Bible chrétienne Evang. - § 78. L’entretien avec nicodème: Jn 3,1-21

§ 78. L’entretien avec nicodème: Jn 3,1-21





(Jn 3,1-21)

L'existence et la vie de Jésus posent la question fondamentale : “ Qui est cet homme? ” Plus que tout autre, Marc a construit tout son Évangile pour y donner réponse. Mais nous ne la voyons pas moins posée en Saint-Jean: par Nicodème (3,2), la Samaritaine (4,12.19.29), les foules (6,42; 7,27), les dirigeants (8,53; 9,29), les Grecs (12,21), et Pilate lui-même (19,9).

Jn 3,1-2 — Nicodème, un des principaux parmi les Juifs: “ Un haut personnage ” (Tresmontant); membre du Sanhédrin: Jn 7,50. Chrysostome : Sur Jn, hom. 24 (Vives 13, p. 436): Au milieu de l'Évangile, nous le retrouverons prenant la défense de Jésus. Il dira : “ Notre Loi ne condamne personne sans l'avoir d'abord entendu ” (Jn 7,51). Puis, après la Crucifixion, il prendra grand soin de l'ensevelissement du corps du Seigneur (Jn 19,39).

Il était donc bien disposé — mais retenu par la faiblesse judaïque ; c'est pourquoi il vint de nuit. Mais Dieu, dans sa bénignité, ne le repoussa pas, ne lui refusa pas son enseignement. Il lui parle, au contraire, avec grande douceur, et lui ouvre des vérités sublimes : il les ouvre en énigmes, mais les ouvre quand même.

Nous le savons... par les signes que tu fais: Il y a ce qu'on appelle “ les motifs de crédibilité ”, qui < accréditent > Jésus, et rendent raisonnable de lui faire confiance. On reste donc sur le plan du savoir: “ Nous avons la preuve que tu es venu de Dieu... et que Dieu est avec toi ”. Bref, Nicodème a une certitude personnelle, raisonnée parce que fondée sur les signes, que Jésus est un “ homme de Dieu ”. Saint-Jean donne beaucoup d'importance aux < signes >*. Mais cela ne suffit pas. La foi est d'un autre ordre (cf. § 120 *) : d'où la rupture et la hauteur (= la transcendance) de la réponse du Christ :

Jn 3,3 — Amen, amen je te le dis (cf. § 53 ) — Mt 5,18*), si quelqu'un ne naît pas: Jésus, qui va en appeler à la foi (v. 11 ss*), annonce d'emblée ce qui est premier: ni les considérations raisonnables, qui ont valeur de préparation ou de confirmation, ni les autres bonnes dispositions humaines, mais une “ naissance ”, que par définition nous ne tenons pas de nous-même, ni seulement du Christ, mais d'abord du Père (§ 163 ) — Jn 6,36-37*.44). Il s'agit d'une autre vie (sur-naturelle = au-delà de nos forces), qui ne peut que nous être totalement donnée. Déjà le Prologue supposait qu'il fallait être “ né de Dieu ” pour accueillir librement cette vie à hauteur de Dieu et vivre en “ enfants de Dieu ” (Jn 1,12-13*; 1Jn 3,9 1Jn 5,4 1Jn 5,18). Cf. A. Vanhoye: Notre foi, oeuvre divine d'après le IV Évangile, dans NRT 1964, p. 337-354; cf. D. Mollat, dans “Lumière et Vie” n° 22, 1955, p. 91-107; F.M. Braun, dans vs 1955, p. 344-363; A. Jaubert, dans vs 1968, p. 137-148.

Naître d'En Haut. Peut également signifier: naître de nouveau, d'où le contresens de Nicodème: Notre Seigneur parle de la régénération qui se fait par l'Esprit, montrant que l'Esprit est de la substance supérieure à toute autre, que par Lui nous devenons participants de la nature divine, que par Lui et en Lui nous reprenons la forme de la beauté exemplaire, et qu'ainsi nous renaissons pour la vie nouvelle et sommes refaçonnés pour l'adoption des fils.

Nicodème, n'ayant pas compris dans ce sens le mot < anôthen >, et roulant dans son esprit une chose impossible, dit une sottise. Alors le Seigneur condescend, et s'explique clairement: “ Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ” (Cyrille d’Alexandrie : Sur Jn n — PG 73,244).

L'En haut s'oppose à l'En bas comme le céleste au terrestre: comparer Jn 3,7.31 ; 8,23; 19,11, à 3,12 et 6,31. Mais il ne s'agit pas d'un dualisme philosophique (comme celui des Gnostiques) ou religieux (comme à Qumrân), c'est-à-dire de deux mondes séparés, en tous points opposés : “ Ce que Jean a voulu signifier, c'est tout d'abord que nos échelles étaient trop courtes : Dieu n'est pas à notre portée ” (F.M. Braun: Jean le Théologien III, p. 43-47). Il faut que d'“ En haut, Dieu envoie son Esprit Saint ” (cf. plus loin // Sg 9,16-18). Cela va dans le même sens — mais plus radicalement — que Mt 18,3: “ se convertir, devenir comme les petits enfants ”. Et le but est bien le même : “ entrer dans le Royaume de Dieu ”. La convergence est d'autant plus notable qu'autant le “ Royaume ” ou le “ Règne ” est au coeur de l'Evangile des Synoptiques, autant Saint-Jean n'en parle que là, ayant choisi les images de Lumière et de Vie. Mais c'est bien l'unique <Kérygme>*: Le Royaume est donné: convertissez-vous et croyez (Mc 1,14-15* — § 28 ).

// Gn 21,12 Ga 4,28 — Là aussi, l'insistance était sur l'origine toute surnaturelle d'Isaac, pur don de Dieu (BC I*, p. 99 et 113). Mais Nicodème insiste si lourdement sur l'impossibilité physique qu'on le soupçonne de vouloir provoquer le Christ à une affirmation plus explicite.

Jn 3,5 // Ez 36,24-27 — Amen... : même insistance. De l'eau et de l'Esprit: S'il n'y avait que “ de l'Esprit ”, ce serait le thème messianique de l'effusion de l'Esprit, invoqué par Pierre au matin de la Pentecôte (// Ez 36, mais aussi Jl 3,1 Is 59,21 ;Ps Is 51,12-14). Mais il y a premièrement : de l'eau, que d'aucuns supposent surajouté. Ce n'est pourtant pas nouveau : Jean-Baptiste avait annoncé que le Christ “ baptiserait dans l'Esprit Saint ” (§ 24 ) — Jn 1,33), c'est-à-dire que la valeur de son baptême serait de conférer l'Esprit, mais aussi que l'Esprit serait donné normalement par le baptême — sans exclure, heureusement ! tous ceux qui, privés de ce sacrement, seraient adoptés directement par Dieu. Reste que l'insistance porte bien, ici, sur la nécessaire intervention purificatrice et régénératrice de l'Esprit (A. Feuillet: Prologue..., p. 87-90).

Jn 3,6 // 1P 1,23 1P 2,2 1Jn 5,1 ; Gn 6,3 1Jn 2,7 1Co 15,45 1Co 15,47 — La vie est déterminée par son principe: d'une semence végétale, animale, humaine, sort la plante, la bête ou l'homme. De la chair, la chair* = toute la nature — sans nuance péjorative, mais en marquant les limites naturelles de l'homme — dont l'âme même existe en condition < charnelle >, terrestre, d'En bas (cf. Péguy).

Au Principe, Dieu, Trinité dans l'Amour, qui est l'Esprit Saint. Au principe de la création, le Verbe. Au principe de notre Rédemption, Jésus mort et ressuscité pour nous communiquer l'Esprit. Il s'agit bien d'une “ création nouvelle : un être nouveau est là” (2Co 5,17). L'Esprit nous naturalise enfants de Dieu (Rm 8,14-17), nés de Dieu et donc frères les uns des autres (// 1Jn 5). Voilà réparée la malédiction du Déluge (// Gn 6,3), et retrouvée grâce au Nouvel Adam mieux encore que la primitive insufflation qui fit d'Adam “ une âme vivante: l'Esprit qui donne la Vie ” (// 1Co 15,45 1Co 15,47). L'insufflation aura physiquement lieu après la Résurrection: cf. Jn 20,22.

Jn 3,7-8 // Ez 1,4-20 Qo 11,5 Sg 9,16-18 — La comparaison est d'autant mieux venue que le nom même de l'Esprit — en hébreu (Ruah) comme en grec (Pneuma) et en latin — signifie à la fois: souffle, vent, esprit (Vtb < Esprit > et < Esprit de Dieu >). Le // de la vision d'Ézéchiel symbolise surtout la liberté d'allure de Dieu et de son attelage céleste.

Cyrille d’Alexandrie: Sur Jn n (PG 73,245): Avec des exemples, le Seigneur esquisse le mystère... : Comprends ainsi la régénération spirituelle ; laisse-toi conduire par la main, comprends ce qui dépasse les sens.

Chrysostome: Sur Jn, hom. 26 (Vives 13,454): “L'Esprit souffle où il veut ”, cela veut dire que rien ne peut l'arrêter. Donc, comment prétends-tu explorer avec curiosité l'opération de l'Esprit Saint, toi qui n'expliques pas la force du vent, même si tu entends sa voix ?

C'est la même exhortation à la prudence que dans les // Qo 11,5, et le même appel à l'Esprit Saint, implicite encore dans Sg 9,17 Sg 9,

Jn 3,9-10 — À la question du < comment > (cf. § 3 ) — Lc 1,18*), Jésus répond en remettant doucement Nicodème à sa place. “ Tu es le docteur de /'Israël (de Dieu) ” : l'article accuse encore le contraste entre la position de < docteur >, reconnue à Nicodème, et son ignorance: “ Car vous n'avez qu'un Maître... ” (Mt 23,8). Mais c'est aussi la preuve par l'absurde que toute la science des “ docteurs ” n'y suffirait pas : il faut être “ né de Dieu, et engagé par l'Esprit dans cette vie divine pour la découvrir, dans la foi : Pour connaître l'Esprit de Dieu, il faut l'avoir'. On ne l'a pas parce qu'il parle et qu'on entend sa voix. Sa voix est entendue de tous, mais n'est reconnue que de ceux qu'il anime. On le reconnaît quand il parle et répond. Il est le mouvement mutuel, le don réciproque, l'amour qui se révèle en se portant vers celui qu'il aime, en se donnant à lui, en l'animant de ce même mouvement et en provoquant en lui le même don. C'est cette réponse qui fait les fils (Dom Guillerand : L'abîme de Dieu, p. 148-149).

Jn 3,11-13 — Amen... pour la 3° fois, avec le “Nous ” du pluriel de majesté. C'est que le Christ aborde maintenant ce qui est le fondement divin de la foi.

Jésus, Lui, sait de toute certitude (v. 11 a), parce qu'il est du ciel, et en descend seulement pour nous le révéler (v. 13) — mais c'est le sens de tout le Prologue, notamment 1,18*). Son témoignage* vaut de ce qu'il a vu*. Accueillir ce témoignage, ou cette Lumière (Jn 1,5 Jn 1,7-8 Jn 1,14), c'est réduire l'ignorance dont fait preuve même “ le docteur d'Israël ”, en la remplaçant par la certitude lumineuse, révélatrice, de Dieu en Personne, pour découvrir non seulement la Vérité de notre vocation humaine sur cette terre, mais la Trinité céleste où l'Esprit nous donne d'entrer (v. 12) — et dont Jésus va parler aux v. 16-17*. C'est tellement important que la scène s'élargit: Nicodème s'éclipse, et l'on passe au v. 11 du “ tu ” au “ vous ”, qui s'adresse à nous tous.

// Pr 30,4 Dt 30,11 — À la lumière de l'Évangile, nous pouvons répondre à l'énigme de Pr 30, sur ce “ vent ”, que nous envoie le Père, et que “ le Fils a rassemblé dans son manteau ”, en “ descendant du ciel ” par son Incarnation. De même, ce que promettait le Deutéronome, le voilà en Jésus-Christ, “ puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie et que sa grâce (le don de l'Esprit) rend praticables ses commandements ” (Léon le Grand — SC 74, p. 18).

Jn 3,13-15 // Nb 21,5 Sg 16,5-12 — Noter que, commençant à parler de sa mission, le Christ se nomme “ Fils de l'Homme ”*, avec annonce implicite de l'Ascension (au parfait, comme pour un “ retour à l'origine ”. Nombre de mss. et de Pères en effet ajoutent en finale au v. 13 : “ le Fils de l'Homme qui est dans le ciel ”, ce qui est à la fois dans le sens du Prologue, 1,1-2, et de Mt 26,64*). Celui qui parle là est le même qui, éternellement Dieu, intervient pour le Salut d'Israël tout au long de son histoire. Irénée : Adv. Hoer. IV, 12,4 (SC 100, p. 518): Comment le Christ serait-il la fin de la Loi, s'il n'était son Principe? Celui qui amène la Fin est le même que Celui qui a inauguré le Principe. C'est le même que Celui qui disait à Moïse : “ J'ai vu, j'ai vu le malheur de mon peuple en Egypte, et je suis descendu le délivrer ”. Depuis le début, le Verbe de Dieu était accoutumé à monter et à descendre pour le salut de ceux qui étaient dans le malheur (Ex 3,7-8).

Comme Moïse a exalté... soit exalté: Le verbe signifie d'abord < élever, dresser, ériger >. En 12,32-34, Jn insiste sur ce sens physique, pour “ signifier ” sa mort sur la Croix. Or en Nb 21,5, “ la hampe ” sur laquelle on dresse le Serpent d'airain est traduite par les Septante : “ pose-le sur un < Sèméion >, sur un Signe ” — mot qui, remarque très justement J.P. Charlier, “ n'a guère qu'un équivalent en français: c'est un étendard, très exactement le Vexillum de la Passion ” (rspt 1959, p. 446). Mais d'après le contexte immédiat de 12,28, cette élévation est une glorification, dans le même sens qu'en 13,31-32. D'où notre traduction.

La réalité de cette mort deviendra signe attirant tout à Lui (12,32), donnant d'accéder à la connaissance de ce qu'il est (Jn 8,28*), donc à la foi en sa divinité (Jn 14,9-10), source de vie éternelle (Jn 17,3). C'est bien ce que conclut Jn 3,15, en accord avec ce que signifiait déjà le Serpent d'airain, puisque “ tous ceux qui le regardaient vivaient ” (// Nb 21,8-9 — Cf. BC I*, p. 327-28, Cyrille d’Alexandrie et théodoret de cyr).

il est nécessaire : C'est le < Il faut >* que l'on retrouve non seulement en Jn 12,34 et 20,9, mais aussi dans les Synoptiques, quand Jésus parle de sa Passion: par exemple en Lc 24,7.26.44, pour expliquer la convenance — si < souveraine) qu'elle prend figure de nécessité — de sa mort et de sa Résurrection. Rien à voir avec une fatalité qui s'imposerait au Christ et à Dieu et serait cause des événements : cette nécessité est au contraire l'effet de l'Amour, amour du Christ obéissant à son Père, amour du Père pour nous (v. 16*).

qui croit a la vie éternelle : C'est ce que vont expliquer les v. 16 à 21. Imperceptiblement, depuis le v. 13, le ton a changé: on est passé du dialogue (v. 12: je et vous) à la réflexion sapientielle (“ Lui ”, à la 3° personne).

Jn 3,16-17 // Rm 5,8-9 1Jn 4,10 Gn 22,16 — Déclaration capitale sur l'Amour de Dieu: 1) à l'origine, l'Amour du Père: “ Dieu nous a aimés le premier ” (1Jn 4,19 — 2) pour un “ monde ” en danger de se perdre par suite du péché, qui le dressait contre Lui (v. 16 // Rm 5,8): donc cet amour n'est pas causé par nos qualités ; au contraire c'est cet amour qui a mû le Père à nous doter de ces qualités en nous créant; si nous les perdons, l'amour de Dieu demeure le même, immuable comme son être même qui est d'aimer; si bien que le seul fait que nous existons fait déjà la preuve que Dieu nous aime (Sg 11,24-25) -3) C'est cet Amour du Père qui lui a fait “ envoyer ”, “ donner ” — c'est-à-dire livrer à la mort, d'après le contexte et les // cf. Bussche, p. 172) — son Fils, son Unique: on retrouve la même insistance dans le // Gn 22, le sacrifice d'Isaac étant figure de celui du Christ par son Père (BC I*, p. 115-120) — 4) Le Christ est donc à jamais, par sa vie, sa mort et mieux encore par son être même, la preuve que Dieu nous aime et la mesure de cet Amour : toutes ces phrases en effet (de Jn 3,16-17 aussi bien que de ses //) sont construites comme des consécutives: “ Dieu a tant aimé que... ” Sur la balance, l'amour de Dieu pour nous n'a pas moins de poids que pour son Fils, puisqu'il a estimé que le sacrifice de son Unique n'était pas un prix trop élevé pour nous sauver. D'où l'enthousiasme de la conclusion de saint Paul, en Rm 8,31-39: “... Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur ” (en // au § 123 ).

Voilà ce qu'il y a dans ce mot d'< Agapè >, si propre à la Révélation chrétienne (voir Concordance NT < Aimer >) et à la Tradition (cf. A. Nygren : Eros et Agapè', C. Spicq: Agapè dans le N.T.). Mais on voit par conséquent le non-sens qu'il y aurait à opposer la miséricorde du Christ à la Justice inflexible du Père, ou < le Dieu du N.T.> au terrible Yahvé de l'A.T. Car c'est le même et unique éternel Amour: la charité sans fadeur, qui s'exprime par les Prophètes. “ Dieu aime Israël d'un amour jaloux, comme un époux son épouse infidèle (Os 2,21 s.; Is 43,4 Is 54,4-8 Jr 2,1 Jr 31,3), comme un père incapable de renoncer à ses fils ingrats et félons (Is 49,15 Jr 31,20 Os 11,1-11) son amour pour la nation élue déborde de pitié (< Hésed >) et de miséricorde (Is 54,7 Jr 3,12 Jr 31,3 Os 2,21 Mi 7,18 — et d'abord Ex 34,6-7). Cet Amour n'est ni moins impérieux, ni moins brûlant, ni moins exigeant, et tout ensemble infiniment miséricordieux, quand il s'exprime par la bouche du Fils (cf. le Sermon sur la Montagne, § 53 -59 et § 73 -74*), en qui se révèle cet Amour qui l'a envoyé (Jn 12,49 Jn 14,10). Ce qu'ajouté le N.T., c'est une plus grande universalité, en même temps qu'une plus directe personnalisation, car cet Amour ne vise plus le seul Israël mais “ le monde ” entier comme chacun de nous en particulier: “ Il m'a aimé et Il s'est livré pour moi ” (Sur tout ce paragraphe, cf. F.M. Braun : Jean le Théologien III, p. 50-51).

Périr ou posséder la vie éternelle, condamner ou sauver: Tel est l'enjeu, respectivement pour “ le monde ”* et pour Dieu. Or, dans l'alternative, le parti de l'Amour de Dieu est pris, éternellement, de nous sauver. C'est donc gagné, dès le Principe : “ Comme Fils et héritier du Père, j'affranchis les hommes de la servitude, j'échange la Loi qui condamne contre la grâce qui justifie ” (Cyrille d’Alexandrie: Sur Jn n — PG 73,253).

Jn 3,18 — Pour que ce Salut ne soit pas seulement le fait de Dieu, mais que nous collaborions par notre libre consentement à cette Alliance Nouvelle qui nous est ainsi proposée, il y a une condition indispensable de notre part: cette adhésion, précisément, de la foi.

Croire... ne pas croire: Saint-Jean n'emploie jamais le nom (général, abstrait) de la foi, mais préfère user du verbe, pour bien rappeler que la foi est un acte, un engagement (cf. § 72 -76*). Croire en Lui (Jn 2,23-25*); croire en son Nom: comme expressif de son être, de Fils envoyé du Père. Autrement dit : “ croire en l'Amour que Dieu a pour nous ” (1Jn 4,16); croire (au sens fort de ce mot) la déclaration de Jn 3,16-17.

N’est pas jugé... est déjà condamné : Ce qui est en jeu, c'est bien notre sort éternel. Le “ Jugement dernier ”, c'est nous qui en décidons, maintenant, sur cette terre; cela ne dépend que de nous: croyons, et c'est déjà gagné; il n'y aura plus de Jugement (au sens de condamnation) pour nous, dans l'Au-Delà (Jn 5,24).

Jn 3,19-21 // Ex 10,22-23 Jb 24,13-16 — La Lumière... Les ténèbres: Comme dans le Prologue (Jn 1,4-5 Jn 1,9-13, l'antithèse est universelle, mais se situe dans une histoire déterminée, centrée sur l'accueil ou non du Verbe de Dieu. Car la Lumière venue dans le monde, c'est Lui. Dès lors le choix des hommes pour les ténèbres plutôt que pour le Christ est d'abord le drame de sa Passion. Déjà la 9° Plaie d'Egypte avait figuré les ténèbres où l'endurcissement de Pharaon ensevelissait l'Egypte, mais non pas Israël (// Ex 10 et Sg 17-18) — cf. BC i/Iy). Mais tous les hommes ont à se situer par rapport à elle. Aussi, avec les v. 20-21 comme dans le // Jb 24, on en arrive à une sentence tout à fait générale : si le Dieu de toute Bonté est Lumière, faire le mal c'est aller dans les ténèbres, où la tentation est naturelle de chercher à se cacher, comme déjà Adam et Eve sitôt après le Premier Péché (Gn 3,8 — d'où l'hypocrisie, l'imposture, le mensonge (Jn 8,44*) connaturels au vice (// Jb 24); tandis qu'à l'inverse, qui agit dans le sens de Dieu, du même coup oeuvre pour le Bien, “ fait la vérité ” et n'a rien à redouter de la Lumière. En un autre sens, l'obscurcissement de la conscience peut prendre la forme du < Divertissement >, au sens pascalien (ou Augustinien — cf. BC I*, p. 60) : “ Les hommes ne voient plus Dieu dans les créatures, ils ne voient plus que l'apparence superficielle... Ils s'arrêtent à la surface ténébreuse parce qu'ils vivent en surface ; ils ne vivent plus par le fond où Dieu se donne ; ils vivent hors d'eux et ils ne voient plus que le dehors de tout. Le dedans de tout, la résidence de l'Être, leur échappe. C'a été l'habileté du démon de les en faire sortir : c'est le mal; le mal et les ténèbres. Leurs oeuvres sont mauvaises parce qu'accomplies dans ces ténèbres extérieures. Elles sont mauvaises parce que faites sans la Lumière, contre la Lumière, malgré ses appels et ses invitations ” (Dom Guillerand : L'abîme de Dieu, p. 162).

La Lumière lui reprocherait ses oeuvres: C'est le verbe < Elenchein >, dont A. Uleyn a montré l'importance dans le N.T.(Fonction prophétique, p. 28-31): Globalement, elenchein signifie : faire voir à quelqu'un sa culpabilité et l'inviter à se convertir. En général donc: en appeler à la conscience; s'adresser à la conscience (2Tm 3,16 2Tm 4,2 Mt 18,15). Plus spécifiquement: montrer, expliquer, mettre en lumière (Ep 5,11) ; dévoiler les dispositions et le caractère de quelqu'un (Jn 3,20 Jn 16,8); convaincre quelqu'un de ses torts et de sa faute ; reprendre, corriger, réfuter, persuader le coupable de son péché, fournir la preuve de sa culpabilité, démasquer, confronter avec sa faute et amener l'autocritique (Tt 1,9-13 Tt 2,15 1Tm 5,20 Ap 3,19).

Le texte le plus important en la matière se trouve dans 1Co 14,23-25. L'elenchein du prophète consiste à révéler par une parole lumineuse le péché et l'erreur qui demeuraient cachés jusque-là. Ce discernement révélateur (anakri-nein) provoque une crise dans la vie de l'homme. Celui-ci est amené à passer aux aveux et se trouve confondu. Cela signifie une anticipation du jugement dernier (2Tm 4,2). Ce qui se cachait et demeurait secret est démasqué par le prédicateur de la foi. Et ici nous touchons au centre même de la prédication prophétique : pénétrer dans le mensonge latent à tout homme pécheur. Le prophète coopère avec Dieu en manifestant sa lumière à un monde qui se réfugie dans les ténèbres du péché, c'est-à-dire du mensonge et de l'illusion...

L'elenchein est un moment essentiel de l'oeuvre salvifique de Dieu, telle que celle-ci se réalise en plusieurs phases historiques. L'elenchein s'exerce en effet par la loi et les prophètes, par Jésus-Christ (Ap 3,19 Jud 1,15), par le Saint-Esprit (Jn 16,8) et par l'Eglise (1Tm 5,20 2Tm 4,2 Tt 1,9 Tt 1,13 Tt 2,15 Mt 18,15 Ep 5,11).

Sous la forme et les thèmes propres à Saint-Jean, c'est en fait le même enseignement que celui des < Deux Voies > (§ 72 *). La finale de l'Épure de Barnabé conjugue les deux images :

XVIII Il y a deux voies de connaissance et de puissance : celle de la lumière et celle des ténèbres. Entre les deux, la différence est grande: sur l'une veillent les anges de Dieu < illuminateurs >; sur l'autre guettent les anges de Satan. 2 D'un côté Celui qui est Seigneur depuis toujours et pour toujours, de l'autre le prince du temps présent, temps de l'iniquité.

XIX 1 Voici quelle est la voie de la lumière: si quelqu'un veut faire route vers le but désigné, il doit s'y hâter par ses oeuvres. Et telle est la connaissance qui nous a été donnée pour marcher sur cette voie : Tu aimeras Celui qui t'a créé, tu craindras Celui qui t'a pétri, tu rendras gloire à Celui qui t'a racheté de la mort. Sois simple de coeur, et riche dans l'Esprit. Ne te lie pas avec ceux qui marchent sur la voie de la mort. Tu dois haïr tout ce qui déplaît à Dieu, haïr toute hypocrisie. N'abandonne pas les commandements du Seigneur. 3 Tu ne t'élèveras pas, mais tu auras en toutes circonstances d'humbles sentiments. Tu ne poseras pas toi-même la gloire sur tes épaules. Tu ne formeras pas de mauvais desseins contre ton prochain. Tu ne permettras pas à ton âme la témérité. 4 Tu ne commettras pas la fornication ni l'adultère, tu ne corrompras pas l'enfance. Que la parole de Dieu ne sorte jamais de ton esprit, même si tu es au milieu d'hommes corrompus. Ne fais pas acception de personnes en reprenant (c'est le même verbe < elenchein >) quelqu'un pour sa faute. Sois doux, sois calme, tremble devant les paroles que tu as entendues. Ne garde pas rancune à ton frère. 5 A aucun prix tu ne diviseras ton âme entre le Oui et le Non. Tu ne prononceras pas le Nom du Seigneur pour un mensonge (Dt 5,11). Tu aimeras ton prochain plus que ta propre vie. Tu ne feras pas mourir l'enfant dans le sein de sa mère, tu ne le tueras pas après sa naissance. Que ta main demeure sur ton fils et sur ta fille: enseigne-leur dès leur enfance la crainte de Dieu. 6 Ne désire absolument pas les biens de ton prochain; ne sois pas cupide. Que ton âme ne s'attache pas aux grands, mais fréquente plutôt les humbles et les justes. Regarde comme un bien tous les événements qui surviennent, sachant que rien n'arrive sans Dieu. 7 Ne sois pas double d'esprit et de langage, car la duplicité du langage est un piège de mort. Soumets-toi à tes maîtres dans un sentiment d'humilité et de crainte, parce qu'ils représentent Dieu. Tu ne commanderas pas durement à ton serviteur ou à ta servante qui espèrent dans le même Dieu [que toi], car tu pourrais les inciter à n'avoir plus du tout la crainte de Dieu : il est le Dieu de l'un et de l'autre, et il n'est pas venu appeler suivant le visage des hommes, mais selon que l'Esprit les a disposés. 8 Tu mettras tout en commun avec ton prochain, et tu ne diras pas que ce sont tes affaires ; car si vous avez en commun la richesse impérissable, combien plus les choses périssables! Ne sois pas grand parleur, car la bouche est un piège de mort. De toutes tes forces garde-toi pur, afin de préserver ton âme.
9 Ne sois pas quelqu'un qui tend les mains pour prendre — et pour donner les referme. Tu aimeras “ comme la prunelle de ton oeil ” quiconque te donnera la parole de Dieu. 10 Souviens-toi nuit et jour du Jour du Jugement. Chaque jour, recherche la présence des saints — soit que tu travailles par la parole, voyageant pour exhorter, t'efforçant par la parole de sauver une âme, soit que tu travailles des mains pour la rémission de tes péchés.
11 Ne fais pas attendre le don, et ne murmure pas quand tu donnes : tu apprendras qui est Celui qui récompense noblement. Tu garderas tous les commandements que tu as reçus. Tu n'y ajouteras rien, tu n'en retrancheras rien. Tu haïras le mal, jusqu'au bout. Tu jugeras avec justice. n Tu ne mettras pas la division [entre les hommes], mais tu établiras la paix en rapprochant les adversaires. Tu confesseras tes péchés. Tu n'iras pas à la prière avec une conscience mauvaise.
Telle est la voie de la lumière.

XXI Quant à la voie des ténèbres, elle est pleine de détours et de malédiction. C'est la voie de la mort éternelle et du châtiment. Sur cette voie, on trouve ce qui perd les âmes des hommes: l'idolâtrie, l'orgueil du pouvoir, l'hypocrisie, la duplicité du coeur...

XXII Ce qui est beau, c'est donc d'apprendre les préceptes de Dieu — ils sont écrits — et de marcher suivant ces préceptes. Celui qui les accomplit sera glorifié dans le Royaume de Dieu ; mais celui qui choisit la mauvaise voie, se perd avec ses oeuvres. C'est pourquoi il y aura résurrection et rétribution.

Jn 3,21 — Faire la vérité'. Vient en // avec “ faire le mal ”, du v. 20; aussi beaucoup comprennent comme s'il y avait “ faire le bien ”. Une analyse plus serrée permet à I. de la Potterie d'établir que cette formule, dans son contexte, décrit la marche progressive de l'homme vers la foi, c'est-à-dire tout le processus de sa < conversion > (la < Métanoia >) considérée ici sous son aspect positif, qui consiste à se tourner vers Jésus : c'est tout le processus d'accueil, d'intériorisation et d'appropriation de la vérité de Jésus... Dans les textes préchrétiens, l'expression servait à désigner un comportement conforme à la Loi ; mais dans le IV° Évangile, elle ne décrit plus l'action morale, mais l'adhésion progressive des hommes à la vérité de Jésus. Comme le disait magnifiquement une ancienne scolie, “ < faire la vérité >, c'est se hâter vers le christianisme ” fpo 106,1229)... Le fait que Jean utilise en ce sens le verbe grec < Poiein > montre à quel point il conçoit d'une manière active et personnelle ce cheminement vers la foi... La vérité nous vient de Jésus et, par Lui, du Père ; par elle, le Père nous “ attire ”. Mais de son côté, l'homme est invité à “faire ” cette vérité, on pourrait dire, à “faire sienne la vérité ”, ou mieux encore, à “faire la vérité en lui-même ”, et donc à coopérer à son action (Vérité, p. 480-535).

Ses oeuvres sont faites en Dieu: Il ne s'agit donc pas directement ici des < oeuvres > extérieures, au sens où saint Paul les distingue de la foi: Saint-Jean parle de “ l'oeuvre même de la foi ” (Jn 6,28-29), et s'il écrit “ les oeuvres ”, au pluriel, c'est pour indiquer les différentes démarches qui conduisent à la foi. Les théologiens qui, sous l'influence de Marx, donnent à la < Praxis > (à < l'orthopraxie >) le primat sur la doctrine (sur < l'orthodoxie >) en prétendant s'appuyer sur la formule “ faire la vérité ”, sont par conséquent victimes d'un “ parfait contresens ”, conclut le P. de la Potterie: car “ ne pas respecter la valeur objective de la vérité... est aux antipodes de la pensée de Saint-Jean ”. Certes, il faut aimer son prochain “ en acte ” pour que ce soit “ en vérité ”. Mais ceci, qui découle bien de la foi puisqu'elle est engagement, implique toute une genèse sur-naturelle: au début du processus, il faut “faire la vérité ”, c'est-à-dire s'ouvrir à la vérité du Christ et se laisser transformer par elle, pour “ connaître la vérité ” (Jn 8,32*) et “ être de la vérité ” (Jn 18,37*).

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§ 79-80. Le témoignage de Jean-Baptiste et du Christ:Jn 3,22-36


(Jn 3,22-36)

La synthèse théologique des v. 16 à 21 se poursuit aux v. 31-36. Nous avons noté qu'elle reprend le thème central du Prologue. Or, comme dans le Prologue également, intervient Jean-Baptiste: rappel que la foi (sur laquelle porte tout ce chapitre), s'appuie sur le témoignage, soit du Précurseur, soit de Jésus lui-même (v. 11 et 21*), soit plus tard, des Apôtres (Ac 10,40-43).

Jn 3,22-24 — Jean est le seul à mentionner cet entre-deux, où les deux groupes, du Baptiste et de Jésus, sont encore en parallèle. Ici et là, même rite baptiste. Malgré c. lattey (vd 1951, p. 28-30) et les auteurs anciens qu'il allègue, il semble difficile de penser qu'il s'agirait déjà du baptême chrétien, qui suppose la mort et la résurrection du Christ (Rm 6), et sera institué après celle-ci, en Mt 28,19. Il sera au surplus précisé en Jn 4,2 que ces baptêmes de préparation n'étaient pas donnés par Jésus lui-même, mais par ses disciples (cf. J. Daniélou: Jean-Baptiste, témoin de l'Agneau, p. 133-139).

Jn 3,25) — A propos de purification: Était-ce sur la valeur ou l'efficacité comparée des deux baptêmes ? En tout cas, le motif allégué au v. 26 ne sera plus théologique, mais de jalousie:

Jn 3,26) — “ S'il y a un bon zèle, enflammé d'amour, il peut naître aussi un zèle amer, jaloux, mauvais, qui éloigne de Dieu ” (Benoît: Règle, ch. 72). Du bon zèle, Jésus a témoigné en Jn 2,14-17, et bientôt la joie de Jean-Baptiste en donnera un autre exemple (v. 29). La rivalité qui voit une concurrence entre deux maîtres spirituels en réalité associés à une même oeuvre de Salut, et qui compte les points comme dans un match, est le fait des disciples et non des hommes de Dieu dont ils croient défendre les intérêts.

Jn 3,27-28 // 1Co 4,7 He 5,4 — L'humilité c'est la vérité : vérité que tout est “ don du ciel ”, si bien que l'orgueil est imposture et malhonnêteté; vérité que ce don est vocation déterminée, propre à chacun pour s'unir à Dieu par cette voie toute personnelle et pas une autre, si bien qu'il n'y a pas à lorgner envieusement sur celle du prochain: le laïc sur le prêtre, la femme sur l'homme, le précurseur sur le Christ.

Jn, 3, 29-30 // Ct 1,7 Ct 1,16 Ct 2,3-4 Ct 2,8 2S 3,1 — Jésus lui-même s'applique le titre d'Époux en Mc 2,19-20* (§ 43 ), suivant la parabole nuptiale chère aux Prophètes, magnifiée dans le Cantique. Quelle mauvaise action ce serait de détourner l'Épouse de sa fascination pour l'Epoux : Maintenant que vous voyez l'humanité fiancée au Christ s'approcher de lui comme épouse, fait dire Cyrille d’Alexandrie au Baptiste, maintenant que vous voyez cette nature humaine, qui avait été rejetée et éloignée de l'amour de Dieu, revenir à l'union spirituelle par le saint baptême, ne prenez pas ombrage de ce qu'elle accourt non vers moi mais vers l'Époux. Quant à moi, je me réjouis de ce que j'ai dépassé la condition de serviteur, pour être appelé < l'ami > (Sur Jn H — PG 73,264).

Jean-Baptiste s'avère “ l'ami ” par un désintéressement qui lui permet d'être mystiquement joyeux de la joie de l'Époux, fût-ce dans son propre sacrifice: l'égoïsme de la jalousie possessive est parfaitement surmonté. C'est déjà le centuple promis par le Christ à ceux qui ont tout quitté pour Lui.

l'ami qui l'assiste et l'écoute: l'attitude est aussi celle du serviteur. Si l'amitié peut faire du serviteur un ami (Jn 15,15), elle porte à servir, si bien que le retournement est complet. On le voit par excellence dans le Christ, que l'amour rend “ le serviteur de Yahvé ”, et des hommes.

la voix de l'Époux: cf. // Ct 2,8 Ct 2,

cette joie... est accomplie: C'est le < Nunc dimittis > du Précurseur (et à travers lui, de tout l’A.T...). Mission accomplie : à la suite de sa prédication, la Fiancée est venue au désert (Os 2,16-18), pour retrouver la ferveur et accueillir l'Époux si longtemps attendu. Mais c'est surtout la satisfaction de l'amitié, pour qui ne compte que la joie de l'Ami.

Jn 3,30 // 2S 3,1 — Formule parfaite du progrès dans toute vie chrétienne, qui est dans l'humilité. On peut bien résister, avec l'orgueil de Saül cherchant même à supprimer David, comme le feront de Jésus les Pharisiens : c'est prendre inutilement le parti du diable, puisque toujours, le dessein de Dieu triomphe. Guerric d’Igny: Sermon 3 sur Jean-Baptiste (PL 185,173 ; SC 202, p. 348) : Les orgueilleux imitent le diable : ils sont en effet de son parti, car il est roi sur les fils de superbe. Et comment l'imitent-ils? Le diable porta envie à Celui qui était meilleur que lui, c'est-à-dire à Dieu. Parce qu'il V enviait, il le calomnia. Les fils de son orgueil, infectés de ce vice — à savoir l'amour de leur propre excellence — portent envie à l'excellence d'autrui. Et quand ils commencent à envier, ils commencent, si possible, à dire du mal du prochain, comme s'ils pouvaient se grandir de ce qu'ils enlèvent à d'autres. Ils feraient bien d'imiter plutôt l'humilité de Jean : il se diminuait lui-même pour grandir un autre, s'efforçait de passer pour plus petit qu'on ne croyait, afin qu'un autre se manifestât, plus grand qu'on ne pouvait l'imaginer.



Bible chrétienne Evang. - § 78. L’entretien avec nicodème: Jn 3,1-21