Bible chrétienne Actes 2

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§ 2. LA PENTECÔTE : Ac 2,1-47


Ac 2,1 // Lv 23,10 Lv 23,15-17 Ex 19,16-20 He 12,18-24 He 12,28-29 La Pentecôte, c'est-à-dire «le cinquantième jour», était la fête la moisson (Ex 23,16), comme Pâques était celle des azymes, et les Tentes celle la récolte d'automne (// Lv 23 ; cf. Ex 23,14-17 ; Dt 16). Mais on y commémorait surtout l'Alliance du Sinaï et le don de la Loi, mise en parallèle avec la nouvelle Alliance dès l'épître aux , et comme la première Pâque — d'où le levain était exclu — préfigurait la pureté du sacrifice pascal du Christ, l'offrande des «deux pains cuits avec du levain» (// Lv 23,17) faisait « symbole des Juifs et des Gentils appelés à former un seul corps en Christ , 1Co EN 12,13 12,13 ; Ep 2,16 » (alexander, p. 33).

léon le grand : S. 75, 1 (PL 54, 400 ; SC 74, p. 143) — Ce jour contient les grands mystères de l'ancienne et de la nouvelle Alliance, proclamant de manière très claire que la grâce fut annoncée par la Loi, et que la Loi fut accomplie par la grâce. De même en effet que le peuple hébreu reçut la Loi au mont Sinaï le cinquantième jour après l'immolation de l'agneau, ainsi, après la Passion dans laquelle fut immolé le véritable Agneau de Dieu, le cinquantième jour à compter de sa résurrection, l'Esprit Saint descendit sur les Apôtres et sur le peuple des croyants pour faire comprendre aux chrétiens que les éléments de l'Ancien Testament furent les serviteurs des principes évangé-liques, et que la seconde Alliance a été fondée par le même Esprit qui avait institué la première.

Mais la Pentecôte n'est pas moins liée à l'Ascension du Christ, suivant Jn 16,7 ; 7,39. Dix jours seulement après qu'il est entré dans la gloire divine, il tient sa promesse d'envoyer « l'autre Paraclet » (Jn 14,16* en bcii*, p. 663 s ; 15,26).

l. bouyer : Le Père invisible, p. 207-208 — Dès la prédication et le ministère de Jésus, il n'est pas douteux que l'Esprit de Dieu, dans sa donation aux hommes, en la plus étroite liaison avec Jésus et son oeuvre, mais bien distinct de lui néanmoins, apparaît dans un relief qu'on ne lui trouvait pas sous l’A.T... Quand nous considérons à quel point la conviction était générale autour de luiles documents de Qumrân ne nous laissent aucun douteque les temps eschatologiques* seraient inaugurés par une diffusion universelle de l'Esprit, nous ne pouvons hésiter sur le fait que celle-ci, survenant dès les lendemains de la résurrection, ait été vue comme le sceau définitif de sa propre mission. Comme Newman devait le dire, c'est une conviction caractéristique de tous les auteurs du n.t. : l'entrée de Jésus dans sa gloire, sa « montée » vers le Père, et la «descente» de l'Esprit sont apparues d'emblée comme deux aspects complémentaires d'un seul événement sauveur.

Ce n'est pourtant pas assez dire. On a très justement remarqué dans l'Evangile de Luc comme un élément archaïque en liaison avec ce qui remplit les Actes des Apôtres, ce qu’on a pu appeler une christologie antérieure à toutes les christologies: la simple certitude que Jésus, «rempli de l'Esprit» comme aucun prophète ne l'avait été, dès sa vie terrestre était apparu comme celui qui déclenchait cette expansion de l'Esprit, ou, pour mieux dire, à partir duquel elle rayonnait... Ce n'est pas en vain que les premières paroles de la lecture biblique que Luc fait lire à Jésus en public dans la synagogue de Nazareth soient : « L'Esprit du Seigneur est sur moi... » et son commentaire : « La parole que vous venez d'entendre est accomplie aujourd'hui parmi vous » (Lc 4).

jean de ford : S. sur le Cantique, 18, 6 (ce cm 17, 160) — Avant que Jésus ne fût glorifié, l'Esprit Saint ne pouvait être répandu dans toute la terre avec une telle amplitude, car cette très large effusion est elle-même la principale glorification de Jésus, aussi bien dans le ciel que sur la terre. C'est en toute vérité qu’il monte vers son Père et notre Père ; et sans conteste, il est, par rapport à son Père, co-omniprésent, coéternel, lui qui promet et tient sa promesse, répandant l'Esprit Saint Paraclet sur les fils d'adoption. Vraiment, c'est lui qui est le Christ de Dieu, son Elu, oint de l'Esprit Saint avec plénitude, et pouvant oindre de l'Esprit Saint tous ceux qu'il veut, quand il veut.

Ô gloire éminente de Jésus ! L'Esprit Saint est donné par luiet sans lui il ne peut être donné ni reçu par personne...

maxime de turin : S. 49 (pl 57, 633) — (Le Verbe et l'Esprit) se parlent l'un à l'autre, s'envoient l'un l'autre (en mission) , s'obéissent l'un à l'autre, car il n'y a en eux ni vouloir ni pouvoir qui soient différents ; et avec le Père ils réalisent toujours un seul mystère, pour que les mortels deviennent éternels : « Il vous est bon que je m'en aille » (Jn 16). Admirable économie de notre salut ! Comme il nous fut bon que le Christ vînt du ciel, il vous sera bon qu’il y revienne. Il fut bon qu’il vînt, afin de donner son sang pour nous ; il fut tout aussi bon qu’il revînt au ciel, afin de nous donner son Esprit.

Ac 2,2 // Ex 19,16-20 — Tout dit la véhémence de l'Esprit , tout à coup, grand bruit, irruption, violent. « Pratiquement irrésistible» (trad. Delebecque). Car s'il s'agit d'un événement éclatant, qui doit frapper les esprits (v. 6) et rester notoire, on est loin des phénomènes cosmiques préludant à l'Alliance du Sinaï: l'Esprit sait être aussi la discrétion même, comme il le fut pour le renouvellement de l'Alliance au début du ministère d'Elie (// 1R 19); comme il l'est d'ordinaire en notre humble cheminement spirituel: À mesure que s'accomplissent les promesses divines, les signes extérieurs deviennent plus simples. Plus le don est grand, moins l'événement frappe les regards ; extérieurement, il apparaît pauvre et humble (d. barsotti).

un souffle : On sait qu'en hébreu, en grec ou en latin, « rouah », « pneuma » ou « spiritus » jouent sur le symbole « souffle-esprit», provenant du fait qu'à la mort la séparation de l'âme et du corps se dit « rendre son dernier souffle ». À quoi s'ajoute l'impondérable fluidité du vent, par opposition à la matérialité du terrestre (// Jn 3,8). Voir vtb et dnt.

En manière d'introduction au rôle prépondérant de l'Esprit Saint dans les Actes, groupons quelques textes :

irénée: Adv Hoer., m, 17, 1-4 (SC 211, p. 328 s) — Les Apôtres ont dit exactement ce qui était vrai : à savoir que l'Esprit de Dieu descendit sur Jésus comme une colombe (Mt 3,16) — le même Esprit dont Isaïe avait annoncé : « L'Esprit de Dieu reposera sur lui » (11,2), et encore : « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint» (Is 61,1 Lc 4,18) — , cet Esprit dont le Seigneur promet : « Ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit de votre Père qui parlera en vous» (Mt 10,20). Et en donnant à ses disciples le pouvoir d'être ministres de la nouvelle naissance en Dieu, il leur disait : «Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28,19).

C'est le même Esprit qu'il avait promis par les prophètes de répandre dans les derniers temps sur ses serviteurs et sur ses servantes pour leur iccorder le don de prophétie (Jl 3,1-2). Et cet Esprit descendit donc au Jourdain, sur le Fils de Dieu devenu Fils de l'homme: avec lui il s'habituait à habiter dans le genre humain, à se reposer (Is 11,2) dans les hommes, à habiter zette créature façonnée par Dieu, opérant dans les hommes la volonté du Père H les renouvelant pour les faire passer de la vieillesse (du monde déchu) à la nouveauté du Christ.

Cet Esprit, David le demande pour le genre humain en disant : « Con-îrme-moi de l'Esprit souverain » (Ps 51,14). De cet Esprit, Luc écrit qu'après l’Ascension du Seigneur il descendit sur les disciples le jour de la Pentecôte, ayant pouvoir de faire entrer tous les Gentils dans la vie et de leur ouvrir la nouvelle Alliance : aussi toutes les langues chantaient-elles d'un seul souffle une hymne à Dieu, l'Esprit rassemblant alors dans l'unité les peuples les plus distants, et offrant au Père les prémices de toutes les nations. Et le Seigneur avait aussi promis d'envoyer le Paraclet qui nous adapterait à Dieu.

De même en effet qu’avec les grains de blé il faut de l'eau pour faire une pâte ou un pain entier, ainsi, nombreux comme nous sommes, nous ne pouvions devenir un dans le Christ Jésus (Rm 12,5 s) sans l'eau qui est du ciel. Et de même qu'une terre desséchée, si elle ne reçoit pas d'eau, ne porte pas de fruit, ainsi nous, qui étions d'abord du bois sec (Lc 23,31), nous n'aurions jamais porté de fruit de vie si la pluie volontaire (Ps 68,10) n'était venue d'en haut.

Nos corps, donc, par le bain du baptême, et nos âmes, par l'Esprit, ont reçu l'unité (dans le corps du Christ) qui leur assure l'incorruptibilité. Esprit et eau sont nécessaires puisque l'un et l'autre collaborent à la vie de Dieu (en nous) : notre Seigneur a eu pitié de cette Samaritaine pécheresse (figure de toute l'humanité) qui ne s'en est pas tenue à un seul homme, mais s'est prostituée en de multiples noces : il lui montre et lui promet l'eau vive, afin qu'à l'avenir elle n'ait plus soif et ne passe plus son temps à chercher l'eau laborieusement, car elle possédera en elle le breuvage qui jaillit pour la vie éternelle (Jn 4,14). Ce don, le Seigneur le recevant du Père l'a lui-même accordé à ceux qui ont part avec lui quand il a envoyé l'Esprit Saint sur la terre entière.

La grâce de ce don, Gédéon la voyait d'avance quand son acte prophétique annonça que d'abord sur la toison seulefigure du peuple d'Israël — puis sur toute la terre descendrait la rosée qui est l'Esprit de Dieu: celui-là même qui descendit sur le Seigneur (Is 11,2), et celui-là même qu'à son tour il a donné à l'Eglise, envoyant des deux le Paraclet sur toute la terre, où le diable est tombé comme un éclair (Lc 10,18).

La rosée de Dieu nous est donc nécessaire pour que nous ne soyons pas brûlés ni rendus stériles, et que là même où nous avons un Accusateur (Ap 12,10), nous ayons aussi un Avocat (Paraclet). Car le Seigneur confie à son Esprit Saint l'homme, créature de Dieu, qui était tombé aux mains des brigands, mais dont lui, le Seigneur, a eu pitié, bandant ses plaies et donnant deux deniers, afin que par l'Esprit nous recevions l'effigie et l'inscription du Père et du Fils, et que nous fassions fructifier ce denier confié, et le rendions multiplié au Seigneur.

rupert de deutz : OEuvres du Saint-Esprit (SC 131, p. 65) — Nous croyons et confessons que le Saint-Esprit est vrai Dieu et Seigneur, consubstantiel et coéternel au Père et au Fils ; c'est-à-dire qu'il est en tout selon la substance ce que sont le Père et le Fils, mais qu'il n'est pas, selon la personne, le même que le Père et le Fils. De même en effet qu’autre est la personne du Père et autre celle du Fils, autre est également la personne du Saint-Esprit ; tandis que la divinité, la gloire, la majesté qui appartiennent au Père et au Fils appartiennent identiquement au Saint-Esprit.

Pour distinguer les propriétés des personnes du Fils ou de cet Esprit Saint en leur appliquant également des vocables différents, nous disons d'une part que le Fils est le Verbe du Père ou sa Raison (Logos) : non un verbe attribué ou une raison prêtée, mais le Verbe substantiel, la raison qui vit substantiellement et éternellement ; et nous disons de même que le Saint-Esprit est la charité ou l'amour du Père et du Fils : non une charité accidentelle ou un amour adventice, mais la charité substantielle, l'amour qui persévère éternellement, et il remplit toute la maison : C'est le propre de Dieu que de tout remplir, puisqu'il est plénitude (Ep 1,23 Ep 4,10). Déjà dans la vision d'Isaïe (6,1). Voir à Ac 2,4*, Rupert de Deutz.

Ac 2,3 // Ps 29,4-8 — Après le signe auditif, le signe visuel. Le feu, symbole du Dieu à la fois attirant et redoutable (// He 12,29 — qui est une citation de l'a.t. : Dt 4,24 Is 33,14 cf. le Buisson ardent, Ex 3) ; mais c'est aussi le symbole de l'ardeur, donc de l'amour (Ct 8,6) ; et en vertu de ce double rapport à Dieu et à l'amour, le feu conclut l'Alliance de Dieu avec les hommes (qui n'est rien d'autre que l'amour tenant compte de la liberté du partenaire) :

// Gn 15,17 Gn 15, à la différence des corps, soumis à la pesanteur, le feu monte (voir plus bas Augustin). À tous ces titres, le feu convient au Saint-Esprit (cf. vtb). Or, de même que le fer, plongé dans le feu, devient lui-même incandescent, ainsi l'Esprit Saint communique l'amour de Dieu, et avec lui, le besoin d'aimer, de se donner soi-même, et d'obéir non seulement aux commandements, mais à tout ce qui peut « plaire à Dieu* ».

Grégoire le grand: Hom. 30 in Ev., 1-2 (pl 76, 1220) — Aujourd'hui, (jour de la Pentecôte,) l’Esprit Saint vint sur les disciples avec un fracas soudain. Il changea en son amour les esprits d'hommes charnels ; et tandis que des langues de feu apparaissaient au-dehors, les coeurs intérieurs s'enflammèrent... Car l'Esprit Saint lui-même est amour, et c'est pourquoi Jean a dit : « Dieu est amour. » Et comme nul ne pourrait aimer Dieu s'il ne possédait déjà celui qu'il aime, l'homme qui, d'un esprit intègre, désire Dieu possède déjà celui qu’il aime.

Cependant vous avez entendu ce qu'a dit la Vérité: «Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole » (Jn 14,23). Donc, pour prouver l'amour, il faut montrer l'oeuvre. Et c'est pourquoi le même Jean dit dans sa première épître : « Quiconque dit : < J'aime Dieu > et ne garde pas ses commandements est un menteur. »

Des langues comme de feu... qui se divisèrent (cf. Il Ps 29,7, «flammes de feu ») : Symbole plus précis du « don des langues » (v. 4-11) ; dans les langages les plus divers de la terre habitée d'alors, mais à partir d'un seul et même Esprit inspirant une même croyance et louange à toute l'Eglise (v. 11*).

Ac 2,4 // Ps 104,28 Ps 104,30-33 ils furent tous remplis du Saint-Esprit: Expression courante dans les Actes: Ps 4,8 Ps 4,31 Ps 6,3 Ps 6,5 Ps 6,8 Ps 7,55 Ps 9,17 Ps 11,24 Ps 13,9 Ps 13,52 Ps 13, déjà Ac 2,2b*. Car, «de sa plénitude nous avons tous reçu» , quand Dieu comble, ce ne peut être que « sans mesure », lui qui est au-delà de toute mesure ! Mais Dieu est, il agit à un niveau si profond que sa plénitude est aussi au-delà de toute conscience humaine: dans cette vie terrestre, nous sommes sûrs d'en bénéficier ; mais notre certitude découle avant tout de la foi (voir la fin du premier paragraphe du texte précédent), sans que nous puissions toujours le sentir, car tout se passe au fond de nous-mêmes, plutôt qu'à cette périphérie de notre être que seule atteint notre conscience (deuxième paragraphe du texte suivant).

rupert de deutz: OEuvres du Saint-Esprit, i, 25 (SC 131, p. 144-146) — « Or Jésus rempli du Saint-Esprit revint du Jourdain »... Est-ce donc seulement à partir de cette heure ? Dès le sein de la Vierge, n'avait-il pas été conçu du Saint-Esprit ? Non, il ne resta pas à la porte alors qu’il formait ce corps sacré, le Dieu incirconscrit, l'Esprit de Dieu ; et quand il l'eut une fois créé, il ne lui arriva jamais d'en sortir... Comment donc l'Ecriture dit-elle pour la première fois qu’il est rempli du Saint-Esprit alors qu’il revient du Jourdain ? — Simplement parce que le Saint-Esprit qui, jusqu'ici, se tenait à l'intérieur, commence à se montrer: du festin de l'âme il vient au service du corps, de la puissance il vient à l'acte, du repos intime au ministère extérieur...

Chapitre 26 : Bien plus, j'affirme que remplir n’importe quel homme au coeur étroit n'appartient qu'à Dieu. Disons-le clairement : pénétrer substantiellement l'esprit de l'homme n'appartient qu'à Dieu. Un esprit créé ne peut entrer dans un esprit créé, l'esprit angélique dans l'esprit humain, ni l'esprit humain dans l'esprit angélique (même en cas de «possession », le démon n'a pas accès à la substance même de l'esprit humain) . Au contraire, le Saint-Esprit entre substantiellement dans la substance de l'âme; d'une manière ineffable, il la remplit en la dilatant, et la remplissant la dilate. C'est substantiellement qu'il habite en elle et s'y promène...

Augustin : Confessions, xm, ix, 10 (ddb 14, 338-340) — Dans ce don de toi, nous nous reposons : là, de toi, nous jouissons ; notre repos est notre lieu. L'amour nous y élève, et ton Esprit, qui est bon, exalte notre humilité, des portes de la mort. Cette volonté bienveillante est notre paix.

Le feu tend vers le haut, la pierre vers le bas : ils sont menés par leur poids, ils s'en vont à leur lieu... Mon poids, c'est mon amour (pondus meum amor meus) ; par lui je suis porté, où qu’il m'emporte ! Le don de toi nous enflamme et nous porte en haut ; son ardeur brûle en nous, et nous allons, « les montées dans le coeur » (Ps 84)..., « vers la paix de Jérusalem, vers la maison du Seigneur» (Ps 122). Là (Ps 87) nous réunira la volonté divine en sa bienveillance, de sorte que nous ne voulions plus autre chose que demeurer « là » pour l'éternité.

Plénitude et quiétude (voir « repos* » : BC II* et m*, table) vont de pair, grâce à l'Esprit Saint, pour les hommes comme dans la Trinité sainte...

Ces versets 1 à 4 ne sont pas seulement le récit d'un événement passé : Ils nous révèlent un mystère qui est toujours actuel. La vie de l'Eglise est « l'épiclèse », la venue et l'effusion de l'Esprit Saint. Cet événement n'est jamais passé : il vient continuellement, et il demeure... Ce don crée l'unité^mais en quelque manière la suppose aussi : les disciples sont réunis (v. 1). Etre unis, ce fut la condition pour que l'Esprit descende sur eux, et fasse d'eux les instruments de son opération (d. barsotti).

Ac 2,5-11 // Gn 15,17-21 Gn 11,5-9 — Dès qu'il y a vent de surnaturel, accourent les foules, aujourd'hui comme toujours , on le constate au moindre bruit qui court d'une «apparition». Cela peut être révélateur du besoin, souvent inconscient à soi-même, que l'homme a de trouver le divin ; mais cela peut aussi donner cours au goût dangereux du sensationnel. D'où vient qu'on se passionne davantage pour la troisième partie du secret de Fatima que de tout le reste du message qu'il serait bien plus important et urgent d'entendre, puisque c'est l'essentiel de l'Évangile...

Parthes... Romains, Juifs et prosélytes : L'énumération n'est pas seulement géographique (avec omission des Grecs) ; elle joint aux Juifs, jusque-là seul peuple élu, les prosélytes qui viennent des « Gentils » (non juifs ou non chrétiens). Dès Pa.t., ils pouvaient être agrégés à Israël en recevant la circoncision et en pratiquant la Loi (cf. M. du buit, dans « Catholicisme », xn, 34-38, art. « Prosélytes »). Mais bientôt les Actes étendront ce titre de prosélyte aux simples «craignant Dieu» (Ac 13,16 Ac 13,26) et «adorateurs» (Ac 17,4 Ac 17,17), prêts à bien accueillir la Parole (Ac 13,43 Ac 13,46). Le centurion Corneille est de ceux-là (Ac 10). «Nicolas d'Antioche, un prosélyte,» sera l'un des premiers diacres (Ac 6,5). Donc, leur présence à la Pentecôte annonce la catholicité de l'Église chrétienne.

JÉRÔME : Sur Isaïe, xvn, 60, 4 (pl 24, 589) — « Lève les yeux, regarde tout autour: tout ce rassemblement est venu pour toi. Tes fils viennent de loin... » (Is 60). Ces paroles s'adressent à l'Eglise, qui d'abord fut rassemblée en Sion par les Apôtres (le Cénacle étant sur le mont Sion) ; et nous lisons dans les Actes des Apôtres que des hommes religieux (les prosélytes) se trouvaient à Jérusalem qui reçurent la parole de Dieu. Le prophète invite : « Lève les yeux, regarde tout autour» — dans un sens analogue, le Seigneur avait dit aux Apôtres : « Levez les yeux et voyez que les blés sont déjà prêts pour la moisson » (Jn 4,35). Car c'est bien de Sion, et non du mont Sinaï, que vient la Loi : c'est de Jérusalem que vient la parole du Seigneur. On lui ordonne donc de lever les yeux pour voir ses fils rassemblés, ses fils qui viennent de loin. Ailleurs l'Ecriture dit encore : « Réjouis-toi, fille de Sion ! Proclame bien haut, fille de Jérusalem : < Voici que moi, je serai leur Dieu > » (So 3,14). Nous sommes les fils venus de loin vers le Seigneur, jadis étrangers à l'Alliance de Dieu et à ses promesses, sans espérance, sans Dieu dans le monde. Mais que dit l'Apôtre ? « Vous qui étiez loin, vous êtes maintenant devenus proches » (Ep 2,12-13).

maxime le confesseur (attribué à saint Augustin) : S. 231 (pl 39, 2171) — L'Église est cette reine qui vient d'Ethiopie pour entendre la sagesse de Salo-mon (), comme le dit l'Évangile lui-même (Lc 11,31). Mais l'Eglise vient moins d'une région que de tous les pays du monde — circumdata varietate (Ps 45,14) — elle qui devait engendrer des rois (ibid.). L'Eglise vint à son Rédempteur et à son Docteur, pour abandonner les folies de l'erreur et recevoir la doctrine de vérité. L'histoire des rois dit avec plus de détails : « Et la reine de Saba, étant entrée à Jérusalem avec nombreux cortège et grandes richesses, vint à Salomon et lui dit tout ce qu’elle avait dans le coeur. » Sous la figure de cette reine, c'est donc l'Eglise qui vint de chez les Gentils, et des extrémités du monde... pour entendre la sagesse de Salomon, c'est-à-dire du vrai Pacifique, notre Seigneur Jésus-Christ... Quittant ses superstitions antiques et profanes, elle vint écouter et apprendre la doctrine sur la lumière de la foi et le jugement futur, sur l'immortalité de l'âme, l'espérance de la résurrection et de la gloire. Elle vint à Jérusalem avec grand cortège, c’est-à-dire non seulement avec le peuple juif, mais avec les races du monde entier. « Et elle dit au roi tout ce qu’elle avait dans le coeur », c’est-à-dire qu’elle lui ouvrit son coeur, lui manifesta les secrets de sa conscience, confessa ses fautes et fit pénitence.

Le miracle des langues est clairement indiqué : c'est davantage qu'une simple manifestation de «glossolalie» (ou «parler en langue» indécise), telle qu'on la trouve en Nb 11,25-29 ; 1S 10,5-6 ; 1R 22,10 ; et dans le n.t. : Ac 10,46 ; 19,6 et 1Co 12-14. Cette fois, chacun entend les disciples parler « dans sa propre langue », et elles sont des plus diverses.

L'Esprit Saint reçu à la Pentecôte, dit m. a. chevallier, est « un souffle qui fait parler», non seulement « en langues* », mais dans la prédication ordinaire. C'est «un souffle missionnaire». «L'Eglise n'a pas reçu le souffle de Dieu pour autre chose que pour témoigner... L'Église et la mission ne font qu'un par le souffle » (Souffle de Dieu, 1, p. 1P 184 et 224). Puisque les Apôtres sont « remplis de l'Esprit Saint », comment cette divine plénitude ne serait-elle pas débordante ? Et comment «l'amour de Dieu répandu en nos coeurs par l'Esprit qui nous fut donné » (Rm 5,5) ne demanderait-il pas à être partagé avec tous nos frères et nos soeurs, les hommes et les femmes ? De nos jours, beaucoup s'abstiennent de témoigner leur foi, ne serait-ce que par une croix discrète annonçant le chrétien ou même le prêtre : ils auraient scrupule à empiéter sur la liberté des gens. — Comme si annoncer, offrir, proposer la révélation et la participation à la vie divine, qui est notre bien le plus précieux, revenait à l’imposer ! Comme si partager était conquérir, comme si la mission, l'envoi, l'apostolat, la diffusion de l'Évangile, qui sont un rayonnement du centre vers la périphérie, se pervertissaient inévitablement en un racolage d'éventuels adeptes, pour le prestige, l'influence ou même le profit de propagandistes intéressés. Il est vrai qu'une telle perversion est toujours possible, dès le temps de saint Paul (); mais, comme toujours, les abus ne sont pas raison suffisante pour abandonner la pratique elle-même. Et c'est l'un des appels majeurs dans l'Église de Vatican n que la vocation de tout chrétien à être un apôtre de sa foi...

Le parallèle Gn 15 valait surtout pour Ac 2,3*, le feu survenant comme conclusion d'alliance ; mais on peut voir aussi dans le retentissement de la Pentecôte sur cette foule cosmopolite l'accomplissement de la promesse faite à Abraham d'une postérité universelle (plus clairement annoncée en Gn 12,3). Surtout, le parallèle Gn 11 met la Pentecôte en rapport avec Babel. Non que Dieu abolisse l'effet de la folie des hommes : il est trop clair que n'ont été supprimées ni la diversité des langues ni la confusion et la mésentente entre les nations ! Mais comme le Christ est venu non pour abolir mais pour racheter le péché, et qu'il se rend solidaire des hommes en le portant et en le réparant avec nous, de même l'Esprit Saint vient permettre à tous ceux qui le veulent d'entrer dans l'unité plus profonde que les divisions humaines, puisqu'elle se trouve en la source commune, qui est Dieu. Si étrangères les unes aux autres que soient les langues reconnues par les auditeurs, elles se rejoignent en effet en retrouvant la destination première de la parole pour l'homme : louer Dieu ! Annoncer ses merveilles.

les merveilles de Dieu : « Magnalia Dei », expression qui réfère, plus encore qu'à la création, aux événements primordiaux grâce auxquels Dieu a sauvé son peuple : dans l’A.T.la sortie d'Egypte et le passage de la mer (cf. Ex Ex 15 i*, p. Ex 232-233) ; dans le n.t. Pâques et la Pentecôte. Telle est la fonction première — parce qu'immédiate et fondamentale — de l'Église : chanter Dieu, rendre grâces, faire et être «eucharistie». À l'inverse de Babel, où l'homme prétendait — prétend toujours — se glorifier en dépit de la leçon constante de l'histoire.

Ac 2,12ils étaient hors d'eux-mêmes : C'est le même verbe que pour caractériser la réaction des auditeurs de Jésus, à douze ans stupéfiant d'intelligence (Lc 2,47 ii*, p. Lc 117) — et plus généralement l'effet de ses miracles.

ne sachant que penser: Exprime l'embarras, soit consterné comme celui des saintes femmes trouvant le tombeau vide (Lc 24,4, « désemparées »), soit plutôt favorable, comme ici (Vulgate : « mirabantur »), soit seulement perplexe (Ac 10,17 Ac 25,20). Autres exemples d'interrogation mutuelle: sur Jean-Baptiste (Lc 1,66), et sur Jésus lui-même (Jn 7,12-13 Jn 7,26-27 Jn 7,43).

Ac 2,13 // Pr 21,24 Pr 1,22-23 cf. Ps Ps 1,1 — On voit bien ici que le moqueur, au sens biblique de ce mot, est tout différent de celui qui lance une plaisanterie anodine: sa raillerie vise à démolir, sa critique, supposant le pire, est réductrice. L'Évangile n'est pas moins sévère, puisque le Christ avertit ses contradicteurs qu'en attribuant au démon son miracle ils commettent le blasphème contre l'Esprit, le seul qui soit irrémissible (Mt 12,31-32). C'est le fruit de l'orgueil (// Pr 21). À l'inverse, l'Esprit de charité (// Pr 1) «excuse tout, croit tout, espère tout» (1Co 13,7).

pleins de vin nouveau : Antithèse avec « remplis de l'Esprit Saint» (v. 4*). Ce que Pierre va commencer par relever (v. 15 s).

Ac 2,14debout avec les Onze: Si Pierre prend la parole, c'est avec l'approbation du collège apostolique, comme depuis lors ses successeurs s'appuient sur la collégialité de l'épiscopat, par laquelle «tous les évêques forment ensemble un corps solidairement responsable de l'Église universelle... sous l'autorité de l'évêque de Rome, premier pasteur» (dfc i, 163).

La première partie du discours de Pierre va être une réponse aux railleries du verset 13 ; mais elle déborde ce propos, considérablement. Inspiré par l'Esprit de la Pentecôte, Pierre inaugure en effet la fonction dont Jésus a chargé ses continuateurs : trouver dans l’A.T.ce qui annonce et pour autant éclaire le n.t. (Lc 24,44-48). Et la première citation qu'il en fait (Jl 3) démontre que les temps messianiques sont arrivés.

Ac 2,15-21 // Ep 5,18 Jl 3,1-4 Jl 3,5 explicite le salut — délivrance par suite de la rédemption — et reconnaît, en ceux que Dieu appelle, les rescapés, autrement dit le «reste» messianique ). L'argument est simple: cette exultation qui a saisi les Apôtres n'est pas ivresse mais la joie de la sobre ébriété que donne l'Esprit (ambrolse : Hymne « Splendor paternoe glorioe »). L'antithèse — qui se retrouve dans saint Paul : // Ep 5 — ne va pas sans un certain rapport, qui fait symbole, entre les effets du vin et de l'Esprit. On retrouve ce rapport dans les autres religions. Par exemple, massivement, dans les Quatrains d'Umar Khayyâm. Mais la Bible met plutôt en garde, insistant sur la modération () ; et Pierre ne s'y arrête pas, car il vise bien plutôt à faire reconnaître que cette effusion de l'Esprit étant annoncée par les prophètes comme signe de l'avènement messianique, c'est donc bien lui qui est présentement inauguré.

La citation de Joël ne sépare pas le premier avènement du Royaume (« déjà là* » — BC II*, table) du second, à la fin des temps et des bouleversements cosmiques, apocalyptiques* (Jl 3,3-4 = Ac 2,19-20 // Am 5). qui invoquera le nom du Seigneur: Ceux qui appellent du nom de « Seigneur» le Christ (Ac 2,36*) font par le fait même profession de l'essentiel de la foi chrétienne. L'expression désignera donc les chrétiens: Ac 9,14.21; 22,16; 1Co 1,2 ; 2Tm 2,22. Pas d'autre «nom* » (BC II*, table) qui soit Sauveur (Ac 4,12*). Pour tous ceux qui reconnaissent Jésus comme « Seigneur » — en font «leur» Seigneur — et reçoivent «l'Esprit, d'en haut», le second avènement du Christ et de son Royaume sera donc seulement fraîcheur, paix et justice (// Is 32,15-18).



le discours de pierre (Ac 2,22-39) — Première des « catéchèses » qui vont se succéder dans les Actes : de Pierre, 3,13-26 ; 4,10-12 ; 5,30-32 ; 10,36-43 ; et de Paul : 13,17-39. Même le discours devant l'Aréopage athénien est construit sur le même schème, seulement retourné pour des raisons apologétiques (Ac 17,22-31*). Il faut s'en pénétrer: en ces premières prédications, les Apôtres se trouvaient devant un auditoire tout neuf; ils devaient donc aller, d'emblée, à l'essentiel, au coeur même de ce qu'ils avaient à annoncer. C'est ce que l'on appelle «kérygme* » (BC II*, p. 124 et table), signifiant à la fois le mode « haut et clair » de la proclamation, et son contenu, synthèse de l'Évangile. Le kérygme, c'est « la prédication première du mystère du Christ par les Apôtres» (p. hitz: L'Annonce missionnaire...), «la proclamation publique et solennelle du salut du Christ, proclamation faite au nom de Dieu (sinon par Dieu lui-même) aux non-chrétiens, et accompagnée de signes et de puissance » (a. rétif : Foi et Mission...). Directement inspirés qu'ils étaient par la venue de l'Esprit Saint, Pierre et Paul — ou Luc rédigeant les Actes — demeurent pour nous les modèles insurpassables de toute prédication chrétienne (cf. i. dupont : Nouv. Études, p. 58-111). Sans doute faut-il tenir compte de l'auditoire, comme saint Paul en donne le premier l'exemple à Athènes (Ac 17,22-31). Mais le kérygme, lui, est intangible : notre mission de chrétiens « apôtres » est de le transmettre, clair et net (et non pas, comme on l'a dit avec une présomption ridicule, de le « remettre en question », ce qui reviendrait à apostasier, pour y substituer une piquette de notre cru). Il s'agit d'un véritable schème, dont les trois points s'enchaînent puissamment.



premier point du kérygme (Ac 2,22-36) : L'annonce de la mort et de la résurrection du Christ. C'est le fondement de tout le processus de salut, aussi est-il souvent développé, assorti d'expressions visant à en souligner la portée. Mais ce mystère est présenté d'abord comme un fait indéniable, puisque les Apôtres en sont les témoins oculaires et autorisés (cf. Ac 10,41*). S'y ajoute la preuve par «l'accomplissement des Écritures», avec laquelle les Évangiles nous ont déjà familiarisés (bcii*, p. 104 et table — ici, v. 23.25-31.34-35); mais toute la prédication apostolique n'a d'autre but que de proclamer cette Bonne Nouvelle qu'en Jésus tout est accompli, notamment tout l’A.T.(bcii*, p. ix, xvm, et table). Telle est la double garantie de notre foi qui repose sur ce fait, même si elle n'en reste pas moins, pour autant, pur don de Dieu. Reprenons le détail de cette annonce.

Ac 2,22 // Gn 49,22 Gn 49,25-26 Hommes d'Israël , Pierre ne s'adresse encore qu'aux Juifs et prosélytes assimilés. Mais peut-être aussi le Galiléen qu'est Pierre met-il un écart entre cette Judée, où le Christ a été condamné, et la Galilée, d'où sont sortis les Apôtres, ainsi que Jésus lui-même, puisqu'il l'appelle « le Nazaréen» (Ac 3,6; 4,10; 6,14; 10,37; 22,8; 24,5; 26,9; Lc 18,37). Sur le possible rapprochement entre « Nazaréen » et « Nazir » — d'où le parallèle avec Joseph, préfiguration du Christ, Gn 49,22-26, cf. ii*, p. Gn 114-116, et i*, p. Gn 193 Dieu , Il in Gn 5,31-32 Gn 5,36 Gn 5,39 Dt 4,34, C'est la même double garantie des miracles (dont le plus indiscutable est sa propre résurrection) et l'accomplissement des Écritures, qui valait dès l'a.t. pour accréditer Moïse (Ex 4,27-31 ; bc i*, p. 213). Signes et prodiges est d'ailleurs une expression qui réfère aux miracles de l'Exode (// Dt 4,34 ; cf. Dt 6,22 ; Ac 7,36). comme vous le savez , Les miracles opérés par Jésus de son vivant ne sont pas si loin, et ils sont de notoriété publique !

Ac 2,23 // Ps 33,10-11 Is 53,10Selon le dessein arrêté et la prescience de Dieu , C'est le « dessein ou plan divin du salut», qui est aussi éternel que Dieu lui-même et qui va de pair avec le grand projet de la création: // Ps 33,10-11 Ps 33, le réalise progressivement, dès l’A.T.(Ac 13,36), soit directement de sa main (Ac 4,30; 11,21), soit par les instruments qu'il s'est choisis, tel saint Paul (Ac 22,14), soit même par des événements qui paraissent contraires, comme l'injuste condamnation de Jésus. C'est pourquoi aussi, dans sa prescience, Dieu peut annoncer sa réalisation, encore à venir dans le temps, par ses prophètes (// Is 53,10 ; cf. Ac 3,18) ; et la prédication chrétienne doit annoncer ce dessein de Dieu « en son entier » (Ac 20,27), courageusement, car il ne va pas sans souffrances, à commencer par celles du Christ (ici, v. 24).

À propos de ce dessein divin, les Pères parlent souvent de son «économie ». On ne trouve ce mot dans aucun des grands dictionnaires (dbs, dtc, ds, tlf, etc.). Le Littré donne quelques expressions du xvne siècle qui doivent en découler : « Arrangement réciproque et concourant des parties d'un ensemble, soit matériel, soit intellectuel. Par exemple : < l'économie d'une pièce de théâtre > (Racine) ; < rien ne vous est caché de l'économie des corps > (La Bruyère); <ce qu'on admire dans Démosthène, c'est le plan, la suite, l'économie du discours > (Rollin). » Touchant au plan divin, cette « économie » peut signifier d'abord son aspect progressif, notamment «les régimes successifs de dispensation de la grâce » (BC II*, p. 308, 330). Mais de façon plus profonde, elle joue sur la disposition qui articule la rédemption autour du « Dieu s'est fait homme pour que l'homme accède à la vie de Dieu ». Voici quelques exemples d'un terme d'autant plus indéfinissable qu'il vise le «mystère» (au sens paulinien : cf. Ep 3,3-4*), pour en exprimer la dispensation temporelle en même temps que la disposition interne.

Il y a donc un seul Dieu Père, et un seul Christ Jésus notre Seigneur, venant à travers toute l'économie et récapitulant toutes choses en lui-même... Le Fils a opéré ces deux choses : Verbe de Dieu par nature, il est descendu d'auprès de Dieu, s'est incarné ; et descendant jusqu'à la mort, il a consommé l'économie de notre salut (irÉNÉe: Adv. Hoer., m, 16, 6 — SC 211, p. 313 s).

L'Apôtre atteste la cause de cette économie quand il dit : « Celui qui n'a pas connu le péché, Dieu l'a fait péché pour nous»... Mais étant homme en vertu de l'économie, il reste cependant Dieu en vertu de la nature divine (hilaire : De Trin., x, 47 — pl 10, 381 ; et Sur — pl 10, 394).

Devenu Pontife, de par la nature qu’il a en commun avec nous, le Verbe incarné remplit sa charge sans rien perdre de sa divinité mais plutôt en la glorifiant par l'économie de la chair (cyrille D'ALEXANDRIE : pg 74, 973).

Toutes les paroles des prophètes, l'homme spirituel les explique en montrant quel caractère de l'économie du Seigneur exprime chacune d'elles et comment elle s'intègre au corps entier de l'oeuvre du Fils de Dieu (IRÉNÉE : Adv. Hoer., iv, 33, 15 — SC 100, p. 842-844).

vous : Accusateur. L'infaillible plan de Dieu et la science éternelle qu'il a des moindres détails de sa réalisation, loin d'exclure la volonté de l'homme, peuvent l'inclure, puisque notre liberté aussi est de sa création : sur ce mystère, cf. bc i*, p. 213-215. La responsabilité, non seulement des Juifs mais de chacun de nous, par nos péchés, est donc bien réelle, dans la mesure de cette liberté. supplicié et tué : Pierre ne mâche pas ses mots à la foule qui, voilà moins de deux mois, criait : « Crucifie-le. » Ne minimisons pas notre culpabilité. Comme l'a redit avec force Jean-Paul II, la première tâche de l'Esprit Saint dans un coeur, c'est de lui faire prendre conscience de la gravité du péché, littéralement meurtrier du Christ — en même temps que de l'amour infini de Dieu, qui le rachète (BC II*, p. 680). On le verra au verset 37*.

par la main d'hommes sans Loi : C'est-à-dire des païens, les Romains. Trop docile, Pilate ne fut qu'un instrument ; sa lâcheté n'enlève pas la faute de ceux qui ont voulu la mort du Christ (Mt 27,23, en // au v. 36) — qu'en réalité accepte implicitement tout pécheur, même s'il «ne sait pas ce qu'il fait».

Ac 2,24 // Sg 16,13 Ps 89,49 Ps 118,17-18 He 2,14 — Par leur péché, entraînant la souffrance et la mort (Rm 5,12*), Adam et Eve ont donné au démon prise sur eux, qui en tire une sorte de « pouvoir de la mort » (// He 2,14 ; cf. Sg 2,24). Mais quand il l'a exercé sur le Christ, qui est sans péché, donc indemne, le Diable a outrepassé ce pouvoir qui, de toute manière, appartient premièrement au Créateur (// Sg 16,13), donc au Christ lui-même et doublement , comme Fils de Dieu (Jn 5,26-29) et comme vainqueur de Satan, auquel Jésus reprend ce pouvoir, l'exerçant désormais dans un sens non plus de mort, mais de vie et de résurrection (// Ps 89 et 118).

Ac 2,25-28 // Ps 16,8-llab, en citation — La preuve par l'accomplissement des Ecritures. Même s'il y avait dans Job (19,25-27) ou Isaïe (26,19) des assertions troublantes, il n'était pas si facile de trouver dans l’A.T.l'annonce de la Résurrection ; car la vie dans l'au-delà y est généralement figurée comme d'une « ombre » végétant au « Shéol » (la Septante traduit : « Hadès », suivant la mythologie grecque — cf. vtb « Enfer »). Mais l'Esprit Saint inspire à Pierre de choisir l'un des plus admirables pressentiments que l'amour de Dieu, ne pouvant se concevoir qu'éternel, ait suscité.

ton Saint: cf. Ac 3,14. Ici le mot grec signifie plus directement : ton fidèle ou ton consacré — ce qui irait dans le sens de « Jésus le naziréen ». voir la corruption : Septante. L'hébreu a plus brutalement: la fosse, la voie : Au sens fort qui en fait une des clés de l'histoire des religions — penser au Tao ! — et suffira, dans la suite des Actes (9,2 ; 18,25-26 ; 19,9.23 ; 24,14.22), à désigner le christianisme comme «la voie» par excellence, puisque c'est le Christ même qui est la voie (Jn 14,6).

joie devant ta face, ou : plénitude de joie dans le face-à-face ; car il y a « comblé ». Cette béatitude céleste, nous en avions trouvé un premier reflet lors de la venue du Saint-Esprit sur les Apôtres : une joie qui remplit tout, au point d'être débordante (Ac 2,4* ; cf. Ep Ep 5,18). Et quoi d'étonnant s'il est vrai que l'Esprit Saint est la Vie éternelle même, en Dieu comme pour les élus ! Le Ps 15,11c complète : « extase en ta droite pour l'éternité ».

Ac 2,29-31 // — C'est la même argumentation que celle du Christ (Lc 20,41-44), pour s'appliquer les premiers versets du Ps 110 — que, du reste, Pierre va citer aux versets Ps 34-35, la prophétie surpasse tellement l'existence David, puisqu'il est mort et enterré, que le Ps LE 16 doit lui aussi en annoncer un Autre. Et de qui donc parle-t-il, sinon du descendant messianique annoncé à ce même David par Nathan (v. 30 // Ps 132,11 — rappelant 2S 7,13-16) ? Ainsi, Pierre prend bien la suite de son maître, dans son enseignement comme dans le gouvernement (Ac 1,15-26*).

Ac 2,32-35 — Assertion capitale du premier point du kérygme*, corroborée par le témoignage des Apôtres (v. 32) et l'accomplissement des Ecritures (v. 34-35), avec formulation complète de la glorification : Résurrection, Ascension, Session à la droite du Père, Pentecôte (v. 32-33). Et depuis lors, le Credo de l'Église l'affirme : le Christ « siège à la droite du Père » (cf. BC II*, p. 790-791, et j. dupont : Nouv. Études, p. 210-295). Le Christ est élevé par la droite et à la droite du Père, dont il est la droite même. qui avait été promis : Outre le parallèle Jl 3 (cf. Ac Ac 2,17 s), cf. Ez 36,26-27.

Ac 2,36 // Mc 14,61 Mt 27,22 — Conclusion premier point, qui est profession de foi Jésus qui, au regard du bon sens, a été vaincu — « crucifié » (avec reprise du « vous » accusateur : cf. // Mt 27) — , aux yeux de la foi, il se trouve approuvé par le Père, justifié, glorifié, triomphant, au double titre de...

Seigneur : Titre réservé à Dieu, si bien que dire : « Jésus est Seigneur » revient à dire : « Jésus est Dieu » ; acte de foi tel que « la chair et le sang » ne pourraient y suffire, mais qu'il ne peut venir que d'une révélation intérieure, par le Père (Mt 16,17 cf. Mt 11,27), dans une inspiration de l'Esprit Saint en personne (1Co 12,3*). Voir Ac 21,20 ; Rm 10,9 ; Ph 2,11.

Christ (Oint) // Mc 14,61-62: Sur l'équivalence de «Christ, Messie, Oint», cf. BC II*, p. 123. Jésus lui-même l'a donc solennellement revendiqué comme sien, au prix de sa vie (// Mc).

irénée: Adv. Hoer., m, 18, 3 (SC 211, p. 350-352) — Dans le nom de « Christ » doivent s'entendre « celui qui oint », « celui qui est Oint » et l'onction même dont il est oint. Le Père a oint, et le Fils a été oint, dans l'Esprit qui est l'onction, ainsi que le dit la Parole dans Isaïe : «L'Esprit du Seigneur est sur moi, c'est pourquoi il m'a oint » (61,1 et Lc 4,18), désignant par là le Père qui oint, le Fils qui est oint et l'onction qui est l'Esprit.

faustinus luciferanus : De Trinitate, 39 (ccl 69, 340) — Notre Sauveur fut vrai « oint » selon la chair, étant par principe vrai roi et vrai prêtre, à la fois l'un et l'autre (roi et prêtre) afin que rien ne manque au Sauveur. Au seul Christ (Jésus) étaient dues la perfection et la plénitude en toutes choses, parce qu’il venait accomplir et parachever la Loi.

Apprends de lui-même qu'il a été fait roi quand il dit: «Et moi, je suis établi roi, par lui (Dieu)sur Sion, sa montagne sainte » (Ps 2,6). Apprends qu’il est également prêtre quand le Père (lui( rend témoignage, disant : « Tu es prêtre pour l'éternité, selon l'ordre de Melchisédech » (Ps 110 Ps 4). Aaron, le premier dans la Loi, fut fait prêtre par onction du chrême ; et l'Ecriture ne dit pas « selon l'ordre d Aaron », car elle ne veut pas laisser croire que le sacerdoce du Sauveur puisse être obtenu par succession. Le sacerdoce qui avait vigueur en Aaron se recevait, en effet, par succession ; mais le sacerdoce du Sauveur ne se transmet pas à un autre par succession, car ce prêtre, lui en personne, demeure pour l'éternité, selon qu'il est écrit: «Tu es prêtre pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédech. »

Cependant, bien que nul prêtre ou roi de l'Ancien Testament ne fût à la fois roi et prêtre, ils étaient oints, corporellement, de l'huile sacerdotale ou royale, et ils étaient appelés « oints ». Mais le Sauveur, qui vraiment est le «Christ», l'«Oint», fut oint de l'Esprit Saint pour que s'accomplît ce qui avait été écrit de lui: « C'est pourquoi Dieu, ton Dieu, t'a oint de l'huile de joie, par prééminence sur tes compagnons » (Ps 45,8). Il fut « oint », en effet, par prééminence sur tous les autres «oints », parce qu'il fut oint de « l'huile de joie », qui n'est autre que l'Esprit Saint.

Le titre de «Seigneur à la droite du Seigneur» découle de l'application au Christ du Ps 110 ; et celui de Christ-Messie, du Ps 16, tous deux précédemment cités : le discours de Pierre est admirablement bâti ! Ac 2,36 sépare expressément les deux titres : Dieu l'a fait et Seigneur et Christ. Mais les chrétiens enchaîneront tout naturellement : rarement sous la forme du Seigneur-Christ, comme l'ange aux bergers (Lc 2,11) ou benoît au début du prologue de sa Règle, avec la foi de la Pentecôte, dans la lumière pascale de la glorification et de l'intronisation de ce Christ-Seigneur (Ac 2,32-33 Ac 2,36). Mais plus couramment, l'amour de ses disciples a inséré, entre ces deux titres, le doux nom de Jésus: «Le Seigneur Jésus-Christ» (finale d'Ac 28,31), ou mieux encore dans sa familiarité, le diminutif « Jésus-Chri(st) ».

deuxième point du kérygme* (Ac 2,37-40) : L'appel au repentir, pour la rémission des péchés. Etant donné le fait de la Résurrection (premier point), la condition sine qua non pour s'unir au Christ glorifié, et bénéficier ainsi de sa propre glorification, est la pénitence pour avoir part à la Rédemption — acquise justement par la mort et la résurrection du Christ — qui nous assure la rémission de tous nos péchés. On retrouve ce deuxième point dans les autres discours des Actes : cf. 3,19; 5,31b; 10,43; 11,18; 13,38; 17,30. Saint Paul en fera en effet d'abord l'expérience pour lui-même (Ac 22,16), et recevra en mission de prêcher « le repentir pour la rémission des péchés » (26,17-18.20). C'était d'ailleurs continuer la mission des prophètes, chargés par Yahvé de dénoncer « le péché d'Israël », parfois au prix de bien des souffrances : qu'on se rappelle Jérémie, Ézéchiel ou ce type même du prophète qu'est Jonas ! Le message de Jean Baptiste (Lc 3), comme l'Évangile du Christ lui-même, n'était pas autre : « Faites pénitence, car le Règne des cieux est proche » (Mt 4,17). Le Règne, c'est le Christ même, et c'est donc la première formulation du premier et unique «kérygme» ou Evangile, jusqu'à ce que le Christ étant, de fait, ressuscité, on puisse dire en clair le premier point fondamental, qui est cette résurrection et glorification du Christ, inaugurant l'Église du Règne (cf. bc h*, table: «Règne du Christ», «Règne de Dieu». Sur l'Église s'identifiant au Royaume, bcii*, p. 417). Ainsi, d'un bout à l'autre de l'Écriture sainte, la continuité se révèle parfaite.

Ac 2,37 // Lc 23,27 Ps 51,19 — Pierre bien préparé cette réaction salutaire la foule en dénonçant clairement le péché, coupable de la mort du Sauveur (Ac 2,23 b*.36*), sans pour autant condamner le pécheur au désespoir puisque son péché le met en relation avec celui qui est précisément « le Sauveur».

Augustin: Sur Jean, /, 9 (pl 35, 1640) — Ses auditeurs virent qu'ils s'étaient chargés d'une grande impiété en tuant celui qu'ils auraient dû vénérer et adorer ; et ils pensèrent que ce crime était inexpiable. Grande faute, oui, et de quoi désespérer : mais ils ne devaient pas désespérer, eux pour qui le Seigneur cloué à la croix avait daigné prier. Il avait dit en effet : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font. » Il voyait les siens, parmi d'autres qui resteraient étrangers ; et il demandait le pardon pour ceux qui lui infligeaient le supplice. Car ce qui comptait à ses yeux, ce n’est pas qu’il mourait par eux, mais qu’il mourait pour eux.

Ils nous donnent alors l'exemple d'un acte de contrition complet, avec ses deux composantes : d'une part le regret du péché, brisant la dureté du coeur, qui est une des marques du péché, l'ouvrant à la grâce de Dieu et allant même parfois jusqu'aux larmes, ou bien aux gestes de la pénitence, comme de se frapper la poitrine (// Lc 23 cf. le publicain de la parabole, en Lc EN 18,13). Mais l'important, bien entendu, reste le coeur (// Ps 51 — de « contritum », brisé, broyé, vient le mot «contrition»; humilié, c'est-à-dire face à Dieu et à son adoration, dans le respect, la confiance et l'humble amour : cf. tout le chapitre 7 de la Règle de saint Benoît). C'est tout ce processus de repentir, provenant à la fois de la grâce et du psychisme humain le plus naturel (et par conséquent le plus universel dans les religions), que la Tradition chrétienne appelle « componction » (cf. 2Co 7,8-12*). Le concile de Trente en a présenté une analyse remarquable : vf Session (du 792 s ; FC 554 s).

Mais d'autre part, le regret entraîne la volonté à se tourner vers Dieu, activement, comme on le voit par la question que les auditeurs posent non seulement à Pierre mais « aux autres Apôtres » : « Que ferons-nous ? » C'est ce qu'en grec la Septante nomme « metanoïa », la conversion ; et que l'hébreu indique de façon bien plus touchante comme un « retour au Père » (comme dans la parabole de l'enfant prodigue). Il faut garder ces trois noms d'une même démarche : pénitence, conversion, retour ; ils en désignent des aspects complémentaires, dont chacun est nécessaire au réalisme spirituel. On se paierait de mots si l'on oubliait que la conversion exige certains sacrifices, dont la pénitence plus matérielle et visible doit être le signe ; mais ce ne serait pas une pénitence ni une conversion chrétiennes si elles n'étaient l'une et l'autre l'amorce d'un retour au Père et d'une réconciliation* — but désirable que la grâce prévenante et accompagnante de Dieu nous donnera d'atteindre. «Reviens, infidèle... Revenez, enfants rebelles... Israël, si tu reviens à moi... Pour toi, reviens à ton Dieu... Pécheurs, revenez à lui » (Jr 3,12 Jr 3,22 Os 14,2-3 Tb 13,6-8 cf. Is Is 31,6 Jl 2,12, etc. ). Par conséquent, ce n'est pas triste ! (cf. Ac 11,18*).

Bernard de ceairvaux : Sur le Cantique, 56,7 (Leclercq n, 118) : Il y a deux genres de componction : l'une est de tristesse pour nos défaillances, l'autre est d'émerveillement devant les dons divins. Chaque fois que je confesse mes péchésce qui ne peut se faire sans un serrement de coeur — , il me semble que j'ouvre un treillis, c'est-à-dire une petite fenêtre: nul doute qu'il me regarde volontiers par ce treillis, le miséricordieux guetteur qui se tient derrière le mur (Ct 2,9).

troisième point du kérygme* (Ac 2,38-41) : Ce dernier point est ici peu marqué, inséré qu'il est dans le deuxième point (ce qui souligne leur dépendance mutuelle). La conversion demandée (deuxième point) n'est pas en effet d'abord morale. Celle-ci s'ensuivra normalement, comme on dit : « Cela va de soi ! » L'essentiel de cette «conversion» est «retour» à l'Alliance et donc à ces rapports filiaux avec Dieu que sont la foi, l'espérance et l'amour. C'est dit expressément en Ac 13,38-39 : « Quiconque croit obtient la rémission des péchés. »

Le troisième point est donc la foi comme engagement, marquée par le signe sacramentel de cet engagement : le baptême (Ac 2,38-41 Ac 22,16 Ac 26,18). Et le fruit primordial des deuxième et troisième points est la rémission des péchés (Ac 2,38 Ac 3,19 Ac 5,31 Ac 10,43 Ac 26,18). On le voit, ce but premier, condition sine qua non pour atteindre au but final qui est l'union au Christ, et par le fait, l'intégration au Royaume, n'est pas moins constant que l'affirmation initiale du fait de la résurrection (premier point). «Tous les prophètes en rendent témoignage» (Ac 10,43), jusqu'à Jean-Baptiste (Mt 3,2 cf. bcii*, p. Mt 125 et Mt 192-193, explication du sens spécifique de la «rémission des péchés», par différence avec le simple «pardon»). Le Christ lui-même n'a pas de meilleure « Bonne Nouvelle » que cet accomplissement* de ce que « promettaient » seulement les prophètes (Ac 2,39*) : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu est proche (premier point). Convertissez-vous (deuxième point) et croyez en l'Evangile » (troisième point — Mc 1,15).

Ac 2,38 // Ex 19,10-11 Nb 19,17-20 — Une préparation est indispensable à toute approche de Dieu (Am 4,12), faute de quoi l'impureté de l'homme causerait sa mort au contact de la sainteté de son Créateur. Yahvé en avertit Moïse, tant pour lui-même devant le buisson ardent (Ex 3,5) que pour Israël: le seul contact avec la base de la montagne où Dieu apparaît serait passible de mort (Ex 19,12 ; cf. 2S 6,6). S'il est vrai que « l'homme ne peut voir (sa) face et demeurer en vie » (Ex 33,20), a fortiori s'unir intimement à Dieu exige une profonde purification. Il faut l'inconscience inouïe de ce qu'est Dieu et de ce qu'est l'homme pour que nos contemporains communient en masse, alors qu'un grand nombre ne se confesse plus qu'exceptionnellement , du jamais vu dans l'histoire des religions de l'humanité !...

que chacun de vous soit baptisé: Parce que c'est le sacrement initial, signe de l'engagement réciproque, ou de l'Alliance entre le Christ, qui applique sa rédemption à ce nouveau membre participant, et ce baptisé qui lui donne sa foi. Mais par la suite, la miséricorde — inépuisable et toujours à notre disposition de pécheurs — a prévu l'autre sacrement, qui peut être réitéré celui-là, de la pénitence et de la rémission des péchés. Et quel meilleur moyen y aurait-il d'en rendre grâce au Christ, qui nous l'a gagné de son sang, sinon de le pratiquer avec enthousiasme et reconnaissance (Ac 11,18) ! au nom de Jésus-Christ: Jésus l'a institué «au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit» (Mt 28,19). Les Apôtres n'y contreviennent évidemment pas quand ils baptisent « au nom du Seigneur Jésus » (Ac 8,16 Ac 10,48 Ac 19,5) ; ils veulent seulement mettre ce sacrement plus directement en relation avec Jésus, soit en l'invoquant (Ac 22,16 Jc 2,7) puisque «c'est le Christ qui baptise» (Jn 1,33 bcii*, p. Jn 147) par le ministère de ses successeurs, soit pour insister sur le lien que crée le sacrement entre le baptisé et Jésus, mort et ressuscité pour lui (cf. Rm 6*). Sur l'importance du nom : « Le nom, c'est l’être même », cf. bc i*, p. 50, et table de bc i* et BC II*. Et il ne faut pas donner moins de force à l'expression « au nom de ». Quand un gendarme dit « au nom de la loi », il a tout le pouvoir de l'État avec lui ; de même « au nom de Jésus » ou bien « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » nous donne valeur de Christ ou de Trinité. Il n'en faut pas moins pour que ce soit « le Christ qui baptise », nous faisant entrer dans sa propre famille divine. Si nous y pensions, le simple signe de croix mettrait « Dieu avec nous* », en la moindre de nos actions...

Dans les Actes, on se trouve en présence d'une double formulation, suivant qu'elle se trouve introduite, en grec, par les prépositions « en » (ou « épi ») et « eis » (qui, de soi, indiquerait plutôt un mouvement « vers »...). Après bien d'autres, dont il résume les conclusions, m. quesnel a cherché les nuances que pouvaient signifier ces variations (Baptisés dans l'Esprit, p. 79-119) ; et voici sa conclusion.

La tournure « en » (ou « épi ») tô onomati employée en Ac 2,38 et 10,48... (a un sens) causal ou instrumental... C'est un baptême qui s'appuie sur le Christ, sur son autorité, qui trouve en lui ses racines et son fondement...

A la différence du baptême « en » (ou « épi ») tô onomati Ièsou Christou, le baptême « eis » tô onoma tou kyriou Ièsou situe le Seigneur non pas en deçà (comme cause) , mais en avant du rite. C'est un rite vers lui, un rite qui mène à lui; il est l'objectif plutôt que la cause ou le fondement du baptême: le croyant est baptisé « eis Christon, transféré vers le Christ Jésus afin de vivre désormais en lui... » (m. bolttier, cité par m. quesnel, ibid. p. 118-119).

et vous recevrez le don de l'Esprit Saint: Va de pair avec la rémission des péchés. D'abord puisque c'est le Saint-Esprit qui est — en lui-même, amour — rémission du péché qui nous avait séparés de cet amour, en nous rendant incapables de cette Présence : « Ipse est remissio peccatorum » (postcommunion pour l'Octave de la Pentecôte). Mais le lien entre rémission et don de l'Esprit vient aussi de la relation entre les trois points du kérygme* : dès que se trouve posée la condition sine qua non (repentir et foi), nécessaire à la rémission des péchés, le croyant-racheté peut prendre part à ce qui est le fonds même de la Bonne Nouvelle, c'est-à-dire à la mort rédemptrice du Christ et à sa vie de Ressuscité, mue tout entière par l'Esprit Saint d'amour (Jn 6,57 Jn 17,26).

Ac 2,39 // Is 57,19C'est pour vous qu'est la promesse: Celle des prophètes annonçant la rémission des péchés (Ac 10,43 cf. 1P ).

pour vous... et pour tous ceux qui sont loin : Le parallèle avec Is 57, annonçant la paix à tous, éclaire encore le propos de Pierre, visant déjà le «mystère» paulinien de la réunion des Juifs et des païens en une même Eglise, « catholique» (cf. Ep Ep 2,14-22). Et si Pierre n'en était probablement pas encore conscient, l'Esprit Saint savait que « le Seigneur notre Dieu appelle » tout le monde.

Ac 2,40 // Dt 32,5-6 Lc 9,41Génération perverse , On n'oserait plus, et cela vaut mieux. Mais Pierre ne fait que répéter Jésus, donc cela doit être vrai — et pas seulement de ses contemporains comme l'atteste saint Jean (Jn 2,24-25 ; BC II*, p. 292-293). Sauvez-vous , si vous ne voulez pas vous perdre avec elle, car c'est une alternative , se sauver ou se perdre...

Le discours de Pierre a un caractère universel... Il nous concerne, nous qui vivons aujourd'hui, il concerne ceux qui vivront demain : tous font partie d'une même génération perverse, et tous doivent se détacher de cette génération pour se convertir au Seigneur et être sauvés.

Tout l'être humain est rapport, mais non rapport à une autre créature. Le rapport avec les autres n'épuise pas l'être humain : il le constitue « homme », mais seul son rapport avec le Christ le soustrait à une génération perverse, et le sauve. Combien de ses semblables un homme a-t-il pu aimer, qui ne sont plus, ou qui se sont éloignés de lui ! Ils ne peuvent lui rester proches que « dans le Christ ». L'être véritable de l'homme est son rapport avec le Christ. Lui seul épuise notre être, comme un rapport total et éternel...

Voilà ce que dit Pierre. Jésus est l'amour qui nous aime. Et il a voulu se donner un nom qui est « relatif» à l'homme : il est « le Sauveur » (d. barsotti).

avec beaucoup d'autres paroles : Pas plus que l'Évangile ne prétend retenir tous les faits et dits de Jésus (Jn 21,25), les Actes ne sont une sténographie des discours apostoliques : ils s'en tiennent à la structure fondamentale, c'est-à-dire aux trois points du kérygme*. À nous de garder soigneusement l'équilibre entre ces trois points, tels que nous venons de les définir.

Ac 2,41 — L'accroissement est rapide, de même que l'extension ; cf. Ac Ac 1,15 Ac 2,41 Ac 2,47 Ac 4,4 Ac 5,14 Ac 6,1-7 Ac 9,31 Ac 11,21-24 Ac 16,5, D'abord douze Apôtres. Puis soixante-dix (Lc 10,1), puis Ac 120 âmes, puis Ac 500, à qui le Seigneur est apparu aux moments où ils étaient réunis ; ensuite trois mille et cinq mille Juifs crurent au Seigneur. de toutes les nations « les restes » seront sauvés par les Apôtres. Les histoires ecclésiastiques rapportent que, dispersés dans le monde entier, ils y prêchèrent l'Evangile, si bien que certains pénétrèrent dans la Perse et l'Inde, que « l'Ethiopie tendit les mains vers Dieu » (Ps 68,32), et que d'au-delà des fleuves d'Ethiopie des présents furent apportés au Christ. Et pour qu’on ne puisse croire qu’il s'agirait seulement des peuples d'Orient, l'Écriture ajoute , « et des îles de la mer » (Is 11,11 ; 41,1-5; 42,4.10; 51,5; 60,9; 66,19). Les îles de la mer, c'est la région de l'Occident, entourée de tous côtés par l'océan. (Comme l'océan,) le signe de la croix baignera donc toutes les nations (JÉRÔME : Sur Isàie, 4, 11, pl 24, 150 ou ccl 73, 154-155).




LA VIE DE LA PREMIÈRE COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE

 (Ac 2,42-47 // Ne 8,3 Ne 8,6 Ne 8,8 Ne 8,10) : Comparé avec les deux autres tableaux qu'en donnent Ac 4,32-35 et 5,12-16, celui-ci est le plus complet. En voici la synthèse générale.

1. Les Apôtres enseignent (2,42), témoignent de la Résurrection (4,33) et multiplient les miracles (2,43 ; 5,12.15-16).

2. Tous prient (2,42), louant Dieu (2,47), au Temple (2,46), sous le portique de Salomon (5,12). Avec « fraction du pain » (2,42) « à la maison » (2,46). La mention du Temple revient en 5,42, faisant inclusion avec 2,46, et délimitant par conséquent ce premier temps où l'Église, encore uniquement judéo-chrétienne, se rattache encore au Temple (douze fois nommé : 2,46 ; 3,1.2.3.8.10; 4,1 ; 5,20.21.24.25.42 — lé plattenier, p. 45).

3. En communion de charité (2,42), unanimes (2,46), «un coeur et une âme » (4,32). Ils aiment à se réunir et à mettre tout en commun (2,44-45 ; 4,32.34-37* et 5,1-11*). Avec allégresse et simplicité de coeur.

4. Estimés des autres (2,47 ; 4,33 ; 5,13). Et en progression (2,47 ; 5,14). En somme : foi, prière et charité.

l. cerfaux, cherchant à décrire la vie de La Communauté apostolique, ne peut que commenter ces trois passages des chapitres 2, 4 et 5 des Actes, qui sont notre seule source, en référant : pour la prière au Temple, à la description qu'en donne Si 50,11-21 ; pour l'eucharistie, à la prière d'Ac 4,24-31 ; quant à la prière de consécration, ses paroles ne furent fixées que bien plus tard, puisque, au témoignage de Justin, vers 150 encore, après la lecture des mémoires des Apôtres et des écrits des prophètes, suivie d'une homélie et de « la prière universelle », puis de la procession des offrandes, celui qui préside fait monter au ciel les prières et les actions de grâces autant qu’il a de force ; à quoi tout le peuple répond par l'acclamation « Amen », qui aujourd'hui encore conclut nos prières eucharistiques (Première Apologie, 67; cf. 65). A titre d'exemple, L. Cerfaux donne le célèbre texte conservé par la Didachè — la date et le sens proprement sacramentel ont été très controversés, mais d'après l'édition plus récente (1978) de se, il semble que l'on puisse faire remonter cette prière au ier siècle, en Syrie (donc en des milieux proches de la tradition palestinienne), et qu'elle décrive une «agape», «repas fraternel de caractère liturgique, au cours (ou à la suite) duquel était célébrée l'eucharistie » proprement sacramentelle (dnt), donc proche de ce qui est devenu « la messe » (SC 248, p. 174 et 178) :

9’ Pour l'eucharistie, vous rendrez grâce ainsi.

2 D'abord pour le calice : « Nous te rendons grâces, notre Père, pour la Sainte Vigne de David, ton serviteur, que tu nous as révélée par Jésus, ton serviteur. A toi la gloire, dans les siècles ! »

3 Pour le pain rompu : « Nous te rendons grâces, notre Père, pour la vie et la connaissance que tu nous as révélées par Jésus, ton serviteur. A toi la gloire, dans les siècles !

4 « Comme ce pain rompu, disséminé sur les montagnes, puis rassemblé, est devenu un, qu’ainsi ton Eglise soit rassemblée des extrémités de la terre pour être ton royaume. Car c’est à toi qu’appartiennent la gloire et la puissance, par Jésus-Christ, dans les siècles. »

5 Que nul ne mange ni ne boive de votre eucharistie, hormis ceux qui sont baptisés au nom du Seigneur ; c’est à ce sujet que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens. »

10’ Après vous être rassasiés, vous rendrez grâces ainsi.

2 « Nous te rendons grâces, Père saint, pour ton saint nom que tu as fait habiter dans nos coeurs, et pour la connaissance et la foi et l'immortalité que tu nous as révélées par Jésus, ton serviteur. A toi la gloire, dans les siècles !

3 « Toi, Maître Pantocrator, tu as créé toutes choses à cause de ton nom, et tu as donné aux hommes la nourriture et la boisson pour qu'ils en jouissent afin qu'ils te rendent grâces. A nous, tu as fait la grâce d'une nourriture et d'une boisson spirituelles, par Jésus, ton serviteur.

4 « Pour toutes choses nous te rendons grâces, parce que tu es puissant. A toi la gloire, dans les siècles !

5 « Souviens-toi, Seigneur, de ton Eglise pour la sauver de tout mal et la rendre parfaite dans ton amour. Et ton Eglise sanctifiée, rassemble-la des quatre vents dans ton royaume que tu as préparé pour elle. Car c’est à toi qu’appartiennent la puissance et la gloire, dans les siècles.

6 « Que la grâce vienne et que ce monde passe ! Hosanna au Fils de David! Si quelqu'un est saint, qu'il vienne! Si quelqu'un ne l'est pas, qu'il fasse pénitence ! Maranatha. Amen. »

7 Laissez les prophètes libres de rendre grâces autant qu’ils voudront.

Ac 2,42 Ac 2,47 Ne 8,3 Ne 8,6 Ne 8,8 Ne 8,10 ... dans la communion de charité, la fraction du pain... ils rompaient le pain à la maison: la «fractio panis » est, certes, l'eucharistie, mais elle est aussi l'« agapè ». Avec l'agape, on ne sépare pas la communion sacramentelle avec le Christdans le repas sacrificielde la communion fraternelle où l'on vit ensemble, où l'on mange ensemble: la communion des frères entre eux est précisément le fruit de la communion avec le Christ.

... La communauté elle-même devient un signe. L'homme isolé est difficilement signe de Dieude Dieu qui est l'amour. La communauté est le premier sacrement de la présence de Dieu dans le monde. La communauté comme telle s'impose à l'admiration : tous louent Dieu de cette présence, « et le craignent» (v. 43; 5,13). Dans cette crainte se manifeste la réaction instinctive de l'homme devant une présence de Dieu qui s'impose aux regards (d. barsotti). prenant leur nourriture avec allégresse et simplicité de coeur : Même ambiance que dans le parallèle Ne 8, où se conjuguaient, comme ici, écoute de la Parole de Dieu (la Loi ou l'enseignement des Apôtres), prière, partage du repas et joie.

Ac 2,47La communauté de ceux qui étaient sauvés : Appartenir à la communauté est signe de salut. La garantie du salut est dans le don réciproque qui nous met à la disposition l'un de l'autre (ibid.).

L'Église de Jérusalem a été, à un moment donné (dans les années 30 à 42) , toute l'Eglise de Dieu. Elle portait en elle l'Eglise universelle, et elle la préfigura dans son organisation élémentaire. Les Douze la marquèrent de leur sceau et rayonnèrent sur elle leur prestige d'hommes de Dieu, d'élus du Christ, de prophètes de l'Esprit Saint. Céphas y fut la première pierre, celle qui porte aussi tout le poids de l'édifice (l cerfaux, loc. cit. p. 38).


Bible chrétienne Actes 2