Bible chrétienne Evang. - § 308. Jésus se cache : Lc 21,37-38 //Ex 19,3 Ex 19,20 Ex 24,12 Ex 34,2

§ 308. Jésus se cache : Lc 21,37-38 //Ex 19,3 Ex 19,20 Ex 24,12 Ex 34,2


(Lc 21,37-38) // Ex 19,3 Ex 19,20 Ex 24,12 Ex 34,2)

— Cet homme que les foules écoutent encore, « dès l'aurore » (Ps 63,2), est déjà menacé par les autorités juives qui cherchent à s'en saisir § 275 — Lc 19,47-48, et Mt 21,17 ou Mc 11,11 qui nomment aussi Béthanie comme lieu de refuge;§ 277) — Mc 11,18-19;§ 267 et 271) — Jn 11,45-57). Qu'en de telles circonstances, et jusqu'au coeur de sa Passion, Jésus annonce imperturbablement son Jugement et son Règne de Fils de l'homme § 291 -307*; § 342 - Mt 26,64*; § 347 — Jn 18,36*), si ce n'est pas folie cela doit tenir à une conscience surhumaine de ce qu'IL est...

Mais il y a sans doute en ces « retraites » davantage que la nécessité de se cacher : nous nous trouvons plus profondément en présence de l'alternance mystérieuse qui fait la vie du Christ : le jour, Il enseigne les hommes ; mais dans le désert ou sur la montagne, la nuit, Il prie son Père (Lc 5,16 Lc 6,12 etc. ). C'est ce que souligne le // avec Moïse et son va-et-vient, de la plaine où se tient Israël au Sinaï où il rencontre Yahvé dans la Nuée. On sait que ce // Entre Jésus et Moïse* est au moins suggéré par les Évangiles, que ce soient les Synoptiques ou Saint-Jean § 150 — Jn 5,45-47*).

Plus généralement, c'est un rappel à tout disciple et apôtre du Christ que son action doit découler de la source vive qu'est son union à Dieu, laquelle exige un temps suffisant de < retraite > priante...

sur le mont qu'on appelle des Oliviers: Concorde avec Jn 18,2 § 338 . Avec son art de composition habituel, en deçà de la Cène, Luc déjà projette l'ombre de Gethsémani.



§ 309. Jésus annonce sa glorification par sa mort : Jn 12,20-36


(Jn 12,20-36)

— Nous avions laissé Jn 12,12-19 aux Rameaux § 273 . À la place de ce que les 3 Synoptiques nous rapportent sur ces derniers jours en liberté § 274 -308), Jean choisit cette scène qui n'est pas sans rapports avec ce qui, dans Mt-Mc-Lc, se trouve situé dans la lumière soit de la Transfiguration, soit de l'Agonie (dont Jean ne parle pas directement). Ce paragraphe en tiendrait donc lieu, témoignant à quel point sacrifice et glorification se tiennent (Ph 2,9, « C'est pourquoi Dieu l'a exalté... »). X. Léon-Dufour a bien mis en valeur ces rapprochements (Et. d'Év., p. 116-119). Comparer :

1) Jn 12,23 : « L'heure est venue où le Fils de l'homme sera glorifié », avec § 166Mt 16,21 Mc 8,31-32 Lc 9,22 : « Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup... et qu'il ressuscite le troisième jour ».

2) Jn 12,25 : « Qui aime son âme la perd... qui hait son âme en ce monde la garde pour la vie éternelle »; et § 168Mt 16,25 Mc 8,35 Lc 9,24 -« Qui voudrait sauver son âme la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi [et de l'Évangile — Marc] la sauvera ».

3) Jn 12,26 : « Si quelqu'un me sert... qu'il vienne à moi »; et § 168Mt 16,24 Mc 8,34 Lc 9,23 : « Si quelqu'un veut venir à ma suite... qu'il prenne sa croix et vienne à moi ».

4) Jn 12,27 : « Mon âme est troublée... Père, sauve-moi de cette heure »', et § 337Mt 26,38-39 Mc 14,34 Mc 14,39 Lc 22,42 — « Mon âme est triste à en mourir... Père, éloigne de moi ce calice ».

5) Jn 12,28 Jn 12,30 : « Vint une voix du ciel : Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore... Cette voix, c'est pour vous » ; et § 169Mt 17,5 Mc 9,7 Lc 9,35 — « De la Nuée, une voix : Celui-ci est mon Fils, le Bien-Aimé. En Lui mon amour est parfait. Écoutez-Le ».

Et l'on pourrait encore rapprocher 6) Jn 12,24 : « Si le grain de blé semé en terre... il porte beaucoup de fruits »; et § 126Mt 13,8 Mc 4,8 Lc 8,8 : « Le grain qui tomba sur la bonne terre... donna du fruit au centuple ».

Il est vrai que Saint-Jean n'a pas gardé les indications plus concrètes sur le cadre et la théophanie elle-même de la < Transfiguration >, mais c'est qu'il vise à nous en faire sentir davantage l'intériorité et la continuité que la manifestation éclatante exceptionnelle. Ce qui émerge ici, mystérieusement, mystiquement, est le «foyer lumineux, permanent, de l'existence de Jésus. Pour ceux qui < croient >, les actions de cet homme sont transfigurées par cette source intérieure de lumière, et deviennent des < signes > à travers lesquels ils peuvent reconnaître les < oeuvres > du Père et sa gloire ainsi manifestée. C'est dès le prologue de son Évangile que Jean affirme, à propos de toute la vie de Jésus dans < la chair > et dans < le monde > : « Nous avons vu sa gloire » (Jn 1,14), pas seulement à propos de la Transfiguration. Ce ne sont plus simplement les trois disciples privilégiés, mais tous les croyants qui peuvent et doivent être les témoins éblouis de la gloire de Jésus » (X. Léon-Dufour; Loc. cit.).

Jn 12,20-22 — Quelques Grecs : de ceux, prosélytes ou non, qui sont des < craignant-Dieu > et agréés de Lui, comme le centurion romain Corneille, premier des païens à être baptisé (Ac 10,2 Ac 10,22 Ac 10,35 Ac 13,16 Ac 13,26). Il est significatif que Jésus, se voulant jusqu'ici « envoyé aux brebis perdues de la Maison d'Israël » § 156Mt 15,24*), soit demandé à présent par ces prémices des < nations >. Il est vrai que, dès sa naissance, les Mages annonçaient sa Gloire universelle...

Ces Grecs venant adorer Dieu veulent « voir » Jésus, donnant ainsi l'exemple de ce qu'après la Cène, le Christ reprochera au même Philippe de n'avoir pas compris lui-même : « Qui m'a vu a vu le Père » § 326 — Jn 14,9*). L'approche compliquée, par Philippe, puis André, vient moins de la densité de la foule qui assiège le Christ que de la nouveauté de cet < accès >, qui sera donné à tous par le sacrifice du Christ (He 10,19-20 cf. § 355 — Mt 27,51*).

Jn 12,23 — L'Heure* est venue : À la différence de Cana § 29Jn 2,4*) ou de la montée pour la fête des Tentes § 256Jn 7,6 Jn 7,8 Jn 7,30 Jn 8,20; cf. Jn 11,9. C'est donc désormais pour « maintenant » (v. Jn 12,27 Jn 12,31; cf. Jn 13,1 Jn 17,1 Mc 14,35 Mc 14,37 Mc 14,41).

Cyrille d’Alexandrie; Sur Jean (PG 74,84-85) : C'est au moment où les Gentils sont pressés de le voir et de Vécouter, que Jésus dit : «L'heure est venue »; car le temps de sa Passion était proche, que suivrait aussitôt l'appel aux nations. Par « l'heure », il entend ici le temps présent : non qu'une nécessité étrangère l'oblige à souffrir maintenant, mais parce que ce temps a été fixé d'avance par lui-même. Ayant accompli tout ce qui devait conduire les hommes à la foi, et annoncé la parole du Royaume des cieux, il veut marcher désormais vers ce qui est le couronnement et la récapitulation même de l'espérance, à savoir : détruire la mort; et cela ne devait se réaliser que si la Vie elle-même souffrait pour tous la mort, afin que tous vivent dans le Christ. C'est pourquoi il voit « sa gloire » dans sa mort même et dans tout ce qu'il aura à souffrir de la part de pécheurs qui n'auront pour lui nul respect. Il est toujours glorifié par les anges des cieux, mais la Croix est devenue pour lui le commencement d'une glorification : celle que, sur terre, il reçoit des nations comme Dieu. Lorsqu'en effet, laissant les Juifs qui l'avaient outragé, il va aux païens, ceux-ci le glorifient comme Dieu et attendent sa venue dans la gloire du Père. Car il ne dit pas simplement que < le Verbe > sera glorifié : mais montrant le Fils un, en qui nous reconnaissons, ineffablement, l'humanité et la divinité, il dit « le Fils de l'homme », celui que nous savons être Fils de Dieu, même avec la chair.

sera glorifié: Sur la plénitude divine qu'exprimé cette < Gloire > dans l'Écriture et notamment les Évangiles, voir § 10Lc 2,9-10 a*; § 150Jn 5,34*, J. Guillet; et la Table des termes: < Gloire > (ici et BC I*).

// Ps 108,2-10 Ps 72,8-10 Ps 80,16-20 — Trois parallèles psalmiques, en caisse de résonance du retentissement universel du mystère sacrificiel qui commence de se jouer « maintenant », et que Saint-Jean Jn 12,24-32 va définir :

Jn 12,24 // Is 53,10-12 1Co 15,36 — Si le grain de blé : La parabole du Semeur § 126 et § 129 envisageait ce mystère extérieurement. Ici le drame est présenté de l’intérieur : du sacrifice de lui-même que ce grain de froment doit consentir (sur la liberté de cette mort, cf. § 263Jn 10,17-18.

Saint Jean laisse ouverte l'application de cette image, non sans dessein. De toute évidence, elle évoque en premier lieu le Christ :

semé en terre: Pourrait être un rappel de l'Incarnation, puisque le mystère de la Rédemption est annoncé par la suite sur la nécessité (revient au < il faut >*) d'une mort, qui sera fructueuse.

Il reste seul... Il porte beaucoup de fruits : Les deux expressions annoncent la parabole de la Vigne, au ch. 15. Rester ou < demeurer >*: Jn 15,4-7 Jn 14,9-10. Porter du fruit en abondance : Jn 15,2 Jn 15,5 Jn 15,8. Le Christ est le Vrai Froment comme Il est la Vraie Vigne. Ce qui vaut du Maître, vaut donc aussi de ses disciples :

Jn 12,25-26 — Nous avons vu, dans l'introduction à ce § 309 , que cette double sentence est commune aux 4 Évangiles, ce qui souligne son importance. Comment d'ailleurs, là où le Christ doit passer, les chrétiens n'auraient-ils pas à le suivre et, ce faisant, à le servir (= v. 26. Thème des serviteurs*, à l'image du Christ-Serviteur* comme dans les poèmes d'Isaïe, dont le // Is 53) ?

Haïr : Hébraïsme, à comprendre au sens de : « ne pas considérer comme la valeur suprême » (Tob), ou : « être capable au besoin d'en faire le sacrifice pour un Bien supérieur » : cf. § 59Mt 5,43* et § 66 *).

son âme : ou « sa vie », la frontière entre l'une et l'autre étant assez indécise dans la pensée hébraïque. < Vie > conviendrait mieux ici. Mais, dès le v. 27, nous allons retrouver le même mot de < psyché >, cette fois indiscutablement au sens d'âme. Conformément aux raisons plus générales déjà indiquées § 6Lc 1,46* et § 168Mt 16,26*), gardons < âme >, en veillant bien entendu, ici comme ailleurs, à ne pas lui donner le sens platonicien de < l'âme immortelle comme entité séparée du corps >, mais bien plutôt cet appétit trop naturel de « profiter de la vie », à tout prix.

Comme l'indiquera plus encore la parabole de la Vigne, le mystère de vie, de mort et de résurrection qui est celui du Christ, demande à se prolonger en ses sarments : « Sacrifice, consécration et sanctification du Christ sont le fondement primordial et l'unique possibilité de notre propre sacrifice, consécration et sanctification… de par l'union vitale du Maître à ses disciples ». Or d'où vient cette communion ? — Du sacrifice eucharistique : le Christ y « donne, pour la vie du monde, sa chair » § 163 — Jn 6,51), moulue durant sa Passion comme doit l'être le grain de blé pour devenir farine et hostie (cf. ignace d'antioche). Rappelons-nous aussi la vision du Christ sur les moissons blanchissantes § 81 — Jn 4,35-38*) : d'un bout à l'autre du IV° Évangile, court ce thème du pain. Il trouve d'ailleurs ses répondants, soit dans la < Section des pains > (Introd. aux § 146 -182), soit dans la comparaison paulinienne du grain de blé promis à résurrection et transfiguration (// 1Co 15,36, et la suite). Sur tout ceci, cf. a. rasco: Christus, granum frumenti, vd 1959, p. 12-25.65-77).

Ignace d’Antiocheratifiera de son sang la page célèbre de sa Lettre aux Romains où il s'était appliqué cet Évangile: 3 3 Le christianisme n'est pas oeuvre de persuasion, mais oeuvre de grandeur, quand il est haï par le monde... 4 Je suis le froment de Dieu, et je suis moulu par les dents des bêtes, afin d'être trouvé un pur pain du Christ... 3 Si je souffre ma passion, je deviendrai un affranchi de Jésus-Christ, et je ressusciterai libre en Lui. Maintenant j'apprends dans mes chaînes à ne rien désirer... 5 3 Pardonnez-moi : ce qui m'est profitable, moi je le sais. Maintenant je commence à être un disciple. Que rien, parmi les créatures visibles ou invisibles, ne me frustre, par zèle [mal entendu), de rencontrer le Christ. Feu et croix, meute des bêtes, lacérations, écartèlements, brisement des os, mutilation des membres, broiement de tout le corps, que les pires vengeances du diable viennent sur moi, pourvu seulement que je rencontre Jésus-Christ... 6 2 L'enfantement approche pour moi. Pardonnez-moi, Frères : ne mettez pas obstacle à ce que je vive, ne désirez pas que je meure. Celui qui veut être à Dieu, ne cherchez pas à le flatter en lui offrant le monde, à le séduire en lui proposant la matière. Laissez-moi recevoir la pure Lumière : c'est arrivé là, que je serai un homme. 3 Permettez-moi d'être un mime de la Passion de mon Dieu. Si quelqu'un a Dieu en lui, qu'il comprenne ce que je veux, et qu'il ait compassion de moi, sachant ce qui m'étreint.

Jn 12,27-28 // Ps 42,5-6 Ex 19,19 — Maintenant (voir v. 23*) mon âme est troublée : Comme devant Lazare au tombeau § 266 — Jn 11,33*) ; comme à Gethsémani surtout. Là se manifestera également l'enjeu de ce débat et la portée du consentement libre et nécessaire que Jésus donne à son Père (voir au § 337 *). Mais le vocabulaire est celui de Saint-Jean : L'heure, la gloire (cf. v. 23*).

Ton Nom = la réalité personnalisée que désigne ce nom de < Père >, donc sa paternité même, manifestée dans le don qu'il fait au monde, pour le sauver, de son propre Fils (Jn 3,16*; 17,26). Mais il y a réciprocité : si le Père est glorifié par le sacrifice du Christ, Celui-ci est lui-même glorifié par son Père.

Une voix : Comme au baptême et à la Transfiguration § 24 et 169) — Mt 3,17* et 17,5; cf. introd. à ce § 309 . Mais comme déjà au Sinaï (// Ex 19,19).

Je l'ai glorifié : par les < signes > miraculeux et les < oeuvres > du Christ (Jn 2,11* ; 5,36-37) — où Jésus reproche aux Juifs de ne pas avoir écouté « cette voix » — 11,4.40). Je le glorifierai encore : en son mystère pascal de Passion et Résurrection : Jn 13,31-32; 17,1.


Cyrille d’Alexandrie: Sur Jn (PG 74,85-92): Non seulement le Christ annonce qu'il souffrira — et même que le temps est venu — mais il ajoute encore la raison pour laquelle sa Passion est sa joie, et dit que le gain de cette Passion sera grand: car ce n'est pas malgré lui, qu'il a souffert. Pour nous sauver, en effet, il montra une si grande mansuétude qu'il prit sur lui de souffrir toutes les cruautés.

Le Christ comme homme est troublé à la pensée de la mort; mais étant Dieu, il passe aussitôt de l'émotion à l'assurance. Nous pensons, en effet, que même dans le Christ Sauveur la nature humaine fut émue, et cela pour deux raisons, qui étaient toutes deux nécessaires : d'abord, il fallait qu'on le reconnût homme par nature — non pas homme en apparence seulement, mais vrai homme né d'une femme, et portant tout l'humain, hormis le péché. Car la crainte et la frayeur sont des perturbations naturelles, et ne sont pas rangées parmi les péchés. En outre, la nature humaine du Christ fut émue, sans péché, mais non sans utilité : non pas que cette émotion lui servît à reprendre son élan, comme il nous arrive ; mais, ainsi émue, elle devait être transpercée par la puissance du Verbe, et transmuée, dans la personne de ce Christ Premier-né, en une condition meilleure et plus divine. Par ce moyen, en effet, et par nul autre, la guérison pouvait passer jusqu'à nous. Car, dans le Christ-Principe, la nature de l'homme revient à la « nouveauté de vie » [= à la jeunesse de la première création), et de plus, nous « gagnons », en Lui, ce qui dépasse notre nature. C'est bien pour cela que dans la sainte Écriture il est appelé le second Adam.

« Père, glorifie ton Nom » ... « Père, glorifie ton Fils ». Si l'on y regarde bien, c'est exactement la même chose. Le Christ, méprisant la mort et l'ignominie, considérant seulement les gains qui découleraient de la Passion, et voyant que, par la mort de sa chair à lui, la mort de tous serait expulsée, la corruption annulée, la nature de l'homme transformée pour une nouveauté de vie, dit en substance à son Dieu et son Père : [Quoique la chair redoute la mort, et que la pensée de me livrer aux Juifs me répugne,) « Glorifie ton Fils », c'est-à-dire ne m'empêche pas d'aller à la mort. Accorde cela à ton enfant, pour le bien de tous.

Que l'Évangéliste appelle « Gloire » la Croix, cet autre passage en témoigne : « Il n'y avait pas encore l'Esprit, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié » (Jn 7,39). Manifestement, il dit ici « pas encore glorifié » pour « pas encore crucifier ». La Gloire, c'est la Croix. Quand le Christ dit : « Glorifie ton Fils », il signifie : « Accorde-moi de souffrir, à moi qui le veux ainsi.

De même Chrysostome, sur ce même verset : Le Christ ne s'arrête pas à « Sauve-moi de cette heure », mais à « Glorifie ton Nom ». Glorifie ton Nom, cela veut dire : Conduis-moi jusqu'à la Croix (v. 32*).

Jn 12,29-31 // Ap 20,1-3 — Suite de Cyrille d’Alexandrie (Pg 74,93) : Le Fils connaissait la volonté du Père, même si Celui-ci ne prenait pas la parole, car le Fils était et est la Sagesse du Père et son Verbe : « Cette voix est venue pour vous, pour que vous me reconnaissiez comme Fils de Dieu »...

Il indique que le jugement est venu, où les nations seront vengées de la rapacité du diable. Je ne crois pas, en effet, que ce jugement condamne le monde : il le venge plutôt. « Le prince de ce monde est jeté dehors » : le jugement s'exercera contre celui qui a violé le monde, et non contre le monde qui a souffert l'injure. Le Christ lui-même a dit en effet : « Dieu n'a pas envoyé son Fils pour juger le monde mais pour sauver le monde ». Le prince de ce monde va être jeté : jeté d’où ? De cette principauté qu'il a prise par la violence, et de ce royaume qui ne lui appartient en rien.

Le Prince de ce monde : Depuis la Tentation au désert § 27 — Lc 4,5*), l'oeuvre du Christ qui est l'établissement du Règne de Dieu, se heurte — comme il était inévitable — à son principal opposant § 117 — Mt 12,25-28*). Le drame s'est noué dès l'origine de la création, par la révolte de Lucifer et de ses anges déchus (Ap 12,7-12) qui a tout faussé :

« La communication que Dieu faisait de lui-même supposait un Premier, un Principe de cette création : pierre de fondation répondant à la pierre angulaire, la clé de voûte laquelle ne peut être autre que le Verbe divin lui-même ... Dans ces conditions, on peut dire que le mal s'est introduit dans le monde à partir de ce premier péché qu'a été le mensonge originel par lequel le Prince de ce monde a voulu s'en faire le Dieu. Du concert de la louange unanime du Créateur, qu'était le monde en sa vie conforme au dessein de sa création, dans lequel Lucifer aurait dû être lui-même le maître du choeur, il a voulu faire le simple reflet de sa beauté propre » (L. Bouyer: Cosmos, p. 339).

Il est notable que Jésus ne donne au Démon ce titre de « Prince de ce monde » qu'au moment où sa domination est en passe de cesser, grâce à la venue d'« un plus fort » § 117 et 121) — c'est-à-dire maintenant (comme au v. 27) que c'est l'Heure (v. 23*). Dès lors ce titre ne risque plus de nous paralyser de peur devant ce < Prince > : il est sans pouvoir sur le Christ, et déjà jugé § 328 et 331) — Jn 14,30* et 16,11*), même si ce n'est pas dire que sa tyrannie ne se prolonge pas sur « le monde », dans la mesure où celui-ci l'accepte : « En 2Co 4,4, même, saint Paul l'appelle « Dieu de ce monde » ou, plus littéralement, < de ce siècle > (aïôn)... En fait, l'Ange déchu... le contradicteur et le dévoyeur, d'après la Bible et toute la tradition... est bien devenu le Dieu que le monde révère, suit, et sert, au moins dans la présente économie, celle de Vaïôn outos »...) (L. Bouyer: Cosmos, p. 334-335).

N'empêche que dès « maintenant », « il va » (toujours le < déjà-là >* et le < pas encore >) être jeté dehors : Comme dans la parabole prolongeant celle des Invités au festin, où l'homme sans robe nuptiale se voit «jeté dans les ténèbres extérieures § 282 — Mt 22,13* ; voir < Enfer >*). C'est ce qu'annonce la vision de l'Apocalypse (// Ap 20,1-3), qu'il faut bien se garder de projeter dans l'histoire terrestre, par une erreur < millénariste > qui prolongerait les faux espoirs du messianisme temporel des contemporains du Christ.

Jn 12,32-33 // Jn 8,28 — Si le Prince de ce monde est rejeté, c'est que s'instaure le Règne de Dieu par son Christ, mais de la façon paradoxale que Lui-même annonça constamment, et en particulier au § 260 = // Jn 8,28 (cf. aussi § 78Jn 3,14-15*). Le parallèle est d'autant plus complet que 8,28 b — « Je parle comme le Père m'a enseigné » — se retrouve dans les développements dont Jean fait suivre la présente scène § 311 — Jn 12,49-50).

Quand j'aurai été élevé de terre : Même verbe qu'en Jn 8,28. Mais tandis qu'alors il pouvait signifier à la fois la mort en croix et l'exaltation qui s'ensuit, par la Résurrection et l'Ascension, ici l'annonce de la crucifixion passe expressément au premier plan, d'abord par le complément: « élevé de terre », ensuite par le commentaire du v. 33 (que redoublera Jn 18,32). Cela renforce l'identification de < l'heure > et de la < glorification >, dans les versets précédents, avec la mort elle-même grâce à laquelle prévaudra le Règne.

J'attirerai à Moi : D'après Jn 6,44, c'est le Père qui attire au Christ: en tous points se manifeste la pleine conjonction de l'action rédemptrice du Père, du Fils et — comme le précisera le Discours après la Cène — du Saint-Esprit.

tous les hommes: « Une fois le tyran jeté dehors, le Christ attire à Lui le genre humain qui avait erré. Il appelle au salut non seulement les Juifs, mais tous les mortels, par la foi en Lui » (Cyrille d’Alexandrie: Pg 74,93).

Comme, durant l'Ancienne Alliance, « les siècles se sont rangés sous la Parole de Dieu» (He 11,3), appelant, préparant, préfigurant dans les saints ancêtres et prophètes ou annonçant le Mystère de l'Incarnation rédemptrice du Verbe éternel, ainsi les 20 siècles écoulés depuis cette Promesse: « J'attirerai tout à Moi », témoignent-ils de sa véracité:

GRÉGOIRE DE NAZIANZE : II, p. 764-765.

Je chanterai notre Seigneur Sauveur,

le Fils bien-aimé, splendeur du Père,

Verbe Créateur qui gouverne le monde.

Christ notre Dieu, qui trône dans les cieux.

Centre des siècles, c'est vers toi qu'ils convergent :

vers toi s'élance de partout la créature,

Pour toi les astres décrivent leur savant parcours,

de toi s'enchantent les esprits bienheureux.

Et sur la terre tu as établi l'homme

comme un autre ange, pour qu'il soit ta gloire,

le héraut de ta splendeur, ton miroir,

Dieu immortel, devenu pour moi mortel !

Pour nous les hommes, ta naissance et ta mort,

ta Résurrection et ton Ascension,

Majesté sainte, deux fois engendrée

pour nous valoir d'être ré-engendrés.

Que toute ma vie soit un chant au Seigneur,

au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit,

Trinité sainte, qui dans l'unité

vit et règne au long des siècles éternels.

Jn 12,34 // Ps 110,4 Is 9,6 — L'objection montre que « la foule » connaissait les promesses de l’A.T., mais que le titre de < Fils de l'homme > n'en restait pas moins obscur. C'est même sans doute pour son ambiguïté que le Christ l'avait choisi (cf. § 25 — Jn 1,50-51*). Et il est vrai que dans la vision la plus caractéristique du < Fils de l'homme >, en Dn 7,14, son Règne est annoncé comme éternel. Mais c'est qu'il s'agit là du Second Avènement, à la Parousie, quand ce Fils de l'homme « viendra sur les nuées du ciel » (comme le confirme Mt 24,30-31, au § 297 . C'est là aussi que l'on trouvera en // Da 7,13-14). Cf. W.C. van Unnik: The quotations from the Old Testament in Joh 12, 34, dans « Sparsa Collecta » I, p. 64-69.

Jn 12,35-36 a // Jr 13,15-16 Ep 5,8 — « Par cet article défini, le Christ signifie que c'est Lui-même la vraie Lumière* », comme Il est la Vie, le Bon Pasteur, etc... (Cyrille d’Alexandrie: Pg 74,96). Déclaration semblable aux § 260 et § 262 — Jn 8,12* et Jn 9,4-5*.

Pour encore un peu de temps : puisqu'est arrivée l'Heure. Il est « parmi nous » : ou « en nous », version adoptée par Nestlé, mais qui convient moins à l'image de la Lumière, et à la situation du Christ jusqu'à sa mort, visible au milieu de la foule. Le conseil qu'il donne ici est précisément de profiter de ce qu'il est là, bien visible mais durant si peu de temps, pour faire la démarche de foi (« marchez »), en laquelle ses auditeurs deviendront eux-mêmes « enfants de Dieu » (Jn 1,12*), donc « fils de Lumière » (// Ep 5,8).

afin que les ténèbres ne vous saisissent pas : L'image évoque la puissance offensive et captivante des forces du mensonge et de la nuit, qui sont alliées au Prince de ce monde et Père du mensonge (cf. § 78 et § 261 — Jn 3,19-21 et 8,44). L'opposition entre Lumière — Ténèbres va de pair avec celle entre les deux Royaumes ou Cités.

p. 621

§ 310. Incrédulité des juifs: Jn 12,37-43


(Jn 12,37-43)

— C'est une sorte de bilan solennel du premier versant de Saint-Jean (ch. 1-12), avant de passer au second versant, pascal (Cène-Passion-Résurrection), spécialement développé dans cet Évangile (ch. 13-21). Sur cette incrédulité, cf. a. charue, l.IIi.

// Nb 14,11 Dt 4,34 Dt 29,1-3 — Après L. Cerfaux, D. Mollat a bien mis en valeur la parenté significative entre les « signes » johanniques et les miracles de l'Exode, montrant en Jésus le < Nouveau Moïse >, le < Prophète > annoncé en Dt 18,18 (en // au § 311 . Cf. Et. Jo., p. 97-100). Lors de la première délivrance, de la servitude en Egypte, Yahvé en effet multiplia aussi les signes (Ex 10,1-2), en présence de Pharaon et d'Israël (// Dt 4,34 et 29,1-2; cf. 6,22). Les Hébreux ont « vu sa gloire » (Nb 14,21-22) comme les Apôtres à Cana § 29Jn 2,11). Mais pour reconnaître en ces signes la Gloire de Dieu opérant notre Salut, encore faut-il ne pas être laissé à l'endurcissement du coeur (// Nb 14,11) — cf. BC I*, p. 214-217). Le < coeur nouveau >, les < yeux de la foi >, étant surnaturels, ne peuvent être que reçus de Dieu (// Dt 29,3). De ce fait, ces < signes > sont aussi une épreuve (// Dt 4,34; 29,2; cf. 8,16; 13,4). Comme ici...

Jn 12,38-41 // Is 53,1-2 Is 6,8-10 Is 6,1-3 — Mt-Mc-Lc citaient déjà l'oracle difficile d'Is 6,9-10, au § 127 (où l'on en trouvera une explication). Y réfèrent encore Mc 8,18 et Ac 28,26. Ajoutons seulement ici le commentaire de :

Cyrille d’Alexandrie: Sur Jn (PG 74,97): Le sens n'est pas « J'endurcirai leurs coeurs, j'aveuglerai leurs yeux », mais: «Bien que vous entendiez, vous n'entendrez pas vraiment; bien que vous ayez vu, vous n'aurez pas vu vraiment; car si vous vous étiez tournés [vers moi], vous auriez reçu de moi le remède ». Oui, s'ils avaient écouté et regardé comme il fallait, ils auraient reçu tout bienfait. Donc ces paroles ne signifient pas une vengeance implacable, ni une condamnation irrévocablement décidée contre les Juifs : elle a plutôt la force et l'efficacité d'un avertissement; et l'Évangéliste dit que « beaucoup crurent en Lui, même parmi les princes » (Jn 12,42).

Ce qu'il y a de propre à Saint-Jean, c'est d'abord la mise en rapport de l'oracle d'Isaïe 6,9-10 avec l'exorde du dernier des < poèmes du Serviteur > (Jn 12,38 = // Is 53,1). Par là, l'Évangéliste suggère que l'incrédulité viendrait du paradoxe inouï d'un Dieu dont la gloire se révèle dans l'humiliation de son sacrifice rédempteur. Ce qui le confirme encore, c'est le v. 41 où il est rappelé non seulement que l'oracle d'Isaïe fait suite à la célèbre vision de la Gloire divine, mais qu'en rapportant cette vision, « Isaïe parla de Lui » (le Christ). Cela semble dire que cette Gloire divine était celle-là même qui éclaterait en Jésus, surtout en son Mystère pascal, sa « glorification » provenant de sa mort autant que de sa résurrection (Jn 12,23*.28*.32-33*). Il faut bien le < coeur nouveau > et les < yeux de la foi > pour discerner un tel signe !...

Jn 12,42-43) — Complément au bilan trop catégorique du v. 37 : en fait, ce n'est pas tant « la foi en Lui »* qui manque, même parmi les chefs, que le courage à braver les sanctions encourues (risque d'exclusion de la synagogue : Jn 9,22). Ils aimaient la gloire qui vient des hommes : Jn 5,44. Plus que la gloire qui vient de Dieu : Sorte d'inclusion avec le v. 23, confirmant que le thème central des § 309 -310 est bien cette gloire paradoxale qui est celle du Christ se sacrifiant sur la Croix (v. 24.28.31-32), et que doivent partager ses disciples : (v. 25-26 et, par opposition, v. 43).



§ 311. Jésus, lumière, parole, vie éternelle : Jn 12,44-50


(Jn 12,44-50)


—C'est bien la conclusion de ces 12 chapitres, puisque Jean y reprend les 3 thèmes essentiels, énoncés dès le Prologue: Jésus, Verbe de Dieu, communiquant Lumière et Vie, en Unité Trinitaire avec le dessein salvifique du Père.

// Dt 31,25-29 Dt 18,18-19 — Suite du parallèle entre Moïse, en ses dernières recommandations, et Jésus, « le prophète et Nouveau Moïse » § 310 .

Jn 12,44-45.49-50) — Père et Fils, c'est tout Un, que ce soit pour parfaire le dessein d'amour divin sur sa création § 24 — Mt 3,17 b*), ou comme objet de notre foi : cf. Jn 1,2.18; 5,19-30; 7,16; 8,28-29; 10,38. Jonction entre l'Envoyé et Celui qui l'a envoyé : Jn 13,20. « Qui me contemple, contemple le Père » : Jn 14,7-11 :

Cyrille d’Alexandrie : Sur Jn (PG 74,101). Par ces mots, le Christ ne se met pas lui-même hors de cause : Il ne nous dissuade pas de croire qu'il est Dieu selon la nature, au contraire ; mais il entraîne doucement l'esprit des faibles ; et l'on doit comprendre ainsi : « Quand vous croyez en moi, qui me suis fait homme comme vous et pour vous, ne croyez pas donner votre foi à un homme : car je suis Dieu par nature, bien que je sois reconnu semblable à vous. J'ai en moi mon Père ; et parce que je suis consubstantiel au Père, votre foi va jusqu'au Père ».

Jn 12,46-48) — (PG 74,101) : Affirmant qu'il est la Lumière, Il montre qu'il est Dieu par nature — à Dieu seul, en effet, il convient, par nature, d'être appelé ainsi; et d'autre part, il rafraîchit la mémoire de ceux qui ne croient pas encore; car, que de fois ils ont entendu : « Jérusalem, lève-toi et illumine : ta Lumière vient ! » Et encore : « Envoie ta Lumière et ta Vérité » ; et « La Gloire du Seigneur resplendit sur toi» (Is 60,1 et Ps 42,3). Thème du Christ Lumière : Jn 1,4-5.9-10.18; 8,12; 9,5; 12,35-36.

Pas venu juger mais sauver : Jn 3,16-19. «Le législateur n'établit pas la loi pour punir ceux qui la violent, mais plutôt pour sauver ceux qui l'entendront et la garderont. Moi donc, qui suis venu pour sauver, je vous exhorte à croire, car maintenant c'est le temps du salut, et non du jugement » (PG 74,104).

Qui me méprise et ne reçoit pas mes paroles = me méprise en ne recevant pas...

La Parole qui juge : Dans le judaïsme, c'était la Loi qui était érigée, personnalisée en juge. Depuis le Sermon sur la montagne inaugurant sa prédication, Jésus substitue à cette Loi de l'Ancienne Alliance, « les paroles » qu'il a dites, exprimant comme < au détail > la parole totale qu'il est de toujours : le Verbe que le Père nous adresse, et dont l'incarnation rédemptrice est à la fois révélation de son Amour, et appel à y répondre en ne « refusant pas sa foi », son espérance et sa charité.

Ce mot de < juge >, < juger > revient 4 fois en ces 2 versets, comme un ultime avertissement avant « Le Jour à venir ». Comme les Synoptiques, Saint-Jean conclut donc la prédication du Christ sur la perspective du Jugement eschatologique, avec même conseil d'être prêt. Non pour terrifier, mais pour nous ouvrir la voie de la Vie éternelle (v. 50). L'oracle d'Isaïe lui-même n'est plus pour nous faire peur. Car « le commandement » ou « la Parole » du Christ — équivalence significative ! — ne sont pas hors de notre portée : mieux encore que pour les fidèles de l'Ancienne Alliance, ils sont « dans notre coeur », pour éviter qu'il s'endurcisse, et « dans notre bouche » pour la confession de notre foi (au dire de Rm 10,8, citant le // Dt 30,14).

Ainsi, comme il devait y avoir originellement assimilation du disciple au Christ « grain de blé », acceptant de mourir pour porter beaucoup de fruit (v. 24-26), il se produit aussi une assimilation telle que, pour ce disciple, « ce ne soit plus lui, mais le Christ qui vive en Lui » (Ga 2,20), ni ses paroles mais « comme les paroles de Dieu », si bien qu'en définitive, « Dieu soit glorifié en lui » (// 1P 4,11), comme Il l'est, dans le Christ (Jn 12,28).

De cette assimilation, le moyen va être précisément donné par le Christ, instituant la communion eucharistique, à la Cène § 318 *).



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Bible chrétienne Evang. - § 308. Jésus se cache : Lc 21,37-38 //Ex 19,3 Ex 19,20 Ex 24,12 Ex 34,2