Bible chrétienne Evang. - § 192. Marthe et Marie: Lc 10,38-42

§ 192. Marthe et Marie: Lc 10,38-42


(Lc 10,38-42)

— Alors qu'ils étaient en route: Refrain de cette montée à Jérusalem. Cependant si, comme nous le savons par Jn 11,1 Jn 11,18 Jn 12,1, la maison de Marthe et Marie était à Béthanie, à 15 stades seulement (= 2 à 3 km) de la Cité sainte, l'épisode vient bien tôt, dans un itinéraire qui va se prolonger encore du ch. 11 au ch. 19, avec retours en arrière puisqu'en Lc 17,11 Jésus se retrouve « sur les limites de la Samarie et de la Galilée », donc presque à son point de départ (§ 241 ). On a même tenté d'expliquer ces allées et venues par 3 voyages successifs, qui seraient respectivement indiqués par Lc 9,51 Lc 13,22 Lc 17,11. Mais il semble bien difficile de leur trouver place dans ces derniers mois, où Jn 7-12 présuppose une présence à peu près constante à Jérusalem ou dans la TransJordanie (Jn 11,54). Exposé des difficultés avec bibliographie des principales solutions dans l. GIRARD : L'Évangile des voyages, ch. 3. Il est clair que l'Evangile ne s'en soucie guère, et que l'épisode nous est surtout rapporté pour la Parole du Christ sur laquelle il se termine.

Marthe le reçut dans sa maison : Répond à Lc 9,58, « Le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête » — à moins de le recevoir dans notre maison, comme Marthe, ou plus tard Zachée (§ 269 *).

L'initiative en effet vient premièrement de Marthe, comme il en ira lors de la résurrection de Lazare (§ 266 ) — Jn 11,20). Alors nous apprendrons incidemment que Jésus aimait cette famille (Jn 11,5). Ainsi découvrons-nous un nouveau type de relation avec Lui. Jusqu'ici, les Évangiles nous parlaient des Apôtres ou des disciples qui accompagnaient les pérégrinations du Maître. Voici des amis, restant chez eux pour l'accueillir et même, au besoin, l'appeler (Jn 11,3*). Bien entendu, il n'y a pas opposition, et parmi les disciples, l'un d'eux se signalera comme « celui que Jésus aimait » (Jn 13,23*) — sans exclure pour autant tous «les siens», qu'il aimait aussi, et du plus grand amour (Jn 13,1, etc.). Mais le Christ peut donc avoir des intimes, qu'il n'appelle pas (ou pas encore) à partir en mission, comme Marthe, Marie et Lazare. C'est cette intimité entre Dieu et l'homme qui répond à cet Amour, qu'évoquent ici les // Tirés du Cantique ou des psaumes.

Lc 10,39 // Dt 4-6 1S 3,9 Sg 6,12-17 — Sa soeur appelée Marie : Vient en second, comme tous ces cadets ou ces petits, appelés à montrer la gratuité et la liberté de l'amour divin, en se voyant donner une priorité que l'aîné aurait paru avoir, de droit (cf. BC I*, p. 132). Assise, elle écoutait sa parole : L'attitude propre aux disciples (§ 142 ) — Lc 8,35), non seulement pour Luc (Lc 6,47 Lc 8,15 Lc 8,21 Lc 11,28), mais dès l'A.T. : // Dt et 1S. Dans le // Sg 6,14, noter le retournement : le disciple assis, à l'écoute de son Maître, trouve en réalité la Sagesse (= le Verbe = le Christ) assise à sa porte.

Seigneur : Se retrouve par 3 fois aux v. 39-41. S'appuyant sur le // avec 1Co 7,32-35, « si frappant qu'un des deux textes a dû subir l'influence littéraire de l'autre », I. de la Potterie conclut : « Marie nous est ici présentée par Luc dans l'attitude qui, d'après Paul, forme la caractéristique essentielle de la virginité chrétienne : « un attachement sans distraction au Seigneur ». Le titre de « Seigneur » dans la période de Marthe et de Marie a donc une résonance nettement chrétienne et ecclésiale :... c'est déjà le Seigneur présent dans son Église ; et Marie représente tous les croyants qui, comme elle, doivent toujours demeurer attentifs et dociles à la parole du Seigneur » (Mél. Rigaux, p. 132).

Lc 10,40 — Marthe sert, comme au § 272 ) — Jn 12,2 : accord entre les Évangiles, par ailleurs différents...

Lc 10,41 — L'affectueuse réponse est à peine un reproche; car dans cette inquiétude et ce trouble, même en ce qu'ils peuvent avoir d'excessif, comment Jésus ne verrait-il pas un témoignage émouvant de la délicatesse d'une amitié qui ne pense jamais en avoir assez fait... Marthe ne s'en trompe pas moins, comme autrefois la Samaritaine (§ 81 ) — Jn 4,10*), en ce qu'elle veut nourrir celui qui est la Parole et le Pain mêmes, donnés en nourriture aux hommes (// Sg 16,26 = la réponse du Christ à la 1° tentation au désert = le double objet qu'annonce le discours eucharistique § 163 *).

Lc 10,42 — // Suffit d'une seule... la meilleure part : Parole spécialement méditée par la Tradition chrétienne. Pour les Pères des quatre premiers siècles, cf. le dossier de A. Csanyi, dans « Studia Monastica » 1960, p. 5-78.

Si Ephrem n'hésite pas à préférer l'amour agissant de Marthe au repos contemplatif de Marie, la plupart des Pères reconnaissent la supériorité de l'écoute de la Parole sur le service des pauvres, comme l'indiquaient non seulement le présent Évangile, mais aussi la décision des Apôtres, au ch. Ac 6,2 des Actes. Et bien entendu, le courant monastique abonde en ce sens : cf. cassien, Conférences 1,8 (c'est la suite du texte cité au § 50 ) — Mt 5,8*) et xxm,J — SC 42, p. 86-87 et SC 64, p. 141. Mais en tout cas, il ne convient pas de les opposer :

ORIGENE : Fragment n° 39 des Hom. sur Lc (ces 9, p. 298) — Csanyi, p. 10) : Le secret de l'amour sera saisi par celui qui s'adonne à l'action, à condition qu'il s'applique en même temps à la contemplation, à la doctrine et à l'action. Car il n'y a ni action ni contemplation valables l'une sans l'autre.

(PG 13,1079) : Pierre, qui aime la vie contemplative et souhaite jouir de ses délices plutôt que de chercher difficilement à être utile parmi les foules, dit : « Il nous est bon d'être ici » (§ 169 ) — Lc 9,33). Mais parce que la charité « ne cherche pas son intérêt » (1Co 13,5), Jésus ne donne pas à Pierre ce qui lui semble bon. C'est pourquoi il descend de la montagne et va vers ceux qui n'ont pas pu monter ni voir sa Transfiguration, afin qu'ils le voient au moins tel qu'ils peuvent le voir.

CHRYSOSTOME : Sur Jn, hom. 44 (PG 59,249) : Répondant à Marthe, le Seigneur ne blâme pas le travail ni l'action, mais veut que l'on considère < le temps >, et que l'on ne consacre pas aux choses charnelles le temps de l'instruction spirituelle. Il n'a pas l'intention de l'inviter à la paresse, mais de l'incliner vers l'écoute de la parole. Il ne prohibe pas l'hospitalité, mais enseigne qu'au temps de l'instruction, on ne doit pas s'occuper d'autre chose.

Dans le même sens, cf. R. Guardini, qui ajoute : la vie même du Christ justifie cette priorité, avec ses 30 années de vie silencieuse contre 3 de ministère (Le Seigneur 1P 219-221).

Ce jugement de valeur peut s'appliquer en différents domaines :

1) dans l'écoute de l’Évangile : car il est le trésor, la perle, l'unique nécessaire à quoi tout le reste doit au besoin être sacrifié. Ainsi clément d'alexandrie met-il cet épisode en parallèle avec celui du Jeune homme riche (§ 249 *). Ainsi Origène voit-il en Marthe la figure de ceux qui s'attardent aux multiples prescriptions matérielles de l'A.T., alors que Marie l'écoute spirituellement (Csanyi, p. 10-11).

2) dans le libre choix de la vocation : Vie active et contemplative sont toujours à conjuguer :« Marthe et Marie avaient chacune le zèle des deux vertus [écouter la parole et servir], car si Marthe n'avait pas écouté la parole, elle n'aurait pas assumé le service — son action révèle son intention [qui est première et donne à l'action sa valeur] ; et Marie reçut tant de grâce pour pratiquer les deux vertus qu'elle oignit les pieds de Jésus et remplit toute la maison de l'odeur du parfum » (ambroise: Sur Luc 1,9) — SC 45, p. 51) — cité Csanvi, p. 57).

« Les deux vertus sont nécessaires à l'organisme de l'Église » (id.). Seules sont variables les proportions. En rappelant que rien ne vaut, sinon comme moyen pour atteindre la Fin unique, le Christ détermine par là même la mesure dans laquelle il est convenable de mettre en oeuvre ces moyens: « qu'il y ait assez pour la nécessité » (basile : PG 31,974) — Csanyi, p. 28). Marthe a seulement débordé cette mesure (Cyrille d’Alexandrie — Csanyi, p. 52).

Mais surtout, la réponse du Christ lave par avance la vocation contemplative du reproche d'inutilité qu'on lui oppose si souvent : « Que le soin de servir ne te détourne pas de la connaissance du Verbe céleste. Ne tiens pas pour des paresseux les hommes que tu vois donner leur zèle à la Sagesse » (AMBROISE: Sur Luc 7,85) — SC 52, p. 36-37; Csanyi, p. 55). Comme la virginité (cf. au v. 39 le parallèle avec 1Co 7,32-35), cette vocation à une écoute plus continue de la Parole de Dieu (Origène, cité Csanyi, p. 25) est donc inamissible (nil d'anCyre et Cyrille d’Alexandrie, dans Csanyi, p. 47 et 50) :

Jérôme : À Eustochium, lettre 22,24 (cité Csanyi, p. 58) : Sois Marie, toi aussi : préfère la doctrine à la nourriture. Que tes soeurs courent chercher de quoi recevoir le Christ ! (allusion sans doute à la parabole des Vierges sages ou folles). Toi qui as rejeté une bonne fois le poids du monde, assieds-toi aux pieds du Seigneur...


3) dans le rapport entre la vie de cette terre et la vie du ciel :

Augustin : S. 104,3 (PL 38,617): ...En ces deux femmes sont figurées deux vies, la présente et la future : la vie laborieuse et la vie tranquille, la vie peineuse et la vie bienheureuse, la vie temporelle et la vie éternelle. Chez ces femmes, donc, dans cette maison qui avait reçu le Seigneur, deux vies : toutes deux innocentes, toutes deux louables; mais l'une travaille et l'autre vaque. Ce que faisait Marthe, c'est ce que l'on fait ici-bas — ce que faisait Marie, c'est ce que nous espérons. Faisons bien ce que nous faisons ici-bas, afin de posséder pleinement ce que nous espérons. Dès maintenant, puisque vous êtes venus, puisque vous restez là à m'entendre, vous êtes en cela semblables à Marie. Vous vous appliquez au Seigneur plus facilement que moi, qui parle. Mais ce que je dis est du Christ, donc le Christ vous nourrit.
S. 179, 4-6 (PL 38,968-70): Que mangeait-elle, Marie, que buvait-elle avidement ? J'ose dire : elle mangeait Celui-là même qu'elle écoutait. Si en effet elle mangeait la Vérité, le Christ n'a-t-il pas dit lui-même « Je suis la Vérité » ? Et il était mangé parce qu'il était pain : « Je suis, dit-il, le pain descendu du ciel ».
J'ai dit tout à l'heure que le service des pauvres passera — mais qui oserait dire que, parvenus à l'immortalité, nous ne serons plus nourris de vérité ? Si nous mangeons maintenant les miettes, n'aurons-nous pas alors une table opulente ? Promettant cette récompense aux saints, dans le Royaume, le Seigneur a promis de les «faire étendre » parce que lui-même les servira. Les faire étendre, qu'est-ce donc, sinon les faire reposer, les faire vaquer ?
S. 103,3 (PL 38,614) : Marie a choisi la meilleure part, celle qui ne sera pas enlevée parce que la douceur de la Vérité est éternelle.


Comme d'habitude, les commentaires médiévaux reprennent et synthétisent la méditation des Pères de l'Église. À titre d'exemple, concluons donc avec :

Bede le Vénérable : Sur Lc III (PL 92,470-72) : Marthe représente la vie active, par laquelle nous nous unissons au prochain dans la charité ; Marie la vie contemplative, par laquelle nous désirons et soupirons, dans l'amour de Dieu.

La vie active, en effet, c'est donner du pain à celui qui a faim, enseigner la parole de sagesse à celui qui l'ignore, remettre dans le droit chemin celui qui erre, rappeler à la voie d'humilité le prochain qui s'enorgueillit, prendre soin du faible, procurer à chacun ce qu'il lui faut, et prévoir la subsistance de ceux qui nous sont confiés. Et la vie contemplative, c'est: garder, certes, de tout son coeur, la charité de Dieu et du prochain, mais se reposer de l'action extérieure et s'attacher seulement au désir de Dieu, de manière que nous tendions de tout notre élan à prendre part aux choeurs des anges, à être admis parmi les habitants du ciel, à jouir de l'éternelle incorruptibilité en présence de Dieu...

David, lui aussi, a dit qu'une seule chose est nécessaire : adhérer à Dieu sans cesse : « Pour moi, mon bien c'est d'adhérer à Dieu; dans le Seigneur Dieu, d'ancrer mon espérance » (Ps 73). Et ailleurs : « J'ai demandé à Dieu une chose, une seule : c'est d'habiter la Maison du Seigneur tous les jours de ma vie : que je voie sa félicité, jamais rassasié de son Temple » (Ps 27). Cette chose unique et seule est la théologie, c'est-à-dire la contemplation de Dieu, et tout passe après elle : les bonnes actions demandées par la loi, et les efforts de toutes les vertus.

« La meilleure part ». La part de Marthe est sans reproche, mais le Seigneur loue celle de Marie ; car il ne dit pas qu'elle a choisi une bonne part, mais la meilleure — ce qui laisse entendre que la part de Marthe est bonne aussi. Et pourquoi la part de Marie est-elle la meilleure ? Il l'explique aussitôt : « Elle ne lui sera pas enlevée ». En effet, la vie active est enlevée avec le siècle présent; mais la vie contemplative commence ici-bas, et atteint sa perfection dans la patrie céleste. Car le feu de l'amour, qui commence ici-bas, devient encore plus ardent à la vue de Celui qu'il aime; et donc la vie contemplative, une fois disparu le siècle présent, se parfait dans la lumière.

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§ 193-195. Sur la prière: Lc 11,1-13; (Mt 6,9-13 Mt 7,7-11)



(Lc 11,1-13 Mt 6,9-13 Mt 7,7-11)

— Voir au § 62 le commentaire sur le Pater avec, en introduction, les rapports Mt-Lc. Luc y ajoute la circonstance qui fait de ce Pater à la fois une réponse au désir à'apprendre à prier — aujourd'hui non moins qu'au temps du Christ — et une révélation de la prière filiale de Jésus lui-même, dont Le témoigne en toute occasion (§ 24 ) — Lc 3,21*. — Relevé détaillé, fondant un exposé général, par A. George : Sur Luc, p. 395-427). C'est pourquoi l'Église a tenu cette prière pour un précieux héritage (< Testamentum > novum), qu'elle avait à transmettre solennellement, à ceux en particulier qui allaient recevoir le baptême, en les exhortant à « renouveler en leur coeur le saint mystère de la prière du Seigneur » qui leur était alors révélé (Gélasien I, 36) — Môhlberg n° 319-328). D'où les // 1Co 11,23 et Ph 4,9, où Paul invoque déjà cette < tradition >, soit de l'eucharistie, soit de la conduite chrétienne.

En outre, Lc regroupe ici deux autres avis sur la prière : persévérance et confiance. La parabole de l'ami importun (§ 194 ) est proche de celle du juge et de la veuve (§ 244 ) — Lc 18,1-8). Son application à la prière se trouve indiquée de façon expresse par le « Et moi je vous le dis... » liant à la parabole ce § 195 , qui en devient une application. Voir son commentaire au § 70 *.

Luc semble prendre soin de ne pas promettre une efficacité à tout coup, en remplaçant notamment « les bonnes choses » en général de Mt 7,11, par « l'Esprit Saint » (Lc 11,13). De même, on ne retrouvera, dans tout Saint-Luc, d'affirmation que sur la toute-puissance de la foi (§ 239 ) — 17,5-6), et non de la prière comme en Mc 11,24* (§ 278 ) — Sur La prière et son efficacité dans l'Évangile de Lc, cf. I. dupont, dans Rech. sr 1981, p. 45-55). Surtout, en se fondant sur le rôle de l'Esprit, source de cette prière filiale d'après Rm 8,15.26-27, rupert montre que ce don de l'Esprit, au v. 13, répond à la demande initiale d'apprendre à prier (v. 1); d'où les liens entre les 3 paragraphes:

Rupert de Deutz  : Sur Mt v (PL 168,1429): Que demandons-nous? Que cherchons-nous ? L'Esprit Saint. « Si vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père du ciel donnera l'Esprit bon à ceux qui le lui demandent ! » — sous-entendu : l'Esprit qui vous apprendra à prier ; car vous avez dit : « Seigneur, apprends-nous à prier »...Et si tu cherches le chemin le plus court, pour acquérir la science de la prière, tu n'as qu'à persister à demander au Père, comme si tu étais l'ami importun : « Donne-moi l'Esprit bon, donne-moi l'Esprit Saint! » Et quand il te l'aura donné, tu auras vraiment la science de la prière; et tu seras si véhémentement occupé dans l'oraison, que c'est à peine si tu pourras prononcer un mot. Car le continuel gémissement de l'Esprit devancera l'office de la parole, et prendra pour lui toute la place.



§ 196-198. Jésus et Satan: Lc 11,14-26; (Mt 12,22-30 Mt 12,43-45 Mc 3,22-27)


(Lc 11,14-26 Mt 12,22-30 Mt 12,43-45 Mc 3,22-27)

— Voir le commentaire aux § 116 -117 et § 121 .



§ 199. « Bienheureux plutôt... » : Lc 11,27-28


(Lc 11,27-28)

— Au § 140 , se trouvait une parole du Christ allant même jusqu'à faire de ceux qui « écoutent la Parole et l'accomplissent, sa mère et ses frères » (Commentaire au § 122 *). Mais la différence des intervenants et de l'occasion rendent complémentaires ces deux répliques parallèles.

Au lieu de sa famille, incompréhensive mais qui se croirait volontiers des droits sur Jésus (§ 115 ) — Mc 3,20-21*), en cette femme anonyme perdue dans la foule, c'est la « vox populi » qui s'élève et ne cessera plus, suivant la prophétie du Magnificat — « toutes les générations diront bienheureuse » la Vierge Marie — que Luc n'avait probablement pas oubliée quand il rédigeait le présent Evangile. Que cette louange vienne plus encore des humbles, unanimes et sans réticence, n'est que plus évangélique...

Comment Jésus la démentirait-il, lui qui est né de ce sein (même mot qu'en Lc 1,41 Lc 1,42 Lc 1,44) et qui s'est nourri de ce lait maternel ? Seulement, suivant son habitude, Il veut élever l'esprit de ceux qui l'écoutent, des sentiments naturels au point de vue sur-naturel, où ce qui compte n'est pas « la chair et le sang » mais l'engagement de la foi. Marie n'est pas moins première en ce domaine, elle « qui a cru », dès le premier instant (Lc 1,45* ; cf. 1,38*).

Mais ce que cet Évangile veut nous révéler surtout, c'est que la Parole du Christ, reçue par la foi (// 1P 1,23 1P 1,25) est en nous comme elle le fut en Marie (§ 4 ) — Lc 1,38*), « semence » pour nous « ré-engendrer » à la vie divine (ce que ne pourrait un simple « vouloir d'homme »: Jn 1,12-13*), et nous donner de participer à la Béatitude de Marie, comme à sa parenté (§ 122 *).



§ 200. Le signe de Jonas et la reine de Saba : Lc 11,29-32


(Lc 11,29-32)

— Voir § 120 *.



§ 201. Double parabole de la lampe : Lc 11,33-36


(Lc 11,33-36)

— Voir aux § 52 * et § 65 *.

p. 457

§ 202-203. « Malheur à vous, scribes et pharisiens... » : Lc 11,37-54; 12,1


(Lc 11,37-54 Lc 12,1)

— Luc n'a pas retenu la double mise en garde du Christ contre les traditions et le « levain » des Pharisiens (Mt 15,1-20 Mt 16,6). Mais il en garde l'essentiel ici, en même temps que de la critique et des 7 malédictions que Mt situe plus tard, entre les Rameaux et la Cène (Mt 23). Voir les commentaires aux § 154 -155*, § 161 * et § 287 -288*.



§ 204. La confession du Christ et de l'Esprit Saint: Lc 12,2-12


(Lc 12,2-12)

—Voir le commentaire (y compris des //) aux versets correspondants de Mt, soit : § 101 * pour Lc 12,2-9; § 118 * pour le v. 10; § 293 * pour les v. 11-12.



205-216. Urgence de la conversion : Lc 12,13-13,9


(Lc 12,13-13,9)

Introduits par le § 204 , évoquant de futures persécutions, les § 205 -216 ont en commun une perspective eschatologique, de plus en plus évidente et pressante: pour nous détacher des biens de ce monde en nous tournant vers l'autre (§ 205 -207), nous inviter à la vigilance (§ 208 -211), enfin discerner dans « les signes des temps » et la venue même du Christ (§ 212 -213) l'urgence de nous réconcilier et nous convertir (§ 214 -216).



§ 205-207. Thésauriser pour le royaume: Lc 12, 13-34


(Lc 12,13-34)

— L'occasion vient de ce que l'on a eu recours à Jésus comme on le faisait avec les rabbins, pour qu'il serve de médiateur dans une affaire d'héritage (Lc 12,13). Or le « Maître » se refuse, par principe (Lc 12,14), à entrer dans ces questions d'argent, comme Il se défend contre toute exploitation politique, temporelle, de son prestige de thaumaturge, de prophète et de < Messie > (§ 151 ) — Jn 6,15*; cf. le < secret messianique >*). Cependant, une fois de plus Il en profite pour hausser l'esprit de ses interlocuteurs des intérêts temporels au « trésor » éternel (Lc 12,21 et Lc 12,33-34) qui est le Royaume (v. Lc 12,31-32): on voit que les 3 paragraphes 205-206-207 aboutissent à une même < leçon >, qui est une mise en garde contre l'excessive préoccupation des biens de ce monde.

Lc 12,14 — « Homme... » : Peut-être cette appellation traduit-elle une certaine « mise à distance » du Christ (Tob) : mais plutôt, semblerait-il, l'écart entre les intérêts trop humains de cet homme et cette sphère du divin qui, en Jésus, s'est incarné. « Qui m'a établi juge ou arbitre ? » // Ex 2,14 — Bien que les termes ne soient pas matériellement les mêmes, il est difficile de ne pas rapprocher la réponse du Christ du précédent qui se trouvait en Moïse. Et de fait, on le trouve indiqué dès le discours d'Etienne (Ac 7,27 Ac 7,35). Seulement, comme Moïse n'avait pas à s'imposer de sa propre initiative et par la violence (BC I*, p. 206), mais devait être appelé par le Dieu du Sinaï à devenir, sur-naturellement, non pas seulement « arbitre » des différends terrestres, mais « chef et rédempteur » (Ac 7,35 — et en cela, il était évidemment le < type > du Nouveau-Moïse — ainsi le Christ décline-t-il cet hommage intéressé parce qu'il a mieux à nous donner qu'un héritage terrestre : bien plutôt, Il vient nous appeler à son propre héritage, céleste, de Fils (Rm 8,17). Et s'il doit nous départager, c'est en vue du Royaume, par le Jugement dernier (§ 212 ) — cf. § 307 ) — Mt 25,31-46*).

Lc 12,15 — Indique bien le double propos, et de la parabole, et de tout ce qui suit aux § 205 -207 : d'une part convertir l'avarice, qui est un égoïsme et une idolâtrie, en report de confiance filiale (§ 206 ), qui rendra libre de disposer généreusement de ses biens en aumônes (§ 206 -207) ; d'autre part, pour encourager à cette difficile conversion, rappeler la précarité des biens de ce monde, par le fait de l'imminence toujours éventuelle de notre mort.

// Pr — Si — Qo: Ce double avertissement est d'une sagesse si naturelle qu'on la retrouverait sans doute dans les proverbes de toutes les nations, à commencer par ces // . L'Évangile hausse la perspective, en substituant à cette prudence, réaliste mais assez limitée (// Pr 18,11 et Pr 27,25-27), la visée sur-naturelle de la charité envers Dieu et envers le prochain (Lc 12,21*).

Lc 12,21 // Gn 41,33 Gn 41,35-36 Gn 41,42 Gn 41,54-55 — Thésaurise pour lui-même / riche en vue de Dieu : Voilà établie l’alternative : non pas entre pauvreté et richesse, mais entre plénitude terrestre, temporaire, ou céleste, éternelle. D'un côté l'avarice, fermée sur elle-même, stérile et d'avance condamnée par une mort inévitable; de l'autre, la générosité qui distribue aux autres, plus pauvres, ce qu'on a reçu de la libéralité du Créateur et de la nature. Le patriarche Joseph en a été un bon exemple (// Gn 41-42 — cf. BC I*, p. 178); mais en cela, lui-même présageait le Christ qui, loin de garder avaricieusement pour Lui seul sa nature et sa richesse divine, s'est anéanti en s'incarnant (Ph 2,6-8), comme le blé jeté en terre (§ 309 ) — Jn 12,24*), pour vaincre en sa mort le Démon, lui arracher ses dépouilles et les distribuer aux pauvres (§ 197 ) — Lc 11,21-22. S. Legasse rappelle, dans NT 1962, p. 9, que l'emploi de ce verbe par Luc se limite à la distribution des biens aux pauvres: cf. Lc 18,22 Ac 4,35). Le Christ est donc l'antithèse du riche insensé de la parabole (et aussi du riche de § 236 ) — Lc 16,19-31), comme il était précédemment, à l'inverse du prêtre et du lévite juifs, le Samaritain charitable (§ 191 *). Et en cela, Il est le modèle du < bon > riche, pour apprendre à distribuer en aumônes « cet argent maudit et s'en faire des amis qui nous reçoivent au ciel » (§ 233 ) — Lc 16,9). C'est exactement ce que dit ici l'expression « riche en vue de Dieu » c'est-à-dire, comme l'interprète S. Legasse (Ph ), « la distribution de sa fortune aux pauvres, en vue de se réserver un accueil favorable auprès de Dieu ».

La merveille, une fois de plus, est que « Jésus étant tout dans l'Église » (Olier) et dans l'humanité, en même temps que modèle du riche, Il s'est si bien solidarisé avec les pauvres qu'en les secourant c'est de Lui qu'on se fait un ami accueillant et nous donnant part à l'héritage céleste, même si la mort vient nous priver de nos biens et héritages terrestres (§ 307 ) — Mt 25,31-46).

Il y a tout cela dans le commentaire de Basile — bien plus plein de sens qu'il ne paraîtrait à un lecteur superficiel. S'y ajoute même, vers la fin, un jeu de mots sur cette âme dont le riche avare se congratule, alors qu'il est en réalité sans âme, puisqu'on accumulant son argent c'est au contraire l'âme (= la vie) des pauvres qu'il détient odieusement:

BASILE : Hom. sur le Riche insensé (PG 31, 261 ss; Vives 3, 61 ss): On nous donne ici l'exemple d'un riche qui possédait déjà des richesses et en espérait d'autres. Le Dieu très bénin ne le condamna pas dès le début : on dirait plutôt qu'il espérait, à force de bienfaits, provoquer enfin son esprit à la générosité envers les pauvres. Car, pourquoi fertiliser les champs d'un homme qui n'en ferait rien de bon ? Pour que resplendisse la patience de Dieu ! sa bonté qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes, qui fait lever son soleil sur les mauvais et les bons. Qu'y a-t-il de répréhensible chez cet homme ? Son âpreté, son avarice qui refuse de donner: voilà ce qu'il rend à Dieu son bienfaiteur! Il ne songe pas à la commune nature, il ne pense pas que son superflu doit être donné aux pauvres, il n'a aucune idée du précepte : « N'oublie pas de donner aux pauvres » (Pr 3,27), « Romps le pain pour celui qui a faim » (Is 58,7) : il n'entend pas l'appel de tous les prophètes et de tous les docteurs.

Les greniers trop pleins éclataient, mais le coeur cupide n'était pas rempli. C'est pourquoi furent inutiles ses réflexions et ses projets. « Que vais-je faire ? » dit-il. Qui n'aurait pitié de cet homme ? Il est malheureux parce que sa terre est fertile, pitoyable pour les biens acquis, plus pitoyable encore pour ceux qu'il attend. Il se plaint comme un pauvre : « Que faire ? » dit-il. N'est-ce pas ainsi que se lamente celui qui manque de tout ?...

Prends conscience, ô homme ! Qui est celui qui donne ? Souviens-toi de toi-même : qui es-tu ? De quoi es-tu responsable ? De qui l'as-tu reçu ? Pourquoi as-tu reçu plus que beaucoup d’autres ? Tu es devenu le ministre du Dieu très bon, afin d'administrer pour tes co-serviteurs. Ce qui est entre tes mains, tu dois le considérer comme ne t'appartenant pas. Pour un peu de temps, tu jouis de ces biens, puis ils passent, et l'on t'en demandera un compte strict. « Que ferai-je ? » dis-tu : il fallait dire : « Je remplirai l'âme du pauvre, j'ouvrirai mes greniers, j'inviterai tous les malheureux... Je lancerai cet appel magnifique : Vous tous qui manquez de pain, venez à moi! Que chacun prenne sa part, comme d'une source qui appartient à tous, du bienfait donné par Dieu ! »

Ils étaient là, ceux qui réclamaient l’âme ! Et lui, il dialoguait avec son âme au sujet de ses provisions...Imite donc la terre, ô homme ! Porte du fruit comme elle. Ne te montre pas plus vil que cette terre inanimée. Elle nourrit ses fruits, dont elle ne jouira pas mais qui te serviront; et toi, si tu montrais quelque fruit de bienfaisance, c'est pour toi-même qu'il s'accumulerait. Comme le grain de blé qui tombe à terre enrichit celui qui l'a semé, ainsi le pain offert à l'indigent. Que la fin de ton agriculture soit donc un commencement de semailles célestes.

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§ 206. Confiance en dieu pour les besoins temporels : Lc 12,22-32; (Mt 6,25-34)


(Lc 12,22-32 Mt 6,25-34)

— Commentaire au § 67 . Mais Le remplace le verset 34 de Mt 6, insistant sur < la spiritualité du moment présent > — « à chaque jour suffit sa peine » — par une promesse du Royaume qui, tout en pouvant fort bien être prise au présent du < déjà-là >, n'en ouvre pas moins sur la perspective eschatologique, accentuée par Saint-Luc en tous ces paragraphes.

Lc 12,32) — Ne crains pas : C'est la parole initiale habituelle, nécessaire pour rassurer ceux à qui le Mystère divin se révèle : cf. § 3 ) — Lc 1,12-13*.

petit troupeau: Image très constante, corrélative à celle de Yahvé pasteur de son peuple: Gn48,15; Ps 23; 77,21; 78,52.70-72; 80,2-4; Is 40,11; 49,9-10; Jr31,10; 50,19; Ez 34,11-31; Os 4,16; 13,4-6; Mi 2,12-13; 4,6-7; 7,14. L'Évangile reprend cette image à propos de la foule (Mt 9,36 Mc 6,34) des « brebis perdues d'Israël » (Mt 10,6 cf. Mt 15,24), dans la parabole de la brebis perdue (§ 178 ) ; et plus spécialement encore pour le « petit troupeau » de l'Église naissante qui aurait eu de quoi craindre, sans l'assurance donnée par son Seigneur : cf. Mt 26,31 ou Mc 14,27; et Jn 10,1-16*; 21,15-17. Il y a de la tendresse dans cette expression, qui réfère également au « petit Reste » annoncé par Isaïe 4,3; 10,20-21 etc... Sur ce verset, cf. w. pesch, dans « Biblica » 1960, p. 25-40.



§ 207. Le trésor dans le ciel: Lc 12,33-34; (Mt 6,19-21)


(Lc 12,33-34 Mt 6,19-21)

— Commentaire général au § 64 *. Là où Mt demandait, en négatif : « Ne thésaurisez pas », Luc dit positivement : « Vendez », comme Jésus le demandera au « jeune homme riche » (§ 249 *); pour le distribuer aux pauvres : cf. § 205 ) — Lc 12,21*. Le Christ a déjà mis les Pharisiens au défi de le faire (§ 202 ) — Lc 11,41). Il y revient au § 231 *. Dans les Actes, cf. 9,36; 10,2.4.31 ; 11,29; 24,17.

des réserves qui ne vieillissent pas: Litt. « des bourses », mais par extension, leur contenu. La < réserve >, qui était précisément interdite dans le cas de la manne, ou « du pain de chaque jour » (§ 62 ) — Mt 6,11*), est au contraire au principe de la vie éternelle, « engrangée » comme la valeur permanente de nos actes, temporels donc passagers. Trésor : cf. la parabole du § 137 *. Le voleur, prépare le § 209 *. Le ver, image du temps qui ronge tout; mais jusqu'à l'enfer même, il y a un ver qui ne meurt pas, et ronge le coeur de ceux qui n'ont pas misé sur Dieu (§ 136 ) — Mt 13,41-43*).

// Jb 22,23-26 1Ch 29,16 1Ch 29,18 — Ce haussement de nos perspectives temporelles jusqu'à l'éternel, c'est l'essentiel de la conversion — « Si tu reviens... », Jb 22,23) — second article du < Kérygme >*. Et c'est Dieu qui nous donne cette < Métanoïa >, par la foi, espérante et opérante dans la charité: troisième article du Kérygme (cf. § 28 ) — Mc 1,14-15*).

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§ 208-211. Veiller : Lc 12,35-48


(Lc 12,35-48)

— Trois paraboles illustrant le double thème de la vigilance que demande l'ignorance de l'Heure du Christ (v. 38.40.46). On retrouvera des paraboles analogues entre Rameaux et Passion, en Mc 13,34-36 et Mt 24,42-51 (§ 300 et § 303 -304), dans un contexte non moins eschatologique.

Lc 12,35 // Ex 12,11-13 Jr 1,17 Ep 6,14-17 1P 1,13, Ayez les reins ceints: Les // Précisent en quel sens il faut être prêts : 1) à partir de l'Egypte vers la vraie Terre Promise du Ciel, associés que nous sommes à « l'Exode » pascal du Christ (§ 169 ) — Lc 9,31*) ; 2) à notre vocation chrétienne d'annoncer intrépidement la Parole de Dieu quoi qu'il en coûte, comme Jérémie ; 3) au combat spirituel, que les Hébreux eurent à soutenir au désert, sitôt après avoir été baptisés dans la Mer (Ex 17,8-14).

et des lampes allumées: Comme dans la parabole des Vierges sages qui, dans Mt, suit immédiatement les présentes paraboles (§ 305 *). La situation est ici seulement inversée : ce sont les serviteurs qui sont à l'intérieur, pour recevoir le Maître au retour des noces (ou de ses noces, au § 305 ). Mais le sens est identique. Sur les lampes allumées, cf. § 305 ) — Mt 25,3-4*.

Lc 12,36-37) — Bienheureux : Béatitude, comme en Mt 5 (§ 50 *) — c'est-à-dire introduction au Royaume, promise cette fois aux « veillants ».

Il se ceindra (répond à : « Ayez les reins ceints », du v. 35), les invitera à se mettre à table... pour les servir. Dans la parabole « du serviteur inutile » (§ 240 *), Luc lui-même souligne combien l'attitude du Maître se faisant serviteur de ses serviteurs est contraire au réalisme ordinaire. Preuve que se trompent de porte les exégètes dissertant minutieusement des bases réalistes d'après lesquelles seraient construites les paraboles: à l'inverse, c'est bien plutôt à ce qu'il veut nous faire entendre que Jésus adapte l'historiette qui doit en être l'illustration. Mais surtout, par Saint-Jean nous le savons : ce qu'il y a d'inouï dans l'attitude du Maître, est littéralement ce que le Christ fera bientôt à la Cène : se ceindre, laver les pieds de ses Apôtres, les inviter à sa table, et leur servir son corps et son sang (§ 316 ) — Jn 13*). Est-ce qu'il ne faudrait pas mettre en valeur, dans les paraboles, leur caractère prophétique ? — et pour autant, d'une allégorisation plus voulue qu'on ne l'admet d’ordinaire ? En tous cas, cela nous confirme que, dans la pensée du Christ qui invente cette parabole, « la venue du Maître s'opère dans sa présence personnelle et son action : le Règne de Dieu est là, et la < crise > eschatologique commence » (A. George, dans Ass. S. 19° D. ord. p. 71 ; cf. J. DUPONT : La parabole du Maître qui rentre dans la nuit, Mc 13,34-36) — dans Mél. Rigaux, p. 89-116).

Lc 12,38 ; (Mc 13,35-36 Mt 24,42 — Si l'anecdote est différente, en Lc et en Mc, la pointe en est semblable: le Retour du Maître risque de venir de nuit aussi bien qu'au matin, exigeant des serviteurs qu'ils soient toujours veillants. L'office des « Vigiles », fait pour être célébré de nuit, est l'application directe et littérale de cet Évangile. Qu'il ne vous trouve pas endormis (Mc) : ce sera le cas à Gethsémani (§ 337 *).

Bienheureux seront-ils (Lc) : La répétition souligne que la visée de ces paraboles, comme du Jugement dernier lui-même, est que l'avertissement serve à nous mettre en bonne position, pour la venue du Christ.

Sur la vigilance, nous avons regroupé au § 300 les // Jos 1,7-8 Pr 4,23 Pr 16,17 Si 32,23 Si 32, la note de dhorme sur Si 32,23, « âme » prend ici le sens de « la conscience personnelle droite qui permet la décision réfléchie » (= la < Suneidésis > de Paul, dans Rm et Co) ». C'est un nouvel exemple de l'appauvrissement qu'il y aurait à éviter ce mot « âme », comme c'est de mode dans les traductions plus récentes.

Lc 12,39-40; (Mt 24,43-44 — Comprenez que... : Situe cette seconde parabole comme explication de la nécessaire vigilance. Comme un voleur : Ce n'est pas que le Christ se compare à un voleur (comme le disent gravement certains exégètes !), car la comparaison ne porte que sur l'heure inattendue. Expression passée en proverbe : // Ap 3,3 cf. Ap 16,15 1Th 5,1-3 2P 3,10, toujours dans une perspective eschatologique de Jugement. La mention du Fils de l'homme accroît encore, ici, la charge apocalyptique de l'avertissement.

// 1M 12,27-28 2M 3,23-27 (et Nb 4,16 1S 26,15-16, en // au § 303 ) — Tel Jonathan, le serviteur fidèle doit être sur ses gardes ; ce qui suffirait le plus souvent à dissuader le malfaiteur. Mais viendrait-il comme Héliodore, c'est Dieu surtout qui nous garde Lui-même. Il est non moins admirable que la révérence de David envers le Sacré, toujours présent dans « l'Oint du Seigneur » qu'était Saûl, ait mieux gardé celui-ci qu'Abner, le commandant de sa garde (// 1S 26).

Lc 12,41-42 — L'intervention de Pierre — ainsi mise en vedette une fois de plus par Lc (cf. § 323 ) — Lc 22,31-32*) — permet à Luc d'indiquer que cette 3° parabole vise plus spécialement ceux qui, comme les Apôtres, ont vocation à .' intendants sur le Royaume*. En grec, < Oikonomos > : se retrouve en Lc 16,1-8* ; saint Paul se donne lui-même ce titre « d'intendant des mystères de Dieu, auquel il importe d'être fidèle » (// 1Co 4,1-2).

Lc 12,46 Mt 24,51 — Le maître le retranchera : Litt. « le coupera en deux »: allusion possible à ; « mais plus probablement, terme technique, attesté dans les écrits de Qumrân, désignant l'excommunication ou la mise en quarantaine » (note Tob, à Mt 24,51). Sa part avec les infidèles (Lc) ou les hypocrites (Mt — au sens rappelé dans l'introduction aux § 60 -63). Mt précise sans ambages que ces deux menaces signifient l'Enfer.

// Gn 39,1-4 Gn 39,22-23 Gn 41,39-43 Est 6,1-9 Est 7,8-9 — Le Livre d'Esther tout entier illustre les sorts inverses d'un serviteur fidèle mais sans ostentation, Mardochée, sauvé in extremis des machinations d'Aman, serviteur ambitieux et vindicatif, de sorte que, conformément à l'Évangile, l'humble soit finalement exalté, tandis que l'élévation rêvée par l'autre se transforme en pendaison.

Mieux encore Joseph est le loyal serviteur, à qui sa fidélité vaut d'abord la mort de l'emprisonnement, suivie de sa glorification: figure du Christ, le fidèle Serviteur, par excellence, et de son Mystère pascal qui va être évoqué précisément par Saint-Luc au § 212 *.

Lc 12,47-48 — Conclusion de la parabole précédente, précisant que le jugement ne tiendra pas compte seulement de la gravité objective des torts du serviteur infidèle, mais aussi de ce qu'il a connu ou non la volonté du Maître, donc de sa responsabilité subjective (= la pleine connaissance et liberté, dont le catéchisme fait, conformément à cet Évangile, une des conditions de la gravité du péché).

on redemandera davantage à qui l'on a confié beaucoup: Annonce la parabole des talents (Lc 19,11-27 — commentaire au § 306 , c'est-à-dire à la version de Mt 25, qui joint les deux paraboles en un même groupe, § 302 -307*).

En somme, par les 3 paraboles précédentes, Jésus demande à toute son Église — des membres de sa hiérarchie aux simples < fidèles > — vigilance et fidélité pour répondre à sa triple venue : la première au temps de l'Évangile, qui se répercute depuis lors en venue pour chacun de nous, par l'Évangile et par les sacrements, jusqu'à ce que le Christ puisse embrasser toutes les générations dans sa dernière et solennelle venue, à la Fin des temps (cf. la conclusion de A. George : art. cit. p. 73). C'est bien le triple < Adventus > qu'enseigne et pratique l'Église, en particulier dans sa liturgie de l'Avent et de Noël.

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Bible chrétienne Evang. - § 192. Marthe et Marie: Lc 10,38-42