Bible chrétienne Evang. - § 254-255. Ambition et service : Mt 20,20-28; Mc 10,35-45; (Lc 22,25-27)

§ 254-255. Ambition et service : Mt 20,20-28; Mc 10,35-45; (Lc 22,25-27)


(Mt 20,20-28 Mc 10,35-45 Lc 22,25-27)

— Ces deux paragraphes font corps, tant avec les § 250 -252 qu'avec le § 253. D'une part en effet, le Christ ayant promis : « Quand le Fils de l'homme siégera sur le trône de Gloire, vous aussi vous siégerez... », Jacques et Jean demandent : « Accorde-nous de siéger à ta droite et à ta gauche, dans ta Gloire ». Mais d'autre part, la réponse du Christ: « Pouvez-vous participer à ma Passion » se relie à l'association impliquée dans le « nous montons à Jérusalem », au § 253 *. Au surplus, le rapprochement des deux paragraphes 253 et 254 fait éclater l'incongruité de cette ambition... Ce n'est d'ailleurs ni la première ni la dernière fois que l'Évangile souligne ces luttes pour la préséance, et toujours en contradiction avec l'approche de la Passion : cf. § 172 et 174) — Mc 9,30-34 ; les Apôtres en auraient encore discuté — c'est un comble ! — juste après la Cène § 321 , provoquant une parole du Maître, parallèle à la réponse du § 255 , et rapportée en Saint Lc 22,25-27 (à quoi correspond, en Saint-Jean, la leçon symbolique du Lavement des pieds, § 316 . On ne saurait faire mieux ressortir le décalage total qu'il y a entre le Christ et, non seulement le messianisme temporel de ses adversaires, mais l'ambition même de ses Apôtres — jusqu'à ce que la Pentecôte les pénètre enfin de son Esprit. Cependant, indirectement (comme nous le constations à propos de l'incompréhension du § 172 , le fait que les Evangiles laissent aux premiers témoins du Christ un si piètre rôle est signe convaincant à la fois de leur honnête véracité, et de la profondeur de leur conversion : alors qu'ils auraient tellement voulu briller au temps de la vie terrestre du Christ, quelle rare humilité, en effet, d'avoir accepté ensuite de ne pas se faire idéaliser dans leurs < mémoires >.

Mt 20,20-21 Mc 10,35-37 // Gn 21,10 Gn 27,8 1R 1,16 — Alors la mère des fils de Zébédée (Mt) : Curieux ! Saint-Matthieu, d'ordinaire, estompe les personnages secondaires, pour mieux mettre en valeur la transcendance du Seigneur § 34Mt 8,14-15*, etc.). Or, dans le cas présent, tandis que Mc fait présenter la demande par Jacques et Jean, c'est Mt qui nous garde le précieux souvenir de cette femme, si touchante dans son humilité et sa fierté de mère !

Car elle est seulement « la mère des fils de son mari ». Ce qui n'est pas tomber dans les sottises à la mode sur l'indigne sujétion où la tradition judéo-chrétienne aurait confiné la femme : depuis Eve, elle est la compagne de l'homme, et mère honorée de la Descendance, donc de l'avenir (Gn 2,18-24 Gn 3,20). De Sara ou Rébecca à Bethsabée et à la mère des 7 frères martyrs (// Gn 21,10 Gn 27,8 1R 1,16 2M 7,20-29), on voit bien qui donc, en fait, dirige les événements, et assure en particulier l'héritage messianique, par influence décisive non seulement sur ses enfants, mais également sur leur père ! Le parallèle entre Bethsabée « se prosternant » devant David en faveur de Salomon, leur fils, et la prosternation comme la requête de la mère des fils de Zébédée, est significatif, même si le résultat en paraît d'abord contraire... Et qui donc reprocherait à cette mère que rien ne lui paraisse excessif pour ses enfants ? — Bien sûr ! si la demande émane en réalité de Jacques et Jean, c'est moins émouvant...

Mt 20,22-23 Mc 10,38-40 // Si 7,4 Sg 6,20-21 — La réponse du Christ, qui s'adresse directement aux deux frères, sans reproche à leur mère, se fait en deux temps : 1) d'abord les mettre devant la condition, qui est l'association à ses souffrances rédemptrices (déjà clairement indiquée au § 168 * ; puis 2) laisser la détermination de la Gloire au mystère du Jugement de Dieu :

Boire le calice : Sur le symbolisme de la < coupe >, qui peut être de la bénédiction ou de la colère, cf. § 318 et § 337Lc 22,17* et 42*. Etre baptisés du baptême'. Même expression qu'en Lc 12,50, où Jésus laissait voir le feu qui le brûlait intérieurement. Nous saisissons mieux encore, à présent, comment le vrai baptême, dans l'Esprit de Jésus, est sa mort. Celui du Jourdain et sa théophanie § 24 *), en étaient le programme. Rapprochant Mc 10,38 de Lc 12,50, J. Guillet y découvre cette âme du Christ, d'où est sortie l'invention des sacrements : « Feu, baptême, coupe, repas, il est notable que ces mots, où s'expriment les attitudes les plus personnelles du Seigneur, ses réactions de fond à la mission que lui fixe son Père, soient précisément les mots de ses sacrements, le baptême, la confirmation, l'eucharistie... C'est l'expression naturelle du fait que les sacrements de l'Église ont leur origine dans les zones les plus profondes du Christ : non pas seulement dans les gestes décisifs qu'il a posés, dernière Cène, agonie de Gethsémani, Passion, mais dans la valeur qu'ont eue pour lui ces gestes, dans ce qu'ils lui ont apporté de souffrance et de plénitude. Là où nous pouvons l'apercevoir, son attention nous paraît absorbée par les moments de son action dont il fera ses sacrements » (Jésus-Christ..., p. 191-92).

// Si 7,4 Sg 6,20-21 — Plus généraux, les préceptes de la Sagesse n'en vont pas moins dans le même sens : plutôt que de « demander au Seigneur le pouvoir », s'unir au Christ, Sagesse en personne; et par le fait, « entrer dans son Royaume », comme un enfant et comme un pauvre § 248 et 250), pour « régner avec Lui dans l'éternité » § 251 .

Ils lui dirent : nous le pouvons : Même assurance que Pierre, prêt à < donner sa vie > § 323Jn 13,37. Mais à présent, Jésus ne les en reprend pas. Est-ce parce qu'il s'agit de leur destinée entière, éternelle, laissée volontairement en suspens à la fin de ce paragraphe, et non du proche et passager reniement ? — On sait que Jacques mourra martyr, un des premiers (Ac 12,1-2), et que Jean, lui, sera seul au Calvaire, à partager la coupe avec Jésus en croix.

siéger à ma droite ou à ma gauche : Refuser de se prononcer n'est pas refuser. La mère peut être fière : avec Pierre, inévitablement, ce n'en seront pas moins ses deux fils qui seront choisis comme seuls témoins de l'Agonie après l'avoir été de la Transfiguration; et sur les listes des Apôtres, dès le 1° chapitre des Actes, ils sont passés en tête, après Pierre (cf. § 46 *.

Il ne m'appartient pas de le donner: Ne signifie pas non plus que Jésus ne sache pas. Seulement, Il s'en remet au Père « ex quo omnia... » (// 1Co 8,6). Lui, Il est le Fils bien-aimé, par qui et en qui s'accomplit le Dessein paternel d'adoption, par notre Rédemption § 255Mt 20,28*.

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§ 255. « Non pas pour être servi mais pour servir ».


Celui qui voudra être premier (Mt), ou devenir grand (Mc), qu'il se fasse comme le dernier (Lc) : Pourrait n'être que l'application de la double règle évangélique: « les derniers seront les premiers » § 252Mt 20,16*), ou « qui s'abaisse sera élevé» § 224 — Lc 14,11*). Mais le couple « commander-servir » est aussi le prolongement de ce que Jésus vient de répondre à Jacques et à Jean : pour régner avec moi, il faut vivre et mourir à mon exemple. Et cela nous vaut une nouvelle confidence du Christ sur la façon dont Il envisage sa mission de « Fils de l'homme »* :

Mt 20,28 Mc 10,45 Lc 22,27) // Is 42,1-4 Is 53,10-11 Ph 2,5-7 — Servir et donner sa vie (Litt. < son âme > : cf. § 168 — Mt 16,26*), en rachat de la multitude: Ce mystère de la souffrance, allant jusqu'à la mort, d'une victime offerte en substitution des vrais coupables, pour expier leurs fautes, en payer le prix, racheter leurs dettes, et par conséquent rétablir l'Alliance, c'était déjà la raison d'être du sacrifice durant l’A.T. (Lévitique: cf. BC I*, p. 286-88), et notamment du rachat des premiers-nés (Ex 13 — BC I*, p. 226-28).

Les < poèmes du Serviteur >, au Livre d'Isaïe, évoquent le même mystère de souffrance expiatoire substitutive, renouant l'Alliance. Ils précisent que ce serait la mission non pas tant des boucs et des taureaux, que de cet énigmatique < Serviteur de Yahvé >. Or tout cela préfigurait ce que devait seul accomplir le Christ, dans sa mort et sa résurrection. La correspondance entre l’A.T. et le N.T.est même doublement soulignée du fait que, d'une part, le rachat des premiers-nés comme la Rédemption va de pair avec la Pâque (Ex 13 et Mt 26,1-2), et que de l'autre, Jésus enfant a été lui-même offert symboliquement au Temple § 11 -Lc 2,23*).

De même, il est frappant que Jésus emploie ici les expressions d'Is 52,13-53,12, sommet de la révélation du < Serviteur > (en //, seulement les versets où se retrouvent ces expressions. Pour le reste de ce poème, cf. les § 343 , 349, § 357 , § 353 : outre le mot de « Serviteur ou servir », « donner son âme » (// « livrer »* son âme), « en rachat » (// En expiation, ou: en sacrifice), « de la multitude » (// Il justifiera des multitudes. C'est < Polloï > = beaucoup = innombrables : cf. § 84 — Mt 8,11-12*). C'est dire qu'à l'opposé des rêves temporels d'un Messie conquérant et dominateur, le Christ se désigne ici clairement comme le Serviteur « doux et humble de coeur » (d'Is 42, premier des < Poèmes > d'Isaïe), conscient que sa mort sera rédemptrice. Sous une autre forme, Il le dit en Saint-Jean § 263 — Jn 10,17-18*), et pour que ce soit bien entendu, Il le répétera juste avant sa Passion : « Mon Sang, répandu pour la multitude, en rémission des péchés, buvez-en tous, car en ce Sang est la Nouvelle Alliance » § 318 — Mt 26,27-28).

Le Fils de l'homme n'est pas venu pour (Mt-Mc)... Je suis au milieu de vous comme le Serviteur (Lc 22,27b) : Cette Rédemption est tellement sa mission propre qu'elle détermine la forme même en laquelle s'est incarné le Fils de Dieu. Si, « étant Dieu par nature », Il assume une « nature d'esclave » qui est la nôtre (// Ph 2,6-7), c'est afin de pouvoir par là même servir à notre Salut.

Car sa souffrance ne peut avoir de valeur substitutive, communicative, que s'il y a de Lui à nous une solidarité, non pas seulement de biens ou d'actions et de mérites, mais d'ÊTRE même. Pour que la mort d'un autre à notre place de coupables, ne soit pas une injustice en plus, mais au contraire nous justifie, « il fallait »* que nous-mêmes soyons si effectivement « en Lui et Lui en nous » que « tout ce qui est à nous (le péché) soit à Lui, et tout ce qui est à Lui (son oeuvre de Rédemption) soit à nous ». C'est précisément cette communauté intégrale, à l'image de l'unité divine de la Sainte-Trinité, que l'Incarnation a rendue possible — et dont la communion eucharistique est le sacrement et le gage — que le Christ confirme à ses Apôtres, dans ses dernières paroles, avant de partir à Gethsémani § 334 ).

Ce mystère de l'Incarnation du Christ, « mort pour nos péchés », ressuscité pour que nous entrions avec Lui dans le Royaume, sera développé par saint Paul, et par l'Épître aux Hébreux. Mais en se nommant le Serviteur, et en reprenant à son compte la prophétie d'Isaïe, le Christ témoigne qu'il était conscient de l'enjeu, lorsqu'il montait à Jérusalem, donner sa vie pour nous. (Sur les rapports entre les Évangiles et les < Poèmes du Serviteur >, cf. A. Feuillet, dans Rech. sr 1948, p. 412-441, ainsi que dans RSPT 1967, p. 365-402; et o. Cullmann: Christologie... ch. 2P 48-73

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§ 256-267. Le ministère à Jérusalem : Jn 7-11


(Jn 7-11)

À la différence des Synoptiques, ordonnant tout le ministère du Christ en Galilée à son ultime montée vers Jérusalem, où Il serait sacrifié, Saint-Jean nous garde le souvenir de plusieurs séjours dans la Ville Sainte, où se passe la plus grande partie de son Evangile :

- 1) de 2,13 à 3,21 : Expulsion des vendeurs du Temple et Nicodème

— 2) ch. 5 : Guérison du paralytique de Béthesda et discours

- 3) ch. 7 à 20: tout se passe à Jérusalem ou à ses abords.

N'ont lieu en Galilée ou en Samarie que Cana (2,1-12), la Samaritaine et le second miracle de Cana (ch. 4), la multiplication des pains (ch. 6), et le ch. 21.

D'autre part, Jean, qui ne se soucie pas plus que les Synoptiques de marquer la suite des années, centre chacun de ces séjours à Jérusalem autour d'une fête : première Pâque (2,13.23) — une autre est mentionnée au moment de la multiplication des pains, et le Christ mourra lors de la Préparation de la Pâque (19,14). Le chapitre 5 est à l'occasion d'une fête non précisée — peut-être la Pentecôte ? Les chapitres 7 à 9 se passent durant la fête des Tentes (7,2* et 37*), et la fête de la Dédicace du Temple est nommée en 10,22*. Tout cela n'est pas sans dessein, le Christ venant à nous comme la nouvelle Pâque, la vraie Tente et source d'Alliance (7,37*), le vrai Temple § 77 — Jn 2,19-22*) et sa porte (10,9).

On reconnaît d'ailleurs à présent que dans cet Évangile de Saint-Jean, tout est bien fondamentalement historique, mais choisi pour sa valeur significative. Et comme la pensée symbolique est par définition une mise en rapport harmonique, le sens jaillissant du rapprochement, cet Évangile est moins de plan statique (comme le serait une succession de parties distinctes seulement juxtaposées) que symphonique, l'unité venant de thèmes exposés dès le prélude-prologue, et qui, revenant souplement par la suite, tisseront un < texte > d'un seul tenant.



§ 256-258. La fête des tentes: Jn 7,1-53


(Jn 7,1-53)

— Nous revenons donc en arrière, en deçà de l'ultime montée à Jérusalem des Synoptiques (Introd. aux § 183 -245), réenchaînant avec la fin du Discours sur le Pain de Vie § 164 — Jn 6,60-71): À Jérusalem, < les Juifs > (voir au v. 13*) ont décidé de tuer Jésus (Jn 5,18 — la menace va revenir en 7,19.20.25 ; 8,37.40 ; 11,53) ; en Galilée, la plupart des disciples ont cessé de le suivre (Jn 6,66). Même sa famille « ne croit pas » (Jn 7,5*).

Jn 7,2 // Lv 23,39-43 Za 14,16 — La fête des Tentes : Avec Pâques et la Pentecôte, une des trois fêtes de pèlerinage, prescrites dès le premier code du Sinaï. Venant au mois de septembre, c'était à l'origine une action de grâces pour la récolte (Ex 23,16 Dt 16,9-15). Précédée du Jour des Expiations, le Yom Kippour (Nb 29,7-11), la fête proprement dite durait huit jours (Nb 29,12-39), avec clôture solennelle (Jn 7,37*). Durant cette octave, on demeure encore aujourd'hui sous des tentes ou abris de branchages, en mémoire de l'Exode, mais aussi en attente du Grand Retour de l'ère messianique, cette fois universel, annoncé notamment au ch. 2 d'Isaïe (en // au § 48 , et par le // Za 14,16 Za 14,

Jn 7,3-5) — Ses frères : Cf. § 144 — Mt 13,55-56*. Les oeuvres : pour Saint-Jean, elles doivent être vues < en perspective > — les miracles étant signes de la Rédemption, elle-même préparation de l'oeuvre éminemment positive que doit être, dans le Dessein de Dieu, le Jugement dernier § 149 — Jn 5,20-21*). Par contre, les < frères > ne voient que l'éclat extérieur des miracles, dans une perspective trop humaine de triomphe immédiat — ce qui était en somme relayer le Diable dans la tentation où celui-ci avait transporté Jésus sur le pinacle du Temple, le mettant au défi de faire un miracle § 27 — Mt 4,5-6).

manifeste-toi au monde: § 1 — Jn 1,10*. Ses frères ne croyaient pas en Lui : Chercher le sensationnel n'est pas croire. Le « même ses frères » a quelque chose d'attristé...

Jn 7,6-8 // 1M 12,1 Ps 69,14 2Co 6,2 — Mon temps : d'ordinaire, Il dit : « mon Heure » § 29 — Jn 2,4*). À la différence de l'Heure, qui est déterminée (« l'heure c'est l'heure », l'heure de Dieu), le temps est un continuum, même si là encore, il faudrait discerner « le temps favorable » (< Kaïros >*). Cela vaut non seulement pour les alliances terrestres (// 1M 12,1), mais aussi de l'Alliance avec Dieu, autrefois comme à présent (// Ps 69,14 2Co 6,2). Sur la dépendance et la pauvreté intérieure avec laquelle Jésus vit le temps qui lui est compté, cf. J. Guillet, cité à la fin du § 221 .

Le monde me hait : C'est inévitable, du seul fait que la Lumière dévoile ce qui se cache dans les ténèbres § 78 — Jn 3,19-20*). Les disciples du Christ ne pourront, eux aussi, que s'attirer cette haine § 330 — Jn 15,18-25* et //), s'ils sont fidèles au Christ et, dans sa Lumière, dénoncent les sophismes du Mal (Sur cette mission, cf. A. Uleyn, au § 78 — Jn 3,19-20*). Malheur au contraire à ceux qui pactiseraient ou se tairaient, de sorte que « le monde ne puisse plus les haïr », car ce serait un signe inquiétant : n'auraient-ils pas trahi, et passé au parti du < monde > ?

Jn 7,9-10) — Il leur dit cela... puis monta : Apparente contradiction entre la réponse du Christ et sa conduite. Il serait inadmissible que ce soit pour tromper; mais à peine moins que, se ravisant, Il se contredise...

« Ce texte s'éclaire si on le rapproche des noces de Cana: c'est le même refus de Jésus fondé sur la même raison — « mon Heure n'est pas encore venue », Jn 2,4* — et finalement l'action qui semblait repoussée est accomplie. C'est que dans les deux cas, Il agit d'une façon matériellement conforme, jusqu'à un certain point, à ce qu'on attendait, mais dans un sens tout autre.... On lui demande la manifestation de sa messianité, mais en l'entendant de façon purement charnelle : les frères de Jésus lui proposent de se manifester à ses disciples de Jérusalem, pour entreprendre enfin cette activité politique que tout le monde attend et à laquelle nous l'avons vu se dérober (Jn 6,15). Il s'y refuse, et s'il monte ensuite à Jérusalem ce sera précisément pour annoncer que sa messianité est d'une nature toute différente de ce qu'imaginent ceux qui voudraient l'entraîner, mais dont Saint-Jean, ici encore, nous dit sans ambages qu'ils n'ont pas la foi » (L. Bouyer: 4° Évangile, p. 134).

Jn 7,11-53) — La suite de ces 3 paragraphes 256-258 est d'un seul tenant. Ils témoignent des divisions au sujet de Jésus, dans la foule (v. 12.25-26.31.40-43) et jusque chez les Pharisiens et les gardes (v. 45-52). Mais il n'y en a pas moins nette distinction entre la foule d'une part et les chefs d'autre part (v. 26), c'est-à-dire les Pharisiens et les grands prêtres (v. 32). Ceux-ci ont déjà pris position contre Jésus, et on le sait (v. 13 ; cf. 9,22). Sa mort a été décidée (v. 19.25), à la suite de la guérison miraculeuse du paralytique, un jour de sabbat (5,18); et Jésus y revient pour justifier sa conduite (v. 19-24), annonçant lui-même sa mort, mais sous un tout autre jour (v. 33-36*).

Tout cela n'est pourtant que le cadre, et le climat général. L'essentiel est dans l'objet des discussions, qui portent sur les origines de Jésus : de sa doctrine (v. 15-16*), de son être même (v. 27-29*), et de sa provenance galiléenne (v. 41 b-42.52).

Plus encore est décisive l'intention avec laquelle chacun s'interroge. C'est elle qui motive les réactions diverses, que ce soit des « nombreux qui croient » (v. 31.40-41 a) même parmi les gardes (v. 46), ou des autres, en particulier des Pharisiens dont, à l'exception de Nicodème (Jn 3), pas un ne se convertit (v. 48). Et pour bien souligner ce point, revient avec insistance le verbe marquant cette intention: alors que la foule cherche Jésus (v. 11), grands prêtres et Pharisiens cherchent à le faire mourir — c'est pourquoi « ils le chercheront sans le trouver » (v. 34.36*). Le Christ lui-même avertit que c'est là une loi de la vie spirituelle (v. 17*).

Jn 7,11-13 // Mi 3,5 Mi 3,8 — On discutait beaucoup : C'est le même mot qu'en Jn 6,41-43* § 163 . Mais le contexte montre qu'il n'est pas à prendre dans le même sens réprobateur, puisque beaucoup vont montrer qu'ils sont de bonne volonté, en croyant effectivement (v. 31). Traduire ici par < murmure > ferait faux-sens.


Il trompe le peuple : C'est toute l'opposition entre faux et vrais prophètes. Les premiers flattent, tandis que le vrai prophète ose dire la vérité, et dénoncer le mal. Ceux qui vont croire, reconnaîtront précisément que Jésus « est vraiment le Prophète » (v. 40).

Par crainte des Juifs : Autre exemple de la double signification d'un même mot : au sens du peuple élu, dans son ensemble (v. 11 et 15), ou au sens restreint des seuls adversaires du Christ (v. 13) — qui seront nommés au v. 32: les grands prêtres et les Pharisiens, c'est-à-dire pratiquement le Sanhédrin. C'est en ce dernier sens seulement que chez Saint-Jean < les Juifs > est pris en mauvaise part (cf. § 19 — Jn 1,19-23*; on y trouvera aussi défini le Sanhédrin).


Jn 7,14-15) — Il y a progression, à la fois dans la manifestation du Christ, et dans la réaction des Pharisiens. D'une part, Jésus est d'abord monté « comme en secret » (v. 10); une fois arrivé le milieu de l'octave, // Enseigne au Temple, donc publiquement ; et le dernier jour, Il se dresse et fait sa proclamation à voix forte (v. 37-39) — dans « s'écrier », il y a < crier >). D'autre part les Pharisiens passent du dessein à un premier essai d'arrestation (v. 32),

Comment sait-il les lettres ! (et // Ac 4,13-14): Comme « les lettres » peuvent désigner celles de l'alphabet (< grammatica >), ou la grammaire, et enfin par extension les grands textes de la littérature universelle, de même dans la Bible à partir des caractères on passe au Rouleau du Livre, donc aux Saintes Écritures (2Tm 3,15 cf. C. Tresmontant: Sur Jn, p. 202-204).

L'étonnement n'est pas nouveau § 32 — Mc 1,22*). Il se renouvellera au sujet des Apôtres (// Ac 4,13-14). Et il y a de quoi en effet : car si Jésus n'a pas à s'appuyer sur la Parole écrite, c'est qu'il est cette même Parole, vivante, n'ayant pas même à se référer au Dieu de vérité, puisqu'il, L’EST :

Jn 7,16) — Ma doctrine n'est pas la mienne : « Jésus-Christ est la doctrine du Père s'il est le Verbe du Père. Et comme il ne peut y avoir de Parole sinon de Quelqu'un, Jésus dit bien que c'est sa doctrine, puisqu'elle n'est autre que Lui-même, et qu'elle n'est pas sienne, puisque c'est du Père qu'il est le Verbe. Qu'y a-t-il de plus vôtre que vous-même, et qui soit moins vôtre que vous-même si c'est d'un autre que vous êtes ? » (Augustin: Sur Jn, tr. 29,3) — Pl 35,1629 ou Vives 9, p. 579).

mais de qui m'a envoyé: Titre de mission du Christ, témoignant à la fois de l'initiative d'amour du Père, et de l'étroite union de son Fils « en qui l'Amour de Dieu pour nous s'accomplit » (cf. § 24 — Mt 3,17 b*). Sur le lien direct entre l'enseignement du Christ et la Vérité de Dieu, d'où elle jaillit dans ses paroles mêmes, cf. le § 261 *; et encore : § 78 — Jn 3,11-13*; § 80 — Jn 3,31-36; § 149 — Jn 5,19-23*; 12,49-50.

Jn 7,17-18 // 1Co 2,11 — Condition signalée dès notre Introduction générale (m, § la nécessaire initiation) : Il y a corrélation entre Sujet et Objet. On perçoit donc suivant la longueur d'onde où l'on se tient soi-même. Pour juger des choses de la foi, il faut être entré dans l'engagement de la foi ; pour discerner de quel Esprit est le Christ, il faut en être pénétré...

Jn 7,19-24 // Ac 7,51-53 — Au ch. 5,45-47, Jésus s'était déjà référé à Moïse, mais différemment : alors il cherchait dans la Loi un témoignage en sa faveur. À présent il y montre une légitimation de sa façon d'agir § 53 ).

Tu as un démon : cf. 8,48*. Qui cherche à te faire mourir!: Dès le v. 25, nous avons la confirmation que l'accusation du Christ n'était pas sans fondement, même si elle concernerait mieux les dirigeants (Jn 5,18) que la foule. Cette dureté accusatrice, reprise et développée au ch. 8,23-47, est de type prophétique, comme celle de la péroraison du rappel historique d'Etienne (// Ac 7,51-53) : c'est un duel à mort qui se poursuivra jusqu'au Calvaire.

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§ 257. Jn 7,24-36 // Za 7,9)


(Jn 7,24-36 // Za 7,9)

— Nous suivons la répartition des paragraphes dans la Synopse de la BJ, mais il est évident que ce verset est la conclusion des v. 19-23. Ne pas juger sur l’apparence : cf. § 260 — Jn 8,15*.

Jn 7,25-26) — Auraient-ils reconnu qu'il est le Christ... d'où Il est : On passe à la nouvelle forme de la question sur l'origine — et qui est double : Jésus est-il bien le Messie, consacré par Dieu, et d'où vient-Il ?

// 1S 24,10-11 1S 26,10-11 — En épargnant Saül, David a reconnu le caractère sacré, intouchable, de l'Oint (= du Christ) de Yahvé. L'inertie des chefs pourrait s'interpréter de même : c'est ce qui va les pousser à intervenir (v. 32), et à prendre nettement position contre Jésus et ses partisans (9,22). Mais en se tenant dans l'expectative (1S 26), David avait manifesté la prudence qui convient devant qui pourrait être l'envoyé de Dieu : puisque ce sont les affaires de Dieu, attendons qu'il en décide lui-même. Dans le même sens, le conseil de Gamaliel de ne pas aller contre les Apôtres (Ac 5,34-39).

Jn 7,28-29 // Pr 14,5 Ps 89,38 Gn 37,13 — Nous mettons en capitales les deux « je suis », bien qu'ils ne soient pas à proprement parler des passages où cette expression est donnée par le Christ comme son nom propre et divin : cf. § 260 — Jn 8,24*. Ici, Jésus insiste plus directement sur son double rapport avec le Père : comme son Envoyé (déjà au v. 18*), et comme Celui qui Le connaît (Jn 1,18* et 6,46*). Il Le connaît en tous cas à ce titre d'Envoyé d'auprès de Lui (sens qui pourrait se recommander du contexte, puisque la question est celle de l'origine, et même du lieu d’origine : « d'où il est »). Mais la proximité du « Je suis », tend à nous faire préférer la traduction : Je suis (au sens éternel) auprès de Lui, dans la communion trinitaire, d'où Le Père envoie son Fils pour l'Incarnation Rédemptrice. Cet « envoi » est le premier point par lequel l'histoire de Joseph préfigure celle du Christ (// Gn 37,3 et Ps 105,17). De leur côté, ses interlocuteurs montrent qu'ils ne connaissent pas le Père en ne reconnaissant pas en Jésus l'Envoyé, le seul en qui l'homme peut avoir cette révélation (Jn 14,6-7 cf. § 110 — Mt 11,27*).

Il est digne de foi, Celui qui m'a envoyé : < Alèthinos > = de l'ordre céleste § 163 — Jn 6,32*, et § 233 — Lc 16,10-12*). Par conséquent fidèle et sûr : // Pr 14,5 Ps 89,38 Ps 89,

Jn 7,33-36 // Jn 16,16 Jn 16,28 Os 5,6 Pr 1,28 Dt 4,27-30 — Le malentendu entre Jésus et la foule, ou même avec ses Apôtres — cf. leur réplique à Jn 16,16: « nous ne savons pas ce qu'il veut dire » — vient de ce que pour Lui, le départ est sa mort rédemptrice, qui permettra la transfiguration de son état humilié, et son Retour au Père (cf. § 320 — Jn 13,31-33* ; autres allusions à ce Retour: Jn 8,14.21-22; 13,3.36; 14,4-5; 16,5.10; 17,11.13: c'est vraiment le cri de son coeur, cf. Jn 14,28). Par contre, ses interlocuteurs ne pensent qu'à un transfert de lieu. Or ce quiproquo ne joue pas moins sur toute la question des origines : là où l'incrédulité des juifs bute sur son lieu supposé de naissance en Galilée (v. 41-42 et 52), le Christ invoque son origine divine (théologique, ontologique) trinitaire.

Avec vous pour un peu de temps : « Temps compté », cf. § 256 — Jn 7,6-8*. Vous me chercherez et ne me trouverez pas: C'est le couple < chercher-trouver >*, rencontré dans l'Évangile en particulier à propos de Marie et Joseph; or Jésus avertissait déjà que, pour le trouver, il fallait le chercher « chez son Père » § 18 — Lc 2,45* et 49*). Mais ne peut trouver qui ne cherche pas dans la foi, c'est-à-dire par un engagement effectif (v. 17*, et // Os 5,6 Pr 1,20).



§ 258. Les fleuves d'eau vive : Jn 7,37-39 // Lv 23,26)


(Jn 7,37-39) // Lv 23,26)

— Au dernier jour de la fête, le plus solennel : On y demandait les pluies de l'automne; et l'eau apportée solennellement de Siloé § 262 — Jn 9,7*) était versée autour de l'autel du Temple. Ce que le Christ annonce est donc l'accomplissement — transcendant comme toujours — de ce que signifiait ce rite : les eaux naturelles fécondantes figurent la surabondance messianique du don de l'Esprit, comme l'agneau pascal annonce le sacrifice dont la victime est l'Agneau de Dieu.

Jésus, debout : Être assis est l'attitude du Docteur et du Juge; mais ici, Il se dresse, comme Il va « s'élever » sur la croix § 309 — Jn 12,32-33*), comme Il apparaît, debout dans sa Gloire, à Etienne, lui communiquant sa force du martyre (Ac 7,56). S'écria : Avec la force qui le presse d'allumer ce feu et d'ouvrir cette source § 212 *). Appel que Dieu lance à l'homme depuis toujours, par ses Prophètes ou cette Sagesse qui est une autre forme du Verbe : // Pr 1,20 Is 55,1 Is 55,

Thomas d’Aquin : Sur Jn 7,37 (Vives 20,74) : c'était pour montrer qu'il ne craignait rien (Is 40,9, « Élève la voix car tu as la force, ne crains rien ») ; et pour que tous l'entendent (Is 58,1, « Clame sans répit, élève la voix comme le son du shophar »); et pour mettre en relief la grandeur des choses qu'il allait dire (Pr 8,6, « Ecoutez-moi, car je vais parler de grandes choses »).

Dès ces premiers mots, nous entrons dans un symbolisme naturel et rituel, où le jaillissement inépuisable de la source comme les rites innombrables de l'eau purifiante ou fécondante évoquent la surabondance fondamentale de Dieu, source par excellence de l'être et de la vie (Jr 2,13, en // au § 81 , et plus précisément la communication de l'Esprit Saint (Ez 36,25-27, en // au § 155 in fine. Sur cette quadruple valeur de l'eau, cf. J. Daniélou: Le symbolisme de l'eau, RSR 1958, p. 335-346).

qu'il vienne à moi: cf. § 25 — Jn 1,38*.

Jn 7,38 // Jl 4,18 Is 44,3 Ct 4,15 Pr 18,4 Si 24,30 Si 24,31 — Une question de ponctuation donne deux sens très différents à ce verset :

1) Le point est mis seulement après « qui croit en moi » — qui se rattacherait donc à ce qui précède (« qu'il boive celui qui croit en moi »). La suite du v. 38 serait par contre attribuable au Christ, du sein de qui « couleront des fleuves d'eau vive ». Cette solution semblait l'emporter depuis le dossier patristique établi par H. Rahner: Flumina de ventre Christi, « Biblica » 1941, p. 269-302, et les études convergentes de F.M. Braun, dans R.th. 1949, p. 5-30; M.E. Boismard, dans RB 1958, p. 523-540; S. de Ausejo, « Estudios Franciscanos » 1958, p. 161-186, etc. Lagrange (1925, p. 214-217) et A. Feuillet (dans « Parole de Dieu et Sacerdoce », 1962, p. 107-108) vont dans le même sens. Les Bibles récentes emboîtent le pas.

2) Le point est mis avant « qui croit en moi », qui devient le sujet : c'est du croyant que jailliront les fleuves d'eau vive. Nestlé — que nous avons adopté pour base — choisit cette ponctuation. Nous étions surtout sensible au fait que cette lecture donne à la déclaration du Christ un sens cohérent avec sa promesse à la Samaritaine : « l'eau que je donnerai deviendra en celui qui en boira une source d'eau jaillissant en vie éternelle » § 81 — Jn4,14) — J. Cortès-Quirant a développé cet argument dans « Estudios Biblicos » 1957, p. 279-306). Après rédaction de notre commentaire, un article de R. robert dans R.th. 1986 / il, p. 257-268, tranche la question en faveur de cette ponctuation 2), dite traditionnelle, par une analyse littéraire (grammaire, cohérence des images, structure, stylistique générale et théologie de Saint-Jean), qui est concluante.

Le sens dès lors se clarifie : Il y avait un premier temps, au v. 37 : « Qui a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive » — à l'impératif, comme une invitation. Pour quiconque y répond, vient au v. 38 la promesse d'un effet que vaudra cet acte de foi, du fruit qu'il produira, des fleuves d'eau vive qui en découleront — suivant la formule familière à Saint-Jean : « Celui qui croit a la vie éternelle (6,47)... fera les oeuvres que je fais (14,12)... même s'il meurt, vivra (11,25), etc. » De même, ici: « Celui qui croit en moi... des fleuves d'eau vive... » (R. Robert, p. 265-66). Le fruit de la foi est de devenir « source d'eau jaillissant en vie éternelle » (Jn 4,14).

C'est rejoindre la promesse de l’A.T. au pratiquant fidèle de la Loi et au Sage d'être un jardin bien irrigué par les sources d'eau vive de la Sagesse (// Is 44,3 58,11, en // au § 81 ; Q4,15; Pr 18,4), comme par les fleuves du Paradis terrestre, le Pishôn, le Gihôn, le Tigre et l'Euphrate (comparer Gn 2,10-14 à Si 24,23-31, qui ajoute le Jourdain et le Nil pour faire bonne mesure et conclure superbement sur les v. 30-31, donnés ici en //). « L'eau figure les dons faits par Dieu et les effets qu'ils produisent en l'homme; elle est le symbole privilégié de la Loi, de la Sagesse et de l'Esprit » (R. Robert, p. 261).

Comme le dit l'Écriture // Ps 78,15-16 Ps 78,20 Za 14,8 Ez 47,1 Ez 47,9 Ap 22,1 Ap 22,17 — Il a été impossible de trouver à quel texte déterminé renverrait cette citation. Il semblerait plutôt que le Christ veuille présenter son invitation comme accomplissement* global des diverses promesses de l'eau vive, faites au cours de l’A.T. Celles-ci peuvent se regrouper en deux types :

1) Les prophéties : En première ligne, vient l'oracle du // Za 14,8, qui se trouve rattaché précisément à la fête des tentes de l'ère messianique (Za 14,16, en // au § 256 , et vient au surplus en prolongement de Za 12,10 et 13,1, dont Saint-Jean soulignera l'accomplissement au coup de lance § 356 — Jn 19,34, qui est évidemment en lien avec Jn 7,37-39) — cf. au v. 39*). Mais la prophétie d'Ez 47,1-12 ne convient pas moins, surtout si l'on tient compte des rapports entre Jn 7,38 et Ap 22,1.17 (cf. //), dont la vision est évidemment une reprise d'Ez 47 : cf. J. Daniélou, St. Év. il (1964), p. 158-163, et surtout A. Feuillet, « Parole de Dieu et Sacerdoce », p. 108-120.

2) Les figures de l'eau, source de vie : à commencer par Gn 1,2.20 (la création elle-même sort des eaux primordiales, et toute vie vient des eaux); Gn 2,10-14 (les quatre fleuves du Paradis), etc. Mais surtout, bien entendu, l'eau du Rocher dans le désert : Ex 17,1-7 ; Nb 20,2-11) — et plus particulièrement sous la forme où la chantent les psaumes 78,15716.20 (cf. //) et 105,41.

Il est vrai que cette référence, expressément donnée en 1Co 10,4, est davantage dans la ligne de Saint-Paul que de Saint-Jean. Mais elle ne saurait gour autant être exclue. Car même si Jn 7,38 réfère directement à Zacharie ou Ézéchiel, leurs prophéties des eaux vives renvoyaient elles-mêmes à l'eau miraculeuse du désert, l'ère messianique étant précisément < Le Nouvel Exode >. Par conséquent, « rien ne nous empêche de penser que les fleuves figurés en 7,38 font simultanément allusion, et au ruissellement des eaux jaillies du rocher, et aux eaux vives que, dans l'inspiration d'Ézéchiel, Zacharie vit sortir de Jérusalem » (F.M. Braun: Jean le Théologien II 1p 51).

des fleuves d'eau vive: Vive et pure, à l'inverse des eaux stagnantes. Vive parce que jaillissante, à l'image de la surabondance inépuisable d'une source. Mais au surplus, en fleuves (au pluriel), ce qui ajoute à cette plénitude une largesse et une multiplicité infinies, surtout quand il s'agit de l'eau du désert, naturellement si tôt tarie (// Ps 78). Surtout, cette eau est vive parce que vivifiante, comme le pain vivant donne la Vie éternelle (comparer Jn 4,14 à 6,51). Ainsi, non seulement les arbres poussent au bord des eaux, mais les poissons vivront en abondance là où pénètre leur torrent (Ez 47,8-12, en // à Jn 21,3-6, § 371 , la pêche miraculeuse en montrant l'accomplissement).

de son sein: Que ce soit l'eau du rocher au désert, ou l'eau qui sort du Temple, ou l'eau qui sort avec le sang du Côté de Jésus (Jn 19,34), elle vient de l'intérieur, du coeur, d'où sort ce que nous avons de meilleur et de pire § 155 . C'est de Dieu que viennent premièrement les eaux vives (Jr 2,13), et si elles nous sont communiquées par le Christ, c'est de l'intérieur (v. 39*). Ignace d’Antioche en a donné un témoignage émouvant, dans sa Lettre aux Romains (vu) : « Mon désir a été crucifié, et il n'y a plus en moi de flamme pour la matière. Mais en moi une eau vive murmure, disant au-dedans de moi : « Viens vers le Père! » Je n'ai plus de goût pour une nourriture corruptible, ni pour les plaisirs de cette vie : je veux le pain de Dieu, qui est la chair du Christ, de la lignée de David, et je veux pour breuvage son sang, qui est amour incorruptible » (SC 10, p. 134).

Jn 7,39 // Jl 3,2 — // Dit cela de l'Esprit... pas encore donné : Voilà, en clair, ce que signifiait l'image du v. 38. L'Esprit a certes été donné durant l'A.T., que ce soit aux artisans de la Tente de la Rencontre (Ex 31,1-6), ou aux prophètes, même < en troupes > (1S 10,5-7, et passim). Mais l'ère messianique devait se reconnaître à la généralisation et à la surabondance de la communication de l'Esprit, suivant la prophétie de Joël que Pierre citera pour expliquer le Don de la Pentecôte (Ac 2,16 ss). Même parallélisme entre les eaux et l'Esprit au // Is 44,3, et dans la grande prophétie d'Ez 36,25-27 (en // au § 155 .

parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié: « Chez Jn la gloire de Jésus est ce qui le fait apparaître comme le Fils unique (1,14), l'envoyé du Père. Il la reçoit, non des hommes (5,41), mais du Père (1,14; 8,54), dès avant la création du monde (17,5). Elle se manifeste déjà au cours du ministère terrestre de Jésus (1,14; 2,11 ; 11,4). Le moment par excellence de la glorification de Jésus est celui de sa mort et de sa résurrection (7,39; 12,16.23; 13,31-32; 17,5) que Jn désigne globalement à plusieurs reprises par les termes élever, élévation (8,28). À tout moment la gloire du Père rejaillit sur le Fils et celle du Fils sur le Père (11,4; 12,23.28; 13,31-32; 14,13; 17,1). » Note de la Tob.

Du fait que cette glorification provient de la mort elle-même du Christ, le don de l'Esprit ne survient pas seulement à la suite de son Ascension, mais, dès le Golgotha, sous le symbole de cette eau que la lance du centurion fait sortir avec le sang « de son sein ». D'où l'insistance de Saint-Jean, et les rapports multiples de Jn 19,34*-37* avec Jn 7,37-39 § 356 . « La relation du sang et de l'eau avec le baptême et l'eucharistie est généralement reconnue. Mais, rapprochée de la proclamation de la fête des Tentes, l'eau que le disciple vit sortir de la blessure du Sauveur ne signifiait-elle pas à ses yeux, d'abord l'effusion de l'Esprit dans sa relation au mystère de la Croix? » (F.M. Braun : Jean le Théologien III, p. 56).

Jn 7,40-53) — Reprise de la question des origines, posée dès le v. 11 ss*. C'est le Prophète : Le // Ac 3,22-24 montre quel était le Prophète attendu depuis Moïse (Dt 18,18). La foule l'a déjà reconnu en Jésus § 105 — Lc 7,16-17*). Jésus se tient pour tel § 221 — Lc 13,33*), et les Pharisiens lui en réclament la preuve § 236 — Lc 16,27-31*). C'est donc ici une profession de foi, non moins que de déclarer Jésus, le Christ (v. 41) — cf. 9,22 ; 10,24 ; 11,27). L'Évangile de Saint-Jean a été écrit pour qu'à notre tour « nous croyions que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant nous ayons la vie en nous » (Jn 20,31).

Jn 7,42 // Mi 5,1 — L'objection vérifie l'importance apologétique des Évangiles de l'Enfance, où Mt comme Le nous assurent que Jésus a bien accompli la prophétie de Michée en naissant fils de David, à Bethléem § 13 *-14*). Mais, par le fait, nous sommes passés à la troisième et dernière forme de la question au sujet du Christ, qui est celle de son lieu d'origine (reviendra encore au v. 52).

Jn 7,43) — Jésus, cause de division : cf. § 11 — Lc 2,34*; cf. Jn 9,16; 10,19; et plus fondamentalement, 1,9-13; 3,19-21.

Jn 7,46-49 // 1Co 1,26-29 — Ainsi, même des gardes, professionnellement peu impressionnables, ont reconnu la transcendance de la Parole du Christ. Mais non les experts en Écritures Saintes = en Parole de Dieu... Avec le mépris en plus, des savants pour ceux qui n'ont pas étudié la Loi, des < grands > pour ces < petits >, des Judéens pour les Galiléens (v. 52) — cf. Jn 1,46).

Jn 7,50-51 // Dt 1,16-17 Jr 26,8-24 — Si Nicodème venait « de nuit» § 78 — Jn 3,2), ce n'était donc pas manque de courage. Il le montrera encore, avec une belle fidélité, après la mort de Jésus § 357 — Jn 19,39).

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Bible chrétienne Evang. - § 254-255. Ambition et service : Mt 20,20-28; Mc 10,35-45; (Lc 22,25-27)