Bible chrétienne Evang. - § 40. Pardon et guérison du paralytique: (Mt 9,1-8= [§ 90>90]); Mc 2,1-12; Lc 5,17-26

§ 40. Pardon et guérison du paralytique: (Mt 9,1-8= [§ 90>90]); Mc 2,1-12; Lc 5,17-26

((Mt 9,1-8 = § 90 ); Mc 2,1-12 Lc 5,17-26)

Dans les 6 paragraphes 40-45, nous assistons à 5 controverses, à propos: 1) du pardon des péchés (§ 40 ) — 2) du repas avec les pécheurs (§ 42 ) — 3) du non-respect du jeûne (§ 43 ) — 4) des épis arrachés (§ 44 ) — 5) de la guérison d'une main desséchée (§ 45 ). Dans 3 cas sur 5, le débat est sur la nourriture. Dans les deux derniers cas, c'est le respect du sabbat qui est en question.

En outre, ces controverses font corps avec la vocation d'un publicain comme apôtre (§ 41 ). Dans ces § 30 à 45 qui, en Mc et Lc, s'insèrent entre Baptême-Tentation (Lc 3-4) et première constitution de l'Église par formation du collège apostolique et charte du Royaume (Lc 6,12-49), les débuts du ministère de Jésus se regroupent donc en deux ensembles :

1) Vocation des 4 premiers apôtres, < de bonne souche Israélite > comme Nathanaël (§ 31 * et § 25 *), avec bon accueil des miracles par la foule;

— 2) Vocation provocante d'un publicain, et provocation tant des miracles le jour du sabbat que de la conduite et des paroles du Maître et de ses disciples. Par là, déjà, le petit noyau d'Église commence à se distinguer de la Synagogue, et à s'y opposer.

C'est très exactement à ce tournant que se situe le § 40 , et cela appuie la portée ecclésiale que Mt 9,8 donne à l'événement. Mais d'emblée, il saute aux yeux que, si les miracles ont, dans l'Évangile, valeur de signes, nulle part ce n'est dit aussi expressément et démonstrativement qu'ici (Mt 9,6 Mc 2,10 Lc 5,24).

Mt 9,1 ; Mc 2,1) — Si l'ordre des miracles précédents n'est pas le même en Mt qu'en Mc, ils s'accordent pour situer celui-ci à Capharnaüm, si bien devenue “ sa ville ” que Mt ne juge plus nécessaire de la nommer. Or, dans cette phrase si simple et si matérielle, les Pères voient transparaître la profondeur et la réalité du Mystère de l'Incarnation (c'est cela “ l'Intelligence des Écritures ”):

Pierre Chrysologue: Sermon 50 (PL 52,339-340): La lecture d'aujourd'hui montre que dans les actes humains le Christ opère les mystères divins, et que dans les choses visibles il mène à bien les oeuvres invisibles. “ Il monta dans une barque, dit l'Écriture, traversa le lac et vint dans sa cité ”. Pourtant, n'est-ce pas lui-même qui repoussa les flots et mit à nu les profondeurs de la mer, pour que le peuple d'Israël passât à pied sec entre les eaux stupéfaites, comme entre les roches d'un col de montagne? N'est-ce pas lui, qui sous les pieds de Pierre égalisa les vagues de la mer, pour qu'un chemin liquide offrît un ferme appui à des pieds humains ? Et comment se fait-il que pour lui-même il refuse les services de la mer, comment se fait-il qu'il ait recours à une barque pour traverser un tout petit lac ?

Mais quoi d'étonnant, mes frères? Le Christ est venu prendre sur lui nos infirmités, et nous conférer ses propres forces ; il est venu pour chercher l'humain et donner le divin, recevoir les injures et donner les dignités en échange, supporter les fatigues et apporter les guérisons. Car le médecin qui ne porte pas lui-même d'infirmités ne sait pas guérir. Et qui ne se fait pas infirme avec l'infirme ne peut rendre la santé.

Le Christ donc, s'il n'était pas descendu de ses puissances propres, n'aurait rien de commun avec les hommes. Et s'il n'avait rempli les conditions de la chair, à quoi aurait servi qu'il assumât la chair ? “ Il monta dans une barque, dit l'Écriture, traversa le lac et vint dans sa cité ”. Le Créateur de tout ce qui existe au monde, le Seigneur, quand il se fut, pour nous, enfermé dans la chair, commença d'avoir une patrie humaine, commença d'être citoyen d'une cité juive. Il commença d'avoir des parents, Lui, le Père de tous les parents. Tout cela pour que son amour invite, que sa charité attire, que sa bénignité persuade ceux que sa souveraineté avait chassés, que sa crainte avait dispersés, et dont la force de sa puissance avait fait des bannis.

Mc 2,1-4; Lc 5,17-19; (Mt 9,2a — L'histoire, avec son aspect pittoresque et touchant, nous la trouvons surtout chez Mc, et accessoirement chez Luc.

À la maison (Mc 2,1b) : probablement celle de Pierre (§ 34 ) — Mc 1,29), où il se trouve reçu comme < chez lui > (absence de l'article en grec). Ce n'est plus “ dans la synagogue ”.

Jésus enseignait (Lc) ; // Annonçait la Parole (Mc) : Prise sans autre complément, comme à l'absolu, “ la Parole ” est la Bonne Nouvelle, l'Evangile (Mc 4,14-20 Mc 4,33 Ac 4,4 Ac 4,29 Ac 4,31 17,11, etc. ). Quand les Apôtres se font “ serviteurs de la Parole ” (Lc 1,2* ; Ac 6,4), ce qu'ils prêcheront, c'est cette même Parole, dans l'intégralité non seulement de ce que Jésus avait dit et fait (cf. § 4 ) — Lc 1,37* < Rhêma >), mais de ce qu'il était lui-même, la Parole de Dieu à nous adressée.

jusqu'aux abords de la porte, on se presse (Mc). Mais ce n'est pas seulement le tout-venant. Luc mentionne le cercle des Pharisiens et des docteurs de la Loi — il ajoute même: “ venus de partout ”. Cela rappelle le premier examen, quand il avait douze ans (§ 18 ) — Lc 2,46).

Lc 5,17 b — La Puissance* du Seigneur: Celle qui était sur Marie pour sa conception virginale (§ 4 — Lc 1,35*), < dynamis > propre à Dieu, donc capable de miracles, qui se trouve en Jésus (Lc 4,36 Lc 6,19 Lc 8,46), et qu'il transmettra à ses Apôtres (Lc 9,1 Ac 3,12 Ac 4,7-10 Ac 4, etc. ). Notons ce mot de Puissance, pour le comparer à celui de < Pouvoir >, revendiqué par le Christ au v. 24.

// Dt 3,24 2R 17,36 Is 40,10 — Trois exemples entre beaucoup d'autres de cette Puissance, dont Dieu a témoigné durant l'Exode, et attendue pour le (Nouvel Exode > des temps messianiques (Is 40-66).

Mc 2,3-4; Lc 5,18-19; (Mt 9,2 — Tout le monde connaît la scène, non seulement aujourd'hui, d'après l'Évangile de Mc ou de Lc, mais déjà parmi les premiers chrétiens, si bien que Mt n'éprouve pas le besoin de la décrire, ni de préciser qui sont les “ ils ” qui présentent à Jésus le paralytique.

Les Pères ne font que prolonger le sens théologique déjà souligné par Mt, quand ils voient dans ces “ porteurs ” l'image de l'intercession de l'Église pour les pécheurs (par exemple Ambroise: Sur Luc v, 11). La finale de Mt (v. 8*) confirmera que cette implication de l'Eglise dans la Rémission des Péchés, se trouve déjà au moins suggérée par l'Évangile.

Mc 2,5; Lc 5,20; Mt 9,2) — Jésus, voyant leur foi: Le lien entre foi et miracles est habituel dans les Synoptiques (Mt 8,13 Mt 9,22 Mt 9,28-29 Mt 15,28 Mc 9,22-24), de même qu'entre foi et rémission des péchés (§ 123 -Lc 7,48-50, dans l'épisode très convergent de la pécheresse pardonnée). Et cela restera l'un des points fondamentaux de la catéchèse (Ac 10,43 Ac 38-39 Ac 26,18).

Dans le cas présent, ce qu'il y a de particulier c'est que la foi que remarque le Christ n'est pas celle du paralytique (ni exclue ni mentionnée), mais celle des porteurs. C'est relevé par Mc et Lc non moins que par Mt qui n'avait pourtant pas présenté expressément ces porteurs. Ici encore il est clair que d'après les Évangiles, la scène ne se passe pas seulement entre Jésus et le malade, mais que des tiers y ont un rôle déterminant sur l'action même du Christ, rôle que précisera Mt 18,18-20*.

// Sg 11,21-26 — Le lien entre la Puissance (Lc 5,17*) et la Miséricorde. Contrairement à l'opposition superficielle qui fait passer aujourd'hui si souvent sous silence la Toute-Puissance de Dieu sous prétexte d'exalter l'Amour: c'est parce qu'\\ est le Créateur que Dieu aime tout, toujours, et pardonne indéfiniment.

tes péchés sont remis (en Mt-Mc-Lc): C'est bien le verbe < Aphièmi > qui, lorsqu'il s'agit de pardon, prend le sens très précis de remettre les péchés (cf. Concordance duN.T. < Pardon — Expiation > i; Spicq: Lexicographie III, p. 85-87) - ce qui est beaucoup plus que simplement pardonner. Car si le pardon, la réconciliation sont le but, comme Dieu est toute Vérité et Bonté Il ne peut pardonner et réconcilier avec lui < l’homme-pécheur > que s'il n'y a plus en vérité aucune trace de Mal, incompatible avec Dieu. Le pardon de Dieu implique donc, sine qua non, l'effective rémission des péchés. Réalité bien méconnue de nos jours où même la plupart des prêtres confondent Pardon et Rémission.

Pourtant ce dernier mot est riche d'un sens propre et qui fait doublement image: 1) celle d'une remise de dette, acquise par l'expiation, la rédemption, le remboursement, et qui permet l'acquittement, la libération de la culpabilité passée ; mais aussi 2) la remise en état, le rétablissement, la restauration et par suite, la réconciliation et la ré-intégration à Dieu. Au total, une véritable “ re-création ” (2Co 5,17-18). Nouvelle raison pour laquelle, dans ce processus qui nous sauve, la Miséricorde doit s'associer la Toute-Puissance (Sg 12,16 — Sur tout cela, voir Absolution, Pardon, Rémission, dans “ Foi et Langage ” 1980/4, p. 253-257).

Mc 2,6-7 ; Lc 5,21 ; (Mt 9,3 — Le raisonnement des scribes est irréfutable comme un beau syllogisme : “ Qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul ; Or Jésus prétend le faire; Donc il se prétend Dieu ”. Seulement, ce qui fausse leur raisonnement, c'est “ leur mauvais coeur ”, qui refuse la conclusion, en ajoutant subrepticement: // Blasphème (ce qui suppose qu'ils gardent < in petto >, dans leur coeur récalcitrant, une 4° proposition inavouée: or il n'est pas Dieu — tranchant par là ce qui est précisément en question). C'est ce que commence par leur reprocher le Christ: Pourquoi ce coeur malveillant? (Mt 9,4 et Za 8,17, en // au § 90 ).

Jésus ne nie pas les deux premières assertions: 1) Dieu seul peut remettre les péchés, parce que, d'une part, c'est contre Dieu que vont nos péchés (Ps 51,6) et qu'il appartient à l'offensé et à lui seul de pardonner l'offense (trop facile de pardonner pour un autre!); et parce que, d'autre part, Dieu est seul assez puissant pour “ remettre ” et re-créer dans son intégrité l'être gâché par le Mal.

// Is 43,25 — Il est vrai que la rémission des péchés était promise pour l'ère messianique, non seulement par Isaïe, mais par Jérémie (31,34), Ézéchiel (36,25); Os 14,5, Mi 7,18-20; et annoncée à l'orée de l'Évangile dans le < Benedictus > (§ 8 ) — Lc 1,77*) et dans la prédication de Jean-Baptiste (§ 19 ) — Mt 3,2*). Mais nulle part l'Écriture n'attribuait au Messie un Pouvoir aussi exorbitant. Cf. J. Vanderhaegen : Ce pardon des péchés, don messianique, dans Ass. S. XVIII D. après la Pentecôte, p. 47-49.

2) Jésus prétend bien remettre les péchés : À la rigueur, la formule “ tes péchés sont remis ”, au passif, ne précise pas expressément par qui, et peut donc s'entendre de Dieu. En un sens d'ailleurs, c'est bien encore Dieu qui pardonne, mais parce que Lui, Jésus, est Dieu. Aussi, contrairement à sa coutume de tout référer au Père, ici le Christ ne le nomme pas, comme avait fait par exemple le prophète Natân, après le péché de David: “ Yahvé pardonne ta faute, tu ne mourras pas ” (2S 12,13). C'est Lui, Jésus, qui juge la rémission comme acquise (verbe au présent dans Mc et Mt, au parfait dorique en Lc, pour indiquer la permanence du bienfait présent). Aucun de ses contradicteurs ne s'y trompe, ni aucun exégète puisque Jésus lui-même insiste et revendique ce Pouvoir (Mc 2,10 Lc 5,24 Mt 9,6).


Il blasphème : Ce sera le motif même de la condamnation à mort, invoqué par le Grand Prêtre lors de son procès (§ 342 ). Il est notable qu'on le trouve acquis, d'emblée, dès cette première controverse.

Mc 2,8-12 a; Lc 5,22-25 ; (Mt 9,4-7 — Sachant en son esprit qu'ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes : Tout est resté jusqu'ici intérieur : l'accusation des scribes “ en leur coeur ” et la science que Jésus en a “ en son esprit ”. Même Mt qui rapporte les murmures des scribes entre eux (au v. 3) ajoute au v. 4 : “ Jésus voyait leurs pensées ”. Par conséquent, en répondant à cette accusation avant même qu'elle ait été lancée en clair, Jésus montre déjà qu'il lit “ dans les coeurs ”, comme Dieu. Puis Il va faire la preuve, par un miracle bien visible, du Pouvoir qu'il a de guérir intérieurement du péché et de la paralysie spirituelle qu'il entraîne.

Or ce Pouvoir, il se l'attribue en se donnant le titre de < Fils de l'Homme >, déjà rencontré et défini en Jn 1,51* (§ 25 ) comme référant à Dn 7. Bien que les exégètes aient souvent hésité à lui donner ici toute sa force, les deux études d'A. Feuillet sur L'< Exousia > du Fils de l'Homme, et de J. Dupont sur Le paralytique pardonné, montrent qu'il faut lire au contraire une référence expresse, et donc consciente, de Jésus à cette prophétie.

// Da 7,13-14 Da 7,22A. Feuillet y met en valeur deux points de rapprochement: 1) À ce Fils de l'Homme est donnée < Exousia > universelle et éternelle — avec triple répétition du mot (au v. 14), pour en souligner l'importance ; 2) “ Les Saints ” sont associés à cette < Exousia > (v. 22.27) — on y reviendra à propos de Mt9, 8*).

Qu'est-ce que cette < Exousia > ? “ Le mot signifie le plus souvent dans le grec classique le pouvoir, la faculté, la liberté de faire quelque chose qui résulte de l'absence d'obstacles extérieurs (à la différence de < dunamis, kratos, iskhus >, qui expriment la force physique ou spirituelle présente dans un être). Mais < Exousia > peut encore vouloir dire la puissance qui s'impose par elle-même, qui se manifeste par un simple commandement... On conçoit dans ces conditions que < Exousia > soit plus apte qu'iskhus, kratos ou dunamis à exprimer la royauté souveraine de Dieu à qui rien ne peut faire obstacle et dont la parole est toute-puissante ” (A. Feuillet, op. cit. p. 172) — avec citations de Dn 4,19 et 31 : “... jusqu'à ce qu'il sache que le Seigneur du ciel a autorité sur tout ce qui est... et qu'il y fait ce qu'il veut ”).

Ce Pouvoir, Jésus s'en réclamera pleinement après sa Résurrection (Mt 28,19) ; mais dès son ministère public Il montre qu'il le possède, de par son être divin lui-même (en Mc et en Le comme en Mt, il n'est pas dit comme en Dn que ce Pouvoir lui a été donné, mais qu'Il l'a): Il le déclare en Mt 11,27, et Il peut déjà commencer à le communiquer à ses Apôtres (Mc 3,15 Mc 6,7 Lc 10,19).

C'est sur la terre, précisent identiquement les 3 Synoptiques, que le Fils de l'Homme a ce Pouvoir. Or à quoi correspondrait ce “ sur la terre ”, sinon à “ dans le ciel ” ? Le Fils de l'Homme de Daniel vient “ sur les nuées du ciel ”, pour le Jugement définitif, éternel. Jésus réclamera ce Pouvoir dans Saint-Jean 5,22-27 (§ 149 ). Mais, de par son Incarnation, ce Pouvoir est maintenant venu “ sur la terre ” ; et en nous présentant comme ce paralytique devant Jésus, portés par la foi de l'Église, nous pouvons pré-venir le Jugement dernier en un jugement de rémission et de réconciliation: “ Le Fils de l'Homme peut pardonner sur la terre, écrit Preiss, parce qu'il est le juge dans le ciel. Aussi peut-il guérir, c'est-à-dire créer une vie nouvelle, là où régnait la maladie et la mort, Le pardon et la guérison sont régulièrement associés : ce sont les deux signes de l'irruption du Règne de Dieu dans l'ancien éon du péché et de la mort ” (cité A. FEUILLET, ibid. P.171).

Mais il faut savoir entendre aussi la solennité du ton: l'impressionnant “ Amen, Amen Je vous le dis ” (§ 53 ) ne détonnerait pas ici. Comme déjà en Jn 1,51 ou Lc 4,24*, devant la méfiance ou la contradiction la conscience que Jésus a de lui-même se révèle: Il sait qui Il est (§ 260 ) — Jn 8,23-29*); Il n'ignore pas son origine céleste et le laisse entendre à ceux qui ne le savent pas encore, en s'appelant de ce titre de < Fils de l'Homme >, énigmatique mais dont le sens deviendra dans sa bouche de plus en plus clair, au point qu'il cause enfin sa condamnation à mort. Dès ce miracle du paralytique, “ l'allusion cachée que nous venons de constater au Fils de l'Homme de Daniel nous paraît être d'une importance primordiale pour l'intelligence des Évangiles, et en particulier pour la compréhension de la conscience que Jésus pouvait avoir de sa dignité souveraine : elle nous montre que tout au cours de sa carrière terrestre, et même dès le commencement de son ministère, Jésus se regardait comme le personnage eschatologique investi d'Exousia qu'avait contemplé Daniel ” (A. Feuillet, op. cit., p. 174).

Mc 2,11-12; Lc 5,24-25; (Mt 9,6-7): Le miracle-preuve se réalise, dans la plus impériale simplicité. Jésus se tourne vers le paralytique, et Il lui suffit de la Parole: “ Je te le dis ”. Pour mieux marquer son efficacité parfaite, il y a exacte correspondance entre les 3 temps de l'ordre et les 3 mouvements du paralytique:

- “ Lève-toi — prends ton grabat - va dans ta maison ”

— Il se leva — (et aussitôt) prenant son grabat — il s'en alla dans sa maison.

Mc 2,12 b;Lc 5,26; (Mt 9,8 — La réaction immédiate de l'assistance est, d'après Mc et Lc, celle que produit normalement le miracle : “ Tous étaient hors d'eux-mêmes ” (même verbe que lors de la première rencontre de Jésus avec les docteurs de la Loi, au Temple, à douze ans — Lc 2,47*). Luc insiste même en écrivant non seulement que les gens “ s'extasient ”, mais qu'“ une extase les prend ”. Ce qui les stupéfie, pourtant, c'est l'extra-ordinaire : “ On n'a jamais vu ça! ” (Mc), “ c'est merveilleux! ” (Lc).

Mt, dont le récit pouvait jusqu'ici paraître un résumé assez terne de Mc et Lc, donne tout à coup d'autant plus de relief à sa conclusion qu'elle ressort de ce fond neutre, et laisse entendre des prolongements qui viendront jusqu'à nous. Ce qui, en effet, d'après lui, est frappant, c'est que Dieu donne un tel pouvoir aux hommes ”. L'admirable n'est donc pas tant le miracle, l'inouï, que ce dont il a été donné comme signe: le Pouvoir de remettre les péchés. Pouvoir si divin, comme nous l'avons vu, qu'il “ remplit de crainte ” sacrée, moins peut-être “ les foules ” irréfléchies et surtout enthousiasmées par le miracle (Mc et Lc), que les croyants qui liront et méditeront cet Évangile.

... un tel pouvoir aux hommes : toute la distance d'un pouvoir divin, exercé par des hommes. Mais pourquoi le pluriel? — En bonne logique, on aurait attendu que ce soit le Christ qui se voie reconnu comme doté de ce Pouvoir. Mais alors même, ce terme d'< homme >, conviendrait mal, au moment où Il vient de se révéler comme l'être céleste de la vision de Daniel. On voit bien que ce n'est pas lui que vise Mt en écrivant: “ aux hommes ”. Il veut donc nous signifier que ce Pouvoir céleste, le Verbe de Dieu l'ayant apporté avec Lui “ sur la terre ” en s'incarnant, pourra le communiquer “ aux hommes ” qu'il aura choisis, quand et comme Il voudra. Et de fait, le même Évangile de Mt nous expliquera comment le Christ a transmis le Pouvoir des Clefs d'abord à Pierre (§ 165 ) — 16,17-19) et plus généralement à son Église (§ 179 -180*). C'est donc l'institution du ministère et du sacrement de réconciliation qui, en définitive, se profile dans cette conclusion de Mt au miracle du paralytique, dans la logique de ce que Jésus était venu révéler et instituer “ sur la terre ” (voir au § 90 les // Ac 9,32-35 Mt 28,18-19 Mt 18,18).

Plus fondamentalement encore, la référence à Dn 7, donne à ce Pouvoir du Christ et de son Église (cf. § 251 ) — Mt 19,28) valeur d'éternité: “ Par le fait même que Jésus se donne comme le Fils de l'Homme de Daniel, il doit se regarder comme chargé de faire apparaître sur la terre le peuple des Saints du Très-Haut; si l'on veut comprendre quelque chose au Christ des Évangiles, il ne faut pas se contenter de le contempler vivant dans des relations d'intimité unique avec le Père : en tout ce qu'il dit et en tout ce qu'il fait, il faut croire qu'il poursuit le dessein de créer ici-bas la communauté de l'ère eschatologique... (A. Feuillet: op. cit. p. 178) — cf. § 44 ) — Mc 2,28*), et plus généralement: J. Coppens : Les logia du Fils de l'homme dans l'évangile de Mc, dans Ev. Me. Betl, p. 487-528.

// Ps 103,2-14 — Tous rendaient gloire à Dieu (Mt-Mc-Lc): Il s'en faut, hélas! qu'à présent, tous les chrétiens s'émerveillent du miracle de la,rémission des péchés, grâce au Pouvoir sacramentel que le Christ a confié à son Église. Les Paroles d'action de grâces se trouvent pourtant, dès l’A.T., dans ce psaume magnifique, digne chant de méditation à cet Évangile.

p. 195

§ 41-42. La vocation de Lévi (Mt 9,9-13= [§ 92>92]); Mc 2,13-17; Lc 5,27-32


Mt 9,9-13 = § 92 ; Mc 2,13-17 Lc 5,27-32

C'est comme une application de ce que la guérison du paralytique a révélé : Jésus a le Pouvoir de remettre les péchés; Il est venu pour ça, donc pour les pécheurs — et Il va s'en donner à coeur joie !

Lévi (Mc-Lc) ou Matthieu (Mt) ? — De l'identification entre ces deux noms ou personnages, on discute depuis au moins le III° siècle. Ce qui est sûr, c'est que les listes des Apôtres (Mc 3,18 Lc 6,15) ont adopté le nom de Matthieu, dont l'Évangile qui porte son nom rappelle opportunément que c'est bien “ Matthieu le publicain ” (Mt 10,3). Et de fait, c'est ce qui importe: que le collège apostolique ait été recruté non seulement de braves pêcheurs, mais d'un de ces publicains, à la fois redoutés et méprisés. Saint Jérôme relève la leçon: “ Matthieu souligne qu'il est un publicain pour bien montrer à ceux qui liront son Évangile que nul ne doit désespérer du Salut ”.

Nous avons déjà rencontré ces publicains, venant à Jean-Baptiste (§ 21 - Lc 3,12-13*). Dans l'Évangile, ils vont se trouver toujours en bonne posture, de Matthieu à Zachée (Lc 19) comme dans les discours du Christ (Mt 21,31-32 Lc 7,29 Lc 18,9-14). Ce faisant, Jésus montre sa suprême liberté à l'égard des préjugés sociaux et du qu'en-dira-t-on. Car Lui qui vient “ évangéliser les pauvres ” (§ 30 ) — Lc 4,18), le voilà qui s'entoure (§ 41 -42; Lc 15,1-3) de publicains “ qui font plutôt figure de superprivilégiés au point de vue social : collaborateurs des Romains, ils s'appuient sur l'ennemi pour asseoir leur position. C'est d'ailleurs à ce titre, et parce qu'ils ne peuvent observer les prescriptions de pureté légale, qu'ils sont regardés comme des païens et tenus à l'écart par les hommes pieux d'Israël ” (R. Pesch: dans Ass. S. 10° D. ord.). Jésus se compromet donc avec eux.

Ce qui l'attire, c'est la pauvreté, mais non pas tant sociale que spirituelle, et qui peut donc être la richesse des < économiquement faibles > aussi bien que la secrète misère de ceux qui passent pour riches parce qu'ils ont de l'argent. Ainsi, Jésus est-il bien venu pour tout le monde, parce que “ tous ont péché et sont dans le manque de la Gloire de Dieu ” (Rm 3,23).

Mc 2,14 Lc 5,27-28 Mt 9,9 — Jésus va plus loin (Mt), comme il avait dit à Pierre: “ Avance en eau profonde ” (§ 38 ) — Lc 5,4). Il sort (Mc-Lc) et Il passe (Mt-Mc: tous ces verbes ont leur poids, ils signifient quelque chose pour notre propre rencontre avec le Christ).

Son regard s'arrêta (Lc): C'est le même regard que dans Saint-Jean, pour les premiers disciples (§ 25 ) — Jn 1,38). Il s'agit moins d'une insistance que d'une attention personnelle, qui s'adresse à la personne et crée un lien tout personnel, décisif: “ Et Jésus, le regardant, l'aima ” (Mc 10,21 — bien que ce ne soit pas, en grec, le même verbe).

Rupert de Deutz : Sur Mt vin (PL 168,1477): S'il n'avait que ses yeux d'homme, le Christ aurait-il discerné cet homme entre tous les autres? ... C'est qu'en même temps — par ces yeux intérieurs dont le prophète Zacharie (Za 3,9) avait été averti en vision qu'il y en avait 7 pour signifier la plénitude des dons du Saint-Esprit (Is 11,1-4 — le Seigneur reconnaissait celui qu'il avait vu de son regard d'Éternel, et prédestiné.

Matthieu était comme un miroir très brillant, qui jusqu'alors n'avait pas rencontré les rayons du soleil, mais restait caché dans les fenêtres, recouvert par des soucis trop temporels, puisqu'il était douanier et qu'il exigeait des marchands, à grands cris et grand bruit, la taxe et le tribut. Mais quand Jésus, quand le vrai Soleil du Salut vit Matthieu, alors celui-ci resplendit; et parce que le Fils de l'homme l'avait vu, Matthieu lui rendit son image... Avec quelle joie il s'offrit à Celui qui l'appelait! Avec quel empressement, quelle affection, il ouvrit les portes de son coeur à Jésus qui frappait! Ce signe extérieur l'indique assez : “ il lui fit un grand festin dans sa maison ”. “ Si quelqu'un m'ouvre, j'entrerai, et je souperai avec lui... ” (Ap 3,20). Oui, il entra, et il soupa avec lui: d'abord de ce festin corporel qu'offrait Matthieu — et ensuite ce fut Matthieu qui prit avec Jésus un festin spirituel.

Pour cet homme, professionnellement tourné vers les affaires et les intérêts financiers, l'appel du Christ, c'est le printemps du Cantique des Cantiques (// Ct 2,10-12). La même parabole du miroir reflétant l'éclat du Christ se trouvait déjà dans le grand texte de Rupert à propos de la vocation des premiers Apôtres (§ 31 *).

// Rm 8,29-30 — Se trouve opportunément cité par Rupert, à la suite du commentaire dont nous venons de synthétiser l'essentiel. La suite, remarque enfin Rupert, réalise ce qu'annonce l'Apocalypse: “ Je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu'un entend ma voix et m'ouvre, j'entrerai auprès de lui et je souperai avec lui, et lui avec moi ” (Ap 3,20 — donné en // au § 327 ).

Viens avec moi: C'est le même verbe qu'à la vocation des premiers Apôtres (§ 31 ). On le traduit souvent, à commencer par la Vulgate: “ Suis-moi ”. Mais nous lui gardons un sens plénier (être “ de la compagnie de Jésus ”), pour le distinguer de l'expression que choisit Mc 1,20: < aller derrière à la suite de quelqu'un >, donc le suivre. C'est le propre du disciple (§ 25 ) — Jn 1,37*), mais celui-ci est également un familier, vivant dans l'intimité du Maître. N'est-ce pas ce qui importe surtout?...

Et se levant, il vint avec Lui : Toujours la correspondance exacte et immédiate de la réponse à l'appel, signe qu'elle est sans réticence ni hésitation. Comme au § 31 , Luc ajoute: Et laissant tout: “ Si tu n'as pas tout donné, tu n'as encore rien donné, car tu ne t'es pas donné ”. Comme on comprend l'angoisse réaliste d'un Jacques Rivière :

J. Rivière: Carnets, 5 octobre 1915 (Éd. Fayard 1974, p. 263): En lisant sainte Thérèse. Peur de l'abîme. Peur de cet enchaînement terrible d'exigences où l'on tombe dès que l'on consent à Dieu.

Je tremble que la patience dont j'ai pu faire preuve dans les maux que Dieu m'a proposés jusqu'ici, ne l'engage à m'en proposer de nouveaux et de plus terribles. Je tremble de tomber dans cette misère continuelle et extrême où il plonge et maintient ceux qui se donnent à lui.

C'est pourtant le choix qui, ouvrant notre liberté à Dieu, permet l'afflux de la grâce et de la joie, inattendue, inouïe, Pascale, d'être “ avec Lui ”.

// Ct 2,10-13 — C'est aussi pourquoi nous avons choisi, en // à cette vocation de Lévi le publicain, le plus printanier des poèmes du Cantique. Non que celui-ci prédise cette scène mais afin de rendre plus sensible l'atmosphère qui règne sur ces débuts du ministère de Jésus. S'il y a polémique en effet, elle vient de ses adversaires. Mais pour les malades, les pauvres, les pécheurs, et premièrement ses disciples, c'est le printemps de Dieu qui apparaît avec l'Époux (§ 43 *) ; Il appelle et dit, comme au paralytique : “ Lève-toi... tes péchés te sont remis ”, et comme à Lévi: “ Viens avec moi... ”


§ 42: Mc 2,15 Lc 5,29 Mt 9,10

Mc 2,15 Lc 5,29 Mt 9,10


— Quoi que puissent supposer les exégètes sur les états antérieurs à la rédaction des Evangiles, il est clair que les 3 Synoptiques ont voulu nous faire lire à la suite les § 41 -42. Luc dit même expressément ce que laissent entendre les deux autres: le repas est offert par Lévi, celui-là même que Jésus vient d'appeler. Donc “ la maison ” et “ la table ” dont parlaient Mt et Mc sont bien celles du nouvel Apôtre. Marc ajoute qu'il y avait aussi de “ nombreux disciples à l'accompagner ” (même verbe < aller avec Lui > que pour Lévi lui-même).

Il y a donc deux sortes de convives: d'une part “ les publicains et les pécheurs ”, de l'autre Jésus et ses disciples. Des uns et des autres l'Évangile dit qu'ils étaient beaucoup. Des publicains*, nous savons qui ils étaient, discrédités par leurs fonctions, et les compromissions qu'elles impliquaient, au moins en général (voir au § 41 ). Quels sont les pécheurs?

Au temps de Jésus pouvaient être ainsi dénommés — et tenus à l'écart par les < purs > — soit ceux qui exerçaient des métiers réprouvés par la Loi (par exemple: les usuriers) ou même peut-être simplement méprisés, soit ceux qui ne pratiquaient pas la Loi, étant infidèles à l'Alliance, soit enfin (par une généralisation abusive), tous les païens. Sur cette question historique, bonne mise au point des conclusions précédentes de J. Jeremias, P. Fiedler et E.P. Sanders par J.D. Butin: Jésus et les pécheurs...

(Mc 2,16 Lc 5,30 Mt 9,11 — L'accusation des Pharisiens est double: non seulement Jésus ne tient pas à l'écart le pécheur, au risque de se contaminer au contact de son impureté, mais, pire, “ il mange avec eux ” — et l'on sait tout ce que la convivialité implique d'association voire de communion, première image de ce qui deviendra l'Église. Le même reproche revient aux § 108 et § 230 .

(Mc 2,17 Lc 5,31-32 Mt 9,12-13 — Au second grief, le Christ répondra plus précisément au § 43 . Mais ici, la question est prise à la racine, et réglée en deux sentences qui se complètent. Les deux couples antithétiques : “ bien-portants-malades ” et “ justes-pécheurs ” sont en effet rapprochés de façon à établir une certaine équivalence entre justes et bien-portants, pécheurs et malades, ce qui incline déjà à l'indulgence: on ne reproche pas sa maladie au malade, on l'en plaint et, si possible, on le soulage ; de même, dans le péché il y a du mal, et donc du maladif. Il est vrai que le péché n'est pas, comme la maladie, involontaire, si bien que le pécheur s'est mis lui-même dans le malheur; mais il n'en est pas moins désormais “ dans le besoin ”.

La comparaison joue donc aussi entre la fonction du médecin, qui est de venir au malade pour le guérir, et Jésus qui est venu pour ça: guérir du péché.

Ignace d’Antioche: Lettre aux Eph. 7,2 (SC 10, p. 74) : Il n'y a qu'un seul médecin, charnel et spirituel, engendré et inengendré, Dieu venu en chair, Vie véritable dans la mort, né de Marie et né de Dieu, d'abord passible et désormais Impassible, Jésus-Christ, notre Seigneur.

Plus précisément, Jésus dit: “ pour appeler les pécheurs ”. — De quel appel s'agit-il? Luc le précise en ajoutant: “ les appeler à la conversion ” (Lc 13,1-5 Lc 15 Lc 16,30 Lc 24,47). Tel est en effet le < Kérygme >, le point central de son Évangile: Pour entrer dans le Royaume qui vient à vous en ma personne, la condition - le remède - est la < pénitence-conversion-retour à Dieu > (§ 28 *)... Mais ici, le Christ pourrait aussi bien parler d'< appel > au sens général et non précisé dont la vocation de Lévi vient de nous donner un exemple, au § précédent. Car ce que vient annoncer Jésus, c'est justement que la rémission des péchés est acquise moins par les rigueurs de la pénitence (telle que la prêchait Jean-Baptiste au § 20Lc 3,8*) qu'en restant avec Lui, pour l'accompagner et le suivre, bref entrer dans cette communion de vie avec Lui qui précisément choque les Pharisiens de tous les temps.

Car il s'agit ici de l'Évangile dans ce qu'il a de plus fondamental et universel. Si le < Kérygme > est l'appel à la pénitence-conversion, mieux que morale parce qu'engagement de vie à la suite du Seul qui sauve des péchés, alors la bonté de Jésus et l'accueil qu'il fait aux pécheurs est l'Évangile réalisé. Exactement l'annonce et l'appel dont nous avions besoin : Évangile sur mesure pour qui se reconnaît pécheur, et jamais nous n'aurons épuisé notre gratitude au Christ de l'avoir si clairement dit: empêtré dans ce mal (cette maladie) du péché, j'ai non seulement besoin du Christ mais droit de l'approcher: “ Il est venu pour les pécheurs ” — Il est à moi ! Et il est aussi pour tous puisque “ tous ont péché ” (Rm 3,23 Rm 5,12). Par contre, si je ne me trouve pas de péché — comme c'est devenu si courant, non par diminution du mal, mais par les aveuglements ou les préjugés, faux, superficiels et complaisants qui permettent de s'excuser si facilement — je n'ai plus besoin ni du sacrement, ni de l'Église, ni même du Christ. On comprend qu'il y en ait tant à l'abandonner sans même se le reprocher; on comprend que le Christ lui-même soit si désarmé, et si dur, pour les pharisiens d'autrefois et d'à présent...

Rupert de Deutz : Sur Mt vin (PL 168,1478): “ Je ne suis pas venu appeler les justes... ” Avec ce mot terrible, le Seigneur flagelle ceux qui se confiaient en eux-mêmes comme s'ils étaient justes. Car ici, qui donc appelle-t-il < justes >, sinon les [véritables] pécheurs ? Et qui appelle-t-il < pécheurs >, sinon les humbles? Bienheureux les pécheurs qui reconnaissent leur injustice, et qui ont faim et soif de la justice de Dieu !

(En // au § 92 ): Sg 12,18-19 Rm 2,4 Os 6,5-6 — l’A.T. atteste fortement que Dieu est Miséricorde, du fait même qu'il est le Créateur Tout-Puissant: c'est dit encore plus expressément au début de cette longue digression de Sg 11,21 à 12,27 (Sg 11,21-26 se trouve en // au § 40 *). C'est pourquoi, ce que Dieu nous demande en retour, c'est de devenir nous-mêmes, à son image, aimants (// 1 Sg 12,19 b), bienveillants, miséricodieux pour les autres (cf. § 181 -182 et 621) — Mt 18,21-35 Mt 6,14-15. C'est aussi le sens du // Os 6,5-6, qu'il faut remettre dans son contexte: v. 1-2, espérance de se relever “ au troisième jour ” (grâce à la Résurrection du Christ) ; v. 3-4, bon propos de connaître le Seigneur et de pratiquer la miséricorde — malheureusement peu durable ; v. 5-6, pourtant tel est le critère lumineux d'après lequel Dieu juge, plutôt que sur nos sacrifices et holocaustes. La miséricorde demandée au v. 6 est donc la nôtre, à l'image de celle de Dieu. Cité en Mt 9,13 à l'appui de la répartie du Christ, ce verset pourrait sembler référer directement à la Miséricorde divine, et en un sens, ce ne serait pas trahir la prophétie d'Osée, puisque ce serait remonter à la source et au modèle de la miséricorde qui nous est demandée. Mais, dans la présente réponse aux Pharisiens, cette citation signifie plutôt: “ Au lieu de condamner et rejeter les pécheurs, vous feriez mieux de les accueillir (comme moi) avec miséricorde, puisque vous serez jugés non pas sur vos holocaustes, mais de la manière dont vous aurez jugé ces pécheurs, vous qui ne l'êtes pas moins... ”

// Is 55,6-7 Is 44,22 — La conversion et le retour à Dieu, quand donc seraient-ils plus assurés de trouver Miséricorde qu'à ce moment où Yahvé s'est Lui-même rendu proche, dans le Verbe incarné venu nous racheter?

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Bible chrétienne Evang. - § 40. Pardon et guérison du paralytique: (Mt 9,1-8= [§ 90>90]); Mc 2,1-12; Lc 5,17-26