Bible chrétienne Actes 9

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§ 9. LE BAPTÊME DU PREMIER ROMAIN : Ac 10,1 -46


Tous les exégètes admettent aujourd'hui la place prépondérante qu'occupe l'histoire du centurion romain dans l'économie du livre des Actes (f. bovon: L'OEuvre de Luc, p. 97-120 ; voir aussi dans Exégèse et Herméneutique les essais d'analyse structurale proposés par r. barthes, cité dans l'Introduction générale, j. courtes et l. marin, p. 181-265). Le relief de l'épisode de Césarée, conclut de son côté j. dupont, s'explique par la signification de l'événement : il consacre solennellement le principe de l'accession des Gentils au salut ; il constitue le pas par lequel le christianisme franchit les limites du judaïsme (Études, p. 409-413). Les Pères de l'Église en furent les premiers persuadés (cf. F. bovon : De Vocatione gentium).

Ac 10,1-16 — Présentation des deux acteurs de ce «coup de théâtre»: Corneille et Pierre. Ils se correspondent, comme au chapitre précédent Paul et Ananie, ou comme Tobie et Sarra (cf. Ac Ac 9,10-12 — sur ces «révélations parallèles», cf. wikenhauser : Doppeltraume, Bibl. xxix, p. 100-111): ce qui semble séparé sur terre se rejoint en se complétant mutuellement dans les vues de la providence paternelle de Dieu. Si l'on ajoute qu'en définitive la double question sera résolue par l'intervention directe du Saint-Esprit (v. 44-47), on se trouve devant une claire manifestation de l'interaction de la prière, dans le mystère de la communion des saints. Nous sommes guidés par Dieu, et notre vie est pleine de Dieu ; mais Dieu se cache pour nous sous des signes ambigus (comme la vision de Pierre, versets 9-16) ... Dans la pauvre vie de tout homme il y a, bien présents, le ciel, les anges et Dieu (d. barsotti).

Ac 10,1-8 // Lc 7,2-5 Lc 18,1 Tb 1,3 Tb 12,1 Tb 12,15 Tb 12,8 Tb 12,12 Nous sommes à Césarée, ville romaine, gardée par une cohorte romaine, « italique » et composée par conséquent citoyens romains, dont au premier chef le centurion Corneille. Si l'on se rappelle qu'Abraham venait d'Ur, l'une des toutes premières civilisations, et que Moïse avait été instruit de la sagesse des Égyptiens n'est peut-être pas un hasard si l'Évangile (// Lc 7) non moins que les Actes font d'un représentant qualifié de Rome le type même du bénéficiaire de l'ouverture du Royaume et de l'Église aux nations. Cela nous est confirmé du fait qu'il y avait eu déjà un païen premièrement baptisé au chapitre Est 8,26-39 mais en le racontant simplement, Luc se réservait de donner plutôt la vedette au centurion, pour qu'avec lui soit comme la civilisation romaine qui fasse sa première entrée dans l'Église jusque-là seulement judéo-chrétienne ; et cela d'autant mieux que pour l'authentifier il y aurait, à la suite du Saint-Esprit, Pierre lui-même, finalement approuvé par le reste de l'Église (Ac 11,1-18). Le baptême du centurion Corneille est mis en plus grande évidence que celui du ministre de la reine Candace. L'Ethiopie est en dehors de l'Empire romain. Et dans la conception de saint Luc et de saint Paul, l'Empire romain représente le monde entier. Paul se glorifiera d'être « citoyen romain » (d. barsotti). Ac LE 10 nous montre le début de l'accomplissement de la prophétie solennelle du parallèle Mt 8
Ac 10,2 // Lc 18,1 Tb 1,3Crainte révérencielle Dieu, prière et charité sont la marque tout homme vraiment «religieux», qu'il soit juif, chrétien, musulman ou bouddhiste. Nous avons déjà rencontré la crainte Dieu dans la première communauté apostolique (Ac 9,31*). Elle est omniprésente dans l’A.T., et en particulier principe du savoir et de la sagesse dans les Livres sapientiaux , Pr Sg 1,7 Si 1,11-20 Si 1,27-28 Si 10,20 Si 10,24 Si 21,6 Si 21,11 Si 25,10-11 Si 32,14 à 33,3, etc. Dans la synagogue d'Antioche de Pisidie, Paul ouvrira sa mission en s'écriant: « Hommes israélites, et vous qui craignez Dieu... » (Ac 13,16.26), ce qui englobe aussi les prosélytes*. Corneille en était-il un ? Probablement pas, non seulement parce que Luc ne le dit pas, mais aussi parce qu'il ne serait plus le type même du « pur païen ».

avec toute sa maison : La «familia» romaine, englobant familiers et esclaves. C'est sur eux tous que viendra l'Esprit au verset 44. Cette première intégration des Gentils dans l'Eglise sera donc déjà d'une communauté tout entière (cf. Ac Ac 16,15 Ac Ac 16,31-34 Ac 18,8).

Aumônes et prière : Tel est bien l'effet de la véritable crainte de Dieu, qui est amour de Dieu et du prochain (// Lc 18 Tb 1). L'insistance de Luc nous avertit que si la religion chrétienne n'obligera plus aux pratiques externes du judaïsme comme la circoncision, l'adhésion à l'Église du Christ n'en demande pas moins les vertus intérieures déjà requises dans l'a.t.

Ac 10,3-8 // Tb 12,1 Tb 12,15 Tb 12,8 Tb 12,12 vers l'heure none à trois heures l'après-midi (voir au verset 9* « sixième heure »). En vision , Comme EN 7,55-56 9,10. EN 12 EN 10,11 EN 16 EN 17 EN 19 11,5; EN 12,9 16,9. EN 10 EN 18,9 Un ange de Dieu: Cf. Ac 5,19*. Qu'il soit appelé « homme » au verset Ac 30 laisse penser que cet ange avait pris apparence humaine, comme les trois venus visiter Abraham et Sodome (Gn 18).

« Corneille » : Toujours le «je t'ai appelé par ton nom » (Is 43). Tes prières et es aumônes sont montées (suivant l'image habituelle correspondant à «notre Père, qui es aux cieux ») faire mémoire de toi devant Dieu : tob traduit « en mémorial » — occasion de rappeler que l'eucharistie n'est pas seulement le souvenir qui nous rend présent le sacrifice du calvaire, mais en même temps le « mémorial » qui nous présente à Dieu unis à son Fils et par conséquent ( agréables » à son amour paternel. Par ce « mémorial » jouant dans les deux sens, le Christ exerce pleinement son rôle de médiateur. Ici, à la préparation active que sont prière et charité, « offertes en prémices » par Corneille, répond la vocation et le don de l'Esprit Saint, qu'il n'a qu'à recevoir comme «passivement» (au sens mystique de ce mot).

Et maintenant : Annonce le passage à la conclusion pratique (BC II*, p. 92). Tout semble mis sous le signe de l'hospitalité (v. 6.18.23.32 et 48).

Ac 10,9 // Jdt 8,5 Dn Jdt 6,11 Mc 15,25 Mc 15,33 Jn 4,6-8vers la sixième heure = vers midi , L'heure du repas (sur quoi va porter la vision), davantage que de la prière. Cependant elle rappelle aussi la fatigue Jésus en chemin (// Jn 4) et surtout la Passion (// Mc 15 — comparer avec le Ps 55,18, messianique : « Le soir, le matin, à midi »). La neuvième heure se trouvait au verset , et nous avons vu Pierre et Jean venir prier au Temple à cette heure-là (Ac 3). L troisième heure est celle de la Pentecôte (Ac 2,15). Enfin, Paul et Silas prient « vers minuit » dans leur prison: à quoi doivent s'ajouter les grandes heures: des Vêpres, héritées de la bénédiction juive de la lampe au coucher du soleil (cf. Ps 141,2), et des Laudes, à l'heure de la résurrection. Dès Origène, Tertullien et Cyprien, on reconnut que ce qui deviendra « les heures » de l'office liturgique avait donc son origine en ce premier âge apostolique. Il serait dommage de perdre une tradition de prière aussi vénérable. Comme toujours, l'allégement des petites heures du jour, ramenant à trois les moments de prière diurne dans le bréviaire actuel (comme dans le parallèle Dn 6), ne signifie pas que l'on doive s'interdire de garder le rythme de trois heures en trois heures. Trop souvent, hélas ! ce qui est facultatif, pour rendre plus libre (de faire plus, quand on le peut), passe vite pour quasiment obligé: si vous voulez vous passer de petit déjeuner avant une messe même pas tardive, vous paraissez trop rigoriste: — « mais puisque c'est permis ! »...

Ac 10,10-16 // Ap 4,1 Gn 1,21 Gn 1,24-25 Lv 11,1 Lv 11,44-47 Dn Lv 1,8-9 Lv 1,14-16 Mc 7,18-21 Mc 7,23 Gn 41,32une extase , C'est donc plus que la «vision» de Corneille (v. 3); et de fait, il ne s'agit pas seulement d'une révélation sur que Dieu demande à Corneille — comme précédemment à Ananie (Ac 9,10) — , mais d'une défaillance de l'être, devant « le ciel ouvert » (// Ap 4). N'imaginons pas une trappe qui s'ouvrirait en laissant passer «une grande nappe»: ce n'est pas seulement au sens matériel, mais bien mystiquement spirituel, que le Christ a ouvert le ciel pour une nouvelle Alliance, dès son baptême (BC II*, p. 137 et 152) et par sa mort rédemptrice. Les quatre coins de cette nappe auraient-ils même quelque rapport avec les « quatre figures animales » de la vision d'Ézéchiel LE 1, si bien que la vision engloberait cette révélation sur la pureté de la création, dans la manifestation de leur Créateur ? En tout cas, ce que signifie cette vision est rien de moins que le statut de la nouvelle Alliance.

À première vue, l'image de la nappe pleine d'animaux de toutes espèces (v. 11-12) indiquerait la levée des interdits alimentaires de la Loi mosaïque (// Lv 11) ; et cela n'a rien de bouleversant puisque ceux-ci n'étaient même pas d'origine, et n'avaient concerné ni Adam — auquel était défendu seulement «le fruit de l'Arbre de la connaissance du bien et du mal » — ni Noé, ni les Patriarches (// Gn 1 cf. Gn 2,16-17 Gn 9,3-4). Lénumération même des quadrupèdes, reptiles et oiseaux est une allusion à la Création. Au surplus, le Christ lui-même avait affirmé, contre les Pharisiens, cette liberté retrouvée (// Mc 7). Ce ne serait donc ici qu'une confirmation, donnée à Pierre, pour tous. Sa réponse horrifiée montre qu'il n'avait pas compris davantage que lors du lavement des pieds: l'observance même de la Loi ne suffirait pas à nous purifier, si nous refusions de recevoir cette pureté comme un don du Christ (Jn 13,6-11).

Cette vision se répéta par trois fois : Comme pour les rêves de Pharaon (// Gn 41), la réitération du signe lui donne plus de certitude.

IRenée : Adv. Hcer, m, 12, 7 (SC 211, p. 206) — Ce que Dieu a purifié, ne l'appelle plus profane, car le Dieu qui, par la Loi, a distingué les aliments «purs» et les «impurs», ce même Dieu que Corneille, lui aussi, adorait, ce Dieu a purifié les nations par le sang de son Fils.

Ac 10,17-23 // Nb 22,15 Nb 22,18-20 C'est le texte même des Actes qui met en rapport la vision de Pierre et l'arrivée des envoyés de Corneille (v. 19), pour donner à cette révélation un sens considérablement plus large. Car sa signification laissait encore l'Apôtre perplexe (v. 17). Celle-ci ne porte pas seulement sur les aliments, mais sur les hommes , les païens non plus n'auront pas à être exclus de l'Église du Christ, comme le même Esprit qui se manifeste à Pierre au v. LE 19 va en témoigner définitivement au verset EN 44

origène, et à sa suite la plupart des Pères, ont discerné cette double extension possible du sens de la vision (p. bovon : De vocatione gentium, p. 92 s). Mais déjà l'Apôtre en a saisi quelque chose puisqu'il offre l'hospitalité à ces païens, les hébergeant pour la nuit. Le parallèle avec Balaam (Nb 22) ne tient pas seulement à des ressemblances toutes extérieures d'envoi et de réception de messagers. Si les motivations diffèrent, et si les aventures de Balaam sur son ânesse sont uniques, dans les deux cas nous assistons à la même recherche d'une « Parole de Dieu » auprès d'un « prophète ».

pour entendre de toi les paroles : « Rhêmata », correspondant au « dâbâr » hébraïque, signifie soit les paroles mêmes, soit ce qu'elles disent, donc les événements ou les choses (cf. BC II*, p. 52). Et de fait, ce que Pierre dira aux versets 34-43, ce sont essentiellement les événements du salut.

quelques frères... l'accompagnèrent (v. 23b) : Ils étaient six, d'après Ac 11,12. Non seulement ils pourront témoigner devant l'Eglise mère de Jérusalem (chapitre 11), mais leur présence et leur ébahissement (Ac 10,45) contribuent à rehausser l'événement, lui donnant valeur encore plus officielle que de par la seule présence de Pierre. Nous sommes en effet au moment solennel où, enfin, s'ouvre à tous la voie du salut, qui est Jésus-Christ même :

Augustin : La Cité de Dieu, x, 32, 2 (ddb, p. 550 s) — La voilà bien, cette voie de libération de l'âme, universelle car accordée à l'universalité des peuples par la miséricorde de Dieu, dont la connaissanceoù qu’elle parvienne ou doive parvenirrend vaine la question : Pourquoi maintenant ? Pourquoi si tard ?... La voilà, dis-je, cette voie universelle de libération de l'âme, au sujet de laquelle Abraham, le fidèle, reçut l'oracle divin: «En ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12,3). Sans doute était-ce un Chaldéen ; mais afin de recevoir ce qui lui avait été ainsi promis et de devenir celui d'où se propagerait la descendance disposée par les anges dans la main du Médiateur en qui se trouverait cette voie universelle de libération des âmes, donnée à tous les peuples, il lui fut ordonné de « sortir de son pays, de sa famille et de la maison de son père » (Gn 12,1). Alors, libéré lui-même des superstitions chaldéennes, il suivit le culte de l'unique vrai Dieu, croyant fidèlement à celui qui lui avait fait ces promesses.

La voilà, cette voie universelle, dont il est dit en sainte prophétie : « Que le Seigneur ait pitié, qu'il nous bénisse ! Qu'il fasse luire sur nous son visage, pour que sur la terre on connaisse ta voie, ton salut dans toutes les nations » (Ps 67,2-3). C'est pourquoi, si longtemps après, ayant pris chair de la semence d'Abraham, le Sauveur dit de lui-même : «Je suis la Voie, la Vérité et la Vie» (Jn 14,6).

La voilà donc, la voie de libération de l'âme, que les saints anges et les saints prophètes signifièrent d'abord à un petit nombre d'hommes, et surtout au peuple hébreu, par des symboles comme le tabernacle, le Temple, le sacerdoce et les sacrifices, et qu'ils prédirent en des oracles parfois clairs, mais plus souvent cachés. Devenu présent dans sa chair, le Médiateur lui-même, puis ses bienheureux Apôtres révélant la grâce du n.t., ont indiqué plus ouvertement ce qui était figuré de façon plus cachée dans les temps antérieurs, comme il a plu au Dieu sage de l'ordonner... Hormis cette voie qui jamais au genre humain ne fit défaut, que le salut fût prédit ou qu’il soit maintenant annoncé comme accompli, nul n’a été, n’est ou ne sera délivré.

Ac 10,24-26 // Mt 8,2 — La v.o. développe : Pendant que Pierre s'approchait de Césarée, un esclave courut en avant annoncer plus précisément son arrivée. Prosternation comme devant le Christ, mais Pierre refuse ce geste d'adoration, dû à Dieu seul, comme Paul en Ac 14,14-15, comme l'ange, lors de la vision de Daniel (10,9-11 ; cf. Ap 19,10; 22,8-9).

Ac 10,27-33 // Nb 23,7 Nb 23,9 Dt 7,1-2 Dt 7,6 Esd 10,11 Ne 9,2 Dn Ne 9,21-23 Jn 13,20 — Pierre donne à sa vision sa signification la plus profonde et la plus générale , non seulement les aliments, mais les hommes eux-mêmes ne font plus contracter une impureté vis-à-vis de la Loi. Si l'on songe combien, depuis l'Exode (// Nb 23; Dt 7) jusqu'au retour de l'Exil (// Esd 10; Ne 9), cette séparation d'Israël d'avec les autres peuples avait été constitutive du judaïsme, on mesure la nouveauté radicale du christianisme.

Admirons ici l'obéissance de la foi, en Corneille comme en Pierre. Le centurion et toute sa « familia » attendent la Parole (// Dn 9) et, recevant Pierre, se tiennent «devant Dieu» (v. 33), appliquant ainsi spontanément l'Evangile (// Jn 13). Mais il ne faut pas moins d'obéissance à Pierre pour abandonner aussitôt le souci de pureté légale, qui lui était devenu comme instinctif (v. 14), et adopter la ligne de conduite que la vision lui indique. Cependant, la foi est une chose, immédiate puisque affaire de grâce et de volonté ; mais la conversion des moeurs, enracinées jusque dans notre chair, est bien plus lente. Et par conséquent, si l'on ne peut douter de la sincérité de Pierre sur le moment même, on ne doit pas s'étonner que par la suite, poussé par les judaïsants, il soit revenu en arrière : Pierre, qui pour cette fois admet Corneille, aura plus tard à lutter de nouveau contre ses scrupules : il ne mangera plus avec les incirconcis, même chrétiens. Alors se dressera Paul qui, par ses reproches, libérera Pierre (Ga 2,11-14)... Après tant d'années, il semblerait ne pas savoir encore vivre ce que son Maître lui a commandé. En réalité... dans son être intime il n’a jamais repris sa totale donation à Dieu. S'il a des difficultés à s'adapter à de nouvelles conceptions, ces difficultés sont indépendantes de sa volonté.

L’extérieur ne correspond jamais pleinement à l'intérieur, excepté quand l'âme atteint la sainteté. Alors l'homme retrouve la parfaite unité en laquelle réside la perfection : la simplicité de l'être. Tant que l'homme n'est pas arrivé à cette simplicité, les imperfections extérieures peuvent s'allier à une grande pureté intérieure (p. barsotti).

Ac 10,34-35 // Mt 5,2-3 Dt 10,17-18Pierre ouvrit la bouche , Cf. Ac 8,35*. Dieu ne fait pas acception des personnes , Principe général et sûr, que Pierre étend ici du peuple élu « à toute nation » venue du paganisme, représenté ici par Romain.

Et Pierre, venant à Corneille, lui dit: «En vérité... » (v. 34), signifiant clairement que ce Dieu que Corneille adorait déjà, qu’il avait entendu par la Loi et les prophètes, et à cause de qui il faisait l'aumône (Ac 10,2), c'est lui qui est Dieu en vérité. Mais il manquait encore à Corneille la connaissance du Fils. C'est pourquoi Pierre ajoute: (citation des versets 37 s) ... Ainsi les Apôtres annonçaient ce Fils de Dieu qu’ignoraient les hommes ; ils proclamaient sa venue à ceux qui antérieurement étaient déjà instruits sur Dieu. Ils n'introduisaient pas « un autre Dieu »... Des paroles de Pierre il ressort manifestement qu’il a maintenu la notion du Dieu qui leur était déjà connu, mais qu'il leur a attesté : le Fils de Dieu est Jésus-Christ, le Juge des morts et des vivants (v. 42), au nom duquel il a ordonné de les baptiser (v. 48) pour la rémission des péchés (v. 43). Et non seulement cela, mais il a témoigné que Jésus est le Fils de Dieu en personne qui, ayant été oint de l'Esprit Saint (v. 38), est appelé Jésus « Christ » (Christ = Oint) . Et c’est ce même Jésus qui est né de Marie, comme l'implique le témoignage de Pierre (l'appelant « Jésus de Nazareth») (irénée : A dv. Hoer, m, 12, 7 — SC 211, p. 206-207 et 210-213).

Ac 10,36 // Jn 4,22 Jn 12,49-50 Jn 3,34 Ps 107,20 Is 52,7 — Les parallèles soulignent la portée christologique cet exorde au discours Pierre , non seulement Jésus est le Christ = le Messie promis à Israël, et « le Seigneur» = Dieu même, mais il est « la Parole » = le Verbe, « envoyée » du Père, comme saint Jean aime à le rappeler. Parole adressée aux Juifs, mais pour transmettre cette «bonne nouvelle» (// Is 52) «à tous» jusqu'aux extrémités de la terre. L'Évangile de l'Église est l'annonce de Jésus, l'Homme-Dieu, Fils de Dieu et son Envoyé, réconciliant le ciel et la terre (Ep 2,11-22).

Ac 10,37-41 // Mc 1,4 Mc 1,14-15 Lc 23,5 Is 61,1-2 Lc 4,14 Lc 4,36 Mc 7,37 Is 42,1 Is 43,2 Is 43,5 Sg 14,7 Jr 1,5 — Corps du discours, où l'on retrouve le premier point du kérygme* (Ac 2,22-36*), avec les variantes suivantes.

1) S'adressant à des païens, Pierre ne peut recourir à la preuve «par l'accomplissement des prophéties* », bien qu'il s'appuie implicitement sur Isaïe (// ).

2) Par contre il va insister sur la preuve « par les miracles* », et pour cela rappeler le ministère de Jésus en Galilée puis en Judée (v. 37-38) «depuis le baptême de Jean ». Et cela même est « un accomplissement de la parole » de Dieu, donc de ses promesses, donc des prophéties (même si elles ne sont pas explicitement citées).

3) Mais surtout est mis en valeur le rôle de témoins dévolu aux Apôtres, des miracles d'abord (v. 39a), de la mort et de la résurrection surtout (v. 41). Nous avons là une explication autorisée de la discrétion dans laquelle se sont déroulées les apparitions du Ressuscité. Aux Apôtres de le voir et de manger avec lui, pour être des « témoins » ; « à tout le peuple », le Christ ne s'est pas montré, pour leur laisser la béatitude de croire sans avoir vu (Jn 20,29). Pour qu'il y ait véritablement « foi » et non pas savoir direct, il faut que la vérité soit connue par le moyen du témoignage des Apôtres et, à leur suite, de l'Eglise — qui se trouve donc incluse dans l'acte de foi : Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous avez révélées et que vous nous enseignez par votre Église, parce que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous tromper. Et cette disposition vient doublement de Dieu et du Christ puisque, prévoyant cette absence d'apparition « à tous », les témoins avaient été « choisis d'avance par Dieu », comme Jérémie, Ézéchiel ou Moïse, ou Nathanaël (// h 1,5 ; Ez 3,4 Ex 3,16-17). C'est tellement fondamental pour notre foi, aujourd'hui encore, que la récente réforme liturgique a choisi ces versets pour la première lecture de la messe de Pâques. L'Église n'a pas d'autre fondement que la foi de Pierre (d. barsotti).

lui qu'ils ont tué (v. 39) : L'antécédent est « les Juifs » ; c'est donc la même accusation qu'en Ac 2,23.36 ; 3,13-14.17 et 4,10. Mais comme Pierre se trouve ici devant un païen, il n'insiste pas sur la responsabilité juive ; et la théologie précisera que si le Christ est mort pour la rédemption de tous nos péchés, tous «ont tué» le Christ, chacun pour sa part. Juifs, Grecs, Romains, Français ou Africains, nous en sommes tous coupables (Rm 3,9-20).

en le suspendant au bois : Cf. Ac 5,30*. Ici, le parallèle Sg 14 présage que, par sa Passion «rédemptrice», Jésus pourra en toute «justice» «remettre nos péchés» (Ac 10,42-43*).

ressuscité le troisième jour (v. 40) : Seule mention dans les Actes d'une expression courante (), passée dans le Credo.

mangé et bu avec lui (v. 41) : v.o. ajoute « nous qui fûmes ramassés autour de lui pendant quarante jours » (cf. Ac 1,3*).

Ac 10,42-43 // Jn 5,26 Rm 14,9-10 Ez 3,4 Ex 3,16-17 Jn 1,48Deuxième et troisième points du kérygme, dont les Apôtres n'ont pas moins à charge de témoigner , la rémission des péchés conditionnée par la foi (v. 43). Le verset Jn 42 fait transition avec le premier point: ressuscité, le Christ établi dans sa gloire divine peut juger, c'est-à-dire appliquer les mérites de sa Passion pour la rémission des péchés de chacun des croyants. Justice et miséricorde vont de pair en Dieu et dans le Christ. La justice divine s'exerce par sa miséricorde justifiante ; et la miséricorde triomphe en comblant les péchés de l'homme par la juste rédemption ou réparation que Jésus accomplit pour nous sur la Croix. Tel est donc le Juge infiniment miséricordieux que le Christ affirmait être (// Jn 5) et que l'Église, en saint Paul, reconnaît pour tel — en même temps que pour modèle invitant les chrétiens à la miséricorde dans leurs propres «jugements» (// Rm 14). Essayons d'exorciser une bonne fois l'idée enfantine que Dieu «châtie». Pour Dieu, «rendre» justice, c'est « rendre juste, racheter, refaire juste, justifier»; le pécheur se damne et se condamne seulement parce que, tel Judas, il ne s'offre pas à la justice du Christ, prêt à nous sauver au prix de sa propre vie.

Juge des vivants et des morts : Cf. Ac 17,31 ; 2Tm 4,1 ; 1P 4,5. Évoque aussi e jugement dernier: Mt 25,31-46; 1 Th 4,13-18. Mais le jugement vaut dès cette terre : quiconque croit dans le Christ « est déjà jugé » par la rémission de ses péchés, qui lui donne donc d'être aussitôt agrégé au Royaume, et d'avoir « au-dedans de lui-même » la vie éternelle et l'inhabitation du Père, du Fils et le l'Esprit (Jn 5,24 Jn 14,23 Lc 17,21).

Ac 10,44-48 // Nb 11,25 Nb 11,28-29 Mc 9,38 Mc 9,40 Jn 4,40-41 — Ce qu'on appelé « la Pentecôte des nations ». L'initiative vient de Dieu, mais non sans la prédication apostolique et l'écoute de la foi (v. 44). Le rapprochement avec la première Pentecôte est doublement évoqué en ce que l'effet est le même pour ces Romains qui ont reçu la Parole, puisque à leur tour ils parlent en langues, célébrant les hauts faits de Dieu (comparer verset 46 et Ac 2,11) ; mais aussi du fait que Pierre le reconnaît expressément: «Ces hommes ont reçu l'Esprit Saint comme nous-mêmes » (v. 47). Par contre, Corneille est l'antithèse de Simon le magicien: Corneille, catéchumène, avant de descendre dans l'eau, mérita de recevoir l'Esprit Saint ; tandis que Simon, baptisé mais s'approchant de la grâce avec un esprit intéressé, fut privé du don du Saint-Esprit, dit origène, qui ajoute: cela vaut encore pour les Corneille ou les Simon d'aujourd'hui... (Hom. sur les Nombres, m, 1 — SC 29, p. 90-91).

La stupeur des judéo-chrétiens accompagnant Pierre (v. 45) marque la nouveauté, non du miracle mais de ses bénéficiaires : nous sommes exactement à la charnière de l’A.T.réservé aux seuls fils d'Israël, et de l'extension prodigieuse que lui donne le n.t., offert au monde entier — ce qui est l'objet même des Actes des Apôtres (voir Ac 1,8*). Mais stupéfaction n'est pas refus, car cette universalisation du don de l'Esprit va dans le sens non seulement de Jésus (// Mc 9), mais que Moïse lui-même amorçait (// Nb 11).

Pierre exerce sa primauté sans ambiguïté : c'est lui qui vient à Corneille (v. 21-23.29), prêche (v. 34.44), décide le baptême de ces païens, sans circoncision préalable (v. 47). Seulement, ce n'est pas lui qui baptise (v. 48), pas plus que Paul (), mais les disciples qui l'accompagnent, montrant ainsi, dès le début, que l'administration de ce sacrement initial et vital n'est pas réservé aux seuls Apôtres et à leurs successeurs, les évêques.

Baptisés au nom de Jésus-Christ (v. 48a) : Voir Ac 2,38*. La preuve que cette formulation ne va pas contre celle, trinitaire, de Mt 28,19, c'est que ce baptême est en relation directe, et même préalable, avec l'Esprit Saint, puisque dans le cas de Corneille ce n'est pas le baptême qui permet la venue de l'Esprit Saint, mais à l'inverse le don de l'Esprit appelle le baptême comme une ratification de l'Église. Et ce lien entre baptême «dans l'eau et dans l'Esprit Saint» accomplit ce que le Christ avait annoncé (comme Pierre le rappellera en Ac 11,16*). C'est toujours ainsi que, depuis lors, l'Église a compris la spécificité du baptême chrétien.

Les Juifs qui traversèrent la mer (Rouge) moururent tous dans le désert. Mais celui qui traverse cette fontaine baptismale, c’est-à-dire qui passe du terrestre au célestecar c'est cela « le passage », « la Pâque » : passage du péché à la vie, de la faute à la grâce, de la souillure à la sanctification — , celui, dis-je, qui passe par cette fontaine ne meurt pas mais ressuscite... Ce n'est pas n'importe quelle eau qui guérit : l'eau qui guérit est celle qui a la grâce du Christ... L'eau ne guérit que si l'Esprit Saint est descendu et a consacré l'eau (ambroise : De Sacramentis, î, iv, 12 — SC 25 bis, p. 66).

Ac 10,48 // Jn 4,40-41 — Outre le parallèle significatif entre Jésus et Pierre, son continuateur, ce séjour permet l'échange de services prévus par l’Évangile (Lc 10,7) et confirmé par saint Paul (): l'Apôtre conforte les nouveaux baptisés par son enseignement ; et ceux-ci exercent, par leur hospitalité, le commandement de l'amour.

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§ 10. L'unité de l’église: Ac 11,1-30


La primauté de Pierre n'est pas un pouvoir tyrannique sur l'Église. Elle est doublement réglée : d'en haut par l'Esprit Saint, qui montre les voies à suivre, et que l'infaillibilité pontificale (dans les limites définies par le premier concile du Vatican) permet d'interpréter sûrement; mais d'autre part, cette primauté ne va pas sans une collégialité devant laquelle Pierre et ses successeurs doivent rendre compte de leurs actes. Cet équilibre se trouve dans l'Église, dès ses débuts, et ce chapitre 11 nous en donne deux exemples significatifs.

Ac 11,1-18 — Suite du chapitre 10, sur le baptême du premier Romain, décisif pour la catholicité de l'Eglise. Comme il arrivera jusqu'à nos jours, toute décision déterminante, soit du pape soit des conciles, pose la question délicate de sa réception par la communauté des croyants. Nous en voyons ici le premier cas, avec le risque toujours présent d'une division pouvant aller jusqu'au schisme.

Ac 11,1-2 // Ne 10,29-30 — Au début du verset 2, la v.o. développe : Au bout d'un certain temps, Pierre résolut d'aller à Jérusalem. Après avoir interpellé les frères pour les affermir, il s'en alla, faisant force discours à travers les campagnes pour y enseigner les gens. Et quand Pierre fut monté (à Jérusalem) , et que les gens l'eurent vu arriver et qu'il leur eut annoncé la parole de Dieu, les frères circoncis lui adressèrent des reproches... Le verset 1 a montré que des rumeurs l'avaient précédé, en effet, et l'on comprend la réaction de ces judéo-chrétiens si l'on se rappelle que le judaïsme proprement dit s'était constitué, au retour de l'Exil, par un raidissement sur leur identité de «peuple séparé», allant jusqu'à l'interdiction du mariage avec des étrangers risquant d'induire à des pratiques idolâtriques (// Ne 10).

Ac 11,3 // Lc 5,29-32 — Le grief n'est pas tant, au moins directement, l'admission des «incirconcis » au baptême, dont traitera le chapitre 15, que de « manger avec eux ». Il est vrai que le Christ avait montré une telle liberté avec « les publicains et les pécheurs » (// Lc 5), mais ses disciples n'en avaient pas tiré la leçon puisque Pierre lui-même était resté perplexe devant la triple répétition de la vision d'Ac 10,9-16 qu'il rapporte à ses objecteurs, aux versets 4 à 10.

Des interférences entre la double interprétation — alimentaire ou ecclésiale — de la fin des séparations entre le pur et l'impur (cf. Ac 10,17-23*), et de leur double résolution aux chapitres 11 et 15, J. Porter et R. Liechtenhan ont tiré des conclusions qui remettraient en cause l'historicité des Actes sur ce point ; mais comme le conclut j. DUPONT, cette reconstitution fait une part si considérable à la conjecture qu’elle n’est pas loin de la pure fantaisie (Études... p. 70-71 et 74-75). Tenons-nous-en au sens du texte inspiré, donc à l'interprétation que Pierre tire des événements, après les avoir rappelés.

Ac 11,4-17 // Gn 9,3-4 Ez 4,12-14 Dt 14,21 Lv 19,34 — La réaction négative Pierre, comme celle des judéo-chrétiens, restait conforme à la Loi mosaïque, donc au rejet toute nourriture impure (// Ez 4). Cependant l'Alliance du Sinaï, ses interdits alimentaires, et la distinction entre la sainteté du peuple Dieu et la licence des païens (// Dt 14,21) n'excluait pas une Alliance antérieure, plus large, comme celle Noé (// Gn 9); tandis que, d'autre part, même le Lévitique ne rejetait pas les relations avec les étrangers, au moins dans la vie ordinaire (// Lv 19,34). Comment Pierre s'est-il décidé à franchir le pas? Son argumentation est exemplaire. Il s'appuie sur: Est 1 du Saint-Esprit (v. 15) ; Est 2 l'enseignement du Christ (v. 16) ; Est 3 c'est à partir de ces prémisses surnaturelles qu'il tire par le raisonnement (naturel) sa conclusion (v. 17 : « Si donc... »). La théologie est née de cette méthode... Elle est l'application de l'intelligence humaine et de son raisonnement à des données révélées provenant de Dieu même. Par ses bases, elle touche à la solidité de la foi; par ses constructions logiques, elle n'a qu'une certitude scientifique et donc perfectible ou même révisable.

Ac 11,16 Il in 14,26 — Je me souvins... : Pierre témoigne ici que nous n'avons pas seulement à garder en mémoire l'enseignement du Christ comme une lointaine leçon : sa Parole demeure vivante et présente, puisqu'il est lui-même la Parole du Père, éternelle et toute-puissante, à la fois parole et fait : elle s'accomplit donc en son temps, comme il en est advenu de la promesse de lean-Baptiste et du Christ, citée par Pierre (Lc 3,16 Jn 3,5 Ac 1,5), et réalisée parallèlement pour les judéo-chrétiens à la Pentecôte et pour les païens en Ac 10,44.

Du même coup, nous comprenons que l'Esprit Saint ne vient pas ajouter à la révélation du Christ : il la réalise et, par là même, nous la remet en mémoire ou, si l'on préfère, en est le vivant mémorial (// Jn 14,26). Contrairement aux systèmes tout imaginaires de tant de faux prophètes depuis Joachim de Flore, nous n'avons pas à inventer un «Nouvel Âge» qui serait celui de l'Esprit, mais bien à rendre réel dans notre temps par l'Esprit et donc par l'amour ce qui a été gagné par le Christ une fois pour toutes.

Ac 11,17 // Mt 16,22-23 — Conclusion du raisonnement de Pierre: elle reprend le fait, qui est non seulement la venue de l'Esprit sur Corneille, mais plus précisément la parité de ce don fait à ce Romain comme aux judéo-chrétiens (comparer les versets 15 et 17) ; et elle explicite la condition (nécessaire mais non suffisante), qui est la foi, c'est-à-dire l'adhésion à l'enseignement du Christ, commune elle aussi à Corneille (Ac 10,33) et à Pierre (Ac 11,16).

Qui étais-je, moi, pour mettre obstacle à Dieu ? : Ici encore, Pierre se souvient de son empressement intempestif d'autrefois et de la leçon donnée par le Christ. À présent, il a reçu le Saint-Esprit, et, loin de suivre ses réactions trop humaines, il s'ouvre aux vues de Dieu manifestées par l'événement. À nous d'en tenir compte pour notre propre conduite. Comme l'écrivait sainte Marguerite-Marie à une correspondante : Pour vouloir trop faire, vous empêchez (Dieu) d'avancer l'oeuvre de votre perfection. Le trop de réflexion sur vous-même empêche l'effet de ses desseins sur nous. Oubli et silence, donc, pour nous-même et pour tout ce qui nous concerne... Cheminez à l'aveugle, oubliez-vous vous-même et laissez-le faire, car il vous aime (c'est l'Évangile: «Le Père sait», Mt 6,25-34).

Ac 11,18 // Ez 18,30-32ils se calmèrent: C'est dire que les reproches du verset 3 avaient été assez durs. Ce n'est pas étonnant si l'on se rappelle que nous sommes au coeur du premier grand débat qui agite l'Église : l'égalité des Grecs ou des Juifs devant la grâce de Dieu et la rédemption du Christ. Les Actes en leur entier sont écrits pour nous montrer comment, guidés par l'Esprit, les Apôtres Pierre et Paul ont répondu positivement et généreusement à cette vocation catholique.

Il a fallu le manque d'intuition psychologique et la présomption d'une certaine critique historique d'un proche passé pour juger invraisemblable que bien des judéo-chrétiens aient relancé leurs accusations, au moins jusqu'au premier concile de Jérusalem, et d'en conclure que les chapitres 11 et 15 se rapportaient non à deux crises successives mais à une seule, traitée en ces deux endroits suivant des sources diverses (et conjecturales, bien entendu). Voici l'explication, plus réaliste, de d. barsotti.

Pierre était le chef des Douze, même les chrétiens venus du judaïsme ne pouvaient récuser son témoignage. Ils approuvent donc l'oeuvre de Pierre; mais l'approbation n’est pas donnée d'un coeur léger. Continuellement dans les Actes réapparaîtra la répugnancesinon l'hostilitédes premiers disciples à accepter au sein de l'Eglise les incirconcis comme disciples à part entière...

Sur le plan spirituel, le Livre des Actes nous donne ici un grand enseignement : à personne Dieu ne fait la vie facile. Il donne le pouvoir, il donne les charismes, mais la vie demeure toujours un combat pour tous ceux qui se mettent au service du Christ... L'unité de l'Église est un miracle, certes : elle est l'expression même de la présence de l'Esprit en elle ; mais elle suppose toujours des tensions... Et plus le don est grand, plus les frictions se multiplient... (Or ce qui est ici en cause, c'est que) l'Église chrétienne n'est pas une fraction du judaïsme, elle est la maison qui accueille tous les hommes et les rassemble dans l'unique famille des fils de Dieu.

Dieu a donc donné, même aux Gentils, la conversion : La conversion, ou la pénitence qu'elle entraîne, ou le retour à Dieu qu'elle obtient est don de Dieu : pour qu'ils aient la vie. C'est une autre formulation du deuxième et du premier point du kérygme (rémission des péchés, condition pour participer au mystère pascal). Don si grand et si appréciable qu'il devrait provoquer notre enthousiasme, comme il a suscité l'émerveillement et la reconnaissance de ces opposants.

Mais remarquons que les judéo-chrétiens débordent ainsi largement le premier objet de leur grief. Au verset 3, ils s'opposaient seulement à « manger avec les incirconcis ». À présent, ils admettent la communauté entière de grâces entre chrétiens, qu'ils viennent du paganisme comme du judaïsme.

Cette première partie du chapitre 11 nous retrace donc un portrait achevé de l'Église de Jérusalem, tellement que, 400 ans plus tard, un grand pape s'y retrouvera comme en un modèle toujours véritable.

léon le grand : Sermon pour l'anniversaire de son élévation au siège de Rome (pl 54, 148-152) — Je me réjouis, mes bien-aimés, de votre affection filiale, et je rends grâces à Dieu parce que je reconnais en vous la charité qui constitue l'unité chrétienne. Comme l'atteste en effet votre affluence aujourd'hui, vous comprenez que le retour de cet anniversaire a le sens d'une joie commune, et que la fête annuelle du pasteur est à l'honneur de tout le troupeau.

Car toute l'Église de Dieu est organisée en degrés distincts, de sorte que l'intégralité de son corps sacré est formée de membres divers; cependant, comme le dit l'Apôtre, dans le Christ Jésus nous sommes tous un (). Nos offices nous distinguent, mais tout membre, si humble soit-il, est en relation avec la tête. Dans l'unité de la foi et du baptême nous formons donc, mes bien-aimés, une société sans castes. La dignité est, chez nous, générale. (Ici, saint Léon cite et explique ce que saint Pierre dit du « Sacerdoce royal », )

Mais il est beaucoup plus utile et plus digne d'élever les regards de notre âme pour contempler la gloire du bienheureux Apôtre Pierre, et de fêter cette journée en vénérant celui sur qui la source même de tous les dons a coulé si abondamment... Pierre est choisi, seul du monde entier, pour être préposé à l'appel de toutes les nations, et aux Apôtres, aux Pères de l'Église. Bien qu'il y ait dans le peuple de Dieu beaucoup de prêtres, beaucoup de pasteurs, c’est proprement Pierre qui gouverne tous les fidèles, comme c’est en dernier ressort le Christ qui est leur Chef. Mes bien-aimés, Dieu a daigné donner à cet homme une grande et admirable part de sa puissance. S'il a voulu que certaines choses lui soient communes avec les autres princes de l'Église, il n'a jamais donné que par lui ce qu'il a donné aux autres...

(Se référant à la confession de Césarée, Mt 16,13-19, saint Léon en vient au verset 18:) «Et moi, le Christ, je te dis... » Ce qui signifie : de même que mon Père t'a manifesté ma divinité, ainsi moi je te fais connaître la primauté qui t'est donnée : tu es Pierre. Autrement dit : je suis, moi, la pierre inviolable, la pierre angulaire qui réunit les deux côtés ; je suis le fondement, et nul ne peut en poser un autre (Ep 2,14 Ep 2,20). Mais toi aussi tu es pierre, parce que tu es affermi par ma force ; et la puissance qui m'appartient en propre nous est commune, parce que je t'en fais part. Et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer n'en triompheront pas. Sur cette puissance, dit-il, je bâtirai mon temple éternel. La sublimité de mon Église, qui doit monter jusqu'au ciel, s'élèvera sur ce solide fondement de ta foi...

(Il est vrai que ) pouvoir des clés a passé même aux autres Apôtres, et l'institution en est devenue commune à tous les chefs de l'Église. Mais ce n’est pas pour rien que le Seigneur remet à un seul ce qui sera la charge de tous. Il confie ce pouvoir spécialement à Pierre, parce que Pierre est préposé à tous les princes de l'Église, comme leur forme. Le pouvoir de lier et de délier reste le privilège de Pierre, en tout lieu où le jugement est porté en vertu de la justice de Pierre.

À la veille de sa Passion, qui devait troubler la conscience des disciples, le Seigneur dit à Simon : « Simon, voici que Satan a demandé à vous passer au crible, comme du froment (Lc 22,31). Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne soit pas en défaut. Et toi, quand tu seras revenu, confirme tes frères afin que vous n’entriez pas en tentation. » La tentation de craindre était un danger commun à tous les Apôtres, et tous y avaient également besoin du secours divin : le démon voulait tous les secouer, tous les briser. Et cependant le Seigneur prend un soin spécial de Pierre et prie particulièrement pour lui. On dirait qu'il sera plus sûr de la solidité des autres si l'esprit du Prince des Apôtres reste invaincu. En Pierre, c’est donc la force de tous qui est confirmée ; et le secours de la grâce divine est ordonné de telle sorte que la fermeté donnée à Pierre par le Christ doive passer aux autres Apôtres par Pierre.

Voyant donc, mes bien-aimés, quelle puissante protection a été instituée divinement pour nous, il est juste et raisonnable que nous nous réjouissions des mérites et de la dignité du Chef de l'Église. Rendons grâces au Roi éternel, à notre Rédempteur le Seigneur Jésus-Christ, d'avoir donné une si grande puissance à celui qu'il a fait Prince de toute l'Eglise. Car s'il arrive en notre temps qu'une chose soit bien faite ou bien réglée par nous, il faut l'attribuer à l'oeuvre et au gouvernement de celui à qui il fut dit : « Et toi, quand tu seras revenu, confirme tes frères » ; et encore, après la Résurrection, en réponse mystique à son triple aveu d'amour, le Seigneur dit à Pierre: «Pais mes brebis. » C'est bien ce qu'il fait encore. Le pasteur charitable accomplit le commandement du Seigneur, nous fortifiant par ses exhortations et ne cessant de prier pour nous afin que nous ne soyons vaincus par aucune tentation.

Ac 11,19-30 — Le second épisode du chapitre 11 nous montre la naissance d'une Eglise locale — à Antioche — et comment ses initiatives rentrent dans l'unité de l'Église par sa prise en charge apostolique.

Ac 11,19-20 // Is 49,1 Is 49,6 Par-delà Corneille (Ac 10,1 à 11,18), qui relève plus directement des « Actes de Pierre », on en revient aux fruits de la persécution et du martyre d'Etienne (Ac 8, Introd.) par une référence directe de EN 11,19 à EN 8,1 Mais tandis que le chapitre LE 8 parlait seulement d'une extension au cercle de Judée et de Samarie, Ac 11,19, venant après la première admission des païens dans l'Église, annonce que l'évangélisation commencé de rayonner jusque dans le pourtour oriental du bassin méditerranéen — la Cyrénaïque, d'où venait Simon le Cyrénéen, étant la Lybie orientale — , donc en des milieux fortement hellénisés. Ils se retrouvent à Antioche, alors capitale de la Syrie, sur l'Oronte, symbole des charmes troubles de l'Orient païen, jusqu'à notre siècle (cf. Barrés). C'est dire que l'on amorce déjà le troisième cercle, qui est celui du monde entier (cf. Ac 1,8*), et d'autant mieux que, tout naturellement, ces chrétiens de la diaspora parlent de leur foi non seulement aux Juifs mais aux Grecs. C'est l'accomplissement de la prophétie messianique du parallèle Is 49
et un grand nombre crurent et se convertirent : La grâce grandit dans la mesure où elle se communique, et la communauté dans la mesure où elle s'ouvre pour accueillir de nouveaux frères (d. barsotti).

Ac 11,21 112S 3,12-13 ; Ps 31,6Et la main du Seigneur était avec eux: Suivant la promesse de Mt 28,20 Mt 28, le style imagé de la Bible, la main signifie la puissance, l'action et la protection (112S 3 ; BC II*, table, et dnt).

Ac 11,22-24 // 2 Ch 2Ch 32,7-8 2Ch 19,11 — Même officialisation d'une communauté locale qu'en Ac 8,14, pour qu'au départ tout au moins ces Églises nouvelles soient manifestement « apostoliques » , alors étaient venus en Samarie les Apôtres Pierre et Jean ; cette fois, c'est encore eux qui envoient Barnabe, déjà rencontré en Ac 4,36-37*. Son origine chypriote le préparait à venir au milieu de ses compatriotes dont l'ardeur missionnaire avait été à l'origine de la communauté d'Antioche (Ac 11,20), si bien qu'à son arrivée Barnabe n'a tout d'abord qu'à se réjouir de ce qu'il voit (v. 23).

persévérer d'un coeur ferme : Thème de la constance, qui est si difficile pour nos coeurs «ondoyants et divers». Cette constance exige beaucoup de force rnais aussi de confiance dans le Seigneur (// 2 Ch). Autres références à Le et à Paul en marge d'Ac 11,23b.

homme bon, plein de l'Esprit Saint et de foi : Comme en 6,3, pour les diacres, « hommes de bon renom, remplis de l'Esprit et de sagesse ».

une foule considérable : Fait suite à « un grand nombre » (v. 21), et se poursuit en «une foule nombreuse» (v. 26). C'est la Pentecôte qui se propage (cf. Ac Ac 2,41 Ac Ac 2,47 Ac 5,14).

Ac 11,25Tarse, où Paul est en retrait depuis l'affaire d'Ac 9,29-30. Nous sommes en l'année 42. Si l'on ajoute les trois années en Arabie et à Damas à ces sept ans de relégation dans sa ville natale, cela fait dix ans que Paul attend « l'heure » marquée par l'Esprit. Il ne lui en restera que seize pour son apostolat, puisque dès 58 il est incarcéré.

Pensons à l'héroïsme de cet homme si vivant, si dynamique, et qui doit vivre dans la solitude, dans l'inaction, pendant des années... C'était un caractère fait pour commander ; et en attendant, il lui fallait vivre une vie que nous ne pouvons pas raconter parce qu'elle n'a pas d'histoire. Qu'a-t-il fait pendant sept longues années ? Il a prié, certes. Mais Dieu se taisait. Pourquoi donc le Christ l’avait-il appelé? Pour l'envoyer aux nations. Et voilà qu'il lui faut s'enfoncer dans le silence. Au bout de sept ans, Barnabe lui-même ne sait plus très bien où le trouver (puisqu'il « le cherche »la v.o. ajoute même : «Apprenant que Saul était du côté de Tarse, il s'en alla pour s'enquérir de lui ») ...

Dieu demande cette foi. Dans la mesure où Dieu appelle à de grandes missions, l'homme doit vivre dans cette attente humble et pure, sans rien faire pour en sortir, parce que n’importe quel acte pourrait compromettre l'accomplissement des desseins divins. Dieu opère dans le silence, et semble vouloir détruire l'instrument dont il compte se servir. Dieu n’avait pas besoin de la grandeur de Saul, il avait besoin de son silence ; il n’avait pas besoin des dons de Saul, il avait besoin de cette foi humble et douloureuse. Dieu avait besoin que Saul s'en remette totalement à lui, et n'aie plus aucune confiance en ses propres moyens...

Le mode d'agir de Dieu est si déconcertant ! Mais c'est précisément ainsi qu'il se révèle comme un agir divin. Si l'homme pouvait toujours reconnaître la justesse de l'action de Dieu, Dieu serait à sa portée. Il faut précisément que tu ne puisses pas justifier l'action de Dieu, afin de pouvoir dire : « Je crois ! Je m'en remets à toi parce que tu es plus intelligent, parce que tu sais mieux que moi » (D. BARSOTTl).

Ac 11,26Ils (Saul et Barnabe) restèrent ensemble une année entière : La durée du séjour et le jumelage des deux Apôtres sont à la mesure des fruits de cette évangélisation : non seulement la quantité des conversions (v. 24*), mais la constitution d'une communauté en «Église» — la première hors de Palestine — et qui mérite de voir donner à ses fidèles cette belle dénomination de « chrétiens », les assimilant au Christ.

Paul nous a fait connaître ce que cela signifie que de «porter le nom de chrétien », il nous a dit que le Christ est Puissance de Dieu et Sagesse de Dieu ; et il a encore déclaré que le Christ est la Paixqu’il est lumière inaccessible en laquelle Dieu habite, qu'il est Sanctification et Rédemption, et encore Grand Prêtrequ’il est la Pâque, la propitiation des âmes, la Splendeur de la Gloire, l'empreinte de la substance (divine) — qu'il est la Pierre et l'Eau, le fondement de la foi et la tête de l'angle, et l'icône du Dieu invisible, et Grand Dieu, et la tête du Corps de l'Églisele Premier-Ne de la nouvelle création, et Prémices de ceux qui dorment, Premier-Ne d'entre les morts, Premier-Ne d'une multitude de frères, et Médiateur de Dieu et des hommes, et Fils unique couronné de gloire et d'honneur, Seigneur de la Gloire, Principe de toutes choses (Paul dit de lui : « Il est le Principe »), Roi de Justice et, outre tout cela : Roi de Paix et Roi d'absolument tout, possédant la puissance illimitée du Royaume.

Si nous rassemblons et composons entre eux tous ces symboles, ils laissent apparaître comme une esquisse de ce qu’embrasse le nom du Christ : ils nous font signe de contempler sa grandeur ineffable, autant que nous pouvons lui faire place dans notre âme. Donc, puisque notre bon Maître nous a admis en communion avec le plus grand, le plus divin et le premier de tous les noms, il faut que nous tous, qui avons l'honneur d'être appelés chrétiens d'après le nom du Christ, nous manifestions en nous-mêmes tous les attributs évoqués par ce nom, afin que l'appellation ne soit pas menteuse en ce qui nous concerne, mais que notre vie lui rende témoignage (Grégoire DE nysse : De perfecta christiani forma, pg 46, 254).

Autres titres du chrétien: disciple (Ac 6,1), croyant (2,44), adepte de la Voie (Ac 9,2), saint (Ac 9,13), frère (Ac 1,15). Tout cela pouvait convenir aux Juifs eux-mêmes. Le nom de chrétien, donné sans doute par ceux qui n'en sont pas, distingue désormais les fidèles du Christ de tous les autres, Juifs ou non-Juifs.

Ac 11,27des prophètes descendirent de Jérusalem : Autres mentions de ces prophètes en Ac 15,22.32, et l'on retrouve Agabus en Ac 21,10. Mais on en trouvera aussi à Antioche (Ac 13,1), à Éphèse (19,6) et à Césarée (Ac 21,9). Ils ne sont probablement pas à confondre avec ceux que saint Paul placera avec les Apôtres aux fondations de l'Eglise (Ep 2,20 Ep 4,11 cf. 1Co ). Leur rôle est parfois, comme ici, d'annoncer le futur; mais aussi d'exhorter, de consoler et d'édifier (Ac 15,32).

Ac 11,28 // Gn 41,30-31 Gn 41,34-35 Gn 42,5 Gn 42,25 Ps 33,18-19 Ps 37,19 — v.o. ajoute , Il y avait grande allégresse ; et c’est au moment où nous nous trouvions rassemblés que l'un d'eux...

Une famine comme au début de l'Ancien Testament (// Gn 41-42), où le nouveau peuple de Dieu trouvera secours auprès des convertis du paganisme à Antioche, comme la famille de Jacob en reçut de Joseph, le «frère» d'abord envoyé en Egypte. La famine qui oblige à se fier plus uniquement à Dieu, Père du pain quotidien (// Ps 33 et 37 ; cf. Mt Mt 6,11 Mt Mt 6,25-34).

Ac 11,29-30 — À la charité de l'Église de Jérusalem, envoyant Barnabé pour établir l'apostolicité de l'Église d'Antioche (v. 22), répond la charité de la « fille » pour sa « mère », et par le même envoyé, Barnabé (et Saul, redonné à l'apostolat, toujours grâce à Barnabé) : bien qu'il ne soit pas des «Douze», il a bien mérité le titre d'« Apôtre » que lui décerne officiellement la liturgie de sa fête, et d'être inscrit, avec Etienne, dans la seconde liste des saints de la première prière eucharistique. Nous le retrouverons avec Paul au chapitre 13. Quant aux « anciens » à qui la collecte est adressée (v. 30), nous en reparlerons à propos d'Ac 14,23*.

Ce va-et-vient entre les deux Églises tisse entre elles le lien de l'unité, que symbolisait, jusqu'à la récente réforme liturgique, la fête de « La chaire de saint Pierre à Antioche », le 22 février, faisant pendant avec « La chaire de saint Pierre à Rome », le 18 janvier :

cyprien : De Unitate^ Ecclesioe (pl 4, 499 s) — C'est sur un seul homme que le Seigneur édifie l'Église, et c'est à lui qu'il confie ses brebis pour qu'il les fasse paître. Et bien qu’après sa résurrection il donne à tous les Apôtres un pouvoir égal (citation de Jn 20,21-23), cependant, pour manifester l'unité il a constitué une seule chaire, et il a établi en vertu de son autorité que l'origine de cette unité aurait son commencement dans un seul homme. Certes, tous les autres Apôtres étaient ce que fut Pierre, dans une communauté d'honneurs et de pouvoir : mais tout part de l'unité. Et la primauté est donnée à Pierre pour montrer qu'il y a une seule Église du Christ et une seule chaire. Tous les Apôtres sont pasteurs, mais le Christ parle d'un seul troupeau que le consensus unanime de tous les Apôtres doit faire paître pour manifester que l'Église est une. Cette Église unique, l'Esprit Saint parlant au nom du Seigneur l'annonce en disant : « Unique est ma colombe, ma parfaite, la préférée pour celle qui lui a donné le jour » (Ct 6,9). L'Apôtre enseigne la même chose et révèle le même mystère de l'unité en disant : « Un seul corps, un seul esprit, une seule espérance promise à votre vocation : un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu » (Ep 4,4-6).

Cette unité, nous devons la tenir fermement et prendre sa défense, nous surtout, évêques qui présidons dans l'Église, afin de prouver que l'épiscopat est lui aussi un seul et indivis. Que nul ne trahisse cette fraternité par le mensonge ; que nul ne corrompe la foi de la vérité par une prévarication contre la foi. L'épiscopat est un : chaque évêque possède sa part dans l'indivis. L'Église elle aussi est une, tout en s'étendant à une multitude de plus en plus nombreuse par les accroissements que lui donne sa fécondité. De même, les rayons du soleil sont multiples mais sa lumière est unique ; les branches d'un arbre sont nombreuses, mais sa force est tout entière fondée sur la solidité de sa racine; et beaucoup de ruisseaux coulent d'une seule source, mais leur origine reste unique, même si les eaux se répandent de tous côtés.

Ainsi l'Église, pénétrée de la lumière du Seigneur, envoie ses rayons à travers le monde entier, mais c’est une seule lumière qui est répandue partout, et l'unité du corps n'est pas divisée. Une est la tête, une est l'origine, une est la mère, féconde en ses heureuses maternités. Nous naissons de son sein, nous sommes nourris de son lait, animés de son esprit. Il ne peut avoir Dieu pour Père, celui qui n'a pas l'Église pour Mère.

Ce mystère de l'unité, ce lien de la concorde dans une indissoluble cohésion, apparaît lorsque dans l'Évangile la tunique de notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas déchirée ni divisée : on tire au sort la robe du Seigneur, et celui qui revêtira le Christ reçoit son vêtement tout entier, sans irrévérence ni prélèvement (Jn 19,23-24).

Ainsi, par ses deux épisodes, à Jérusalem puis à Antioche, le chapitre 11 des Actes manifeste bien la nature et la réalité de l'unité de cette Église sainte (Ac 2,46-47), dans la vérité de sa catholicité et la charité de son apostolicité, sous l'égide de Pierre. C'est l'Église «une, sainte, catholique et apostolique» en laquelle nous croyons — et qui va bientôt devenir « romaine ».


Bible chrétienne Actes 9