Bible chrétienne Pentat. 1231

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l'ivresse de noé

Gn 9,20Commença Noé, homme de la terre, à planter la vigne: Nous respectons ici l'ordre littéral, qui souligne le parallèle avec la première création. Commença rappelle en effet le In principio de Gn 1,1 *. Homme de la terre rappelle la comparaison de 1Co 15,47 entre les deux Adam: « Le premier homme vient de la terre, il est terrestre; le second vient du ciel, il est céleste... » (// Gn 2,4-7 / L).

Mais c'est aussi un recommencement du travail de la terre par Adam (Gn 3,15-23 Gn 4,2). Or, en cela l'homme exerce sa ressemblance avec Dieu qui reprendra fréquemment cette image, en se nommant le « vigneron » (// Jn 15,1-3), dont la vigne est Israël (Ps 80,9-20 Is 5,1-7) puis, à défaut de ce dernier, tous les disciples du Christ, vrai cep dont ils sont les sarments (// Jn 15,4-8), fussent-ils « les appelés de la Onzième heure » pour travailler à cette même vigne (Mt 20,1-7).

RUpert de deutz: De Trinitate, iv, 38 (PL 167,362): Noé est une figure du Seigneur; et sa vigne, c'est le Seigneur notre Dieu qui l'a plantée: le psalmiste chante: ‘D’Egypte j'ai transplanté une vigne / ...j'ai enfoui ses racines, elle a rempli la terre' (Ps 80); et Isaïe:’Mon bien-aimé avait une vigne, / Il l'entoura, tria les pierres / la soigna avec prédilection...' (Is 5).

Ce n'est un secret pour personne que cette vigne bien plantée, et qui d'abord était belle, tourna en amertume comme une vigne ennemie ; fit boire un amer breuvage de mort à celui-là même qui l'avait plantée, puis, tout étant consommé l'enivra — c'est-à-dire le fit dormir du sommeil de la mort — nu, dépouillé, ce qui veut dire faible et passible, car il se fit semblable aux hommes et se retrouva dans l’enveloppe humaine.

Il est vrai que la Bible met aussi tout simplement en garde contre la traîtrise du vin, les méfaits de l'ivresse et de l'alcoolisme :

Pr 23,31 « Ne regarde pas le vin quand il rougeoie, quand son oeil brille dans la coupe. Il glisse doucement,
32 mais ensuite, il mord comme un serpent, il blesse comme un basilic.
33 Tes yeux verront d'étranges choses
et ton coeur parlera en dépit du bon sens.
34 Tu seras comme couché en pleine mer, comme couché à la pointe du mât. »

(Cf. Is 5,11-14 et 22 ; Si 19,1-3 et Si 31,25-31. Par contre, « le vin, c'est la vie pour l'homme / quand on en boit modérément. / Quelle vie mène-t-on privé de vin / il a été créé pour la joie des hommes » (Si 31,27-28 cf. Ps Ps 104,15). Saint Paul recommande à Timothée: « Prends un peu de vin à cause de ton estomac et de tes fréquents malaises ». Sagesse bien naturelle.

Mais l'ivresse elle-même, comme tous les « paradis artificiels » dénoncés par Baudelaire, préfigure cette plus véritable et féconde plénitude dont l'Esprit Saint combla les Apôtres, au matin de la Pentecôte (Ac 2,13), et que saint Paul nous invite à recevoir tous du même Esprit Saint (// Ep 5,18).

Gn 9,22-23 — Prélude à l'interdiction de tous les incestes (Lv 18). N'est-ce pas aussi ce que la pudeur approuve, montrant que la Loi morale donnée par Dieu n'intervient pas comme un commandement arbitraire et tyrannique, mais plutôt comme l'expression la plus authentique des meilleures tendances de la nature humaine? Ainsi, en s'appuyant sur la Loi, l'homme tirera-t-il le meilleur de lui-même.

Gn 9,25-27 — Cette malédiction de Canaan retombe plus généralement sur quiconque « méprise son père ou sa mère » (// Dt 27,16).

Si bénédiction et malédiction prennent ici valeur effective, comme plus tard pour Ésaû et Jacob (ch. 27*), puis pour les douze tribus d'Israël (ch. 48-49), c'est que Noé comme Isaac ou Jacob parle en « prophète », inspiré de Dieu pour discerner à qui revient l'héritage primordial, non pas des richesses terrestres, mais de l'élection divine et de l'Alliance. Le montre ici la mention de Yahvé comme « Dieu de Sem » (l'ancêtre d'Abraham et des Hébreux, promis par conséquent à la Bénédiction et à l'Alliance divine). Japhet, lui, ne bénéficie que d'une relation plus générale au Dieu créateur (appelé ici de son nom générique ’Élohim'), qui donne à ses créatures de « croître et multiplier ». D'où le jeu de mots entre Japhet et le verbe yaphte, qu'il élargisse, épanouisse, dilate...

Quant à Canaan (que ce nom désigne l'ancienne population autochtone de la Palestine, ou plus précisément « la population urbaine et commerçante de la côte méditerranéenne» tob), et à Cham ('kémi' Egypte; Cham signifie l'Egypte, dans les Ps 78,51 Ps 105,23 Ps 106,22), cette malédiction n'a été que trop prise à la lettre par les Hébreux d'abord (moins durement qu'on ne l'aurait supposé: cf. Jg Jg 1,27), puis en Occident, comme la légitimation d'un esclavage (qui, en réalité, n'est évidemment pas une invention biblique, mais une des plaies universelles commune à toutes les civilisations antiques). Mais ici encore, par delà toutes les contrefaçons temporelles, il faut surtout comprendre le vrai sens de cette prophétie: ce que vise cette malédiction et cet esclavage, c'est l'esclavage où tombe tout pécheur (Jn 8,34 Rm 6,20), son impuissance à se libérer (Rm 7,14-23) pour accomplir la Loi, source de bénédiction mais qui, faute d'être bien pratiquée, devient malédiction. Et celui qui délivre tous les hommes de cette malédiction et de cet esclavage de Canaan, c'est Jésus Christ, fait malédiction, péché, esclave (// Ga 3,13 Ph 2,7 Ga 3,14), pour nous en sauver !


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4. DIVERSITÉ, UNITÉ, PÉCHÉ DES NATIONS

Gn 10-11)

Les chapitres 10 et 11 forment un troisième rebondissement des jeux de la grâce et du péché, suivant lesquels se déroulera toute l'histoire du Salut (cf. Introduction aux ch. 4-11). Au peuplement bénéfique de la terre (ch. 10) répond la démesure de Babel (ch. 11); à la diversité harmonieuse des nations, la confusion des langues; à l'oeuvre de création voulue par Dieu, l'ambition humaine qui avorte, et n'aboutit qu'à un nouveau chaos.

Dieu pourtant sauve sa création, mise à mal par le péché de l'homme: après le péché d'Adam et de Caïn, par la naissance d'Abel puis de Seth ; après la corruption généralisée qui entraîna le Déluge, par la famille de Noé. Après Babel encore, Dieu prépare de loin la ré-union universelle « in Christo Jesu », en confiant l'avenir du Salut du monde à une famille de Sémites, issue de la prestigieuse civilisation d'Ur (11,27-32). Et si le Déluge appelait l'Arche, comme préfiguration du Salut pascal et du baptême — par le bois de la Croix, dans l'Église — la confusion des langues, à Babel, dont nous souffrons encore, trouvera une promesse de solution religieuse dans le don des langues, à la Pentecôte (// Ac 2).

Gn 10,1-32 — Nous ne donnons pas l'énumération lassante de la triple descendance de Sem, Cham et Japhet. On ne saurait pourtant minimiser son importance:

1) C'est d'abord le témoignage de la bénédiction de Dieu sur Noé (9,7) que cette fécondité universelle. La répartition des peuples est faite selon les trois grands axes politiques du second millénaire: Sem = les peuples de l'Est (Élam, Assur, Aram); Japhet = les peuples du Nord et de l'Ouest (l'Asie mineure des Hittites, et les Iles); Cham = les peuples du Sud (Egypte, Nubie, Ethiopie, Arabie) et Canaan, qui à cette époque est encore sous l'influence égyptienne.

2) Mais ce chapitre 10 doit être mis aussi en parallèle avec le chapitre 1er (la création): comme Dieu a béni les séparations et différences entre ses créatures, notamment entre les êtres vivants « suivant leurs espèces », se trouvent ici reconnus, sans discrimination raciale, tous ces peuples « suivant leurs familles, leurs langues, leurs pays et leurs nations ». Cette diversité est donc donnée comme naturelle et bonne. Et de même que Dieu « a posé aux mers la borne qu'il ne faut pas franchir » (Ps 104,9), de même « Dieu répartit les fils d'homme et fixa les limites des peuples suivant le nombre des fils de Dieu » (Dt 32,8 — entendre par « fils de Dieu » les anges : cf. Gn Gn 6,1-4 * / lxx).

Il est remarquable qu'en additionnant les descendants de Noé au ch. 10, on arrive au nombre de 70, le même que le nombre de leurs pasteurs ou de leurs anges d'après le Livre d'Hénoch ou Le testament de Nephtali; le même que celui des anciens, conseillers de Moïse (Nb 11,16), le même que celui des ** Septante » (au moins suivant la légende) traducteurs de la Bible en grec, donc pour les nations, le même enfin que les 70 ou 72 disciples envoyés par le Christ en mission devant Lui (Lc 10,1-17).

En cette généalogie et sous ce nombre symbolique de 70, c'est bien l'universalité des nations, connues ou inconnues, présentes et à venir, qui se trouve désignée. « Peuplant toute la face de la terre », chacune sur son territoire et pour le temps que dure sa civilisation, elles n'en restent pas moins « issues d'un principe unique », et elles gardent jusque dans leur plus grande diversité, cette unité d'origine qui en fait un seul et même « genre humain » (discours de St-Paul à Athènes, Ac 17,26). Unité dans la diversité que va rompre le péché de Babel.

3) Si en effet l'oeuvre de création est, dans l'histoire et la géographie humaine comme dans la nature, séparation, répartition, aller contre cette diversité harmonique du « concert des nations » revient à faire oeuvre de « dé-création », par retour à la confusion et au chaos. Tel sera le résultat de Babel. En ce sens, le ch. 11 est en lien avec le ch. 10, comme le ch. 6 du Déluge avec la généalogie d'Adam au ch. 5, et comme le péché originel du ch. 3 avec les chapitres 1 et 2.

Gn 11,1-9« Le chapitre 10 nous montrait l'histoire du cosmos et de l'humanité, dans une perspective optimiste de création, comme le déploiement progressif de l'oeuvre de Dieu. C'est une vision d'évolution ascendante. Le chapitre 11 ,au contraire, nous montre la croissance du mal, allant en augmentant de génération en génération. Cette opposition est fondamentale pour la théologie biblique de l'histoire. Car les deux vues sont également vraies. Le monde est à la fois dans un processus de progression et dans un processus de décadence. Il tend à la fois vers la perfection du bien et vers le comble du mal » (J. Daniélou: Au commencement...p. 114-115).

Gn 11,1Était d'une seule langue: J. Daniélou note qu'en Gn 10,31, chaque peuple jouit de sa langue propre. Pluralité, unité visent ici avant tout au sens général du récit: dans la perspective optimiste du ch. 10, la pluralité est un enrichissement pour l'humanité; mais elle devient au ch. 11Confusion et incommunicabilité entre les peuples. De même l'unité, qui est un bien inappréciable, peut-elle favoriser les pires tentatives de domination (cf. v. 6, et J. Daniélou, ibid. p. 117). Quant à la solution du Saint-Esprit, cf. // Ac 2,8-10 *.

Gn 11,2-4Shinéar: C'est la Babylonie. La tour évoque les ziggourats, de même que l'emploi de briques s'explique en cette plaine fertile, où la pierre manque.

Une cité et une tour: ne doit pas être interprété comme la désapprobation de toute ville (cf. 4,17-22 * et 11,28 *), ni même sans doute de l'emprise politico-sociale dont cette capitale serait l'emblème et l'organe. Ce qui est condamné, c'est l'orgueil humain et sa double prétention: monter jusqu'au ciel par ses propres efforts; unifier les hommes au profit de sa gloire.

Célébrons notre nom: c'est en effet détourner vers soi une célébration, une louange, une gloire qui revient au Dieu créateur et maître de toutes choses.

Gn 11,9 — Tant d'efforts surhumains pour unifier les peuples en de grands empires, aussi vite effondrés qu'édifiés, n'aboutit qu'à cette ‘Babel' — jeu de mots avec bâlal, ‘il confondit’).

rupert de DEUTz: De Trinitate, iv, 42 (PL 167-365): Voilà: il n'y a qu'un peuple, et une seule langue pour tous : ils se sont mis dans la tête défaire cette tour, et ils n'en démordront pas jusqu'à ce qu'ils y soient arrivés... Sous-entendu: autant qu'il est en eux. Ils n'imitent que trop le diable qui disait: «Je monterai plus haut que les nuées ». (Is 14,12-15).

Venez donc, dit le Seigneur, descendons pour confondre leurs langues! Que chacun cesse d'entendre le parler de son voisin... Ce disant, Dieu comptait bien donner aux hommes, par son serviteur Moïse, la Sainte Écriture qui contient la connaissance du Dieu unique, seule voie par laquelle on puisse aller au ciel.

Dieu dit ici au pluriel: Venez, descendons, confondons ; ce n'est pas pour exhorter les myriades d'anges à l'aider: il affirme qu'il est là en Majesté, Dieu Un et Trine, pour cravacher l'orgueil.

La situation est parfaitement nette, quand on aperçoit, au bout, son dénouement et sa guérison: le jour où Dieu convoque toutes les langues humaines pour qu'elles se rencontrent sur les lèvres des Apôtres, la même Trinité se révèle aux hommes, et pour la première fois des humbles sont baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Telle est la vraie architecture de la tour triomphante par où l'homme peut s'enfuir au ciel, pour régner avec Dieu.

// Ac 2,1-21 Is 2,2-5 — L'unité entre les hommes comme avec Dieu doit venir de Dieu, du Don que Dieu fait de son Esprit. Et encore, comme l'entente demeure difficile dans l'Église! peut-être justement parce que la double prétention de Babel est de tous les temps. L'Église, nouvelle Jérusalem, n'est centre de convergence que dans la mesure où tous viennent y recueillir l'enseignement, la Loi, la Parole de Yahvé (// Is 2,2-5). La totale réconciliation et harmonie de toute « nation, race, peuple et langue », dans la louange de Dieu et de l'Agneau, c'est la Béatitude éternelle, d'après l'Apocalypse Ap 7,9-10,

// Ac 2,6-11 — L'unité ne viendra pas d'une réduction arbitraire et tyrannique des différences de langue et de culture, coulées dans un moule uniforme fût-il synthétique, mais de ce que l'Église comme les Apôtres parle à chacun dans « la langue du pays », de telle façon que toutes langues et cultures s'harmonisent en un concert à la louange des mirabilia Dei, des merveilles de Dieu pour nous sauver. Ainsi, tout au long de l'histoire, les hommes de toute race, langue et culture, « soulevés d'un même élan pour aimer ce que Dieu commande, désirer ce qu'il promet, pourront, au milieu des fluctuations mondaines, se retrouver dans un même attachement aux seules joies véritables du ciel » (Oraison du Missel romain).

Gn 11,27-32 — Antécédents d'Abraham. Non seulement il est de la lignée de Sem, donc héritier de l'Alliance et de la Bénédiction de Noé (Gn 9,26), mais il sort d'Ur, c'est-à-dire de la plus haute civilisation, celle des Sumériens en Basse Mésopotamie.

Remontant jusqu'au ve millénaire, florissante à la fin du me (Ur m, ziggourat de Sîn), cette Cité entre en décadence au début du ir millénaire, donc à peu près vers l'époque où Térah et sa famille auraient émigré en Haràn, ville située 1000 km plus au Nord-Ouest (extrême Sud de la Turquie), mais qui restait en liens avec Ur par le commerce et par un même culte au Dieu Lune Sîn. Que Ur soit appelé ici des chaldéens par un anachronisme évident témoigne de l'époque beaucoup plus récente où ces traditions furent consignées, alors que Ur était rattachée à l'empire néo-babylonien. Mais cela n'enlève pas le caractère plausible (c'est-à-dire cadrant avec ce que nous savons par ailleurs) de la patrie d'origine d'Abraham, et de sa première migration de Ur à Harân.

Or ce n'est pas sans intérêt de savoir qu'Abraham vient de la grande cité mésopotamienne, comme plus tard Moïse de l'Egypte: l'un et l'autre pourront emporter dans leur « exode » les dépouilles de la civilisation dont ils sortent (Ex 11,1-3*). La grâce de Dieu ne fait pas fi des acquis de l'homme. Abram, d'ailleurs, ne coupera pas tous les ponts avec Harân, puisque c'est là qu'il fera chercher femme pour Isaac (ch. 24).

Reste surtout que cette seconde partie du ch. 11 équilibre la première: à l'orgueil de Babel et à sa chute, Dieu pare en jetant le « grain de sénevé » de la descendance de Sem et de Térah. Ainsi, d'un bout à l'autre de l'histoire du Salut, Dieu choisira de confondre la prétention des puissants et des sages en prenant pour champion le faible et l'humble, « ce qui n'est pas, pour réduire à rien ce qui est » ou s'en vante, « afin que nulle chair* n'aille se glorifier devant Lui » (1Co 1,26-29), seul Sauveur (Is 45,18-25). Et pour que ce soit plus indéniable, d'emblée se trouve annoncée l'impuissance humaine pour avoir cette Descendance sur laquelle repose le Salut à venir (3,15*; // Ga 3,16 / Bi): Saraï était stérile, elle n'avait pas d'enfant (11,30), comme Élizabeth, comme Marie de par son voeu de virginité: «car rien n'est impossible à Dieu» (Lc 1,34-37), à commencer par Isaac, le fils de la promesse...




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III. HISTOIRE D'ABRAHAM

Gn 12-25)

Le prélude (Gn 1-11) enchaîne directement avec l'histoire d'Abraham. Aux ruptures avec Dieu qui ont entraîné l'exil du Paradis, le Déluge et Babel, Dieu répond par l'Alliance avec Abraham et sa Descendance*; à la malédiction du péché par sa bénédiction; à la désobéissance d'Adam ou à l'orgueil de Babel par l'obéissance humble et confiante du Père des croyants; à l'Homme comme tel (Adam, génération du Déluge, constructeurs de Babel) par un Élu entre tous — mais de façon toutefois que par celui-là, sa bénédiction se transmette à toutes les nations : Abraham, plus tard dans sa lignée, Israël, en attendant le Messie.

Dieu appelle Abram (ch. 12), lui promettant Descendance et Terre. Abram doit donc répondre à ce qui n'est longtemps que pure Promesse, en croyant Dieu sur parole, par une foi si dénuée de toute autre assurance qu'elle est prête à y sacrifier en Isaac le seul gage qui lui ait été tardivement donné d'une réalisation des Promesses (ch. 22).

Abraham est aussi un exemple de désintéressement dans sa conduite avec Lot (ch. 13), de courage et de prudence (ch. 14 et 20), de déférence religieuse devant « le sacerdoce de Melchisédech » (14,18-20), d'adoration et d'intercession (ch. I Set passim), de fidélité à ses origines malgré les arrachements nécessaires (ch. 24). Mais l'essentiel est dans l'Alliance, conclue sur les Promesses de Dieu et la foi d'Abraham (ch. 15, 17, etc.): c'est sur ce point qu'insiste le N.T. C'est par là qu'Abraham reste le grand ancêtre commun de tous les croyants passés et à venir, juifs ou convertis des autres nations.



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1. l'alliance de dieu avec abraham

(Gn 12-17)


Gn 12,1Yahvé dit à Abram: L'histoire du Salut s'ouvre par l'initiative de Dieu, car « Il nous a aimés le premier »(1Jn 4,19).

Yahvé dit: comme « au Principe », Dieu dit: que la lumière soit... qu'il y ait un firmament, etc. ...» Tout être créé, que ce soit de nature ou de grâce, répond à un appel, à une « vocation » de Dieu, que ce soient les astres (Ba 3,35/Z; ) ou les hommes.

Yahvé dit à Abram : appel personnel, nominatif, qui se retrouvera pour Moïse et Samuel, Saiil et David, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Daniel, Osée, bref, les prophètes, parfois dès le sein maternel (Jr 1,4-5): « Je t'ai appelé par ton nom... parce que tu comptes beaucoup à mes yeux et que Moi, je t'aime ! » (Is 43,1-4). « Aimé, donc choisi, donc appelé, donc sanctifié », c'est par cette séquence chère à saint Paul que nous est donné d'être Homme, au sens plénier de notre création, c'est-à-dire « à l'image de Dieu » (Gn 1,26), ou plus précisément, comme le dit l'Épître aux Romains, « à l'image de son Fils » (Rm 8,29-30/7/).

C'est Lui en effet qui est par excellence l'Élu et l'Envoyé de Dieu, comme à sa suite les « Apôtres »(// Jn 15,16).

À cette vocation personnelle, c'est de façon personnelle, donc en toute liberté que l'appelé répondra, et l'Alliance est précisément l'accord entre ces deux libertés: initiative de Dieu, expression de son amour pour nous, et engagement de l'homme à faire de Dieu « son Dieu », son Amour et son Tout (Dt 6,4-9). Ce n'est pas pour rien que l'Alliance se dit premièrement du mariage, qu'il soit entre le mari et la femme ou bien entre l'homme et Dieu...

Sors de ton pays, de ta famille: suivant la loi du mariage: « C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme » (Gn 2,24). Etre aimé, donc choisi, c'est pour autant être mis à part, séparé, différent des autres comme Israël devra en faire la rude expérience, même en renâclant, comme les chrétiens doivent accepter de l'être: « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi » (Mt 10,37). Mais être mis à part pour Dieu, c'est par définition être plus positivement « sanctifiés, consacrés » : « dilecti, electi, sancti ».

Dieu est saint, de par sa transcendance même, et pour s'unir à lui, l'homme doit aussi entrer dans cette sainteté dont le premier sens est de séparation d'avec tout ce qui est imparfait ou mauvais, même si l'apparent renoncement n'est en réalité que pour mieux entrer dans la béatitude plénière du Dieu saint.

Ou encore, ce qui revient au même comme le montrera la suite de l'histoire d'Abraham: « Appelés parce qu'élus, à être fidèles » (Ap 17,14). Toujours l'engagement réciproque d'où naît l'Alliance.

Gn 12,2Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai. Correspond à Gn 1,28, où la bénédiction de Dieu se marquait aussi par la fécondité et la possession de la terre (qui sera également annoncée dès le v. 7, à Abram). Mais tous ces verbes sont au futur. Il s'agit donc de Promesses, d'autant plus humainement improbables que Sara, sa femme, est stérile (11,30), et que la « terre promise » reste encore dans le vague: « au pays que je te montrerai ». «Il partit, souligne l'Épître aux Hébreux, ne sachant où il allait » (// He 11,8/5/).

Par conséquent, pour répondre à l'appel de Dieu, il faut qu'Abram le croie sans preuve ni gages, sur Sa seule Parole. D'emblée Abraham — avec tous ses « fils » à venir (// Ga 3,7) « naît » à la foi, et devra « vivre de la foi » (Rm 1,17). À la promesse de Dieu ne peut répondre que la fidélité de l'homme.

hilaire: Sur Mt, c. 2 (PL 9,925): Ce n'est pas la lignée de la chair qui est requise ici, mais l'héritage de la foi: La noblesse de l'origine consiste dans les exemples de foi, et la gloire d'en être les fils se maintient par l'imitation de cette foi. Le diable est un être sans foi, Abraham est un homme de foi. Le diable fut «perfide » lors du péché d'Adam, et Abraham fut justifié par la foi. Chaque homme, par sa propre vie et ses actes, s'acquiert une parenté soit avec Abraham, soit avec le diable. Ceux qui croient, sont descendance d'Abraham par la foi; ceux qui ne croient pas, deviennent l'engeance du diable par leur manque de foi. C'est pourquoi les pharisiens se font traiter de « race de vipères », la gloire de la sainteté ancestrale leur est refusée, alors que des fils d'Abraham surgissent du rocher. Mais les incrédules sont invités à faire de dignes fruits de pénitence, afin de redevenir fils d'Abraham avec ceux qui sont sortis de la pierre.

D. barsotti: Il Dio di Abramo (p. 235): Notre Dieu est le Dieu d'Abraham, non seulement parce qu'il est le même en qui a cru Abraham, mais parce que la connaissance que nous avons de Dieu est contenue dans l'expérience qu'eut de Lui le père de tous les croyants. S'il est notre père, ce n'est pas parce que son acte de foi commença l'Histoire du Salut: Il est père, parce que notre foi est une participation à sa foi.

La révélation de Dieu à Abraham est la révélation d'une puissance universelle et d'une absolue sainteté ... Cet homme eut, le premier, la révélation qui a bouleversé l'histoire du monde. Toute l'histoire n'est que l'écho de ce choc intérieur que suscita dans l'âme d'Abraham le contact de Dieu.

Gn 12,2-3Je te bénirai... : « Au principe, Dieu dit, et tout fut fait, et bien fait: il y a donc là, déjà, les éléments du « bene-dicere ». En hébreu, cependant, la racine brk d'où sont tirés le verbe barek: bénir, le participe barûk: béni, et le nom beraka: bénédiction, n'apparaît qu'avec la création des êtres vivants: « Dieu les bénit et dit... » (1,22), puis avec l'homme: « Dieu les bénit et leur dit: ... (1,28), sans doute parce qu'avec la vie, la création rebondit en un pouvoir d'auto-reproduction (c'est-à-dire de création au second degré) et (pour l'homme) d'emprise sur la terre: « Croissez et multipliez-vous ». Telle est la bénédiction primordiale, que Dieu renouvelle à Noé (9,1-3), témoignage de la bienveillance divine (bien dire — bon vouloir) qu'exprimera aussi le terme parallèle de ’grâce' désignant plus particulièrement, surtout dans le NT. la bienveillance de Dieu et les bénédictions spirituelles qui en résultent (cf. vtb. « Bénédiction » et « Grâce »). La création est bénédiction ; la bénédiction continue l'oeuvre de la création et y participe.

Ce qui est révélé ici, c'est que Dieu met si bien en Abram sa bénédiction que celui-ci pourra lui-même la répandre à son tour. De même en effet que « toute paternité tire son nom et sa réalité du Père des cieux » (Ep 3,15) — cette paternité à laquelle Dieu promet d'associer si largement Abraham en le faisant père du peuple immense des croyants — de même il est si pleinement béni qu'il devient à son tour bénédiction, source de grâces pour le monde entier. Déjà se profile Marie « pleine de grâces, bénie entre toutes les femmes, devenue bénédiction par le fruit béni de son sein » (Lc 1,42), ce Jésus dont l'Ange assure: « Il sera grand » comme Dieu l'avait promis à Abraham: «Je rendrai grand ton nom » (v. 2).

Tel est l'héritage, le ’Testament' qui va se transmettre depuis les patriarches (cf. la bénédiction de Jacob par Isaac, en 27,27-29, puis celle de Jacob aux 12 tribus d'Israël, aux ch. 48-49), jusqu'à nous, comme il est annoncé au v. 3 : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre ».

Rupert de Deutz: De Trinitate, v, 4 (PL 167,369): Ces mots s'adressent au Christ. Dès lors Abraham notre père est prophète. Car tous les hommes saints que la Maison de Dieu honore du nom de prophète, le sont pour avoir connu d'avance l'Incarnation du Fils de Dieu.

La bénédiction par excellence, en effet, n'est-ce pas Jésus-Christ même, avec l'Esprit Saint qu'il nous communique? Tout se tient de l'Ancien au Nouveau Testament: c'est en nous que la Promesse est vérifiée. Car désormais, juifs et païens sont « bénis et comblés aux cieux de toutes les bénédictions spirituelles dans le Christ » (Ep 1,3), pourvu que nous nous « convertissions de notre mauvaise voie » (// Ac 3,26), et soyons « authentifiés par la foi... fils d'Abraham » (// Ga 3,9 et 7 ; Jr 4,2).

Cet héritage de la bienveillance gracieuse de notre Dieu (cf. le « Benedictus », Lc 1,78 et 73) et de la bénédiction qui en résulte, nous avons à le transmettre, comme Abraham: « Ne rendez pas le mal ou l'insulte (cf. Gn 13,5-9). Bénissez au contraire, car c'est à cela que vous avez été appelés afin d'hériter la bénédiction » (1P 3,9 cf. Lc Lc 6,28). Et de même qu'à la grâce répond « l'action de grâces » de notre reconnaissance, de même la bénédiction de Dieu nous rend aussi, comme Abraham, source de bénédiction: bénissant, louant Dieu et sa création dans notre prière, bénissant nos frères par notre bienfaisance (Sur la bénédiction comme prière, cf. Gn 14,19-20*).

/ Ga 3,8 — La Bonne Nouvelle: autrement dit, l'Évangile. En la promesse faite à Abraham, ce qui est annoncé est bien le Christ « en qui seront bénies... » De fait, le Ps 72, éminemment messianique, lui applique cette prophétie (v. 17). Au v. 9 : authentifiés, ou encore : accrédités.

Gn 12,4 // He 11,8-9 — Dieu a dit: « Sors... » (v. 1) — Abram partit donc comme Yahvé lui avait dit : Telle est la foi, une confiance qui, acceptant de ne pas voir de ses yeux, ni juger seulement avec ce qu'elle sait, se laisse guider par le Dieu qui sait (Mt 6,32). Et II en sait long puisque, dans cette mise en route du Père des croyants se profile déjà toute l'histoire du Salut jusqu'au Christ et jusqu'à nous. La foi est cette obéissance (Rm 1,5). « Moi qui ne suis qu'un subalterne, explique le centurion à Jésus, quand je dis à un soldat:’Va! il va... » (Mt 8,9). Ainsi fait Abram (Sur le sens de marcher, cf. 5,21-24*; 17,1*).

Gn 12,5Abram prit Saraï... : ce départ est un exil, mais en famille, car la vocation d'Abraham n'est pas celle du moine mais de tout le monde. La foi est conversion (mot qui traduit le terme hébreu encore plus imagé de’retour'), haussement des perspectives: de la cité terrestre que, de toutes façons, il faudra quitter un jour, notre visée doit aller jusqu'à «une patrie meilleure c'est-à-dire céleste » où se trouve cette autre « Ville » préparée par Dieu (He 11,14-16/Cg), la Jérusalem nouvelle dont l'Apocalypse chantera les splendeurs (Ap 21). Car si le croyant est « étranger et voyageur sur la terre » (Ps 39,13), si tout en étant dans ce monde il n'est déjà plusse ce monde-ci (Jn 17,11-14), c'est que par la foi, l'espérance et la charité, comme nous en assure saint Paul: « Vous n'êtes plus des étrangers et des hôtes, mais concitoyens des saints, vous êtes de la Maison de Dieu » (Ep 2,19) — ce qui valait bien la peine de devoir quitter cette maison paternelle, comme Abram au départ de son exil terrestre (cf. 15,13; 23,4).

Gn 12,6-9 // Ac 7,5Je donnerai ce pays : Voilà désignée « la terre que je te montrerai » (v. 1). C'est la terre de Canaan. Mais Dieu ajoute: «je donnerai... à ta postérité »: c'est donc encore une simple promesse: « la Terre promise », avec ce handicap supplémentaire que Saraï étant stérile (11,30), cette postérité pouvait apparaître humainement très problématique.

L'existence d'Abraham va donc s'écouler dans la situation inconfortable de « l'Entre-Deux »: entre le solide passé de la vie citadine, sumérienne, et la patrie encore à venir. De même, pour les Hébreux de l'Exode, entre les souvenirs d'Egypte et la terre promise — mais d'ici là, itinérants et en plein désert ! Puis les Hébreux, au temps de David ou de l'exil, se retrouveront entre les prodiges de leur premier établissement et l'attente du Messie annoncé.

De même encore les chrétiens ont-ils à prendre conscience qu'ils sont dans un entre-deux, entre le premier avènement de Dieu sur terre, en Jésus, et le dernier, total et définitif avènement du Royaume, lorsque toutes les générations qui sont appelées à y entrer l'auront accueilli. La perspective est bien eschatologique, c'est-à-dire aboutissant au ciel :

ambroise: De Abraham i, 2 (PL 14,421): Ce que les sept Sages ont tant prôné, à savoir « suivre Dieu », Abraham l'accomplit: Il suivit Dieu et sortit de sa terre. Mais parce qu'une autre terre avait été la sienne — la région des Chaldéens d'où était sorti Térah, père d Abraham, pour aller en Harân; et parce qu'il prit avec lui son neveu, bien que Dieu lui eût dit « Sors de ta parenté », considérons si peut-être « sortir de sa terre » ne signifie pas «sortir de cette terre », autrement dit: sortir de notre corps en quelque manière pour « habiter dans les cieux » comme l'a écrit saint Paul (Ph 3,20), et quitter les plaisirs sensibles qui sont comme apparentés à notre âme... Il nous faut donc « sortir » de notre vie terrestre, et non pas changer de lieu — ce serait trop peu — mais nous changer nous-même, nous transformer.

Grégoire de nysse: Contre Eunome (pg 45,940-941): Abraham sort, par commandement divin, de sa terre et de sa parenté. Cette « sortie » est glorieuse, pour un homme qui est prophète et qui se hâte vers la connaissance de Dieu. Car autrement, je ne crois pas qu'un changement de lieu permette de saisir ces choses que l'on trouve par l'intelligence. Mais Abraham est sorti de lui-même et de sa terre, c'est-à-dire de sa pensée terrestre et basse, pour élever son intelligence au-dessus des limites de la nature, et laisser derrière lui, autant que possible, la parenté de son âme avec ses sens. Il ne veut pas qu'aucun objet sensible l'aveugle ou l'enténèbre, l’empêchant d'accéder à la connaissance de ces réalités qui échappent aux yeux des sens, ni que les bruits qui résonnent autour de lui, ou la vision des apparences, séduisent son intelligence. S'avançant, comme le dit l'Apôtre, par la foi et non par l'apparence, il s'éleva, dans la grandeur et l'excellence de sa connaissance, au point d'être tenu pour le sommet de la perfection humaine; il parvint à la plus haute connaissance de Dieu qui soit permise à l'homme limité et mortel. C'est pourquoi le Seigneur de toute créature se nomme lui-même « le Dieu a"Abraham », comme s'il était une trouvaille du Patriarche.

Mais que dit encore l'Écriture? Qu'il sortit, ne sachant où il irait; et il ne lui fut même pas permis d'apprendre le Nom de Celui qu'il aimait: Or il ne conçut ni rancoeur, ni honte de cette ignorance. Pour ce qu'il cherchait, c'était précisément une conduite certaine et sûre, que d'être mené comme par la main à la science de Dieu, sans passer par aucun de ces objets qui tombent les premiers sous la connaissance, et sans que nul de ces objets saisissables n'émût son intelligence, arrêtant sa marche vers ce qui surpasse tous les objets connus. Mais de même qu'il avait dépassé la sagesse de ses pères, je veux dire la philosophie chaldéenne qui s'arrête aux choses visibles, et qu'il s'élevait au-dessus du sensible par la beauté des choses que l'on perçoit dans la contemplation, et qu'ayant fait l'expérience de l'harmonie des merveilles célestes, il désirait voir la beauté qui n'est ni produite ni exprimée par des formes — ainsi, toutes les autres choses qu'il saisissait par la raison, comme la puissance, la bonté, et ce qui est sans origine ni principe, et ce qui ne peut se définir par aucun terme, et encore tout ce que l'on peut trouver qui soit concevable et perceptible pour l'esprit sur la nature divine, il en fit autant de viatiques pour monter vers la perfection suprême, le jeta devant lui comme un support et un tremplin, et appuyant chaque pas sur ce qu'il avait déjà trouvé, toujours tendu en avant, disposant dans son coeur les belles ascensions dont parle le Prophète, dépassant tout ce que saisissaient ses facultés comme n'étant pas ce qu'il cherchait, après qu’il eût parcouru toute conjecture que les mots puissent engendrer sur les opinions que l'on a de Dieu, ayant la raison désormais purifiée de toutes ces approches, et atteignant enfin la foi sans mélange, pure de toute notion, il donna ce signal infaillible et évident de la connaissance de Dieu, plus glorieux et plus élevé que n'importe quel signe donné pour la connaissance: À savoir, il crut que DIEU EST. Et c'est pourquoi, après cette commotion de l'esprit produite par cette contemplation très haute, étant revenu à l'infirmité humaine il dit: « Et moi, je suis cendre et poussière! » En d'autres termes: Muet, inerte, incapable d'expliquer le bien que son esprit avait entrevu. Terre et cendre me paraissent en effet signifier que l'âme reste étrangère et stérile. Ainsi devient «loi de la foi » cette histoire, enseignant que le seul moyen d'approcher de Dieu c'est que la foi intervienne, et soit le lien qui unit entre elles l'intelligence en quête de Dieu et la nature divine insaisissable. Car, écartant de la connaissance tout ce qui serait curiosité, l'Écriture dit: Abraham crut Dieu, et cela lui fut compté comme justice. L'Écriture affirme donc — non pas à l'adresse d'Abraham, mais à notre adresse, dit l'Apôtre — que Dieu compte aux hommes comme justice la foi, et non la connaissance. Car la connaissance comporte une disposition un peu mercantile, l'intelligence ne donnant son accord qu'à ce qu'elle connaît. Il en va autrement de la foi: Elle est le fondement, ou la substance, non pas de ce qu'on connaît mais de ce qu'on espère. Or, ce que l'on tient solidement, on ne l'espère pas ... Mais ce qui échappe à notre connaissance, la foi le fait nôtre, en garantissant par sa propre solidité ce qui ne se voit pas. Et l'Apôtre dit bien d'Abraham, l'homme de foi, qu'« il porta l'invisible comme s'il le voyait ».

Gn 12,7-8Là, il bâtit un autel: Là, c'est Sichem, près de Naplouse, dont les textes égyptiens comme les fouilles archéologiques montrent l'importance au temps des patriarches.

Le chêne de More, comme plus loin le chêne de Mambré (13,18; 18,1), c'est l'arbre, traditionnellement en relation avec un lieu saint — lointain souvenir de « l'arbre de vie » du Paradis (2,9-10 * ). Le fait qu’Abram y bâtisse un autel, comme plus loin à Béthel (v. 8), témoigne qu'il reste fidèle à son Dieu, dont « il invoque le Nom », comme il en a été lui-même appelé « par son nom », signe d'une communion intime, et mutuelle (2,19-20*). Aussi, comme Job eut le mérite d'être fidèle en pays païen, Abram en est-il loué le premier (// Sg 10,5).

Et nous, de même, saint Paul nous salue comme « ceux qui, en quelque lieu que ce soit, invoquent le nom de Jésus Christ notre Seigneur » (1Co 1,2).


Bible chrétienne Pentat. 1231