Bible chrétienne Evang. - § 331. Le don de l’esprit : Jn 16,4b-15.

§ 331. Le don de l’esprit : Jn 16,4b-15.


(Jn 16,4-15)

Développement sur le double rôle de l'Esprit, complétant les allusions de 14,15-17.25-26; 15,26-27.

Jn 16,4 b-7 : Reprise du thème n° 2 (Départ), avec au passage, mention de la tristesse des Apôtres, si palpable en cette Cène, par suite de la conjoncture présente et du drame qui se laisse pressentir — d'autant plus que l'annonce de la trahison l'a comme intériorisé dans le cercle même des Douze. Le caractère bénéfique et provisoire de cette tristesse est expliqué aux v. 20-24*. Mais l'essentiel en est dit ici, puisque la cause de cette tristesse (= le départ du Christ) est, d'après ce que déclare Jésus, la condition même de la joie parfaite que donnera le Paraclet, dont les premiers fruits sont « la charité, la joie et la paix » (Ga 5,22), respectivement annoncées en Saint-Jean 15,12.11, et 14,27.

Mais pourquoi donc faut-il que le Christ « s'en aille » pour que « le Paraclet vienne » (v. 7 ; Jn 7,39) ? — Parce que, bien sûr, c'est le mystère pascal de la mort, de la résurrection et de l'ascension du Christ qui permet notre propre rédemption, purification et entrée dans la vie divine (de l'Amour), que nous communiquent les sacrements, effusion normale de l'Esprit en tous les membres du Christ. Autrement dit: < il fallait >* que Jésus trace le premier l'itinéraire spirituel (« la Voie ») du < Retour au Père >, pour que les hommes à leur tour apprennent de l'Esprit Saint, et trouvent en Lui la force de suivre la même Voie: de < la naissance d'En Haut > (Jn 3,3) au dépouillement du grain de blé (12,24) — appliqué au disciple en 12,25), à l'amour fraternel jusqu'au don de sa vie (comparer Jn 10,15 Jn 10,17-18 1Jn 3,16), à l'inhabitation du Père et du Fils (Jn 14,21 Jn 14,23) donc à l'entrée dans la vie trinitaire (Cf. A. Feuillet: Le mystère de l'Amour, p. 77-82).

// 2R 2,5 — Élie n'est pas seulement figure de Jean-Baptiste, mais bien de Jésus lui-même laissant ses Apôtres et successeurs bénéficier du même Esprit Saint, manifesté lors de son Baptême, qui l'animait durant sa vie terrestre (thème de < Jésus Nouvel Élie > : cf. § 27 — Mt 4,11* et § 169 — Mt 17,3*).

Jn 16,8-11) — Le procès a été d'abord intenté au Christ, par les pharisiens (Jn 8,48 Jn 10,33); Jésus sera bientôt solennellement condamné par le Sanhédrin § 342 , et apparemment abandonné de son Père § 352 . Or le procès va se retourner contre les accusateurs, non seulement parce qu'à la Fin des temps, le Juste indignement livré à la mort infamante de la Croix reviendra juger ses juges § 297 , mais parce que, dès à présent, le Saint-Esprit intervient comme avocat (< Paraclet >) pour le défendre — non pas spectaculairement mais en révélant intérieurement à la conscience des croyants, puis par leur témoignage (15,27), la vérité sur ce qui est réellement en cause. « En manifestant que par-delà la mort Jésus a été glorifié par Dieu, l'Esprit démontrera la justice de sa cause, son bon droit, et il attestera donc, de façon irréfutable, le péché du monde et la condamnation de celui qui le régissait » (note TOB). Cf. m.f. berrouard, dans rspt 1949, p. 361-389 (avec table des principales interprétations), et I. de la Potterie: La Vérité..., p. 399-421.

Il confondra le monde sur le péché: C'est le verbe < Elencheïn > qui prend ici au maximum valeur de « moment essentiel dans l'oeuvre salvifique » (A. Uleyn: voir au § 78 — Jn 3,19-20*). Cette dénonciation est en effet nécessaire à la salutaire prise de conscience du péché, comme on le voit même pour David (2S 12,1-9*, en // au § 68 : «L'Esprit Saint qui reçoit du Fils l'oeuvre de la Rédemption du monde, assume par là même la tâche de < manifester le péché > pour sauver.


...Manifester le péché veut dire montrer le mal qu'il comporte... Depuis les origines, le mystère obscur du péché s'est manifesté dans le monde avec en arrière-plan la référence au Créateur de la liberté humaine. Il s'est manifesté comme un acte de volonté de la créature-homme contraire à la volonté de Dieu, à la volonté salvifique de Dieu; bien plus, il s'est manifesté en opposition à la vérité, sur la base du mensonge désormais « jugé » définitivement, ce mensonge qui a mis en état d'accusation, en état de suspicion permanente, l'Amour créateur et sauveur lui-même...

Établir la culpabilité, c'est montrer le mal qu'est le péché, tout péché, par rapport à la Croix du Christ. Le péché, sous cet éclairage, est vu dans toute la dimension du mal qui lui est propre, en raison du mysterium iniquitatis qu'il contient et qu'il cache. L'homme ne connaît pas cette dimension, il ne la connaît absolument pas en dehors de la Croix du Christ. Il ne peut donc être « convaincu » de cela que par l'Esprit Saint...

Ceux qui acceptent la « mise en évidence du péché » par l'Esprit Saint l'acceptent également pour « la justice et le jugement ». L'Esprit de vérité qui aide les hommes, les consciences humaines, à connaître la vérité du péché, fait en sorte, par là-même, qu'ils connaissent la vérité de la justice qui est entrée dans l'histoire de l'homme avec la venue de Jésus-Christ. Ainsi, ceux qui, convaincus qu'ils sont pécheurs, se convertissent sous l'action du Paraclet, sont en un sens conduits hors du cercle du « jugement », de ce « jugement » par lequel « le Prince de ce monde est déjà jugé » (Jean Paul II: Dominum et Vivificantem II, 28,39,32,48).

Sur la justice : Au sens biblique de ce mot, qui non seulement innocente moralement le Christ de toute accusation et de tout péché (Jn 8,46 Jn 8,48 Mt 26,65), mais le reconnaît pour < juste > ce qu'il prétendait être — Fils de Dieu, venu d'En Haut, Envoyé du Père, Un avec Lui — et < juste > ce que le Père lui a demandé. C'est ce que montre sa glorification (v. 10), antécédente, on s'en souvient, à la venue de l'Esprit (v. 7), qui témoigne donc de cette < justice > ainsi rendue au Crucifié. Dans le texte grec, le jeu des particules suggère cette double opposition, triomphale, de la Justice du Christ, d'une part à l'incrédulité du monde, le péché essentiel, et d'autre part au prince de ce monde (La Vérité..., p. 417-418).

Je vais au Père, et vous ne me verrez plus : déjà en 14,28*; expliqué en 16,16-19*.28*.

Sur le jugement : Au sens de condamnation, comme en Jn 5,29. Le prince de ce monde est jugé (v. 11): Au parfait, donc déjà dépossédé de son pouvoir maléfique, par la Puissance de la Croix, conformément à ce que Jésus lui-même annonce en Jn 12,31-32 (cf. 14,30 et 16,33). Par l'injuste condamnation du Christ à la Croix, c'est en réalité Satan, instigateur de ce procès terrestre, qui perd son empire, au Jugement éternel de Dieu.

Jn 16,12-15) — Après le rôle d'avocat, de < Paraclet > (Jn 14,16*), justifiant l'oeuvre rédemptrice du Christ, la mission révélatrice de l’« Esprit de Vérité ».

Jn 16,12-13 // Ps 25,5 Ps 143,10 — Marque nettement les deux temps de la Révélation : maintenant = durant la vie terrestre du Christ, et quand viendra l'Esprit de Vérité, après glorification du Premier. Mais il ne s'agit pas d'un complément de la Révélation totale, qu'est Jésus en son être même de Parole de Dieu incarnée: en ce sens, tout est déjà dit (Jn 15,15). Reste pourtant l'écart infini entre la perfection sans limites de ce Verbe divin, et nos propres limites de créatures. En ce sens, nous ne pourrions à nous seuls « porter » tout ce que le Christ aurait non seulement à nous dire, mais à nous transmettre. La corrélation entre Sujet et Objet (cf. fin de l'Introd. Générale) exige que nous soyons intérieurement transformés par l'Esprit, pour être « guidés vers la Vérité tout entière », « formule qui traduit fort bien la pénétration dans cette Vérité du Christ tout entière sous Faction de l'Esprit » (I. de la Potterie: L'emploi de < Eis >..., p. 373. Sur le sens de « guider », cf. La Vérité, p. 432-36, qui indique les // des Ps 25 et 143).

Il faut en outre se garder de ne donner à cette < Vérité > qu'un sens trop uniquement intellectuel. Comme toujours, en Dieu dire et faire sont d'un seul tenant. Son Dessein salvifique est non seulement une belle < Idée >, mais en voie d'accomplissement*, précisément par Jésus « en qui l'Amour du Père pour les hommes se parfait » § 24 — Mt 3,17 b*) — et il se parfait fondamentalement en la Passion et Résurrection. Pénétrer cette Vérité n'est donc pas seulement affaire d'intelligence, mais d'une foi qui est engagement, solidarité avec le Christ en cette Passion et Résurrection, notamment par les sacrements. Sans doute est-ce pour quoi il est dit que cette Vérité, nous avons à la « porter » — même verbe insistant sur la charge que pour «porter la croix» (Jn 19,17 Lc 14,27) ou « porter le fardeau de la Loi » (Lc 11,46 Ga 6,2 Ga 6,5).

Vous ne pouvez pas : Est à prendre au même sens métaphysique d'incapacité radicale que « sans Moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5). Le moindre acte sur-naturel exige d'être greffé sur le Christ et sous l'influx de l'Esprit (1Co 12,3), les deux allant de pair : « Qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas » (Rm 8,9).

Jn 16,13 b-15) — C'est l'explication (car) du rapport de l'Esprit Saint à cette « Vérité tout entière » (v. 13 a). Nous suivons ici I. de la Potterie : La Vérité..., p. 439-466. La structure de ces 3 versets est triplement ternaire, et trinitaire, comme le marque le 3° stique de chacune des 3 strophes : « Il vous l'annoncera ». Mais en outre, le 2° stique répète chaque fois que cette annonce est reprise de celle du Christ: « Il dira ce qu'il entendra » (v. 13) ; « Il prendra de ce qui est mien » (v. 14 et 15, identiquement). Reste le 1° stique, nommant à la 1° strophe l'Esprit, à la 2° et à la 3°, le Fils puis le Père.

// Ne parlera pas... mais Il dira : En grec, répétition du même verbe < Lalô >, caractéristique d'une parole de révélation : § 260 — Jn 8,12-20*. Ce qu'il entendra : comme « dire » ou « annoncer », relève du registre de la < fides ex auditu >, de la foi à l'écoute de la Parole, biblique, plutôt que du < voir ou contempler >, attendu des Grecs et des Gnostiques (Jn 17,3*).

Il vous annoncera: En grec, le préfixe de ce verbe (qu'on ne retrouve qu'en 4,25), lui donne le sens plus précis d'« annoncer au retour d'une mission » ou de « revenir annoncer » — ce qui convient ici où le Christ, premier Paraclet, part et annonce qu'il reviendra, en l'Esprit dont ces 3 versets vont dire l'intimité avec Lui. Si bien que cet Esprit « redira » (traduction proposée par le P. Jouôn) le même < Évangile >. Mais en outre, I. de la Potterie montre que ce verbe a aussi le sens de < dévoiler >, au sens < apocalyptique > (révélateur) de ce mot (cf. 16,25*). C'est d'autant plus indiqué ici que le reste des 3 strophes se terminant par ce triple « Il vous annoncera », tend à souligner qu'il n'y a rien de nouveau sur l'unique révélation du Christ, qu'une clarté plus intérieure. D'une strophe à l'autre cependant, la similitude formelle n'en souligne que mieux la progression :

Jn 16,13 b — Il y a parallélisme exact entre le < dire > de l'Esprit et celui du Christ. Car Lui aussi « ne parle pas de son propre chef » (7,17 ; 12,49 ; 14,10), et « dit ce qu'il a entendu » (8,26.40). D'autre part, ce que l'Esprit annoncera, d'après ce v. 13 b, ce sont « les choses qui viennent », expression très générale qui, plutôt qu'un don de prédire l'avenir, porte soit sur les temps eschatologiques proprement dits, soit plus précisément sur « la nouvelle économie du Salut, inaugurée par la mort et la résurrection du Christ et par le don de l'Esprit, en un mot, le temps de l'Église » (La Vérité 1P 449-451 dans le même sens, A. George, dans Ass. S. n, n° 1P 31, 1973, p. 43-44). L'objet de la révélation comme son exercice (parler) relèvent donc de la Mission terrestre de l'Esprit.

Jn 16,14) — À la différence de 13 b, l'annonce ne porte plus tellement sur l'à-venir que sur « ce qui est mien », antécédent normal de « Il vous /'annoncera ». Mais cette indication est, à nouveau, très générale, sans doute afin de la laisser ouverte au sens le plus englobant. Par conséquent, si le lien avec 13 b encouragerait d'abord à y voir seulement, du Fils à l'Esprit, une communication de l'ordre du connaître — « ce qu'il a entendu » — celle-ci ne se sépare pas d'une communication plus fondamentale, de fêtre même, trinitaire. Ceci est doublement confirmé par :

1) Il prendra: Au sens le plus constitutif, de l'Être non moins que de l'Avoir. Tellement qu'I. de la Potterie propose de traduire : « Il recevra », car « en Dieu, le rôle de l'Esprit vis-à-vis de Celui (ou Ceux) dont Il < reçoit > est plus ou moins parallèle à celui du Fils vis-à-vis du Père ; or ici, c'est l'aspect de dépendance qui est continuellement souligné par Saint-Jean » (cf. v. 15*).

2) Il glorifiera le Christ en cela («car Il prendra de ce qui est mien »). Or, d'après les autres endroits où le IV° Évangile parle de cette glorification, celle-ci provient soit de « l'efficacité de l'oeuvre du Fils de l'homme, et notamment du fait que sa Parole devient efficace dans l'Église et que de plus en plus les hommes croient en Lui» (Jn 12,23 Jn 13,31-32), soit du «dévoilement de la filiation divine de Jésus » (1,14.18; 11,4; 17,1). Donc ce qui glorifie le Christ, c'est que l'Esprit annonce aux disciples ce qu'il a pris ou reçu du « mien », c'est-à-dire de ce qui relève du Moi, de la Personne (divine) du Verbe incarné = « tout ce qui est propre à Jésus, tout ce qui le caractérise, aussi bien dans sa personne que dans son oeuvre; c'est tout ensemble l'oeuvre du Salut qu'il est venu accomplir, la révélation qu'il apporte, et tout ce qui forme le secret même de sa personne: Jésus en tant que Fils de Dieu » (La Vérité. 1P 457-460).

Jn 16,15) — Les 2° et 3° propositions de ce verset reprenant textuellement celles du v. 14, ce qu'il ajoute, par sa 1° proposition, c'est en quel sens Jésus peut parler de « ce qui est mien », et pour autant, le préciser. Car dans la communion totale, unitaire, de la Trinité, « tout ce qui est à Toi est à Moi, et tout ce qui est à Moi est à Toi » (17,10*). C'est cette rectification qu'apporté le v. 15: ce que Jésus disait à bon droit « mien », à commencer par son être même, vient du Père, comme sa Parole, sa Mission etc... (La Vérité 1P 462). De l'Esprit (v. 13 b), on est remonté au Fils (v. 14), et au Père (v. 15).

On voit combien il serait insuffisant de s'en tenir — pour le Discours après la Cène en général, et pour ces 3 versets 13-15 en particulier — à une interprétation purement < fonctionnelle > de la Révélation sur les rapports de l'Esprit avec le Fils et avec le Père, comme si l'Écriture s'en tenait à la double Mission du Verbe et de l'Esprit auprès des hommes (sur cette restriction abusive de sens, cf. l. malevez, dans Rech. sr. 1960, p. 258-290) : en cette Mission se révèle aussi quelque chose de la Vie trinitaire en Dieu même. Et « la Vérité tout entière » vers laquelle doit nous guider le Paraclet, c'est tout cela, qui n'est rien d'autre que Jésus lui-même, parole du Père, répercutée en l'Esprit de Vérité.

// Sg 1,1-7; 7,21) — Face à la Révélation trinitaire du N.T., l'un des sommets de la Révélation de l’A.T., où Sagesse et Esprit Saint sont à la fois déjà quasi-personnalisés, mais cependant liés pour une communication à l'homme, exigeant corrélativement de lui la plus grande rectitude.

p. 683

§ 332. « La tristesse se changera en joie » : Jn 16,16-22


(Jn 16,16-22)

— Nous suivons le découpage de la Synapse BJ, mais il est bien évident que les § 332 -333 sont liés, par le thème du Départ suivi d'un Retour (v. 16-19 et 25-30) comme par celui de la Joie (20-22 et 24).

Jn 16,16-19 // Ps 13,2-5 Ps 63,2 Ps 63,7 — Présentée sous forme d'énigme, piquant la curiosité et demandant explication, c'est bien une sorte de « parabole » (v. 25) — cf. § 127 — Mt 13,10*), même si, dans la plupart des paraboles évangéliques, le côté < révélateur > nous avait paru plus important (cf. Introd. aux § 125 -139). Plus exactement, c'est un < Mashal > (voir BC I*, p. 331) — Oracles de Balaam).

Encore un peu de temps : Revient 7 fois en 4 versets, comme énigme, mais aussi, par son balancement, comme berceuse apaisante. Jésus l'avait annoncé, dans les mêmes termes, dès 7,33-34 : « Je suis encore avec vous pour un peu de temps : puis je m'en vais vers Celui qui m'a envoyé. Vous me chercherez et ne me trouverez pas » (et de même en 12,35; 13,33; 14,19). C'est le thème n° 2 (Départ-Retour) ; mais on voit qu'il est connexe à celui, fondamental dans la vie spirituelle, de < chercher-trouver >* : les // Ps 13 et 63 en sont deux exemples. A. Feuillet: Le mystère de l'Amour, p. 118-123, donne d'autres références, scripturaires et patristiques.

Vous ne me contemplerez plus... puis vous me verrez : Les deux verbes diffèrent, sans doute pour marquer l'écart entre la simple observation naturelle que tous pouvaient faire de Jésus-Christ durant sa vie terrestre (sur le sens de < Théôréô > — contempler, voir § 327 — Jn 14,17*), et les < visions > (réelles mais plus délimitées) que les Apôtres auront du Ressuscité.

et je vais au Père : Le rapprochement que font les disciples de cette phrase — qui se trouve loin en arrière, en 14,12.28) — avec l'énigme de 16,16, montre qu'ils ne sont pas si incompréhensifs de ce que Jésus leur annonce maintenant.

Augustin: Tr. 101 sur Jn, § 6 (PL 35,1895-96; Vives 10,335): Ce «peu » c'est tout l'espace de temps que traverse le siècle présent, et dont saint Jean dit dans son épître : « Nous sommes à la dernière heure »... [Comme le remarquent en effet les Apôtres, le Seigneur) n'a pas dit qu'il serait soustrait à leurs regards entre sa mort et sa résurrection seulement : mais « qu'il allait au Père » ; et c'est ce qu'il fit après qu'il fût ressuscité, et lorsque, s'étant montré proche d'eux pendant quarante jours, il monta au ciel... Quant à ce qu'il ajoute : « Et encore un peu et vous me verrez », c'est ce qu'il promet à toute l'Eglise; de même qu'il promet à toute l'Eglise : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles ».

Le Seigneur n'est pas lent à réaliser sa promesse : « Un peu de temps », et nous le verrons ! là où nous ne demanderons plus rien, où nous ne poserons plus de questions, parce qu'il ne restera rien à désirer, rien à souhaiter. Ce « peu de temps » nous semble long, parce qu'il dure encore ; quand il aura pris fin, alors nous verrons combien il était court !

Que notre joie ne ressemble donc pas à celle du monde, dont il est dit : « Le monde, lui, se réjouira ». Et cependant : tristes comme nous sommes pendant l'enfantement de ce que nous désirons, ne soyons pourtant pas sans joie : mais, comme le dit l'Apôtre, « joyeux dans l'espérance, patients dans la tribulation ». Car la femme qui enfante — c'est à elle que le Seigneur nous compare — se réjouit de la naissance prochaine, plus qu'elle n'est triste de la présente douleur.

Jn 16,20-22 // Is 26,8-19 Mi 4,10 Rm 8,22 Is 66,14 Is 66,13 des douleurs de l'enfantement est classique (cf. Is 21,3-4; Jr30,6; Os 13,13), en un sens messianique (// Is 26 et 66; Mi 4,9-10) ou, dans le N.T., eschatologique (// Rm 8,22; cf. Mc 13,8; 1Th 5,3). Mais nulle part les souffrances ne se trouvent aussi fortement rapportées à la joie de la naissance. Ainsi, les Apôtres vont-ils passer de la tristesse qui les écrasera durant l'Agonie et la Passion § 337 - Lc 22,45) à la joie des apparitions de Pâques § 359 - Mt 28,8; § 365Lc 24,41 Jn 20,20). Mais plus généralement, c'est la Loi Pascale de mort pour une résurrection, inhérente non seulement à toute la spiritualité chrétienne, mais en un sens même, à la vie cosmique (// Rm 8,22 cf. « le grain de blé » de Jn Rm 12,24).

Après la parabole du v. 21, le v. 22 précise le motif (« je vous reverrai », thème n° 2), la profondeur (« votre coeur ») et l'assurance définitive de cette joie (« nul ne pourra vous l'arracher »), comme le chante la liturgie Pascale : « Ressuscité, le Christ ne meurt plus... » (Rm 6,9-10). Le Discours après la Cène, placé tout entier sous le signe de l'apaisement des Apôtres (14,1.27; 16,33*), débouche donc sur un appel à la Joie, caractéristique de l'ère messianique (Lc 1,14*.44*). Si tourmenté qu'il fût, Bernanos ne s'y trompait pas, en intitulant La Joie le roman où il tentait de définir au plus haut la vie chrétienne : « L'Église dispose de la joie, de toute la part de joie réservée à ce triste monde. Ce que vous avez fait contre elle, vous l'avez fait contre la joie » (Journal d'un Curé de campagne, cf. PI. 1045-46).


p. 684

§ 333. « Le père lui-même vous aime... » : Jn 16,23-33


(Jn 16,23-33)


— Le deuxième cercle du Discours (ch. 15-16) va vers sa conclusion, dans le prolongement des deux thèmes du § 332 : Joie plénière (Jn 16,24), Retour au Père (Jn 16,28), avant que ne le ponctue la double inclusion des v. 28* et 33*.

Jn 16,23-27 a // Jr 3,19 Jr 3,22 Is 63,16 Dt 1,31 Dt 32,10-11 — Thème n° 6, de l'invitation à la prière, qui accompagne donc tout le Discours depuis Jn 14,13-14*, avec les mêmes caractéristiques : universalité («quoi que vous demandiez »), pourvu que ce soit toujours « en mon Nom » ; efficacité (Il vous le donnera... demandez et vous recevrez = Mt 7,7 = une des formes de < chercher-trouver >).

Mais à présent, du fait de la communication, par le Christ, de la Vie trinitaire à ses disciples (thème n° 3, illustré par la parabole de la Vigne), la relation est directe du chrétien au Père comme du Fils à son < Abba > (Jn 16,27). C'est le Dessein éternel de Dieu qui « se parfait » dans cette < filialisation > dont témoigne la prière chrétienne qui nous habilite à dire : « Notre Père... », avec la confiance d'être exaucé dont Jésus nous a donné l'exemple § 266 - Jn 11,41-42*).

En ce jour-là* (v. 23 et 26; cf. 14,19*) : Au sens messianique et eschatologique, annonçant beaucoup moins la Fin que, par-delà cette « nouvelle naissance » (v. 21-22), l'ère nouvelle (Mc 13,17 Mc 13,19 Mc 13,24 Mc 13,32 — en relation avec l'image de l'enfantement, Mc 13,8; mais aussi, plus positivement, 14,25 et Ac 2,17). Ce Jour-là est donc inauguré dès Pâques et la Pentecôte — où chaque messe ressource les chrétiens.

Vous ne m'interrogerez plus sur rien : Fruit du « tout ce que J'ai entendu, Je vous l'ai fait connaître », et de : « L'Esprit vous guidera vers la Vérité tout entière » (15,15; 16,13 a — À comparer avec 16,30*).

Que votre joie soit plénière : Suite des v. 20-22*. S'expliquera en 17,13*.

Jn 16,25) — Je vous ai dit ces choses en paraboles, l'heure vient...: L'heure, c'est la Passion, si bien que l'on pourrait comprendre : à présent, ce sont les souffrances, la mort, la résurrection et l'ascension du Christ qui vont être directement parlantes, révélatrices de l'Amour du Père, dont les enseignements du Christ même ne pouvaient être qu'une traduction langagière.

Mais en outre, ce verset est d'un parallélisme remarquable avec d'une part 14,25-26, et de l'autre 16,13 b — où l'on retrouve les deux mêmes verbes : < parler > (< Lalô >*) et < annoncer >, au sens révélateur que nous avons vu en 16,13 b* (cf. L'analyse de La Vérité. 1P 425-26 et 442-44). En ces 3 versets, on retrouve les deux temps de l'enseignement du Christ : Le premier, « pendant que Je demeurais avec vous » (14,25), « en paraboles » ; le second, « ouvertement », en clair (16,25). Ce sera toujours l'unique révélation du Christ : «Je vous annoncerai », (16,25), mais la comparaison avec 14,25 montre que, dans le 2° temps, ce sera par « l'Esprit de Vérité » que désormais le Christ pourra faire vivre en nous l'Evangile (14,26*) et nous initier à la Vérité tout entière (16,13 b*). C'est donc la confirmation de l'identité foncière de la Révélation de l'une à l'autre étape. L'essentiel de son objet, c'est « Le Père » ; autrement dit : « Dieu nous aime ».

Le Père vous aime parce que vous m'avez aimé : L'amour du Père, qui est son être même, est toujours premier. Si nous aimons le Christ, ou nos frères (14,21*), c'est en vertu de la communication de cet Amour divin. Et si cela redouble l'Amour du Père à notre égard, c'est de reconnaître en nous le reflet de cette divine charité (cf. 17,26*). C'est tellement à de tels rapports paternels avec l'homme que Dieu tend depuis toujours que, sans attendre « ce Jour-là », Il a commencé de se révéler < notre Père > dès l’A.T. (// Jr, Is, Dt).

Jn 16,28 // Gn 31,3 — En conclusion, la formulation la plus globale du < circuit > d'Amour, où se parfait le Dessein divin: Envoyé à la recherche des brebis perdues — comme le Bon Pasteur de Lc 15, comme Joseph à la recherche de ses frères (Gn 37,13-14 — cf. BC I*, p. 167) — le Verbe s'incarne (v. 28 a). Mais, tel Jacob (// Gn 31,3), c'est pour revenir « chez son Père » § 18 - Lc 2,49*), à la tête de ses frères auxquels il a communiqué la Vie divine, au prix de sa mort de Bon Pasteur (Jn 10). Or ce même cercle ouvrait le ch. 13,1 et 3* (voir Introd. au § 316 : c'est donc une première inclusion englobant toute la Cène.

Jn 16,29-32) — Les Apôtres ont déjà confessé l'origine divine du Christ, par exemple en Mt 14,33 et 16,16 (même si, bien entendu, ce n'est pas avec les précisions de la théologie ultérieure). Jésus, d'ailleurs, vient de le reconnaître (v. 27). Le motif de leur foi, lui aussi, est plus profond qu'il n'y paraît. Car le « Tu n'as pas besoin qu'on t'interroge » n'est pas seulement un ébahissement devant une miraculeuse clairvoyance : rapprochée du « Vous ne m'interrogerez plus sur rien » (v. 23), cette exclamation peut prendre valeur de reconnaissance d'une science totale, divine. Or le contexte prouve qu'on doit bien l'interpréter en ce sens : d'une part, c'est exactement ce que dit le « tu sais tout » initial, surtout rapproché de « la Vérité tout entière » de 16,13 a; et d'autre part, la conclusion sur la divinité du Christ ne s'ensuit que si les Apôtres ont bien donné à la science elle-même du Christ, plénitude et origine proprement divines. Ce n'est donc pas là-dessus que les reprend le Christ, mais sur la fragilité de leur foi, que manifestera l'écart entre le « à présent » et « l'heure » imminente de la Passion (v. 31-32 a). La foi demande à se confirmer en imperturbable fidélité.

Vous serez dispersés, chacun de son côté (// à Mt 26,31) : Au-delà de la prédiction qui se vérifiera dans une heure, il y a là une image désolante d'une faillite de la foi. Car au lieu de < rassembler > en Église, et d'orienter vers les demeures célestes (14,2-4), c'est le « chacun pour soi » de la dispersion, qui est le grand malheur du Peuple élu, défaillant et laissé à lui-même (Lv26, 33; Dt4, 27; Tb 13,3 Tb 13,5 Ps 44,12 Jr et Ez, passim). Au contraire, le Christ est venu « pour rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés § 267 — Jn 11,52), comme l'annonçaient les prophètes pour les temps messianiques (voir Concordance BJ, à ces deux verbes, ou Vtb < Dispersion > et — renvois significatifs — < Rassembler — » Église — > Pentecôte — » Unité >). Mais auparavant, les Apôtres vont passer par « l'heure des ténèbres » § 338 — Lc 22,53).

Je ne suis pas seul, le Père est avec moi : Cf. 8,16.29 ; 10,30. La remontée, de la situation terrestre du Christ à son être divin, trinitaire, est saisissante. Comme en un éclair, on entrevoit ce que c'est, pour cet homme qui se sait persécuté, abandonné, proche de la mort, que sa conscience de Fils Bien-Aimé!...

Jn 16,33 // Ps 29,11 Is 26,12 Is 66,12 Ha 3,13 Ap 12,10-11 1Jn 5,4 Je vous ai dit ces choses, thème n° 5; paix fait inclusion avec 1Jn 14,1, en moi la paix, fait écho à 1Jn 14,27, « ma paix, non comme le monde la donne... » J'ai vaincu le monde: Conclut triomphalement l'annonce de l'affrontement du Christ avec le Prince de ce monde sur laquelle se terminait le 1° cercle du Discours (14,31 ; cf. 12,31), mais en associant cette fois les Apôtres, et à leur suite l'Église, dans ce combat — « vous aurez à souffrir » (rappel de 15,18 à 16,4) — et donc aussi à sa victoire, par la foi: // 1Jn 5,4-5; cf. 2,13-14 et 4,4; Ap 2,7.11.17.26; 3,5,12.21.

Ce serait une finale admirablement composée à ce < Testament > que le Christ laisse aux Apôtres si, en réalité, le Discours à cet instant ne rebondissait en un 3° cercle :

p. 685

§ 334. La prière sacerdotale : Jn 17,1 -26


(Jn 17,1-26)

— La césure est bien marquée par la conclusion initiale: « Ainsi parla Jésus ». Alors, Il entre en prière. Son attitude même en avertit : « Levant les yeux au ciel », c'est-à-dire : tournant son regard vers le Père « qui est aux cieux » § 62 *), en un geste qui lui était familier § 151Mt 14,19*). Le ton, surtout, change : de tendre et paternel — « mes petits enfants », Jn 13,33* — il devient hautement filial, sous l'invocation répétée : < Père > (v. Jn 17,1 Jn 17,5 Jn 17,21 Jn 17,24), < Père saint > (v. Jn 17,11*) et < Père juste > (v. Jn 17,25*). Ton de révérence et de déférence, mais qui ne frappe pas moins par son imperturbabilité pérennelle : on est parvenu au point extrême où l'Heure* (v. 1) la plus temporalisée (comme la pointe extrême de tout ce qui convergeait jusque-là), accède à l'éternité de son < Retour au Père >. Maintes fois manifesté comme attendu (Lc 2,49 Jn 7,33 Jn 8,19 Jn 8,21), plus pressant durant le Discours après la Cène (13,3.36; 14,4.28; 16,5.10), à présent, il est en cours : « Maintenant je viens à Toi » (Jn 17,11 Jn 17,13). Une telle conjugaison de l'< Aujourd'hui >* et de l'Eternel est proprement < liturgique > (C.J. Nesmy: Spiritualité Pascale, p. 22-23, citant « Mediator Dei » ; et Spiritualité de Noël, p. 178-183). De là vient que le Christ puisse parler comme déjà ressuscité (DODD : L'interprétation, p. 502), de sa Passion comme déjà consommée (v. 4*), de sa vie terrestre au passé (v. 12), de son Ascension comme acquise (v. 24) et de sa glorification comme effective (v. 4*). Au dire de P. Grelot, le jeu des temps verbaux et les allusions contrastées sur le < lieu > actuel du Christ (v. Jn 17,11 Jn 17,13 b) Le situent entre terre et ciel, passant du temps à un au-delà du temps où il y a durée mais plus de succession des temps, si bien que sa prière « devient éternelle et recouvre tout le temps de l'Église » (Introd. au N.T. III/7, p. 305).

Mieux encore, c'est une prière liturgique au sens où elle est < action >, efficiente : « Ce n'est pas un épisode parmi ceux qui se déroulent de la Cène au tombeau vide, une prière avant la croix ; elle est le mystère qui s'accomplit dans la suite et l'unité de ces événements. Elle est l'acte suprême de Jésus allant à son Père pour notre salut. C'est la prière de la croix et de la résurrection, le geste même du sacrifice, et on l'a justement nommée la prière sacerdotale » (A. George: rb 1954, p. 396). Sur ce caractère sacerdotal de Jn 17, cf. A. Feuillet: Le sacerdoce du Christ et de ses ministres, auquel nous nous référons avec les précisions qu'y ajoute I. de la Potterie: La Vérité..., p. 706-783.

L'objet de cette prière est manifestement tripartite : pour le Fils lui-même (v. Jn 17,1 ss), ses Apôtres (v. Jn 17,9 ss), enfin « pour ceux qui, sur leur parole, croiront en moi » (v. Jn 17,20). Sur ce schème, généralement admis, les plans proposés par les exégètes diffèrent avant tout quand il s'agit de fixer le début de la seconde partie. On peut en effet hésiter entre le v. 6 ou le v. 9, les v. 6 à 8 faisant en réalité transition. Résumé des principaux plans : R.e. Brown n, p. 748-751 ; A. Feuillet: Le sacerdoce, p. 42-46. L'analyse du texte aide à comprendre ce flottement, qui va lui-même dans le sens d'une plus grande solidarité du Christ et de ses Apôtres.

Jn 17,1-5 — Il y a comme une inclusion dans cette glorification réciproque — thème n° 1 du Discours : § 325 -328* — mais en ordre inversé. Au v. 1 : Père -h> Fils — » Père ; au v. 4-5 : Fils — » Père -» Fils. Quelle est cette Gloire ? — Celle que le Père communique à son Fils est premièrement celle de la Vie trinitaire, éternelle (v. 5*), ainsi que « le Pouvoir sur toute chair » (v. 2 a*). Elle est apparue avec l'Incarnation et la naissance de Jésus (*; Lc 2,9*). Celle que le Fils donne au Père, c'est l'Oeuvre (v. 4*) où se parfait le Dessein salvifique de Dieu (v. 2 b*; cf. § 24Mt 3,17 b*), par la communication de cette Gloire elle-même aux hommes (v. Mt 17,22 Mt 17,24 Mt 17,26 = thème n° 3). Mais sans oublier que c'est par la Croix que doit s'opérer cette Rédemption et donc cette glorification du Christ § 309Jn 12,23*). Toute la prière est donc incluse entre ces deux thèmes n° 1 et 3 qui sont l'axe central du Discours : cette fois encore admirons comme la composition elle-même met en valeur l'essentiel du propos.

Jn 17,2 — Comme tu lui as donné Pouvoir* : C'est l'<Exousia>*, la Royauté souveraine de Dieu, confiée au < Fils de l'homme > § 40 - Mc 2,8-12*; § 80Jn 3,35*; cf. Da 7,13-14, en // au § 297 .

sur toute chair: D'emblée, l'enjeu est universel; et cela exclut déjà certaines interprétations trop restrictives de 9 b*. De même : à tous ceux que n'est pas partitif (opposant ceux-là à d'autres, qui ne seraient pas donnés). Ce qui n'enlève pas aux hommes la liberté de prendre parti pour le Père en se laissant « attirer » à écouter sa Parole, son Fils § 163 — Jn 6,44* et 37*).

Il donne : Ce verbe, caractéristique de la double communication Père — » Fils et Fils — > Disciples, revient 3 fois en ce seul verset, puis aux v. 4*.6.7.8.9.11.12.14.22.24 = 15 fois. C'est le verbe propre au Dieu-Agapè: être = Se donner en un Fils dont Il est Père, en lui donnant sa Gloire (v. 5*), sa Parole (v. 8*), son Nom (v. 11*). Et Il lui donne encore son Oeuvre (v. 4*), qui est de transmettre cette Vie éternelle qui lui a été donnée, en un Jugement de résurrection (Jn 5,26-29 Jn 5,21). C'est-à-dire que le Père nous donne son Fils (3,16), qui Lui-même Se donne pour nous donner la Parole et le Pain de Vie éternelle (Jn 6). Ainsi, se joignent Père et Fils pour nous donner leur Esprit Saint, qui est par excellence le Don procédant du total don mutuel de l'Amour entre le Père et le Fils (v. 26*).

la Vie éternelle: Il n'y en a qu'une, celle de Dieu, trinitaire, à laquelle toute la suite (v. 3 à 26) indiquera comment nous y sommes associés < en Vérité > :

Jn 17,3 // Sg 15,1-3 Jr 24,7 — Cette définition pourrait nous paraître décevante, tellement nous sommes habitués à distinguer, voire même opposer les idées et la vie. Mais de toute évidence, < connaître >* (= l'acte, et pas seulement les connaissances qui en résultent) doit être pris en son sens biblique, donc avec une plénitude telle que dans la communion de vie entre époux (BC I*, p. 68). Un tel connaître est à la base de toute l'Alliance, qui demande à l'être « de coeur » (// Jr 24,7), et si bien que le mariage soit le symbole sacramentel de l'union nuptiale entre Dieu et son Peuple, chantée par les prophètes. C'est ce que la Nouvelle, Alliance accomplit*, puisque Jésus est nommé par Jean-Baptiste « L'Epoux » : toute son Incarnation a pour but de nous faire < connaître > ainsi le Père (Jn 1,18), en nous donnant l'Esprit de cette connaissance totale du « Je vis et vous vivrez » (14,19-20*; 16,13*). Dès lors on pressent que ce connaître, cette union au Christ et à son Père, en Esprit, soit « justice parfaite et racine d'immortalité » (// Sg 15,1-3). «Les hommes verront donc Dieu, afin qu'ils vivent, devenus immortels par cette vision, et parvenant jusqu'à Dieu. C'est ce qu'avait annoncé symboliquement le prophète : que Dieu serait vu par les hommes qui portent son Esprit et attendent avec constance sa venue, comme l'a dit Moïse dans le Deutéronome : « En ce jour-là nous verrons, car Dieu parlera à l'homme et il vivra » (Dt 5,24Irénée : Adv. Hoer. IV, 20,6 ; SC 100, p. 642).

Jn 17,4) — Voilà comment le Fils glorifie le Père « sur cette terre » — donc < ad extra >, et sans parler de la glorification du Père que le Fils est en son être même, en la Sainte Trinité, car sans le Fils, il y aurait nullité de Père...

J'ai consommé : Cf. Jn 4,34; 19,30*. Ce verbe ajoute au thème si central de < l'accomplissement > celui du « jusqu'au bout » qui se trouvait dans l'introduction à la Cène, Jn 13,1* : en grec, < Télos > et < Téléïoun > : « Plus qu'accomplir, c'est conduire au terme, achever et parachever» (Lagrange); et encore: « mener à bonne fin » (A. Vanhoye, p. 409 de L'oeuvre du Christ, don du Père).

l'Oeuvre que tu m'as donnée: Expression paradoxale, du même genre que « Ma doctrine n'est pas la mienne » § 256 — Jn 7,16* Augustin), provenant de ce que l'Oeuvre de création et de salut, elle aussi, est à la fois l'oeuvre du Père et de son Envoyé § 149 — Jn 5,19-20*). A. Vanhoye montre que ce < donner > peut signifier : 1) < ordonner > un travail, et 1 bis) en faisant confiance à l'exécutant pour le choix des moyens ; 2) donner l'oeuvre en la réalisant, ou du moins en donnant de la faire (2 bis). Cf. A. Vanhoye, p. 392-408, qui conclut : « Que le Père donne à Jésus son oeuvre, cela signifie qu'il lui fait connaître sa volonté et le charge de l'exécuter, mais aussi qu'il lui fait confiance pour la réalisation de son Dessein de salut; cela signifie, d'autre part, qu'il réalise lui-même son oeuvre en Jésus et en même temps qu'il confère à Jésus le pouvoir de la réaliser personnellement... »

Cette richesse de sens est prolongée par la fin du verset : litt. « l'oeuvre que tu m'as donnée afin que je la fasse ». On peut en effet comprendre cette proposition soit comme une finale, soit comme une simple complétive. Finale, elle va dans le sens : « que tu m'as ordonnée », et peut se traduire à l'infinitif par : « donné à faire ». Complétive, c'est « l'oeuvre que tu m'as donné de faire » qui conviendrait (au sens 2 ou 2 bis). A. Vanhoye pencherait plutôt pour ce dernier sens, gardant le premier pour la formule parallèle de Jn 5,36 § 150 .

Jn 17,5) — Et maintenant : R. Laurentin a montré que cette « conjonction et interjection... marque une articulation essentielle, spécialement dans les textes juridiques et liturgiques... interpellation à fortes résonances émotives, dont les deux fonctions, décisives ou déprécatives se recoupent...» (Biblica 1964, p. 194-195, avec analyse des exemples de l’A.T. (p. 171-193), de Lc et de Jn (Ibid. p. 413-427), et conclusion sur les équilibres structurels de Jn 17 (p. 427-432). Ce verset en tous cas, conclut et relance la demande du v. 1.

auprès de toi: Par différence avec « sur la terre », du verset 4. C'est l'« auprès de toi (bis) du « avant que le monde fût », donc « au Principe » (Jn 1,1-2*): le ciel de la Vie trinitaire. L'homme-Dieu conjugue cet être éternel avec son existence temporelle. « Sur la terre », Il « s'est vidé » du resplendissement de la Gloire divine, jusqu'à la mort et la mort de la Croix, comme dit Ph 2,7 (en // au § 316 . Par cette Rédemption, le Père a été glorifié « sur cette terre ». « Et maintenant », ce que le Christ demande est donc précisément son Retour « auprès de toi », sa Gloire divine transfigurant désormais jusqu'à son humanité ressuscitée (Ph 3,20, en // au § 168 et la faisant « asseoir à la droite du Père »*.

Jn 17,6-8 // Ex 3,13-14 Pr 4,20-21 — Transition : C'est un développement expliquant ce qu'était « l'Oeuvre » du v. 4. Comme il s'agit des Apôtres, c'est un premier élargissement de la prière qui, à partir du v. 9, est pour eux.

J'ai manifesté : C'est l'Oeuvre propre du Verbe, expression du Père : Jn 1,18*.

ton Nom : Au sens où connaître Dieu en son Nom de < Père >, c'est entrer en relation intime et filiale avec Lui : cf. BC I*, p. 50. < Connaître > comme au v. 3*. À comparer avec // Ex 3,13-14, où Yahvé avait donné à Moïse son premier Nom, pour une première Alliance. Son Fils la confirme et l'accomplit en nous donnant ce Nom < de famille > que le Père a désormais pour nous comme pour Lui (Jn20, 17*).

aux hommes que tu m'as donnés: Litt. « à ceux que... », alors qu'au v. 2 c'était: « à tout ce que... » (au neutre). C'est que l'intérêt portait alors sur le don lui-même, du Père au Fils; mais à présent, l'attention se tourne sur « ceux que » amorçant la suite, relative aux Apôtres. Et s'ils ont été « choisis » par le Fils (cf. 15,16), ils avaient d'abord été « attirés » à Lui par le Père (6,44). « Parmi le monde » sera expliqué aux v. 11 et 14-16.

Ta Parole, ils l'ont gardée : cf. Jn 14,15* et 21-24. Le parallélisme entre 6a et 6b montre le rapport entre « manifester ton Nom » et « annoncer ta Parole ».

Jn 17,7-8 : Tout... vient d'auprès de Toi : Au même sens qu'au v. 5*, et qu'en Jc 1,17 : « Tout don parfait vient d'En Haut, il descend du Père des lumières », à commencer par le Christ lui-même (v. 8 b). Tel est bien le principal motif de crédibilité, pour les Apôtres comme pour l'Aveugle-né (Jn 9,30-33). La comparaison convient d'autant mieux qu'en ces v. 7-8, Jésus ne parle plus de la Parole (< Logos >), mais des < Rhèmata >*, signifiant les faits du Christ aussi bien que ses paroles proprement dites, donc aussi bien les miracles ou les oeuvres que le Père a donné de faire à Jésus. À partir de là, les Apôtres en ont conclu à son origine divine : « Si cet homme n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » (9,33). Or, « ils savent que je suis sorti de Toi » rappelle 16,27-30, et donc l'assurance que « le Père aime les Apôtres », pour leur foi. Cet éloge des v. 7-8 prépare donc la prière pour eux, des v. 9 à 19.

Jn 17,9-19) — L'intention de prière pour les Apôtres est bien encadrée, du « C'est pour eux que je prie » au « pas seulement pour ceux-ci » du v. 20, qui amorcera un ultime élargissement. Le Collège des Douze a été institué pour l'inauguration du Royaume, au sermon sur la Montagne § 46 et 49); il a été formé par cette vie commune et l'enseignement de Jésus lui-même, en public et en privé; les Apôtres ont même fait l'apprentissage de la mission évangélique § 145 et 151). Pierre s'est vu confier le gouvernement de l'Église § 165 *), et la charge de « confirmer ses frères dans la foi » § 323 *). Les Douze ont reçu le pouvoir de « lier et délier » § 179 -180*) ; et ils auront à perpétuer l'eucharistie, la communion et le service mutuel § 318 et 316*, Cène et Lavement des pieds). Après la Résurrection, tout sera confirmé § 367 et 372*). Ici, la prière consécratoire (v. 17.19), fonde leur communauté et leur mission pour le monde (v. 11-13 et 18.14-16), sur l'Unité d'être et d'oeuvre qu'il y a entre le Christ et son Père (v. 10.18 a). Aujourd'hui encore, c'est au cours d'une prière consécratoire que le sacerdoce ministériel est transmis.

Jn 17,9) — Je ne prie pas pour le monde : Ce n'est pas une exclusion, puisque Pouvoir de Salut est confié au Christ « sur toute chair » (v. 2*). D'ailleurs, à partir du v. 20, Il prie pour « tous », sans autre limite que celle du refus de croire que notre liberté peut opposer au Christ (témoin Judas, au v. 12 b*), ou à ses représentants (16,20*). Or c'est précisément le < front du refus > que désigne « le monde », pris au sens péjoratif au moins à partir du v. 14. Et si, même pour « le monde » au sens positif et universel, Jésus ne prie pas non plus ici, c'est d'une part que pendant ces onze versets, Il se consacre aux Douze ; c'est surtout d'autre part qu'il ordonne les Apôtres précisément pour « aller à toutes les nations » (Mt 28,19). L'apparent rejet est du même type que pour la Cananéenne § 156 Mt 15,23-26*) : la communication du Salut se fera progressivement, par degrés, du Christ aux Apôtres, puis à Israël et enfin aux païens. Ainsi, l'oeuvre apostolique aura-t-elle, extérieurement, plus d'extension que celle du Christ même (Jn 14,12*); ainsi, même Paul respectera cet ordre (Ac 13,46).

Ceux que tu m'as donnés, car ils sont à Toi : Inclusion avec le v. 6.

Jn 17,10) — Au départ de tout, et de la mission apostolique en particulier, la Communauté trinitaire, dont c'est une des deux formulations (l'autre se trouvant au v. 21*, également comme source et modèle de la communauté ecclésiale). Il est émouvant que ce « tout ce qui est à moi est à Toi... » se retrouve dans la parabole de l'Enfant prodigue, pour définir la communauté que le Père a donnée au fils aîné, même s'il n'en a pas compris le bienfait § 232 — Lc 15,31*).

J'ai été glorifié en eux : Non pour les qualités ou la fécondité apostolique des Douze, encore à venir, mais parce qu'en eux — qui sont conjointement « à Toi » et « donnés à moi » — se manifeste l'Unité du Père et du Fils — dans l'Oeuvre du Salut par la Mission, comme dans l’être — qui est la Gloire du Christ.

Jn 17,11-13) — Rappel de la double étape : 1) durant sa vie terrestre (v. 12), et 2) « maintenant » où « Jésus vient au Père » (v. 11 et 13, faisant inclusion), donc « n'est plus dans le monde » et confie aux Apôtres sa tâche (v. 11) — Leur situation par rapport au monde sera précisée aux v. 14-16*). D'où la prière :

Jn 17,11 b-c — Père Saint : Ouvre une demande, dont l'essentiel sera la < consécration > = la sanctification des Apôtres, aux v. 17 et 19. D'après I. de la Potterie — dont nous citerons les conclusions sur l'interprétation de ces difficiles versets 11 et 17.19 (La Vérité... II, p. 706-783) : « Jésus semble donc appeler son Père < saint >, parce qu'il veut que le Père manifeste sa sainteté dans les disciples, en les < gardant dans son Nom > comme dans un lieu sacré ; son saint Nom est comme un temple, comme un endroit réservé, dans lequel Jésus demande que les croyants < soient gardés > » (p. 724).

en ton Nom = en ce qui nous est révélé de Dieu. « Dans Saint-Jean, le Nom ne désigne jamais la nature divine ou le Nom divin, au sens de l'A.T.(Il Ex 3,13-14)...Il signifie toujours le nom de Père... mais non pas au sens personnel et incommunicable ; plutôt comme « le milieu vital où vivent le Père et le Fils qui constitue le fondement de leur Unité et de /' unité des disciples » (v. 11 c).

que tu m'as donné: C'est le littéral de la version la plus sûre, les variantes semblant avoir été introduites pour pallier à la difficulté (Ibid. p. 724-25, n. 225). L'expression s'éclaire pourtant lorsqu'on la met sous le signe du < donner > paternel, si caractéristique de la reconnaissance qu'en fait le Christ, au long de sa prière (v. 2*). Notamment, il y a parallèle entre le don fait par le Père à son Fils des paroles (< Rhèmata >, v. 8*) ou de la Gloire (v. 22*) et du Nom. Or Parole et Nom se correspondent au v. 6; et celle-ci est à < garder > (v. 6 c) comme les Apôtres doivent être « gardés en ton Nom » (11 b). Plus encore le parallélisme est-il frappant entre le don du Nom et celui de la Gloire (11 b et 22*). De tout cela, il ressort que « la formule < ton Nom que tu m'as donné > implique en même temps révélation et communication vitale : une révélation au Fils, une parole dite; mais aussi un véritable < don >, la communication par le Père au Fils de quelque chose qui reste en commun à l'un et à l'autre (v. 10). En d'autres termes, en < donnant > son Nom au Fils, le Père se fait connaître à lui comme Père, mais en même temps il se donne à lui dans un amour éternel » (p. 732).

Garde-les... pour qu'ils soient un comme nous : La composition de ce verset tisse un double va-et-vient, des Apôtres — > à la Vie trinitaire.

« Garde-les en ton Nom — » que tu m'as donné,

afin qu'ils soient un — > comme nous [sommes un].

Chaque fois la Trinité est source et modèle /le l'unité des Apôtres, comme elle le sera encore plus explicitement de toute l'Église, aux v. 21-23*.

« Puisque cette unité du Fils avec son Père consiste dans sa communion avec le Père et donc dans sa vie filiale, la logique interne et la cohésion de tout le verset demande qu'il en aille de même pour les disciples : ceux-ci réaliseront entre eux une véritable unité, dans la mesure où ils vivront leur vie de fils de Dieu. < Être gardés dans le nom du Père > signifie donc pour les croyants : être maintenus par le Père dans cette vie qu'il leur donne, être gardés dans leur vie filiale, dans la communion avec le Père » (p. 733). « Jésus demande l'adoption des fils de Dieu pour ceux-là même en faveur desquels Il souffre sa Passion. Car on ne saurait mieux interpréter < être gardés dans le Nom du Père > que par ce qui revient au même : < être adoptés pour fils par Dieu » (rupert, cité p. 734).

Bien au-delà d'une simple demande que les Apôtres soient « gardés sous la protection du Père », on est au coeur du thème n° 3, central en tout ce Discours testamentaire: la communication de l'Amour trinitaire (cf. v. 21-26*).

Jn 17,12) — Dans ces v. 9-19, c'est expressément des Douze qu'il s'agit. Mais on peut faire confiance au Bon Pasteur qu'il nous garde* tous efficacement, suivant la volonté, et avec la Toute-Puissance de la Main du Père : c'est le fondement même de notre espérance § 163 — Jn 6,39* et § 264 — Jn 10,29*).

Nul ne s'est perdu : Comme en 3,16; 6,39; 10,28; 12,25, (et Concordance du N.T.< Perdre > 1). C'est bien de la perdition éternelle que nous sommes sauvés.

hormis le fils de perdition : Judas. Mais c'est plus qu'une périphrase élégante. Le sémitisme : < Fils de... > (cf. § 43 — Mc 2,19*) indique une certaine relation entre le traître et cette perdition (voir § 338 * et § 346 *).

afin que l'Écriture s'accomplisse : par exemple le // Ps 109,5-8, appliqué à Judas en Ac 1,20 ou le Ps 41,10, allégué par le Christ § 316Jn 13,18*). Nous avons déjà rencontré plusieurs fois ce < mystère > de la destinée de Judas § 314 , et surtout § 317 — Mt 26,24*). Il serait blasphématoire d'imaginer que Dieu ait pu programmer, fût-ce un seul homme, pour le plaisir de voir confirmer ses prophéties ! C'est l'inverse qui est vrai : si la trahison de Judas se trouve annoncée dans les Écritures, cela ne peut être que par le Dieu éternel, pour qui cette trahison n'est pas un événement futur, encore à-venir et pour autant toujours aléatoire puisque suspendu à la liberté de Judas. De par son être éternel en effet, toute la suite des temps est également contemporaine à Dieu, si bien que c'est en fonction de cette décision libre de Judas que Dieu peut savoir et en inspirer la prophétie, « afin que » (au sens de « en sorte que ») si Judas prend le parti de trahir, ce soit bien par sa faute à lui qu'il « accomplit les Écritures », sans autre influence que celle de Satan § 314 *).

Jn 17,13) — Maintenant je viens à Toi : Inclusion avec le v. 11. Je dis ces choses (apparenté au thème n° 5) dans le monde (comme au v. 4 : « sur la terre ») : ce sont bien les ultimes paroles, testamentaires. Afin qu'ils aient ma joie : sa joie de Fils rejoignant le Père (14,28*) ; plénière : la Béatitude, éternelle : 15,11 ; 16,22.24. Tout ce discours d'ADieu est annonce de la Joie divine !

Jn 17,14-16 // Ga 6,14 — Je leur ai donné ta parole : v. 6-8*. Le monde les hait : reprise de 15,18 à 16,4. Pas du monde, mais encore dans le monde : Jésus n'encourage pas l'eschatologisme*, l'attente passionnée d'une imminente Fin du < monde >. Il prévoit justement de laisser à son Oeuvre des successeurs. Mais cette vocation même implique une < mise à part > qui est le premier aspect, préalable de la < sanctification > demandée pour eux aux v. 17* et 19*. En cela, du reste, les Apôtres sont assimilés au Christ, qui n'a jamais été « du monde » (v. 14 b.16 b). Entre Lui et le monde, il faut donc choisir; mais parce qu'on a été soi-même « choisi et enlevé du monde » par Lui, (15,19) — cf. A. Feuillet: Le sacerdoce..., p. 110).

que tu les gardes du Mauvais: ou du Mal, mais vu l'insistance de Jn sur la lutte du Christ contre l'emprise du < Prince de ce monde > (12,31 ; 14,30; 16,11) et du « Mauvais (1Jn 2,13-14 1Jn 3,12 1Jn 5,18-19), il est probable que Jésus nomme ici l'Adversaire, toujours dangereux comme le prouve Judas (v. 12). Cette prière correspond à la dernière demande du < Pater > (Mt 6,13 cf. Mt 13,19 Mt 13,38).

Jn 17,17) — Si les Apôtres ne sont déjà plus « du monde », c'est pour être à Dieu (< pour > au sens final, mais aussi causal : par le fait qu'ils sont à Dieu). Il est « le Saint »*, transcendant de par sa perfection même. L'approcher n'exige pas seulement purification mais < sanctification >, même pour ceux qui, comme les Hébreux, se tiennent au pied du Sinaï — à plus forte raison pour les prêtres (Ex 19,10-13 Ex 19,22). D'où la Loi de Sainteté, fondatrice du Peuple de Dieu : « Soyez saints, parce que Je suis saint, moi, Yahvé votre Dieu » (Lv 19,2* et passim).

// Dt 14,2 Si 33,10-12 — Toute élection et vocation de Dieu va donc de pair avec séparation (du Mal), pour une appartenance à Dieu : « Tu me consacreras tout premier-né... ils sont à Moi» (Ex 13,2). Mais c'est pour une < alliance >, donc réciproque, demandant au sanctifié son adhésion, et lui assurant en retour communion et intimité avec Dieu, devenu son Dieu (voir BC I* < Alliance >).

Il y a tout cela dans ce verbe de < sanctifier > (préféré par le P. de la Potterie) ou < consacrer > (mettant mieux en valeur l'appartenance exclusive). Une telle consécration ne peut donc être Oeuvre que de Dieu, même si l'homme doit y répondre « de toute son âme et de toutes ses forces ». C'est si vrai que le sujet de ce verbe est normalement Dieu (comme en ce v. 17) et le Christ-Dieu (comme au v. 19). Le prêtre, quand il lui est donné de consacrer, le fait au nom de Dieu et comme sacrement vivant du Christ. Exemple d'une telle vocation et consécration : Jérémie (// Jr 1,5 Si 49,17). Bien entendu, il en résulte une appartenance-alliance qui demande à être permanente, comme vient le confirmer ici le parallélisme entre le v. 17 : « Consacre-les dans la Vérité = ta Parole », et v. 11 : « Garde-les en ton Nom » (= ta Parole, d'après v. 6).

dans la Vérité (Var. « ta Vérité) : immédiatement expliqué par : Ta Parole est Vérité. En effet, cette Parole de Dieu, c'est son Verbe, incarné en Jésus qui peut donc dire : « je suis la Vérité » (Jn 14,6*), c'est-à-dire la vivante révélation du Père. Rappelant les expressions complémentaires de « marcher dans la Vérité » (2Jn 4 3Jn 3 3Jn 4), « aimer dans la Vérité » (2Jn 1, 3Jn 1), « adorer dans l'Esprit et la Vérité » (Jn 4,23-24*) ! de la potterie conclut: « Cette Vérité, qui est le dévoilement du nom du Père en Jésus et donc le dévoilement de la vie filiale de Jésus lui-même, devient pour le disciple l'espace spirituel où il rencontre le Père. La sanctification du disciple dans la vérité, c'est sa participation toujours plus intense à cette vie du Fils dans sa relation au Père... « Être sanctifiés dans la vérité », pour les croyants, c'est vivre et demeurer comme enfants de Dieu dans la révélation du nom du Père, et donc, vivre dans la communion du Fils et du Père ; le secret de la sanctification des chrétiens est en Dieu, dans leur participation à la vie propre du Père et du Fils » (La Vérité il, p. 758 et 752). La préposition dans, sans exclure que nous soyons sanctifiés par la Vérité, implique plutôt que nous soyons immergés (note d'intériorité), dans ce Mystère trinitaire, si divin que nous avons toujours à en mieux pénétrer la révélation et la béatitude (note progressive).

Jn 17,18-19) — Développement du v. 17. Le v. 18 donne les considérants : la mission des Apôtres étant la même que celle du Christ, qu'elle prolonge — sens fort du « comme » : cf. § 320 — Jn 13,34*) — demande donc une même sainteté des envoyés que de leur Maître (= v. 19). Ce qui n'est pas dire que la sainteté ne soit que pour la mission, comme le montrera la finale de la prière, v. 21 à 26*.

Je me consacre moi-même : Le Christ ne nie évidemment pas que ce soit le Père qui l'a consacré, d'abord comme son Fils tout entier « tourné vers » (= consacré à Lui : 1,1 -2*. 18*), et plus spécialement comme son Envoyé § 264 -Jn 10,36). C'est de ce second aspect de sa consécration que Jésus parle en 17,19, comme l'indique la mention de son Envoi au v. 18. Et non pas tant de par son être même — ce que les théologiens nomment son < union hypostatique >, en laquelle le Verbe divin assume et sanctifie sa nature humaine — mais dans l'exercice de sa mission de Révélateur de la religion trinitaire : Il est « le Saint de Dieu » parce qu'il « a les paroles de la Vie éternelle » § 164 — Jn 6,68-69*). Et mieux encore que par son enseignement, c'est au prix de sa vie même que Jésus se révèle comme « se consacrant au Père » par sa parfaite obéissance, « expression de sa filiation » (La Vérité... II, p. 770). Cette relation de dépendance filiale est la constante même du Christ, dans ses paroles (Jn 7,16 Jn 8,55 Jn 14,10 Jn 14,24 Jn 17,8) comme dans sa volonté (Jn 4,34 Jn 5,37-39 Jn 6,38 Jn 8,29 Jn 14,31). « Je me consacre moi-même » insiste précisément sur ce côté volontaire. Obéissance filiale, totale, donc jusqu'à la mort et la mort de la Croix: même si elle n'est pas seulement sacrificielle (I. de la Potterie, p. 761), n'empêche qu'elle le soit, effectivement, en son accomplissement suprême (A. Feuillet: Le sacerdoce. ..), qui ne peut manquer de se profiler ici : « Dans le mesure où la consécration à Dieu engage la totalité de l'être et de l'agir de l'homme, elle engage l'obla-tion de la mort. Cet aspect proprement sacrificiel est accentué ici par la proximité de la Croix et par la formule « pour eux ». Par cette parole Jésus exprime sa volonté d'offrir librement sa vie (10,18 ; 15,13) pour la consécration de ses disciples (cf. 6,51; 1Co 11,24 1Co 15,3 Mc 14,24 Lc 22,20 He 2,9 He 5,1 He 9,7 He 10,12) » — Note Tob.

pour qu'ils soient consacrés dans la vérité: // 1Co 1,30 — C'est donc sa propre oblation filiale que Jésus veut communiquer à ses Apôtres, puisque « dans la Vérité » signifie précisément cette participation à sa relation filiale avec le Père (v. 17*): « Il est notre sanctification... »


Jn 17,20-26) — Ce nouvel élargissement de la prière était en perspective dès le départ, comme « l'Oeuvre à faire » (v. 4), pour laquelle ont été choisis, gardés en la Parole, séparés du monde, consacrés et envoyés les Apôtres, représentants du Christ, qu'ils prêcheront (// Rm 10,17). La fécondité de leur apostolat étant assurée par là même (v. 20), que demande le Christ pour ce cercle illimité de croyants ? — L'unité fraternelle, au modèle trinitaire (= thème n° 3).

Jn 17,21-23) — Versets complémentaires, suivant un parallélisme manifeste :

v. 21 Que tous soient un Qu'ils soient un v. 22
comme toi, Père, tu es en moi comme nous sommes un
et moi en toi (moi en eux)et toi en moi v. 23
qu'eux aussi soient pour qu'ils soient consommés
en nous dans l'unité
et que le monde croie et que le monde sache
que c'est toi qui m'as envoyé que c'est toi qui m'as envoyé

La progression du v. 21 à 22-23 est assurée du fait qu'en 22 a et 23 c apparaît ce qui permet que l'unité soit comme (au sens fort de Jn 13,34*, § 320 celle de la Trinité : le Père aime les hommes comme Il aime son Fils ; et par conséquent Il leur donne la Gloire (et le Nom, et la Parole, v. 6 et 8), donc de participer à l’être trinitaire lui-même, comme le développeront les ultimes versets 24 à 26.

// 1Co 6,17 Ga 2,20 Ga 3,28 — Entre ces deux Unités, de la Trinité et de l'Église-Communion, le lien ne peut être que le Christ, du fait qu'il est Dieu et Homme (voir Jn 1,14a*). Sa Personne divine, communicable sans limites, peut assumer non seulement l'humanité individuelle de Jésus de Nazareth, mais la greffe surnaturelle de tous les hommes sur la « vraie Vigne » (Jn 15), en un seul Corps (Rm 12,4-5 1Co 12,12-30 cf. § 30 x 7 — Mt 25,40*). Ainsi l'Unité trinitaire, en Dieu, ré-unit à son image, en l'Église de la Pentecôte, la Babel du monde (BC I — Gn 11,1-9 et I*, p. 85); et c'est cette unité même, miroir de la Vie trinitaire, qui a valeur révélatrice et convaincante. Ainsi Jésus s'est-il révélé dans son Unité avec < Abba-Père > ; ainsi le grand témoignage des Apôtres doit-il être leur Unité (v. 11); ainsi l'unanimité des chrétiens fut-elle rayonnante (Ac 4,32-33); ainsi encore aujourd'hui, est-ce l'Unité des chrétiens « sanctifiés dans la Vérité » et la Charité (ce qui est bien davantage que l'oecuménisme courant), qui est en partie et doit devenir toujours davantage la révélation où se fonderait la conversion du < monde > (v. 21 et 23).

Celle-ci est donc toujours attendue, même si « le monde » reste encore incroyant (v. 25). Un ultime élargissement se profile donc, dans la prière sacerdotale de Jésus, en une < catholicité > n'excluant personne qui ne le veuille...

Toutefois, cette ré-union des hommes en l'Église n'est que le Lieu et l'instrument par où s'effectue leur ré-union à Dieu et à sa Vie trinitaire, dans et par la Vérité du Christ (I. de la Potterie : Op. cit. p. 741-43 et 775-78). Là est le but ultime du dessein de Dieu pour sa création, tel que le chante saint Paul (// Ga 2,20 Ga 3,28 et plus largement encore aux Ephésiens ou aux Colossiens), et à sa suite la Tradition chrétienne :

Bérulle : Oeuvres de Piété XXXIII, dans Oeuvres complètes II, p. 801 : Il y a deux capacités admirables en Jésus : l'une par laquelle il est rendu capable de la divinité, de la plénitude de la divinité et de l'égalité de Dieu mais avec dépendance (car le Christ en son humanité est inférieur au Père, Jn 14,28). L'autre est une capacité des âmes qu'il contient en soi, en son autorité, en sa puissance. Car s'il est capacité de Dieu, combien plus des créatures ? Cette seconde capacité est donnée à notre Seigneur par la plénitude de la divinité qui est en lui ; qui le fait être une capacité des âmes, ainsi que Dieu est une capacité de ses créatures (car « en Dieu, nous avons la vie, le mouvement et l'être », Ac 17,28); capacité contenante, conservante et protégeante, par laquelle les âmes sont en une continuelle et profonde dépendance de Jésus et de Dieu. Et il a plu à Jésus-Christ d'instituer le sacrement de son corps pour se lier nos âmes et les tirer en la plénitude de la divinité qui habite en lui, selon cette capacité aimable et adorable qu'il a de les contenir et leur donner vie et subsistance en lui. Tellement qu'en cela nous est représentée cette chaîne admirable, composée de trois divins chaînons, de laquelle parlent les Pères ; le premier desquels lie le Fils unique au Père éternel, par le lien de la consubstantialité et unité d'essence (c'est-à-dire dans l'unité même de la Sainte Trinité) ; le second lie ce même Fils à notre nature par l'unité de la personne sacrée (c'est-à-dire dans le mystère de l'Incarnation) ; et le troisième lie cette humanité déifiée et cet Homme-Dieu à la personne de chacun d'entre nous, par l'efficace et singulière vertu du sacrement de son corps (l'eucharistie) qui nous incorpore avec son humanité sainte et nous fait vivre en lui et de sa vie comme ses membres, et avec lui en son Père; l'homme remontant jusqu'à cette chair déifiée et jusque s à Dieu même, comme Dieu descend jusques à la chair et jusques à nous.

C'est à cette < remontée > que mènent les ultimes versets :

Jn 17,24-26 // Gn 45,3-13 — Joseph est, avec Daniel aux lions, la figure saisissante de la Passion et de la Glorification du Christ (BC I*). À ce prix, son histoire se révèle une < parabole > de l'Oeuvre du Rédempteur: en cet « Envoyé devant ses frères » qui leur pardonne, les nourrit durant la famine et les associe à sa Gloire, qui ne reconnaîtrait ce que Jésus est pour tous les hommes ?

De même qu'aux v. 17 et 18-19, ou 21 et 22-23, le v. 24 sera repris et amplifié aux v. 25-26. Par l'invocation initiale : « Père » (et « Père juste » au v. 25*), Jésus reprend haleine, au moment d'achever son Testament :

Jn 17,24) — là où je suis, ils soient avec moi : Inclusion avec 14,3. Rien n'empêche de prendre ce < Je suis >* au sens fort, c'est-à-dire en son être divin. Avec moi : Privilège des disciples : durant les années de ministère, bientôt à Gethsémani (Mt 26,38 Mt 26,40), jusqu'à la Fin des temps (Mt 28,20*), et pour l'éternité — de même que la joie du Christ est son union trinitaire « en son Père » jusqu'à revenir, avec son humanité et toute l'humanité, « chez son Père », pour y vivre l'éternel « avec ».

Qu'ils contemplent ma Gloire : C'est-à-dire le rayonnement de l'Amour-Don, trinitaire, comme l'indique la fin de ce verset avec ses mots-clefs : « donnée » — Agapè — de toute éternité. Avant la création du monde', comme au v. 5. C'est dans cette glorification éternelle que Jésus dit : «Je veux qu'ils soient avec moi ». Comme au v. 3, cette « contemplation » est vision béatifique, transformante (2Co 3,4 2Co 3, 2Co 3, 2Co 3, en // au § 169 et communionnelle.

Jn 17,25-26 // Rm 5,5 — Père juste : Au sens où Dieu ne rétribue pas seulement avec la sûre équité de qui « sonde les reins et les coeurs » (Dt 32,4 Ps 119,137 Ps 145,17 Da 3,27-31) : divine, sa Justice est donc aussi créatrice et rédemptrice : « Tu nous rends justes ! » (Ps 22,32 et 40,10 = deux psaumes de la Passion). C'est cette Justice, servante de la Miséricorde (Ps 116,5 Ps 129,4), qui triomphera au Jugement dernier (Ps 96,13 Ps 7,18 Ps 9,5 Ps 9, etc.).

Comme les versets intermédiaires 18 et 22, le v. 25 fait le point — ou mieux, le bilan — de la situation, caractérisée par la < connaissance > (v. 3*) ou non, du Christ révélateur du Père : « Moi je t'ai connu » (= Jn 1,18*), et son Envoyé pour notre Salut § 78 — Jn 3,16-17*).

Je leur ai révélé ton Nom : Au sens du v. 11* = la Vie trinitaire. Afin que : nous assure une dernière fois que la Fin dernière de Dieu, dans la création, est la communication de son Agapè. Les v. 24 et 5 ont montré qu'il s'agissait bien de l'Amour divin, éternel, trinitaire. Ainsi, au baptême de Jésus, le Père avait-il témoigné qu'en son Fils Bien-Aimé, son Dessein d'amour se parfait (Mt3, 17b).

et je leur révélerai: Ce futur, au moment où déjà le Christ s'en vient au Père (v. 11 et 13), semble ne pouvoir désigner que l'Esprit Saint, annoncé comme le Révélateur intégral, qui sera envoyé pour qu'« Il reste avec vous éternellement » (14,16-17* et 26*). Quel est en effet cet Amour mutuel, personnalisé, qui est la Vie trinitaire du Père et du Fils, sinon l'Esprit Saint, sceau de leur Unité ? — Cela expliquerait aussi que Jésus rajoute : et moi-même en eux, parallèlement à « l'Amour dont tu m'as aimé (= l'Esprit) soit en eux ». La communication que Dieu nous fait de sa divinité se trouve conjointement dans le Christ et l'Esprit. Il est vrai que ce n'est pas dit expressément ici. Mais il semble bien que le Saint-Esprit soit impliqué, à la fois dans son action illuminatrice par l'expression « sanctifiés dans la Vérité » (par comparaison avec Jn 4,23-24* : « en Esprit et en Vérité » — cf. I. de la Potterie : Op. cit. p. 752-54), et dans « l'effusion de la Charité de Dieu en nos coeurs » (Rm 5,5 — en // à § 123 , que laisse entendre cette infinie < circulation de l'Amour > (Cf. A. Feuillet: Le Mystère de l'Amour..., p. 57-58). Le rôle du Paraclet, sur lequel ont insisté les ch. 14 à 16 et que l'on s'étonne de ne pas voir rappelé en cette synthèse du ch. 17) — y serait donc en réalité mieux que mentionné : c'est à Lui qu'en définitive le Testament du Christ confierait son oeuvre révélatrice, sanctificatrice, divinisatrice...


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Bible chrétienne Evang. - § 331. Le don de l’esprit : Jn 16,4b-15.