Bible chrétienne Pentat. 1410

1410

1. Esaû et jacob

Gn 25-27)


Gn 25,20-34 — C'est l'exemple même du mystère de la prédestination qui a tant divisé les chrétiens au temps de saint Augustin, puis de la Réforme et du Jansénisme. Mieux vaudrait l'appeler le mystère de la liberté de l'élection divine... et de la nôtre. Dans le prolongement de la vocation d'Abraham (12,1*). Cf. // Ml 1,2 etc.*.

Gn 25,21Stérile, comme Sara ( 11,27-33 ; 18,9-15 // Lc 1,11-38 / Cb).

Gn 25,22Consulter Yahvé: L'attente d'un oracle de Yahvé, d'autant plus nécessaire qu'au début, aucune Loi ne guidait la volonté de fidélité à l'Alliance, se trouvera par la suite davantage précisée: soit que l'on recoure à un homme de Dieu (Ex 18,15 Ex 33,7), soit que l'on emploie l'éphod', objet mystérieux au moyen duquel on tirait les sorts (1S 14,18 1S 14,41-42 1S 23,9-12 1S 30,7-8). Plusieurs psaumes sont construits autour de cette consultation: Ps 3,20,60,85.

Gn 25,23Un peuple sera maître de l'autre : Cf Nb 24,18 et 2S 8,13-14, c'est bien « dès le sein maternel que Jacob supplanta son frère » (// Os 12,4 / Em).

Gn 25,25Le nom d'Ésaù: Jeu de mots entre manteau de poils (se'ar) et la montagne de Se'ir, résidence future de ses descendants, appelés Édomites, de ‘admôni’, roux (cf. v. 30*).

Gn 25,26Le nom de Jacob: signifie en réalité: ’Que Dieu protège' (Ya'aqob-EI). Mais on joue ici sur l'homonymie entre ’aqob' et "aqeb' (talon) ou’aqab' (supplanter).

Cyrille d'alexandrie : Sur Gn v (pg 69,230): Jacob représente le Christ lui-même, car c'est le Christ qui est le vrai « supplanteur ». Il est apparu comme homme après les grands saints de l'Ancien Testament, après les prophètes et Moïse: mais il a le droit d'aînesse, et il est le «premier-né », car il est le Fils Unique qui est venu au milieu de ses frères. Il a reçu du Père la bénédiction du pain et du vin ; les nations l'ont servi, les princes se sont prosternés devant lui, « celui qui le maudit est maudit, et celui qui le bénit est béni », conformément à la bénédiction d'Isaac.

// Ml 1,2 Rm 9,10-16J'ai aimé Jacob, j'ai haï Esau: Phrase scandaleuse que pourtant saint Paul confirme et aggrave en soulignant que c'est avant même leur naissance, quand ils n'avaient pu faire encore « ni bien ni mal »: notre élection par Dieu dépend d'abord de Sa seule liberté, non des oeuvres que nous pourrions faire. Et puisque tant Malachie que l'Apôtre parlent ici comme inspirés par l'Esprit de Dieu, essayons seulement de la « com-prendre », c'est-à-dire de la lire en harmonie avec toute la Révélation biblique.

Avant tout et par dessus tout, « Dieu est Amour », Dieu ne sait et ne fait qu'aimer. Tout le monde, absolument sans aucune exception : « Si tu avais haï quelque chose, tu ne l'aurais pas formé. Et comment une chose subsisterait-elle si tu ne l'avais voulue? Ou comment ce que tu n'aurais pas appelé aurait-il été conservé... Tu aimes tout ce qui existe et ne repousses rien de ce que tu as fait, Maître, ami de la vie » (Sg 11,24-26).

Dieu n'est pas comme nous, qui devons bien nous accommoder d'un monde donné: Il est le Créateur. Comme c'est « de rien » qu'il crée, son choix ne vient que de Lui, et non de quoi que ce soit qui viendrait de nous, puisque ce quoi que ce soit est par définition inexistant. C'est purement gratuit. Dieu ne crée que parce qu'il aime, en aimant, pour aimer sa créature. Esau comme Jacob.

Il ne faut donc pas durcir l'expression: J'ai haï Esau. On s'accorde à y reconnaître un hébraïsme qui veut rendre seulement la portée plus radicale de la préférence, de l'élection, du choix de Jacob. Ici comme dans l'Évangile d'ailleurs (« haïr son père et sa mère »), l'antithèse violente doit s'entendre comme imposant un choix.

En fait, Dieu offre à Esau longue et prospère destinée: de lui comme de son frère doit sortir un peuple (Gn 25,23); et quand Jacob veut lui donner une part de ses biens, Esau répond: « J'ai assez, mon frère; ce qui est à toi est à toi » (33,9).

Si Jacob est finalement avantagé, ce n'est pas dans sa difficile destinée de créature, mais comme appelé à une religion, à des relations plus intimes avec Dieu. Et cette vocation spéciale tient à la double liberté non seulement de Dieu, mais des deux jumeaux.

La liberté de l'élection, c'est tout simplement la liberté de l'amour divin (et de l'amour humain dans la mesure où il est « à l'Image de Dieu ») de se donner gratuitement, et sans autre raison que lui-même: «J'ai pitié de qui j'ai pitié, je fais miséricorde à qui je fais miséricorde » (Rm 9,15, citant ici Ex 33,19). Pas de comptes à rendre...

Le Christ revendiquera cette liberté de l'amour de Dieu dans la parabole des Ouvriers de la onzième heure: « Ne suis-je pas bien libre de disposer de mes biens comme il me plaît, ou faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon? »(Mt 20,15).

Ce qui paraissait au premier abord si scandaleux, est en réalité la condition sine qua non de la gratuité sans laquelle l'amour ne serait plus amour,’prédilection'.

D'autant que l'effet de cet amour est aussi suspendu à notre propre et libre réponse. Tout n'est donc pas joué à l'avance, comme tend à le faire imaginer le mot-piège de pré-destination. Car le préfixe initial semble annoncer que cette ‘destination’ serait ‘pré-fabriquée’, de sorte que tout soit fixé dès le départ. C'est évidemment faux ! Pour le Dieu éternel, il n'y a pas de temps, de succession, donc d'avant ni d'après. Dieu ne peut pré-voir ni pré-destiner: il voit tout, il est présent à tout, même à ce qui, pour nous, est déjà le passé ou encore à-venir; est présent pour Dieu ce à quoi nous, nous ne sommes pas encore présents.

On ne peut pré-voir que l'effet déjà pré-déterminé dans ses causes. Toute décision libre au contraire est, comme telle, imprévisible. Dieu lui-même ne pourrait en connaître l'issue au préalable. S'il sait, cela vient de ce qu'il est aussi contemporain du choix qui, pour notre myopie d'être temporel, n'est encore qu'un futur aléatoire.

C'est cette liberté réelle de l'homme que va montrer la suite même du récit.

Gn 25,27-34 — Ce que l'oracle divin avait énoncé avant même leur naissance (y. 23), Ésau et Jacob vont eux-mêmes le jouer librement, le moment venu: Esaü en choisissant la jouissance immédiate symbolisée par le plat de lentilles; Jacob en surprenant la bénédiction de son père et Isaac lui-même, qui n'est pas dupe, en confirmant au cadet l'héritage de la bénédiction d'Abraham (ch. 27 *), que, de fait, Esaü lui a cédé contre les lentilles.

// 1Co 3,7 1Co 3,9 1Co 3,11 — Ainsi jouent respectivement la liberté de l'homme et celle de Dieu. C'est Dieu, bien entendu, qui nous a aimés le premier, donc « prévus, prédestinés à reproduire l'image de son Fils... appelés à l'être, justifiés, glorifiés » (Rm 8,29-30). Notre coopération n'en est pas moins libre, ni réelle. Mais « avec Dieu », et sur « le fondement de Jésus-Christ ». De façon que Dieu fasse tout, sans nous dispenser d'avoir à faire (avec Lui) — ce qui est de notre ressort...

Gn 25,30De ce roux: nouveau jeu de mots entre la couleur du plat et celle d" Edom’ (v. 25 *).

Gn 25,31-34C'est ainsi qu'Ésau méprisa le droit d'aînesse: Donc, s'il a perdu l'héritage de la Promesse, c'est bien sa faute. La libre élection de Dieu n'a pas empêché que lui aussi choisisse librement, et s'exclue lui-même de l'intimité avec Dieu, par ce mépris à la fois impudique (c'est-à-dire: lourdement charnel) et profanateur (// He 12,16).

// He 12,16Que nul d'entre vous... L'avertissement s'adresse donc aussi à nous. C'est que, comme l'a l'interprété la tradition juive autant que chrétienne, cette opposition entre Esau et Jacob est typique de la double destinée entre laquelle toute l'humanité aura toujours à choisir, en même temps qu'à être choisie par Dieu.

Cela commence dès Caïn et Abel, Abraham et Lot, Isaac et Ismaël. Saint Paul mettra aussi en parallèle, dans la suite même de Rm 9, Israël et Pharaon (v. 17-24). Et trop longtemps, l'opposition s'est poursuivie entre le peuple aîné des Juifs, et les païens qui ont été appelés à les supplanter par la suite dans la bénédiction d'Abraham, en adhérant par la foi au Christ — en attendant la réconciliation finale, annoncée en conclusion de tout ce même passage de l'Épître aux Romains, ch. 11,11-36.

Car en Jacob, « le supplanteur », c'est surtout la préfiguration du Christ que la tradition chrétienne a su lire (cf. Cyrille d'alexandrie, cité en commentaire du v. 26).

isaac le pacifique (ch. 26) — Comme, après la vocation d'Abram au ch. 12, le ch. 13 manifestait sa générosité et sa liberté de coeur, de même après l'élection de Jacob au ch. 25, le ch. 26 donne Isaac en exemple de conduite pacifique et du pardon des injures.

Sur l'importance centrale de ce chapitre et de la stabilité d'Isaac en Terre Promise, cf. D. Barsotti (en Introduction à l'histoire d'Isaac et de Jacob).

Gn 26,1-2Il y eut une famine... Ne descends pas en Egypte: Ce n'est pas encore l'Heure : elle viendra avec Joseph (ch. 42-46).

Gn 26,3-5Séjourne en hôte: Toujours le thème de cette vie terrestre comme pèlerinage (12,5*; 23* et leurs // ).

s3 Je serai avec toi: le privilège de l'Alliance avec Dieu (17,1 *). C'est donc le souhait par excellence aux fidèles, à présent comme toujours : « Dominus vobiscum ! »

Cette confirmation de l'Alliance d'Abraham à Isaac est ainsi paraphrasée par chrysostome: « Je serai avec toi », moi, le Seigneur de qui viennent tous les biens, et je te bénirai. Maintenant, tu semblés un étranger et un errant, mais sache que toute cette terre te sera donnée, à toi et à tes descendants, parce qu'Abraham ton père a entendu ma voix... Imite donc son obéissance, et crois : ta récompense sera très grande, tu recevras le fruit du courage de ton père et de ta propre obéissance (Hom. 51 sur Gn — pg 54,453).

Gn 26,12-13 — chrysostome: Hom. 52 sur , 5/ tu admires la magnificence de Dieu, qui donne à Isaac le centuple, considère combien il nous promet davantage, à nous qui le servons après la venue du Messie, car il nous promet non seulement le centuple mais la vie éternelle, la possession du royaume des cieux! (Mt 19,29) Échange admirable!

Rupert de Deutz: De Trinitate vu, 10 (PL 167,454): « Isaac sema et récolta cent pour un ». Par ces semailles d'Isaac il faut comprendre que le nom du Christ grandit sur la terre.

Gn 26,14 — Mêmes difficultés, pour les mêmes causes, entre les bergers du troupeau d'Abram et ceux du troupeau de Lot (13,7 et // ).

Gn 26,16-18 — chrysostome: Hom 52 sur , Avec parfaite douceur, sans même un mot d'opposition, Isaac fit ce qu'ordonnait le roi et partit aussitôt. Il étouffa la flamme du ressentiment, manifesta sa pureté d'âme, adoucit même le trouble du roi. Il montrait déjà par ses oeuvres ce que le Christ ordonna plus tard à tous ses disciples: Quand ils vous persécuteront, fuyez en un autre lieu (Mt 10,23).

Mais se trouve également soulignée la fidélité d'Isaac au souvenir d'Abraham, par l'insistance delà mention du v. 15, redoublée au v. 18.

Gn 26,20-22 — Toujours les puits, évidemment vitaux pour les pasteurs et leurs troupeaux, mais qui évoquent en outre la soif des eaux vives (24,11 et 24,62-63* avec leurs // ). C'est elles qu'annoncera Jésus, au ch. 4 de Saint Jean, non sans dessein auprès du puits de Jacob (cf. // ).

chrysostome: Hom. 52 sur Gn (pg 54,459-460): Il cède, même aux bergers: c'est la douceur dans toute sa vérité, car s'il avait cédé seulement aux puissants, on aurait pu dire: c'est parce qu'il n'a pas le moyen de résister. Mais pour que nous sachions qu'en cédant au roi Isaac obéissait au mouvement de son âme plutôt qu'à la nécessité, l'Écriture mentionne que maintenant il cède aux bergers ... Il supporta ces vexations presque quotidiennement de la part des habitants de cette région, et cependant il ne perdit pas confiance, il ne dit pas: « Dieu m'oublie-t-il? » C est pourquoi il fut jugé digne d'une plus grande bénédiction, car tous ces incidents fortifièrent la vertu de ce juste. Creusant enfin un puits qui ne lui fut pas contesté, il dit: « Maintenant le Seigneur nous a fait grandir ». Médite cette action de grâces du juste: il ne mentionne pas les difficultés rencontrées, mais se souvient seulement des bienfaits de Dieu. Rien n'est plus agréable à Dieu qu'une âme reconnaissante et qui rend grâces; et cette action de grâces même le provoque à déplus grands dons.

Gn 26,23-25 — Si peu de développements que la Genèse accorde à l'histoire d'Isaac, voici, au même ch. 26, une réitération de la confirmation de l'Alliance (v. 3-5), scellée par l'érection d'un autel et l'invocation du nom propre de Yahvé, à l'exemple d'Abraham (12,8).

Gn 26,26-30 — Exemple de te protection des Patriarches par Dieu auprès des rois, comme le rappelle le Ps 105,14, cité en // à un autre témoignage de cette même protection dont bénéficiera Jacob (31,24 / Ef).

Gn 26,27 — chrysostome: Hom 52 sur , Il ne les traita pas du haut de sa grandeur, mais dit avec sa douceur habituelle: Pourquoi êtes-vous venus? Voilà qu'ils viennent à ce fugitif sans patrie, à cet errant qu'ils avaient chassé. Ils viennent en suppliant: et non seulement ils s'excusent, mais ils célèbrent le juste: « Nous avons vu que le Seigneur est avec toi ». Il a fallu l'intervention divine pour leur faire reconnaître le juste: personne ne les y contraint, mais le Juge incorruptible les a réveillés par la conscience.

Gn 26,28-29Nous avons vu que Yahvé est avec toi: Dieu a tenu Sa promesse du v. 3.

Gn 26,30Il leur fit un festin: chrysostome: Hom 52 sur , Ce festin prouve qu'il ne se souviendra pas des injures reçues ... Ce juste n'avait pas encore l'enseignement de la Loi; mais il suivit les traces de son père; et conduit par la conscience qui est le pédagogue de la nature humaine, il manifesta la philosophie d'un maître. Car ses actes ne montrèrent pas seulement sa propre vertu mais accomplirent d'avance les préceptes du Christ. Le Christ a dit en effet à ses disciples: « Aimez vos ennemis. Faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous persécutent et vous cherchent querelle, afin d'être les fils de votre Père du ciel qui fait lever son soleil sur les bons et les mauvais, et répand sa pluie sur les justes et les injustes... Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,44-48). Tout cela, il l'accomplissait bien avant le temps du Christ. Il offrait un banquet à ceux qui l'avaient poursuivi de leur haine; il excluait de son âme tout désir de vengeance.

Pourrons-nous être pardonnes, nous qui après la grâce, après l'enseignement et les préceptes du Sauveur, n'arrivons pas à la cheville de ce juste? Et pourtant nous n'obtiendrons pas le salut si nous ne marchons sur cette voie.

Au Sinaï également, la conclusion de l'Alliance se terminera en un repas des notables d'Israël ; « Ils contemplèrent Dieu, et ils mangèrent et ils burent » (cf. 31,54 // Ex 24,9-11).

Rupert de Deutz: De Trinitate vu, 11 (PL 167,457): Quand ce sera l'ultime Alliance, définitive, le Christ leur fera un festin dans le royaume de leur Père (Mt 26,29).

// Mt 26,47 — Le rapprochement qui précède entre les repas concluant les alliances antécédentes et la Cène ou Jésus annonce la Nouvelle Alliance en son sang et nous en donne le sacrement, légitime le parallèle entre les deux rencontres menaçantes d'Isaac avec Abimélek (ou de Jacob avec Laban, au ch. 31,24) et du Christ avec Judas — même si Judas, lui, répondra à la proposition de paix par la perpétration de sa trahison.

Gn 26,34-35 — chrysostome: Hom 53 sur , Pour que nous sachions quelle fut l'insolence d'Esau, l'Écriture nous fait connaître l'origine païenne de ses femmes. Il n'aurait jamais dû agir ainsi, sachant parfaitement combien le patriarche avait tenu à ce que son fils Isaac prenne une épouse dans sa parenté — car Rébecca était sa propre mère, à lui Esau. Dès le début, donc, quand Ésaù se marie sans avoir égard à ses parents, il manifeste que sa vie n'est pas dans l'ordre. De plus, ces femmes n'ont pas un caractère agréable, puisqu'elles exaspèrent Isaac et Rébecca. De tels détails ne sont pas inutiles; car dans la suite, quand tu verras Rébecca favoriser Jacob, tu sauras qu'elle ne fit pas une injustice.

Rupert de Deutz: De Trinitate vu, 12 (PL 167,457): L'Écriture note qu'Esaù dégénère: et plus il dévie de la voie, plus il laisse de lui-même la place à son frère, qui de plus en plus «le talonne » ... Quand il prend des femmes étrangères, il méprise la bénédiction accordée à la descendance d'Abraham. Car s'il avait souhaité engendrer des fils inclus dans cette bénédiction, jamais il n'aurait pris ses épouses parmi des peuples que son père réprouvait, que son aïeul Abraham avait jugé devoir éviter, et qui remplissaient d'amertume sa mère Rébecca. Il compta donc pour rien le jugement de ses parents, et ne se soucia pas des promesses divines, mais opta pour une alliance avec des hommes du pays plutôt que pour le secours de Dieu.

// Esd 9,1-2 — Tout au long de l'Histoire Sainte, ces mariages avec des femmes païennes seront une épine empoisonnée pour Israël. Car le mariage est une alliance et l'Alliance avec Dieu, union nuptiale, comme le révéleront surtout les prophètes.

Dès avant le déluge; ces mariages entre fils de Dieu et filles des hommes sont stigmatisés (6,1-3*). Salomon y perdra sa gloire, et la réforme d'Esdras, au retour de l'exil, sera intraitable sur ce point (// Esd 9,1-2 cf. Esd 10,44 — comparer avec Tb 4,12 / Dq). Les compromissions avec l'incroyance ne sauraient être exclues avec moins de rigueur de la Nouvelle Alliance (1Co 10,21-22).

// Esd 9,2Donné dans cette infidélité. Littéralement: donné la main à cette infidélité. « Accorder sa main », encore une image du mariage, et des liens exclusifs qui rendraient infidèle et adultère quiconque donnerait la main à toute autre alliance.

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la bénédiction d'isaac

Gn 27)


 — L'importance de l'épisode vient de son objet, qui est la transmission de la bénédiction d'Abraham. Ne donnons pas une importance démesurée à la ruse de Jacob qui en est le moyen.

Bien que « la fin ne justifie pas les moyens », Jacob était légitimé dans son droit de recevoir cette bénédiction du fait qu'Esau l'avait méprisée et la lui avait cédée avec son droit d'aînesse. En tout cas, le souci de l'excuser a porté les Pères à souligner que ce qui était pour Jacob un subterfuge est devenu vérité dans le Christ, portant nos péchés. D'où le choix des parallèles.

Gn 27,1-4 — chrysostome: Hom 53 sur GN (PG 54,464): Dans le récit du chapitre vingt-septième, je t'invite à méditer sur les profondeurs de la sagesse de Dieu: le père, par une préférence naturelle, donne ses ordres pour qu'Ésaù reçoive la bénédiction; mais le Seigneur sage et tout-puissant prend soin d'accomplir par Rébecca l'oracle prophétique. Esau croyait tenir la primauté, du fait de son droit d'aînesse et de l'affection de son père; or Il se trouva frustré de tout, parce qu'il ne voulut pas apporter sa bonne volonté. Jacob au contraire coopéra à la grâce d'en haut par son bon comportement familial, et s'empara de la bénédiction malgré son père.

// Jn 6,38 He 10,5-9 — Me voici... Voici, je viens...: Il ne s'agit évidemment pas de faire équivaloir Ésaû au Christ ! mais de retrouver une ligne spirituelle qui est celle d'Abraham, avec son triple « Me voici » du ch. 22 (v. 3*, et D. BARSOTTI, au même chapitre), de Jacob lui-même (Gn 31,11); de Moïse (Ex 3,4), ou de la mère du Christ: « Ecce ancilla... » (cf. Yves Fauquet, cité en Gn 1,29-30* et Gn 2,18-23*).

Gn 27,6-13 — chrysostome: Hom 53 sur , Regarde: dans les conseils de Rébecca, il y a l'amour maternel, sans doute; il y a, plus encore, le dessein de Dieu. Quant à la réponse de Jacob à sa mère, elle manifeste l'honnêteté de cet enfant, son respect pour son père, et la sainte crainte d'une malédiction.

ambroise: De Jacob, n, 2 (PL 14,617): Rébecca ne préférait pas un fils à l'autre, mais elle préférait le juste à l'impie. Pour cette mère fidèle, le mystère comptait plus que le fruit de ses entrailles. Elle ne préférait pas Jacob à son frère, mais elle présentait au Seigneur celui qu'elle savait capable de garder le don de Dieu. Ce faisant, elle prenait l'intérêt même de l'aîné, puisqu'elle lui évitait d'offenser Dieu: car il aurait aggravé sa faute, s'il avait reçu et perdu la grâce de la bénédiction.

tob souligne que, comme il est arrivé si couramment dans les familles, sans revendication bruyante, de fait c'est Rébecca, la mère, qui mène le jeu.

// Jn 6,27 — Simple rappel de ce qui est en jeu, même dans les occupations les plus prosaïquement quotidiennes de l'homme, comme la préparation de la nourriture: « Ne regardons pas aux seules réalités visibles, mais aux invisibles », ainsi qu'à ce « poids éternel de gloire » (2Co 4,17-18) qui nous est promis comme à Jacob.

Lui que le Père a marqué de son sceau: Être’signé',’marqué d'un sceau', assure à son porteur le même respect qu'à celui-là même qui l'en a muni, en même temps que sa mission s'en trouve authentifiée. L'image se trouve déjà dans les Prophètes (par exemple, de Zorobabel, en Aggée 2,24) ou les Psaumes (Ps 4). L'idée s'en trouve même, implicitement, à propos des Patriarches au Ps 105,12-15. Mais si le Roi de Tyr, avant sa déchéance, est chanté par Ézéchiel (28,12) comme « un sceau de perfection », incomparablement mieux le Christ, du fait qu'il est le Verbe incarné, parfaite Image du Père. Tout le 4ème Évangile est l'apologie de cette présence du sceau, c'est-à-dire du point d'origine, qui est le Père. On peut donc comprendre: << Car c'est en Lui » — et tout particulièrement par sa Promesse présente de se donner Lui-même en victime pascale et en nourriture — que le Père a inscrit la preuve même de sa mission divine. En Lui, Jésus, bien plus que dans les prophètes antérieurs. Ceux-ci ont préparé la théophanie suprême, qui est Jésus : « Philippe, qui me voit, voit le Père ».

À sa suite, nous tous, ses disciples, sommes « marqués du sceau de Dieu, dans le Christ, par l'Esprit Saint » (2Co 1,22 Ep 1,13 et Ep 4,30 Ap 7), pour la même authentification et la même manifestation dans le même don de nous-mêmes, comme le Christ l'annonce pour conclure ce même discours (Jn 6,57).

// Tb 4,3 — Ici encore, sans prétendre à un rapport direct entre la Genèse et Tobie, on veut seulement dégager une ligne spirituelle d'adhésion à la conduite maternelle, qui trouvera son expression chrétienne dans la dévotion à Marie.

Gn 27,14 — ambroise: De Jacob, II, 2 (PL 14,617-618): Celui-là l'emporta, que la parole divine avait désigné. Jacob alla au troupeau et rapporta l'offrande prophétique : car il crut que nulle nourriture ne pouvait être plus agréable au patriarche que le Christ lui-même, « sacrifié comme un agneau » (Jr 11,19). Il jugea que pour le père du peuple et pour le peuple même qu'il personnifiait, l'aliment salutaire était celui qui rachèterait un jour les péchés du monde.

Une fois admis le sens (et l'aboutissement) de la scène dans le Christ, en Jacob couvert de la peau des chevreaux et des vêtements d'Esau, il est facile d'y lire l'annonce du Christ solidaire de nos péchés, de même que dans le plat et le pain remis par Rébecca, le Christ, fils de Marie, se donnant à nous en nourriture. Plus loin, l'odeur évoquera « la bonne odeur du Christ » que les chrétiens ont à être: une fois de plus, nous observons une convergence des signes dans le Christ, si l'on se place dans cette perspective messianique :

Bernard: Cant. 28,2-4 (i, 193-195): Il est bon qu'un seul prenne la ressemblance de la chair de péché ... Sous cette peau de chevreau, signe du péché, je reconnais la main étrangère au péché, la nuque jamais courbée sous l'emprise du mal.

Je sais. Seigneur, que par nature tu es doux, humble de coeur, abordable, paisible, souriant, toi qui fus oint de l'huile de joie. D'où te vient donc la ressemblance d'Esau, cette affreuse apparence du péché? Ah, c'est la mienne! Je reconnais ce qui m'appartient, et sous mon enveloppe je vois mon Dieu, mon Sauveur.

Ce n'est pas Rébecca qui l'a vêtu ainsi; c'est Marie, mère plus sainte. Le Fils est digne de recevoir la bénédiction la plus haute. Il a pris mon habit, car c'est pour moi qu'il revendique la bénédiction, pour moi qu'il réclame l'héritage. « Demande-moi, lui avait-on dit! Je te donnerai les nations, ton héritage, et les confins de la terre, ta propriété » (Ps 2). Ton héritage? Ta propriété? S'ils sont à lui, pourquoi les demander? Mais c'est pour moi qu'il demande, celui qui a pris ma forme pour plaider ma cause. « Sur lui la peine qui achète notre paix », dit l'Ecriture. Sur lui le Seigneur a posé l'iniquité de nous tous, et il a fallu qu'il ressemble en tout à ses frères. Voilà pourquoi la voix est celle de Jacob et les mains celles d'Ésaù. Est sien ce qu'on entend de lui, nôtre ce que l'on voit sur lui. Ce qu'il dit est esprit et vie; ce que nous voyons est mort de la chair. Le sens nous le montre obscurci, la foi rayonnant et glorieux. Il n'est méprisable qu'aux yeux des insensés: méprisable dans la pensée d'Hérode, mais radieux dans l'aveu du larron et la foi du centurion.

... « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu », s'exclame le centurion. D'où le voit-il? Le Fils de Dieu crucifié entre deux larrons n'offrait aux regards qu'une forme lamentable, excitant la moquerie des méchants, les larmes des amis fidèles. On se moquait de celui-là seul qui seul est digne d'inspirer la terreur, et seul mérite l'honneur. Comment donc le Fils de Dieu fut-il reconnu parmi les scélérats qui l'entouraient? L'Évangéliste a soin de le préciser: Le centurion, voyant qu'il avait expiré avec un grand cri, l'affirma: « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu! » C'est à la voix qu'il crut, à la voix qu'il reconnut le Fils de Dieu. Sans doute était-il de ces brebis dont Il a dit: « Mes brebis entendent ma voix ».

// Jn 1,29Qui enlève: ’Airéô', en grec, comme ’Tollere' en latin signifie porter et enlever, porter pour enlever. Donc nous choisissons de traduire le résultat.

Gn 27,18 — chrysostome: Hom 53 sur , Quand Isaac l'interroge: « Qui es-tu? » considère quelle dut être l'anxiété de Jacob? Mais parce que c'était l'oeuvre de Dieu, tout fut accompli.

Gn 27,20Yahvé ton Dieu : C'est encore Isaac son père qui est l'héritier de l'Alliance que celui-ci va bientôt transmettre à Jacob, avec la bénédiction d'Abraham : dès le chapitre suivant, « Yahvé, le Dieu d'Abraham ton père et le Dieu d'Isaac » lui promettra de l'accompagner aussi, lui Jacob, et d'accomplir pour lui la Promesse, devenant ainsi désormais « Dieu de Jacob » (28,13-21).

Gn 27,22La voix est la voix de Jacob: est-il si sûr qu'Isaac soit trompé par le déguisement assez grossier de son fils? Tenant compte de la subtilité orientale, capable de se faire comprendre à mi-mots, comme on l'a vu dans l'achat de Makpéla par Abraham (ch. 23), n'est-il pas vraisemblable qu'Isaac laisse entendre qu'il n'est pas dupe, mais ne peut pas s'opposer à la substitution du cadet à l'aîné, que l'oracle de Dieu avait annoncée dès avant leur naissance (25,23): Isaac, pas plus que Rébecca, ne devait l'avoir oublié.

Gn 27,26-29 — Rupert de Deutz: De Trinitate vu, 17 (PL 167,462): « Voici: l'odeur de mon fils est comme l'odeur d'un champ opulent que le Seigneur a béni. Que Dieu te donne l'abondance du froment et du vin ! » Isaac prophétise une abondance qui est maintenant réalisée, et qui continue de se réaliser jusqu'à la fin des siècles, à savoir que toute la surface de la terre est comme un seul champ où se multiplie la semence d'Abraham.

« Que les peuples te servent, que les tribus se courbent devant toi ». Qui est Celui que servent les peuples, et devant qui les tribus se courbent, sinon le Chef de cette semence d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Christ?

« Que devant toi se prosternent les fils de ta mère », c'est-à-dire tous les citoyens de la Jérusalem d'en haut, qui est notre Mère à tous.

Toujours la lecture « en perspective ». // Ep 5,2 2Co 2,14-16 — La bonne odeur, rapportée le plus souvent au sacrifice, dans les Livres du Lévitique ou de l'Exode comme en Ep 5,2, signifie l'agrément de Dieu (dans l'expression rituelle: ’sacrifice d'agréable odeur à Yahvé', ’agréable' est à prendre au sens fort, effectif, de sacrifice que Dieu agrée, ou qui M'apaise'). Elle entraîne ici la bénédiction sur Jacob. Dans la Nouvelle Alliance, c'est le sacrifice du Christ qui rend agréables à Dieu même les pécheurs, pourvu qu'ils se tiennent solidaires de la Rédemption du Christ (nouveau Jacob) comme ce dernier était environné de la fragrance des vêtements d'Ésau. Mais, par cette même solidarité, à nous ensuite d'être « la bonne odeur du Christ », répandant à tous ceux qui la reçoivent, « le parfum de la connaissance ».

Qui est capable') La réponse à cette question se trouve en 2Co 3,5 : « Ce n'est pas de nous-même... c'est Dieu qui nous a donné qualité... »

/ Mt 13,38 — C'est le Christ même qui, par ses paraboles, nous invite à discerner dans les réalités les plus terrestres, une image de notre destinée surnaturelle.

Gn 27,28Froment et vin en abondance : Signe de la bénédiction divine, ici comme dans la finale du Ps 72, messianique (// ).

Maudit soit qui te maudira : Si la formule se retrouve jusqu'en Tobie (/), c'est comme ici en écho de la Promesse primordiale faite à Abram en Gn 12,3. On la retrouvera, avec toute sa force dramatique, pour condamner ceux qui, refusant la Rédemption du Christ, commettent le péché irréparable (Ps 109,16-20 Mt 12,22-32).

Gn 27,30-38Isaac trembla... Esaupoussa de grands cris d'indignation : Tout ce passage insiste sur le caractère irrévocable de cette bénédiction qui, loin d'être seulement un souhait pieux, constitue la transmission effective de la bénédiction divine promise à Abram.

chrysostome : Hom 53 sur Gn (pg 54,469) : « Je l'ai béni, et il est béni ». Isaac, en affirmant le fait, inflige ainsi une blessure nouvelle et plus grave à l'esprit d'Esau: c'est la Sagesse de Dieu qui dirige sa langue, pour qu'ayant ainsi tout appris, Esau sache que désormais droit d'aînesse ni gibier ne lui servent de rien.

RUPERT de deutz: De Trinitate vu, 13 (PL 167,458): Pourquoi Isaac n'avait-il qu'une seule bénédiction? Et quel est ce froment et ce vin qui ne peut être partagé par des frères ennemis? Disons d'abord que Dieu n'a pas promis à Abraham plusieurs semences, mais une semence, qui est le Christ, en qui sont bénies toutes les nations (Ga 3,16). Quelle autre bénédiction le père pouvait-il avoir? Nécessairement, il n'en avait qu'une. Or deux frères étaient là, et deux peuples ennemis sortiraient d'eux, suivant la vérité de la prédiction: Deux peuples sont dans ton sein et ils se diviseront (Gn 25,23). Comment aurait-il pu communiquer à deux frères divisés l'unique semence qui est le Christ? Carie Christ est un, et il n'est pas dans la division, il est dans l'unité.

D'où les // 1Co 1,13 et 8,6 — Rupert de Deutz: De Trinitate vu, 18 (PL 167,463): Il est clair que non seulement Ésaù manquait de foi, mais qu'il n'avait aucune connaissance ni espérance de cette semence qui est le Christ, et qui résumait toutes les bénédictions paternelles: car il dit: « N'as-tu donc qu'une seule bénédiction? »


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2. L'exil de jacob

Gn 28-30)


Gn 27,41-46 — Toujours le rôle prépondérant de Rébecca, la mère. Toujours l'exclusion nécessaire des femmes païennes (// Tb 4,12 cf. Gn 24,3-8*; 26,34-35*).

Gn 28,1 — Rupert de Deutz: De Trinitate vu, 20 (PL 167,465): « Isaac appela Jacob et le bénit ». Il l'avait d'abord béni sans le savoir — ou plutôt, c'est Dieu lui-même qui avait béni Jacob par les mains d'Isaac à son insu. Mais à présent, il l'appelle par son nom et le bénit sciemment, c'est-à-dire qu'il confirme sur lui la bénédiction dérobée pour ainsi dire. « Que Dieu te donne les bénédictions d'Abraham ». Ces paroles montrent bien que « la Fin » de cette bénédiction n'était rien d'autre que la semence d'Abraham, c'est-à-dire le Christ (Ap 21,6). Tandis qu'Esau, qui avait pris deux épouses hittites et en ajoutait maintenant une troisième, prise chez les Ismaélites, s'éloignait de plus en plus de l'héritage des promesses. Sara avait dit en effet: « Le fils de la servante ne sera pas héritier avec mon fils Isaac » (Gn 21,10).

Gn 28,3 — El Shaddaï: cf. 17,1*.

Gn 28,10-11 — Cyrille d'alexandrie : Sur Gn, v (pg 69,232): Comme Jacob s'éloignant de la maison paternelle, le Christ a pour ainsi dire quitté le ciel pour se rendre auprès de Laban qui figure le monde, car Laban ignorait qui était le vrai Dieu et rendait un culte à plusieurs idoles. Le monde appartenait au Christ, Créateur et Maître de l'univers, mais d'une certaine manière le monde n’était pas à sa disposition, ayant fait défection, et s'étant donné à un autre par le péché: c'est Satan, que le monde avait pour roi. Le Verbe descendit donc du ciel, quittant pour ainsi dire la maison de son Père, et il vécut comme un hôte et un étranger dans ce monde qui pourtant lui appartenait. C'est ce qu'atteste Jean quand il dit: « Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l'a pas connu ». Ces paroles se rapportent à l'époque de l'avènement du Messie; mais avant l'Incarnation, le Verbe était vraiment dans son propre bien en tant que Dieu. Ignoré du monde, il avait soin de nous, par sa bonté éternelle, sa divine bénignité. C'est ce que nous exprime la figure de Jacob, car il fit paître les brebis de Laban sans recevoir de salaire, n'ayant en vue que les noces, et les fils dont il serait le père.

Rupert de Deutz: De Trinitate vu, 21 (PL 167,466): Ce n'est pas pour rien que l'Apôtre appelle nos pères «pèlerins et étrangers » (He 11,13 ss). Car, dit-il, ils cherchent une patrie, ils en désirent une meilleure, céleste. Nous reconnaissons bien en Jacob ce désir; car, était-il donc si pauvre qu'il dût s'expatrier, misérablement, ne possédant qu'un bâton comme il le dira au chapitre trente-deuxième? N'ayant rien pour reposer sa tête, que les pierres du chemin? Son père n'était-il pas un homme puissant, et Abraham son aïeul n’avait-il pas vaincu des rois? Que nous propose donc l'Écriture en un tel exil, sinon l'admirable pauvreté d'esprit de notre père Jacob, en ce moment où il part chercher une épouse, comptant que le Christ, salut du monde et bénédiction de tous les peuples, naîtra de sa semence en vertu de la foi paternelle?

Ce fugitif était bien digne de la protection céleste, lui qui sans lire les Ecritures avait appris par la seule foi que pour entrer en possession de l'héritage promis, pour semer l'espérance de la semence bienheureuse, il fallait partir non en triomphateur mais humblement, et comme un suppliant.

Ils imitent Jacob ceux qui, envoyés par la bénédiction de Dieu le Père et de son Fils Jésus-Christ avec la grâce du Saint-Esprit pour semer la semence spirituelle, déposent les fardeaux de ce monde et tendent, nus et sans bagage, vers leur but. Ils veillent, ils travaillent, ils jeûnent, estimant ne rien savoir d'autre que le Christ, le Christ crucifié (1Co 2), et ils disent avec l'Apôtre: Nous n'avons pas ici d'habitation permanente, mais nous cherchons notre demeure future (He 13,14). Pour eux, la porte du ciel s'ouvre, et une échelle se dresse afin qu'ils y montent, cette échelle qui apparut à Jacob.


Bible chrétienne Pentat. 1410