Bible chrétienne Evang.



BIBLE CHRÉTIENNE II *



Commentaires

Troisième édition


ANNE SIGIER



Mère Elisabeth de Solms
du Monastère Sainte-Cécile de Solesmes
Traduction française sur les textes originaux et choix de commentaires de la Tradition

Dom Claude Jean-Nesmy
du Monastère de La Pierre-qui-Vire
Introduction, mise en parallèles et commentaires

Mère Cécile Miville-Dechêne
du Monastère Sainte-Marie-des-Deux-Montagnes
Concordance et révision générale



INTRODUCTION GENERALE A BIBLE CHRETIENNE II (1)

(1) Sur le sens de ce titre, cf. BC I, p. 11. À la suite, p. 11-16, on trouvera les indications sur le mode d'emploi des éléments complémentaires, propres à cette Bible, pour en faire un meilleur instrument de lecture suivant l'optique chrétienne, définie dans l'Introduction Générale de Bc I *. Ici comme en tête de Bc II, nous nous bornons à ce qui concerne les Évangiles.



Le Pentateuque est la Révélation de l'Alliance, autrement dit : de l'amour de Dieu, appelant en retour l'amour des hommes, dans le respect de leur liberté. Le reste de la Bible s'y rattache : les Livres historiques en racontent les suites et les aléas, de par l'infidélité du peuple élu; les prophètes et les sages en approfondissent la compréhension et la portée.

Par priorité, il nous a semblé nécessaire de confirmer ce grand axe de l'Ancien Testament, en nous plaçant cette fois au point focal, où tout converge : « Jésus-Christ que les deux Testaments regardent, l'Ancien comme son attente, le Nouveau comme son modèle, tous deux comme leur centre » (Pascal : Pensées L 600) — Br 740; cf. L 494) — Br 678).





1. LE CHRIST, ACCOMPLISSEMENT DE L'ANCIENNE ALLIANCE

Nulle part, en effet, nous ne voyons l’A.T. se suffire à soi-même. Toujours et de toutes manières, il appelle un à-venir. Les prophètes l'annoncent expressément, comme un Nouvel Exode, une Nouvelle Alliance, un Nouveau Temple. Les sages entrevoient l'éternelle Sagesse et son Dessein éternel d'incarnation. L'histoire elle-même est à la fois préparation et préfiguration :

Une aventure a commencé, avec Adam et Eve, bien sûr, mais poursuivie avec Noé, Abraham, Jacob et ses fils, Moïse et David. Non seulement la Descendance promise pour sauver l'homme de la catastrophe originelle (Gn 3,15 *) ne s'éteint pas, malgré le meurtre d'Abel, le Déluge, la longue stérilité d'Abraham, le génocide tenté par Pharaon, etc., mais comme Adam a été fait « à l'image » de Dieu, cette < histoire sainte > trace une suite de < figures > où se précisent peu à peu les traits du Messie et de son oeuvre : « Adam est le type de Celui qui devait venir » (Rm 5,14); le sacrifice d'Isaac demandé par Dieu à Abraham est « une parabole de l'amour de Dieu donnant son Fils pour le monde » (He 11,19); Joseph, vendu par ses frères, relevé de la fosse, glorifié par Pharaon, pardonne à ceux qui l'ont livré, les sauve de la famine et leur donne une Terre — mais qui n'est pas définitive. La première Pâque, le passage de la Mer Rouge, la Pentecôte du Sinaï, la Tente de la Rencontre, l'entrée en Terre Promise fournissent encore aujourd'hui à l'Église ses meilleures images de ce qui est donné désormais à tous les hommes sacramentellement, c'est-à-dire en réalité, mais trop profondément pour que cela puisse être directement visible. David enfin n'est pas seulement l'ancêtre du Christ : lors de la révolte d'Absalom, sa Passion est un film saisissant de celle de son descendant lointain (2S 15-18), en // aux § 338 et § 351 .

L'exégèse contemporaine a confirmé que tels étaient bien le propos et la méthode des Évangélistes eux-mêmes : Le plus ancien témoignage de l'Eglise sur le Christ nous l’a présenté comme < accomplissant > la Parole de l'Ancien Testament. Tout l'Évangile de Matthieu est bâti sur ce motif, et c'est un des sommets de l'enseignement de saint Paul que le développement systématique dans l'application au Christ de la notion de plèrôma. Le < plérôme >, pour l'Apôtre, c'est d'abord cet accomplissement des promesses, cette réalisation des présages que renfermait l’A.T...

S'il en est ainsi, on doit s'attendre à ce que le N.T. dans son ensemble se présente comme une totalisation de l'histoire du Salut où tous les éléments de l'Ancien se retrouvent, mais réunis et synthétisés dans une figure d'une transcendante nouveauté... personnalité unique apparue au comble de l'histoire (2).

(2) L. Bouyer: Le Fils éternel, p. 155-156. Cf. la Bibliographie générale de R.H. Gundry: The Use of the Old Testament... p. 235-240. Pour Jn, F.M. Braun : Jean le théologien II, « Les grandes traditions d'Israël et l'accord des Écritures selon le Quatrième Évangile ». Plus fondamentalement: C.H. Dodd : Conformément aux Écritures. (Références complètes aux ouvrages cités : voir la Table, à la fin de ce volume).


Supprimer la référence constante du récit évangélique à cet arrière-fond biblique, conclut Dom J. Dupont, à propos de la Tentation du Christ (§ 27 *), serait le priver du plus clair de sa substance... C'est en tenant compte de ses sources (vétéro-testamentaires) qu'on peut se faire une idée un peu précise de la manière dont il a été composé et des intentions dont il témoigne (3).

(3) Dom J. Dupont: L'arrière-fond biblique... dans NTS 1956-57, p. 287, 292.


Les Évangélistes ne font d'ailleurs que suivre simplement « la voie où Jésus les avait engagés : < Si vous croyiez en Moïse, vous me croiriez aussi, parce que c'est de moi qu'il a écrit! > » (4). « Et commençant par Moïse puis par tous les prophètes, le Christ ressuscité interpréta aux disciples d'Emmaüs toutes les Écritures qui l'annonçaient »... Car, dit-il un peu plus tard à tous les disciples réfugiés au Cénacle, le soir de Pâques, « il fallait que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes... et Il leur ouvrit l'intelligence, pour qu'ils comprennent les Écritures... » (Lc 24,27 Lc 24,44-45).

(4) F.M. Braun: Jean le théologien II, p. 38. Mais, d'instinct, c'est ainsi que Philippe avait premièrement annoncé la Bonne Nouvelle à Nathanaël : « Ce que Moïse a écrit dans la Loi, et que les prophètes [ont annoncé], nous l'avons trouvé: c'est Jésus de Nazareth » (comparer Jn 1,45 et 5,46).


La < substructure > de la théologie chrétienne, c'est l'Ancien Testament tel que le Christ le premier l'a compris et appliqué à sa personne, et pas seulement tel que l'Église l'a lu pour interpréter après coup les événements de la vie de Jésus * (5).

(5) A. Feuillet: L'exousia du Fils de l'homme, dans Rech. SR 1954, p. 164. Sur le rôle de la Tradition, cf. plus loin, § Unité de l'écriture et de la tradition.


La méthode < synoptique > pratiquée dans cette Bible chrétienne mettait en relief, dès son premier volume, comment le Pentateuque est l'ébauche et le germe de toute la suite. Parvenus dans celui-ci au point de convergence, encore bien mieux verrons-nous la diversité des Écrits de la Bible s'organiser et s'unifier suivant une perspective qui se concentre à l'horizon sur le Christ, nouvel Adam, Noé, Melchisédech, Moïse, Josué, David, Salomon; ultime rameau de l'arbre de Jessé, Serviteur de Yahvé plus éprouvé que Job ou Jérémie, Bon Pasteur, Sagesse incarnée et crucifiée.

C'est comme une preuve par neuf: si, dans notre lecture, les textes de l’A.T., en leur extrême diversité — à la fois chronologique, puisqu'ils s'étalent sur au moins dix siècles, et littéraire — trouvent ainsi leur convergence, nous avons bien perçu le < sens > de notre Bible : Tout auteur a un sens auquel tous les passages contraires s'accordent, ou il n'a point de sens du tout... Ainsi, pour entendre l'Écriture, il faut avoir un sens dans lequel tous les passages contraires s'accordent. Il ne suffit pas d'en avoir un qui convienne à plusieurs passages accordants, mais d'en avoir un qui accorde les passages même contraires...

Si l'on prend la loi, les sacrifices et le royaume, on ne peut accorder tous les passages. Il faut donc par nécessité qu'ils ne soient que figures... En Jésus-Christ toutes les contradictions sont accordées (Pascal: Pensées l 491 —Br 684).



2. POUR UNE LECTURE UNIFICATRICE

C'est vers une telle lecture que tend de plus en plus expressément l'exégèse la plus récente. Depuis 150 ans, la critique historique s'est efforcée de repérer les sources fragmentaires à partir desquelles fut écrit le texte continu que nous avons sous les yeux. Saint Luc lui-même témoigne des étapes de cette cristallisation (§ 2 *). Mais, malgré des trésors d'érudition, la méthode historique ne peut surmonter le handicap du manque à peu près total de documents autres que le texte actuel des Évangiles: «Cette méthode, remarque P. Bonnard, est à la recherche de l'impact concret d'un texte dans son contexte historique... (mais) de ce contexte nous ne savons pour ainsi dire rien !... (Aussi) l'étude historico-critique, qui se veut rigoureuse, laisse du champ à la subjectivité et à l'imagination de l'exégète » — notamment à sa philosophie, consciente ou non (6). D'où la conclusion : « Toute proposition sur la forme primitive des Logia * et sur les retouches qu'ont pu leur apporter les évangélistes est conjecturale et doit rester prudente et modeste » (A. George: Sur Luc, p. 132).

(6) Introduction à l’Approche historico-critique de Lc 15, dans le 12° cah. de « Foi et Vie » (1973), p. 25. Même constat, non seulement du Père Bouyer, par exemple à propos de la « théorie des Deux sources » (Le Fils éternel, p. 164, cf. p. 179), mais de la très classique Introduction critique au N.T., vol. 2, p. 208 (X. Léon-Dufour, à propos de la < Redaktionsgeschichte >). Pour une vue plus générale de l'histoire de l'interprétation, Ibid. p. 13-32).


Sans doute, « aucune explication exégétique sérieuse ne saurait se dispenser d'un minimum de critique des sources » (J. Dupont: Les Béatitudes II p 374. Mais il n'y a pour ainsi dire pas de point où « les exégètes ne soient très divisés » (7). Par conséquent, nous éviterons d'entrer dans ces recherches historiques (se reporter pour cela aux manuels d'introduction). Et nous ne croyons pas devoir davantage prendre parti dans les actuelles controverses sur la date des Évangiles. Car, quelle que soit l'hypothèse que l'on adopte, l'écart n'est plus tel que, dans un cas comme dans l'autre, la confiance que l'on peut faire à ces écrits fondateurs de notre foi ne soit aussi grande.

(7) Chaque fois, le résumé des thèses successives, bientôt abandonnées, en témoigne éloquemment: cf. par exemple Ibid. II, p. 186).


En retardant leur datation jusqu'au milieu du II° siècle, la science du XIX° siècle pouvait encore supposer que le < mythe chrétien > avait eu le temps de grossir les événements réels jusqu'à diviniser le grand homme, et faire de Jésus de Nazareth le Christ, Fils de Dieu. Mais il y a beau temps que, devant les découvertes paléographiques ou archéologiques, on a dû abandonner cette hypothèse. Désormais, on doit au moins admettre que Saint-Marc aurait été composé entre 65 et 70, Saint Luc entre 70 et 80, Saint Matthieu entre 85 et 100 (Tob: vers 80), Jean entre 90 et 120 (Tob, entre 80 et 90). Et s'il y a bien eu rédaction d'un Saint Matthieu en hébreu ou en araméen, la date devrait encore en être avancée. Même si l'on n'adopte pas les dates plus anciennes qui ont été proposées (42-45 pour Mc ; 50-53 pour Lc, et pour Mt en langue sémitique), de toute façon, nous avons par la 1° Epître aux Corinthiens la preuve que la Résurrection du Christ et sa présence physique dans l'eucharistie — les deux dogmes fondamentaux du christianisme — étaient communément enseignées dans l'Église des années 50-52, donc vingt ans après la mort du Christ.

La vérité des Évangiles est d'autant plus sûre que l'on ne peut plus imaginer la tradition orale qui est à leur source comme évolutionniste et < créatrice > — surtout en un domaine religieux comme celui-ci, où la rigueur des termes est assurée contre les moindres altérations par le respect sacré où ils sont tenus. Les intuitions du P. Jousse, magnifique précurseur (à partir de 1925), ont été corroborées par les recherches de B. Gerhardsson: Memory and Manuscript (1961) et de H. Riesenfeld: The Gospel Tradition (1957) sur les méthodes en usage dans la rabbinisme palestinien pour assurer la transmission fidèle de la < Torah orale > par leurs disciples, grâce à des rythmes et autres procédés mnémotechniques. Leurs traces demeurent si sensibles dans les Évangiles, même après la transcription de l'hébreu ou de l'araméen en grec, que l'on a pu en bien des points restituer le langage originel. Ainsi, par un juste retour des choses, les recherches historiques, loin d'accuser l'écart entre Jésus de Nazareth et le Christ de la foi, nous invitent à retrouver dans les Évangiles le Jésus de son temps d'autant plus sûrement que, même la nouveauté de son enseignement et de sa Personne se trouve fixée en des formules ne varietur, suivant un procédé conforme à son milieu. De ce fait, on est autorisé à y entendre, au moins pour l'essentiel, ses expressions familières, ses images, ses balancements rythmiques, et le ton même de sa voix inimitable.

Mais par conséquent aussi, que la chaîne de tradition soit courte, passant directement du Christ à l'Apôtre, ou bien qu'elle admette plusieurs anneaux intermédiaires, la continuité n'en est pas moins assurée. En un sens même, plus divers et détournés ont été les cheminements de la Tradition, plus la convergence des Évangiles apparaît probante, puisqu'elle suppose une cause à cette < concordantia discordantium > * : les divergences même témoignent de l'origine commune en qui elles se rejoignent fondamentalement (§ 4 ) — Lc 1,35 * et § 12 *).

La critique historique a donc en somme finalement confirmé « la solidité des enseignements transmis par les Évangiles », que Saint-Luc lui-même témoigne avoir visée (8). Mais, pour mieux comprendre le sens de ces témoins littéraires qui nous restent, les exégètes s'attachent désormais, par-delà l'histoire (< Formgeschichte > ou < Redaktionsgeschichte >), à une analyse proprement littéraire aussi large que possible:

« Il est important en effet de constater qu'une nouvelle orientation s'est dessinée de nos jours... On peut même s'étonner que cette tendance ne se soit pas manifestée plus tôt... Le recours à des couches littéraires différentes, qu'ont voulu pratiquer quelques critiques, ne sert à rien. Il pose plus de problèmes qu'il n'en résout. La seule solution est donc de prendre le texte comme une unité, pour en découvrir la logique interne. L'examen de sa structure littéraire est alors indispensable... Plusieurs auteurs cherchent de préférence aujourd'hui à faire une lecture < synchronique > des Évangiles, pour en dégager la cohérence profonde et comprendre la manière dont chaque évangéliste interprète en profondeur la tradition évangélique. Dans une telle approche, il est obvie qu'on se préoccupe beaucoup moins de la provenance des matériaux.

(8) Lc 1,4. Notre parti de laisser ouvertes les questions historiques nous évite d'avoir à désigner trop précisément les auteurs des Évangiles. Qu'il soit donc entendu que, dans tout ce volume, Mt, Mc, Lc ou Jn réfère à celui qui a rédigé l'Évangile respectif, que ce soit ou non l'Apôtre Matthieu, le Marc disciple de saint Paul (Ac 12,12 Ac 12,25 Ac 13,5 Ac 13,13 Ac 15,37-39 Col 4,10) puis de saint Pierre (1P 5,13), le Luc médecin, cher à saint Paul (Col 4,14) et son collaborateur (Phm 24 2Tm 4,11), et enfin Jean, fils de Zébédée, frère de Jacques. Sur ces questions, voir les introductions, par ex. de Tob à chacun des Évangiles. Et si l'on veut, sur Jean, J. Colson : L'énigme du disciple que Jésus aimait, et sa bibliographie.


Les expressions consacrées: Saint-Matthieu, Saint-Marc, Saint-Luc, Saint-Jean (avec le trait d'union) sont généralement utilisées quand on veut parler de l'Évangile lui-même, comme tel.

Ce sera, au cours des prochaines années, une tâche importante de l'étude biblique, de révéler de plus en plus le sens spirituel de l'Écriture dans la lettre même, et de poursuivre ce travail à travers toute la tradition: les Pères de l'Église, le Moyen Âge, la Liturgie, etc... (9).

(9) I. de la Potterie: Extraits de Mel. J. Dupont, p. 616; « Biblica » 1983, p. 85-86; La Passion de Jésus selon l'Évangile de Jean (1986, p. 13). Dans le même sens, cf. A. Vanhoye, cité à la fin de l'introduction au § 149 : ou X. Léon-Dufour: Et. d'Ev., introduction, et p. 187 ou 191.


« Soulignons la nécessité qui, à l'heure actuelle plus que jamais, s'impose aux exégètes d'essayer d'ouvrir des voies nouvelles, cela en toute sérénité, en évitant les polémiques inutiles, et aussi sans oublier pour autant l'incomparable héritage doctrinal et même exégétique que nous ont légué les Pères et les Docteurs de l'Église...

Cette humble méthode d'exégèse en effet, les Pères de l'Église la pratiquaient déjà comme d'instinct, forts de cette très juste conviction que les Livres de l'Écriture et ses divers éléments, inspirés par un même Esprit divin, ont entre eux un lien caché. Cette méthode, que les progrès réalisés dans la connaissance scientifique de la Bible permettent de parfaire considérablement et qui, utilisée à bon escient peut produire des fruits merveilleux, nous l'appelons le comparatisme intrabiblique » (10).

(10) A. Feuillet: Conclusion aux deux articles de R.Th 1984, p. 181-211 et, 399-424, sur Les épousailles messianiques et les références au Cantique des Cantiques dans les Évangiles synoptiques.


Or 1. chercher avec l'exégèse récente « le sens spirituel de l'Écriture dans la lettre même »; 2. L'élargir par « le comparatisme intrabiblique »; 3. L'approfondir à l'aide « des Pères, du Moyen Âge et de la Liturgie », c'est exactement le triple objectif que vise la < Bible chrétienne >, par ses commentaires littéraires, ses parallèles et ses extraits de la Tradition, suivant la méthode d'analyse basée sur la foi et la compréhension littéraire définie dans l'Introduction générale de Bc I *, p. 10-21 et 25-28.

Nous disons cette lecture « unificatrice », à plusieurs titres: D'abord en ce qu'elle évite de morceler chaque page d'Évangile entre des sources hypothétiques, comme de séparer le < langage-objet > (dont traite exclusivement le Structuralisme) du langage comme < dire > (Ricoeur) — c'est-à-dire la forme du fond, ou la < littérature > de son < message >. On ne se borne plus à chercher l'intention subjective de l'auteur (que l'absence de documents laisse problématique), mais on retrouve dans l'objectivité du texte, le sens pluriel, débordant dont il est prégnant :

« Où donc s'arrête ce que l'auteur a précisément entendu? Où commence le rayonnement de ces suggestions indéfinies dont il n'a pas évalué toutes les possibilités ? Voilà qui est difficile à dire. Ce n'est pas là un problème propre à la Bible, ni même à l'Orient. Il vaut pour toute oeuvre poétique, et, plus largement, pour toute expression d'une réalité humaine profonde... Le poète se tient souvent pour dépassé par l'inspiration qui l'a saisi ou qu'il a captée... Dans le cas de nos évangélistes, il s'agit d'inspiration au sens théologal et transcendant » (R. Laurentin: Jésus au Temple, p. 84-85).

Autrement dit: l'unification du texte que produit l'art de chacun des écrivains au service de son inspiration humaine est, dans le cas — unique aux yeux des croyants — de l'Écriture Sainte, conduite, amplifiée, coordonnée par une inspiration proprement divine, dont nous avions dit la transcendance dans Bc I *, p. 11-21. C'est cette < transfiguration > du texte humain, limité, fragmentaire, en l'Unique et totale Parole de Dieu, qui est le propre de la Bible, et que sa lecture < chrétienne > doit s'employer à mettre en pleine Lumière:


L’unité de composition: Déjà, en tout texte littéraire, l'art est dans la < composition >, grâce à laquelle des éléments divers se trouvent < mis en oeuvre > de façon à s'intégrer en un tout unique.

Une inspiration a passé, plus profondément mobilisatrice que ne l'aurait été un pur travail rationnel, pour assembler le puzzle des moyens — qu'ils soient reçus de la Tradition ou inventés par l'Évangéliste — afin de mieux produire l’effet voulu. Cette inspiration a premièrement opéré un choix entre ces éléments hétéroclites ; elle en a tiré le maximum de capacité expressive, par les sons, les images, les rythmes, en liaison avec tout ce que les mots, les expressions, le tour même des phrases, pouvaient évoquer, par rapprochement avec le reste de la Bible; elle les a ordonnés comme < moyens >, les réunissant en faisceau convergent et leur imprimant par là même mouvement et < sens > ; elle en a fait ce tout, unique, original — même par rapport à son parallèle dans un autre Évangile, pourtant puisé aux mêmes sources et utilisant des matériaux semblables. C'est ce bloc désormais infrangible qu'est devenu le texte. Car dans < texte >, il y a texture, c'est-à-dire à la fois < l'action de tisser >, qui est le propre de l'art d'écrire, et < l'état de la chose tissée >, le texte qui en résulte (11).

(11) Sur tout ceci, cf. les analyses de P. Claudel dans Positions et Propositions, Éd. de La Pléiade, p. 3-49; ou R.A. Gutmann: Introduction à la lecture des poètes français, Éd. R. Lacoste 1961.


Pour en discerner le sens, il faut, non seulement en repérer les matériaux parfois préexistants, mais aussi et surtout reprendre les divers éléments dont < se compose > la page lue, en comprenant comme ils servent de moyens vers quel effet. La science est donc bien utile, mais non moins les oreilles, la sensibilité, l'esprit, afin de goûter l'oeuvre, d'entrer en communion avec elle, et par elle, par le < corps > du texte, avec ce que son auteur cherchait à y signifier. Si écrire est un art, lire ne l'est pas moins. C'est à y former que vise ce nouveau volume de commentaires.

L’unité multiforme des évangiles : L'unité se trouve aussi à l'intérieur de chaque Évangile. Les recherches contemporaines ont mieux montré avec quel soin, quelle minutie même, chaque Évangéliste a refondu les données recueillies des traditions orales ou de souvenirs, pour les faire entrer dans son propos personnel. L'ordre des épisodes est au besoin modifié; des Paroles diverses du Christ peuvent être regroupées, tout comme à l'inverse un développement que l'on retrouve dans sa continuité en un autre Évangile, se trouve ailleurs fragmenté et dispersé en plusieurs endroits ; le mouvement de la phrase comme les termes employés ont été changés pour plus d'expressivité, etc. Pour mieux comprendre ce que chaque Évangéliste nous révèle de l'unique Christ, il faudra donc, peu à peu, prendre conscience du style personnel de Mt, Mc, Lc et Jn, ainsi que de la structure plus générale suivant laquelle chacun d'eux a bâti son Évangile (12).

(12) Donnons en exemple Dom B.Standaert, qui a solidement établi que L'Évangile selon Marc — qui passait pour le plus spontané de tous — était en réalité strictement composé de bout en bout, suivant les meilleurs principes de la rhétorique antique. Voir à la Table des thèmes: < Composition >.



Mais bien entendu, si chacun d'eux a sa note propre et ses particularités, leur convergence n'en est que plus frappante. Leur disposition < en synopse > ne la met pas moins en valeur que leurs différences.

Cela pose ce qu'on nomme la question synoptique. La prédominance même de la critique historique portait à en chercher l'explication dans la diversité des traditions où les Évangélistes auraient puisé, non sans que se produisent toutes sortes d'interaction des sources — entre elles comme avec les autres Évangiles en formation — qui compliquent encore la détermination du jeu complexe des influences. Là aussi, renvoyons aux recherches en cours (13), de même que pour les problèmes de la chronologie (14).

(13) P. Benoit et M.E. Boismard: Synopse de la BJ II et III, 1972 et 1977; Ph. Rolland: Les premiers Évangiles (1984).
(14) Encore peu connu mais remarquable paraît le comput de Jean Aulagnier : Avec Jésus au jour le jour, donné à la fin de BC H.



Mais si l'on se place comme nous faisons dans la perspective correspondant au propos avoué des Evangiles — « ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et afin qu'en croyant vous ayez la Vie en vous » (Jn 20,31) — la preuve qu'on les lit alors dans leur sens est que tout s'harmonise: que leurs sources soient communes ou différentes, suivant une chronologie parfois commune, parfois autre, avec des moyens littéraires communs ou plus personnels, avec leur tempérament propre, bien reconnaissable, leur témoignage concorde (cf. 1, Introduction, et § 19 ) — Mc 1,1 *).

L’unité de l’écriture sainte : La mise en synopse des Évangiles avec l’A.T. et le reste du N.T.est à son jour d'autant plus démonstrative que les rencontres ont été soulignées par les Évangélistes eux-mêmes, jusque dans le choix de leur vocabulaire. Les recherches contemporaines détectent à juste titre une infinité de ces références implicites, dont nous avons tenu compte tant pour établir la liste des parallèles que dans les commentaires (souvent nécessaires pour expliciter ce qui n'est le plus souvent qu'allusif et malaisément discernable, mais trop fréquent et concerté pour n'être pas voulu).

Il se produit ici un retournement dont, tôt ou tard, il faudra bien tenir compte. Tant qu’il s’agissait en effet des textes de l’A.T…, les exégètes même chrétiens n'osaient affirmer que puisse s'y trouver l'annonce d'événements que les chroniqueurs ni même les prophètes ne pouvaient naturellement prévoir clairement. Par contre, quand il s'agit des Évangélistes, il n'y a plus de difficulté à constater que, pour mieux affirmer la messianité de Jésus, ils soulignent ce qui le préfigure dans l'Ancienne Alliance. Mais une fois reconnus dans le texte même ces rapports entre les Évangiles et l’A.T., preuve est faite qu'ils existent bel et bien, objectivement, et que par conséquent une lecture objective des écrits de l’A.T. doit retrouver comme en filigrane l'annonce des < accomplissements > * ultérieurs, même si, subjectivement, leurs auteurs ne pouvaient en avoir conscience.

Bien sûr ! cet accord comme préétabli de l’A.T. avec le Nouveau est surprenant, car il suppose une cause, qui ne peut être seulement le génie des écrivains. C'est pourquoi une critique menée par des incroyants, au XIX° siècle surtout, considérant cette littérature comme seulement humaine, ne pouvait que tout tenter pour dissoudre ces liens, dans une analyse morcelante. Mais puisque les progrès même des sciences exégétiques font désormais reconnaître l'interdépendance de < l'un et l'autre Testaments >, comment n'en tirerions-nous pas profit, nous qui croyons en l'inspiration divine de ces Écritures, qui explique leur convergence (15). C'est même une confirmation de notre foi que le génie de Pascal avait aussi prévue :

« Quand un seul homme aurait fait un livre de prédictions de Jésus-Christ, pour le temps et la manière, et que Jésus-Christ serait venu conformément à ces prophéties, ce serait une force infinie. Mais il y a bien plus ici. C'est une suite d'hommes, durant quatre mille ans qui, constamment et sans variation, viennent l'un ensuite de l'autre, prédire ce même avènement. C'est un peuple tout entier qui l'annonce, et qui subsiste depuis quatre mille années, pour rendre en corps témoignage des assurances qu'ils en ont, et dont ils ne peuvent être divertis par quelques menaces et persécutions qu'on leur fasse : ceci est tout autrement considérable » (Pensées L 623) — Br 710).

(15) P.D. Hanson: L'Écriture une et diverse, interprétation théologique.


Là encore, l'exégèse contemporaine confirme cette unité interne, dans la diversité évidente des Ecrits de la Bible — et le commentaire en tiendra compte :

« Les textes bibliques doivent être traités comme des textes de la Bible, c'est-à-dire d'une unité qui, bien que s'accroissant à partir de nombreux et divers éléments, est quand même une unité organique qui ne peut être comprise que comme telle » (W. Vischer, dans « Foi et Vie » 1985, p. 14-15).

« Étant la Parole personnelle que Dieu adresse à ses créatures, la Bible porte les marques de l'unité dans la diversité de Dieu... Cela veut dire pour l'interprétation que tout se passe comme dans le corps où un membre fonctionne en liaison avec l'ensemble et, vice versa, il contribue au bon fonctionnement de l'ensemble. La question est donc: quel est l'apport du texte étudié à l'ensemble, et comment l'ensemble influe-t-il sur le texte particulier... L'Écriture est comparée avec l'Écriture afin de découvrir l'équilibre du message biblique. Et cela se produit, car au-delà des auteurs humains transparaît l'unité de l'Auteur divin de l'Écriture... Toutes les vérités temporelles de l'Écriture sont cohérentes, car elles sont, toutes, enracinées dans un plan éternel qui, lui, est cohérent » (Paul Wells, dans « La Revue Réformée » 1983/4, n° 136, p. 180-81).

C'est bien ainsi que toute la Tradition chrétienne lut et médita dans la diversité de l’A.T. et des Evangiles, l'unique Parole de Dieu, son Verbe, finalement incarné en Jésus de Nazareth : « Benoît lut l'Évangile dans son ensemble et en même temps chacun de ces passages que l'Église relit dans sa Liturgie... Car, en un certain sens, chaque fragment contient le tout: l'ensemble vit dans chaque fragment, de même que chaque fragment vit dans l'ensemble » (Jean Paul II: Homélie à Subiaco, 28/9/80).

L’unité de l’écriture et de la tradition: Comment pourrait-il en aller autrement, puisqu'elles s'imbriquent l'une dans l'autre et s'appuient mutuellement! C'est de la Tradition apostolique, c'est-à-dire des témoins eux-mêmes, que sortent ces témoignages que sont les 4 Évangiles. Mais par la suite au cours des siècles, la Tradition de l'Église se référera constamment à l'Écriture, que ce soit dans sa liturgie, ses conciles, ou dans les écrits de ses < Pères >, qui sont si généralement des commentateurs de l'Écriture. Le choix que nous en présentons dans ce volume montre quelle Intelligence spirituelle on y trouve: c'est un modèle insurpassé, en particulier pour l'interprétation de l'Écriture par l'Écriture (par ses parallèles) que nous essayons de pratiquer à leur suite dans cette Bible chrétienne.

Il n'y a donc pas à opposer ce qui ne forme qu'une seule Révélation, non plus qu'à soustraire ce qui viendrait de la Tradition apostolique ou de la présentation plus particulière de tel ou tel Évangile, pour dégager, comme un résidu, ce qui, sortant directement de la bouche du Christ, serait la seule véritable Parole de Dieu. Il y a au contraire continuité de base, constitutive de la tradition orale, entre la Source qui est le Christ et l'Intelligence — inspirée du Saint-Esprit, donc non moins divinement garantie — que projettent sur la Révélation du Christ ceux qui se sont appliqués à la garder en mémoire, la méditer, en comprendre toujours mieux les implications et prolongements, pour la transmettre plus totalement. L'addition de relais n'implique pas tant modifications ou inventions brouillant le donné originel, que la mise en oeuvre d'une réflexion pour y voir plus clair, choisir mieux, énoncer plus significativement, l'unique « Bonne Nouvelle, qui est Jésus-Christ, Fils de Dieu » (Mc 1,1).

Dans son ouvrage de 1500 pages sur Les Béatitudes, où il essaie précisément de faire le départ entre ce qu'aurait dit Jésus et ce que chacune des rédactions de Mt et de Lc met plus particulièrement en valeur, Dom J. Dupont est le premier à insister sur l'indissolubilité de cette chaîne de transmission: « L'intention de l'évangéliste ne fait que prolonger une intention antérieure, celle de la tradition apostolique, dont l'autorité toute spéciale tient au mandat confié par Jésus aux apôtres, et à la communauté instruite par eux, de transmettre sa pensée à l'Église. Au point de départ enfin de la tradition apostolique et de ses intentions particulières, il y a l'intention et la pensée du Maître lui-même, formulées en fonction des situations concrètes qui ont été celles de son ministère... Tout est sacré dans ce texte : l'enseignement de Jésus, car c'est le Fils de Dieu qui parle ; l'enseignement des apôtres, parce qu'ils ont reçu mission non de répéter de manière purement matérielle ce qu'ils avaient entendu, mais de le redire en réagissant devant des situations nouvelles, à la lumière de l'esprit de Jésus ; l'enseignement des évangélistes, inspirés par l'Esprit Saint pour transmettre à l'Église les traditions apostoliques » (1P 13-15).

C'est cette conjugaison de la Révélation et de la Tradition que Vatican II s'est appliqué à définir: « La Sainte Tradition et la Sainte Écriture sont donc reliées et communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux jaillissent d'une source divine identique, ne forment pour ainsi dire qu'un tout et tendent à une même fin. En effet, la Sainte Écriture est la Parole de Dieu en tant que, sous l'inspiration de l'Esprit divin, elle est consignée par écrit; quant à la sainte Tradition, elle porte la Parole de Dieu, confiée par le Christ Seigneur et par l'Esprit Saint aux Apôtres, et la transmet intégralement à leurs successeurs, pour que, illuminés par l'Esprit de vérité, en la prêchant, ils la gardent, l'exposent et la répandent avec fidélité » (Constitution « Dei Verbum », n° 9).

L’unité de la pensée chrétienne : Écriture et Tradition étant l'unique Révélation que toute la réflexion chrétienne prend pour base, et à partir de laquelle, par conséquent, elle s'édifie en tous domaines, nous ne pouvons trancher suivant des systématisations exégétiques ou théologiques plus particulières, ni entre les différents sens que l'on peut trouver à une expression, une sentence ou un récit, ni aux différentes formes, également inspirées, sous lesquelles peuvent nous être rapportés certains faits ou certaines paroles. Même entre les différentes « approches du Christ », exégétique, historique, apologétique, théologique, l'homilétique, il serait dangereux de garder les cloisons trop étanches. Car « Le Jésus de l'histoire est déjà le Seigneur de la foi, comme le Seigneur de la foi est encore le Jésus de l'histoire (16). Il y a une rigoureuse continuité entre le Verbe de Dieu créateur, la Sagesse qui assistait les prophètes, l'enfant de Bethléem, le crucifié du Golgotha, le Christ de gloire présent dans l'Eucharistie, le Maître intérieur qui instruisait les saints. Il ne s'agissait, selon le mot de Bérulle, que des divers états du Verbe incarné. C'est un même Verbe de Dieu qui est au commencement, qui reviendra à la fin, et qui remplit tout l'intervalle » (J. Daniélou : Approches... p. 10). Les Apôtres ont été les premiers à en faire l'expérience (§ 34 ) — Mc 1,27 *).

(16) O. Cullmann va jusqu'à écrire: « Le but que poursuit l'Évangéliste (Jn), c'est... de, montrer dans chaque récit l'identité qui existe entre le Jésus de l'histoire et le Christ présent dans l'Église. Il n'y a là aucune alternative » (« Il vit et il crut », la vie de Jésus objet de la < vue > et de la < foi > dans le IV° Évangile, dans les Mélanges Goguel, p. 60).


En fait, dans la réalité mystérieuse du Christ — incarnant le tout de Dieu non moins que le tout de l'homme — tout est infiniment réuni, si bien que les points de vue multiples de la connaissance humaine sont à conjuguer autant que possible, comme complémentaires, pour accommoder notre vue à ce < Mystère > *, insondable parce que débordant de toutes parts nos limites.

Qui est capable de comprendre toute la richesse d'une seule de tes paroles, ô Dieu ?... C'est un arbre de vie, qui de toutes parts, te tend des fruits bénits... Que celui qui obtient en partage une de ces richesses n'aille pas croire qu'il n'y a dans la parole de Dieu que ce qu’il y trouve ; qu’il se rende compte plutôt qu’il n'a été capable d'y découvrir qu'une seule chose parmi bien d'autres. Enrichi par la parole, qu'il ne croie pas que celle-ci est appauvrie ; incapable d'épuiser sa richesse, qu'il rende grâces pour sa grandeur. Réjouis-toi, parce que tu es rassasié, mais ne t'attriste pas de ce que la richesse de la parole te dépasse. Celui qui a soif se réjouit de boire, mais il ne s'attriste pas de son impuissance à épuiser la source. Mieux vaut que la source apaise ta soif plutôt que ta soif épuise la source. Si ta soif est étanchée sans que la source soit tarie, tu pourras y boire à nouveau, chaque fois que tu auras soif (Ephrem : Diatessaron I,18-19) — SC 121, p. 52-53).



Bible chrétienne Evang.