Bible chrétienne Actes 17

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§ 17. Paul à Ephèse : Ac 19,1-41


Ac 19,1 — La troisième et dernière mission de Paul a commencé en Galatie et en Phrygie, c'est-à-dire d'est en ouest, au centre de l'Asie mineure (Ac 18,23). Pour rejoindre la côte ouest, il lui faut passer par «les hautes régions». On peut imaginer ce que de tels itinéraires signifient d'après 2Co 11,26. Ephèse est capitale de l'Asie proconsulaire, comme Corinthe l'était de l'Achaïe, et Philippes « première cité de Macédoine » (Ac 16,12) : l'Apôtre sait bien situer les centres de ses missions. D'ailleurs il est déjà passé à Ephèse, sans vouloir s'y arrêter mais suffisamment pour juger de la situation et prévoir d'y revenir «si Dieu le veut» (Ac 18,19-21). v.o., qui avait donné comme raison de ce départ précipité : Il me faut absolument aller célébrer la fête qui vient à Jérusalem, ajoute ici : Comme Paul voulait, de son propre mouvement, aller à Jérusalem, l'Esprit lui dit de retourner en Asie (Ac 18,21 Ac 19,1). Rappel que c'est Dieu qui dirige son « Apôtre » (= son Envoyé). Cette fois, il restera deux ans et trois mois à Ephèse (Ac 19,8 et Ac 19,10 — arrondis à trois ans, en Ac 20,31).

Ac 19,2-7 // Lc 3,3 Lc 3,15-16 Ez 36,25-27 Ez 36,29 Lc 6,12-13 — Comme pour Apollos, besoin d'un complément d'initiation (Ac 18,26*), dont nous voyons qu'il n'est pas seulement d'enseignement, mais de sacrement, comme dans le cas des Samaritains: baptême «au nom du Seigneur Jésus* et imposition des mains*» (v. 5-6). Douze disciples, et du Baptiste seulement, en tout et pour tout semble-t-il (comparer Ac 19,7 et lb): douze au début de l'Église d'Éphèse, comme il y avait eu douze Apôtres au départ de l'Évangile (// Lc 6) — encore qu'il serait abusif de donner trop d'importance à ce rapprochement.

TERTULLIEN : Du Baptême, x, 2 (SC 35, p. 79-80) — Le baptême de Jean était-il du ciel ou de la terre ? (Mt 21,25) — Nous qui avons pourtant aussi peu d'intelligence que de « petite foi » (BC II*, p. 432, Cyrille) , nous pouvons estimer que ce baptême était vraiment divin ; mais par son institution, non par ses effets. Car Jean fut envoyé, lisons-nous (dans le parallèle Lc 3,3), par le Seigneur, pour ce ministère, tout en restant de la même condition que les autres hommes. Il ne confèrent rien de céleste mais préparent les voies aux dons du ciel en exhortant à la pénitence, qui dépend de la volonté humaine.

Dans la liturgie plus développée du baptême, en Occident comme en Orient, le signe sacramentel de ce don de l'Esprit est l'onction avec le saint chrême (mélange d'huile d'olive et de baume), pratiquée aussitôt après l'ablution. Elle fait tellement partie intégrante du sacrement que l'on discute si le baptême serait valide sans cette onction (hors les cas d'urgence, bien entendu).

CABASILAS : La vie en Christ, // /, 8.10 (SC 355, p. 244-246) — L'oeuvre de cette cérémonie d'initiation est de transmettre les «énergies » de l'Esprit de bonté ; quant au chrême, il rend intimement présent le Seigneur Jésus, en qui résident pour les hommes tout le salut et toute l'espérance des biens (à venir) , et de qui nous vient toute participation au Saint-Esprit, et par qui nous avons accès au Père...

Ce que le chrême procure aux chrétiens, c'est un charisme de piété et de prière, de charité et de sagesse, ainsi que des autres dons opportuns aux chrétiens. Et si un grand nombre d'entre eux ne sont pas conscients de ces dons, s'ils ne voient pas combien est grande la « vertu » de ce mystère, et si, comme il est dit dans les Actes, « ils ne savent même pas qu’il y a un Esprit Saint »..., il n'en est pas moins vrai que l'Esprit communique ses dons à ceux dont l'initiation a été ainsi achevée... C'est même une promesse majeure pour les temps messianiques (// Ez 36). N'empêche qu'aujourd'hui encore, malgré le courant charismatique, beaucoup de chrétiens vivent pratiquement comme s'ils « n'avaient jamais entendu dire qu'il y ait un Esprit Saint », qui ne demanderait pourtant qu'à être inspirateur et moteur de leur vie spirituelle. Et dans la mesure où celle-ci est «surnaturelle», c'est-à-dire divine, elle ne peut être et se développer que grâce à cette Personne proprement divine (C. J. Nesmy : Spiritualité de la Pentecôte, p. 60 à 160, surtout p. 149-150).

Ac 19,8-10 // Ez 2,1-6 Is 46,12-13 Nb 14,11 Mc 6,30-32 — Encore le « scénario habituel » (Ac 13,40 s*). Il discuta: Ac 17,1-4* ; avec cette précision supplémentaire: «cherchant à convaincre». Sur le Royaume de Dieu: Expression bien plus fréquente dans les Evangiles que dans les Actes (Ac 1,3 Ac 8,12 Ac 14,22 Ac 19,8 Ac 20,25 Ac 28,23 Ac 28,31). C'est qu'elle est désormais doublée par le kérygme* du Christ ressuscité, qui revient à l'annonce que le Royaume est déjà commencé. Peut-être seulement, ici, Luc veut-il parler d'un enseignement plus développé de saint Paul, allant jusqu'aux conséquences du «mystère» central sur la vie chrétienne, comme le fera l'épître aux Éphésiens en ses deux parties successives : chapitres 1-3 et 4-6. Et de même aussi pour la Voie : cf. Ac 18,25-26*.

certains se durcissaient, refusant de croire : L'écueil n'est pas nouveau (// Ez 2 Is 46 Nb 14). Jésus l'avait reproché à ses Apôtres eux-mêmes, encore après la résurrection (Mc 16,14).

tous les habitants de la province d'Asie, Juifs et Grecs, entendirent la Parole du Seigneur: À travers son Apôtre, c'est Jésus qui s'adresse à tous. «Juifs et Grecs », il n'y a pas d'exclus sinon ceux qui « se refusent». L'appel du Christ est même si universel que Luc écrit sans sourciller : « Tous les habitants de la province d'Asie», bien qu'à l'évidence Paul n'ait pas même couvert entièrement la seule ville d'Ephèse. Le texte semblerait en effet indiquer que l'Apôtre se consacre au groupe des disciples, pris à part, comme l'avait fait Jésus lui-même après l'échec du discours sur le pain de Vie à l'évangélisation de masse (Jn 6,64-66 // Mc 6). Dans l'école de Tyrannos : ? La v.o. ajoute : « de la cinquième à la dixième heure », c'est-à-dire de 11 à 16 h, heures du repas et de la sieste. Le christianisme est parent pauvre... Mais il est possible aussi que date d'alors la fondation d'Eglises comme celles de Colosses, de Laodicée et de Hiérapolis (Col 1,7 Col 4,13 Col 4,15 Ap 3,14-22) : «Par toute la terre a fusé leur message / et leurs paroles jusqu'aux extrémités de l'univers » (Ps 19,5 cf. Ac 1,8* et Ac 19,21-22).

Ac 19,11-12 // Mc 5,25 Mc 5,27-28 Toujours le parallèle avec Pierre (Ac 5,15-16); mais l'un et l'autre comme le Christ (// Mc 5; cf. Mc 6,53). Des mouchoirs et des linges qui avaient touché son corps: Avant la lettre, c'est déjà la pratique des « reliques ». Les catholiques ne se battraient plus pour elle maintenant. Mais n'en déplaise aux protestants du XVIe siècle, dans son fondement au moins cette dévotion était donc scripturaire...

Ac 19,13-16 // des Juifs exorcistes ambulants: Il en apparaît déjà dans l'Évangile (Lc 9,49 ; cf. Mt 12,27); mais Scéva est inconnu par ailleurs, v.o. ajoute: Les fils d'un certain Scéva, un prêtre, voulurent faire la même chose (ils avaient coutume d'exorciser ce genre d'homme), et entrés auprès de celui qu'un démon possédait, ils se mirent à invoquer le Nom, en disant: « Nous te donnons l'ordre, par Jésus que Paul proclame, de sortir. »

La Tradition de l'Église, prenant au sérieux l'existence et les pouvoirs du «Prince de ce monde», a toujours cru à l'efficience des exorcismes, dont le Christ avait montré l'exemple et transmis le ministère à ses Apôtres (Mc 16,17 cf. Lc 10,17 Ac 16,18):

ORIGENE : Contre Celse, 1, 6 (SC 132, p. 90) — Ce n'est point par des invocations que les chrétiens semblent exercer un pouvoir, mais par le nom de Jésus joint à la lecture publique des récits de sa vie. Cette lecture en effet réussit souvent à retrancher des hommes les démons, surtout quand elle est faite avec une foi véritable, mais parfois même lorsque le nom de Jésus est invoqué par de vils faux prophètes — croit pouvoir ajouter Origène en s'appuyant sur Mt 7,22. Plus généralement encore, si les nations païennes croient aux incantations et aux charmes, quelle puissance et quelle force notre foi ne doit-elle pas attribuer à tous les mots et tous les noms (cf. Ac 18,15) des paroles divines de l'Écriture, même là où elles nous paraissent obscures (Sur Josué, Hom. 20,1 — SC 71, p. 406).

Plus directement, irénée estime que Satan est écarté des hommes par l'invocation du nom de Jésus-Christ qui a été crucifié sous Ponce Pilate, car il se tient tout près de quiconque croit en lui et fait sa volonté, accomplissant les demandes de qui l'invoque dans la pureté du coeur (Dém. Pred. Ap. AP 97 — SC 62, p. 165). Et encore:

hippolyte: Tradition Apostolique, 42 (SC 11 bis, p. 134-136): En cas de tentation, signe-toi le front avec respect. Car c’est le signe de la Passion, connu et éprouvé contre le diable... comme un bouclier. L'Adversaire, lorsqu'il voit la force qui est dans le coeurtelle que l'homme intérieur, animé par le Verbe, montre l'image (de sa croix) retracée à l'extérieur — , est mis en fuite par l'Esprit (qui est) en toi. Ainsi, quand Moïse aspergea et enduisit les montants des portes du sang de l'agneau pascal (Ex 12,7(, il désignait la foi en l'Agneau parfait, qui est en nous à présent.

De tels auto-exorcismes sont bien de mise, au moins dans les tentations ordinaires. Par contre, en cas de possession diabolique proprement dite — ce qui est heureusement infiniment plus rare — , ce passage d'Ac 19,14-16 doit mettre en garde contre toute imprudence, comme le faisait déjà l'exemple des prophètes et des Évangiles (// 1R 13 Lc 11 Lc 8). On n'en fit que trop l'expérience au xvnc siècle, avec les trop fameuses «possédées de Loudun». C'est pourquoi, dès les premiers siècles, l'Eglise avait institué une ordination spéciale pour ces ministères d'exorcismes (« l'exorcistat », troisième des « ordres mineurs »), et délègue ordinairement ces pouvoirs à un prêtre nommé par l'évêque pour être exorciste officiel de son diocèse. Il doit être évidemment d'abord capable de discerner entre les cas de possession, qui semblent exceptionnels, et les maladies mentales ou nerveuses qui peuvent y ressembler (voir dans les « Études carmélitaines » sur Satan, ddb 1948, j. de tonquedec : « Quelques aspects de l'action de Satan dans le monde», et f.x. maquart : «L'exorciste devant les manifestations diaboliques »).

Ac 19,17-20 // Dt 7,25 Dt 7,6 Dt 18,9-12 2R 23,11-12 — Ce paragraphe et plus encore les versets 23 à 40 nous rappellent que si Paul avait rencontré, dès Iconium (Ac 13,11-18), puis à Athènes et à Corinthe, le monde gréco-romain, il était à Éphèse encore plus au centre de la fermentation religieuse caractéristique de cette époque, la plupart des cultes mystériques ou gnostiques* venant d'Asie non moins que de la Grèce. Durant toute une époque, on tenta même d'assimiler le « mystère » chrétien à ces « mystères païens » ; mais de ces recherches est ressorti au contraire à quel point le christianisme se fonde essentiellement sur la tradition biblique, notamment son rejet formel de tout art magique (v. 19 et // Dt 7 ; 2R 23 — cf. déjà Ac 8,9-24*). Le vide religieux du monde païen était alors immense. Pour le combler, ce n’était pas seulement le christianisme qui se présentait, mais encore une quantité d'autres mouvements, qui demandaient très peu et semblaient promettre beaucoup... Paul, avec son activité infatigable, annonce l'Évangile dans sa parfaite sobriété et Pureté. Le chrétien n'a pas besoin d'incantations ni de conjurations, mais seulement de prière ; il n’a pas besoin de formules magiques, mais de foi (d. barsotti).

apportaient leurs livres (de magie) et les brûlaient (v. 19 // Dt 7,25): On déplore à présent les nombreux objets détruits par les missionnaires, mais c'est un anachronisme : là où nous ne voyons plus qu'intérêt historique ou artistique, sans valeur idolâtrique propre, missionnaires ou païens tenaient ces livres pour instruments de magie, et ces statues pour une « représentation » et donc une « présence » des faux dieux ou plutôt des démons poussant à leur culte (). Les livrer au feu était signe d'une conversion effective — il est bon que de tels « autodafés » viennent de leurs propriétaires eux-mêmes — en même temps que d'une prudence évangélique : « Si ton oeil est pour toi occasion de scandale, arrache-le et jette-le loin de toi...» (Mt 18,9).

On en estima la valeur à cinquante mille pièces d'argent (v. 19b) : Tout comme « l'onguent parfumé de grand prix » versé par Marie sur les pieds de Jésus (Jn 12,3), cette somme de sacrifices disparus en fumée n'est pas gaspillée, mais hommage au Dieu unique. Mais cette remarque a surtout le mérite de nous préparer à l'épisode suivant (v. 23-40), où les intérêts financiers sont si honteusement prédominants, même s'ils se couvrent d'une réclamation officiellement religieuse.

Ac 19,21-22 — Sommaire d'évangélisation : C'est toujours 1’Esprit qui décide. Contre « le projet » raisonnable de l'Apôtre d'affermir la foi des Eglises nouvelles (cf. Ac Ac 14,22 et 16,4-5) — nécessaire, mais qui peut être confié à des disciples, comme ici Éraste et Timothée (v. 22) — , Paul doit monter à Jérusalem et voir Rome (v. 21). C'est le « il faut* » du dessein salvifique de Dieu, sur saint Paul comme sur le Christ (BC II*, table). C'est donc en réalité la première annonce de ce qui fera l'objet des neuf derniers chapitres des Actes — tout comme Jésus avait prédit, à triple reprise, sa Passion. Toutefois, Paul étant homme et non pas Dieu, il semble ignorer encore ce qui l'attend, et qui lui sera révélé au moment voulu (Ac 20,23*).

Ac 19,23-40 Il h 20,10-11; 10,6.8.10-11.15; Jn 11,47-50 — Le pittoresque du récit ne doit pas en faire oublier l'enjeu, précisé d'emblée, au verset 23 : « la Voie* » est une concurrence mortelle pour le paganisme. Artémis : Non pas la déesse grecque de ce nom, correspondant à la Diane des Romains, mais « la grande Artémis des Ephésiens... qu'adorent toute l'Asie et la terre entière» (v. 28.27); c'est-à-dire, comme Astarté ou Aphrodite, «la Grande Mère », déesse de la fertilité.

Démétrius... fabriquait des temples dArtémis en argent: Les «souvenirs de Lourdes », ou du Mont-Saint-Michel, sont de tous les temps, de même que l'âpreté des fabricants à tirer profit d'un sanctuaire populaire. Mais le mercantilisme ne supprime pas nécessairement la dévotion qu'il exploite ; et il n'est pas sûr que la pieuse finale de Démétrius (v. 27b) soit purement hypocrite. Gaïus et Aristarque (v. 29) : Macédoniens, et même — au moins pour Aristarque (Ac 27,2) — de Thessalonique, où ils avaient dû être des convertis de saint Paul (Ac 17,4).

certains chefs... qui étaient ses amis (v. 31) : Nouvelle indication sur les bonnes relations entre Paul et le pouvoir romain, qui, une fois de plus, va reconnaître l'Apôtre — à l'instar de Jésus lui-même — non coupable (v. 37-38). Les gens criaient n'importe quoi... et beaucoup ne savaient pas pourquoi... (v. 32) : Voilà bien l'émeute, aveugle !

dès qu'ils comprirent qu'il (Alexandre) était juif (v. 33-34): Comme si souvent, la manifestation est toute prête à virer au racisme, l'étranger étant toujours suspect de mordre les intérêts des autochtones. Mais en réalité, ces païens d'Éphèse ne se trompent pas en confondant Juifs et chrétiens dans une même haine, car tous ont la même source monothéiste, et par conséquent négatrice du polythéisme gréco-asiatique. Mais par là même, ils rejoignaient aussi les conclusions de la philosophie grecque, ainsi que le remarquait déjà ORIGÈNE : Le sens commun exige de pressentir que Dieu n’est absolument pas une matière corruptible, et ne saurait être vénéré dans les matières inanimées auxquelles l'art humain donne forme, comme à des images ou des symboles. Aussi est-il, Jgs (le Sinaï) , écrit au sujet de ces images, qu’« elles ne sont pas des dieux », et de ces « créations » (de l'art) , qu'elles ne sont pas comparables au Créateur, étant si peu de chose par rapport au Dieu suprême qui créa, maintient et gouverne tout l'univers (Contre Celse, m, 40 — SC 136, p. 94).

Le chancelier (v. 35): « Grammateus ». Ce n'est pas un scribe juif, mais un fonctionnaire important qui dirige les débats de l'assemblée. Comme celle-ci n'est pas régulière, il faut croire que le désordre l'a fait venir sur les lieux pour qu’il use de son influence. Il parle un bon grec, et son discours est habile (e. delebecque : Les Actes des Apôtres, p. 95). Nous traduisons par «chancelier», en nous inspirant de la Sacra Bibbia de la Commission épisco-pale italienne.

nous risquons d'être accusés de sédition : Encore une ressemblance avec le Christ (// Jn 11,47-50). Nous sommes prêts à aborder la montée à Jérusalem et la Passion de saint Paul.


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§ 18. LE DISCOURS D'ADIEU : Ac 20,1-38


Les neuf derniers chapitres des Actes sont consacrés à la Passion de saint Paul. Leur développement tient pour une part à ce que Luc parle désormais en témoin («nous» — cf. Ac 16,10*), donc avec plus de précision et de détails concrets ; mais plus encore sans doute, c'est le signe de l'importance que l'auteur veut donner à cette imitation de la Passion du Christ par où doit passer son Apôtre. Si capitales qu'aient été pour l'Église naissante ses trois missions (Ac 13-20 = huit chapitres seulement), et que demeure son enseignement par ses épîtres, le sommet de sa vie et de son oeuvre, comme de tout le livre des Actes même, apparaît ainsi dans ces épisodes reproduisant si manifestement la suite des événements par lesquels le Seigneur a sauvé le monde : Cène, discours d'adieu, montée à Jérusalem et prédiction de la Passion, arrestation, procès, mort et ensevelissement, ultimes recommandations aux disciples après l'arrivée à Rome de l'Apôtre (Ac 28,31, en inclusion avec 1,2-5). Parallèle bien mis en valeur par m. gourgues : L'Évangile aux païens, p. 10-13.

Le chapitre 20 et même les premiers versets du chapitre 21 sont de transition, rapportant le retour de la troisième mission tout en ouvrant la perspective de l'imminente passion de l'Apôtre.

Ac 20,1-6 — Itinéraire, avec cette fois indication de la durée des séjours : d'Éphèse à la Macédoine et à «la Grèce», autrement dit Corinthe, comme l'annonçait , sommes dans l'hiver alors que Paul rédige son épître aux Romains. Puis retour par la Macédoine et traversée jusqu'à Troas (Ac 16,11*). Chemin faisant, l'Apôtre reçoit la collecte en faveur des pauvres, annoncée en 1Co EN 16,1 et qui nous laisse entendre que commence la « montée à Jérusalem ». Puisque Paul est encore à Philippes pour la fête de Pâques (v. 5-6) et veut être à Jérusalem pour la Pentecôte (v. 16), le retour est temporellement bien cadré.

Ac 20,1-2Quand le tumulte eut pris fin: Liaison avec le dernier épisode du séjour à Éphèse (Ac 19,23-40). Paul fît appeler les disciples: Comme au verset 17, avec les anciens d'Éphèse. C'est le commencement des adieux. Exhortations (bis, aux versets 1 et 2) : Toujours la mission d'affermir les nouveaux disciples (Ac 14,22*). En beaucoup d'entretiens : Comme le fait, a son exemple, Jean-Paul II durant ses voyages apostoliques. On les aurait sans doute moins critiqués si l'on avait considéré qu'ils reprenaient une mission propre à Pierre et à Paul — que le pape actuel a justement repris comme patronyme — avec les moyens et l'extension adaptés aux possibilités actuelles. Sur les reproches de prolixité, voir au verset 9*.

Ac 20,3-4 // — les Juifs ayant fait un complot : Ce n'est ni le premier (Ac 9,23) ni le dernier (Ac 23,12-22 Ac 25,3). Mais c'est surtout une

première ressemblance avec le Christ, dont la Passion s'ouvre par le complot des princes des prêtres contre Jésus (Lc 22,1-2 et // — bc n, p. 508). En Ac 21,27, ce seront aussi des «Juifs d'Asie» qui provoqueront l'arrestation de Paul, comme Jézabel était phénicienne (// ). D'après v.o., le changement d'itinéraire n'est pas dû à une initiative de l'Apôtre, mais le Saint-Esprit lui dit... : c'est lui qui va conduire Paul à sa passion (v. 23).

L'accompagnèrent Sopatros (est-ce le même que le Sosipatros de Rm 16,21 ?)... Aristarque (Ac 19,29*)... Gaïus, de Derbé (une des villes évangé-lisées dès la première mission, Ac 14,20-21). Mais v.o. appelle Gaïus un « Dobérien », donc de la ville de Dobérès, entre Philippes et Amphipolis : en ce cas il serait macédonien et l'on pourrait l'identifier avec le Gaïus d'Ac 19,29. Timothée nous est connu (Ac 16,2-3*). Tychique est loué en Ep 6,21 ; Col 4,7 ; cf. 2Tm 4,12 ; Tt 3,12 ; une revue du mouvement charismatique s'est mise sous son nom et son patronage. Trophime est d'Ephèse (Ac 21,29 cf. 2Tm ) et l'Église d'Arles le considère comme son fondateur. Sept compagnons, si l'on ajoute Secundus, sans doute délégués pour porter la collecte à Jérusalem.

Ac 20,7-9 // Lc 24,1-2 Jn 20,19 Jn 20,26 Dn — Le premier jour de la semaine , Attestation précieuse de la célébration chrétienne du dimanche, en souvenir hebdomadaire de la résurrection (// Lc 24,1), célébration encouragée par Jésus lui-même, apparu dès le « second dimanche » qui avait suivi le « premier de Pâques » (// Jn 20,26 — BC II*, p. 775). Venant après la mention de la fête annuelle (v. 6 — même si son nom d'Azymes désigne encore la fête juive), c'est le premier germe du cycle chrétien du temps qui se forme... (voir v. 12*).

réunis pour la fraction du pain : C'est bien l'eucharistie, que l'on trouvait déjà en Ac 2,42.46 et // 1Co 10,16, associée au repas d'agape comme ici (v. 11 — cf. Ac Ac 2,42 Ac Ac 2, Ac 6,2 Ac 11,3).

Il y avait un bon nombre de lampes dans la salle haute : Suivant la coutume juive (// Dn 6), mais aussi comme le Christ à la Cène (Lc 22,11-12). Ces lampes ne sont donc pas là seulement dans un but pratique, mais prennent valeur symbolique de la lumière : à la fois hommage de l'homme (// Ex 25) — que prolonge jusqu'à nos jours la belle dévotion de faire brûler un cierge — et surtout don de Dieu, lumière des coeurs (// ).

l'entretien se prolongea... Paul continuait longtemps son discours... et après avoir encore beaucoup parlé (v. 7.9.11) : tob traduit cette insistance de Luc par la tournure : « Il n'en finissait pas de parler. » Mais, d'une part, cette longueur est celle qui convient à une « vigile », où il convient de passer la nuit, jusqu'à l'aube (v. 11) ; d'autre part, avec le sens profond du sacré qui donne aux Pères de l'Église leur valeur irremplaçable, oric-ène nous invite à ne pas confondre prolongation et prolixité. Après avoir cité l'exemple d'Ac 20,7-9, éclairé par Pr 1,24 (suivant la Septante): «J'ai prolongé mes discours et vous n'y avez pas fait attention », il explique : La Parole totale de Dieu, celle qui est dans le Principe auprès de Dieu (Jn 1,1), n'est pas prolixité, n'étant pas « des paroles » mais Parole unique, synthèse de nombreux objets de contemplation, dont chacun est un aspect fragmentaire de la Parole intégrale... C'est plutôt celui qui proclame quoi que ce soit d'étranger à la piété qui est prolixe ; tandis que celui qui dit la vérité, même s'il parlait de tout sans rien omettre, celui-là ne dit jamais qu’une seule parole ; et les saints ne sont jamais prolixes, se tenant dans la perspective de la Parole unique. Si donc la prolixité se juge aux doctrines, non à l'énoncé des mots, si nombreux soient-ils, ne pouvons-nous pas discerner que tous les Livres saints ne sont que l'unique «Bible », mais qu'en dehors d'eux les autres sont multiples à l'infini (Philocalie, 5, 3-4 — SC 302, p. 288-290). Comme ce serait bien si les homélies — au lieu d'être astreintes au « lit de Procuste » des « dix minutes » réglementaires — étaient régies par le souci d'être assez «Parole unique de Dieu» pour éviter les bavardages sur le « vécu », dont se plaignent tant de fidèles !...

Ac 20,9-12 // — Il aurait manqué à l'Apôtre le plus grand des miracles s'il n'avait eu cette occasion de ressusciter un mort, comme Pierre l'avait fait pour Tabitha, après avoir prié, à genoux (Ac 9,36-42

toujours le parallèle entre les deux Apôtres). Mais Paul procède à la manière

d'Élie, dans une étreinte mimant une lutte contre la mort, plutôt qu'avec la souveraine aisance du Christ, qui est la Vie, et qui peut donc la transmettre sans effort au monde entier.

Ac 20,13-16 // Dt 16,10-11 — Le témoin qui écrit «nous » est à même de relater la suite du voyage à étapes forcées. La Pentecôte convenait fort bien pour apporter les fruits de la collecte, puisque c'était la fête de la moisson, appelant le don des prémices (// Dt 16 cf. Ex Ex 23,16 Lv 23,15-21 Nb 28,26-31). Mais désormais, la Pentecôte devenait aussi une fête chrétienne, anniversaire du don de Dieu et de la naissance de l'Eglise (Ac 2 — même retournement du don actif des hommes en don reçu de Dieu que dans le dialogue de Jésus avec la femme de Samarie, en Jn 4,7 et 10; cf. BC II*, p. 305-306). Après le dimanche (v. 7) et Pâques (v. 6), pointe donc ici l'autre fête majeure du calendrier chrétien primitif (Noël-Épiphanie étant plus tardif, on le sait).

Ac 20,17 // Ex 3,16-17 Ex 19,7-8 — On ne peut assimiler aux «anciens d'Israël », les anciens* institués dans chaque Eglise par Paul et Barnabe en Ac EN 14,23 Les circonstances diffèrent aussi puisque, dans l'Exode, Moïse en est dans les débuts de sa mission (// Ex 3 et 19, qui se situent donc juste avant le Sinaï), tandis que l'Apôtre les appelle pour recevoir son « testament ». Mais ici et là, il y a transmission et ratification de l'Alliance proposée par Dieu à son peuple, à travers la chaîne des médiateurs: du Père à son Fils, du Christ à ses Apôtres, et de ceux-ci à leurs successeurs, que nous appelons maintenant « le pape et les évêques »...

de Milet... les anciens de l'Église d'Éphèse: Cela représente un déplacement d'une cinquantaine de kilomètres. Les anciens ont dû mettre de deux à trois jours à les franchir. Paul craignait-il donc tellement d'être retenu s'il entrait dans Éphèse ; ou bien avait-il encore à craindre les troubles qui avaient entraîné son départ (Ac 19,23-40) ? Toujours est-il que c'est à l'Église d'Éphèse, fleuron de sa troisième mission et peut-être de toutes ses missions, que l'Apôtre réserve son testament.

le discours d'adieu (Ac 20,18-35). C'est le plus touchant des sept discours de saint Paul dans les Actes. Les autres s'adressent à des Juifs (13,16-41), à des païens (14,15-17; 17,22-31) puis, pour sa défense, aux Juifs de Jérusalem (22,1-21), au gouverneur romain Félix (24,10-21) et au roi Agrippa (26,2-23). Pour cette unique fois, nous entendons saint Paul parlant aux chrétiens, dont il se sent père.

Sur la composition du discours de Milet, suivons l'analyse du père J. dupont (Nouv. Études, p. 424-445). Il en ressort que si l'Apôtre y parle beaucoup de lui, ce n'est pas pour faire son apologie : du reste, il n'a pas à se défendre comme il le fera par exemple dans les derniers chapitres de la deuxième aux Corinthiens ; l'enchaînement lui-même des phrases montre que le mouvement est à l'inverse d'un retour sur lui-même : Paul donne sa conduite comme un exemple de ce que devra rester le ministère dans l'Église, non seulement du Ier siècle mais de tous les temps. Saint Pierre en fera autant à la fin de sa première épître (5,1-4), parallèle d'autant plus évident que le prince des Apôtres s'y adresse nommément aux « anciens ».

Nous sommes donc bien en présence d'un «discours d'adieu» testamentaire, comme ceux de Samuel () ou de Mattathias (). En un sens même, c'est tout le Deutéronome qui est un ensemble de « discours d'adieu ». Mais plus encore, celui de saint Paul se rattache au « discours après la Cène », que ce soit suivant saint Jean (14-17) ou saint Luc (22,25-37). Il en a d'abord le ton, si essentiel — et qui se rencontre si fréquemment dans ce genre littéraire — , vibrant d'amour paternel, plein de tendresse et de solli-

citude. S'y exprime aussi la tristesse de la séparation, mais tempérée par une perspective qui s'ouvre sur l'avenir. En donnant en exemple son attitude de « serviteur», Paul rejoint son Maître et la sublime leçon laissée à ses Apôtres par le lavement des pieds. Enfin, l'appel à la vigilance rappelle plus directement saint Matthieu (24,42 à 25,13) ; et la garde du « troupeau », Jn 21,15-17, ou plus généralement l'ultime envoi en mission (Mt 28,18-20 Mc 16,15-18 Lc 24,45-49 Jn 20,21-23). À travers tout cela, c'est son coeur que Paul nous laisse découvrir : Ce que nous avons déjà vu de lui nous a laissé pressentir quelque chose de ses sentiments, mais nul autre texte des Actes ne peut nous parler aussi profondément de sa vie spirituelle : non plus son labeur, mais ce qui a stimulé son labeur ; non plus ses miracles, mais la racine profonde d'où découlent la force de sa prédication, la puissance des oeuvres qu’il accomplit (d. barsotti).

Les exégètes ont proposé toutes les divisions possibles, en deux, trois, quatre ou cinq parties (j. dupont : Nouv. Études, p. 424-427), ce qui est beaucoup pour les onze phrases comptées par j. lambrecht (dans betl 48, p. 314 s), ou les sept « unités grammaticales » déterminées par J. Dupont : 18-21 ; 22-24 ; 25-27 ; 28 ; 29-31 ; 32 et 33-35. L'essentiel est d'en relever «le sens» : il se trouve dans le mouvement qui va de l'Apôtre à ses successeurs, comme du passé au présent et à l'avenir, de sorte que s'y affirme l'intime cohérence de la pensée avec son expression (ce qui est le propre de tout art littéraire) : Paul y parle beaucoup de lui-même : de la manière dont il a rempli sa mission à Éphèse, des sentiments qui l'animent au moment d'une séparation définitive, de ses prévisions au sujet des difficultés que l'Eglise devra bientôt affronter. Mais tout cela en vue d'un but bien précis : mettre en valeur la responsabilité des chefs d'Eglise, leur faire comprendre qu'ils ne seront à la hauteur de leur tâche que dans la mesure où ils prendront exemple sur l'Apôtre et se montreront fidèles à ses enseignements (j. dupont : Nouv. Études, p. 445). Pour éclairer ensuite les expressions dont ces dix-huit versets sont tissés, par les enseignements parallèles des épîtres de saint Paul, on aura le meilleur guide dans l'ouvrage antérieur de j. dupont intitulé Le Discours de Milet, modèle d'exégèse spirituelle.

Ac 20,18-21 // Lc 22,26-27 Is 42,1-3 1 Th 1Th 2,10-12 Mt 11,29Vous savez , Se retrouve au verset Mt 34 Paul en appelle à ce qu'ils ont appris de lui. Cf. 1 Th 1Th 1,5 1Th 2,1 1Th 2,5 1Th 2,9 1Th 2,10-12 1Th 4,2 2 Th 2Th 3,7-8 Ga 4,13 Ph 4,15 Ph 4,

comment je me suis toujours comporté : Litt. « comment j'ai été avec vous » : L'expression évoque une étroite communauté de vie... L'Apôtre a vécu « avec » les Ëphésiens comme l'un des leurs ; rien de sa conduite n’a pu leur échapper, rien de l'exemple qu'il leur a donné et qu'il veut leur rappeler (p. 34). C'était par une même communauté de vie, et durant trois ans aussi, que Jésus avait formé ses Apôtres ; et c'est ce qui leur donnait le droit d'être pleinement ses «témoins» (Ac 1,21-22).

servant le Seigneur : Suivant que le Christ le demande à ses disciples et leur en a donné l'exemple, lui, le «Serviteur de Yahvé» (// Is 42,1-4 cf. Is 49,1-6 Is 50,4-9 Is 52,13 à Is 53,12 // Lc 22 cf. Jn Jn 13,12-15). Le Seigneur désigne ici le Christ, à servir dans le moindre de ses membres (Mt 25,35-40).

en toute humilité : // Mt 11,29. Cf. Ep 4,2 ; Col 3,12 ; Ph 2,3-8 ; 2Tm 2,24 (et tous les passages où Paul se juge « le plus infime de tous les saints », Ep 3,8 1Tm 1,14-16, etc. ). L'expression doit faire penser d'abord à une humilité qui se traduit extérieurement par la douceur du caractère, l'aménité du comportement, l'affabilité et la mansuétude dont on use dans ses rapports avec autrui. Il s'agit de l'humilité qui constitue le fondement de toute charité authentique, celle qui inspire au chef d'Église la tendresse délicate dont il entoure ceux qui lui sont confiés (p. 46). clément de rome reste dans cette ligne en jugeant dignes de continuer à exercer leur ministère ceux qui, ayant été établis par les Apôtres, ou ensuite par d'autres hommes éminents, avec l'approbation de toute l'Église, ont rempli leur office envers le troupeau

du Christ de manière irréprochable, avec humilité, calme et dignité... (Aux Cor. 44, 3 — SC 167, p. 172).

avec larmes, parmi les épreuves : Les premières causées par la mauvaise conduite des disciples, par opposition à la joie du bon Pasteur quand il ramène la brebis égarée (Mt 18,12-14 Lc 15) ; les secondes par suite des embûches des Juifs, la patience connotant l'idée de constance (Lc 8,13 et 15). Comme l'Apôtre le résumera en 2Co 7,5 : « combats au-dehors, craintes au-dedans ». Paul souffre une passion d'amour, comme le Christ qui a vécu la mort pour notre salut. Tout Apôtre vit sa passion, en se trouvant devant des âmes sourdes, fermées, jalouses, envieuses... Pour une seule âme qui se perd, qui vit loin de Dieu, tout Apôtre souffre et participe à la Passion du Christ (d. barsotti).

je n'ai rien omis... je vous prêchais... (v. 20): Parce que l'humilité s'appuie non sur des forces humaines, toujours limitées, mais sur Dieu, elle est intrépide ; et elle se conjugue avec la charité pour ne reculer devant rien. Négativement, pas de «péché d'omission ». Le verbe est le même que dans le reproche fait à Pierre de « se dérober » à une prise de position franche et nette vis-à-vis des païens (Ga 2,12-13). Dans le contexte de ce verset, il signifie que Paul n'a rien caché de ce qu'il avait à dire aux Éphésiens, si pénible ou même dangereux que ce puisse être pour lui-même. C'est la face négative (« n'ai pas omis », par peur de dire), de ce qu'affirme positivement la suite du verset. Le tout peut se synthétiser en cette « assurance* » dont les Actes font le propre de la prédication apostolique (Ac 4,13*), et qui reflète quelque chose non seulement de la force de l'Esprit Saint, mais du caractère « magistral » de l'enseignement du Christ : car il parlait « comme ayant autorité, et non comme leurs scribes » (Mt 7,29).

Attestant... la conversion à Dieu et la foi: On reconnaît les deuxième et troisième points du kérygme (cf. Ac 2,37-41*). Comme Paul parle des fidèles de l'Église d'Éphèse, le premier point, la résurrection du Christ, est tenu pour acquis. Reste à se greffer au Christ ressuscité, par le repentir pour la rémission des péchés et la conversion de la foi. C'est bien là « ce qui vous était utile » par excellence, puisque c'est rien de moins que « le salut » (cf. 1Co ).

Ac 20,22-24 // Lc 9,24-25 Ph 1,23-24 Ph 3,12 Jn 17,1 Jn 17,4-6 Et maintenant* , Se retrouve aux versets Jn 25 et Jn 32, marquant les reprises du discours. De fait, après les versets Jn 18-21 évoquant le passé, on passe au présent. Voici* annonce l'intervention de Dieu (BC II*, p. 44-45).

lié par l'Esprit: Pas seulement «lié en esprit», spirituellement et non physiquement, mais bien par l'Esprit Saint qui l'a mené dans ses missions (Ac 16,6-7). «Lié» est une image de la rigueur avec laquelle Paul se sent pris en main (// Ph 3,12, « saisi »), tenu par Dieu ; mais elle prépare aussi l'annonce des «liens» (v. 23), physiques ceux-là, qui matérialiseront le fait qu'il va entrer dans sa « Passion » (« être saisi », et non plus « saisir », agir par ses forces propres et à son gré). Alors, comme Pierre, il ne se ceindra plus lui-même pour aller ici et là, mais « tu étendras les mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne veux pas » (Jn 21,18 — l'image de la ceinture se trouvera textuellement en Ac 21,11). Durant cette captivité, Paul sera fier de se dire «prisonnier, enchaîné du Seigneur» ( et Phm 13).

ne sachant ce qui m'y arrivera, sinon qu'en chaque ville (cf. Ac Ac 21,4 Ac Ac 21,9-11) l'Esprit Saint m'atteste : Le Christ-Dieu savait ce qui devait lui arriver, et le prédisait à ses Apôtres (Mt 16,21, etc.). Paul n'est qu'un homme, ignorant de l'avenir; il ne le connaît que pour autant que Dieu le lui révèle par l'Esprit Saint, soit directement, soit par des disciples-prophètes comme ceux dont on parlera au chapitre suivant. «L'Esprit Saint m'atteste»: C'est le verbe du «témoignage», auquel on adhère par la foi — c'est-à-dire précisément sans savoir. Le même verbe se trouvait au verset 21, où c'était l'Apôtre qui « attestait» l'Évangile aux Juifs et aux Gentils pour qu'ils y adhèrent par la conver-

sion de la foi. Et quelle foi ne lui fallait-il pas « maintenant » pour continuer à avancer vers une captivité dont il ignorait l'issue !

Nous en avons un exemple saisissant dans la Passion de jeanne D'arc : étant encore dans sa prison de Compiègne, je sus, dit-elle, que j'étais vendue aux Anglais, et j'aurais préféré mourir que d'être en la main des Anglais, mes adversaires... Sainte Catherine me dit: « Sans faute, il faut* que vous preniez tout en gré ; et vous ne serez point délivrée que vous n'ayez vu le roi d'Angleterre. » Alors moi, je répondais : « Vraiment, je ne voudrais pas le voir ; j'aimerais mieux mourir que d'être mise dans la main des Anglais »... et plus souvent, mes voix me disent que je serai délivrée par une grande victoire ; et après elles me disent : « Prends tout en gré, ne te préoccupe pas de ton martyre, tu t'en viendras enfin au royaume du Paradis. » Et cela, elles me le disent purement et simplement (sans plus de précision, comme pour saint Paul) , sans faute. J'appelle « martyre » la peine et l'adversité que je souffre en ma prison, et je ne sais si j'en souffrirai de plus grand; mais je m'en rapporte à notre Seigneur » (Procès de condamnation, quatrième interrogatoire complémentaire, 14 mars). « Je ne sais », dit-elle, comme saint Paul « ne sachant ce qui lui arriverait». Mais nous, désormais, savons quelle était cette «plus grande victoire » et ce « martyre » par le feu que Dieu, miséricordieusement, n'avait pas annoncé clairement à cette simple jeune fille qui aimait tant la vie. Déjà, la perspective d'être vendue aux Anglais suffisait à l'épouvanter au point qu'elle tenta de s'évader en sautant témérairement de la tour où elle attendait son transfert. Cela nous fait encore mieux mesurer l'héroïsme secret de saint Paul poursuivant sa montée vers Jérusalem... comme le Christ et avec lui.

je n'attache pas de prix à la vie: Ne doit pas être pris absolument, mais relativement, car ce détachement ne joue qu'en ce qui me concerne, et parce que c'est la condition de ce qui, par contre, importe aux yeux de l'Apôtre (qu'il va préciser dans la seconde partie de ce verset 24). L'insistance sur cette première négation n'en est pas moins marquée par l'emphase qui lui fait contracter en une seule formule complexe deux expressions usuelles complémentaires : « Je ne considère pas que la vie soit précieuse pour moi », et «je ne tiens aucun compte de ma vie» (j. dupont: Milet, p. 92-93). C'est dire qu'il est dans la disposition demandée par le Christ à ses disciples (// Lc 9), comme lui-même en témoignera (// Ph 1 cf. 2Co 5,1-4).

Nous traduisons par l'expression « pas de prix à la vie », qui est ici le sens obvie. Mais le sens littéral dit : « âme » (psyché), et voilà comment guerric d'igny s'en tire pour rejoindre un Évangile (Jn 12,25) parallèle à notre parallèle Lc 9,24-25 : C'était un marchand avisé (allusion à la parabole de la perle, Mt 13,45-46), un juste connaisseur du prix des choses que ce Paul qui n'estimait pas son âme « animale », sensible, plus que lui-même, autrement dit que son esprit, en lequel il s'unissait au Christ ; il était prêt à perdre cette « âme » afin de pouvoir la garder pour la vie éternelle (Deuxième Sermon pour la Résurrection, 3 ; SC 202, p. 238).

pourvu que j'achève ma course : Au sens d'atteindre le but, de gagner la palme et par conséquent d'avoir «parfait» sa vie par sa mort (cf. Ac Ac 13,25 et // Ph 3).

et le ministère: Littéralement «la diaconie». La fin de ce verset 24 montre qu'il ne s'agit pas tant de «service» matériel comme celui confié aux « diacres » (Ac 6), mais du ministère de l'apostolat, au sens propre où c'est sur l'envoi du Christ que l'apôtre non seulement prêche mais témoigne* (Ac 1,17 Ac 1,21-22 Ac 1,24-25). Tâche qui reprend et précise le «service du Seigneur» dont Paul se recommandait au verset 19. Sur la vocation qui habilite l'Apôtre à un tel ministère, voir Ac 26,16-18; Jn 15,16; cf. 2Co 3,6; 4,1 ; 5,18-19; 1Tm 1,12; Ga 1,11-16; Col 1,25 ; 4,17 ; He 5,4).

à l'Évangile de la grâce de Dieu : Car il annonce la bonne nouvelle de la grâce accordée par Dieu, et il procure cette grâce à ceux qui croient (j. dupont, p. 105). Ce ministère d'évangélisation, comme cette «course» — qui serait aussi une bonne image des voyages missionnaires de l'Apôtre — , «maintenant » Paul peut estimer qu'il les a bien « remplis » et « parfaits », comme le ; Christ dans son discours d'adieu (// Jn 17). Et c'est bien ce à quoi il tient, plus qu'à sa vie.

Ac 20,25-27 // Ez 33,7 Ez 33,9 Mt 27,24-25 Mt 27, maintenant, voici , Comme au verset Mt 22, et pour annoncer une nouvelle articulation du discours. Je sais , Par opposition au « vous savez » des versets Mt 18 et Mt 34, prépare à la communication d'une annonce portant sur le futur, et dont l'assurance « prophétique » ne peut se justifier que par une sorte de « révélation » personnelle reçue par l'Apôtre , « Vous ne verrez plus mon visage. » Ce n'est pas dire qu'il sait en détail la fin de sa vie: les épîtres nous apprennent même qu'il fit plusieurs projets — soit d'aller librement à Rome et en Espagne (Rm 15,23-24), soit de revenir en Orient (Phm 22) — qui seront contrecarrés par sa longue captivité. Simplement, il annonce qu'il ne reviendra plus à Éphèse , adieu présenté sous sa forme la plus sensible — «revoir son visage» — tellement que, de son discours, c'est avant tout cela que retiendront ses auditeurs (répété au verset 38).

j'ai passé: Souligne la précarité de son pourtant relativement long séjour à Éphèse, «comme Jésus a passé en faisant le bien» (Ac 10,38), comme les Hellénistes «passèrent en annonçant la bonne nouvelle» (Ac 8,4 Ac 11,19)... comme Paul « passa par la Samarie et la Cilicie en confirmant les Eglises » (Ac 15,41 — j. dupont, p. 115). En annonçant le Royaume: C'est le verbe du «kérygme», et c'est bien lui que proclame l'Apôtre, d'entrée de jeu. Mais durant son séjour à Éphèse, il a pu prêcher plus complètement l'Évangile du Royaume de Dieu, tel que le Christ lui-même l'annonçait (Lc 4,43 Lc 8,1 Lc 16,16) et avait envoyé les Douze le proclamer (Lc 9,2 cf. Ac 19,8-10* etBcn*, table). Du kérygme au Royaume, c'est en effet la même prédication, seulement actualisée par la résurrection du Christ (premier point du kérygme), germe de son Règne et donc du Royaume (sur le rapport « Règne - Royaume », cf. bc ii*, p. 125-126).

je n'ai rien omis (comme au verset 20)... toute la volonté de Dieu sur vous (v. 27) : Il s'agit des exigences de Dieu auxquelles nous avons à répondre. Tout l'Ancien et plus encore le Nouveau Testament témoignent que Dieu est exigeant, à la mesure même de son Amour infini, et que «l'on ne se moque pas de Dieu » (Ga 6,7). Car c'est se moquer que d'en faire si peu et si mollement pour lui qu'on n'oserait pas agir de la sorte avec le moindre des amis. On ne répétera jamais assez que la miséricorde divine est infinie, et que Dieu nous pardonnera notre radicale insuffisance ; mais pourvu qu'elle vienne de notre faiblesse et de notre fragilité, non d'une présomption trop facile, qui est l'opposé de la véritable espérance ! On a pratiquement supprimé toute crainte de Dieu, sous prétexte que le christianisme est religion d'amour. Soit ! mais ne nous payons pas de mots, et si nous aimons Dieu, mettons l'attention et le zèle de l'amour à «discerner ce qui plaît au Seigneur» et à le mettre en pratique afin « de mener une vie digne de lui, et qui lui plaise en tout » (Ep 5,10 et Col 1,10 cf. 1 Th 1Th 4,1 1Th 2,4). saint Augustin ne parle pas autrement que saint Paul et toute la Tradition chrétienne : Loin de nous de vous dire : vivez à votre guise, en toute sécurité ; Dieu ne perd personne ; gardez seulement la foi chrétienne. Il ne perdra pas ceux qu’il a rachetés, pour lesquels il a versé son sang : agir comme cela, dire cela, ne serait pas Parole de Dieu, Parole du Christ, mais la nôtre... (S. 46, 8, « du Pasteur unique » — pl 38, 270).

C'est à prendre ou à laisser, tout ou rien. De même qu'on n'est plus dans la foi si l'on ne fait pas confiance assez totale au Christ et à son Église pour adhérer à toutes et à chacune des vérités révélées, de même l'amour de Dieu, s'il est réel, cherchera sans trêve à faire «toute la volonté de Dieu» : choisir, exclure a priori — comme le font ces « soi-disant chrétiens » qui n'admettent de la morale que « ce qui leur plaît » — reviendrait à préférer nous-mêmes et notre volonté propre à Dieu, ce qui est le péché même. Aussi saint Paul y insiste: c'est bien «toute la volonté de Dieu» qu'il a enseignée. Il ajoute même, en le détachant au bout de la phrase: «sur vous», parce qu'il s'agit d'un appel, d'un amour personnel, que toute réponse qui ne nous engagerait pas personnellement, tout entiers, ne pourrait combler.

Que ce soit capital, l'Apôtre le souligne encore en insérant, entre les versets 25 et 27 qui vont de pair, une déclaration solennelle : je vous atteste, introduite par un « C'est pourquoi » conclusif. Aujourd'hui que le Royaume (v. 25) — concrétisé en « toute la volonté de Dieu sur nous » (v. 27) — leur a été annoncé, la responsabilité du messager est dégagée (suivant la parabole du parallèle Ez 33), et retombe par conséquent tout entière sur les disciples. S'ils n'obéissent pas à cette volonté déclarée de Dieu, ce sont eux qui encourront le châtiment capital (puisqu'il s'agit de « sang ») ; lui en est pur, à plus juste titre que Pilate (// Mt 27).

Mais par contre, merveille ! si l'amour vrai pour Dieu nous porte à répondre autant que possible à « toute sa volonté », nous serons assimilés à David — « un homme selon mon coeur, qui accomplira toutes mes volontés », comme disait Paul à Antioche de Pisidie (Ac 13,22) — et mieux encore, assimilés au Christ, dont David est la figure, et que le Père reconnaît comme « son Fils, le Bien-aimé, en qui son amour est parfait » (Lc 3,22 — BC II*, p. 139).

Ac 20,28 // Lc 21,34 Lc 21,36 Ez 34,23 Ez 34,31 Ayant parlé de lui-même aux versets 18-27, Paul en vient aux anciens d'Éphèse, qui vont avoir à le remplacer, puisque lui-même s'en va définitivement (v. 25). Et l'on comprend que le résumé de sa mission était donné en exemple du ministère à poursuivre. En ce sens, le verset 28 est la suite logique du verset 25, les versets 25 à 27 étant comme une parenthèse revenant sur la prédication de Paul.

Mais ce verset 28 est au départ du développement qui va jusqu'au verset 31, avec un certain parallélisme entre les deux impératifs : « Veillez » (v. 28 et 31). Autrement dit, c'est une phrase de transition; mais, située au centre du discours, elle en est le sommet, définissant ce qu'est la charge pastorale dans l'Église de Dieu.

Veillez sur vous-mêmes : D'abord, et non pas seulement « veillez sur le troupeau », qui ne vient qu'ensuite. Celui qui exerce une fonction presbytérale dans l'Église (anciens est la traduction de « presbytres ») a pour premier devoir de veiller sur lui-même ; négativement, d'après le discours de Milet, en faisant en sorte qu’on ne puisse pas le rendre responsable de la perte de ceux qui feraient défection (comme Paul a pu l'attester pour lui-même au verset 25) ; positivement, d'après 1Tm 4,12-16« Veille sur toi-même et sur ton enseignement-agissant ainsi, tu te sauveras, toi et ceux qui t'écoutent »en réalisant en lui-même le modèle que ses ouailles n’auront qu’à imiter pour répondre parfaitement aux exigences de leur foi (j. dupont, p. 141). Mais la relation entre sanctification personnelle et charge pastorale peut aussi jouer en sens inverse : Que le père abbé, dit la règle de saint benoît, le sache : celui qui reçoit des âmes à conduire doit se préparer à rendre des comptes... Ainsi, craignant sans cesse la mise en accusation du pasteur sur les brebis remises, il aura peur pour le compte des autres, et cela le rendra vigilant pour lui-même... (chapitre 2 in fine).

Veiller : C'est le conseil même du Christ (// Lc 21 cf. Mt 24,42 à Mt 25,30cf. BC II*, table), en vue du jugement...

et sur tout le troupeau... pour paître: Des prophètes (// Ez 34) à saint Pierre (), la comparaison est si traditionnelle que ce ministère a pris le titre de «pastoral».

établis comme évêques : « Epi-scopos » signifie surveillant, ou gardien (du troupeau). C'est donc une fonction, personnellement attribuée à tel ou tel, tandis que « presbuteros » (= ancien) désignait la dignité collective de ceux qui gouvernaient une Église locale. Ceux-ci étant tout désignés pour remplir la tâche «épiscopale». Mais «prêtres ou évêques», tous ont reçu leur charge d'en haut: que ce soit des Apôtres (Ac 14,23), ou plus fondamentalement du Saint-Esprit, comme saint Paul le déclare ici expressément :

l'Esprit Saint... l'Église de Dieu (le Père) , acquise par lui (le Fils de Dieu) : Car c'est bien celui-ci, incarné en Jésus, qui l'a rachetée, ayant versé son propre sang pour nous éviter d'avoir à verser le nôtre en réparation. En cela, il peut se dire « pur du sang de tous », de façon incomparable (rapport implicite entre les deux emplois du mot « sang » aux versets 26 et 28). Mieux encore : Il n'a pas sauvé son Eglise seulement de façon globale... mais aussi, et de l'intérieur, chacun de ses fidèles : Je dois avoir aussi dans mon âme, à l'intérieur de moi, le Bon Pasteur, tenant sous sa houlette jusqu'aux mouvements irraisonnés qui sont en moi, de sorte qu’ils n’aillent plus n’importe comment en quête de pâture mais que, conduits par ce Pasteur, ces mouvements deviennent siens... (origène : Sur Jérémie, v,7 — SC 232, p. 294).

Par tout cela, le Christ est donc bien l'unique Pasteur (// Ez 34), dont tous les ministres de l'Eglise ne sont que les représentants ; et c'est la Sainte Trinité qui préside à la vie de l'Église, la hiérarchie ecclésiastique en étant le « sacrement ». Ainsi la définit ignace dantioche, en cette période suivant de peu l'âge apostolique, où l'épiscopat prend déjà toute sa stature : Votre presbytérium, digne de Dieu, est accordé à l'évêque comme les cordes de la cithare... afin que dans l'harmonie de votre accord, prenant le ton de Dieu dans l'unité, vous chantiez d'une seule voix par Jésus-Christ (votre hymne) au Père... profondément unis à votre évêque comme l'Église l'est à Jésus-Christ, et Jésus-Christ au Père (Aux Éphésiens, iv-v — SC 10, p. 72)

Ac 20,29-31 // Ez 22,27 Mt 7,15 Jn 17,12-13 Jn 17,15 Jn 17,17 Dt 29,9 Dt 29,11-12 Dt 31,9 Dt 31,28-29 Je le sais: Comme au verset 25, nouvelle vue prophétique, concernant cette fois l'avenir de l'Église. Le péril viendra non seulement de l'extérieur (v. 29), mais «dans vos rangs» (v. 31). Correspond aux «épreuves et larmes» du verset 21: Les ennemis du dehors sont des loups, mais qui arrivent à s'infiltrer: // Ez 22 et Mt 7 cf. Jn 10 Mt 24,5 Ga 2,4 2Jn 10 seconds ne sont que plus redoutables: Rm 16,17-20 P 2,1 1Jn 2,19 1 Jn 1Jn 2, leurs « discours pervers » (litt. « tournant de travers ») sèment le trouble et la confusion, allant jusqu'à les faire «sortir» et fonder avec ceux qu'ils ont entraînés à leur suite, leur propre secte (cf. 1Jn 2,19).

L'image des «loups» convient d'autant mieux ici que c'est leur arrivée qui découvre quel esprit anime le berger, selon qu'il est mercenaire ou vrai pasteur (Jn 10,11-13) : Celui qui est intéressé à son confort fuit, sans changer de lieu, s'il ne donne pas tout son appui ; il fuit lorsqu'il voit l'injustice et se tait ; il fuit lorsqu'il se réfugie derrière son silence (Ac 20,27*)... Et pourtant, c’est un loup (plus rapace) qui sans cesse et quotidiennement déchire non les corps mais les âmes (Ps 7,2-3) (Grégoire le grand : Hom. 14, 2-4 — pl 16, 1128).

La liturgie de saint Martin répond à cette inquiétude des « brebis en mal de Bon Pasteur » (Mt 9,36) : Ils dirent, ses disciples, au bienheureux Martin : « Pourquoi nous abandonner ainsi, Père, et nous laisser dans la désolation ? Des loups rapaces envahissent ton troupeau. »« Seigneur, dit le saint en réponse à cette plainte, si je suis encore nécessaire à ton peuple, je ne récuse pas ce labeur : que ta volonté soit faite. »O quel homme au-dessus de toute louange, conclut la liturgie, qui ne se laissa vaincre ni par la peine ni par la mort à venir, ne craignant pas plus la mort qu'il ne récusa de vivre.

Mais le parallèle avec Moïse (Dt 31,29) montre que le danger de perversion ne se trouve pas moins en chacun des « fidèles », toujours sujets à l'infidélité... (Paul n'a pas à faire cette mise en garde, puisqu'il parle ici aux seuls « anciens »). Et le parallèle avec le discours après la Cène nous rappelle que si nous avons à lutter contre « le Mauvais » lui-même (// Jn 17), nous en sommes sauvegardés par une « consécration », pour que notre Pasteur soit « avec nous » tous les jours, jusqu'à la fin des siècles (Mt 28,20).

Le verset 31 est une reprise du « Veillez » du verset 28, et des larmes du verset 19. S'y ajoute le « Souvenez-vous » que demande aussi He 13,7, et qui provoque un retour sur le ministère de Paul (« trois ans, nuit et jour, sans cesse, instance de l'exhortation »), donné cette fois moins en exemple qu'en encou-

ragement à demeurer fidèle. Ce verset ramasse donc les éléments du discours, pour préparer sa conclusion.

Ac 20,32 // Dt 33,1-5Et maintenant* : Amorce d'une nouvelle partie, conclusive, en forme de bénédiction. Elle est, ici encore, parallèle à celle de Moïse (// Dt 33) et, en un sens, à la prière sacerdotale en laquelle culmine le discours après la Cène.

je vous confie au Seigneur : Au sens de « placer sous la garde, en dépôt » (cf. Ac 14,23 Ac 14,26 Ac 15,40 cf. 2Tm 1,12, etc.) ; et surtout au sens où Jésus mourant s'écrie: «Père, entre tes mains je remets mon esprit» (Lc 23,46, citant Ps 31,6).

au Seigneur: S'adresse au Père (de qui l'Église relève, cf. verset 28), plutôt qu'à son Fils, puisque celui-ci est invoqué ensuite sous le titre de «Parole ou Verbe de grâce ». On voit bien en effet que cette Parole est personnifiée puisqu'elle est, en parallèle avec le Père, sujet de la «puissance* » (en relation avec le Saint-Esprit, cf. BC II*, p. 49 et table) de bâtir et de donner l'héritage. La Parole, dont les prédicateurs ne sont que les serviteurs (Lc 1,2), acquiert une sorte d'existence propre ; elle apparaît, d'une certaine manière, comme une réalité divine subsistante, distincte du Dieu qui l'envoie, aussi bien que de ceux qui la prêchent — si bien que c'est déjà ce que saint Jean exprimera pleinement dans le prologue de son Évangile (j. dupont, p. 244). Nous avons déjà rencontré cette personnification de la Parole en Ac 6,7*. Parole puissante : Rm 1,16 1Co 1,18 1Co 1,23-24 1Th 2,13 He 4,12 Jc 1,21 ; cf. Is 55,10-11.

Bâtir ou édifier, donner l'héritage sont deux expressions riches de sens, sur lesquelles nous reviendrons, pour la première à propos de 1Co 3,5-17*, pour la seconde, à Ep 1,13-14*. Remarquons au moins ici qu'en attribuant à «la Parole » la puissance de bâtir et de donner part à l'héritage, Paul fait plus que de mettre seulement l'Église d'Éphèse sous sa garde : il lui « confie » aussi le soin plus positif de réaliser ce qui est la mission même de ces anciens, auxquels l'Apôtre «confie» précisément cette communauté chrétienne: par eux, c'est donc «la Parole » elle-même — qu'ils ont à prêcher — qui doit prendre à charge de « bâtir l'Église » et de « donner part à l'héritage des (saints du ciel) », à ceux-là qui ne sont encore que sanctifiés, en devenir de sainteté durant leur vie terrestre, suivant la prière du Christ (// Jn 17,17). C'est la Parole, c'est le Christ qui accomplit effectivement ce dont les évêques ou les prêtres sont seulement les instruments, que ce soit par la prédication, les sacrements et plus généralement l'exemple. Comme cette espérance est réconfortante, à la fois pour les ministres chrétiens, successeurs des Apôtres, et pour ceux qui doivent recourir à leur ministère, si insuffisants que soient ces évêques ou ces prêtres, en eux-mêmes...

Ac 20,33-35 // Ex 20,17 Si 31,5 Si 31,8-9 Mt 6,20-21 Lc 6,30 Lc 6,35 Lc 6,38 Venant après la conclusion, ces versets sont un ajout ; mais s'ils ne rentrent pas dans l'ordonnance du discours, ces versets n'en poursuivent pas moins sur le même thème: faisant appel à son désintéressement, donné en exemple — « Vous le savez bien » — comme un enseignement (c'est le sens du verbe : « Je vous ai tout montré », v. 35), l'Apôtre lègue à ses successeurs le devoir de la charité.

Je n'ai désiré: C'est le dixième commandement (// Ex 20). Mais porté à l'absolu, c'est si rare que quasi miraculeux (// Si 31 — l'office pour les saints «confesseurs non pontifes» s'en émerveille). En antithèse à ce détachement: la convoitise d'Akân pour «un beau manteau de Shinéar, deux cents sicles d'argent et un lingot d'or», malgré la défense formelle faite par Josué de convoiter quoi que ce soit dans le butin pris à Jéricho (Jos 6,18 Jos 7,20-21). Or, argent, vêtement sont dans la Bible l'expression classique des cadeaux : Gn 24,53 ; 1R 10, 24-25 ; 2R 5,5 — ou des enrichissements promis au peuple élu : Ex 3,21-22 Ex 12,35-36 Za 14,14. Mais l'Évangile met plutôt en garde contre les biens terrestres, périssables, pour mieux encourager notre coeur à gagner « des trésors dans le ciel » (// Mt 6).

yies mains que voilà (on voit le geste — J. Dupont le rapproche de celui du Christ ressuscité montrant à ses Apôtres ses mains et son côté : Jn 20,20) ont subv&nu à mes nécessités : Paul s'en prévaut dans son « apologie » (1Co 9* ; cf. 2Co et 12,13-18; 1 Th 1Th 2,5-12). Là comme ici, ce labeur quotidien est allégué non pas tant pour valoriser le travail manuel (ce qui serait bien anachronique) que pour témoigner du souci apostolique de ne pas être à charge aux autres, que le fruit de ce travail permet au contraire d'aider (v. 34-35). et à celles de mes compagnons : Plutôt que les disciples avec lesquels il partageait son apostolat, Paul désigne par là Priscille et Aquilas, « du même métier » que lui, qu'il avait retrouvés à Ephèse après avoir travaillé chez eux à Corinthe (Ac 18,1-3 Ac 18,24-26). Ainsi pouvons-nous imaginer quelque chose de son habituel cadre de vie.

Je vous ai tout montré (v. 35) : « Tout », comme aux versets 20 et 27 «je n'ai rien omis... toute la volonté ». Comme le Christ après la Cène : « Tout ce que j'ai entendu auprès de mon Père, je vous l'ai fait connaître » (Jn 15,15). ainsi (à son exemple) vous devez secourir les faibles : Depuis le xvie siècle avait prévalu l'explication qu'il s'agissait des «faibles dans la foi» dont se préoccupe saint Paul au chapitre 14 de l'épître aux Romains (voir j.l. d'aragon, dans «Sciences ecclésiastiques» 1955, vu, p. 5-22 et 173-202). À présent on en revient au sens obvie où l'interprétaient les Pères, portant sur la faiblesse, soit de la santé, soit des ressources matérielles (voir le bel exemple donné par 2 Ch 2Ch 28,9-15). C'est bien plus conforme au contexte immédiat, non moins qu'à l'attention portée spécialement par saint Luc à l'aumône (BC II*, p. 503 et table), et à la sentence du jugement dernier (Mt 25,35). en prenant de la peine : Réfère d'abord, évidemment, à l'exemple du labeur de Paul (v. 34). Mais c'est plus généralement que «faire la charité» ne consiste pas tant à se débarrasser d'un quémandeur en lui jetant une pièce de monnaie. La charité, c'est donner de son coeur, de son temps et au besoin « de ce qu'on a pour vivre » (obole de la veuve, Lc 21,4), pour « prendre en charge » — et Dieu sait combien c'est lourd, les pauvres ! C'est pourquoi si peu s'en chargent réellement...

et vous souvenir (y. 35b): Au verset 31, Paul en appelait au souvenir de sa propre conduite à Ephèse. À présent, il en réfère à la parole même du Christ. Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir : Adage que l'on retrouve dans la sagesse grecque. Le Christ peut tout aussi bien l'avoir cité, ou inventé lui-même ; dans l'un ou l'autre cas, les disciples l'auraient retenu et transmis oralement à Paul. Car il ne se trouve pas textuellement dans l'Évangile ; mais on en trouve si bien l'équivalent (// Lc 6 cf. Lc 12,14 Lc 16,9), que Paul pourrait s'y référer à juste titre, alors même qu'il emprunterait la maxime aux Grecs pour y condenser l'essentiel de l'enseignement du Christ.

Car il faut prendre cette phrase en tout cas dans sa perspective évangé-lique, qui d'une part tend à durcir en opposition le couple « donner - recevoir » (cf. Ben*, table), en même temps que, d'autre part, elle donne à la «béatitude» une valeur d'éternité : Quand il proclame certains hommes « heureux », le vrai bonheur dont parle Jésus n'est pas celui de la conscience satisfaite d'elle-même, par opposition au faux bonheur que procurent les choses extérieures : c'est le bonheur que Dieu accordera aux élus à la fin des temps, par opposition au bonheur terrestre, caduc et passager (j. DUPONT, p. 337-338, cite à l'appui la Didachè 1,5 et Le Pasteur d'HERMAS, Mand 2,4-6 ; SC 62, p. 144-146 et SC 53, p. 146-148). Donner, en effet, c'est la vie de Dieu et le bonheur du ciel.

didyme laveugle: Sur Gn 6,22 (SC 244, p. 88) — Dieu se donne en Partage et ne reçoit rien qui vienne d'ailleurs; vous de même, pratiquez le Partage, comme le recommande le bienheureux Paul (Ac 20,35). Ce n'est pas celui qui prend qui imite Dieu, car Dieu ne reçoit rien de personne, lui qui Procure, au contraire, tous biens. Celui qui imite Dieu, c'est celui qui donne.

Ac 20,36 — Cette prière finale revient à confier cette transmission de la charge apostolique, qui est toute surnaturelle, au Dieu qui seul est « à la hauteur » : Ce que Paul attend des presbytres, il le demande à Dieu ; ce que les presbytres devront demander à ceux qui leur sont confiés, c'est aussi de la grâce de Dieu (v. 24 et 32) qu'ils devront s'efforcer de l’obtenir par la prière (j. dupont, p. 348).

il s'agenouilla: Comme dans Lc 22,41 Ac 7,60 Ac 9,40; et dans la scène parallèle d'Ac 21,5 ; comme dans bien d'autres scènes de l’A.T.: 1Ch 29,10-20 1R 8,14-61 — où l'on peut observer l'alternance des stations et des agenouillements — et Dn 6,11. Par opposition à l'orgueilleuse prière du Pharisien que la parabole nous représente évidemment «debout» (Lc 18,11), «se mettre ou tomber à genoux » (Mc 1,40 Mt 17,14 Mc 10,17) est une attitude suppliante, convenant parfaitement à ce que la scène a de pathétique, en ces derniers versets surtout.

et pria avec eux tous : Prière communautaire et unanime, comme en Ac 1,13-14 ; 2,46 ; 4,24).

Ac 20,37-38 // Tb 4,3 Tb 4,5 Tb 4,7 Tb 4,19 Tb 5,17-18 — Tobie ne quitte que sa famille, mais les recommandations son père comme le désespoir de sa mère ne sont pas sans rapport avec les adieux paternels de Paul avec l'Eglise d'Éphèse qui lui est devenue une famille. Pour être surnaturel, l'amour qui unit entre eux les chrétiens n'en est que plus hautement humain: La charité divine s'exprime à travers une tendresse humaine: il n'y a pas opposition entre l'affection des hommes et la charité ; mais il n’est pas de vraie charité, même surnaturelle, qui ne s'exprime à travers des sentiments humains, parce que Dieu vit dans notre nature. Ainsi la charité divine devient tendresse vivante, émotion profonde, besoin d'embrasser ses frères (v. 37) (d. barsotti).





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