Bible chrétienne Evang. - § 328. La paix du Christ: Jn 14,27-31

§ 328. La paix du Christ: Jn 14,27-31


(Jn 14,27-31)

— En finale de cette première partie du Discours, reprise des thèmes, et enjeu de la Passion Pascale, qui commence :

Jn 14,27 // Is 9,6 1Ch 22,8 Ps 72,1-7, etc... Jusqu’à Ps 85,9-11 — Que votre coeur ne se trouble pas: En inclusion* avec Jn 14,1*. Mais auparavant, Jésus résume tout en un mot : La paix*. « Je vous laisse... je vous donne »: «Laisse » montre que c'est en héritage; « ma » rappelle qu'il est Paix (// Mi 5,4), étant Dieu qui est « Dieu de Paix » (sur ce thème de la paix dans la Bible, cf. § 50 — Mt 5,9 a*, la Béatitude annoncée à « ceux qui font régner la paix »). Le Christ nous la donne en se donnant; et c'est à ce prix (par cette < rédemption >) qu' « Il est Lui-même notre paix » (Ep 2,14). Sur ce même legs se terminera la seconde partie du Discours, précisant d'une part : « pour que vous possédiez en moi la Paix », et d'autre part que cette paix peut fort bien se conjuguer avec la souffrance (16,33*), ou même avec certaines formes de guerre : « non la paix, mais le glaive » § 102 ).

Dans une admirable conférence, J. carmignac a défini cette Paix, meilleure que politique, sociale ou psychologique : la Paix annoncée dans le < Gloria > des anges (Lc 2,14*). Elle doit être < le Règne de Dieu > : dans l'intelligence, par la foi; et dans la volonté, par l'adhésion au « Fiat Voluntas tua » du Christ à Gethsémani, de la Vierge à l'Annonciation, ou du Pater (Conférence publiée dans « Fidélité et Ouverture » n° 81, nov. 1986, p. 7 à 16). S'il est vrai que la Paix soit avec la charité et la joie, des premiers fruits de l'Esprit, ce Don de la Paix vient comme il se doit couronner le Don du Paraclet § 327 ; et il va de pair avec celui de la Joie comme l'indique la rallonge à l'inclusion : « ...ne se trouble ni ne s'attriste. (Sera développé en 16,6-7.20-22*). En cette paix se trouve donc incluse la Communication de la Vie trinitaire (thème n° 3).

Pas comme le monde la donne : L'opposition joue non pas entre Paix du Christ et fausse paix du monde, mais entre les souhaits mondains, menteurs et vains comme le sont les oracles des faux-prophètes (// Jr 6,13-14 Jr 8,11) et la Vérité de celui qui fait l'Alliance et la Paix au prix de son sang.

Jn 14,28) — Reprise du thème n° 2: Départ et Ré-union. Mais cette fois, Jésus laisse éclater sa jubilation de toucher enfin au but visé depuis son enfance (Lc 2,49*) : aller au Père — sans nous abandonner pour autant. Il ne faut donc pas uniquement se lamenter de la Passion, pas plus que du Départ de l’Ascension : c'est le même Mystère pascal de Glorification § 320 — Jn 13, 32 : c'est le thème n° 1), où Jésus est « notre Pontife (= établissant le Pont, la Voie) et notre précurseur » (He 6,19-20). car (donc voici le motif de cette joie) le Père est plus grand que moi : Parole difficile, qui ne suffit pourtant pas à justifier la négation, par l'arianisme, de l'égalité d'ÊTRE entre le Père et le Fils dans l'unité trinitaire totale : « Tout ce qui est à Toi est à Moi, tout ce qui est à Moi est à Toi... Toi en Moi et Moi en Toi » (Jn 10,30 Jn 17,10 et Jn 21-26). Les Pères ont abondamment expliqué pourquoi Jésus, dans sa condition rédemptrice d'homme, de < Serviteur >*, d'esclave (Ph 2,7, en // à Jn 1,14a), et d'Agneau porteur du péché du monde, voyait son Père au-dessus de Lui, prêt à le glorifier en le faisant < monter > à sa Droite par l'Ascension (par ex. Cyrille d’Alexandrie: Pg 74,308-325). Mais au sens trinitaire même, le Père a ceci de propre, et en quelque façon de « plus grand », qu'il est < le Principe >, même si le Fils est avec Lui < dès le Principe > et < au Principe > (Jn 1,1*), sans que leur personnalisation réciproque empêche la totale identification du Père et du Fils dans l'Esprit, qui est le mystère même de la Sainte Trinité (aussi, ne nous étonnons pas si cette Parole demeure difficile et obscure). Mais cette relation de Fils au Père explique l'extrême déférence avec laquelle en tous cas Jésus Lui parle — notamment dans la prière du ch. 17) — et ne manque pas une occasion de renvoyer à la libre initiative du Père en tout, que ce soit dans l'Incarnation rédemptrice ou dans la destinée de chaque homme et du Cosmos tout entier (cf. entre autres Jn 3,16-17*; Mt 20,23*; Mc 13,32*).

Jn 14,29) — Reprise du thème n° 5 : prédiction — » foi.

Jn 14,30-31 // Ps 89,21-23 Jos 24,24 2R 23,2 — La perspective de glorification qui polarise tout ce Discours depuis son exorde (Jn 13,31-32), ne fait pas oublier au Christ qu'elle passe par sa mort. D'où l'annonce de l'enjeu de toute sa Passion :

Le prince de ce monde : c'est Satan § 309 — Jn 12,31*; cf. 8,44), mais pour peu de temps encore. Il s'en est vanté dès la 3° tentation au désert § 27 - Mt 4,8-10*). Il faut admettre — dans la foi et l'espérance, non la peur et l'angoisse — l'antagonisme qui oppose Jésus nous offrant « le Règne de Dieu » et « l'Antique Serpent », dominateur du monde par la faute d'Adam, si l'on veut prendre l'oeuvre de la rédemption dans toute son ampleur à la fois cosmique et mystique, cf. § 27 — Mt 4,3* J. Dupont, citant fascher.

Il vient : Le avait conclu son récit des tentations au désert en disant que le Diable s'était retiré « jusqu'au temps marqué ». À présent, c'est l’Heure : il revient, par le truchement de Judas (voir plus bas, à « Levez-vous »*).

En Moi il n'a rien : Cf. § 261 — Jn 8, 46 : « Qui me convaincra de péché ? » Donc Jésus ne lui doit rien. Sa mort sera don libre, gratuit, rachetant notre propre dette (Sur la valeur < rédemptrice > de la Passion, cf. Tables < Passion >).

Augustin: 5° Tr. sur Jn, n° 13 (PL 35, 1401-1402; Vives 9, p. 249): La mort était la peine du péché : elle fut chez notre Seigneur le don de la miséricorde. Car le Seigneur n'avait rien en lui qui pût exiger la mort... Il n'avait pas de raison de mourir, et il est mort : toi, tu as de bonnes raisons, et tu fais des difficultés ? Allons, souffre courageusement pour ton dû ce qu'il a bien voulu souffrir pour te sauver de la mort éternelle ! Homme pour homme : mais l'un n'est rien qu'un homme, l'autre est Dieu-Homme. D'une part l'homme de péché, d'autre part l'homme de justice. Tu es mort en Adam, relève-toi dans le Christ ! Oui, les deux destinées te sont dues. Tu as foi dans le Christ : tu rendras bien ce que tu dois au compte d'Adam, mais le lien du péché ne te tiendra pas pour toujours; car la mort temporelle de ton Seigneur a tué ta mort éternelle. C'est cela la grâce, mes frères ! C'est aussi la vérité, puisqu'elle a été promise et donnée.

Jn 14,31) — Litt. « mais afin que... et que... levez-vous, partons ». Cette mise en marche est donc la < proposition principale >, ce qui précède indiquant le but vers lequel part le Christ : localement, c'est Gethsémani; spirituellement, mystiquement, c'est pour le Père et pour les hommes : tout le < Il faut >* de la Passion vient de ce double objectif.

que le monde (au sens neutre, d'universalité) sache: Donc sa Passion va témoigner, révéler elle aussi, elle surtout, le sens de sa vie et sa Vérité la plus profonde (Jn 14,6*). Et en premier lieu, son être trinitaire :

J'aime le Père\ — avec le même enthousiasme qu'au v. 28 : « Je vais au Père ! » : l'enthousiasme de l'amour, c'est-à-dire de l'Esprit Saint. Chaque fois que Jésus nous révèle son âme profonde, c'est d'ÊTRE Fils § 110 *).

j'aime... et je fais ce que le Père m'a commandé: Ainsi Jésus pratique-t-il tout le premier ce qu'il vient de dire aux Apôtres: « qui m'aime, garde mes commandements » (v. 15.21.23*). Des actes, demandait le Sermon sur la montagne § 74 -75*). Cette filiale et totale « obéissance », en quoi Ph 2,8 met toute la valeur de « la mort et de la mort sur une croix », définit l'attitude intérieure constante de Jésus : Jn 4,34; 5,19.30; 6,38; 8,29; 10,17-18; 12,49-50. La conformité de sa volonté filiale au Dessein du Père est ici marquée par l'accord « comme... ainsi », avec la même conclusion brève, décidée, assurée : « ainsi je fais », qu'aux v. 13- 14 : « je le ferai ».

Mais ce Dessein éternel du Père, quel est-il, sinon le Salut des hommes (Jn 3,16-17 Ep 1) ? Si le Christ va mourir, c'est parce que son amour du Père, identifiant sa volonté à la sienne, le presse de nous sauver, fût-ce au prix de sa vie. Et ce zèle rédempteur, Jésus l'a transmis aussi à ses disciples, comme en témoigne saint Paul en 2Co 5,14. Sur la raison et la nature de la Volonté du Père à laquelle Jésus va < satisfaire > par sa Passion, cf. § 337 — Mt 26,39*.

// Ex 19,8 Ex 39,43 Jos 24,24 2R 23,2 — Il n'y a d'alliance que dans la ratification mutuelle. Cela vaut de l'Alliance du Sinaï (// Ex) comme de ses renouvellements après la conquête de la Terre Promise (Jos) et sous le roi Josias (2R). Pour la Nouvelle Alliance, c'est maintenant. Les Synoptiques nous racontent au prix de quelle Agonie Jésus y a consenti ; mais Saint-Jean l'indique ici, à la Cène. Peut-être simplement parce que Jean ne parle pas de cette Agonie mais seulement de l'arrestation à Gethsémani (18,1 ss), tout comme il passe sous silence l'institution de l’eucharistie ? Mais précisément c'est qu'il préfère, dans un cas comme dans l'autre, transposer dans le Discours lui-même l'explication de ce que signifie réellement et le sacrifice et le sacrement (comme vont encore le développer les ch. 15-17). Nous avons d'ailleurs confirmation littérale de cette < correspondance > entre Saint-Jean et les Synoptiques :

Levez-vous, partons d’ici : Cette parole, si évidemment mal située, puisque le Discours va se continuer encore 3 chapitres, se retrouve littéralement en Mc 14,42 (donc pour conclure le § 337 , sur l'Agonie), suivi de : « celui qui me livre est tout près » // à « le prince de ce monde vient », de Jn 14,30. — Nouvel indice entre cent autres que si les Évangiles n'ont pas le souci de précisions topographique et chronologique de notre histoire moderne à prétention scientifique, c'est qu'ils visent surtout à témoigner de la portée théologique, divine, éternelle et définitive, des dires et des actes du Sauveur. Leur véracité proprement < historique >, pour l'essentiel, n'en éclate que mieux dans les multiples recoupements de cette < concordantia discordantium >*, comme ici entre Mc 14,42 et Jn 14,31. Cf. C.H. Dodd: L'interprétation..., p. 513-516, qui conclut: « Les v. 30-31 sont une fois de plus une acceptation par Jésus de sa destinée (comme en 12,27-28)... Avec les mots du v. 31, le voyage a commencé. Il n'y a pas de déplacement physique. Le mouvement est un mouvement spirituel, un acte intérieur de volonté, mais néanmoins un départ véritable... »

p. 673

§ 329. La vraie vigne et l'amour fraternel : Jn 15,1-17


(Jn 15,1-17)

— Les ch. 15 et 16 sont le 2° cercle, développant le 1° qui, au ch. 14, établissait le < Testament >. Par conséquent, ce qui revient d'abord, c'est l'essentiel du legs : la Communication de l'Amour trinitaire en amour fraternel (thème n° 3), sous la figure de la Vigne :

Jn 15,1-8) — La vraie Vigne. Sur ces < comparaisons >, cf. l'Introd. au § 263 , à propos de Jn 10 : « Je suis la Porte... Je suis le bon Pasteur » ; et P. Grelot: Introd. au N.T., ni / 7, p. 261-274. Ici comme en Jn 6,32) — « Je suis le Pain du ciel, le vrai » — l'article ajouté à l'adjectif souligne celui-ci, auquel on doit donner le sens fort propre à < alèthinon >* : venant de l'ordre céleste, dont ce que nous appelons « les réalités » de la terre ne sont qu'une < ombre >. À quoi s'ajoute encore le je suis, qui approprie le Christ à la Vigne avec l'absolu de l'être divin. Autrement dit, ce n'est pas Jésus qui serait < comme une vigne > : Il se dit plutôt le prototype dont le pain ou la vigne sont une ombre, une image bien faible de sa réalité divine. C'est d'ailleurs conforme à l'enseignement de la Genèse, sur l'homme et le couple « à l'image de Dieu » (Gn 1,26 et 5,1-2; cf. BC I*, p. 41 et 51-52), ainsi que de l'Exode, sur « la Tente de la Rencontre » : ce monde terrestre a pour modèle le monde d'En-Haut (Ex 25,9 BC I*, p. 258-59). Le Christ est le vrai Pain, dont la valeur nutritive est sans comparaison avec celui de nos boulangers, puisqu'il nourrit en nous la Vie éternelle (Jn 6,32-33). Pareillement, Il est l'Eau « jaillissant en vie éternelle », Porte ouvrant sur les pâturages de la Vie éternelle, Pasteur donnant sa Vie pour le Salut éternel de ses brebis (Jn 4,14 Jn 10,9-10 Jn 10,14-15 Jn 10, à présent s'il se dit « la Vigne, la vraie », c'est au même sens d'une communication de sa Vie éternelle.

// Ps 80,9-15 Ex 15,17 Os 14,9 Si 24,1-19 1Co 12,27 Ez 15,1-6 (cf. Ez 19,10-14 et Os 10,1) — Ces nombreux parallèles nous rappellent que cette image était familière à l’A.T. Et il faudrait y ajouter le célèbre < chant de la Vigne > d'Is Ez 5, et Jr 2,21, en // au § 132 . Toutefois, dans les Synoptiques comme dans l’A.T., la comparaison joue différemment que dans Saint-Jean: ce que désignait la vigne, dès Ex 15,17, c'était la solidarité de grâce du Peuple élu ; et d'autre part, ce qu'on en attend est qu'elle porte ses fruits: Is 5,2 et 7 c-d; Si 24,17-19. Même insistance marquée en Mt 21,34.41.43 sur « les fruits produits en leur temps ». Dans Saint-Jean aussi, aux v. 2.4.5 et 8; mais la comparaison s’intériorise :

La Vigne n'est plus directement le Peuple élu, qui s'y trouve seulement au titre des sarments. La Vigne, la vraie, unique et une, c'est le Christ lui-même (et c'est seulement à la lumière de cet Évangile, que le // Ps 80,18 prend valeur prophétique d'un certain rapport, mystérieux, entre la Vigne d'Israël et « le Fils de l'homme »). Ce qui vivifie toute la Vigne, c'est sa sève, sa Vie à Lui, son Sang, donné pour nous. La comparaison s'impose d'autant plus, après la Cène où Jésus vient de donner ce Sang à boire (Jn 6,53-56), sous le signe du « fruit de la vigne » § 318 — Mt 26,29). En de telles circonstances, « les résonances eucharistiques de cette allégorie sont incontestables » (A. Feuillet: Le Mystère de l'Amour, p. 98).

Or le premier effet de la communion eucharistique, quel est-il ? — « Qui boit mon sang demeure en Moi et Moi en lui », annonçait Jn 6,56. C'est justement ce sur quoi porte l'insistance de Jn 15,1-8, comme le montre la fréquence du même verbe < demeurer > (aux v. 4, par 3 fois, puis 5.6.7), encore doublée par l'expression : « en Moi » (aux v. 2.4, par 3 fois, 5 par 2 fois, 6, 7, par deux fois encore). Toute la question se ramène à l’opposition : « en Moi I sans Moi » (v. 4-7), ou bien : « en Moi / en lui seul » (v. 4). Et bien sûr : dès lors que la vie de cette Vigne est celle du Christ-Fils de Dieu, donc divine, elle est proprement sur-naturelle et par définition, au-dessus de nos seules forces. Tout disciple est ainsi invité à demeurer dans la Parole (8,31), la Lumière (1Jn 2,10) et l'Amour du Christ (15,9), comme Lui-même demande à demeurer en nous par ses paroles (15,7), l'enseignement intérieur de l'Esprit (1Jn 2,27 et Jn 14,26), son Amour (15,10) et sa Vie divine communiquée (15,16*; 1Jn 3,9 1Jn 3,15 1Jn 3, A. Feuillet: ibid., p. 95-104).

La réciprocité du « vous en Moi et Moi en vous » nous avertit en effet qu'il ne s'agit pas de n'importe quelle habitation, mais de la plus intime communion de Vie, au sens indiqué en 14,19-20*. Avec, pour conséquence ou mieux : pour « fruit », l'unification qu'apporté cette Vie, circulant jusqu'aux plus lointains sarments. C'est cela qui est signifié par le Pain rompu ou la < communion > à une même coupe : « Puisqu'il n'y a qu'un seul Pain (et une seule Coupe), à plusieurs nous ne sommes qu'un Corps unique, auquel tous nous participons » (1Co 10,16-17).

L'image du Corps (// 1Co 12,27) est du même type que celle de la Vigne, signifiant comme celle aussi de l'Église, bâtie de < pierres vives >, la puissance d'intégration des membres ou des sarments par l'organisme vivant (= par le Christ). Voir au § 165 — Mt 16,17-18* le grand texte de bossuet sur la complémentarité de ces images avec celles du mariage ou de la cité, rendant mieux compte du caractère libre et personnel de cette Alliance : tant il est vrai que nulle image terrestre ne saurait à elle seule donner une idée de l'Union et de la Vie qui, étant divine, éternelle, conjugue les perfections « toutes à la fois » (< Tota simul > — BC I*, p. 11-12). Les v. 9-17 expliqueront « les fruits » d'amour fraternel que doit produire cette greffe, puisqu'elle communique aux sarments la Vie trinitaire de l'Amour en Dieu, qui est celle de Jésus — vraie Vigne, dans sa Vérité profonde de Fils.

Jn 15,1-2 Jn 15,8) — Mon Père est le Vigneron : Ceci n'est pas nouveau : Yahvé s'était déjà déclaré le planteur et le gardien de sa vigne, en Is 5 et 27,3. Mais si la Vigne est son Fils même, Il en est donc le géniteur. Son rôle n'est pas seulement extérieur, mais c'est de l'intérieur qu'il donne aux sarments de croître (1Co 3,6-7), d'être purifiés (v. 2) et de porter des fruits (v. 5*).

C'est pour signifier cette intériorité que nous choisissons de traduire : purifier plutôt qu'émonder (BJ, Tob). Pour garder l'image sans perdre le sens spirituel dont elle est porteuse, Osty redouble : « Il l'émonde et le purifie ».

Du même coup, la solidarité entre la Vigne et le Père devient si intime que le Père est glorifié en les fruits des disciples, comme de son Fils (v. 8, recoupant le thème n° 1, comme il appert du // Signalé entre Jn 15,5* et 12,24).

Jn 15,3-5 — Vous êtes purs, à cause de la Parole... : Explique 13,10*.

porte beaucoup de fruit (v. 5) : Comme « le grain de blé qui meurt » (Jn 12,24): Là, « c'est le Christ mourant sur la Croix qui porte du fruit en attirant les hommes à Lui; en 15,4.5.8, ce sont les hommes unis vitalement au Christ... qui portent du fruit, ce qui veut dire qu'ils attirent à leur tour les hommes au Christ » (A. Feuillet: Le Mystère de l'Amour... p. 80) — Suite au v. 13*).

// Os 14,9 — « Ce passage où le Moi divin se met en avant comme source unique de tout bien, annonce déjà l'allégorie johannique de la Vigne, où le moi divin de Jésus est mis en avant comme source unique de toute fécondité surnaturelle » (Ibid. p. 217).

Jn 15,6-7 // Ez 15,1-6 — Coupé évoque une rupture. Originairement, elle se situe entre l'ex-disciple et le Christ: « pas en Moi ». Cependant, la parabole laisse entendre que celle-ci est sanctionnée et rendue manifeste par l'excommunication du < Corps ecclésial > de la Vigne. Mais les images de ramasser, jeter dehors et brûler au feu rappellent trop celles de l'Ivraie § 136 — Mt 13,41-42*), ou de l'invité dépourvu du vêtement des Noces § 282 - Mt 22,13*), pour que l'on n'y voie pas, plus encore, l'avertissement du risque de la peine d'Enfer*. Mais le dessèchement spirituel serait également dommageable dès cette terre, comme l'explique R. Guardini (Le message de Jn, p. 35) :

Il existe une intériorité organique où la croissance du corps a son origine. Il existe une intériorité psychologique où jouent les sentiments, une intériorité intellectuelle où travaillent les pensées, où l'on fait l'expérience de la vérité, et une intériorité de la personne où se prennent les décisions morales. Or Paul (et Jean) disent : il existe un domaine plus profond encore : le domaine spirituel où le Christ vit dans le croyant. Ce domaine n' est pas là de lui-même comme une région appartenant à la nature de l'homme, mais le Christ la crée dans le mystère de la nouvelle naissance par le baptême et la foi... C'est dans cette intériorité que vit ce dont nous parlent la parabole de la Vigne et le message eucharistique : le Christ dans l'homme.

Quand la foi et la fidélité disparaissent, cette intériorité disparaît aussi, alors apparaît un homme qui a perdu un domaine vital et ne comprend plus rien au message du Christ... Nous devons demeurer conscients de leur profondeur en nous. Un coeur se dessèche quand son intériorité n'est pas préservée dans l'amour. Ne laissons pas se dessécher ce qui vit dans la profondeur la plus intime de nous-mêmes.

Jn 15,7-11 // Ph 1,9-11 — Les v. 7-8 concluent la parabole de la Vigne; 9-11 font transition : tout en introduisant la suite, ils ont donc trait aussi à 7-8. La construction le montre, car elle fait remonter du « fruit » à sa double condition : « Si vous demeurez en Moi... vous porterez du fruit » (v. 7-8) se poursuit en effet par « Si vous gardez mes commandements... vous demeurerez en mon Amour» (v. 10 = v. 14). Conditions qui s’enchaînent : pour porter du fruit, demeurez; pour demeurer, gardez. C'est toujours le même enchaînement : garder les commandements — » demeurer — » aimer — » porter du fruit. Les v. 12 à 17 préciseront quel fruit essentiel : l'amour fraternel.

Aux v. 7-8 on retrouve le même lien qu'au ch. 14,13-14*, entre union avec le Christ, prière exaucée et gloire du Père., Avec cette double progression que d'une part il n'y a même plus à passer expressément par le Christ, puisque le disciple Lui est assimilé, si bien que de lui-même il parle « en son Nom » (v. 7) ; et d'autre part la glorification du Père s'explique par l'identification du fruit de la prière avec les fruits de vie que portent les disciples.

Mais ce qui est frappant surtout, c'est la réciprocité en tous sens :

1) entre le Christ et nous : « demeurez en Moi et mes paroles en vous » (v. 7) ;

2) entre pratiquer les commandements et aimer (v. 10; cf. 14,15.21.23);

3) entre nous et le Christ comme entre le Fils et le Père (v. 10), ou bien entre le Père et le Fils comme de Lui à nous (v. 9). Tout s'unifie, dans l'Amour.

Jn 15,11 // Ps 5,12 Ps 16,11 Is 12,6 Ps 100,2 — -La Joie : en plénitude évidemment, puisque divine : « ma joie en vous », comme précédemment : « ma Paix » (14,27). Là aussi, il y a réciprocité du « en vous » avec « entre dans la Joie de ton Maître » (voir § 306 — Mt 25,20-21* hugues de saint-victor). Sur cette communication de la Joie rayonnante de Dieu, cf. § 232 — Lc 15,31-32*.

Jn 15,9-17 — Cette seconde partie du § 329 enchaîne avec la première, c'est-à-dire la parabole de la Vigne : à la fois par le chevauchement des v. 9-11 qui appartiennent à l'une et l'autre parties, et par le thème < porter du fruit > (v. 2.5.8 et 16), en lien avec la prière ici et là (v. 7 et 16). Mais ce qui devient ici dominant, c'est le verbe < Aimer > : sous la forme < Agapan >* (v. 9, par 3 fois, 10 par deux fois, 12 par deux fois, 13.17); sous la forme < Phileïn > aux v. 14-15.

L'objet propre de ces v. 9-17 est donc de montrer que l'amour fraternel entre chrétiens est < le fruit > de la communication aux disciples, de l'Amour trinitaire qui est en Jésus (thème n° 3 en ce qu'il a de spécifique : nous sommes au coeur du coeur de ce Testament, comme l'annonçait l'exorde § 320 - Jn 13,34-35*). « C'est dans l'exercice de l'Agapè que l'homme connaît Dieu et participe à sa Vie, que Dieu et l'homme deviennent un, et que la créature retourne au Créateur par la médiation du Verbe éternel par qui toutes choses ont été faites » (C.H. Dodd: L'interprétation..., p. 504).

Y a-t-il une différence entre < Agapan > et < Phileïn > ? Sur cette question discutée, voir C. Spicq: Agapè III, ch. 7, p. 219-245, qu'A. Feuillet résume ainsi : « Le verbe < Phileïn > présupposerait une certaine harmonie ; il exprimerait un attachement tendre et affectueux, surtout entre époux; il se rapporterait avant tout à des relations inspirées par le sentiment ou l'instinct, aux relations de parenté ou d'amitié. Le verbe < Agapan > se rapporterait davantage aux rapports entre supérieurs et inférieurs ; il exprimerait en tous cas un amour plus noble, issu de la volonté plus que du coeur; cette forme d'amour, qui se fonde sur des sentiments d'estime, de bienveillance et sur la générosité, pousse à prodiguer des bienfaits » (Le Mystère de l'Amour..., p. 8-9).

Jn 15,9-10 — « Jésus met en continuité l'amour du Père pour Lui-même et son propre amour pour ses disciples... Ce qui est dit des relations entre le Père et Jésus est appliqué analogiquement aux relations entre Jésus et ses disciples » (Ibid., p. 54). C'est ce que disait déjà Jn 14,20, sur le thème de l'inhabitation.

Thomas d’Aquin précise : « non importât parilitatem dilectionis, sed rationem et similitudinem » : si notre intériorité n'est pas assez totale pour que nous vivions cet Amour divin « à parité » avec le Verbe, n'empêche que cette < Agapè > prend bien en l'Amour trinitaire « sa raison d'être » (son mobile, sa règle, sa direction), et « son modèle ». Jn 17,23-26* dira encore mieux : elle y prend sa source.

J'ai gardé les commandements... et Je demeure : cf. Jn 8,29; cf. 10,30; 16,32.

Jn 15,12-14 Jn 15,17 // Rm 5,8 — Réciprocité : Mon Amour est source et modèle de votre amour fraternel (v. 12, et 9) ; en retour, si vous vous aimez vous êtes mes amis (v. 14). Entre ces deux versets, le v. 13 donne la mesure humaine de cet amour; et tel doit bien être notre modèle : « Jésus a donné sa vie pour nous, et nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères » (1Jn 3,16).

Au v. 9, était au surplus rappelée la nature divine, illimitée de cet Amour : cf. § 320 — Jn 13,34*. Le v. 17 fait inclusion avec les v. 12-14.

Jn 15,15 // Is 41,8-9 Ex 33,11 Gn 18,17-18 Am 3,7 — Ami et Serviteur ne s'opposent pas, mais sont à conjuguer, comme le Christ est à la fois le Bien-Aimé et le Serviteur*, comme déjà Israël (// Is 41). Amis de Yahvé : Abraham puis Moïse (BC I*, p. 266), avec même conséquence du « plus de secrets entre amis » (// Gn 18 et Am 3). Ami de l’Époux : Jean-Baptiste (Jn 3,29).

Tout comme déjà en Jn 14,26, cette communication est à prendre sans restriction du Père à son Fils (Jn 1,3 Jn 3,35 Jn 5,20 Jn 13,3 Jn 16,15 Jn 17,7), incluant la communication de l'Esprit Saint: 16,15. Du Christ à nous, Il nous promet donc aussi communication intégrale; mais bien entendu, au moins sur cette terre, seulement < modo humano >, donc progressivement, suivant notre capacité de recevoir le Don de l'Esprit Saint en qui, c'est vrai, nous recevons toute la divinité, indivisible.

Jn 15,16 — Initiative du Christ, évidente dans la vocation des divers Apôtres § 25 , § 31 *, § 41 ,§ 46 -49*), comme celle du Père: « Dieu nous a aimés le premier ». C'est le Père qui nous attire à son Fils (Jn 6,44-45*) et nous donne à Lui: ce sera le thème de fond du ch. 17.

// Gn 12, l;Dt 7,6-8; 1Co 1,27 Ep 1,4-5 Sg 19,22 — Déjà l'A.T. soulignait la gratuité et la liberté de l'élection divine, puisqu'elle n'est pas déterminée par les qualités ou les mérites du Peuple élu, mais sur l'Amour prévenant et la Fidélité de Dieu. A fortiori dans le N.T.: Outre 1Co 1,27 (l'ensemble de ce passage, v. 26-29 se trouve en // au § 188 , qu'on se rappelle la parabole des Ouvriers de la Onzième heure. À noter en Ep 1,4 le rapport : « Elus — » sanctifiés — fils ». Cf. Col 3,12 (en // au § 282 : « élus — >• sanctifiés — » aimés — » entrez dans son coeur de miséricorde ». Plus explicitement encore : « Dieu discerne — » voit d'un regard éternel —* appelle — » justifie —* glorifie » (Rm 8,29-30, en // au § 41 .

Je vous ai institués : « Le verbe grec < Tithénaï >, comme la formule hébraïque correspondante, exprime le fait de placer quelqu'un dans une charge tout en lui assurant les moyens de l'exercer efficacement (Ac 13,47 Ac 20,28 1Co 12,28 2Tm 1,11). Le groupe des disciples est donc investi, par un don du Seigneur, de la charge de la mission (Mc 3,14 Mc 6,7 Mt 10,1 Lc 9,1) » Note Tob.

pour que vous alliez = la Mission apostolique: cf. § 370 — Mt 28,19*. Et portiez du fruit : Reprise du v. 8 ; mais dans ce nouveau contexte, on comprend que ce fruit est celui de la Mission : propagation de l'Evangile, donc du Règne, de la conversion et de la foi qui en sont l'essentiel § 28 — Mc 1,14-15*). De même, « tout ce que vous demanderez » reprend le v. 7 (et 14,13-14* — c'est le thème n° 6), mais dans ce même cadre de la Mission : l'apostolat s'appuie sur la prière. Jésus lui-même va en donner l'exemple au ch. 17, comme déjà lorsqu'il a passé à prier la nuit précédant l'Appel des Douze § 46 -49*).

un fruit qui demeure : Ainsi laissé intransitif, ce verbe < demeurer > prend valeur d'ÊTRE, éternisable (Jn 14,2*). Cf. Jn 4,36: « le moissonneur récolte du fruit pour la Vie éternelle ».

Ainsi, la boucle est par-faite: Dieu est Amour — > envoie à ses élus son Fils, pour leur transmettre ce même Amour divin, trinitaire, de l'Esprit Saint — » qui enseignera, intériorisera cet Amour — » qui vivifiera leur amour fraternel — > dont l'influence contagieuse + la prière portera ses fruits, attirant les autres hommes à cet Amour qui est la Vie éternelle de Dieu. « Dans le discours d'aDieu du Christ, se dévoile, pour ainsi dire, la < logique > la plus prof onde du mystère sal-vifique inclus dans le dessein éternel de Dieu, comme extension de la communion ineffable du Père, du Fils et de l'Esprit-Saint » (Jean Paul II : Dominum et Vivificantem I, 11).

p. 677

§ 330. La haine du monde : Jn 15,18 à 16,4a


(Jn 15,18-16,4 a)

— Cette seconde partie du ch. 15 est symétrique à la première : du fait de l'antagonisme entre Jésus et < le Monde >*, la solidarité des disciples avec leur Maître (v. 20) aura pour fruits : positivement la fécondité apostolique de la vie fraternelle (ecclésiale) ; mais négativement, la persécution (v. 18-19).

Jn 15,18-20 // He 11,32-39 1M 1,41-42 1M 1,11 1M 1,62-63 Ga 1,10 2Tm 2,3 2Tm 3,12 — Si le monde vous hait : Conditionnelle non pas tant éventuelle que réelle : C'est un état de fait, résultant de l'alternative du v. 19 : être du monde, et favorisé de lui ; ou bien être du Christ, donc pas du monde, donc haïs. Entre les deux, il n'y a même pas à choisir : on est déjà choisi. Loi si universelle que F A.T. nous en donne bien des exemples (// He et 1M), de même que l'Église naissante (Ac 4 Ac 5,17-41 Ac 7,57 à 8,3, etc. ). Cette persécution est si bien une constante que saint Paul la donne comme critère, permettant de discerner les disciples véritables (// Ga 1,10 2Tm 2,3 et 2Tm 3,12 cf. aussi 1Th 2Tm 2,15-16 1P 3,12-19 1Jn 3,13). Même annonce de persécutions dans les Synoptiques, au § 100 . Jn 17,14-16 précisera que n'être pas « du monde » n'empêche pas de vivre « en ce monde » (17,13-16*).

Ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront : Historiquement, ceux qui ont persécuté Jésus, puis ses Apôtres, sont premièrement les dirigeants juifs. Pourquoi, d'emblée, l'hostilité est-elle attribuée « au monde » alors que, d'ordinaire, Saint-Jean n'hésite guère à dénoncer l'hostilité de ceux qu'il nomme globalement : « les Juifs » (1,19; 2,18; 3,1 ; 5,10.16-18; 7,1.13; 8,48.52; 9,22; 10,31; 13,33) ? Sans doute justement pour dépasser le point de vue historique et annoncer une loi universelle : cf. F. Vouga : Le cadre historique et l'intention théologique de Jn, p. 97-108).

Le monde aime ceux qui sont des siens : Cf. 5,44; 7,7. Le monde vous hait : Comme il hait le Fils, donc aussi le Père (v. 21-24). C'est une même haine, comme c'était le même Amour trinitaire, communiqué entre frères. Haine active, persécutrice, comme à l'inverse, l'amour porte fruits de convivialité.

Le serviteur n'est pas plus grand que son maître : Déjà en 13,16*. C'est en effet le même principe de la solidarité entre Jésus et ses disciples. Mais avec ces deux conséquences complémentaires : en 13,16, du service mutuel; et ici, de la persécution, par refus du monde d'adhérer à la prédication évangélique, soit du Christ (v. 22-24), soit de ses Apôtres.

S'ils ont gardé ma parole : Étant donné le contexte de malveillance, Tob traduit : « S'ils ont épié mes paroles, ils épieront aussi la vôtre ». Mais c'est le même verbe < garder > qu'en 15,10* ; et il est réconfortant que reste offerte au monde la double possibilité de refus ou d'accueil, jusqu'à la Fin des temps.

Jn 15,21-25 // Gn 37,4 Ps 35,19 — Voici la raison pour laquelle < le Monde > est pris péjorativement, en tout ce passage et plus généralement dans ces ch. 13 à 17 : 27 emplois négatifs contre 11 seulement qui soient neutres ou positifs, alors que dans les ch. 1 à 12, il n'y avait que 9 emplois négatifs contre 24 neutres ou positifs (d'après F. Vouga: Op. cit., p. 107).

Ils vous persécuteront à cause de mon Nom : Comparer avec § 50 — Mt 5,11*; et § 100 — Mt 10,22 et // ; Ac 5,41; Ap 2,3.13.

Ils ne connaissent pas : Comme Jn 14,17. Ce n'est pas seulement ignorance, qui serait pardonnable, mais refus de la Parole de Vérité — Liberté — Vie -Lumière = le péché par excellence : cf. Jn 8,21.24 ; 9,41 ; 16,9. Il correspond à ce que les Synoptiques condamnent comme « le blasphème contre l'Esprit » § 118 *). L'argument est le même qu'en 14,10-11, avec même surcroît de preuve par « les oeuvres », qui sont venues confirmer l'autorité des Paroles (cf. ici, v. 22 et 24).

Cette accusation ouvre à nouveau le grand procès que tout l'Évangile selon Saint-Jean intente au monde, et qui sera tranché par l'Esprit Saint en 16,8-11*. La sentence de 15,24 rappelle 9,39-41. Le motif : Qui me hait, hait aussi mon Père fait antithèse avec « Si vous me connaissez (au sens fort de reconnaître et d'aimer), vous connaîtrez aussi le Père » (14,7).

Il faut que soit accomplie la Parole écrite dans leur Loi: Au moment où le Christ se proclame le Messie incompris et souffrant annoncé par ses figures de l’A.T. (Joseph, en // Gn 37,4), les psaumes (// Ps 35,19 —se retrouve au Ps 69,5, grand psaume de la Passion, en // au § 340 et les prophètes (par ex. Is 53), Il n'en marque pas moins la rupture qui s'amorce déjà entre Lui et « Leur Loi »: continuité et transcendance du N.T.vis à vis de l'A.T..

Jn 15,26-27 // Ac 5,32 Ac 1,21-22 — Premier complément à Jn 14,16-17 et 25-26 : même titre de « Paraclet, Esprit de Vérité ». Mais cette fois, Il est dit envoyé par le Fils (16,26), non moins que par le Père (14,25), conjointement.

qui procède du Père: Si l'on ne trouve en cette expression que l'envoi, la mission du Saint-Esprit aux hommes, cela fait doublet avec ce qui précède immédiatement: «Je vous l'enverrai d'auprès du Père ». Aussi, avec A. Feuillet et « l'immense majorité des auteurs catholiques », on est autorisé à y entendre l'affirmation de la procession éternelle de l'Esprit, donc de son origine proprement divine (Le mystère de l'Amour, p. 60-61).

Le < témoignage >* est une donnée fondamentale dans la Bible, pour notre foi (cf. Vtb). Celle-ci étant en effet de croire Dieu sur Parole, elle repose donc sur le témoignage qui nous en est donné. Durant l'Ancienne Alliance, celui-ci « s'entend de la Loi, solennellement proclamée et intimée avec menaces et promesses » (avec l'attestation solennelle de Dieu : cf. pc in, p. 392): c'est le « avec serment » de He 6,16-17. Mais si la Parole même de Dieu s'incarne en Jésus, Il est donc lui-même, par excellence, « le témoin fidèle et vrai » (Ap 3,14), annoncé par Is 55,4 ou le Ps 89,38. Ainsi nous le présente Jn 1,1-18; ainsi le Christ déclare-t-il à Pilate qu'il est « venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » § 347 — Jn 18,37*). Témoignage corroboré non seulement par Jean-Baptiste (Jn 1,6-8), mais par le Père du ciel (Jn 5,37 et 8,16-18) et par les Écritures (Jn 5,39), qui sont le fait de l'Esprit Saint, puisque c'est Lui qui les inspire.

Mais, pour recevoir ce témoignage, encore faut-il être mis sur la longueur d'onde correspondante (cf. Introd. Générale, ni, § la nécessaire initiation). Comme Jésus le précise à Pilate : il faut être « de la Vérité ». Et c'est un tel ajustement que doit opérer « l'Esprit de Vérité » au coeur des disciples, pour qu'ils deviennent eux-mêmes des témoins dignes de foi (v. 27). Le § 331 indiquera comment.

Le témoignage apostolique est donc l'écho qui, pour être « fidèle et vrai », doit être doublement fondé : d'une part sur l'enseignement et l'accompagnement du Christ « depuis le commencement », c'est-à-dire du Baptême à l'Ascension (// Ac 1,21-22), et d'autre part sur l'assurance et la lumière de l'Esprit. Pierre en est l'exemple, lui que la crainte devant une servante suffit à faire renier Jésus, avant que le Saint-Esprit de la Pentecôte lui donne de témoigner hardiment jusque devant le Sanhédrin (// Ac 5,32), et jusqu'à ce < témoignage > majeur qu'est le < martyre >. Les Synoptiques aussi annonçaient que ce serait l'Esprit qui parlerait dans les disciples du Christ quand ils auraient à « comparaître devant les rois » § 100 — < Concordantia discordantium >) :

Jean Paul II : Dominum et Vivificantem 1, 5 : Dans le témoignage de l'Esprit de Vérité, le témoignage humain des Apôtres trouvera son appui suprême. Et par la suite, il trouvera aussi en lui le fondement intérieur de sa continuation parmi les générations des disciples et des confesseurs du Christ qui se succéderont au cours des siècles. Si Jésus-Christ lui-même est la révélation suprême et la plus complète de Dieu à l'humanité, le témoignage de l'Esprit en inspire, en garantit et en confirme la transmission fidèle dans la prédication et les écrits apostoliques, tandis que le témoignage des Apôtres en assure l'expression humaine dans l'Église et dans l'histoire de l'humanité.

Jn 16,1-4 a — ...pour que, l'heure venue, vous vous souveniez : Non pour le pur souvenir, mais pour qu'à la lumière nouvelle de la Résurrection et de la Pentecôte, les Apôtres comprennent le sens profond de ces avertissements (prophétiques, donc montrant la divinité du Christ — thème n° 5), et des persécutions annoncées (critères de solidarité permanente avec le Christ, Lui-même persécuté). Sur cet approfondissement des Paroles du Christ, cf. § 77 — Jn 2,22*).

p. 679


Bible chrétienne Evang. - § 328. La paix du Christ: Jn 14,27-31