Bible chrétienne Actes 1

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A. Naissance de l’Eglise (AC 1-12) - §§ 1-11


§ 1. DE L'ASCENSION À LA PENTECÔTE : Ac 1,1-26


Ac 1,1 // Lc 1,3-4 — Luc réfère lui-même de ce deuxième versant de son oeuvre intégrale au «premier discours» qu'était son Évangile; et ce terme, «discours», indiquerait déjà son propos général, tel que l'indique ce double prologue : à partir d'un rappel des événements, dans leur intégralité comme dans leur ordre — ce qui laisse place à une composition littéraire — , éclairer et confirmer la foi des chrétiens en établissant solidement ses fondements sur les faits objectifs puisque historiques. Aujourd'hui encore, la solidité de toute la chaîne de cette Tradition, longue de dix-neuf siècles, tient à celle de ce premier chaînon liant le « Jésus des Evangiles » au « Christ Seigneur* » et reconnu pour tel par son Église, avant même qu'il ait été «glorifié» (confession de Césarée, Mt 16,16, faisant reposer sur «Pierre» la foi originelle de l'Église : BC II*, p. 416-420. Sur la portée du // Lc 1,3-4, cf. BC II*, p. 33-34).

Ô Théophile: Comme en Lc 1,3. Personnage (noble), inconnu par ailleurs. Mais ce nom, signifiant «aimé de Dieu» ou «qui aime Dieu», convient à quiconque entreprend de lire les Écritures avec ce désir et dans ce but, comme la « Théotime » de L'Introduction à la vie dévote invite à cette révérence intérieure qui doit sous-tendre notre recherche de l'intimité avec Dieu.

commença (Litt.) : Peut laisser entendre que l'oeuvre est à poursuivre, par les Apôtres (Jn 14,12). Traduire par « dès le commencement» (bj, tob) signifierait seulement: depuis le baptême (comme en Ac 1,22; 10,37; Lc 3,23). Sans oublier, comme en écho, le « au principe » de Jn 1,1 et Gn 1,1 ; nous sommes aux temps primordiaux (v. 15).

de faire et d'enseigner: La locution grecque indique succession et renforcement: Il n'enseigna que ce qu'il avait d'abord pratiqué (cornelius a lapide) ou, comme le dira saint Grégoire de saint Benoît : Il n'a pu enseigner autrement qu'il ne vivait (Dial., h, 36). Cf. // Lc 24,19.

Ac 1,2 // Jn 15,16Donné ses instructions par l'Esprit Saint : C'est la traduction habituelle ; mais cette incise pourrait porter également sur l'un ou l'autre des verbes suivants : «Apôtres qu'il s'était choisis par l'Esprit Saint» ; ou : «il fut enlevé par l'Esprit Saint». Voir les hésitations d'A. feuillet: Promesses johanniques, p. 57-59. Delebecque souligne : «Apôtres de son choix» (ce que dit aussi le // Jn 15,16). v.o. ajoute : « donna ses instructions et l'ordre de proclamer l'Évangile ».

il fut enlevé: Verbe technique qui est déjà celui de l'enlèvement d'Élie (// d'Ac 1,6-9). Se retrouve à propos d'Élie en Si 48,9 ; 1M 2,58 ; et à propos de l'ascension du Christ : ici aux versets 11 et 22 ; en Mc 16,19 ; Lc 9,51 et 1Tm 3,16. C'est bien aussi le sens du parallèle Lc 5,35. Le passif souligne que c'est Dieu le Père qui glorifie son Fils.

Le texte ne dit pas « il monta », parce qu’il parle encore du Seigneur comme d'un homme. Mais pour qu'on ne croie pas qu'il fut enlevé par une autre puissance que la sienne, il ajoute aussitôt un trait de puissance (v. 3) : «Il se montra vivant après sa Passion » (oecumenius, pg 118, 45).

Ac 1,3-4 // Ex 24,9-18 — Les rapprochements sont multiples entre les deux événements : repas, sainte quarantaine, ascension (de « la montagne de Dieu») par Moïse, nuée, promesse de retour... Mais avec toute la supériorité de la nouvelle Alliance sur la première, comme de l'accomplissement sur sa figure seulement.

montré à eux vivant: Correspond à l'annonce de sa résurrection par les deux anges, en Lc 24,5.
avec de nombreuses preuves : Lc 24,39-43.
leur apparaissant : Pourquoi pas à tous, mais seulement aux Apôtres ? — Voir Ac 10,41*.
pendant quarante jours : Non pas continuellement, comme quand il vivait avec eux avant sa Passion. En même temps qu'il rendait plus désirable son apparition, il se montrait plus sublime et divin (oecumenius, ibid.).

La finale de Le ne précisait pas ce délai ; elle situait la séparation « vers Béthanie » et annonçait la fréquentation du Temple comme sitôt après l'Ascension (24,50-53). Ces apparentes divergences, provenant d'un même auteur, devraient rendre prudente la critique : plutôt que de durcir ces variations en contradictions, divergence des sources, etc., mieux vaudrait admettre que l'intention des écrivains ne se bornait pas à la seule précision des faits, mais cherchait à en souligner la portée. Ce qui doit bien plutôt nous frapper est donc la charnière solide que saint Luc établit entre le dernier chapitre de son Evangile et le premier chapitre des Actes : ici et là, résurrection et ascension, ultime formation des Apôtres, avec preuves, annonce du Royaume (l'essentiel de l'Évangile : Mc 1,15 cf. ii*, p. Mc 163-164 et table), repas, invitation à ne pas quitter Jérusalem et promesse de l'Esprit, en vue d'une mission universaliste (comparer Ac 1,3-8 à Lc 24,38-49).

Toutefois, la perspective d'Ac 1,1-13 est autre que celle de Lc 24 : L'accent majeur ne porte plus sur la réalité de la résurrection et par conséquent sur le grand nombre de disciples qui ont vu Jésus vivant. L'accent porte sur l'institution d'un petit groupe de témoins chargés d'annoncer l'Evangile au monde (cf. Ac 10,41*) et par conséquent sur les révélations exceptionnelles que ces témoins ont reçues de leur Maître «pendant quarante jours ». Si Luc insiste dès les premières lignes sur l’autorité ainsi conférée à ces témoins, c'est que le Livre des Actes est consacré avant tout à l'oeuvre de ces douze hommes, représentés par Pierre, leur chef, et des deux autres « témoins » que le Christ appellera par la suite, Etienne et Paul. Ce sont les entreprises des témoins qui forment la ligne de faîte du récit ; ce sont les discours des témoins qui scandent la marche de l'Evangile.

Certes, quarante est un nombre symbolique, rappelant notamment Moïse au Sinaï et le Christ dans le désert (bc /*, p. 77; BC II*, p. 155) . En outre, s'il est vrai que les rabbins avaient coutume de répéter quarante fois leur enseignement à leurs élèves afin que ceux-ci le sachent par coeur et puissent à leur tour le transmettre en totalité et sans altération... (il est vraisemblable que) Luc entend bien souligner, en parlant des quarante jours, que les Apôtres ont reçu, touchant leur mission, les révélations mêmes du Ressuscité et qu’ils ont vu et entendu leur Maître assez souvent pour avoir retenu ses enseignements et pour être capables de les transmettre en toute fidélité... Tout permet donc de conclure que, dans la pensée de Luc, la notice des quarante jours a une valeur théologique (plutôt que) chronologique. Elle est destinée à garantir à l'avance l'autorité du témoignage apostolique (davantage qu') à fixer la date de l'ascension de Jésus (p. h. menold, « Pendant quarante jours », dans Neotestamentica, p. 150).

la promesse du Père : Celle de l'Esprit Saint que Pierre tirera du prophète Joël (Ac 2,17-21), mais entendue de ma bouche, notamment après la Cène (Jn 14,16-17 Jn 14,25-26 Jn 15,26 Jn 16,7-15).

Ac 1,5 // Lc 3,16 — On voit que, sous cette forme, la prophétie venait en réalité du Baptiste; mais Jésus lui-même l'avait reprise avec Nicodème (Jn 3,5-6).

Ac 1,6-8 // Lc 19,11Ils le questionnaient : «Seigneur... »: Non plus «Maître» ou «ami» (Jn 15,15), ni frère (Jn 20,17). Non: les Apôtres reconnaissent Jésus comme « Kyrios, le Seigneur ». Kyrios est le terme par lequel les Septante ont traduit le nom de Dieu : Yahvé. Durant la vie terrestre de Jésus, les Apôtres, quand ils parlaient de Dieu, parlaient d'un autre que Jésus. Jésus lui-même parlait d'un autre quand il parlait de Dieu : il parlait du Père. Maintenant, Jésus en personne est le Seigneur : il est la présence même de Dieu au milieu de son peuple (d. barsotti , Les Actes des Apôtres — voir aussi Ac 2,36*).

Cependant, les Apôtres continuent d'être victimes d'une triple erreur de perspective : temporelle puisqu'ils attendent le Royaume pour maintenant, dans un futur assez proche; nationaliste puisque ce serait au profit d'Israël; humaine puisque ce serait le simple rétablissement de la royauté davidique (annoncé dès le testament de Jacob : // Gn 49,10 cf. la prière de Si Gn 36,1-17).

Jésus rétablit sa perspective divine, dont les Actes des Apôtres vont être la démonstration par la réalisation même de ce Royaume dans les commencements de son Église.

les temps et les moments : Les étapes et les modalités de l'établissement du Règne de Dieu se déroulent par définition au cours des temps, suivant «les moments favorables » (kairous), correspondant au dessein créateur et sauveur du Père, qui est éternel. Les «kairoi» sont le moment précis d'une irruption divine dans le temps, quelque chose d'unique, qui ne se répète pas : le moment choisi de Dieu, le moment où l'homme se rencontrera avec l'Eternel (d. bar-sotti 0>)- Cela relève donc du Père, comme tel : // Mc 13,32-33 ; cf. Mc 10,40. vous recevrez une Puissance de l'Esprit Saint venant sur vous d'en haut: Le parallèle avec l'Annonciation (Lc 1,35) est indiqué par A. Feuillet. S'y retrouvent en effet la puissance* (BC II*, table), l'action personnelle de l'Esprit divin, sur venu. On peut conclure de ce parallèle que le «fruit» sera le Royaume transcendant et «saint» que constitue peu à peu la naissance des chrétiens à la vie divine elle-même (Jn 1,12-13), comme Jésus, le Saint, naît dans la Vierge Marie.

vous serez mes témoins: C'est la mission même des Apôtres (cf. Ac 1,22*), comme celle de Jean-Baptiste (Jn 1,6-8 BC II*), comme de tout chrétien : témoigner pour transmettre la foi, puis faire naître au Christ de nouveaux membres par le baptême (Mt 28,19-20), ce qui sera l'essentiel de leurs « Actes ».

Il semble que le Ressuscité veuille s'effacer, avant même son départ... Il introduit lentement ses disciples dans le silence de Dieu... (L'Ascension) , qui apparaît comme un événement daté, semble plutôt être le terme d'une initiation des disciples à un nouveau rapport avec le Christ, à une communion plus vraie et plus intime (conformément à sa promesse, Jn 14,19BC II*, p. 666) avec celui qui, ressuscité, soulève jusqu'à lui ceux qu'il aime, les « transfère » dans le règne de sa gloire (d. barsotti : Les Apparitions du Ressuscité, p. 168-172). à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre: C'est le développement même qui s'accomplit dans ces Actes des Apôtres: «à Jérusalem» (chapitres 1-7), en Judée et en Samarie (chapitres 8-12), à Antioche, en Asie mineure et en Grèce (chapitre 11,19-30 et chapitres 13-20), enfin à Rome grâce à la captivité de Paul (chapitres 21-28).

« Aux extrémités de la terre » est typique de l'universalisme du salut, dès l'a.t. : Dt 33,17 Tb 13,11 Jb 37,3 Ps 2,8 Ps 65,6 Pr 30,4 Si 44,21 Jr 16,19 Jr 31,8 Mi 5,3 Za 9,10. Isaïe surtout: Is 40,28 Is 41,5 Is 42,10 Is 48,20 Is 49,6 (en parallèle à Ac 13,47, où il est cité par saint Paul — pour ce dernier, cf. aussi Rm 10,18) et 62,11. Il ne faut pas entendre l'expression dans un sens purement géographique. Par opposition à Jérusalem, « cité du grand roi »... les extrémités de la terre représentent les nations païennes; d'où le parallélisme : «Je t’ai établi lumière des nations (païennes) , pour que tu portes le salut aux extrémités de la terre. » Langage essentiellement religieux... L’expansion du christianisme comporte un passage du monde juif dans celui des Gentils. Capitale du monde païen, Rome est réellement située aux « extrémités de la terre »... C'est en cela que le récit des Actes est le complément nécessaire de l'histoire évangélique : le passage du christianisme de Jérusalem aux extrémités de la terre achève la réalisation du programme que les prophéties assignaient au Christ (j. dupont: Études..., p. 403-404). Faute de reconnaître l'élévation de Rome, l'unité du Livre nous échapperait, ainsi que son enseignement fondamental... (qui) est avant tout la dimension historique et publique du christianisme. La portée du fait de l'Eglise vient de là. Le christianisme a, certes, une dimension intérieure et contemplative ; et il faut dire que cet aspect est non seulement essentiel mais primordial; et cependant cette dimension n'épuise pas le christianisme. L'Eglise est, en outre, historique et publique ; et les Actes des Apôtres insistent sur ce fait plus que n’importe quel livre du n. t. (d. barsotti, introd.).


(1) Les Actes des Apôtres. Citant abondamment cette traduction tout au long de ce Commentaire des Actes, qu'il suffise d'indiquer: D. barsotti, sans plus, pour renvoyer au passage correspondant de ce livre.



L'ascension: Ac 1,9-11 // Gn 5,23-24 2R 2,8-18 — Les ascensions d'Hénok et surtout d'Elie font ressortir, par contraste, l'aisance avec laquelle Jésus rejoint son Père, répondant à l'appel qu'il n'a cessé d'entendre depuis son enfance (Lc 2,49), marqué ici par le passif: « il fut enlevé ».

Grégoire le grand : Hom. sur Mc 16, a, 29, 6 (pl 76, 1217) — (Hénok et Elie furent des signes précurseurs de l’Ascension du Christ.) Le Seigneur eut donc des prophètes et des témoins de son Ascension : l'un avant la Loi (Hénok) , l'autre sous la Loi (Elie) , avant de venir un jour lui-même, lui qui vraiment pouvait pénétrer les cieux. Et le mode de leurs deux ascensions se distingue dans le récit de l'Ecriture : car Hénok fut « transféré » (He 11,5cf. bc r*, p. 73-74) , mais Elie « emporté », annonçant Celui qui dans la suite ne serait ni transféré ni emporté, mais pénétrerait le ciel éthéré par sa propre puissance.

L'héritage de l'Esprit d'Élie que son disciple Elisée recevra s'il voit le char enlevant Élie (// 2R 2,10) annonce la future communication de l'Esprit Saint de Jésus aux Apôtres, qui ont bien vu son ascension.

Le regardaient... à leurs regards : Ils sont donc des témoins oculaires, en droit d'assurer à toute l'Église le réalisme de ce qu'assurera le «Credo des Apôtres ».

Une nuée le reçut: Littéralement «le prit par-dessous», ce qui ferait plutôt penser à un nuage qui s'interpose matériellement. Mais «nuée» rappelle mieux l'entrée dans l'intimité avec Dieu que préfigurait Moïse durant l'Exode (Ex 13,21-22 Ex 20,21 — bc i*, table ; cf. Da 7,13 Lc 9,34), et qu'annonce le « est assis à la droite du Père». Ce mystère de l'Ascension n'est local que pour symboliser la réunion mystique de l'humanité même de Jésus avec le Père (puisque, symboliquement, ce Père « est aux cieux ») ; sans oublier pour autant que, en raison de sa Personne divine, ce même Jésus lui est consubstantiel, dans l'unité de la Trinité, «dès le commencement, face au Père» (Jn 1,1).

Léon le Grand : De Ascensione (pls 3, 338) — Voyons donc quel est ce genre de nuée : faut-il qu’elle soit resplendissante, étincelante, pour avoir l'honneur d'envelopper le Christ, Lumière du monde! Evidemment, elle ne pouvait être obscure, sombre, ténébreuse, car il est écrit : « Et les ténèbres ne l'ont pas saisi. » Les ténèbres en effet ne pouvaient porter la Lumière. Telle est cette nuée qui a enveloppé le Christ dans son Ascension, et qui a aussi rendu témoignage au Christ sur la montagne — épisode dont l'Evangéliste écrit: « Une voix se fait entendre dans la nuée : < Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le > » (Mt 17,5). Ce n'est donc pas la nuée qui reçut le Christ, c'est Dieu le Père qui reprit son Fils : allant pour ainsi dire au-devant de lui par son amour paternel, il le serre tendrement sur son coeur pendant qu’il monte. Car si l'on dit que le Père reçoit son Fils à l'ombre de la nuée, c'est pour montrer qu’il enveloppe, pour ainsi dire, d'une rosée rafraîchissante, les plaies de la Passion. Car après avoir passé par la croix, les opprobres et les enfers, le Christ ne pouvait avoir de plus grand rafraîchissement que d'être obombré par la puissance divine. De la naissance du Christ, il est dit à Marie : « Et la puissance du Très-Haut t'obombrera » (Lc 1,35). Le Très-Haut est donc le Père qui, pour la naissance du Christ, obombra Marie de sa puissance ; car c'est lui qui, lors de son Ascension, prit le Christ dans la nuée. Daniel dit en effet : « Je regardais, dans une vision de la nuit, et voici dans les nuées comme un Fils d'homme. Et il vint jusqu'à l'Ancien des jours » (Dn 7,13). Cette prophétie montre comment le Fils de l'homme a été enlevé dans les nuées du ciel, et conduit jusqu’au Tout-Puissant.

Autres mentions de l'Ascension en Lc 24,51 Mc 16,19; cf. Jn 3,13 Jn 6,62 Jn 13,3 Jn 17,11-13 et Jn 20,17 Ac 2,33 Ac 3,21 Ep 1,20 Ep 4,10 1Tm 3,16 He 9,24 1P 3,22. Bien mieux, l'Ascension s'étendra aux membres du Christ que nous sommes : Ph 3,20-21 Col 3,1 1Th 4,14-16.

L'Ascension de Jésus comme achèvement de sa résurrection donne une signification particulière à tout le temps à venir. Elle marque en effet l'intronisation du Juge à qui tous les hommes devront rendre des comptes (Ac 10,36 Ac 10,42). Mais ce n'est pas à dire que le Christ soit élevé pour nous condamner: L'exaltation de Jésus comme achèvement de la résurrection a rendu possible pour tous la résurrection inaugurée par lui... Et sa résurrection devient cause de salut pour ceux qui obéissent à la prédication. D'une part, son « nom » /"= la réalité de son rôle de «Sauveur») entre avec efficacité dans l'histoire (Ac 4,12 cf. Ac 3,16 10,43, etc.). D'autre part, la foi commence à jouer son rôle (Ac 17,31 cf. 3,16, etc.). (Donc,) par l'élévation de Jésus comme achèvement de sa résurrection, tous les hommes, jusqu’à son retour, sont interrogés en son nom suivant la foi qui leur a été procurée par lui.

Ainsi l'Ascension de Jésus est pour saint Luc... le pôle opposé à la nouvelle et dernière Parousie et elle en est la condition. Elle est le fondement du temps intermédiaire qui est celui de l'Eglise, parce qu'elle permet la descente du Saint-Esprit et qu'elle en est la cause déterminante (h. schlilr : Essais n.t., p. 263-278).

Ac 1,10 // Lc 24,4-5 — Même apparition, même message : que les saintes femmes baissent le visage vers la terre, ou que les Apôtres aient le regard tendu vers le cieltandis qu'il s'en allait rendant compte du mouvement ascensionnel en même temps que de l'impression de «départ» — , c'est voir trop court, là où la foi seule peut entrer dans le mystère de la proximité, de l'intériorité, de l'omniprésence que Jésus acquiert en regagnant la plénitude d'ÊTRE propre à Dieu. voici : Prévient de l'importance de l'avertissement (bc i*, table).

Ac 1,11 // Mc 14,62Hommes de Galilée : À quoi bon les anges, qui connaissent bien les Apôtres, mentionnent-ils leur patrie, sinon pour mieux établir la vérité de leur prédication du fait qu'ils sont compatriotes de Jésus


(CHRYSOSTOME, PG 60, 29).

restez-vous à regarder: Le reproche, voilé, ne porte pas sur le fait ni sur l'orientation du regard, mais sur l'arrêt qui s'ensuit; les Apôtres tiendront compte de l'exhortation en revenant à Jérusalem pour se préparer à la Pentecôte dans la prière (v. 12-14). Il serait donc abusif d'en tirer une opposition entre « contemplation » et « action »... D'autant plus que, à la fin de ce même verset 11, le verbe grec choisi est non plus celui du simple regard attentif, mais celui de la contemplation, pour marquer qu'ils n'ont pas vu seulement le phénomène physique, mais en ont deviné la portée mystique (cf. BC II*, p. 145). le ciel : Revient par trois fois en ce verset 11. La première vise, sans la blâmer comme telle, la direction des regards ; la seconde fois, c'est l'Ascension ; la troisième annonce le retour glorieux du Christ, tel que lui-même l'avait solennellement affirmé devant le grand prêtre (// Mc 14,62).

C'est ce qu'en langage chrétien on nomme la Parousie*, d'un mot qui évoque avant tout la présence, et de ce fait la venue qui rend présent. Le sens peut en être simple et profane, mais il s'appliquait souvent, même dans l'hellénisme, à la divinité; aussi la Septante l'a-t-elle choisi et chargé d'un sens « eschatologique » (c'est-à-dire concernant la fin — en grec, «eschaton»), notamment dans les prophéties « apocalyptiques* » . Perspective inhérente au christianisme, que tend à nous rappeler, à chaque messe, le «jusqu'à ce qu'il vienne», tiré du passage où saint Paul, redisant l'institution de l'eucharistie, explique aux Corinthiens qu'elle leur a été donnée pour attendre le retour du Seigneur ().

Tant il est vrai que, si nous allons vers cette manifestation ultime et glorieuse, nous ne pouvons pas moins, dès à présent, être assurés de la présence du Christ en nous — et donc le commencement du Royaume — par la communion eucharistique, cachée mais active, transformante et orientant notre vie, comme le Christ aussi l'a promis à son Église (Mt 28,20). Être chrétien implique donc la présence à la fois accompagnante de notre « Emmanuel » au long de notre vie terrestre, et appelante à notre destinée céleste, divine, éternelle !... L'Ascension nous en est le gage même: et de l'omniprésence du Christ, et de la « promotion » qui nous est assurée par elle : « Christi ascensio, nostra provectio est » (i.kon le grand, Premier S. pour cette fête, SC 74, p. 138).

Léon le grand : Début du S. de Ascensione (pls 3, 337) — Quand le Christ monte au ciel et qu'il est soustrait à nos regards, nos yeux souffrent d'une sorte de frustration parce qu'ils ne voient pas celui qu'ils cherchent. Comme le dit le prophète : « Mes yeux ont défailli tandis que je cherche Dieu. » Les yeux du prophète, en effet, ont défailli parce qu’il ne voyait pas encore celui dont il espérait la venue. C'est de manière analogue que les yeux des Apôtres défaillirent eux aussi: ils ne pouvaient pas suivre du regard Dieu allant au ciel... Car, de tout l'élan de leur corps, les bienheureux Apôtres étaient en suspens : et, ne pouvant suivre à la course celui qui montait au ciel, ils le suivaient des yeux. La vision défaillit pour accompagner le Sauveur, mais le don plénier de la foi ne défaillit pas. Des yeux en effet, les Apôtres font cortège au Christ jusqu’à la nuée : mais par le don plénier de leur foi, ils restent ses compagnons jusqu'au ciel. C'est pourquoi l'Apôtre dit, sachant que notre foi est dans les cieux avec le Seigneur : «Notre vie véritable est dans les cieux » (Ph 3,20).

AUGUSTIN : Confessions, iv, xn, 19 (ddb 13, 440) — C'est notre Vie même qui descendit ici-bas et qui porta notre mort, et qui la tua par la richesse de sa propre vie, et clama comme un coup de tonnerre que d'ici-bas nous devions revenir à lui, dans ce secret d'où il est venu à noustout d'abord dans ce sein virginal où l'épousa l'humaine créature, la chair mortelle, afin de n'être pas à jamais mortelleet d'où, comme l'Epoux sortant de la chambre nuptiale, il bondit tel un géant pour courir la voie (Ps 19). Car il ne tarda pas, mais courut : clamant par ses dits, ses faits, sa mort, sa vie, sa descente (aux Enfers) et son Ascension, clamant que nous devions revenir à lui. Et il disparut aux yeux mortels pour que nous revenions au coeur, et que nous trouvions le Christ. Car il s'est retiré, mais est encore ici. Il ne voulut pas être longtemps avec nous, et cependant ne nous abandonna pas. Il est allé là d'où il ne s'était jamais éloigné ; car le monde a été fait par luit et il était en ce monde, et il est venu en ce monde pour sauver les pécheurs. A lui mon âme avoue ses fautes, car elle a péché contre lui. « Fils des hommes, jusqu’à quand vos coeurs appesantis » (Ps 4) ? Même après qu’est descendue la Vie, ne voulez-vous pas monter et vivre ?

Rien ne saurait mieux rendre l'adoration, la confiance, l'intimité du croyant avec le Christ ressuscité, glorieux, à la droite du Père, que les deux hymnes des vêpres et des matines de la fête de l'Office monastique (respectivement données comme du Ve et du IXe siècle :

Jésus, notre rédemption,
notre amour et notre désir :
Dieu, créateur de toutes choses,
homme, à la fin des temps.

Quelle clémence t'a vaincu
pour que toi, tu portes nos crimes,
supportant jusqu’à la mort sanglante
pour nous arracher de la mort ?

Tu franchis les portes de l'enfer,
tu reprends pour toi tes captifs,
vainqueur, tu reviens en triomphe
et t'assieds à la droite du Père.

Que ta pitié même t'incline à vaincre notre mal en pardonnant et à nous rendre bienheureux en nous rassasiant de ta face.

Sois dès aujourd'hui notre joie, toi qui seras la récompense. Que notre gloire soit en toi dans les siècles des siècles. Amen.

Dieu éternel, roi très haut, et rédempteur de tes fidèles ! Par toi la mort défaite se perd et la grâce triomphe.

Montant au tribunal
de la droite du Père,
Jésus reçoit la toute-puissance
qu’il n’avait pas humainement,

Pour que les trois ordres des choses
établies dans les cieux,
sur terre et aux enfers,
fléchissent le genou, désormais soumises.

Voyant retourné le destin des mortels, les anges tremblent. La chair a péché, et la chair rachète : Dieu règne : Dieu devenu chair.

Sois dès aujourd'hui notre joie,
toi qui possèdes l'empire du ciel,
toi qui gouvernes le monde créé
toi près de qui s'effacent les joies du monde.

Nous t'en supplions : pardonne toutes nos fautes, soulève notre coeur vers le ciel, vers toi par la grâce d'en haut.

Quand tu viendras soudain, en juge resplendissant sur la nuée, écarte les peines méritées, rends-nous les couronnes perdues.

Gloire à toi, Seigneur, qui montes plus haut que les astres avec le Père et l'Esprit Saint dans les siècles des siècles. Amen. (Brév. Mon. , I, p. 1P 642-643)


le retour à Jérusalem.


Ac 1,12 // Ez 11,23 Za 14,1-5 — Gethsémani était en bas de la colline, de l'autre côté du Cédron (aujourd'hui couvert). En haut, Jésus entre dans la gloire céleste (édifice mémorial en 365, restitué par les croisés, transformé en mosquée par les musulmans). La procession des rameaux était partie du mont des Oliviers. C'est bien, suivant la vision d'Ézé-chiel, «la montagne qui est à l'orient» de Jérusalem, sur laquelle se tient «la gloire de Yahvé » quittant la ville (comme le Christ a été mené « en dehors de la porte» pour sa crucifixion). Le parallèle Za 14,1-5 y situe symboliquement une catastrophe apocalyptique précédant la Parousie, en parallèle avec la prédiction d'Ac EN 1,11 Mais ce n'est guère que depuis le vie siècle de notre ère que l'on a identifié la « vallée de Josaphat » (nom qui signifie « du Jugement »), de Jl 4,2 et Jl 12-14, avec ce même val du Cédron. Ainsi le mont des Oliviers est-il lié au sacrifice du Rédempteur en même temps qu'à son double avènement.

distance permise : Moins d'un kilomètre.

Ac 1,13 // Gn 49,1-28Entrés dans la ville : «Ils se tenaient dans la ville », dans la charité de la nouvelle Jérusalem qui se construisit d'eux selon le modèle de cette grande cité qui est dans les cieux, « à laquelle on participe dans l'unité » (Ps 122). C'est de telles pierres et de tel ciment que l'Esprit Saint bâtissait alors la cité où Dieu serait connu et vu dans sa gloire. Et certes, on y participait à l'unité, puisque tous les fidèles n'avaient qu'un seul discours, qu'une seule pensée, sur Dieu, sur eux (JEAN DE FORD : ce cm 17, 154).

éphrem : Evangile concordant 22,1 (SC 121, p. 395) — Et comme les foules qui étaient montées pour la fête se retiraient tristement après la mort de notre Seigneur, il envoya ses bâtisseurs pour affermir leur foi défaillante, et ses robustes colonnes (Ga 2,9) pour fortifier leur esprit malade. Cette puissance, dont les foules pensaient qu’elle s'était éteinte sur la croix en même temps que son corps, elles la constatèrent dans ses disciples. Lorsqu’elles eurent vu que le nom de Jésus mis à mort ressuscitait les morts, sa mort leur parut plus grande que sa vie. Pendant sa vie il vivifiait lui-même ; mais quand on le crut mort, son nom commença à faire des merveilles au sein de la mort. Si le nom d'un mort a soumis la mort, comment celle-ci tiendrait-elle devant la puissance divine d'un vivant ?

la salle haute : Identifiée avec le « Cénacle » où Jésus avait fait préparer la Cène (Mc 14,14-15). Est-ce la même salle que celle d'Ac 12,12 ?

Liste des Apôtres : Voir BC II*, p. 209-210. À la différence des listes évangéliques (BC II, p. 132), Jean passe en second, avant Jacques ; André, par contre, ne vient qu'en quatrième.

Ac 1,14avec Marie, mère de Jésus: Seule mention dans les Actes, mais bien en place : présidant à l'Église à naître, de membres dont elle est la mère, étant celle du Seigneur. Aussi les chrétiens ont vénéré son rôle caché (mystique) : Tandis que Jésus monte, et que ses Apôtres (après lui avoir fait cortège, le regardent monter,) la Vierge vaque, dans l'école des vertus ; et elle médite dans la Loi des commandements de Dieu, pour être la forme même de la doctrine du Christ et l'exemple de la perfection pour les vierges. Elle vit avec les témoins de la sainte Résurrection, elle qui en est aussi un témoin. Elle vit avec le Sénat du ciel, à la cour du paradis, sous l’enseignement de l'Esprit Saint et le magistère de toute la majesté divine. La bienheureuse Marie se trouve la première dans les armées du souverain Roi... (paschase radbert: Lettre « Cogitis me » — pl 30, 125).

avec les frères de Jésus : C'est-à-dire de sa famille (cf. BC II*, p. 380-381). On s'accorde à penser qu'ils ont été au moins honorés dans les premiers temps de l'Eglise : cf. 1Co 9,5. Au milieu du me siècle, le diacre et martyr Conon s'en réclamait encore...

avec les femmes : Cf. BC II*, p. 354.

d'un même coeur, assidus à la prière : Concorde et piété, les deux marques de l'Église (Ac 2,42 Ac 4,32), pratiquant le double commandement de la charité envers Dieu et le prochain...


élection de Matthias.


(Ac 1,15-26, en ces jours-là: Non seulement « entre Ascension et Pentecôte », mais surtout au sens décisif et primordial (bc h*, p. 54, et table).

au milieu des frères: Désignation courante des chrétiens entre eux (Ac 11,1 Ac 12,17 14,2, etc. ), comme étant tous fils du même Dieu et Père (Ep 4,6) en Jésus-Christ (Rm 8,29) ; mais en outre, une telle appellation a l'avantage de les appeler à l'Évangile du « aimez-vous les uns les autres ».

environ cent vingt : Dix fois les Apôtres, mais toujours sous le signe des douze tribus de Jacob, englobant tous les sauvés, « dans le Principe » (Jn 1,1).

Pierre se leva : Par tempérament, il est prompt à prendre l'initiative. Mais si elle est admise d'emblée, sans discussion, c'est que Jésus lui-même avait institué Pierre à la tête (ou au fondement) de toute son Église.

Augustin : S. 295 (pl 38, 1348 s) — Le bienheureux Pierre, premier entre les Apôtres, et qui aima le Christ véhémentement, eut le bonheur de s'entendre dire : «Et moi je te dis : tu es Pierre. » Car l'Apôtre avait déclaré : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Et le Christ répond : « Et moi je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre j'édifierai mon Eglise » (Mt 16,16-18) ; sur cette pierre, j'édifierai la foi que tu confesses. Sur cette parole que tu as dite : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », j'édifierai mon Eglise. Car toi, tu es Pierre.

Pierre tient son nom de la pierre, et ce n'est pas de Pierre que la pierre tire son nom. Pierre vient de la pierre, se réfère à la pierre, comme le chrétien vient du Christ et se réfère au Christ. Ecoute Paul : « Car, frères, je ne veux pas que vous l'ignoriez: nos pères furent tous sous la nuée, tous ils traversèrent la mer, et tous, au temps de Moïse, ils furent baptisés dans la nuée et dans la mer ; et tous ils mangèrent la même nourriture spirituelle, et tous ils burent le même breuvage spirituel: car ils buvaient de la pierre spirituelle qui les accompagnait, et la pierre était le Christ » (). Voilà d'où est Pierre.

Avant sa Passion, le Seigneur Jésus, comme vous le savez, choisit et appela ses disciples, ses Apôtres. Parmi eux, presque partout, Pierre reçoit cette grâce de tenir la place, à lui seul, de toute l'Eglise. A cause de cette personne de toute l'Eglise, qu'il représentait à lui seul, il eut ce bonheur d'entendre : «A toi je donnerai les clés du Royaume des deux» (Mt 16,19). Car ces clés, ce n'est pas un seul homme mais c'est l'unité de l'Eglise qui les a reçues. Et nous célébrons la primauté de Pierre précisément parce qu'il représentait toute l'universalité et l'unité de l'Eglise quand le Seigneur lui dit: « A toi, je donnerai » ce pouvoir que, de fait, il donna à tous. Et pour bien comprendre que c'est l'Eglise qui a reçu les clés du Royaume des deux, écoutez ce que le Seigneur dit à tous les Apôtres dans un autre passage de l'Evangile : «Recevez l'Esprit Saint. Si vous remettez les péchés à quelqu'un, ils lui seront remis ; si vous les retenez, ils seront retenus » (Jn 20,22-23). Ceci relève du pouvoir des clés, dont il a été dit : « Ce que vous délierez sur la terre sera délié aussi dans le ciel, et ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel » (Mt 18,18). Mais pour que tous sachent que Pierre représentait la personne de toute l'Eglise, comparons ce qui est dit à lui seul et ce qui est dit à tous les fidèles : « Si ton frère a péché contre toi, corrige-le entre toi et lui seul ; s'il t'écoute, tu as gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres, pour que toute l'affaire soit établie sur la parole de deux ou trois témoins. S'il ne les écoute pas non plus, dis-le à l'Eglise ; et s'il n'écoute pas même l'Eglise, qu'il te soit comme un païen et un publicain. Amen je vous le dis : ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » (Mt 18,18). C'est « la colombe» (= l'Eglise) qui lie, et c'est la colombe qui délie: l'édifice fondé sur la pierre lie et délie.

C'est d'abord la force de l'Eglise qui est célébrée en Pierre, parce qu'il suivit le Seigneur allant à sa Passion ; mais une certaine infirmité de l'Église est aussi mentionnée, car, interrogé par une servante, il renia le Seigneur. Cet Apôtre, qui aimait tant le Seigneur, le renia soudain : il se retrouva lui-même, parce qu’il avait trop présumé de lui-même. Il avait déclaré, en effet : « Seigneur, j'irai avec toi jusqu'à la mort ; et s'il faut que je meure, je donne ma vie pour toi. » Et le Seigneur répondit à ce présomptueux : « Tu donneras ta vie pour moi ? En vérité je te le dis : avant le chant du coq, tu m'auras renié trois fois » (Mt 26,33-35 et Jn 13,37-38). Ce que le médecin avait prédit arriva ; ce oue le malade avait présumé ne pouvait arriver. Mais ensuite ? Voici ce qui est écrit, voici ce que dit l'Evangile : «Le Seigneur le regarda; et Pierre sortit dehors, et pleura amèrement » (Lc 22,61-62). Sortir dehors, cela veut dire ici : confesser sa faute publiquement. Il pleura amèrement, parce qu'il savait aimer. La douleur de l'amour suivit, parce que l'amertume de la douleur avait précédé.

C'est pour la même et bonne raison qu'après sa résurrection le Seigneur a confié ses brebis à Pierre nommément ; car Pierre ne fut pas le seul à paître les brebis du Seigneur : mais quand le Christ parle à un seul, c'est l'unité qui est recommandée, et confiée d'abord à Pierre parce que Pierre a la primauté parmi les Apôtres. « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Il répond : « J'aime. » Interrogé une seconde fois, il s'attriste : n'a-t-on pas confiance en lui ? Mais comment n'aurait-il pas eu confiance en lui, celui qui voyait son coeur ! Après cet instant de tristesse, Pierre répond : « Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t'aime. » Sachant tout, tu ne peux pas ignorer cela.

Ne sois pas triste, ô Apôtre ! Réponds une fois, réponds deux fois, réponds trois fois. Que ta confession soit trois fois victorieuse dans l’amour puisque ta présomption a été trois fois vaincue dans la peur. Ce que tu avais lié trois fois doit être délié trois fois. Délie par amour ce que tu avais lié par peur. Et le Seigneur confie ses brebis à Pierre une fois, deux fois, trois fois.

Ac 1,16-20 // , , Discours bien argumenté sur la défection Judas, le remplacement prévu par les Écritures, le choix à faire.

1. Le sort de Judas: Correspond à l'Évangile, à cela près que l'achat du champ «Hakeldama» y est attribué au sanhédrin* (Mt 27,3-10). Le parallèle d'Ahitophel joue à la fois sur la trahison et sur le dépit suicidaire devant l'inutilité et la perversité d'une action inconsidérée. Le parallèle Sg 4,19-20 correspond à la réprobation universelle que rappelle Ac 1,19. Le parallèle Ps 69 prophétise la douleur du Christ devant la trahison de son Apôtre, qu'il s'était choisi (Jn 15,16 — en // à Ac 1,2), et qui a « guidé » ses ennemis jusqu'à Gethsémani.

2. Il est nécessaire : Comme le « Il faut » du Christ dans l'Évangile (bc n*, table). Que s'accomplisse l'Ecriture: cf. bc n*, table. La bouche de David: Selon l'autorité de la prophétie du psaume de David (tertullien : ccl 1, 201).

Ac 1,20 — Imprécations plus complètes en Ps 69,23-29 et 109,6-15. En parallèle seulement l'essentiel du motif de la plainte et des terribles conséquences de cette défection (Ps 69,21), pour le Christ d'abord (Ps 69,27), et pour le traître non repenti.

Comme pour Jonas, la désertion n'a pas empêché le dessein divin de s'accomplir, et la trahison même y servira comme malgré elle. Mais malheur à qui ne remplit pas sa mission. Car toute grâce implique un risque, parce qu’elle exige une fidélité et attend une réponse. Celui qui ne répond pas à l'élection, celui qui trahit est condamné... Aucune page du n.t. n'inspire autant d'horreur que celle de la mort de Judas. A la grandeur de l'élection répond la gravité de la réprobation. Ces paroles de Pierre sont de celles avec lesquelles on ne plaisante pas : nous n'osons pas dire qu’elles affirment la condamnation éternelle de Judas, mais elles exigent au moins que l'on considère le mystère avec crainte. C'est, par contraste, un puissant appel à la réponse décisive, fidèle, généreuse qu'exige notre vocation (d. barsotti).

Habitation... un désert: Dont ce champ est le terrible symbole; qu'un Satan se tienne à sa droite : pour l'accuser, Satan signifiant «l'Accusateur» (bc n*, p. 156*). Mais ce Ps 109 se termine sur l'assurance que Dieu lui-même se fera le Défenseur « à la droite du pauvre » — comme le rappelle ce nom de « Paraclet» donné au Saint-Esprit (bc n*, p. 663-664). Car Dieu est amour, n'est qu'amour, et le Christ n'a pas été envoyé pour condamner mais pour sauver (Jn 3,17). La haine vient de l'homme, non de Dieu, qui est le bien et ne nous veut que le bien.

Qu'un autre prenne sa charge (// Ps 109) : Sur ce verset tenu pour prophétique (Ac 1,16) s'appuie Pierre. On l'étendra par la suite à Israël tout entier qui, faute d'avoir accueilli son Messie, donnera part d'héritage et d'Alliance à tous les autres hommes qui voudront bien y entrer (Rm 9-11*).

rupert de deutz : OEuvres du Saint-Esprit, iv, 1 (SC 165, p. 126) — Pierre a réuni deux témoignages, l'un, au singulier, du Ps 109: «Sa charge, qu'un autre la prenne » ; l'autre, au pluriel, du Ps 69 : « que leur habitation devienne un désert ». Or il avait commencé par un thème au singulier : « ... au sujet de Judas », mais avait dès lors ajouté ce pluriel : « qui se fit le guide de ceux qui arrêtèrent Jésus ». Que devinons-nous donc dans ces paroles, sinon la lumière de l'intelligence qui se lève au coeur des Apôtres ? Car elles signifient que Judas et les malheureux Juifs impliqués dans le même crime furent condamnés au même châtiment. Comment ? Voici : ce qui arrivait au seul Judas, à savoir qu'un second reçût sa charge, arriverait également aux Juifs : l'habitation de leur office deviendrait déserte ; et le vrai office, le vrai et éternel sacerdoce, c'est le second peuple, le peuple des Gentils, qui le recevrait.

Ce qu'il faut entendre par cette « intelligence des Ecritures » spécialement conférée par le Christ à ses Apôtres (Lc 24,45 Jn 20,22), et dont Pierre use ici pour la première fois, Rupert le définit un peu plus loin : c'est un des sept dons du Saint-Esprit (Is 11,2), une faculté de grâce par laquelle, sans le magistère humain, les paroles divines se font entendre à l'intérieur, et sont perçues dans leur vrai sens... (de sorte que l'on soit) instruit «non de l'homme ni par l'homme » mais par une inspiration secrète qui est la vraie et propre vertu de cet esprit d'intelligence (ibid., iv, 3 — SC 165, p. 130-132; voir Psautier chrétien, m, p. 114-115).

Ac 1,21-22 // Lc 8,1 Lc 22,28-30Conclusion , Le choix à faire. Encore le « Il faut... ». Conditions pour être Apôtre, au sens premier de ce mot: avoir été compagnon de vie permanent de Jésus lié à lui en une communauté de destin: « Allons avec lui, pour mourir avec lui » (Jn 11,16). Le parallèle Rt 1,16-19 est un bel exemple cette fidélité totale.

entré et sorti parmi nous : Hébraïsme synthétisant toutes les actions de la vie par les plus extérieures (cf. Nb Nb 27,17 Dt 31,2 Ac 9,28). Le Christ lui-même avait ainsi caractérisé la conduite du bon Pasteur pour mener ses brebis à la vie (Jn 10,3-4 Jn 10,9).

Ac 1,22 // Lc 16,16 — Le baptême n'est pas seulement le commencement du ministère ; mais la colombe envoyée sur Jésus par le Père, explicitée par la voix divine : « Tu es mon Fils, le bien-aimé : en toi mon amour est parfait » (Lc 3,22), habilitent le Christ à la mission que les Apôtres auront à mettre en oeuvre (bc n*, p. 137-141). C'est donc bien la césure entre la première et la nouvelle Alliance : // Lc 16,16. jusque... enlevé: Verbe de l'Ascension (Ac 1,2 Ac 1,11).

l'un... devienne avec nous: Ils se confirment mutuellement, formant le «collège apostolique», au nombre symbolique des Douze. Comme dit origÈne (SC 71, p. 452): Il manquait un Apôtre au nombre des Apôtres; d'où «la nécessité » de remplacer Judas par « l'un de ceux » qui remplissent la condition susdite.

témoin... de sa résurrection : Tel est donc l'essentiel de la mission apostolique : témoigner (au besoin jusqu'au martyre) : Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger (pascal : Pensées, L. 421) ; de tout le ministère du Christ, mais avant tout du grand miracle confirmant sa véracité. Tout le reste avait été manifesté et proclamé. Tandis que la résurrection s'était accomplie dans le secret, elle n'était manifeste que pour quelques-uns (chrysosïoyii : Hom. sur Ac, u, 1457).

C'est ce que nous les verrons faire dans leur prédication (Ac 2,24-32* ; 3,15 ; 4,20.33 ; 8,25 ; 10,39-42* ; 13,30-31, etc.) et leurs épîtres, comme plus fondamentalement encore en écrivant les quatre Évangiles :

IRenée : Adv. Hoen, m. 1, 1 (SC 211, p. 20) — Le Seigneur de tous a donné à ses Apôtres la puissance de l'Évangile ; c'est par eux que nous connaissons la vérité, c'est-à-dire l’enseignement du Fils de Dieu. Et le Seigneur leur a dit: « Qui vous écoute m'écoute, et qui vous méprise me méprise et méprise Celui qui m'a envoyé. » En effet, nous n'avons connu l'économie de notre salut par nul autre que par ces Apôtres du Seigneur, de qui l'Évangile est venu jusqu'à nous: ce qu'ils ont commencé par prêcher, ils nous l'ont ensuite, selon la volonté de Dieu, transmis dans les Ecritures, pour que ce soit le fondement et la colonne de notre foi.

Et il n'est pas permis de dire qu'ils aient prêché avant d'avoir une connaissance parfaite - comme certains osent le prétendre, se vantant de corriger les Apôtres. Car, après que notre Seigneur fut ressuscité d'entre les morts, ils revêtirent « une vertu d'en haut » par la survenue de l'Esprit Saint ; ils furent remplis de tous les dons et eurent une parfaite connaissance. Ils partirent pour les extrémités de la terre, proclamant la bonne nouvelle des biens qui nous ont été donnés par Dieu et annonçant aux hommes la paix du ciel, tous et chacun d'entre eux ayant également l'Evangile de Dieu.

Ainsi, Matthieu, chez les Hébreux, publia l'Evangile écrit dans leur langue, pendant que Pierre et Paul évangélisaient et fondaient l'Eglise de Rome. Après leur mort, Marc, disciple et interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce qui avait été prêché par Pierre. Et Luc, compagnon de Paul, recueillit dans un livre l'Evangile que prêchait Paul. Ensuite Jean, disciple du Seigneur, celui-là même qui reposa sur sa poitrine, publia lui aussi un Evangile quand il demeurait à Ephèse d'Asie.

Ac 1,23-26Joseph dit Barsabbas : Ne se retrouve pas ailleurs dans le n.t. D'après Papias et Eusèbe, il aurait été des soixante-dix disciples (Lc 10,1). Mais il y a un autre « Barsabbas » ; c'est Jude, envoyé avec Silas pour communiquer les décrets du concile de Jérusalem (Ac 15,22-29). Justus : Surnom fréquent chez les Juifs et les prosélytes.

Matthias : Forme abrégée de Mattathias (« don de Dieu ») (cf. 1M s ; 11,70 ; 14,29 ; 16,14 ; ).

Ce n’est pas Pierre qui les a présentés, mais tous les assistants. Quant à lui, il a fait une proposition en montrant qu’elle ne venait pas de lui, mais qu'elle remontait à une prophétie. Il s'est conduit comme un interprète, non comme un maître (chrysostomk : ibid., lj, 1457).

Ac 1,24-25 // — Ils ne disent pas « Choisis », mais « Montre-nous celui que tu as choisi », car ils savent que Dieu connaît les élus de toujours (éternellement) (chrysostome : ibid).

origène : Hom. sur Josué, 23,1 (SC 71, p. 452-456) — Dans la coutume des hommes, lorsqu'on tire au sort, il semble que telle ou telle part tombe sur l'un ou l'autre par hasard; mais dans la sainte Ecriture il n'en est pas ainsi. Commençons par le Lévitique : « Ils jetteront deux sorts : un pour le Seigneur, un pour le bouc émissaire» (16,8-15). Puis Moïse a donné leurs parts aux tribus de Ruben, de Gad et à la demi-tribu de Manassé, par le sort (Jos 13,15-31)... Et encore Josué, sur l'ordre du Seigneur, tira au sort les parts de Caleb, des tribus de Juda et d'Ephrdim, de l'autre demi-tribu de Manassé. Après quoi il réunit l'assemblée des fus d'Israël et leur dit : « Je jetterai le sort en présence du Seigneur, si d'abord vous m'apportez un relevé du pays» (Jos 18,1 Jos 18,4-6). Les sorts furent jetés, et l'héritage fut distribué au peuple de Dieu, non au hasard, mais selon que Dieu le lui avait destiné d'avance... Dans le Nouveau Testament, les Apôtres — qui, certes, étaient encore beaucoup plus sages que ceux qui ordonnent maintenant les évêques, les prêtres et les diacresne se permirent pas de juger comme ils l'entendaient ; mais, dit l'Ecriture, ils prièrent, et jetèrent le sort entre deux qu’ils présentaient devant Dieu. Puisqu’ils avaient commencé par prier, ce n’était pas par hasard mais par providence que le sort déclarait le jugement divin (// Pr 16,33*)... Leur exemple nous prouve que, si l'on emploie les sorts avec une foi entière et après avoir prié, le sort déclare aux hommes, en pleine lumière, ce que la volonté de Dieu contient dans le secret.

Ac 1,26 // — Si élection signifie choix, le tirage au sort laissait Dieu libre de choisir lui-même son douzième Apôtre (Jn 15,16)... Et pour montrer qu'il restait entièrement libre, même après cette élection, Matthias n'est plus nommé par la suite, tandis que le Christ se suscite un treizième à la douzaine, en cet « avorton » du persécuteur converti en «Apôtre des païens» (Ac 9). Oui ! célébrons l'élection gratuite de Dieu sur chacun de nous, et notre héritage qui est toujours «la meilleure part», puisque c'est Dieu qui se donne à nous (// Ps 16,5-6 — dont la finale est citée par Pierre à la Pentecôte : Ac 2,25-31).

En Pr 16,33, «décision» traduit, pour plus de clarté, le mot hébreu qui veut dire «jugement», mais au sens divin où celui-ci est décisif.


Bible chrétienne Actes 1