Bible chrétienne Actes 23

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§ 23. LE VOYAGE ET L"ARRIVÉE À ROME : Ac 27,1 à 28,3 1


La longueur de ces chapitres sur la traversée, de Césarée à Malte et à Rome, pourrait paraître disproportionnée, mais il n'en est rien. Luc, ayant participé à ce voyage (reprise du «nous» jusqu'à 28,16), ne se laisse pas seulement aller à ses souvenirs : ce voyage fait symbole. Or, à la différence d'une allégorie, plus abstraite, c'est à partir du réel seulement que l'on peut y discerner une portée symbolique dépassant la matérialité des événements (voir bc i*, p. 17-20). Et plus ces derniers prennent consistance dans le récit, éveillant et guidant notre imagination, plus leur signification se révélera fortement à nous.

Le symbole de la vie humaine comme d'un voyage apparaît universellement, que ce soit dans l'expression de l’Homo viator des Romains, ou dans « La Pérégrination vers l'Ouest » du roman initiatique de wu chengen. Dans la Bible, c'est Abraham, transhumant avec ses troupeaux dans la Terre encore seulement promise ; et c'est l'Exode à travers le désert de ses descendants vers la Terre de leur héritage (bc i*, table: «Pèlerins»). L'Évangile nous laisse entrevoir les itinéraires multiples du Christ en Galilée, avant l'ultime voyage vers Jérusalem. Quatre d'entre les Apôtres sont des pêcheurs et les traversées du lac, la tempête apaisée (Lc 8,22-25 — bc h*, p. 376-377, textes de rupert et léon-dufour) ou l'arrivée de Jésus marchant sur les eaux démontées, la confiance et la faiblesse de Pierre pour le rejoindre, l'immédiate facilité avec laquelle on aborde au rivage dès que le Maître est monté à bord (Mt 14,24-33 Jn 6,21), tout cela fut reconnu par la Tradition chrétienne comme l'image prophétique des fluctuations par où devrait passer l'Église au cours des siècles. Et si les Apôtres ont à porter l'Évangile «jusqu'aux extrémités de la terre», c'est-à-dire jusqu'à Rome (Ac 1,8*), aux traversées du lac par Jésus doit correspondre, dans les Actes, la traversée de la Méditerranée, mer du « monde» romain, par l'Apôtre choisi pour réaliser cette extension (comme l'a défini le chapitre précédent). Sur ce point encore, les deux livres de Luc sont admirablement équilibrés.

À ce chapitre, nous donnerons en parallèle les grands textes où l’A.T.a chanté poétiquement ou dramatiquement les multiples significations de la mer et de la tempête : Ps 104 et 107 ; Sg 5 ; Jon 1. Il est évident que l'on ne doit pas y chercher un rapport plus précis, et encore moins une source d'Ac 27.

Ac 27,1-8 // Ps 104,25-30 — D'abord ceux qui vont participer au voyage: Paul et d'autres prisonniers, avec Luc puisqu'il dit «nous», le centurion de garde (v. 1), ainsi qu'Aristarque, déjà compagnon de l'Apôtre en Ac 19,29 et 20,4.

Paul se trouve traité libéralement (v. 3b — comme il le sera à Rome, Ac 28,16); mais bienheureux aussi les amis qui le reçoivent: Ayez une demeure où le Christ vienne habiter. Dites : c'est ici la cellule du Christ ; cette maison lui est destinée. Bien que ce soit une humble demeure, elle ne sera pas dédaignée (jean chrysostome : Sur Actes, hom. 45 — pg 60, 318-320).

Le trajet se fait en équerre, le long des côtes d'Asie, donc successivement: du sud au nord, la Phénicie (Sidon) ; puis de l'est à l'ouest, la Cilicie (où se trouve Tarse), la Pamphylie (avec Pergé, où Paul est passé lors de son premier voyage missionnaire : Ac 13,13 Ac 14,25), et la Lycie (Myre).

Ce port étant un centre de commerce du blé, c'est normal que l'on y trouve un navire alexandrin : Ce navire était l'un des plus beaux fleurons de la marine marchande romaine... Il faisait partie de la flotte de bateaux reliant Alexandrie à Rome, d'où leur nom. Ils étaient affectés à la plus ambitieuse entreprise maritime de l'époque ancienne : le transport, pour le ravitaillement de I Italie, du blé égyptien... Lucien (Navigium 15) nous a laissé une description enthousiaste de l'un de ces navires... : plus de 50 m de long et près de 15 de large... Flavius Josèphe rapporte dans son autobiographie qu'il s'est rendu à Rome sur l'un de ces vaisseaux avec plus de six cents autres voyageurs (j.r. armogathe : Paul, p. 80 — Vu la mauvaise saison, et la cargaison mentionnée au verset 10, les passagers ne sont pas si nombreux : 276 sera-t-il précisé au verset 37). Sur ce grand navire, Paul et ses compagnons parviennent jusqu'aux ports du sud de la Crète (v. 7-8).

Ac 27,9-26 // Sg 5,6-10 Ps 107,23-27 Jon 1,3-6 Mc 4,36-40 — La tempête. Affrontement des vues humaines des navigateurs et de la prescience divine de Paul (v. 10 et 23-26). Comme le psalmiste (// Ps 107) et comme la littérature classique, grecque ou romaine, Luc nous donne ici un morceau de bravoure, assez circonstancié pour n'avoir guère besoin de commentaire. Pour en donner un parallèle, plutôt que des passages célèbres de l'Odyssée ou de l'Enéide, tirons quelques extraits des Lettres à Olympias de jean chrysostome, postérieurs de plusieurs siècles au récit de Luc, mais qui ont l'avantage d'exprimer l'esprit de foi avec lequel ces périls étaient supportés. De surcroît, le piquant de l'histoire est que le voyage d'exil du grand évêque, de Constantinople à Cucuse en Arménie, fut évidemment terrestre, et que la « tempête sauvage et sombre » qu'il décrit est seulement imaginaire, ou si l'on préfère «littéraire», pour évoquer celle qui s'est abattue sur les Eglises et premièrement sur lui-même: Je vois une mer en furie de toutes parts soulevée de fond en comble, des marins dont les cadavres flottent sur les eaux, d'autres submergés, les navires aux bordages disjoints, les voiles déchirées, les mâts brisés, les rames tombées des mains des rameurs, les timoniers assis sur le pont du navire, croisant leurs mains sur leurs genoux et, dans leur impuissance devant les événements, gémissant, poussant des cris aigus, se lamentant, ne sachant que pleurer ; plus de ciel, plus de mer, mais une nuit profonde, sans éclat et opaque, celui qui se retourne ne pouvant même pas distinguer ses voisins, et l'énorme grondement des flots... Et cependant, je ne renonce pas au plus ferme espoir, je songe au Pilote de l'univers, qui ne triomphe pas de la tempête par l'habileté, mais d'un signe calme l'orage... Ne te décourage donc pas, je t'en prie. Il n'y a, Olympias, qu'une seule chose à craindre, une seule épreuve, le péché... (même si) voyager m'est plus pénible que mille exils (vu, 1 et vi, le — SC 13 bis, p. 132-134 et 128 ; trad. d'Anne-Marie Malingrey).

l'époque même du jeûne (v. 9): Celui de la fête des Expiations, donc en septembre, date déjà tardive pour une navigation que l'automne et l'hiver interrompait.

Euroaquilon (v. 14) : Venant du nord-est (d'où son nom), et poussant donc vers les côtes d'Afrique (= le golfe des Syrtes, de l'actuelle Lybie, verset 17) ; mais en réalité, le navire se trouvera déporté ouest-nord-ouest jusqu'à l'île de Malte (Ac 18,1), et l'on peut, à la distance, mesurer la force des vents, v.o. précise que l'on avait cargué les voiles : je crois bien ! On va devoir bientôt jeter à la mer les agrès, c'est-à-dire tout ce qui charge la mâture: voiles, vergues et cordages (v. 19). Il n'avait donc pas suffi de hisser en catastrophe la chaloupe, qui aurait risqué de défoncer le flanc du navire (v. 16), et de rabattre le gréement (v. 17) — ou encore, de «laisser filer l'ancre flottante», «pièce de bois flottante qui maintenait le bateau dans le lit du vent, la poupe à la mer » (tob). Les versets 18 à 21 insistent sur le désarroi de l'équipage, faisant d'autant mieux ressortir par contraste le sang-froid surnaturel de Paul.

Hommes, il aurait fallu m'écouter (v. 21b) : Renvoie doublement au verset 10, par l'apostrophe et par la référence à son avis antérieur. Et maintenant* amorce le conseil pratique. Lui-même se fonde sur une vision divine (commençant par l'habituel : « Ne crains pas » — cf. BC II*, p. 36). Celle-ci rappelle avec force le but du voyage, qui n'est pas tant naturel que répondant au dessein de Dieu : Il faut* que tu comparaisses devant César (v. 24 — le même Il faut* se retrouve au verset 26).

Et voici* : Annonce l'intervention surnaturelle. Dieu t'a donné, par grâce, tous ceux qui naviguent avec toi (v. 24b) : A cause de Paul, tous sont sauvés : chrétiens et païens, marins, brigands, prisonniers et commerçants. Le salut d'un seul ne peut pas ne pas être le salut de tous, si tous nous sommes un seul. Dans la mesure même où Dieu appelle une âme et l'engage au service divin, il ne la sépare pas des hommes mais la rend responsable de tous, solidaire de tous (d. barsotti). « Une âme qui s'élève, c'est le monde entier qui en est élevé », dit Elisabeth Lesueur. Plus généralement, d. barsotti voit dans cette scène le symbole de l'Eglise, espérance du monde: Paul domine son entourage, mais il est prisonnier. C'est lui qui insuffle énergie et courage aux mariniers, au centurionmais il est prisonnier. De même, l'Eglise jusqu'à la fin des temps... En elle se continue la mission du Christ, et donc le chrétien vivra toujours en continuité avec la mission du Serviteur de Yahvé, qui est fils de David et qui est roi, mais qui vit une condition servile et qui est voué à la mort... Paul est l'image et le symbole de cette condition même de l'Église qui, à travers les tempêtes de ce monde, prisonnière mais libre, accusée mais dominant tout, guide la marche des peuples...

L'Église doit conduire l'humanité à ce qui est son port : le Royaume de Dieu. Nous sommes simplement entre les mains de Dieu. Aussi longtemps que nous nous fions aux moyens que nous offrent les hommes, notre espoir peut être déçu... Mais précisément parce que notre espérance repose sur Dieu seul, et que Dieu est présent dans le monde et dans son Église, nous ne devons pas craindre. Au milieu de l'angoisse et de la terreur des hommes, nous devons, comme Paul, garder la paix, dans l'assurance que nous donne la foi. L'espérance existe, pour les hommes, parce que Dieu est avec eux, reste avec eux. L'humanité d'aujourd'hui ne connaît plus et ne peut plus connaître d'autre sécurité que la divine Parole. Seule la parole de Dieu nous assure que l'humanité atteindra le port qu'elle doit atteindre... Nous ne savons plus où nous emporte l'ouragan ; nous ne voyons plus rien ; les vents et les eaux menacent de briser le navire. Mais Dieu reste avec nous dans la présence des saints, dans la présence de ceux qui nous parlent en son nom et avec son autorité, courage, mes amis (v. 25) : Litt. « Hommes ». Avec bj et tob, nous traduisons par l'expression «mes amis» pour exprimer la solidarité que les paroles prophétiques précédentes impliquent, et confirmée au verset 31*.

Ac 27,27-32 — Le naufrage. Toujours l'opposition entre le sauve-qui-peut trop humain des marins et l'assurance* surnaturelle de l'Apôtre, pourtant plus menacé que tout autre, avec ses lourdes chaînes : Celui qui parle au nom de Dieu et porte aux hommes le message du salut se trouve dans des conditions humainement plus malencontreuses que tous les autres : il est enchaîné alors que les autres sont libres. Comme chrétiens, nous vivons une vie qui, aux yeux des hommes, paraît peut-être encore plus lourde à porter que celle des autres, parce que nous sommes liés mystérieusement à l'Esprit Saint qui a fait de nous ses serviteurs. Nous n’avons pas de part au pouvoir du monde... Mais de fait, nous seuls avons un message de salut... Même pour nous, Dieu semble se taire, il n’intervient pas ; et pourtant il opère dans notre foi même qui nous fait rester sereins dans la tempête parce que nous attendons le salut de Dieu. Et rendus solidaires de tous, vivant dans le même navire, c'est nous qui faisons partager à tous la force de notre espérance (d barsotti). C'est bien ce que signifie le verset 31 : ils ne peuvent être sauvés qu'ensemble !

Ac 27,33-44 // Lc 12,4-5 Lc 12,7 Jon 1,9-16 — C'est en sens inverse que Jonas et Paul sauvent leurs compagnons: le prophète, fuyant la vocation de Dieu comme l'humanité pécheresse, n'en préfigure pas moins ensuite le Christ: il dort pendant la tempête (comparer les parallèles Jon 1,5b et Mc 4,38), et accepte d'être englouti dans la mort, pour en ressusciter — son rôle de Passion (au sens de pâtir). Ce qui frappe au contraire dans l'attitude de saint Paul, c'est qu'il a subi la passion de son emprisonnement auparavant et que, depuis le début du voyage, conforme à sa mission, comme ressuscité il parle en chef, même s'il n'est d'abord pas obéi ; et ici, il va bientôt agir moins en victime qu'en prêtre (v. 35*).

aucun de vous ne perdra un cheveu de sa tête (v. 34 // Lc 12,7) : Comme c'est émouvant d'entendre l'Apôtre citer l'Évangile ! — Bien sûr, pourrions-nous rétorquer : c'est trop facile à l'évangéliste Luc de mettre la parole du Christ dans la bouche de Paul, dont il peut forger les discours et les Actes à son gré. Mais quelle impossibilité ou invraisemblance y a-t-il à ce que Paul ait connu les traditions orales relatives à Jésus, sources des Évangiles, pour que l'on puisse prétendre corriger, après un hiatus de vingt siècles, un auteur aussi averti que saint Luc, au surplus témoin des faits et de la mentalité de l'Apôtre?... Rappelons-nous plutôt la «citation» d'une Parole inconnue du Maître, en Ac 20,35* (de sa source, on peut seulement discuter à perte de vue — cf. i. dupont : Milet, p. 324-331 — mais non pas trancher)... il prit du pain, rendit grâces... et l'ayant rompu... (v. 35). Ce sont les verbes typiques du sacrement de l'eucharistie (cf. BC II*, p. 393). Mais bien entendu, à part les compagnons de Paul, tout le reste des passagers et de l'équipage, Juifs ou païens, ne peut y participer, comme l'indique le changement du quatrième verbe : au lieu de « distribuer » en communion le pain devenu Corps du Christ, Paul commença à manger; et de même aussi est-ce pour quoi Luc a écrit qu'il avait dit la grande prière de bénédiction eucharistique seulement devant tous (v.o. ajoute : « en le passant à nous aussi », ce qui signifierait alors que Paul aurait donné la communion à « nous », ses compagnons).

Faut-il du reste comprendre qu'il s'agit bien ici du sacrement, au sens fort? Les circonstances n'y prêtaient guère. Mais en tout cas les Actes distinguent nettement, après l'exhortation de Paul à se sustenter (v. 34) — dans un but qui reste amphibologique puisque «pour votre salut» peut s'étendre du sauvetage physique, promis au verset 25, au salut éternel — , le repas eucharistique de Paul (v. 35), de celui des autres (v. 36). C'est même à cette occasion que Luc pense à préciser leur nombre (v. 37).

Même humainement, cet en-cas avant l'opération délicate de l'abordage, de l'échouement et de l'accès au rivage (v. 39-44 ; cf. L Odyssée, ix, 66-79 et 546) a déjà quelque chose de pathétique. Mais la célébration de Paul, sacramentelle ou non, unit surnaturellement ce petit groupe de chrétiens entouré de païens liés à eux en une « communauté de destin », au véritable Jonas qui, par son sacrifice (// Jon 1,12-16), nous sauve tous des périls de la mer.

Ac 28,1 // Ps 65,6 Ps 65,8 La «terre» encore inconnue d'Ac 27,27 Ac 27,39 Ac 27,44 une « île », comme annoncé en Ac 27,26, puisque c'est Malte. Mais sur cet aboutissement géographique précis de la traversée se greffe dans notre imaginaire le symbolisme de ces îles lointaines qui, dans les prophéties annonçant le règne messianique, étaient mises en parallèle avec les confins de la terre (// Is 65). Si le terme de la mission assignée par le Christ en Ac 1,8 est Rome, pôle du monde antique, en arrivant jusqu'à cette île l'Apôtre n'est plus bien loin du but, matériellement et symboliquement. Et pour en témoigner, les miracles du temps messianique se multiplient.

Ac 28,2-6 // Tb 6,4-6 Si 39,28-30 Ps 91,13 Is 11,8-9 Lc 10,17-20 — À l'inverse des « naufrageurs » légendaires qui, dit-on, allumaient des feux sur les côtes pour attirer les navires sur les récifs et s'emparer ensuite des épaves, ces « barbares » sont d'une hospitalité dont Luc leur garde gratitude.

Leur raisonnement est conforme à l'enseignement de l’A.T.: Dieu venge les hommes — et non pas lui-même qui n'en est même pas atteint (Jb 35,6) — des maux qu'ils se causent à eux-mêmes et entre eux par ce qui semble un châtiment (// Si 39). Mais en réalité, depuis que le Christ est venu partager nos peines, celles-ci ont pris valeur rédemptrice, si bien que ce terme de « Vengeance divine» est devenu synonyme de «Rédemption» (BC II*, p. 254-255). C'est ce que signifie le parallèle avec Tobie : ici et là, au bord de l'eau qui symbolise si souvent l'élément hostile ou même quasi démoniaque (Ps 74,13-14), même « agression - invasit » d'une bête dangereuse. Mais du gros poisson Carnivore qui avait failli « lui dévorer les pieds », le jeune Tobie tire, sur le conseil de l'ange, toute une pharmacopée (// Tb 6,3-5 cf. Tb 11,11-13), tandis que Paul, lui, appartient déjà au monde sauvé par le Messie (// Lc 10).

N'ayant pas encore été évangélisés, les « barbares » maltais s'en tiennent à la déduction simple qui est encore celle des Apôtres devant l'aveugle-né : s'il est infirme, c'est que lui ou ses parents ont péché (Jn 9,2 h*, p. Jn 533). Si le naufragé à peine rescapé est mordu par une vipère, c'est que les dieux le poursuivent.

Mais ils ne sont pas moins logiques en concluant du miracle qui laisse Paul indemne : « Si cet homme n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » (Jn 9,33). Leur seule erreur est de dire qu’il était un dieu (v. 6), ce qui est païen, polythéiste, au lieu de comprendre qu'il était de Dieu, protégé par lui (// Ps 91), et même plus directement «instrument» de Dieu.

Pour nous, chrétiens, et même aussi pour des Juifs, c'est un premier signe que le règne messianique est là, tel qu'Isaïe l'avait prophétisé (// Is 11), et que le Christ l'avait dit à ses Apôtres (// Lc 10 Mc 16). En un sens, nous pourrions même reprendre telle quelle la conclusion des Maltais : C'est bien Dieu même qui est devant eux. Car du fait de l'incarnation du Christ, il était vrai que ceux qui le voyaient voyaient du même coup le Père, Dieu unique en une Trinité indivisible (Jn 12,45 Jn 14,9). Et du fait de notre union sacramentelle au Christ, tout membre, et a fortiori tout Apôtre, tient, de par son sacerdoce, la place du Christ, lui donnant visage en quelque sorte, depuis qu'il est remonté à la droite du Père invisible. Sinon, les hommes ne connaîtront plus Dieu, ne le verront plus, s'ils ne réussissent pas à le voir dans les saints. Les paroles qui nous décrivent l'attitude des indigènes rencontrant Paul sont une condamnation pour nous si les hommes ne voient plus en nous ce qu'ils ont vu en Paul... Le récit des Actes ne doit pas être pris à la légère. Les païens voient Dieu en Paul, et leur vision est juste... : ils perçoivent que le mystère de Dieu est là, présent (d. barsotti).

Ac 28,7-10 // Mc 16,15 Mc 16,17-18 Lc 4,38-40 — Nouveau signe que l'ère messianique est parvenue jusqu'à cette «île lointaine »: la guérison des malades, à l'exemple et au nom de Jésus (en parallèle avec Pierre : cf. Ac 3,6-8 Ac 5,12-16; et avec le Maître lui-même : // Lc 4,38-40; cf. BC II*, p. 182-183). Sur l'imposition des mains*, voir en particulier Ac 9,10-12* et Ac 17-18 ii*, p. Ac 379).

Ils nous comblèrent d'honneurs : Le transfert du prisonnier devient de plus en plus triomphal, à mesure que l'on approche de Rome, et il n'est même plus parlé du centurion Julius (Ac 27,1).

Ac 28,11-15 // Dt 15,7 Dt 15,11 Dt 17,15 Dt 17,20 Dt 23,8 — L'itinéraire se poursuit sans histoire, suivant des étapes et un calendrier précis , trois mois, trois jours, le lendemain, le deuxième jour: à mesure qu'on approche du but, la hâte gagne. De Rhegium, à l'extrémité sud de la botte, jusqu'à Pouzzoles, au nord de Naples, où ils débarquent, ils ont navigué encore plus de LE 300 km. Là, Ils trouvent des frères, et s'attardent une semaine. Nous ne saurons d'eux rien d'autre, pas plus que de nombreux autres premiers centres du christianisme mentionnés au passage dans les Actes : voir Ac 9,10 Ac 9,31 Ac 9,41 Ac 15,23 Ac 18,24 Ac 18,27 Ac 21,7 Ac 21,

De même, au verset 15, les chrétiens de Rome qui viennent à leur rencontre (v. 15). Il y avait donc là aussi une communauté chrétienne, comme on pouvait déjà le conclure d'Ac 18,2, donc bien avant l'arrivée de Paul. Fondée par qui ? Il est tentant de supposer que ce fut par Pierre lui-même, dont les Actes ont pris congé en lui laissant porte ouverte : « Et Pierre se mit en route vers un autre lieu » (Ac 12,17). À en croire eusëbe, la providence universelle, toute bonne et pleine d'amour pour les hommes, conduisit comme par la main jusqu’à Rome le vaillant et grand (Prince) des Apôtres, au début du règne de Claude, qui va de 41 à 54 (h.e. ii, xiv, 6 — SC 31, p. 69-70) — alors que nous sommes au printemps 61. Il est pourtant curieux que les Actes n'en disent rien :

mais nous sommes habitués à ces silences qui, dans une histoire contemporaine, seraient des anomalies suspectes. Prenons le texte tel qu'il est, savamment écrit pour nous signifier que Paul ne vient pas à Rome vers ces chrétiens déjà pourvus, dont la fin du chapitre ne nous dira plus un mot, mais pour porter l'Evangile «aux extrémités du monde» (Ac 1,8*), donc du paganisme (Ac 28,28*), comme le chantera plus tard léon le grand; Là fut glorifiée la mort des deux princes des Apôtres... Par ces hommes, l'Evangile du Christ a resplendi pour toi, Rome; et toi qui étais maîtresse d'erreur, tu es devenue disciple de la vérité. Ils sont tes pères et tes vrais pasteurs... Ils t'ont promue à cette gloire de devenir le centre du monde, la nation sainte, le peuple élu, la cité sacerdotale et royale (S. 82 in natali Ap. Pétri et Pauli ; pl 54, 422).

Là, nous trouvâmes des frères... Les frères de cet endroit (v. 14.15): Dès Ac 1,15*, nous avions remarqué cette appellation typique entre chrétiens. Les nombreux parallèles donnés ici rappellent que l’A.T.ne jouait pas de ce titre avec moins de bonheur. Prenons garde que la mesure de notre christianisme est fonction de la vérité avec laquelle nous vivons cette fraternité. Dans L'Espoir, a. malraux met dans la bouche d'un paysan espagnol ce mot magnifique : L'égalité, c'est la fraternité. Ainsi une fraternité réelle, vécue, généreuse, solidaire, autrement dit chrétienne, mais vraiment chrétienne, serait la meilleure réponse à la question sociale née des injustices, de l'inégalité — et aussi, avouons-le, de l'envie — qui sont à la fois la cause et l'effet des carences de la fraternité.

Et c'est bien ce que Paul reçoit des frères de Rome : il ne leur prêche pas, ni ne fait aucun signe d'un «chef d'Eglise» ; leur accueil est si fraternel qu'il rend grâces et se trouve réconforté. Peut-être aussi leur simplicité enlève-t-elle aussi l'appréhension dont témoigne le préambule de l'épître aux Romains (Rm 1,11-12), remontant à l'année 57-58.

On nous dit aussi qu'ils avaient entendu parler de nous. De Paul surtout à coup sûr; mais que Luc écrive «de nous» signifie qu'ils ont appris la prochaine arrivée de l'Apôtre et de ses compagnons (comment?); et ils estiment l'événement assez important pour aller à leur rencontre jusqu'au forum d'Appius et aux Trois-Tavernes, soit respectivement à 65 et à 50 km de Rome. Ce n'est pas un petit trajet...

Ac 28,16-31 — Ces seize derniers versets forment la conclusion totalisante, à la fois du procès et du ministère de Paul, comme du livre des Actes et même de toute l'histoire évangélique selon saint Luc. Nous suivrons là-dessus le père j. dupont, qui appuie ce bilan sur une analyse littéraire serrée de ce final (Nouv. Études, p. 457-511 ; avec bibliographie).

Il y a d'abord une série de rapports verbaux entre les versets 16 et 30, 17a et 25a, 23 et 30-31, formant autant d'inclusions qui dessinent la structure de tout l'ensemble. Il en ressort deux temps : la double entrevue de Paul avec les plus en vue d'entre les Juifs (v. 17-22 et 23-29), puis l'évangélisation de tous ceux qui venaient à lui (v. 30-31), dont surtout les païens comme l'annonçait le verset 28. Mais en outre, la seconde réunion avec les Juifs a un ressaut inattendu (v. 23-25a et 25b-29), avec double sortie : en 25a et 29. Ce qui délimite bien et « monte en épingle » les versets 25b-28. Cela ne nous surprend d'ailleurs pas, puisque ces versets, avec la citation d'Isaïe qu'ils introduisent, sont une dernière et plus générale illustration de la réalisation progressive du dessein divin de salut, par le ministère de son Apôtre passant aux païens seulement après s'être heurté au refus ou à l'hostilité des Juifs (Ac 13,42-48*).

Entre les trois scènes successives, il y a correspondance mutuelle : de la première à la seconde entrevue (v. 17-22 et 23-29), comme entre celles-ci et le final (v. 30-31). Et à l'intérieur de chaque entrevue, correspondance entre les dires de Paul (v. 17b-20 et 23b) et la réaction des Juifs (v. 21-22 et 24-25a), le deuxième ressaut de la seconde entrevue étant lui aussi bâti sur une correspondance entre les versets 25b-27 et 28, qui font antithèse.

Cet ensemble équilibré progresse pourtant : la première réunion nous avertit que ce qui est en cause, ce n'est pas tant la personne de Paul que son

message et tout particulièrement le rapport de son Évangile avec la Tradition judaïque (v. 21-22*). Par là, les Actes corrigent notre erreur de perspective: nous nous intéressons à Paul comme à un héros, dont nous voudrions connaître la fin tragique ; or c'est sans importance au regard de ce qui est en jeu, qui est le passage du judaïsme à l'universalisme de l'Evangile. La seconde entrevue a justement pour but de préciser l'accord entre a.t. et n.t. (v. 23). Le deuxième ressaut justifie que même le refus des Juifs et l'accès des païens au salut chrétien étaient prévus par le dessein divin (v. 25b-28) ; ce que nous voyons réalisé dans les deux derniers versets des Actes.

Un mot clé jalonne la progression : le verbe entendre. On passe de l'écoute bienveillante mais neutre du verset 22 à une écoute matérielle qui ne va pas jusqu'à la compréhension (v. 26), puis à une hostilité du coeur, qui bouche les oreilles, interdisant même d'entendre, a fortiori de comprendre (v. 27), par opposition à l'écoute réceptive des païens (v. 28b). C'est donc bien cela qui est en cause : bien que l'Apôtre leur ait donné des raisons satisfaisantes d'accepter l'Évangile comme l'accomplissement de l’A.T.(v. 23*), le refus des Juifs tourne vers une expansion «catholique» l'évangélisation du monde, sur laquelle s'ouvre la perspective finale des Actes (28,30-31*), non moins que des quatre Évangiles (BC II*, p. 772-779 et 788-791).

Ac 28,16 (et 30) — Le cadre. Rome : Le caractère public et universel du christianisme ne pouvait s'affirmer qu'à Rome... Quelle que soit l'importance de ce qui va suivre, le fait que Paul arrive à Rome est encore plus important que le discours. Tout le Livre des Actes tend vers ce terme (d. barsotti)- Rome est le terme des Actes et le point de départ de la catholicité effective de l'Église, comme Jérusalem l'était de la mort et de la résurrection du Christ, rattaché lui-même à Rome par son procès devant Ponce Pilate, le procurateur romain. En cette ville trouve son terme le cheminement des hommes qui répondent à Dieu, d'Abraham à Moïse et à Paul de Tarse. Rome est la cité voulue de Dieu. Dieu l'a choisie pour toujours (idem).

Logement particulier, soldat : Ce n'est donc pas un emprisonnement, mais une assignation à résidence, avec garde à vue. Telle est donc l'unité de lieu de tout ce qui va suivre. Mais si Paul est entravé, l'action de Dieu pour son rayonnement apostolique n'en est que plus manifeste, pour qu'il soit bien affirmé que c'est toujours Dieu qui conduit son Église dans l'accomplissement des étapes de son dessein de salut.

Ac 28,17-20 // Jg 16,21 Jg 16,23 Jg 16,25 Jg 16,29-30 Samson, figure du Christ, est ici pour faire contraste: il symbolise la Passion alors que Paul, profitant du répit romain, reprend son action apostolique.

Comme dans ses précédentes missions, Paul s'adresse d'abord aux Juifs, notamment les plus en vue (c'est plus imprécis au verset 23, pour la seconde réunion). L'Apôtre veut se disculper: sans avoir rien fait contre (le judaïsme) ... aucune cause (de condamnation)... sans avoir aucunement l'intention d'accuser mon peuple. Le « mon » est là pour témoigner que Paul ne se veut toujours pas coupé de ses origines juives. La v.o. insiste : s'il en a appelé à César, c'est que ses adversaires allaient jusqu'à hurler: «Supprimez notre ennemi », si bien qu'il a voulu seulement d'une mort racheter son âme ou sa vie (ce qui peut s'entendre comme d'une sorte de résurrection).

À la fin de cette justification négative (sans rien, aucune, sans aucunement), le «mon» amorce la justification positive: il est fidèle à l'espérance d'Israël (v. 20b). Et c'est par là qu'il termine son plaidoyer.

Ac 28,21-22 — Les Juifs répondent sur ces deux points. D'abord ils écartent les accusations dont Paul vient de faire état ; et pour autant, ils se gardent d'entrer dans ce procès (v. 21). Ce qui les intéresse, c'est d'apprendre à bonne source ce qu'enseigne le christianisme. Ce qui présuppose : 1. qu'ils «ont déjà entendu parler» (v. 15) de Paul comme d'un représentant important de l'Évangile; 2. qu'ils tiennent cette religion nouvelle pour une secte, avec tout ce que ce mot a de péjoratif; 3. enfin qu'au surplus de savoir qu'elle est combattue partout ne peut que mettre en méfiance. Autrement dit, s'ils veulent se documenter, c'est avec un esprit déjà prévenu.

Ac 28,23-25 // Mt 4,23 Mt 10,5-7 Mt 24,14 Dt 19,15 Lc 24,18-19 Lc 24,27 Lc 2,34-35 Jn 7,40-43 — La deuxième réunion. L'objet en est de montrer que c'est bien « l'espérance d'Israël » (v. 20) que la prétendue « secte » (v. 22) tient seulement pour désormais accomplie, en Jésus (ressuscité). Nous nous trouvons donc devant le premier point du kérygme* (Ac 2,22-36*), et sous sa double forme: soit plus évangélique du Royaume de Dieu (// Mt 4 ; 10 ; 24), soit plus apostolique de la résurrection de Jésus, prémices de son règne. Qu'il y ait équivalence entre l'une et l'autre formulation, nous en avons précisément la preuve en cette finale des Actes qui conjugue les deux, et par deux fois (v. 23 et 31).

Mais le kérygme n'est pas seulement proclamation, il est aussi argumentation, fondée à la fois sur le témoignage des Apôtres et sur le fait que la mort et la résurrection du Christ accomplissent la Loi et les Prophètes, suivant la leçon que le Ressuscité lui-même en avait donné aux disciples d'Emmaùs, puis aux Apôtres (// Lc 24,27 — BC II*, p. 767-768 ; cf. Lc 24,44-48). Et plus les preuves sont multiples — suivant la règle du parallèle Dt 19,15, plus leur convergence devient irrécusable (cf. pascal, cité dans BC II*, p. XIV-xv).

Dès le premier sermon au matin de la Pentecôte, Pierre avait tenu compte de la leçon, en citant prophétie et Psaumes (Ac 2,15-36*). Paul en fait seulement plus expressément une démonstration convaincante (v. 23c). C'est qu'il en prend le temps : du matin au soir; aussi, il en convainc certains, mais pas tous (v. 24). Ce serait trop beau !

La division se trouve donc désormais entre eux, comme l'avait prophétisée Syméon (// Lc 2), et comme Jésus lui-même l'avait provoquée (// Jn 7). D'où, au moment de se quitter, la dure citation lancée par Paul.

Ac 28,25-28 // Mt 13,19 Mt 13,11-14 Mt 21,42-44 — Sur l'introduction de cette citation, cf. F. bovon, dans L'OEuvre de Luc, p. 145-153 y d'abord opposition entre la multiplicité des avis de ses auditeurs juifs (v. 25a) et la cohérence de la position de Paul. C'est donc trop peu de comprendre, matériellement: «Paul n'ajouta qu'un mot.» Car il ne s'agit pas ici de n'importe quelle «parole», mais du «rhêma» signifiant la chose ou l'événement même, tout autant que le nom qui les désigne (cf. BC II*, p. 52 et table). L'unique parole que prêche saint Paul, c'est donc tout à la fois le fait de la mort et de la résurrection du Christ, tel que l'annoncent ou en témoignent les Ecritures, tant de l’A.T.que du n.t., convergeant dans la vie et les paroles du Christ même, incarnation du Verbe de Dieu et centre de l'histoire. Et Paul se situe au point crucial de cet unique Verbe-événement du dessein salvifique de Dieu, en citant l'oracle d'Isaïe sur le transfert de ce salut des Juifs aux païens (Mt 8,10-12 — BC II*, p. 314-315).

Il a bien parlé, l'Esprit Saint : Dans ce « kalôs » (bien, de belle ou d'heureuse façon) se cache : 1. la reconnaissance de l'autorité de l'Écriture que les chrétiens partagent avec les Juifs ; 2. la prétention des chrétiens que le sens qu'ils donnent à l'Écriture est le seul vrai (c'est le moment de vérité) ; 3. liée à cette affirmation s'exprime naturellement dans le « kalôs » une pointe de polémique contre l'interprétation juive ; 4. comme l'Écriture, en tant que promesse, s'est maintenant concrétisée et accomplie dans une réalité historique, émerge, à côté du moment de vérité, le moment eschatologique de ce « kalôs », dont la beauté ne tient pas à la seule Écriture, mais à la coïncidence entre la promesse et l'accomplissement ; 5. le cinquième moment du « kalôs », au fond le plus important, est théologique : grâce à cet adverbe... (et à toute la construction de la phrase qui fait de l'Esprit Saint le sujet, et d'Isaïe seulement l'instrument) , les félicitations de Luc (il a bien parlé) ne s'adressent pas à l'intermédiaire humain (Isaie), mais à la source divine de la vérité (f. bovon, p. 152).

Quant à l'oracle d'Is 6,9-10, le Christ lui-même l'avait cité pour condamner, dans sa parabole du semeur, l'endurcissement du coeur qui ne prend pas en compte le bon grain qu'il a reçu (// Mt 13,19 et 11-14 — sur cette terrible malédiction, cf. BC II*, p. 361-365 et 621).

Elle peut sembler ici d'autant plus excessive que, parmi les Juifs présents, il n'en a pas manqué pour accepter l'Évangile (v. 24a). Pourquoi cette condamnation globale du «peuple» juif (v. 27)? On répondra d'abord que, tout comme à la prière d'Abraham pour Sodome (Gn 18,23-32 — bc i*, p. 107-109), Dieu laisse ouverte la possibilité du salut au moins de ceux qui se convertiraient (cf. aussi Jon 3-4) : Paul le laisse entendre en citant Isaïe non pas suivant l'hébreu, qui se termine sur une condamnation définitive: «et ne pas être guéris», mais suivant la Septante, qui témoigne d'un regret: «et je les aurais guéris », ou qui du moins laisse la menace en suspens : « et je les guérirais » (soit avec ! signifiant que le péché est trop grand pour être guéri ; soit avec ? n'excluant pas la guérison, malgré l'énormité du sorte que ce soit indirectement un dernier appel au repentir).

Mais d'autre part et surtout, il est évident que Paul, en proie à l'esprit prophétique, ne juge pas tant ce petit groupe de Juifs qu'il ne résume ici, absolument, les deux étapes de l'extension du salut, généralement refusé par les Juifs, mais reçu par les païens : Et eux, ils entendront (au sens fort précisé plus haut, juste avant le commentaire d'Ac 28,16). On trouvera même expliquée en Rm 9-11* la dialectique divine utilisant ce refus temporaire d'Israël pour le salut de tous. Pour le moment, par ce verset 28, qui est le sommet non seulement de ce passage mais de tous les Actes, Luc nous montre prophétisée, donc ouverte, l'étape nouvelle où, l'Apôtre ayant atteint «les extrémités du monde » (Ac 1,8*), le salut va commencer de se répandre progressivement dans tout l'univers, encore païen.

Ac 28,29-31 — La conclusion, en effet, n'a plus rien à ajouter. Elle fait seulement la synthèse de ce qui précède.

Le verset 29 se trouve seulement sur certains manuscrits et dans la Vul-gate. Nestlé ne l'a pas retenu dans son édition critique. De toute façon, il reprend le : pas tous du même avis, ils se retirèrent... du verset 25a.

Les versets 30-31 redonnent le cadre (comme au verset 16), en y ajoutant seulement la durée de l'étape suivant la double réunion avec les Juifs : deux années entières, ce qui serait à la fois long et bien insuffisant, si elle n'ouvrait sur la suite des temps où l'évangélisation du monde se poursuit jusqu'à maintenant et à la fin du monde (Mt 28,20).

et il recevait tous ceux qui venaient à lui : Ce « tous » confirme qu'il n'y a pas, dans les versets 25b-28, une exclusion a priori des Juifs, pourvu qu'ils se convertissent au Christ, v.o. le dit même explicitement en ajoutant : « Et il s'entretenait avec des Juifs et avec des Grecs. »

prêchant le Royaume de Dieu... et le Seigneur Jésus-Christ : C'est l'objet du message déjà indiqué au verset 23, avec l'équivalence que nous avons vue alors entre notre union au Christ ressuscité et l'instauration du Royaume de Dieu.

en toute assurance*, et sans que nul y mît obstacle : Paul est dans une situation précaire, nous savons même qu'il subira le martyre peu après ces deux ans. Mais Luc tient à nous laisser sur l'affirmation et la confiance de la foi : Paul et à sa suite l'Eglise peuvent parler avec toute l'assurance apostolique (Ac 4,13*) que leur donnent l'aide et la force du Saint-Esprit; et même les portes de l'Enfer ne sauraient lui faire vraiment obstacle puisque, pour toujours, le Christ reste avec et en tous ses membres (Mt 16,18 et Mt 28,20).

origène : Des Principes îv, 1,5 et 2 (SC 268, p. 278 et 264) : Qu'on pense à la venue en tous lieux des Apôtres, de ceux qui ont été envoyés par Jésus annoncer l'Évangile, et l'on verra qu'une action si hardie relevait non de l'homme, mais du dessein divin... Considérant comment, en fort peu d'annéesmalgré l'hostilité contre ceux qui professent le christianisme, entraînant même pour certains la disparition, pour d'autres la perte de leurs biensla Parole a pu, sans une surabondance de prédicateurs, être proclamée partout sur la terre habitée (l'Oikouménè), en sorte que Grecs et barbares, sages ou insensés, se sont ralliés à la religion apportée par Jésus, nous n'hésitons pas à dire qu’une telle action dépasse l'homme, Jésus même enseignant avec toute son autorité et sa force persuasive invincible, la Parole...





Bible chrétienne Actes 23