Benoît XVI Homélies 11102

CANONISATION DES BIENHEUREUX : JACQUES BERTHIEU, PEDRO CALUNGSOD, GIOVANNI BATTISTA PIAMARTA, MARIA DEL MONTE CARMELO SALLÉS Y BARANGUERAS

MARIANNA COPE, KATERI TEKAKWITHA, ANNA SCHÄFFER Dimanche 21 octobre 2012

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Place Saint-Pierre

Dimanche 21 octobre 2012





Le Fils de l’homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude (cf. Mc
Mc 10,45)

Vénérés frères,
Chers frères et soeurs !

Aujourd’hui l’Église écoute une nouvelle fois ces paroles de Jésus prononcées sur la route de Jérusalem, où devait s’accomplir son mystère de passion de mort et de résurrection. Ce sont des paroles qui contiennent le sens de la mission du Christ sur la terre, marquée par son immolation, par sa donation totale. En ce troisième dimanche d’octobre, où l’on célèbre la Journée Missionnaire Mondiale, l’Église les écoute avec une particulière attention et ravive sa conscience d’être tout entière dans un indéfectible état de service de l’homme et de l’Évangile, comme Celui qui s’est offert lui-même jusqu’au sacrifice de sa vie.

J’adresse mon cordial salut à vous tous qui remplissez la Place Saint-Pierre, en particulier aux délégations officielles et aux pèlerins venus pour fêter les sept nouveaux saints. Je salue affectueusement les Cardinaux et les Évêques qui participent ces jours-ci à l’Assemblée synodale sur la Nouvelle Évangélisation. La coïncidence entre cette Assise et la Journée Missionnaire est heureuse ; et la Parole de Dieu que nous avons écouté se révèle éclairante pour les deux. Celle-ci montre le style de l’évangélisateur, appelé à témoigner et annoncer le message chrétien en se conformant à Jésus-Christ et en suivant sa vie. Ceci vaut aussi bien pour la mission ad gentes, que pour la nouvelle évangélisation dans les régions de vieille chrétienté.

Le Fils de l’homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude (cf. Mc Mc 10,45)

Ces paroles ont constitué le programme de vie des sept Bienheureux, que l’Église inscrit solennellement aujourd’hui au rang glorieux des Saints. Avec un courage héroïque, ceux-ci ont dépensé leur existence dans une totale consécration à Dieu et dans un généreux service à leurs frères. Ce sont des fils et des filles de l’Église, qui ont choisi la vie du service en suivant le Seigneur. La sainteté dans l’Église a toujours sa source dans le mystère de la Rédemption, qui est préfiguré par le prophète Isaïe dans la première lecture : le Serviteur du Seigneur est le Juste qui « justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes » (Is 53,11). Ce Serviteur est Jésus-Christ, crucifié, ressuscité et vivant dans la gloire. La canonisation d’aujourd’hui représente une confirmation éloquente de cette mystérieuse réalité salvifique. La tenace profession de foi de ces sept généreux disciples du Christ, leur conformation au Fils de l’Homme resplendit aujourd’hui dans toute l’Église.

Jacques Berthieu, né en 1838, en France, fut très tôt passionné de Jésus-Christ. Durant son ministère de paroisse, il eut le désir ardent de sauver les âmes. Devenu jésuite, il voulait parcourir le monde pour la gloire de Dieu. Pasteur infatigable dans l’île Sainte Marie puis à Madagascar, il lutta contre l’injustice, tout en soulageant les pauvres et les malades. Les Malgaches le considéraient comme un prêtre venu du ciel, disant : Vous êtes notre « père et mère ! » Il se fit tout à tous, puisant dans la prière et dans l’amour du Coeur de Jésus la force humaine et sacerdotale d’aller jusqu’au martyre en 1896. Il mourut en disant : « Je préfère mourir plutôt que renoncer à ma foi ». Chers amis, que la vie de cet évangélisateur soit un encouragement et un modèle pour les prêtres, afin qu’ils soient des hommes de Dieu comme lui ! Que son exemple aide les nombreux chrétiens persécutés aujourd’hui à cause de leur foi ! Puisse en cette Année de la foi, son intercession porter des fruits pour Madagascar et le continent africain ! Que Dieu bénisse le peuple malgache !

Pedro Calungsod est né vers l’année 1654, dans l’archipel des Visayas aux Philippines. Son amour pour le Christ l’a poussé à se former comme catéchiste auprès des jésuites missionnaires qui y vivaient. En 1668, avec d’autres jeunes catéchistes, il accompagna le Père Diego Luis de San Vitores aux Îles Mariannes pour évangéliser le peuple Chamorro. La vie y était dure et les missionnaires devaient faire face aux persécutions provoquées par des jalousies et des calomnies. Pedro, cependant, faisait preuve d’une grande foi et charité et il continuait à catéchiser ses nombreux convertis, témoignant du Christ par une vie authentique, dédiée à l’Évangile. Son plus grand désir était de gagner des âmes au Christ, ce qui renforça sa détermination d’accepter le martyr. Il mourut le 2 avril 1672. Des témoignages rapportent que Pedro aurait pu fuir pour sa sécurité mais qu’il choisit de rester aux côtés du Père Diego. Le prêtre put donner l’absolution à Pedro avant d’être lui-même tué. Que cet exemple et ce témoignage courageux de Pedro Calungsod inspire le cher peuple des Philippines à annoncer avec courage le Royaume et à gagner des âmes à Dieu !

Jean-Baptiste Piamarta, prêtre du diocèse de Brescia, fut un grand apôtre de la charité et de la jeunesse. Il percevait l’exigence d’une présence culturelle et sociale du catholicisme dans le monde moderne, c’est pourquoi il se consacra à l’élévation chrétienne, morale et professionnelle des nouvelles générations, illuminé par une vigueur pleine d’humanité et de bonté. Animé d’une confiance inébranlable en la Providence divine et par un profond esprit de sacrifice, il affronta des difficultés et souffrances pour donner vie à plusieurs oeuvres apostoliques, parmi lesquelles : l’institut des Artigianelli, la maison d’édition Queriniana, la congrégation masculine de la Sainte Famille de Nazareth et la congrégation des Humbles Servantes du Seigneur. Le secret de sa vie intense et active réside dans les longues heures qu’il consacrait à la prière. Quand il était surchargé de travail, il augmentait son temps de rencontre coeur à coeur avec le Seigneur. Il préférait les haltes devant le Saint Sacrement, méditant la passion, la mort et la résurrection du Christ pour y puiser la force spirituelle et repartir à la conquête du coeur des personnes, surtout des jeunes, pour les reconduire aux sources de la vie à travers des initiatives pastorales toujours nouvelles.

« Seigneur, que ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi ». Avec ces paroles, la liturgie nous invite à faire nôtre cet hymne au Dieu créateur et provident, en acceptant son dessein sur nos vies. Ainsi l’a fait María del Carmelo Sallés y Barangueras, religieuse née en 1848 à Vic en Espagne. Voyant son espérance comblée après de nombreuses épreuves, et devant le progrès de la Congrégation des Religieuses Conceptionnistes Missionnaires de l’Enseignement, qu’elle a fondée en 1892, elle a pu chanter avec la Mère de Dieu : « Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ». Confiée à la Vierge Immaculée, son oeuvre éducatrice se poursuivit en donnant des fruits abondants pour la jeunesse, grâce au don généreux de ses filles, qui, comme elle, se confient à Dieu qui peut tout.

J’en viens maintenant à Marianne Cope, née en 1838, à Heppenheim, en Allemagne. Elle avait un an seulement, quand elle fut emmenée aux États-Unis. En 1862, elle entra dans le Tiers Ordre Régulier de Saint-François à Syracuse, New-York. Plus tard, devenue Supérieure Générale de sa congrégation, Mère Marianne, suivit volontiers l’appel à soigner les lépreux d’Hawaï après le refus de nombreuses autres personnes. Avec six de ses soeurs, elle alla diriger elle-même l’hôpital à Oahu, fondant ensuite l’hôpital Malulani à Maui et ouvrant une maison pour les jeunes filles dont les parents étaient lépreux. Cinq ans après, elle accepta l’invitation à ouvrir une maison pour femmes et jeunes filles sur l’île même de Molokai, s’y rendant courageusement elle-même et mettant ainsi effectivement fin à ses contacts avec le monde extérieur. Elle s’y occupa du Père Damien, déjà connu pour son travail héroïque auprès des lépreux, le soignant jusqu’à sa mort et elle prit la direction de son oeuvre auprès des hommes lépreux. À une époque où l’on pouvait faire bien peu pour soulager les souffrances de cette terrible maladie, Marianne Cope fit preuve de l’amour le plus élevé, de courage et d’enthousiasme. Elle est un exemple lumineux et énergique de la fine fleur de la tradition des soeurs infirmières catholiques et de l’esprit de son bien-aimé saint François.

Kateri Tekakwitha est née en 1656 dans l’actuel État de New-York, d’un père mohawk et d’une mère algonquine chrétienne qui lui donna le sens de Dieu. Baptisée à l’âge de 20 ans, et pour échapper à la persécution, elle se réfugia à la Mission Saint François Xavier, près de Montréal. Là, elle travailla, partageant les coutumes des siens, mais en ne renonçant jamais à ses convictions religieuses jusqu’à sa mort, à l’âge de 24 ans. Dans une vie tout ordinaire, Kateri resta fidèle à l’amour de Jésus, à la prière et à l’Eucharistie quotidienne. Son but était de connaître et de faire ce qui est agréable à Dieu. Kateri nous impressionne par l’action de la grâce dans sa vie en l’absence de soutiens extérieurs, et par son courage dans sa vocation si particulière dans sa culture. En elle, foi et culture s’enrichissent mutuellement ! Que son exemple nous aide à vivre là où nous sommes, sans renier qui nous sommes, en aimant Jésus ! Sainte Kateri, protectrice du Canada et première sainte amérindienne, nous te confions le renouveau de la foi dans les Premières Nations et dans toute l’Amérique du Nord ! Que Dieu bénisse les Premières Nations !

Jeune, Anna Schäffer, de Mindelstetten, voulait entrer dans une congrégation missionnaire. Née dans d’humbles conditions, elle chercha comme domestique à gagner la dot nécessaire pour pouvoir entrer au couvent. Dans cet emploi, elle eut un accident grave avec des brulures inguérissables aux pieds, qui la cloueront au lit pour le reste de ses jours. C’est ainsi que la chambre de malade se transforma en cellule conventuelle, et la souffrance en service missionnaire. Tout d’abord elle se révolta contre son destin, mais ensuite, elle comprit que sa situation était comme un appel plein d’amour du Crucifié à le suivre. Fortifiée par la communion quotidienne elle devint un intercesseur infatigable par la prière, et un miroir de l’amour de Dieu pour les nombreuses personnes en recherche de conseil. Que son apostolat de la prière et de la souffrance, de l’offrande et de l’expiation soit pour les croyants de sa terre un exemple lumineux ! Puisse son intercession fortifier l’apostolat chrétien hospitalier dans son agir plein de bénédictions !

Chers frères et soeurs ! Ces nouveaux Saints, divers par leur origine, leur langue, leur nation et leur condition sociale, sont unis les uns aux autres et avec l’ensemble du Peuple de Dieu dans le mystère de salut du Christ, le Rédempteur. Avec eux, nous aussi réunis ici avec les Pères synodaux venus de toutes les parties du monde, avec les paroles du Psalmiste, proclamons au Seigneur que « notre secours et bouclier, c’est lui », et invoquons-le : « Sur nous soit ton amour, Seigneur, comme notre espoir est en toi » (Ps 32,20 Ps 22). Que le témoignage des nouveaux Saints, de leur vie généreusement offerte par amour du Christ, parle aujourd’hui à toute l’Église, et que leur intercession la consolide et la soutienne dans sa mission d’annoncer l’Évangile au monde entier.



MESSE DE CONCLUSION DU SYNODE DES ÉVÊQUES Dimanche 28 octobre 2012

28102
Basilique vaticane

Dimanche 28 octobre 2012

Vénérés Frères,

Messieurs et Mesdames,
chers frères et soeurs !

Le miracle de la guérison de l’aveugle Bartimée a une position remarquable dans la structure de l’Évangile de Marc. En effet, il est placé à la fin de la section qui est appelée « voyage à Jérusalem », c’est-à-dire le dernier pèlerinage de Jésus à la Ville sainte, pour la Pâque au cours de laquelle il sait que l’attendent la passion, la mort et la résurrection. Pour monter à Jérusalem de la vallée du Jourdain, Jésus passe par Jéricho, et la rencontre avec Bartimée a lieu à la sortie de la ville, « tandis que – remarque l’évangéliste – Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse » (10, 46), cette foule qui, d’ici peu, acclamera Jésus comme Messie à son entrée à Jérusalem. Et le long de la route était assis pour mendier Bartimée, dont le nom signifie « fils de Timée », comme dit l’évangéliste lui-même. Tout l’Évangile de Marc est un itinéraire de foi, qui se développe graduellement à l’école de Jésus. Les disciples sont les premiers acteurs de ce parcours de découverte, mais il y a aussi d’autres personnages qui occupent un rôle important, et Bartimée est l’un d’eux. Sa guérison est la dernière guérison miraculeuse que Jésus accomplit avant sa passion, et ce n’est pas par hasard que c’est celle d’un aveugle, c’est-à-dire d’une personne dont les yeux ont perdu la lumière. Nous savons aussi par d’autres textes que la condition de cécité a une signification chargée de sens dans les Évangiles. Elle représente l’homme qui a besoin de la lumière de Dieu, la lumière de la foi, pour connaître vraiment la réalité et marcher sur le chemin de la vie. Il est essentiel de se reconnaître aveugles, de reconnaître qu’on a besoin de cette lumière, sans quoi on reste aveugle pour toujours (cf.
Jn 9,39-41).

À ce point stratégique du récit de Marc, Bartimée est donc présenté comme un modèle. Il n’est pas aveugle de naissance, mais il a perdu la vue : il est l’homme qui a perdu la lumière et en est conscient, mais il n’a pas perdu l’espérance, il sait accueillir la possibilité de la rencontre avec Jésus et se confie à lui pour être guéri. En effet, quand il entend que le Maître passe sur la route, il crie : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » (Mc 10,47), et il le répète avec force (v. 48). Et quand Jésus l’appelle et lui demande ce qu’il veut de lui, il répond, « Rabbouni, que je voie ! » (v. 51). Bartimée représente l’homme qui reconnaît son mal et crie vers le Seigneur, confiant d’être guéri. Son invocation, simple et sincère, est exemplaire, et en effet – comme celle du publicain au temple : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis » (Lc 18,13) – elle est entrée dans la tradition de la prière chrétienne. Dans la rencontre avec le Christ, vécue avec foi, Bartimée retrouve la lumière qu’il avait perdue et avec elle la plénitude de sa dignité : il se remet debout et reprend sa marche, qui à partir de ce moment a un guide, Jésus, et une route, la même que Jésus parcourt. L’évangéliste ne nous dira plus rien de Bartimée, mais en lui il nous présente qui est le disciple : celui qui, avec la lumière de la foi, suit Jésus « sur la route » (v. 52).

Dans un de ses écrits, Saint Augustin fait sur la figure de Bartimée une observation très particulière, qui peut être intéressante et significative aussi aujourd’hui pour nous. Le saint Évêque d’Hippone réfléchit sur le fait que, dans ce cas, Marc rapporte non seulement le nom de la personne qui est guérie, mais aussi celui du père, et il aboutit à la conclusion que « Bartimée, fils de Timée, avait été autrefois dans une grande prospérité, et la misère dans laquelle il était tombé avait eu un grand retentissement, non seulement parce qu’il était devenu aveugle, mais parce qu’il était assis demandant l’aumône. Tel est le motif pour lequel saint Marc n’a désigné que lui par son nom. Le miracle qui lui rendait la vue dût avoir d’autant plus d’éclat que son malheur était partout connu » (L’accord entre les Évangiles, 2, 65, 125 : PL 34, 1138). Ainsi parle saint Augustin.

Cette interprétation, que Bartimée soit une personne déchue d’une condition de « grande prospérité », nous fait penser ; elle nous invite à réfléchir sur le fait qu’il y a des richesses précieuses pour notre vie que nous pouvons perdre, et qui ne sont pas matérielles. Dans cette perspective, Bartimée pourrait représenter tous ceux qui vivent dans des régions d’ancienne évangélisation, où la lumière de la foi s’est affaiblie, et qui se sont éloignés de Dieu, ne le retenant plus comme important pour la vie : des personnes qui par conséquent ont perdu une grande richesse, sont « déchues » d’une haute dignité – non de celle qui est économique ou d’un pouvoir terrestre, mais de celle qui est chrétienne –, elles ont perdu l’orientation sûre et solide de la vie et sont devenues, souvent inconsciemment, mendiants du sens de l’existence. Ce sont les nombreuses personnes qui ont besoin d’une nouvelle évangélisation, c’est-à-dire d’une nouvelle rencontre avec Jésus, le Christ, le Fils de Dieu (cf. Mc Mc 1,1), qui peut ouvrir de nouveau leurs yeux et leur enseigner la route. Il est significatif que, tandis que nous concluons l’Assemblée synodale sur la Nouvelle Évangélisation, la Liturgie nous propose l’évangile de Bartimée. Cette parole de Dieu a quelque chose à nous dire de façon particulière à nous, qui en ces jours avons échangé sur l’urgence d’annoncer de façon nouvelle le Christ là où la lumière de la foi s’est affaiblie, là où le feu de Dieu est comme un feu de braises qui demande à être ravivé, pour qu’il soit la flamme vive qui donne lumière et chaleur à toute la maison.

La Nouvelle Évangélisation concerne toute la vie de l’Église. Elle se réfère, en premier lieu, à la pastorale ordinaire qui doit être toujours plus animée par le feu de l’Esprit, pour embraser les coeurs des fidèles qui fréquentent régulièrement la Communauté et qui se rassemblent le jour du Seigneur pour se nourrir de sa Parole et du Pain de la vie éternelle. Je voudrais ici souligner trois lignes pastorales qui ont émergé du Synode. La première porte sur les Sacrements de l’initiation chrétienne. L’exigence d’accompagner la préparation au Baptême, à la Confirmation et à l’Eucharistie avec une catéchèse appropriée a été réaffirmée. L’importance de la Pénitence, sacrement de la Miséricorde de Dieu a été aussi rappelée. À travers cet itinéraire sacramentel passe l’appel du Seigneur à la sainteté, adressé à tous les chrétiens. En effet, il a été répété plusieurs fois que les vrais protagonistes de la nouvelle évangélisation sont les saints : par l’exemple de leur vie et par leurs oeuvres de charité ils parlent un langage compréhensible par tous.

En second lieu, la nouvelle évangélisation est essentiellement liée à la mission ad gentes. L’Église a le devoir d’évangéliser, d’annoncer le message de salut aux hommes qui ne connaissent pas encore Jésus Christ. Au cours des réflexions synodales, il a été aussi souligné qu’il existe beaucoup de milieux en Afrique, en Asie et en Océanie où des habitants attendent ardemment, parfois sans en être pleinement conscients, la première annonce de l’Évangile. Il convient par conséquent de prier l’Esprit Saint afin qu’il suscite dans l’Église un dynamisme missionnaire renouvelé dont les protagonistes soient, de manière spéciale, les agents pastoraux et les fidèles laïcs. La mondialisation a causé un important déplacement de population ; par conséquent, la première annonce s’impose aussi dans les pays d’ancienne évangélisation. Tous les hommes ont le droit de connaître Jésus Christ et son évangile ; et à cela correspond le devoir des chrétiens, de tous les chrétiens –prêtres, religieux et laïcs –, d’annoncer la Bonne Nouvelle.

Un troisième aspect concerne les personnes baptisées qui cependant ne vivent pas les exigences du Baptême. Au cours des travaux synodaux, il a été mis en lumière que ces personnes se trouvent sur tous les continents, spécialement dans les pays plus sécularisés. L’Église leur porte une attention particulière, afin qu’elles rencontrent de nouveau Jésus Christ, redécouvrent la joie de la foi et retournent à la pratique religieuse dans la communauté des fidèles. Au-delà des méthodes pastorales traditionnelles, toujours valables, l’Église cherche à utiliser de nouvelles méthodes, avec aussi le souci de nouveaux langages, appropriés aux différentes cultures du monde, proposant la vérité du Christ par une attitude de dialogue et d’amitié qui a son fondement en Dieu qui est Amour. En différentes parties du monde, l’Église a déjà entrepris ce chemin de créativité pastorale, pour se rendre proche des personnes éloignées ou en recherche du sens de la vie, du bonheur et, en définitive, de Dieu. Rappelons certaines missions citadines importantes, le « Parvis des gentils », la mission continentale, etc. Il n’y a pas de doute que le Seigneur, Bon Pasteur, bénira abondamment de tels efforts qui proviennent du zèle pour sa Personne et pour son Évangile.

Chers frères et soeurs, Bartimée, ayant retrouvé la vue par Jésus, se joignit au groupe des disciples, parmi lesquels se trouvaient certainement d’autres qui, comme lui, avaient été guéris par le Maître. Ainsi sont les nouveaux évangélisateurs : des personnes qui ont fait l’expérience d’être guéries par Dieu, par l’intermédiaire de Jésus Christ. Et leur caractéristique est la joie du coeur, qui dit avec le psalmiste : « Merveilles que fit pour nous le Seigneur, nous étions dans la joie ! » (Ps 125,3).Nous aussi, aujourd’hui, nous nous tournons vers le Seigneur Jésus, Redemptor hominis et Lumen gentium, avec une joyeuse reconnaissance, faisant nôtre une prière de Saint Clément d’Alexandrie : « Jusqu’à maintenant, j’ai erré dans l’espérance de trouver Dieu, mais puisque tu m’illumines, ô Seigneur, je trouve Dieu par toi, et je reçois le Père de toi, je deviens ton cohéritier, puisque tu n’as pas eu honte de m’avoir comme frère. Effaçons donc, effaçons l’oubli de la vérité, l’ignorance : et enlevant les ténèbres qui, comme un brouillard pour les yeux, nous empêchent de voir, contemplons le vrai Dieu… ; car une lumière du ciel a brillé sur nous qui étions plongés dans les ténèbres et prisonniers de l’ombre de la mort, [une lumière] plus pure que le soleil, plus douce que la vie d’ici-bas » (Protreptique, 113, 2-114, 1). Amen.



CONSISTOIRE ORDINAIRE PUBLIC POUR LA CRÉATION DE NOUVEAUX CARDINAUX


CHAPELLE PAPALE Samedi 24 novembre 2012

24112
Basilique vaticane


« Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique ».


Chers frères et soeurs !

Ces paroles que d’ici peu les nouveaux cardinaux prononceront solennellement en émettant la profession de foi, font partie du symbole de Nicée-Constantinople, synthèse de la foi de l’Église que chacun reçoit au moment du baptême. C’est seulement en professant et en gardant intacte cette règle de vérité que nous sommes des disciples authentiques du Seigneur. Dans ce consistoire, je voudrais m’arrêter en particulier sur la signification du terme « catholique », qui indique un trait essentiel de l’Église et de sa mission. Le discours serait vaste et pourrait être abordé selon diverses perspectives : aujourd’hui je me limite à quelques pensées.

Les notes caractéristiques de l’Église répondent au dessein divin, comme le dit le Catéchisme de l’Église catholique : « C'est le Christ qui, par l'Esprit Saint, donne à son Église, d'être une, sainte, catholique et apostolique, et c'est lui encore qui l'appelle à réaliser chacune de ces qualités » (
CEC 811). Spécifiquement, l’Église est catholique parce que le Christ embrasse toute l’humanité dans sa mission de salut. Tandis que la mission de Jésus durant sa vie terrestre était limitée au peuple juif, « aux brebis perdues d’Israël » (Mt 15,24), elle était toutefois orientée dès le début à porter à tous les peuples la lumière de l’Évangile et à faire entrer toutes les nations dans le Royaume de Dieu. Devant la foi du centurion à Capharnaüm, Jésus s’exclame : « Je vous le dis : Beaucoup viendront de l’orient et de l’occident et prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob au festin du Royaume des cieux » (Mt 8,11). Cette perspective universaliste affleure, entre autres, dans la présentation que Jésus fait de lui-même non seulement comme « Fils de David », mais comme « Fils de l’homme » (Mc 10,33), comme nous l’avons aussi entendu dans le passage évangélique qui vient d’être proclamé. Le titre de « Fils de l’homme », dans le langage de la littérature apocalyptique juive inspirée de la vision de l’histoire dans le Livre du prophète Daniel (cf. Da 7,13-14) rappelle le personnage qui vient « sur les nuées du ciel » (Da 7,13) et est une image qui annonce un royaume tout à fait nouveau, un royaume soutenu non par des pouvoirs humains, mais par le vrai pouvoir qui vient de Dieu. Jésus se sert de cette expression riche et complexe et la rapporte à lui-même pour manifester le vrai caractère de son messianisme, comme mission destinée à tout l’homme et à tout homme, dépassant tout particularisme ethnique, national et religieux. Et c’est justement dans la suite de Jésus, dans le fait de se laisser attirer à l’intérieur de son humanité et donc dans la communion avec Dieu qu’on entre dans ce nouveau royaume, que l’Église annonce et anticipe et qui vainc morcellement et dispersion.

Ensuite Jésus envoie son Église non à un groupe, mais à la totalité du genre humain pour le rassembler, dans la foi, en un unique peuple afin de le sauver, comme l’exprime bien le Concile Vatican II dans la constitution dogmatique Lumen gentium : « À faire partie du peuple de Dieu, tous les hommes sont appelés. C'est pourquoi ce peuple, demeurant un et unique, est destiné à se dilater aux dimensions de l'univers entier et à toute la suite des siècles pour que s'accomplisse ce que s'est proposé la volonté de Dieu » (LG 13). L’universalité de l’Église puise donc à l’universalité de l’unique dessein divin de salut du monde. Ce caractère universel émerge avec clarté le jour de la Pentecôte, quand l’Esprit remplit de sa présence la première communauté chrétienne, pour que l’Évangile s’étende à toute les nations et fasse grandir dans tous les peuples l’unique Peuple de Dieu. Ainsi, l’Église, depuis ses origines, est orientée kat’holon, elle embrasse tout l’univers. Les apôtres rendent témoignage au Christ en s’adressant à des hommes provenant de toute la terre et chacun les comprend comme s’ils parlaient dans sa langue maternelle (cf. Ac Ac 2,7-8). Depuis ce jour, l’Église avec la « force de l’Esprit Saint », selon la promesse de Jésus, annonce le Seigneur mort et ressuscité « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). La mission universelle de l’Église, par conséquent, ne part pas d’en bas, mais descend d’en haut, de l’Esprit Saint, et depuis son premier instant, elle tend à s’exprimer dans toutes les cultures pour former ainsi l’unique Peuple de Dieu. Elle n’est pas tant une communauté locale qui s’élargit et se répand lentement, mais elle est comme un levain qui tend à l’universel, à la totalité, et qui porte en lui-même l’universalité.

« Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15) ; « de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19) dit le Seigneur. Par ces paroles Jésus envoie les apôtres à toute la création, pour que l’action salvifique de Dieu parvienne partout. Mais si nous pensons au moment de l’ascension de Jésus au Ciel, racontée dans les Actes des Apôtres, nous voyons que les disciples sont encore enfermés dans leur vision, ils pensent à la restauration d’un nouveau royaume davidique, et ils demandent au Seigneur : « Est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël ? » (Ac 1,6). Et comment Jésus répond-il ? Il répond en ouvrant leurs horizons et en leur donnant la promesse et une tâche : il promet qu’ils seront remplis de la puissance de l’Esprit Saint et il leur confère la charge d’en témoigner dans le monde entier dépassant les limites culturelles et religieuses à l’intérieur desquelles ils étaient habitués à penser et à vivre, pour s’ouvrir au Royaume universel de Dieu. Et aux commencements du cheminement de l’Église, les apôtres et les disciples partent sans aucune sécurité humaine, mais avec l’unique force de l’Esprit Saint, de l’Évangile et de la foi. C’est le ferment qui se répand dans le monde, entre dans les divers événements et dans les multiples contextes culturels et sociaux, mais demeure une unique Église. Autour des apôtres fleurissent les communautés chrétiennes, mais elles sont « l’ » Église, qui, à Jérusalem, à Antioche ou à Rome, est toujours la même, une et universelle. Et quand les Apôtres parlent d’Église, ils ne parlent pas d’une communauté particulière, ils parlent de l’Église du Christ, et ils insistent sur cette identité unique, universelle et totale de la catholica, qui se réalise dans chaque Église locale. L’Église est une, sainte, catholique et apostolique, elle reflète en elle-même la source de sa vie et de son cheminement : l’unité et la communion de la Trinité.

Dans le sillon et dans la perspective de l’unité et de l’universalité de l’Église se place aussi le collège cardinalice : il présente une variété de visages, car il exprime le visage de l’Église universelle. Par ce consistoire, de manière particulière, je désire mettre en valeur que l’Église est Église de tous les peuples, et par conséquent elle s’exprime dans les différentes cultures des divers continents. C’est l’Église de la Pentecôte, qui dans la polyphonie des voix élève un unique chant harmonieux au Dieu vivant.

Je salue cordialement les délégations officielles des divers pays, les évêques, les prêtres, les personnes consacrées, les fidèles laïcs des différentes communautés diocésaines et tous ceux qui participent à la joie des nouveaux membres du collège cardinalice, auxquels ils sont liés par le lien de la parenté, de l’amitié, de la collaboration. Les nouveaux cardinaux qui représentent divers diocèses du monde, sont à partir d’aujourd’hui agrégés, à titre tout à fait spécial, à l’Église de Rome et ils renforcent ainsi les liens spirituels qui unissent l’Église tout entière, vivifiée par le Christ et rassemblée autour du Successeur de Pierre. En même temps, le rite d’aujourd’hui exprime la valeur suprême de la fidélité. En effet, dans le serment que vous allez faire, vénérés frères, sont écrites des paroles chargées d’une profonde signification spirituelle et ecclésiale : « Je promets et je jure de demeurer, maintenant et pour toujours tant que je vivrai, fidèle au Christ et à son Évangile, constamment obéissant à la sainte et apostolique Église romaine ». Et en recevant la barrette rouge, vous vous souviendrez qu’elle indique « que vous devez être prêts à vous comporter avec courage, jusqu’à l’effusion du sang, pour l’essor de la foi chrétienne, pour la paix et la tranquillité du peuple de Dieu ». Alors que la remise de l’anneau sera accompagnée de l’avertissement : « Sache qu’avec l’amour du Prince des Apôtres se renforce ton amour envers l’Église ».

Voici indiquée, dans ces gestes et dans les expressions qui les accompagnent, la physionomie que vous assumez aujourd’hui dans l’Église. Désormais vous serez encore plus étroitement et intimement unis au Siège de Pierre : les titres ou les diaconies des Églises de la ville de Rome vous rappelleront le lien qui vous unit, comme membres à titre très spécial, à cette Église de Rome, qui préside à la charité universelle. Spécialement par votre collaboration avec les dicastères de la Curie romaine, vous serez mes précieux coopérateurs, avant tout dans le ministère apostolique pour la catholicité tout entière, comme Pasteur du troupeau du Christ tout entier et premier garant de la doctrine, de la discipline et de la morale.

Chers amis, louons le Seigneur, qui « avec largesse ne cesse d’enrichir de dons son Église répandue dans le monde » (Oraison) et la fortifie dans la jeunesse éternelle qu’il lui a donnée. Confions-lui le nouveau service ecclésial de ces estimés et vénérés frères, afin qu’ils puissent rendre un courageux témoignage au Christ, dans le dynamisme exemplaire de la foi et dans le signe d’un amour oblatif incessant. Amen.





Benoît XVI Homélies 11102