Bible chrétienne Pentat. 1317
1317 Gn 17)
— Réitération de l'Alliance, précisant les clauses essentielles pour les deux parties (« entre toi et Moi », entre Abram et Dieu, v. 2). Alliance perpétuelle, qui vaudra pour toute la Descendance d'Abraham (7-9). Dieu multipliera cette Descendance (2-6) et lui donnera la Terre promise (v. 8). En revanche, Abram et ses descendants feront de Yahvé leur Dieu (7-8*) — ce qui revient déjà aux dix commandements du Sinaï, formulés en substance dès le v. 1.
De l'accession à cette situation nouvelle, deux signes: le nom nouveau (5.15*) et la circoncision (10-14). Suit le premier accomplissement de ces clauses: Dieu annonce à des centenaires (v. 17) la naissance miraculeuse du « fils de la Promesse » (16-21) et Abraham circoncit les mâles de sa maison (23-27).
Gn 17,1 — Insistance voulue sur l'âge d'Abram et de Sara (v. 17): de l'impossibilité naturelle ressort d'autant mieux la foi nécessaire au Patriarche
pour qu'il espère tout en l'accomplissement de la Promesse (// Rm 4,17-21 / Bx).
El Shaddaï: nom divin, d'origine et de sens controversés. Peut-être primitivement’Dieu de la montagne'. Dans la tradition, traduit par:’le Tout Puissant'. Employé surtout par les patriarches (Gn 28,3 Gn 35,11 Gn 43,14 Gn 48,3 Gn 49,25 Ex 6,3), et dans Job (6,4-14; 8,3-5; 11,7; 13,3, etc.).
Marche en ma présence: précise le sens de l'expression « marcher avec Dieu » (Hénoch: 5,24*; Noé: 6,9; cf. 24,40; 48,15 etc...). La tradition chrétienne a fait de cette conscience de la présence de Dieu, l'attitude spirituelle fondamentale. Par exemple c'est la base de l'humilité dans la Règle de saint Benoît (ch. 7 — cf. Mi 6,8* /Cm).
« Dieu est présent en toutes choses ‘par sa puissance', en tant que tout lui est soumis; ’par sa présence', en tant que tout est à découvert devant son regard; ’par son essence’, en tant qu'il est pour tous la cause de leur existence. Mais Dieu n'est pas seulement dans l'homme comme il est dans les choses; il est, de plus, connu et aimé de nous, puisque notre nature nous porte elle-même à aimer, désirer et rechercher le bien. Enfin Dieu, par sa grâce, réside dans l'âme juste ainsi qu'en un temple, d'une façon très intime et spéciale. De là ce lien d'amour qui unit l'âme à Dieu plus étroitement qu'un ami ne peut l'être à l'égard de son meilleur ami, et cette jouissance pleine et suave qu'elle goûte en sa présence » (LÉON X in: Encyclique ’Divinum illud', 9 mai 1897).
Marcher convient spécialement à la vie itinérante d'Abraham, elle-même symbole de notre condition d'Homo viator ou mieux encore de ’pèlerin' (12,5*). Etre ainsi tendu vers Dieu, « de tout son coeur, de toute son âme et de toutes ses forces », c'est bien le Premier commandement.
Sois parfait; résume les autres commandements, en particulier celui de la charité universelle, comme le demande textuellement le Sermon sur la Montagne: « Soyez parfaits comme votre Père est parfait... » (Mt 5,48). C'est le programme que, d'une autre façon, définit saint Paul (// 1 Th 1Th 2,12).
Gn 17,5 — Ton nom sera Abraham (ab-hamôn = père de multitude). Le // Ne 9,7-8 témoigne déjà que Dieu « tiendra parole » avec la lignée des ’circoncis': le peuple d'Israël. A fortiori depuis que, parla Nouvelle Alliance, est venue au père de tous les croyants l'innombrable descendance de ceux qui se rattacheront à lui par la foi, indépendamment du signe de la circoncision (/ Rm 4,11 / Bw; Ep 2,11-22). Qui répond victorieusement à sa vocation reçoit ainsi « un nom nouveau, que nul ne connaît hormis celui qui le reçoit » (Ap 2,17).
Gn 17,7-8 — Ne serait qu'une réitération de l'Alliance et des Promesses, s'il n'y avait l'insistance sur la valeur perpétuelle de cette Alliance, et la première apparition du possessif exprimant la réalité du lien créé par l'Alliance: « Cette Alliance fera de Moi ton Dieu... Je serai leur Dieu ». À quoi s'ajoutera par la suite la réciproque: « ...et ils seront mon peuple » (Ex 6,7 Lv 26,12 et passim).
Gn 17,11 — La circoncision est seulement signe de l'Alliance, et non pas sa cause, qui est dans l'initiative de Dieu (15,9-10*). Ceci explique l'erreur des pharisiens qui avaient fini par faire de la circoncision un moyen indispensable pour entrer dans l'Alliance, alors que, comme le montrera saint Paul, il suffit de la foi, avec ou sans le signe de la circoncision. Celle-ci marque seulement dans la chair le fait (déjà spirituellement acquis par ailleurs) de l'appartenance à Dieu.
La circoncision ne sera d'ailleurs pas pour autant éliminée de la spiritualité chrétienne. Seulement, au lieu de viser l'opération physique (à laquelle Jésus lui-même, ne l'oublions pas, voulut se soumettre: Lc 2,21), elle désignera la pureté de conduite que demande notre Alliance avec Dieu (// Dt 10,16 Jr 4,4 Ac 7,51 Col 2,11-13 / By). Autre traduction possible de Col 2,11 : « ...pas faite de main d'homme, mais de la circoncision du Christ, par le dépouillement de votre corps de chair. »
ambroise: De Abraham I, 4 (PL 14,432-433): La circoncision est un précepte de chasteté. Cf. Rm 4,11 : « Il reçut le signe de la circoncision, sceau de justice et de foi ».
D. barsotti: Il Dio di Abramo (p. 239-240): Comme le passage du sacré au profane — dans l'Éden — fut probablement lié à un péché de la chair, ainsi le retour en Éden doit dépendre d'une nouvelle liberté de la chair.
Mais c'est seulement avec le Christ que l'homme retournera vraiment dans l'Éden, et c'est seulement avec le christianisme que sera conseillée la virginité. Sous l'Ancien Testament, Dieu voulut du moins, comme signe de l'Alliance, la circoncision, qui en quelque manière portait remède à la condition animale de l'homme. Avec l'Alliance, l'expérience de Dieu semble dépendre de la sacralité nouvelle que le pouvoir d'engendrer reçoit par la circoncision. En entourant de prescriptions sévères la génération humaine, Dieu consacre à nouveau « la vie », qui avait été désacralisée. Ce sacrifice sanglant est le signe d'une appartenance.
Mais plus qu'à la circoncision — signe commun à tous les Israélites — l'expérience mystique d'Abraham est liée essentiellement à la promesse d'un fils. Abraham croit qu'il s'agit d'Ismaël (Gn 17,18, Qu'Ismaël vive devant toi!) — mais l'Alliance est conclue quand Ismaël est déjà né. La promesse regarde un autre fils: Le fils que Sara elle-même doit enfanter. La promesse de Dieu est la promesse d'un miracle; et dans son accomplissement, elle est une des plus grandes théophanies.
Gn 17,15, comme au v. 5*.
Gn 17,17 — Abraham tomba la face contre terre, et rit... : Il s'était déjà ainsi prostré à l'apparition de Dieu (v. 3). Ce geste d'adoration nous avertit déjà que son rire n'est pas celui de l'incrédulité, même si sa vieillesse rend en effet humainement invraisemblable qu'il engendre encore un fils à la vieille Sara. Sur le sens exact de ce rire, cf. 18,12-15*.
Gn 17,18-19 — Le nom d'Isaac signifie ’rire', que le sujet en soit l'enfant, les heureux parents, et surtout Dieu même qui leur aurait ainsi souri. La Genèse jouera encore de ces différents sens Gn 18,12 * ; Gn 21,6 Gn 21,9 *.
Rupert de Deutz: De Trinitate v, 35 (PL 167,399): « Qu'Ismaël vive devant toi! » C'est la réponse d'un esprit plein de respect et de pudeur. Mais le Seigneur dit à Abraham: « Sara ton épouse t'enfantera un fils ». Cette répétition de la parole de Dieu est un ordre: Dieu excite la foi d'Abraham, bien qu'il la connaisse déjà. « Tu lui donneras le nom d'Isaac », car vraiment ton grand coeur rira, quand viendra l'accomplissement. L'accomplissement, c'est la nativité du Christ, qui est une cause de rire éternel et de joie sans fin pour la multitude des saints, car il est vraie chair de leur chair et vrai homme. L'un d'eux goûta les prémices de cette joie quand il était encore dans le sein de sa mère et que celle-ci dit à Marie: « Dès que ta voix a frappé mes oreilles, l'enfant a exulté de joie dans mon sein ».
« Crois-tu qu'un centenaire ait un fils »? C'est la plainte de l'Ancien Testament. Au temps des rois éminents et de la grandeur juive, le Christ n'est pas venu; maintenant que le sceptre a été enlevé deJuda, viendra-t-il, celui qui doit venir? Le verrai-je? Vivrai-je encore? Ces soupirs se traduisent dans l'attente du vieillard Siméon, qui avait reçu du Saint-Esprit cette réponse au désir de son coeur: « Il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Christ ».
Gn 17,22 — Dieu remonta: suivant le symbolisme naturel du ‘Notre Père qui es aux cieux...’ Cela nous rappelle que tout ce qui précède était en vision
(v. 1 : Yahvé apparut), comme la scène du ch. 18, qui ne doit pas en être bien éloignée dans le temps, puisqu'il y a le même délai d'un an pour la naissance d'Isaac en 17,21 et 18,10.
Gn 17,22 // Col 2,11-13 — Autant Paul a lutté pour que les chrétiens ne soient pas astreints à la matérialité des signes et pratiques de l'Ancienne Alliance (Ga 2), autant il prend en considération la réalité de ce qu'ils signifiaient (exemple supplémentaire de l'importance que doit avoir à nos yeux le sens spirituel de l'Ecriture). Il osera même affirmer aux Philippiens: « C'est nous qui sommes les vrais circoncis, nous qui offrons le culte selon l'Esprit de Dieu et tirons notre gloire du Christ Jésus, au lieu de placer notre confiance dans la chair »(3,3),
/ Lc 1,68; Jn 8,56 — En guise de conclusion, ces deux citations, témoignant combien, pour les Justes de l'Ancienne Alliance — ici, Zacharie — comme pour Jésus lui-même, l'histoire d'Abraham trouve si bien son aboutissement en Lui que l'intervalle des siècles s'efface pour ainsi dire, et qu'il s'établit du Patriarche à son lointain Descendant comme une contemporanéité spirituelle. Les Pères l'avaient fort bien compris et souligné: cf. par exemple Origène, dans sa 10° homélie sur la Genèse, cité à Gn 21,8*.
1320 Gn 18-25)
Gn 18,1-15)
— Cette scène est à juste titre, avec le sacrifice d'Isaac (ch. 22), la plus célèbre de l'histoire d'Abraham.
Bel exemple d'abord du Mystère de l'hospitalité, où c'est Dieu que l'on accueille sous la figure de l'hôte (// He 13,12 Rm 12,11-13 Ap 3,20 Jn 14,23 — cf. aussi Lc Jn 9,48). Et Dieu s'y révèle si bien que la tradition chrétienne s'est plu à y voir une image de la Trinité, une annonce de l'Incarnation, et une figure de notre union à Dieu :
ambroise: De excessu fratris sui Satyri n, 96 (PL 16,1342): Abraham, prompt à recevoir ses hôtes, plein de foi en Dieu, plein de zèle pour servir, vit en figure la Trinité: Recevant trois Personnes, adorant un seul Dieu. Respectant la distinction des Personnes, il s'adresse à un seul Seigneur. Nul ne le lui avait enseigné, mais la grâce parlait en lui; ce qu'il n'avait pas appris, Abraham le crut — et mieux que nous, qui l'avons appris.
C'est le célèbre adage de la Liturgie: « Tres vidit, Unum adoravit ».
hilaire: De Trinitate iv, 27-28 (PL 10,117): Dieu parle à Abraham, lui promet que Sara enfantera. Ensuite, trois hommes se présentent devant lui: Il adore un seul, et le confesse « Seigneur ». Et ce Dieu, précisément, qu'Abraham a confessé, promet qu'à la même saison il reviendra, et dit à Abraham que Sara aura un fils. Cet ‘homme' qu'Abraham a vu, il l'adore comme ‘Seigneur': Il reconnaît là, en effet, le mystère de l'Incarnation future (Gn 18,2-3). Et une foi s( admirable n'est pas restée sans témoignage, car le Seigneur a dit dans l'Évangile: «Abraham, votre père, a tressailli en espérant qu'il verrait mon jour: Il l'a vu, et a été comblé de joie » (Jn 8,56). Abraham a vu un homme; cet homme promet qu'il reviendra à la même saison. Regarde maintenant l'effet de la promesse, et souviens-toi que c'est un homme qui a promis: Que dit l'Écriture? «Et le Seigneur visita Sara» (Gn 21,1). Cet homme est donc le Seigneur, accomplissant ce qu'il a promis. Et ensuite? « Et Dieu fit à Sara comme il avait dit ». On l'appelle ‘homme' quand il parle,’Seigneur' quand il visite,’Dieu' quand il accomplit. Tu sais bien qu'un homme a parlé, puisqu Abraham l'a vu et entendu; et comment ignorer qu'il est Dieu, quand la même Écriture qui l'avait appelé ’homme' le confesse ‘Dieu’ ? Car il est écrit : « Sara conçut et enfanta un fils à Abraham dans sa vieillesse ». Mais l'homme a dit qu'il reviendrait: Crois qu'il est homme, celui qui est venu, mais qu'il est en même temps Dieu et Seigneur. Laisse-toi enseigner la foi: C'est le Seigneur Dieu qui est venu pour que Sara conçoive et enfante. Dans la puissance de Dieu, i homme a parlé ; dans l'efficacité de Dieu, Dieu s'est manifesté. Donc il se montre Dieu, aussi bien quand il parle que quand il agit.
Des trois hommes qu’Abraham a vus, deux s'en vont; mais Celui qui reste est Seigneur et Dieu. Et non seulement il est Seigneur et Dieu, mais il est encore Juge; car dans la suite du récit, Abraham se tenant devant le Seigneur dit: « Non, tu ne feras pas cela, de tuer le juste avec l'impie, et que le juste ait le même sort que l'impie! Jamais! Toi qui juges toute la terre, tu ne porteras pas une telle sentence! » (Gn 18,25). Donc, par toutes ses paroles Abraham nous enseigne cette foi pour laquelle il fut justifié : À savoir que trois personnes lui apparaissant, il a reconnu son Seigneur, l'a adoré comme un seul Seigneur, l'a confessé Seigneur et Juge.
Et pour ne pas être porté à croire que dans la confession d'un seul, soit compris l'honneur rendu aux trois hommes qui apparaissent ensemble, observe ce que Lot a dit aux deux hommes qui étaient partis vers Sodome: « Quand Lot les vit, il se leva et alla au-devant d'eux; il se prosterna la face contre terre, et dit: Voici, Seigneurs, arrêtez-vous dans la maison de votre serviteur » (Gn 19,1-2). Chez Lot, donc, la vision des anges s'exprime en des mots au pluriel; chez Abraham, la foi du patriarche confesse une seule adoration. Dans l'apparition à Lot, l'Histoire Sacrée signale deux anges seulement, sur les trois qui étaient apparus à Abraham — mais dans le cas d'Abraham, elle annonce le Seigneur et Dieu. Car voici ce qui est écrit: « Et le Seigneur dit à Abraham: Pourquoi Sara a-t-elle ri, en disant ‘Vraiment, je vais enfanter? Mais je suis vieille!’ Y a-t-il donc quelque chose qui soit impossible à Dieu? Dans un an à la même saison, je reviendrai vers toi et Sara aura un fils » (Gn 18,13 ss). L'Écriture dit exactement la vérité: Elle n'insinue pas un sens pluriel, quand il s'agit de reconnaître Celui qui est Dieu et Seigneur; et elle n'attribue pas aux deux anges l'honneur qui a été rendu à Dieu seul. Du côté de Lot, il y a le service rendu à l'homme, du côté d'Abraham il y a la confession de la vérité.
D. barsotti: Il Dio di Abramo (p. 223): Le festin qu'Abraham offre à Dieu est déjà le premier fruit de l'Alliance, la réalisation de l'Alliance ... Il semble que l'homme soit revenu à l'état paradisiaque : Dieu et l'homme sont vraiment face à face, et pour ainsi dire comme des égaux. Abraham peut montrer la révérence d'un Oriental pour l'hôte, et Dieu, tout en parlant familièrement avec lui et en acceptant de s'asseoir à sa table, peut faire sentir qu'il est d'une autre nature, mais une certaine égalité règne entre eux ... L'homme qui parle à son Dieu s'adresse à lui avec une gentillesse exquise, et le Seigneur lui répond avec une humble et douce simplicité.
Et parce que le récit ne dit pas seulement l'ineffable intimité d'Abraham avec Dieu, mais une certaine égalité entre eux, ce récit est la plus belle prophétie de l'Incarnation future.
... La théophanie de Mambré est le témoignage de la plus haute expérience de Dieu dans l’Ancien Testament. Seul, l'Evangile en donne la clé. C'est pourquoi elle reste isolée dans la longue histoire qui porte l'humanité vers Dieu — mais c'est pourquoi aussi, quand l'iconographie chrétienne voudra représenter Dieu, elle reviendra à cette scène comme à un thème obligatoire. Accueillant sous sa tente trois voyageurs fatigués, Abraham découvrit en eux son Dieu et l'adora sous les vêtements de l'homme ... Par l'hospitalité d'Abraham, Dieu revient habiter la terre, et la terre redevient le paradis de Dieu.
Il ne semble pas probable qu’Abraham ait attendu la fin de la scène pour reconnaître le Seigneur: L'apparition suppose une telle intimité qu'on admet plutôt qu'Abraham l'ait reconnu dès le début: Il a reconnu au moins une présence mystérieuse, un caractère sacré de l'apparition. Un indice entre autres: Au début, il parle à un seul. C'est une des grandeurs d'Abraham de savoir reconnaître Dieu, même sous les humbles gestes de l'homme, dans
l'humilité de son déguisement. Dieu n'a pas besoin d'impressionner son ami avec la foudre et le tonnerre: Même dans l'humilité de son travestissement, Abraham le reconnaît et l'adore.
La promesse d'un fils, à la fin du repas, est « l'échange des dons ». En d'autres pages, la promesse du fils aura un caractère de solennité hiératique, mais ici elle est seulement le remerciement affectueux du voyageur: Le fils qu'il donne est uniquement pour eux: Pour Abraham et pour Sara. Cette promesse ne semble pas avoir un rapport avec l'Alliance: Elle a toute la gratuité d'un amour spontané, sans motif.
... Contrairement aux autres théophanies, ici Dieu se repose. Ce n'est pas l'homme qui monte sur la montagne, c'est Dieu qui descend vers l'homme et repose dans sa demeure. « Et le Verbe s'est fait chair, et il a planté sa tente chez nous ».
Aucune autre page de l'Ancien Testament ne nous parle de l'ère messianique comme d'un festin où Dieu et l'homme sont à la même table. Mais quand Dieu se fait homme, il prend aussi l'image d'un festin pour révéler la tendresse de son coeur divin. L'Apparition de Dieu près du chêne de Mambré est la plus pure figure de ce que sera l'ère messianique, où Dieu et l'homme vivront une même vie. Il y a une différence: Ici, ce n'est pas Dieu qui prépare le festin ... Dieu a voulu accepter d’Abraham nos pauvres choses, notre pauvre richesse, pour ensuite nous donner en échange la sienne.
Rupert de Deutz: De Trinitate VI, 38 (PL 167,402): Les paroles échangées entre Abraham et les anges ne sont-elles pas tout humaines? Non! Elles sont la vraie et sainte annonce du Dieu-Homme, vrai Fils de Dieu et vrai Fils de l'homme. Ce qui se préparait, c'était la naissance d'Isaac, en figure de Celui qui créa la terre et tout ce qu'elle contient, et qui plus tard devait être vu sur la terre et vivre avec les hommes (Ba 3). Pour le préfigurer, il est bon que les choses célestes rejoignent les choses terrestres, et que les esprits célestes se montrent pareils aux hommes dans la conversation, le repas et le reste, les paroles, les actes, les gestes, et toute la manière d'être.
l. bouyer: La Bible et l'Évangile (p. 143-145): A travers les récits de la Genèse, il est un trait commun qui devrait frapper aussitôt, c'est que Dieu, implicitement ou explicitement ici, quand il apparaît, le fait sous forme humaine. Celui qui se promène vers le soir au jardin d'Éden, celui qui ferme du dehors la porte de l'Arche quand Noé y est entré, est évidemment envisagé sous des traits humains, tout comme les trois qu'Abraham a vus. Ce serait une grossière erreur que de ne voir là rien d'autre qu'une trace d'imaginations primitives, vite abandonnées. La vision divine la plus grandiose, la plus cosmique, la plus spiritualisée aussi de l'Ancien Testament, celle d'Ézéchiel, comporte en son centre, dans l'éclat du feu insoutenable aux regards mortels, «sur la ressemblance d'un trône, comme une figure d'homme » (Ez 1,27). La tradition rabbinique postérieure l'atteste d'abondance; il y a une part d'anthropomorphisme absolument inévacuable dans la pensée juive sur Dieu la plus poussée vers la transcendance: Dieu, pour Israël, a un visage, et c'est comme un visage d'homme.
Ceci qui nous étonne, habitués que nous sommes à penser Dieu dans des cadres hérités de la métaphysique grecque, n'est que la contrepartie d'une formule biblique que nous répétons sans mesurer toujours la part exacte de réalisme qu'elle renferme; « Dieu, nous dit la Genèse, fit l'homme à son image... » De là suit immédiatement l'affirmation que l'homme a été établi par Dieu dans le monde pour dominer sur lui. Mais ce serait une grave erreur de réduire le premier verset à ce que nous dit le second. Le second, pour l'écrivain biblique, n'est qu'une conséquence du premier. C'est parce que l'homme ressemble à Dieu que la domination sur le cosmos lui appartient tout naturellement. Et il est tout à fait contraire à la mentalité biblique que de vouloir spiritualiser cette expression de ressemblance, si par spiritualiser on entend, à la grecque, quelque chose qui va de pair avec abstraire. Certes, c'est une question d'« esprit » avant tout, que cette ressemblance. Mais il ne faut pas oublier que l"esprit', dans la Bible, reste le souffle de vie, que nous voyons justement dans le second récit de la Genèse Dieu insuffler de sa propre bouche dans les narines de l'homme. C'est à la condition de garder présent à la pensée ce réalisme si hardi, que l'on comprend aussi le lien si étroit, dans la Bible, entre Parole et Esprit, notamment dans les textes sur la création...
En retour, on comprend après cela que la mystique paulinienne de la « nouvelle création » se traduise dans la seconde épître aux Corinthiens par ces extraordinaires déclarations: «Nous tous, le visage découvert, réfléchissant comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image de plus en plus radieuse, comme par le Seigneur qui est Esprit » (2Co 3,18)... Une telle phrase, une telle idée, naît d'elle-même dans le climat spirituel si proprement biblique que nous essayons en ce moment de trouver.
Gn 18,1 — Au chêne de Mambré: cf. 13,18*. Un des hauts-lieux de Terre Sainte. Les fouilles ont dégagé, sous le mur hérodien, le dallage de l'époque royale (ixe et vir av. J.C.), indice de la vénération où y fut tenu le souvenir du patriarche.
Gn 18,2-3 — Prostration, appellation — ’Adonai" = Mon Seigneur — peuvent il est vrai s'adresser à tout grand personnage. Mais qu'Abraham en ait eu conscience immédiate ou non, la Genèse est claire, dès le 1er verset: c'est bien Yahvé(\àzm au v. 13).
s. grun: Psalmengebet im Lichte des Neuen Testamentes (Regensburg 1959), Commentaire du Ps 94(95). Traduction dans « Psautier Chrétien » iv, 261 : Le geste est l'adoratio ou la proskunesis qui était en usage dans l'antique Orient comme acte d'adoration ou signe d'hommage dans le culte des dieux et celui du monarque. Cette cérémonie exprime symboliquement la psychologie de l'homme écrasé par l'apparition ou la révélation de la divinité, du « Saint », du « Tout-Autre », du monde de « l'au-delà ». Quand le divin fait irruption ici-bas, le souffle de sa puissance courbe l'homme, menace d'éteindre sa vie, et la créature s'écroule dans le sentiment de son néant. Involontairement l'homme se fait petit: il veut se soustraire à cette puissance extraordinaire. Dans son épouvante, il se jette le visage contre terre, en signe de soumission inconditionnelle.
Mais avec le « tremendum » — le sentiment qui fait frémir — se conjugue le « fascinosum », qui semblerait lui être complètement opposé. C'est une attirance irrésistible exercée par Dieu sur l'homme qui le sent présent. Le désir le plus profond de la créature la pousse à s'unir au « Tout-Autre », au « Saint ». Car lui qui peut tuer, il est en même temps le Seigneur de la vie, d'où vient pour l'homme tout salut quel qu'il soit. Comme la divinité est inaccessible au mortel, l'homme exprime symboliquement son désir par un baiser rituel: avec grande révérence, les lèvres touchent le sol que la proximité de Dieu a consacré.
Gn 18,6-8 — L'empressement d'Abraham est sensible dans le tempo même du passage : « Dès qu'il les vit (v. 2), Abraham se hâta... Prends vite... Il courut... Le serviteur se hâta de préparer... »
Et ils mangèrent importance du repas, depuis le Péché Originel jusqu'à la Cène et au ‘festin’ des paraboles évangéliques sur le Paradis (cf. « Zodiaque », n° 39, octobre 1958: le repas).
Gn 18,9-15 — Pourquoi Abraham (17,17) et Sara (18,12) se mettent-ils à rire? Par incrédulité? — Non! Inspiré par Dieu, saint Paul nous assure d'Abraham : « Il ne faiblit pas dans sa foi... Confronté à la promesse de Dieu, il ne se défia pas, ne douta pas : au contraire sa foi grandit d'autant plus, et par là, il rendit gloire à Dieu » (Rm 4,19-20/ Bx). Autres traductions possibles de la fin du v. 20: « Il se fortifia par la foi »> (Osty), ou mieux encore: « Sa foi l'emplit de puissance... » (bj). De son côté, l'Epître aux Hébreux garantit aussi la foi de Sara : « par la foi, il lui fut donné d'être féconde, en dépit de son âge, parce qu'elle crut à la fidélité de Celui qui avait promis » (11,11).
Alors, pourquoi a-t-elle ri? — Ah, parce que c'est trop beau ! On ne peut rester de sang-froid devant une promesse qui comblerait nos voeux même de l'impossible! Ultime tremblement de l'espérance: « Je crois, Seigneur, mais viens en aide à mon peu de foi », supplie le père de l'épileptique, en réponse à Jésus: « Tout est possible à celui qui croit » (Mc 9,21-24). Le rire de Sara est une intime supplication, qui n'ose s'avouer elle-même: «Ah! si seulement c'était vrai ! ... »
Ainsi de nos jours, Renée Massip nous raconte en un livre précisément intitulé Le rire de Sara (Gallimard 1966) qu'elle-même a « ri avant même de penser », devant une perspective de conversion amorcée par un appel intérieur, à Lourdes :« Et j'ai ri. J'ai ri comme Sara... C'était tellement ridicule d'écouter une promesse pareille. Elle a ri... Elle en a ri de peur d'y croire. Et Yahvé lui dit: Pourquoi ris-tu? Alors elle a eu peur de nouveau, mais peur qu'il ne reprenne cette promesse à laquelle elle ne veut pas croire ».
Peur d'espérer mais bien plus encore peur de ne plus espérer, la retombée serait tellement dure ! — Mais non ! la Promesse de Dieu ne dépend même pas de notre foi : de sa seule fidélité à Lui — et Il est le fidèle !
Sara enfantera donc Isaac en s'extasiant: « Dieu m'a donné de quoi rire; tous ceux qui l'apprendront me souriront» (21,6; cf. 17,18-19*). En son exemple, notre espérance...
Saint Paul cite Gn 18,10 en Rm 9,9 — pour introduire sa réflexion sur le mystère de la ’Prédestination' — avant d'en venir à l'exemple encore plus caractéristique d'Isaac et Jacob (v. 10-16), que nous retrouverons donc en // à Gn 25,20-26 / Db.
// Lc 1,11-14 Lc 1,30-37 — Comme par un fait exprès, à chaque fois que Dieu se prépare un élu, il l'attend d'une femme stérile: Sara, Rébecca, Rachel, la mère de Samson ou de Samuel. Et Marie, qu'il n'a pas voulu infirme, mais vierge. C'est toujours pour cette même raison qui portera encore Jésus à tarder jusqu'à ce que son ami Lazare soit mort, avant d'intervenir, pour que la puissance bienveillante et bienfaisante de Dieu éclate dans l'impuissance des moyens simplement humains (cf. 11,27-32* in fine — à la citation de 1Co 1,26-29 on pourrait ajouter celle de 2Co 12,7-10). C'est bien pour que, comme le déclare l'archange Gabriel, soit manifesté que « rien n'est impossible à Dieu » (Lc 1,36-37), faisant ainsi écho à la première preuve donnée en Sara que « Dieu est assez puissant pour tenir Parole », même à défaut d'homme (Rm 4,21 / Bx).
1322 Gn 18,16-33
— D. Barsotti: Il Dio di Abramo (p. 239) : Aussitôt après le repas de M ambré viennent la prédiction du châtiment de Sodome et l'intercession d'Abraham pour la ville. Avoir uni les deux récits par un lien si logique, si intime, si naturel, décèle chez le rédacteur un esprit profondément religieux, et suffirait déjà à démontrer la divine transcendance de ces pages inspirées. L'écrivain n'a vu aucune incompatibilité entre les deux épisodes, mais les a réunis de telle manière que l'une des plus hautes et des plus impressionnantes manifestations de la sainteté de Dieu, de sa toute-puissance et de sa Providence, devient la suite naturelle d'un récit où Dieu s'est révélé tout proche de l'homme. L'intimité de Dieu avec Abraham, l'étonnante familiarité dont il use avec lui, n'empêchent pas que ce Dieu est * le Juge de toute la terre », le Dieu très saint qui ne tolère pas le mal mais qui le punit par une condamnation redoutable. Ce ne sont pas deux récits soudés l'un à l'autre: Le récit est unique, et en même temps il révèle deux expériences de Dieu. Cela ressort du fait que l'intimité d'Abraham est précisément ce qui justifie son intervention auprès du Dieu transcendant, mais plus encore des paroles mêmes de Dieu qui commencent cette page admirable:
« Les hommes se levèrent et partirent dans la direction de Sodome. Abraham allait avec eux pour les accompagner. Yahvé dit: Puis-je cacher à Abraham ce que je vais faire? Car Abraham sera une nation grande et forte, et toutes les nations de la terre seront bénies en lui » ... Dieu ne peut détruire Sodome sans en parler à Abraham, parce que Dieu et Abraham vivent une même vie. Quand Jésus, dans la dernière Cène, voudra donner à ses disciples la preuve suprême de son amour, il leur dira : Je vous appelle mes amis, car je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de mon Père (// Jn 15,15). L'intimité exige une ouverture parfaite ; et Dieu, comme il ouvrira un jour son coeur à ses Apôtres, ouvre son coeur à Abraham : « Pourrai-je cacher... »
Moïse, Isaï'e, Jérémie, seront intercesseurs pour le peuple d'Israël: Abraham est l’intercesseur pour tous les peuples de la terre... Parce qu'il est l'ami de Dieu, il est appelé à participer à la plénitude et à l'universalité de la vie divine.
Ce n'est pas la grandeur d'Abraham, qui oblige Dieu à lui manifester ses secrets ; car la grandeur d'Abraham dépend essentiellement de la liberté absolue de Dieu. C'est plutôt l'amour même de Dieu qui après avoir appelé Abraham à son intimité, après lui avoir révélé ses desseins, fait ensuite de lui le principal instrument par le moyen duquel ces desseins s'accompliront. Dieu lui-même dit qu'il ne peut rien cacher à Abraham parce que toutes les nations de la terre seront bénies en lui. Et précisément à cause de cela, il peut intercéder pour tous.
Abraham se tient devant l'Éternel. Avec une confiance magnifique, il ose intercéder pour les cités coupables; mais en même temps ses paroles gardent un sens si profond de la transcendance divine, un sens si vrai de son propre néant devant le Dieu saint et redoutable !
En quelque manière Abraham s'élève si haut qu'il se mesure à l'Eternel: Il devient comme la Miséricorde luttant contre la Justice. Il sent la grandeur de Dieu et son propre néant; et cependant, en vertu d'une certaine investiture divine, il discute avec Dieu. L'homme a obtenu un pouvoir sur Dieu; mais la puissance de la prière est tout entière dans l'amour divin qui a élu l'homme.
En fait, s'il y avait eu cinquante justes à Sodome, le salut de la ville n'aurait pas été dû aux cinquante justes, mais à la prière d'Abraham — qui offre cette compensation à la divine justice pour l'impiété de la multitude. Quand Abraham pourra offrir son fils comme compensation, Dieu l’acceptera et le salut sera alors obtenu. Ce n'est pas pour rien que la liturgie hébraïque fait dépendre du sacrifice d'Isaac les grands événements de l'histoire d'Israël: D'abord et avant tout, la délivrance d'Egypte. Mais Isaac lui-même ne sera « le fils de la Promesse » qu'en figure — et de ce fait, son sacrifice lui-même sera seulement une figure ... La prière d'Abraham, pour être exaucée, attendra la mort de la Croix: Quand Abraham pourra offrir son Unique, Le Juste, parce qu'un seul juste suffira pour sauver la Cité, comme Jérémie l'avait prophétisé.
Ce n'est pas seulement la Pentapole, c'est toute l'humanité qui est condamnée, toute la création qui se précipite dans la ruine et la mort.
Gn 18,19 — Référence expresse à l'Alliance.
Justice et Droit, avec Miséricorde (la hésèd*) et Fidélité, sont les montants du trône, c'est-à-dire du gouvernement divin (Ps 89,15 Ps 97,2). Ce sera donc aussi la voie caractéristique des tenants de l'Alliance, d'Abraham à David (2S 8,15), préfigurant le Règne messianique (Ps 72 Is 9,6 et passim). C'est encore ce que les chrétiens ont à promouvoir, mais sans oublier toute l'ampleur spirituelle que la révélation biblique donne à ce programme de ’Justice' (Gn 15,6*).
Gn 18,20 — La clameur: comme le sang d'Abel ’clamait' vers Dieu (4,10). La Bible nous apprend ainsi que l'intervention divine n'est donc pas directement une vengeance personnelle infligeant au coupable un châtiment: c'est par bonté que Dieu s'émeut des souffrances que la malice des hommes multiplie et qui monte comme un cri jusqu'à Lui, au sens le plus réaliste: « J'ai vu, j'ai vu l'humiliation de mon peuple en Egypte et j'ai entendu ses cris devant ceux qui l'accablent » (Ex 3,7).
Il y a une certaine mesure au-delà de laquelle « leur péché est devenu trop grave ». Sodome l'avait dépassée; Canaan, pas encore: ce sera seulement 400 ans plus tard, au temps de l'Exode, que le mal atteindra son comble (15,16*).
Au surplus, le châtiment ne prend pas, d ordinaire, cette forme exemplaire (ch. 19*) du feu de Sodome ou des grandes eaux du Déluge. Dieu n'est pas un Jupiter qui n'aurait d'autre arme que sa foudre! C'est le Mal qui est, à lui seul, destructeur: « Le mauvais a conçu la douleur, enfanté la violence. Voilà qu'il tombe dans son propre piège: douleur qu'il inventa lui revient sur la tête, et sur sa nuque retombe sa violence ... Elles s'enfoncent les nations, dans l'abîme qu'elles ont creusé; à leur propre filet, leur pied se prend... Le pécheur est captif de l'oeuvre de ses mains » (Ps 7 et 9). Les cités terrestres ont généralement fini perdues de vices...
Gn 18,21 — La visite de Dieu est souvent prise en mauvaise part, annonçant ’le Jour' ou Me temps du châtiment'. Ainsi pour les prophètes, en particulier Jérémie. Ainsi dans l'Évangile même (// Lc 19,44). Mais là surtout, il est clair que cette ’visite' — qui n'est rien moins que l'Incarnation du Fils de Dieu (Lc 1,68) — est au contraire, comme ici, un dernier recours : car le Christ est envoyé pour sauver et non pour perdre (Jn 3,16-17). Visite favorable, par conséquent, pour qui sait entendre l'appel, comme Sara (21,1). Celui-ci peut prendre même l'aspect d'un songe prémonitoire (Si 34,6), comme on le voit au livre de Daniel (ch. 4 et 5), pour faire aussitôt prendre pénitence comme Ninive le fit pour son Salut à l'appel de Jonas, comme aurait dû le faire Jérusalem en réponse à l'objurgation pathétique du Christ (// Lc 13,34). Il est significatif que la Genèse elle-même se termine sur l'annonce de cette visite salvatrice de Yahvé à Israël quand il serait opprimé en Egypte (50,24) — mais qui elle aussi se traduirait pour celle-ci par les dix plaies célèbres.
Gn 18,22 // Ez 22,30, — Abraham se tenait encore devant Yahvé: c'est l'image même de l'intercesseur, tel que Dieu le cherche. Dieu le trouvera au moins en la personne de Moïse (Ex 32,31-34,9), David (2S 24,10-25) ou Néhémie — l'image de relever le mur devenant alors littérale (Ne 2-3). Puissance de la prière (// Lc 11,5 Mt 7,7 Lc 18,3) qui, loin d'exclure l'action, la galvanise!
Gn 18,23 — Rupert de Deutz: De Trinitate\i,4 (PL 167,406): « Non, tu ne feras pas une chose pareille... ! » Il prenait les intérêts de Dieu, ce fidèle serviteur; il voulait que son Maître juge et agisse de manière à être glorifié de ses jugements. C'est pourquoi le Seigneur Dieu ne méprisa pas cet homme qui l'avertissait et en quelque sorte le reprenait: Il céda à chacune de ses requêtes : « Pour cinquante, je pardonnerai... pour quarante je ne détruirai pas. . pour trente... pour vingt... pour dix. » Qu'il était donc fort, de la véritable force, cet homme qui tenait Dieu ! Fort, mais aussi s'humiliant lui-même fortement : «Je suis cendre et poussière... Ne t'irrite pas, Seigneur! » Oui, la vraie force, c'est l'esprit d'humilité, l'esprit soumis à la justice de Dieu ... Le prophète Isaïe se lamentait de ce que cet esprit ne se trouvait plus chez les hommes: « Personne, qui se lève et qui se tienne! ».
Gn 18,32 — À cause de ces dix... : Il est clair que ce n'est pas un minimum absolu: un seul suffirait (Jr 5,1), qui s'est trouvé, pour tous les hommes, en Jésus Christ, rédempteur, « toujours vivant pour intercéder en notre faveur » (He 7,25 — cf. dernier paragraphe du texte de D. Barsotti cité en Introduction à ce chapitre).
Bible chrétienne Pentat. 1317