affection votre évêque, Mgr Luigi Negri, que je remercie des paroles courtoises qu’il m’a adressées et, avec lui tous les prêtres et les fidèles du diocèse de Saint-Marin - Montefeltro; je salue chacun de vous et je vous exprime ma vive reconnaissance pour la cordialité et l’affection avec lesquelles vous m’avez accueilli. Je suis venu pour partager avec vous les joies et les espérances, les difficultés et les engagements, les idéaux et les aspirations de cette communauté diocésaine. Je sais qu’ici aussi les difficultés, les problèmes, les inquiétudes ne manquent pas. Je veux tous vous assurer de ma proximité et de mon souvenir dans la prière, à laquelle j’unis l’encouragement à persévérer dans le témoignage des valeurs humaines et chrétiennes, si profondément enracinées dans la foi et dans l’histoire de ce territoire et de sa population, avec sa foi granitique dont a parlé Son Excellence.

Nous célébrons aujourd’hui la fête de la Très Sainte Trinité: Dieu Père, Fils et Esprit Saint, fête de Dieu, du coeur de notre foi. Lorsque l’on pense à la Trinité, ce qui vient d’abord à l’esprit est la dimension du mystère: ils sont Trois et ils sont Un, un seul Dieu en trois Personnes. En réalité Dieu ne peut pas être autre chose qu’un mystère pour nous dans sa grandeur, et toutefois il s’est révélé: nous pouvons le connaître dans son Fils, et ainsi aussi connaître le Père et l’Esprit Saint. La liturgie d’aujourd’hui, en revanche, n’attire pas tant notre attention sur le mystère, que sur la réalité d’amour qui est contenue dans ce premier et suprême mystère de notre foi. Le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont un parce qu’ils sont amour et l’amour est la force vivifiante absolue, l’unité créée par l’amour est plus unie qu’une unité purement physique. Le Père donne tout au fils; le Fils reçoit tout du Père avec reconnaissance; et l’Esprit Saint est comme le fruit de cet amour réciproque du Père et du Fils. Les textes de la Messe d’aujourd’hui parlent de Dieu et parlent donc d’amour; ils ne s’arrêtent pas tant sur le mystère des trois Personnes, que sur l’amour qui en constitue la substance ainsi que l’unité et la trinité dans le même temps.

Le premier passage que nous avons écouté est tiré du Livre de l’Exode — je me suis arrêté sur celui-ci dans une récente catéchèse du mercredi — et il est surprenant que la révélation de l’amour de Dieu advienne après un très grave péché du peuple. Le pacte d’alliance sur le mont Sinaï vient tout juste d’être conclu que déjà le peuple manque de fidélité. L’absence de Moïse se prolonge et le peuple dit: «Mais où est passé Moïse, où est son Dieu?», et il demande à Aaron de lui faire un dieu qui soit visible, accessible, manoeuvrable, à la portée de l’homme, à la place de ce Dieu mystérieux invisible, lointain. Aaron accepte et prépare un veau d’or. En descendant du Sinaï, Moïse voit ce qui est arrivé et il brise les tables de l’alliance, qui est déjà brisée, rompue, deux pierres sur lesquelles étaient écrites les «Dix Paroles», le contenu concret du pacte avec Dieu. Tout semble perdu, l’amitié semble immédiatement, dès le départ, déjà brisée. Et pourtant, malgré ce très grave péché du peuple, Dieu, par l’intercession de Moïse, décide de pardonner et l’invite à remonter sur le mont pour recevoir à nouveau sa loi, les dix Commandements et renouveler le pacte. Moïse demande alors à Dieu de se révéler, de lui faire voir son visage. Mais Dieu ne montre pas son visage, il révèle plutôt son être plein de bonté par ces mots: «Le Seigneur, le Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité» (
Ex 34,8). Et cela est le Visage de Dieu. Cette autodéfinition de Dieu manifeste son amour miséricordieux: un amour qui l’emporte sur le péché, le couvre, l’élimine. Et nous pouvons être toujours sûrs de cette bonté qui ne nous abandonne pas. Il ne peut y avoir de révélation plus claire. Nous avons un Dieu qui renonce à détruire le pécheur et qui veut manifester son amour de manière encore plus profonde et surprenante devant le pécheur pour offrir toujours la possibilité de la conversion et du pardon.

L’Evangile complète cette révélation, que nous écoutons dans la première lecture, parce qu’il indique à quel point Dieu a montré sa miséricorde. L’évangéliste Jean rapporte cette expression de Jésus: «Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3,16). Dans le monde, il y a le mal, il y a l’égoïsme, il y a la méchanceté, et Dieu pourrait venir pour juger ce monde, pour détruire le mal, pour châtier ceux qui oeuvrent dans les ténèbres. En revanche, il montre qu’il aime le monde, qu’il aime l’homme, malgré son péché, et il envoie ce qu’il a de plus précieux: son Fils unique. Et non seulement il l’envoie, mais il en fait don au monde. Jésus est le Fils de Dieu qui est né pour nous, qui a vécu pour nous, qui a guéri les malades, pardonné les péchés, accueilli chacun. En répondant à l’amour qui vient du Père, le Fils a donné sa propre vie pour nous: sur la croix l’amour miséricordieux de Dieu touche son point culminant. Et c’est sur la croix que le Fils de Dieu nous obtient la participation à la vie éternelle, qui nous est communiquée par le don de l’Esprit Saint. Ainsi dans le mystère de la croix sont présent les trois Personnes divines: le Père qui donne son Fils unique pour le salut du monde; le Fils qui accomplit jusqu’au bout le dessein du Père; l’Esprit Saint — répandu par Jésus au moment de sa mort — qui vient nous faire participer à la vie divine, qui vient transformer notre existence, pour qu’elle soit animée par l’amour divin.

Chers frères et soeurs! La foi dans le Dieu trinitaire a caractérisé aussi cette Eglise de Saint-Marin-Montefeltro, au fil de son histoire antique et glorieuse. L’évangélisation de cette terre est attribuée aux saints tailleurs de pierre Marin et Léon, qui au milieu du IIIe siècle après Jésus Christ auraient débarqué à Rimini venus de Dalmatie. Grâce à la sainteté de leur vie, ils auraient été consacrés l’un prêtre et l’autre diacre par l’évêque Gaudence qui les aurait envoyés à l’intérieur des terres, l’un sur le mont Feretro, qui prit ensuite le nom de San Leo, et l’autre sur le mont Titano, qui prit ensuite le nom de Saint-Marin. Au-delà des questions historiques — qu’il ne nous appartient pas d’approfondir — il est intéressant d’affirmer que Marin et Léon apportèrent dans le contexte de cette réalité locale, avec la foi dans le Dieu qui s’est révélé en Jésus Christ, des perspectives et des valeurs nouvelles, en déterminant la naissance d’une culture et d’une civilisation centrée sur la personne humaine, image de Dieu et à ce titre porteurs de droits antécédents à toute législation humaine. La variété des différentes ethnies — Romains, Goths puis Lombards — qui entraient en contact avec eux, quelquefois aussi de manière très conflictuelle, trouvèrent dans la référence commune à la foi un facteur puissant d’édification éthique, culturelle, sociale et, en quelque sorte, politique. Il était évident à leurs yeux qu’un projet de civilisation ne pouvait pas être considéré comme achevé tant que toutes les composantes du peuple ne seraient pas devenues une communauté chrétienne vivante et bien structurée et édifiée sur la foi dans le Dieu Trinitaire. On peut donc dire à raison que la richesse de ce peuple, votre richesse, chers Saint-Marinais, a été et demeure la foi, et que cette foi a créé une civilisation vraiment unique. A côté de la foi, il faut ensuite rappeler l’absolue fidélité à l’Evêque de Rome, que cette Eglise a toujours regardé avec dévotion et affection; ainsi que l’attention démontrée à l’égard de la grande tradition de l’Eglise orientale et la profonde dévotion pour la Vierge Marie.

Vous êtes, à juste titre, fiers et reconnaissants de ce que l’Esprit Saint a opéré à travers les siècles dans votre Eglise. Mais vous savez aussi que la meilleure manière d’apprécier un héritage est de le cultiver et de l’enrichir. En réalité vous êtes appelés à développer ce précieux dépôt à un moment parmi les plus décisifs de l’histoire. Aujourd’hui, votre mission doit se confronter avec de profondes et rapides transformations culturelles, sociales, économique, politiques, qui ont déterminé de nouvelles orientations et modifié les mentalités, les moeurs et les sensibilités. Ici aussi, en effet, comme ailleurs, difficultés et obstacles ne manquent pas, dus surtout à des modèles hédonistes qui obscurcissent l’esprit et risquent d’annihiler toute moralité. La tentation s’est insinuée de penser que la richesse de l’homme ne serait pas la foi, mais son pouvoir personnel et social, son intelligence, sa culture et sa capacité de manipulation scientifique, technologique et sociale de la réalité. Ainsi, sur ces terres, l’on a commencé à remplacer la foi et les valeurs chrétiennes par de présumées richesses, qui se révèlent, en fin de compte, inconsistantes et incapables de tenir la grande promesse du vrai, du bien, du beau et du juste que pendant des siècles vos ancêtres ont identifié avec l’expérience de la foi. Il ne faut pas non plus oublier la crise d’un grand nombre de familles, aggravée par la fragilité psychologique et spirituelle des époux, ainsi que la difficulté rencontrée par beaucoup d’éducateurs pour obtenir une continuité dans la formation des jeunes, conditionnés par de multiples situations de précarité, dont la première d’entre toutes est celle de leur rôle social et de leurs possibilités de travail.

Chers amis! Je connais bien l’engagement de chaque composante de cette Eglise particulière pour promouvoir la vie chrétienne sous ses divers aspects. J’exhorte tous les fidèles à être comme un ferment dans le monde, en vous montrant tant à Montefeltro qu’à Saint-Marin des chrétiens présents, entreprenants et cohérents. Les prêtres, les religieux et les religieuses vivent toujours dans la plus cordiale et la plus concrète communion ecclésiale, en aidant et en écoutant le pasteur diocésain. Chez vous aussi l’on ressent l’urgence d’une reprise des vocations sacerdotales et de consécrations particulières: je fais appel aux familles et aux jeunes afin qu’ils ouvrent leur esprit à une prompte réponse à l’appel du Seigneur. On ne regrette jamais d’être généreux avec Dieu! A vous, laïcs, je vous recommande de vous engager activement dans la communauté, afin que, à côté de vos devoirs civiques, politiques, sociaux et culturels particuliers, vous puissiez trouver le temps et la disponibilité pour la vie de la foi, la vie pastorale. Chers Saint-Marinais! Demeurez fermement fidèles au patrimoine construit au fil des siècles sur l’impulsion de vos grands Patrons, Marin et Léon. J’invoque la Bénédiction de Dieu sur votre chemin d’aujourd’hui et de demain et je vous dis à tous: «La grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous!» (2Co 13,13). Amen!




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