Benoît XVI Homélies 29612

CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL

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MESSE ET IMPOSITION DU PALLIUM AUX NOUVEAUX ARCHEVÊQUES MÉTROPOLITAINS



Basilique Vaticane

Vendredi 29 juin 2012




Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs,

Nous sommes réunis autour de l’autel pour célébrer solennellement les saints Pierre et Paul, Patrons principaux de l’Église de Rome. Sont présents, et viennent de recevoir le Pallium, les Archevêques Métropolitains nommés durant l’année dernière, auxquels va mon salut spécial et affectueux. Est présente aussi, envoyée par Sa Sainteté Bartholomée Ier, une éminente Délégation du Patriarcat oecuménique de Constantinople, que j’accueille avec reconnaissance fraternelle et cordiale. Dans un esprit oecuménique, je suis heureux de saluer et de remercier The Choir of Westminster Abbey, qui anime la Liturgie avec la Cappella Sistina. Je salue également Messieurs les Ambassadeurs et les Autorités civiles : je vous remercie tous pour votre présence et votre prière.

Devant la Basilique de saint Pierre, comme chacun le sait, sont dressées deux imposantes statues des Apôtres Pierre et Paul, facilement reconnaissables par leurs attributs : les clefs dans la main de Pierre et l’épée entre celles de Paul. Sur le portail majeur de la Basilique de saint Paul hors les murs sont aussi représentées ensemble des scènes de la vie et du martyre de ces deux colonnes de l’Église. Depuis toujours, la tradition chrétienne considère saint Pierre et saint Paul comme inséparables : en effet, ensemble, ils représentent tout l’Évangile du Christ. Ensuite, leur lien comme frères dans la foi a acquis un sens particulier à Rome. En effet, la communauté chrétienne de cette Ville les considère comme une espèce de contre-autel des mythiques Romulus et Remus, la fratrie à laquelle on faisait remonter la fondation de Rome. On pourrait penser aussi à un autre parallélisme ‘oppositif’, toujours sur le thème de la fraternité : alors que la première fratrie biblique nous montre l’effet du péché, pour lequel Caïn tue Abel, Pierre et Paul, bien qu’humainement très différents l’un de l’autre, et malgré les conflits qui n’ont pas manqué dans leur rapport, ont réalisé une manière nouvelle d’être frères, vécue selon l’Évangile, une manière authentique rendue possible par la grâce de l’Évangile du Christ opérant en eux. Seule la sequela du Christ conduit à la nouvelle fraternité : voici le premier message fondamental que la solennité d’aujourd’hui livre à chacun de nous, et dont l’importance se reflète aussi sur la recherche de cette pleine communion, à laquelle aspirent le Patriarcat oecuménique et l’Évêque de Rome, ainsi que tous les chrétiens.

Dans le passage de l’évangile de saint Matthieu que nous venons d’entendre, Pierre fait sa confession de foi à Jésus, le reconnaissant comme Messie et Fils de Dieu ; il la fait aussi au nom des autres Apôtres. En réponse, le Seigneur lui révèle la mission qu’il entend lui confier, celle d’être la ‘pierre’, le ‘roc’, la fondation visible sur laquelle est construit l’entier édifice spirituel de l’Église (cf. Mt
Mt 16,16-19). Mais de quelle façon Pierre est-il le roc ? Comment doit-il mettre en oeuvre cette prérogative, que naturellement il n’a pas reçue pour lui-même ? Le récit de l’évangéliste Matthieu nous dit surtout que la reconnaissance de l’identité de Jésus prononcée par Simon au nom des Douze ne provient pas « de la chair et du sang », c’est-à-dire de ses capacités humaines, mais d’une révélation particulière de Dieu le Père. Par contre, tout de suite après, quand Jésus annonce sa passion, mort et résurrection, Simon Pierre réagit vraiment à partir de « la chair et du sang » : il « se mit à lui faire de vifs reproches : … cela ne t’arrivera pas » (16, 22). Et Jésus réplique à son tour : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route » (v. 23). Le disciple qui, par don de Dieu, peut devenir un roc solide, se manifeste aussi pour ce qu’il est, dans sa faiblesse humaine : une pierre sur la route, une pierre contre laquelle on peut buter- en grec skandalon. Apparaît ici évidente la tension qui existe entre le don qui provient du Seigneur et les capacités humaines ; et dans cette scène entre Jésus et Simon Pierre, nous voyons en quelque sorte anticipé le drame de l’histoire de la papauté-même, caractérisée justement par la coexistence de ces deux éléments : d’une part, grâce à la lumière et à la force qui viennent d’en-haut, la papauté constitue le fondement de l’Église pèlerine dans le temps ; d’autre part, au long des siècles, émerge aussi la faiblesse des hommes, que seule l’ouverture à l’action de Dieu peut transformer.

De l’Évangile d’aujourd’hui, il ressort avec force la promesse claire de Jésus : « les portes des enfers », c’est-à-dire les forces du mal, ne pourront pas prévaloir, « non praevalebunt ». Vient à l’esprit le récit de la vocation du prophète Jérémie, à qui le Seigneur dit, en lui confiant sa mission : « Moi, je fais de toi aujourd’hui une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze, pour faire face à tout le pays, aux rois de Juda et à ses chefs, à ses prêtres et à tout le peuple. Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi - non praevalebunt -, car je suis avec toi pour te délivrer » (Jr 1,18-19). En réalité, la promesse que Jésus fait à Pierre est encore plus grande que celles faites aux prophètes antiques : ceux-ci, en effet, étaient menacés uniquement par des ennemis humains, alors que Pierre devra être défendu des « portes des enfers », du pouvoir destructif du mal. Jérémie reçoit une promesse qui le concerne comme personne et concerne son ministère prophétique. Pierre est rassuré au sujet de l’avenir de l’Église, de la nouvelle communauté fondée par Jésus Christ et qui s’étend à tous les temps, au-delà de l’existence personnelle de Pierre lui-même.

Passons à présent au symbole des clefs, dont parle l’Évangile que nous venons d’entendre. Il renvoie à l’oracle du prophète Isaïe sur le fonctionnaire éliakim, dont il est dit : « Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David : s’il ouvre, personne ne fermera ; s’il ferme, personne n’ouvrira » (Is 22,22). La clef représente l’autorité sur la maison de David. Et dans l’Évangile, il y a une autre parole de Jésus adressée aux scribes et aux pharisiens, auxquels le Seigneur reproche de fermer aux hommes le Royaume des Cieux (cf. Mt 23,13). Ces propos également nous aident à comprendre la promesse faite à Pierre : c’est à lui, en tant que fidèle administrateur du message du Christ, qu’il revient d’ouvrir la porte du Royaume des Cieux, et de juger s’il faut accueillir ou rejeter (cf. Ap Ap 3,7). Les deux images – celle des clefs et celle de lier et de délier – expriment donc des significations semblables et se renforcent l’une l’autre. L’expression « lier et délier » fait partie du langage rabbinique et fait allusion, d’un côté, aux décisions doctrinales et, de l’autre, au pouvoir disciplinaire, c’est-à-dire à la faculté d’infliger et de lever l’excommunication. Le parallélisme « sur terre … dans les cieux » garantit que les décisions de Pierre dans l’exercice de sa fonction ecclésiale ont également une valeur devant Dieu.

Dans le chapitre 18 de l’Évangile selon Matthieu, consacré à la vie de la communauté ecclésiale, nous trouvons une autre affirmation de Jésus adressée à ses disciples : « En vérité je vous le dis : tout ce que vous lierez sur terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur terre sera délié dans le ciel » (Mt 18,18). Et saint Jean, dans le récit de l’apparition du Christ ressuscité aux Apôtres le soir de Pâques, rapporte cette parole du Seigneur : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus » (Jn 20,22-23). À la lumière de ces parallélismes, il apparaît clairement que l’autorité de délier et de lier consiste dans le pouvoir de remettre les péchés. Et cette grâce, qui enlève l’énergie aux forces du chaos et du mal, est au coeur du mystère et du ministère de l’Église. L’Église n’est pas une communauté de personnes parfaites, mais de pécheurs qui doivent reconnaître qu’ils ont besoin de l’amour de Dieu et qu’ils ont besoin d’être purifiés par la Croix de Jésus Christ. Les paroles de Jésus au sujet de l’autorité de Pierre et des Apôtres laissent justement transparaître que le pouvoir de Dieu est l’amour, l’amour qui répand sa lumière à partir du Calvaire. Ainsi, nous pouvons aussi comprendre pourquoi, dans le récit évangélique, à la profession de foi de Pierre fait immédiatement suite la première annonce de la passion : en effet, Jésus par sa mort a vaincu les puissances de l’enfer, par son sang il a reversé sur le monde un immense fleuve de miséricorde, qui irrigue de ses eaux assainissantes l’humanité tout entière.

Chers frères, comme je le rappelais au début, la tradition iconographique représente saint Paul avec l’épée, et nous savons que cela figure l’instrument avec lequel il fut tué. Mais, en lisant les écrits de l’Apôtre des Gentils, nous découvrons que l’image de l’épée se réfère à toute sa mission d’évangélisateur. Par exemple, sentant la mort s’approcher, il écrit à Timothée : « j’ai combattu le bon combat » (2Tm 4,7). Non certes le combat d’un grand capitaine, mais celui d’un annonciateur de la Parole de Dieu, fidèle au Christ et à son Église, à laquelle il s’est donné totalement. Et c’est justement pour cela que le Seigneur lui a donné la couronne de gloire et l’a placé, avec Pierre, comme colonne de l’édifice spirituel de l’Église.

Chers Métropolites : le Pallium que je vous ai conféré, vous rappellera toujours que vous avez été constitués dans et pour le grand mystère de communion qu’est l’Église, édifice spirituel construit sur le Christ, la pierre angulaire et, dans sa dimension terrestre et historique, sur le roc de Pierre. Animés par cette certitude, sentons-nous tous ensemble coopérateurs de la vérité, laquelle – nous le savons – est une et ‘symphonique’, et exige de chacun de nous et de nos communautés l’engagement constant à la conversion à l’unique Seigneur dans la grâce de l’unique Esprit. Que la Sainte Mère de Dieu nous guide et nous accompagne toujours sur le chemin de la foi et de la charité. Reine des Apôtres, priez pour nous !



VISITE PASTORALE À FRASCATI Dimanche 15 juillet 2012

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MESSE
Place Saint-Pierre, Frascati (Rome)

Dimanche 15 juillet 2012

Chers frères et soeurs,


Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour célébrer cette Eucharistie et pour partager les joies et les espérances, les difficultés et les efforts, les idéaux et les aspirations de votre communauté diocésaine. Je salue le cardinal Tarcisio Bertone, mon Secrétaire d’Etat, qui est aussi titulaire de ce diocèse. Je salue votre pasteur, Mgr Raffaello Martinelli, ainsi que le maire de Frascati, les remerciant pour les aimables paroles de bienvenue avec lesquelles ils m’ont accueilli en votre nom à tous. Je suis heureux aussi de saluer Monsieur le ministre, les présidents de la région et de la province, le maire de Rome, les autres maires présents et toutes les éminentes autorités.

Et je suis très heureux de célébrer aujourd’hui cette messe avec votre évêque qui, comme il l’a dit, a été pendant plus de vingt ans pour moi un collaborateur très fidèle et très compétent à la Congrégation pour la doctrine de la foi. Travaillant en particulier dans le secteur du catéchisme et de la catéchèse en grand silence et en toute discrétion, il a contribué au Catéchisme de l’Eglise catholique et au Compendium du catéchisme. Sa voix aussi est très présente dans cette grande symphonie de la foi.

Dans l’Evangile de ce dimanche, Jésus prend l’initiative d’envoyer les douze apôtres en mission (cf. Mc
Mc 6,7-13). De fait, le terme d’«apôtres» signifie justement «envoyés, mandatés». Leur vocation se réalisera pleinement après la résurrection du Christ, avec le don de l’Esprit Saint à la Pentecôte. Cependant, il est très important que, dès le début, Jésus veuille impliquer les Douze dans son action: c’est une sorte d’«apprentissage» en vue de la grande responsabilité qui les attend. Le fait que Jésus appelle certains disciples à collaborer directement à sa mission manifeste un aspect de son amour: c’est-à-dire qu’il ne dédaigne pas l’aide que d’autres hommes peuvent apporter à son oeuvre; il connaît leurs limites, leurs faiblesses, mais il ne les méprise pas, au contraire, il leur confère la dignité d’être ses envoyés. Jésus les envoie deux par deux et leur donne des instructions, que l’évangéliste résume en quelques phrases. La première concerne l’esprit de détachement: les apôtres ne doivent pas être attachés à l’argent et au confort. Jésus avertit ensuite les disciples qu’ils ne recevront pas toujours un accueil favorable: ils seront parfois rejetés; et ils pourront même être aussi persécutés. Mais cela ne doit pas les impressionner: ils doivent parler au nom de Jésus et prêcher le Royaume de Dieu, sans se préoccuper du succès. Le succès, ils le laissent à Dieu.

La première Lecture qui a été proclamée nous présente la même perspective, nous montrant que, souvent, les envoyés de Dieu ne sont pas bien accueillis. C’est le cas du prophète Amos, envoyé par Dieu prophétiser au sanctuaire de Béthel, un sanctuaire du royaume d’Israël (cf. Am Am 7,12-15). Amos prêche avec beaucoup d’énergie contre les injustices, dénonçant surtout les abus du roi et des notables, des abus qui offensent le Seigneur et rendent vains les actes de culte. C’est pour cela qu’Amasia, prêtre de Béthel, ordonne à Amos de s’en aller. Celui-ci répond que ce n’est pas lui qui a choisi cette mission, mais que le Seigneur a fait de lui un prophète et l’a envoyé justement là, dans le royaume d’Israël. Par conséquent, qu’il soit accepté ou qu’il soit rejeté, il continuera à prophétiser, prêchant ce que dit Dieu et non ce que les hommes voudraient s’entendre dire. Et cela reste le mandat de l’Eglise: elle ne prêche pas ce que les puissants veulent s’entendre dire. Son critère est la vérité et la justice même si c’est contre les applaudissements et contre le pouvoir humain.

De la même façon, dans l’Evangile, Jésus avertit les Douze qu’il pourra arriver qu’ils soient rejetés dans certains lieux. Dans ce cas, il devront partir ailleurs, après avoir fait le geste de secouer devant ces gens la poussière de leurs pieds, en signe de détachement dans deux sens: un détachement moral — comme pour dire: l’annonce vous a été faite, c’est vous qui la refusez — et un détachement matériel — nous n’avons rien voulu, ni ne voulons rien pour nous-mêmes (cf. Mc Mc 6,11). L’autre indication très importante de ce passage évangélique est que les Douze ne peuvent pas se contenter de prêcher la conversion: la prédication doit être accompagnée, selon les instructions et l’exemple donnés par Jésus, par le soin des malades. Soin des malades, à la fois corporel et spirituel. Il parle des guérisons concrètes des maladies, il parle aussi de chasser les démons, c’est-à-dire de purifier l’esprit humain, nettoyer, nettoyer les yeux de l’âme qui sont obscurcis par les idéologies, raison pour laquelle ils ne peuvent pas voir Dieu, ils ne peuvent pas voir la vérité ni la justice. Cette double guérison corporelle et spirituelle est toujours le mandat des disciples du Christ. La mission apostolique doit donc toujours comporter les deux aspects de prédication de la parole de Dieu et de manifestation de sa bonté à travers des gestes de charité, de service et de dévouement.

Chers frères et soeurs, je rends grâce à Dieu qui m’a envoyé aujourd’hui vous annoncer à nouveau cette Parole de salut! Une Parole qui est à la base de la vie et de l’action de l’Eglise, également de cette Eglise qui est à Frascati. Votre évêque m’a informé de l’engagement pastoral qui lui tient le plus à coeur, qui est un engagement de formation, en particulier en direction des formateurs: former les formateurs. C’est justement ce qu’a fait Jésus avec ses disciples: il les a instruits, il les a préparés, il les a formés à travers cet «apprentissage» missionnaire, pour qu’ils soient en mesure d’assumer leur responsabilité apostolique dans l’Eglise. Dans la communauté chrétienne, c’est toujours le premier service qu’offrent les responsables: à commencer par les parents qui assument leur mission éducative envers leurs enfants; nous pensons aux curés qui sont responsables de la formation dans la communauté, à tous les prêtres dans les différents domaines de leur travail: ils vivent tous une dimension éducative prioritaire; et les fidèles laïcs, outre leur rôle déjà mentionné de parents, sont impliqués dans le service de formation des jeunes ou des adultes, comme responsables de l’Action apostolique et dans d’autres mouvements ecclésiaux, ou engagés dans des domaines de la vie civile ou sociale, en prêtant toujours une grande attention à la formation des personnes.

Le Seigneur appelle chacun, dispensant les différents dons pour les différentes tâches dans l’Eglise. Il appelle au sacerdoce et à la vie consacrée, il appelle au mariage et à l’engagement en tant que laïcs dans l’Eglise et dans la société. L’important est que la richesse des dons soit pleinement accueillie, en particulier par les jeunes; qu’ils éprouvent la joie de répondre à Dieu de tout leur être, en la donnant sur la voie du sacerdoce et de la vie consacrée ou sur la voie du mariage, deux voies complémentaires qui s’éclairent mutuellement, qui s’enrichissent réciproquement et qui enrichissent ensemble la communauté. La virginité pour le Royaume de Dieu et le mariage sont toutes deux des vocations, des appels de Dieu auxquels répondre par et pendant toute sa vie. Dieu appelle: il faut écouter, accueillir, répondre. Comme Marie: Me voici, qu’il m’advienne selon ta parole (cf. Lc Lc 1,38).

Ici aussi, dans cette communauté diocésaine de Frascati, le Seigneur sème généreusement ses dons, il appelle à le suivre et à prolonger sa mission dans l’aujourd’hui. Ici aussi, une nouvelle évangélisation est nécessaire et c’est pour cela que je vous propose de vivre intensément l’Année de la foi qui commencera en octobre, cinquante ans après l’ouverture du Concile Vatican II. Les documents du Concile contiennent une richesse immense pour la formation des nouvelles générations chrétiennes, pour la formation de notre conscience. Alors lisez-les, lisez le catéchisme de l’Eglise catholique et redécouvrez ainsi la beauté d’être chrétiens, d’être Eglise, de vivre le grand «nous» que Jésus a formé autour de lui, pour évangéliser le monde: le «nous» de l’Eglise, jamais fermé, mais toujours ouvert et tendu vers l’annonce de l’Evangile.

Chers frères et soeurs de Frascati, soyez unis entre vous et, en même temps, ouverts, missionnaires. Restez fermes dans la foi, enracinés dans le Christ par la Parole et l’Eucharistie; soyez des personnes qui prient, pour rester toujours attachés au Christ, comme les sarments à la vigne, et en même temps, allez apporter son message à tous, spécialement aux petits, aux pauvres, à ceux qui souffrent. Dans chacune de vos communautés, aimez-vous, ne soyez pas divisés mais vivez en frères, afin que le monde croie que Jésus est vivant dans son Eglise et que le Royaume de Dieu est proche. Les saints patrons du diocèse de Frascati sont deux apôtres: Philippe et Jacques, deux des Douze. Je confie à leur intercession le chemin de votre communauté, afin qu’elle soit renouvelée dans la foi et qu’elle en rende témoignage par ses oeuvres de charité. Amen.



MESSE EN LA SOLENNITÉ DE L’ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE

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Paroisse San Tommaso da Villanova, à Castel Gandolfo

Mercredi 15 août 2012




Chers frères et soeurs,

Le 1er novembre 1950, le vénérable Pape Pie XII proclamait comme dogme que la Vierge Marie, «au terme de sa vie terrestre, fut élevée à la gloire du ciel en son âme et en son corps». Cette vérité de foi était connue de la Tradition, affirmée par les Pères de l’Eglise, et c’était surtout un aspect important du culte rendu à la Mère du Christ. C’est précisément l’élément cultuel qui a constitué, pour ainsi dire, la force motrice qui détermina la formulation de ce dogme: le dogme apparaît comme un acte de louange et d’exaltation à l’égard de la Sainte Vierge. Cela émerge également du texte même de la Constitution apostolique, où l’on affirme que le dogme est proclamé «en l’honneur du Fils, pour la glorification de sa Mère et la joie de toute l’Eglise». Ainsi fut exprimé, dans sa forme dogmatique, ce qui avait déjà été célébré dans le culte et dans la dévotion du peuple de Dieu comme la glorification la plus élevée et la plus établie de Marie: l’acte de proclamation de Celle qui a été élevée au ciel, se présenta ainsi presque comme une liturgie de la foi. Et, dans l’Evangile que nous venons d’écouter, Marie elle-même prononce de manière prophétique certaines paroles qui nous orientent dans cette perspective. Elle dit en effet: «Désormais toutes les générations me diront bienheureuse» (
Lc 1,48). C’est une prophétie pour toute l’histoire de l’Eglise. Cette expression du Magnificat, rapportée par saint Luc, indique que la louange rendue à la Vierge Marie, Mère de Dieu, intimement unie au Christ son fils, concerne l’Eglise de tous les temps et de tous les lieux. Et la citation de ces paroles par l’évangéliste présuppose que la glorification de Marie existait déjà à l’époque de saint Luc et qu’il considérait que c’était un devoir et un engagement de la communauté chrétienne vis-à-vis de toutes les générations. Les paroles de Marie disent que c’est un devoir de l’Eglise de rappeler la grandeur de la Vierge pour la foi. Cette solennité est donc une invitation à louer Dieu et à contempler la grandeur de la Vierge, parce que c’est sur le visage de ses enfants que nous reconnaissons qui est Dieu.

Mais pourquoi Marie est-elle glorifiée par son assomption au ciel? Saint Luc, nous l’avons entendu, voit la racine de l’exaltation et de la louange rendue à Marie dans l’expression d’Elisabeth: «Bienheureuse celle qui a cru» (Lc 1,45). Et le Magnificat, ce chant au Dieu vivant et agissant dans l’histoire, est un hymne de foi et d’amour, qui jaillit du coeur de la Vierge. Elle a vécu dans une fidélité exemplaire et a conservé au plus profond de son coeur les paroles adressées par Dieu à son peuple, les promesses faites à Abraham, Isaac et Jacob, et en a fait le contenu de sa prière: dans le Magnificat, la Parole de Dieu était devenue la parole de Marie, lumière sur sa route, au point de la rendre disponible à accueillir également en son sein le Verbe de Dieu fait chair. La page de l’Evangile d’aujourd’hui rappelle cette présence de Dieu dans l’histoire et dans le déroulement des événements; elle contient en particulier une référence au chapitre six du Second livre de Samuel (6, 1-15), dans lequel David transporte l’Arche sainte de l’Alliance. Le parallèle que fait l’Evangéliste est clair: Marie, dans l’attente de la naissance de son fils Jésus, est l’Arche Sainte qui porte en elle la présence de Dieu, une présence qui est source de consolation, de plénitude de joie. Jean, en effet, danse dans le sein d’Elisabeth, tout comme David dansait devant l’Arche. Marie est la «visite» de Dieu qui crée la joie. Dans son chant de louange, Zacharie le dira de manière explicite: «Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité et délivré son peuple» (Lc 1,68). La maison de Zacharie a fait l’expérience de la visite de Dieu avec la naissance inattendue de Jean-Baptiste, mais surtout par la présence de Marie qui porte en son sein le Fils de Dieu.

Mais demandons-nous maintenant: qu’apporte à notre chemin, à notre vie, l’Assomption de Marie? La première réponse est la suivante: dans l’Assomption, nous voyons qu’en Dieu, il y a de la place pour l’homme, Dieu lui-même est la maison aux nombreuses demeures dont parle Jésus (cf. Jn 14,2); Dieu est la maison de l’homme, en Dieu il y a l’espace de Dieu. Et Marie, en s’unissant, en étant unie à Dieu, ne s’éloigne pas de nous, elle ne se rend pas sur une galaxie inconnue; au contraire celui qui va à Dieu se rapproche, parce que Dieu est proche de nous tous, et Marie, unie à Dieu, participe de la présence de Dieu, elle est très proche de nous, de chacun de nous. Saint Grégoire le Grand a eu, au sujet de saint Benoît, une belle expression que nous pouvons appliquer encore aussi à Marie: saint Grégoire le Grand dit que le coeur de saint Benoît est devenu si grand que toute la création peut entrer dans ce coeur. Cela est encore plus vrai pour Marie: Marie, entièrement unie à Dieu, a un coeur si grand que toute la création peut entrer dans ce coeur, et les ex-voto partout sur la terre le démontrent. Marie est proche, elle peut écouter, elle peut aider, elle est proche de chacun de nous. En Dieu, il y a de la place pour l’homme, et Dieu est proche et Marie, unie à Dieu, est très proche, elle a un coeur aussi large que celui de Dieu.

Mais il y a encore un autre aspect: non seulement il y a en Dieu, de la place pour l’homme, mais dans l’homme, il y a de la place pour Dieu. Nous voyons cela aussi en Marie, l’Arche Sainte qui porte la présence de Dieu. En nous, il y a de la place pour Dieu, et cette présence de Dieu en nous, si importante pour illuminer le monde dans sa tristesse et dans ses problèmes, se réalise dans la foi: dans la foi, nous ouvrons les portes de notre être pour que Dieu puisse entrer en nous, pour que Dieu puisse être la force qui donne vie et ouvre un chemin à notre être. En nous, il y a de l’espace, ouvrons-nous, comme Marie s’est ouverte, en disant: «Que ta volonté soit faite, je suis la servante du Seigneur». En nous ouvrant à Dieu, nous ne perdons rien. Au contraire, notre vie s’enrichit et grandit.

Ainsi, foi et espérance se rejoignent. On parle beaucoup aujourd’hui d’un monde meilleur qui devrait venir: ce serait cela notre espérance. Si et quand ce monde meilleur doit venir, nous ne le savons pas, je ne le sais pas. Mais il est sûr qu’un monde qui s’éloigne de Dieu ne devient pas meilleur, mais pire. Seule la présence de Dieu peut garantir également un monde bon. Mais ne parlons pas de cela. Il y a une chose, une espérance qui est certaine: Dieu nous attend, nous n’avançons pas dans le vide, nous sommes attendus. Dieu nous attend et, en allant dans l’autre monde, nous trouvons la bonté de la Mère, nous retrouvons nos proches, nous trouvons l’Amour éternel. Dieu nous attend: voilà la grande joie et la grande espérance qui naît précisément de cette fête. Marie nous rend visite, elle est la joie de notre vie et la joie est espérance.

Que dire de plus? Un coeur grand, la présence de Dieu dans le monde, une place pour Dieu en nous et une place en Dieu pour nous, l’espérance, être attendus: voilà la symphonie de cette fête, l’indication que nous donne la méditation de cette solennité. Marie est l’aurore et la splendeur de l’Eglise triomphante; elle est consolation et espérance pour le peuple encore en chemin, dit la Préface de ce jour. Confions-nous à son intercession maternelle, afin qu’elle nous obtienne du Seigneur la grâce de renforcer notre foi dans la vie éternelle; qu’elle nous aide à bien vivre dans l’espérance le temps que Dieu nous donne. Une espérance chrétienne, qui n’est pas seulement une nostalgie du Ciel, mais un désir de Dieu vivant et actif, ici, dans le monde, un désir de Dieu qui fait de nous des pèlerins infatigables et qui alimente en nous le courage et la force de la foi, qui sont dans le même temps le courage et la force de l’amour. Amen.




VOYAGE APOSTOLIQUE AU LIBAN (14-16 SEPTEMBRE 2012)


MESSE ET REMISE DE L'EXHORTATION APOSTOLIQUE POST SYNODALE Dimanche 16 septembre 2012

16912

POUR LE MOYEN-ORIENT

Beirut City Center Waterfront

Dimanche 16 septembre 2012

Chers frères et soeurs,


« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! » (
Ep 1,3). Béni soit-il en ce jour où j’ai la joie d’être ici avec vous, au Liban, pour remettre aux Évêques de la région l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente ! Je remercie cordialement Sa Béatitude Bechara Boutros Raï pour ses aimables paroles de bienvenue. Je salue les autres Patriarches et les Évêques des Églises orientales, les Évêques latins des régions avoisinantes ainsi que les Cardinaux et les Évêques venus d’autres pays. Je vous salue tous avec grande affection, chers frères et soeurs du Liban et aussi des pays de toute cette région bien-aimée du Moyen-Orient, venus célébrer, avec le successeur de Pierre, Jésus-Christ crucifié, mort et ressuscité. J’adresse aussi mon salut déférent au Président de la République et aux autorités libanaises, aux responsables et aux membres des autres traditions religieuses qui ont voulu être présents ce matin.

En ce dimanche où l’Évangile nous interroge sur la véritable identité de Jésus, nous voici transportés avec les disciples, sur la route qui conduit vers les villages de la région de Césarée de Philippe. « Et vous, que dites-vous ? pour vous qui suis-je ? » (Mc 8,29) leur demande Jésus ? Le moment choisi pour leur poser cette question n’est pas sans signification. Jésus se trouve à un tournant déterminant de son existence. Il monte vers Jérusalem, vers le lieu où va s’accomplir, par la croix et la résurrection, l’événement central de notre salut. C’est aussi à Jérusalem, qu’à l’issue de tous ces événements, l'Église va naître. Et lorsque, à ce moment décisif, Jésus demande d’abord à ses disciples « Pour les gens, qui suis-je ? » (Mc 8,27), les réponses qu’ils lui rapportent sont bien diverses : Jean-Baptiste, Élie, un prophète ! Aujourd’hui encore, comme au long des siècles, ceux qui, de multiples manières, ont trouvé Jésus sur leur route apportent leurs réponses. Ce sont des approches qui peuvent permettre de trouver le chemin de la vérité. Mais, sans être nécessairement fausses, elles restent insuffisantes, car elles n’accèdent pas au coeur de l’identité de Jésus. Seul celui qui accepte de le suivre sur son chemin, de vivre en communion avec lui dans la communauté des disciples, peut en avoir une véritable connaissance. C’est alors que Pierre qui, depuis un certain temps, a vécu avec Jésus, va donner sa réponse : « Tu es le Messie » (Mc 8,29). Réponse juste sans aucun doute, mais pourtant insuffisante, puisque Jésus ressent le besoin de la préciser. Il entrevoit que les gens pourraient se servir de cette réponse pour des desseins qui ne sont pas les siens, pour susciter de faux espoirs temporels sur lui. Il ne se laisse pas enfermer dans les seuls attributs du libérateur humain que beaucoup attendent.

En annonçant à ses disciples qu’il devra souffrir, être mis à mort avant de ressusciter, Jésus veut leur faire comprendre qui il est en vérité. Un Messie souffrant, un Messie serviteur, et non un libérateur politique tout-puissant. Il est le Serviteur obéissant à la volonté de son Père jusqu’à perdre sa vie. C’est ce qu’annonçait déjà le prophète Isaïe dans la première lecture. Jésus va ainsi à l’encontre de ce que beaucoup attendaient de lui. Son affirmation choque et dérange. Et on entend la contestation de Pierre, qui lui fait des reproches, refusant pour son maître la souffrance et la mort ! Jésus est sévère à son égard, et il fait comprendre que celui qui veut être son disciple, doit accepter d’être serviteur, comme lui s’est fait Serviteur.

Se mettre à la suite de Jésus, c’est prendre sa croix pour l’accompagner sur son chemin, un chemin incommode qui n’est pas celui du pouvoir ou de la gloire terrestre, mais celui qui conduit nécessairement à se renoncer soi-même, à perdre sa vie pour le Christ et l’Évangile, afin de la sauver. Car nous sommes assurés que ce chemin conduit à la résurrection, à la vie véritable et définitive avec Dieu. Décider d’accompagner Jésus Christ qui s’est fait le Serviteur de tous exige une intimité toujours plus grande avec lui, en se mettant à l’écoute attentive de sa Parole pour y puiser l’inspiration de nos actes. En promulguant l’Année de la foi, qui doit commencer le 11 octobre prochain, j’ai voulu que chaque fidèle puisse s’engager de manière renouvelée sur ce chemin de la conversion du coeur. Tout au long de cette année, je vous encourage donc vivement à approfondir votre réflexion sur la foi pour la rendre plus consciente et pour fortifier votre adhésion au Christ Jésus et à son Évangile.

Frères et soeurs, le chemin sur lequel Jésus veut nous conduire est un chemin d’espérance pour tous. La gloire de Jésus se révèle au moment où, dans son humanité, il se montre le plus faible, particulièrement lors de l’Incarnation et sur la croix. C’est ainsi que Dieu manifeste son amour, en se faisant serviteur, en se donnant à nous. N’est-ce pas un mystère extraordinaire, parfois difficile à admettre ? L’Apôtre Pierre lui-même ne le comprendra que plus tard.

Dans la deuxième lecture, saint Jacques nous a rappelé combien cette suite de Jésus, pour être authentique exige des actes concrets. « C’est par mes actes que je te montrerai ma foi » (Jc 2,18). C’est une exigence impérative pour l’Église de servir et pour les chrétiens d’être de vrais serviteurs à l’image de Jésus. Le service est un élément fondateur de l’identité des disciples du Christ (cf. Jn 13,15-17). La vocation de l’Église et du chrétien est de servir, comme le Seigneur lui-même l’a fait, gratuitement et pour tous, sans distinction. Ainsi, servir la justice et la paix, dans un monde où la violence ne cesse d’étendre son cortège de mort et de destruction, est une urgence afin de s’engager pour une société fraternelle, pour bâtir la communion ! Chers frères et soeurs, je prie particulièrement le Seigneur de donner à cette région du Moyen-Orient des serviteurs de la paix et de la réconciliation pour que tous puissent vivre paisiblement et dans la dignité. C’est un témoignage essentiel que les chrétiens doivent rendre ici, en collaboration avec toutes les personnes de bonne volonté. Je vous appelle tous à oeuvrer pour la paix. Chacun à son niveau et là où il se trouve.

Le service doit encore être au coeur de la vie de la communauté chrétienne elle-même. Tout ministère, toute charge dans l’Église, sont d’abord un service de Dieu et des frères ! C’est cet esprit qui doit animer tous les baptisés, les uns à l’égard des autres, notamment par un engagement effectif auprès des plus pauvres, des marginalisés, de ceux qui souffrent, pour que soit préservée la dignité inaliénable de toute personne.

Chers frères et soeurs qui souffrez dans votre corps ou dans votre coeur, votre souffrance n’est pas vaine ! Le Christ Serviteur se fait proche de tous ceux qui souffrent. Il est présent auprès de vous. Puissiez-vous trouver sur votre route des frères et des soeurs qui manifestent concrètement sa présence aimante qui ne saurait vous abandonner ! Soyez remplis d’espérance à cause du Christ !

Et vous tous, frères et soeurs, qui êtes venus participer à cette célébration, cherchez à devenir toujours plus conformes au Seigneur Jésus, lui qui s’est fait le Serviteur de tous pour la vie du monde. Que Dieu bénisse le Liban, qu’il bénisse tous les peuples de cette région bien-aimée du Moyen-Orient et leur fasse le don de sa paix. Amen.




Benoît XVI Homélies 29612