Bible chrétienne Evang. - § 356. Le coup de lance: Jn 19,31-37 // Dt 21,22-23)

§ 356. Le coup de lance: Jn 19,31-37 // Dt 21,22-23)


(Jn 19,31-37) // Dt 21,22-23)

— L'insistance même du IV° Évangile sur cet < après-coup > nous avertit de son importance. D'abord, par la mention chronologique : « C'était la préparation de la Pâque », donc de l'immolation de l'Agneau pascal.

qu'on leur rompît les jambes: Pratique barbare mais efficace: ne pouvant plus s'appuyer sur elles pour respirer, les crucifiés mouraient rapidement, asphyxiés. Et qu'on les enlevât : Suivant la prescription du // Dt 21 on a encore dans l'oreille le « Enlève, enlève ! Crucifie-le ! » de la foule à Pílate § 349Jn 19,15, C'est le même verbe, en grec aussi).


Jn 19,32-34 et Jn 19,35 — À la simple relation des faits, Jn ajoute le sceau de son témoignage répété (v. 35). Il terminera son Évangile sur un triple témoignage, de formulation parallèle (Jn 21,24 + 20,31). On sait l'importance du < témoignage >* dans Saint-Jean: que ce soit du Baptiste (1,7.15.32.34), des Écritures, des oeuvres du Christ, ou du Père ou de l'Esprit Saint témoignant en faveur du Christ (Jn 5,33-39 Jn 12,17 Jn 15,26), ou du Christ « à la Vérité » (Jn 18,37*), ou enfin comme ici, de l'Apôtre, c'est une véritable chaîne de < témoins >.

Pourquoi? — Parce qu'il s'agit de la foi (finale de ce v. 35 et 20,31), qui est par définition connaissance indirecte, permettant d'adhérer à la Vérité qui nous dépasse, non par la lumière de notre intelligence, mais par la confiance que nous accordons au témoin:

Celui qui a vu : C'est la condition même,pour devenir témoin, que ce soit le Verbe au sein du Père (1,18*) ou Jean l'Évangélíste (1Jn 1,1). Mais quand il s'agit non plus de la vision directe de Dieu (Père, Fils, Esprit Saint, et même les Écritures comme inspirées de Dieu), mais d'un homme (le Précurseur ou l'Apôtre), ce dont il témoigne ce n'est pas seulement le fait dans sa matérialité, mais le signe qu'il y a perçu d'une venté plus haute, que lui-même n'atteint que par la foi. C'est pourquoi d'abord l'Évangéliste emploie de préférence les verbes indiquant une vision attentive à la signification de l'événement, méditative, intériorisée (cf. § 24 — Jn 1,29*): Le Baptiste a vu la colombe (1,32), et il témoigne: « Celui-ci est le Fils de Dieu » (1,34). De même ici, Jn a vu le sang et l'eau, où sa foi reconnaît un mystère, et son témoignage est fait pour nous inviter à reconnaître et à vivre de cette foi. Autrement dit : c'est la foi de l'Apôtre qui cherche à se communiquer à nous. Sur tout ceci, voir A. Vergote, dans etl 1952. p. 13-22, et I. de la Potterie: dans « Sacra Pagina » u, p. 193-208. Explication physiologique : R. Gilly, p. 123-126.

Celui-là sait qu'il dit vrai : Peut se rapporter soit à Jn — « Celui qui a vu... celui-là... » — soit à Celui-là (avec majuscule), en un sens emphatique référant au. Christ glorifié qui servirait ainsi de Second Témoin, comme il est requis par l'Écriture (voir les // En BC II, p. 557). D'après note t de Tob sur ce v.

Jn 19,36-37 // Ex 12,43 Ex 12,46-47 Ps 34,20-23 — La méditation du mystère du Sang et de l'Eau, Jn la cherche (et ceci aussi est un exemple à suivre), dans « Moïse et les Prophètes ». Sa première citation (// Ex 12) nous réfère à l'Agneau immolé pour la Pâque, préfigure de cet « Agneau de Dieu » qui vient de mourir pour « enlever (toujours ce même verbe) le péché du monde ». La 745 prescription de ne pas « rompre ses os », littéralement accomplie par les soldats (v. 33), est interprétée par le // Du Ps 34,21 Ps 34,23 un signe de la sollicitude divine pour le Juste persécuté ; mais dans le cas du Christ, Saint-Jean nous y fait lire le symbole prophétique de la Résurrection à laquelle est promis son corps intact. C'est en raison d'un symbolisme du même genre que, jusqu'à ces derniers temps, l'Église répugnait à l’incinération : non que Dieu ait plus de peine à ressusciter les corps de leur cendre que de la terre, puisque de toutes façons, ils doivent « redevenir poussière » (Gn 3,19) — BC I*, p. 44-45. « Les os, c'est ce qui reste de l'identité personnelle de quelqu'un dans son cadavre... Ce qui fait le lien entre notre existence actuelle et notre existence future de ressuscites » (J.M. Garrigues, p. 91).

Ils verront celui qu'ils ont transpercé // Za 12,10 Za 13,1 — Comme d'habitude, la prophétie en dit plus que la référence donnée par l'Evangile sous forme de citation abrégée. Toute la finale de Za 12-14 vise les Temps messianiques et eschatologiques, en indiquant tout à la fois l'abondance de la grâce (12,10 a-c), sa cause: la transfixion du Fils unique (12,10 d-e), et ses effets: une source purifiante (13,1). Mais le premier fruit de la grâce est qu'ils regarderont vers moi : comme le préfigurait le Serpent d'airain (// Nb 21,8 — cf. BC I*, p. 327-28). Que Jn ait cité ce point de préférence aux autres montre l'importance qu'il attachait à ce regard; et la Tradition chrétienne a suivi cette invitation, soit par la contemplation du Crucifix, soit par la dévotion au Coeur transpercé de Jésus, dont l'éloge n'est plus à faire puisqu'elle est profondément biblique, patristique, liturgique et mystique. (Cf. R.J. hesbert: Le problème de la transfixion du Christ (Desclée et Cie 1940); Choix de textes et Bibliographie dans C.J. Nesmy : L'amour du Christ, notamment (p. 208-220). Elle est « la synthèse de la religion et la norme de la vie la plus parfaite, parce que mieux nourrie de la connaissance et de l'amour du Christ » (pie xi : < Miserentissimus Redemptor >, 8 mai 1925). Même le tourment des damnés viendra de cette vision (Ap 1,7, citant également Za 12,10).

Cette contemplation joue donc sur deux séries de symboles associées : d'une part le sang et l'eau, de l'autre le coeur d'où ils coulent, coeur que la blessure de la lance a ouvert :

Le sang et l’eau : Si l'eau annonce le Saint-Esprit § 258 — Jn 7,37-39) et plus précisément le baptême, par où l'on « naît de l'eau et de l'Esprit » § 78 — Jn 3,5), le sang du Christ est annoncé comme « breuvage de vie éternelle » § 163 — Jn 6,53-55), donné dans l'Eucharistie. La Tradition ne s'est donc pas trompée en y voyant le symbole des deux sacrements fondateurs de l'Église; et par une association naturelle avec la création d'Eve, tirée du côté d'Adam, elle a reconnu que, par la blessure de son coeur, Jésus, Nouvel Adam, fait naître de son Sang et du Saint-Esprit l'Épouse toute neuve, sainte et immaculée qu'il veut s'unir, et à son Père (Ep 5,25-27). Images du Sang et de l'Eau, sources de Salut, dans les // Ex 12,13 Ez47, l; Is 12,13 Is 12, plus encore, c'est tout ['« horizon ecclésial et sacramentale » du IV° Évangile, mis en valeur par l'exégèse récente (cf. Introd. à la Bible, Nouv. Éd. m/4, p. 234-45), qui justifie les intuitions magnifiques de la Tradition patristique et mystique.

Le coeur est donc à la source de tout, comme le symbole de l'amour divin dont l'humanité du Christ vit en une plénitude débordante. Blessé — par la lance, mais plus réellement par nos péchés — il est ouvert, nous invitant à y faire « notre demeure »*, donc à intérioriser notre union au Christ et à son Père. (Sur cette symbolique du < Coeur > dans la Bible, et de l'union mystique, cf. L'amour du Christ, p. 97-174 et 221-298). Car c'est bien du Coeur, de l'amour du Christ, que vient la force vivifiante, rédemptrice, de toute sa Passion :

Quand on prononce que l'Église est née du Sacré-Coeur, on veut... exprimer deux vérités fondamentales ; d'abord, que l'Église tire perpétuellement sa vie de l'amour dont son Époux ne cesse de Ventourer ; ensuite, que cette communication amoureuse de vie ne se réalise dans l'Église qu'en vertu de l'immolation subie jadis par son Époux sur la Croix... (p. de broglie : conférence au Congrès national du Sacré-Coeur, Montmartre 1945).

bonaventure: De Ligno Vitae, n° 30 (Éd. Quaracchi VII 1P 79): Avec l'eau, le sang coula; et le prix de notre Salut fut versé. Venant de cette source qui était le coeur profond du Christ, il devait donner aux sacrements du Christ le pouvoir de conférer la vie de la grâce ; et il devait être désormais, pour ceux qui vivent dans le Christ, l'eau vive qui jaillit en vie éternelle.

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§ 357. La mise au tombeau: Mt 27,57-61; Mc 15,42-47; Lc 23,50-56; Jn 19,38-42


(Mt 27,57-61 Mc 15,42-47 Lc 23,50-56 Jn 19,38-42)

— Les variantes des 4 récits ne leur enlèvent pas une « valeur historique essentielle » (voir P. Benoît: Passion et Résurrection..., p. 243-262). On s'est pourtant acharné à le nier, prétextant qu'un crucifié ne pouvait avoir été pieusement enseveli: en 1968, la découverte des ossements d'un crucifié dans un ensemble de tombes familiales datant d'avant la destruction du Temple a montré que cet a priori était faux (voir bts 1971, n° 133, p. 6-10). g. baldensperger a même imaginé tout un < roman > : on n'aurait plus retrouvé le corps dans la 1° tombe tout simplement parce qu'il aurait été, entre temps, transféré dans une autre. Ces tentatives désespérées doivent du moins nous rappeler l'importance du fait : pour croire que Jésus est vraiment ressuscité, la condition préalable est que sa mort ait été dûment constatée, de sorte qu'il ait été « mis au tombeau », comme l'affirme déjà le < Credo > de saint Paul (1Co 15,4, en // au § 360 , avec son commentaire). En réalité, c'est l'absence d'une sépulture honorable qui serait surprenante, quand on sait l'importance qu'on lui attachait depuis des millénaires : pour les Grecs, qu'on se rappelle Antigone; pour les Juifs, témoins Abraham (Gn 23 Gn 25,7-11) et Jacob (// Gn 49).

Mt 27,57-60; Mc 15,42-46; Lc 23,50-54; Jn 19,38-42 // Is 53,8-9 Gn 49,29-30 Gn 49,33 — Joseph d'Arimathie, membre important (ou : émérite. C'est en effet en milieu hellénique le qualificatif habituel de ceux qui ont tenu honorablement une charge publique) du Conseil (= le Sanhédrin ?). Mt le dit riche, conformément au // Is 53,9 Is 53, un homme connu, crédible. Bon et juste (Lc), il attendait le Règne de Dieu : cela vaut de tout fils d'Israël digne du nom : cf. Syméon au § 11 — Lc 2,25*. Mt et Jn le disent même « disciple de Jésus », mais « en secret » comme ceux que mentionne Jn 12,42, et comme Nicodème (Jn 19,39, référant à 3,1-2). Il fallait non seulement du courage, mais aussi une fidélité imperturbable, pour s'affirmer ainsi du côté d'un Maître discrédité par sa mort humiliée :

Il demanda le corps de Jésus: ch. masson suppose que Joseph d'Arimathie aurait été seulement un Juif pieux, simplement soucieux d'observer la Loi (// Dt 21,22-23), et que l'ensevelissement hâtif resterait dans la ligne humiliée de la Croix. Le reste serait embellissement ultérieur de la tradition chrétienne (Sources d'eau vive, p. 102-113). On l'admettrait s'il s'agissait seulement de l'un quelconque des membres du Sanhédrin, et de toute façon l'humiliation demeure. Mais ce n'est pourtant pas sans dessein que les 4 Évangiles donnent tant de relief à Joseph d'Arimathie ; et dans sa requête elle-même (que, par hypothèse, la Tradition primitive aurait seule retenue), la formulation laisse bien sentir qu'il ne s'agit pas d'une observance générale et comme impersonnelle : tout au contraire, Joseph d'Arimathie en fait son affaire, à titre personnel. Pilât e donna le corps à Joseph : la tradition ne s'y est pas trompée, si bien que, aux XV°-XVI° siècles, on fera figurer Joseph et Nicodème comme procédant eux-mêmes à la < Descente de Croix > et à la < Mise au tombeau >. Entre deux, la piété chrétienne a placé les < piétas >, pour honorer la présence et la compassion de Marie...

La vénération n'est pas moins sensible, soit dans le poids énorme d'aromates apporté par Nicodème (Jn — 100 livres = 32 kg 700), soit dans l'achat (Mc) d'un beau linceul (Mt — Litt. : « pur ». P. joùon a montré dans Rech. SR 1934, p. 93-95, qu'il ne s'agit ni de propreté matérielle ni de pureté légale, mais seulement de sa couleur < d'un blanc pur >). Ce doit être le Saint Suaire, dont l'authenticité confirmée par les techniques d'examen les plus récentes, fait un témoin irrécusable de l'exactitude des Evangiles, jusque dans nombre de détails. Mais il faut surtout remarquer que ce mot de < linceul > peut désigner un simple drap, et que c'est du même mot que Mc a désigné le linge dont s'était enveloppé l'énigmatique « jeune homme » de Gethsémani ; au surplus, un « jeune homme » va se retrouver en Mc 16,5. Non sans intention, sans doute (cf. § 338 — Mc 14,52*).

Exemples de tombeaux avec pierre roulée devant l'ouverture, à Nazareth ou Jérusalem; mais le plus caractéristique est à mi-chemin entre Megiddo et Yoqné'am, sur le bord de la petite route qui mène à En HaShofet. Les fouilles ont vérifié la présence d'autres tombes, proches de l'emplacement vénéré par les siècles comme celui du < Saint Sépulcre >. Jn l'appelle un jardin (19,41), qu'il met ainsi en rapport avec le « jardin » de Gethsémani et, par-delà, avec celui de la 1° Genèse § 337 — Jn 18,1*) : « Il n'est pas téméraire de supposer que ce jardin, voisin de l'endroit où la source de vie a jailli du flanc du Sauveur, où l'Église est née figurativement de son côté comme Eve est née d'Adam, ce lieu qui verra le Christ ressusciter dans la gloire de la vie éternelle est, par rapport au paradis terrestre, le véritable Éden, le jardin de Dieu » (a. lois y, cité par A. Feuillet, NRT 1964, p. 476).

Mt 27,61 ; Mc 15,47 ; Lc 23,55-56) — Présence des saintes femmes, comme au § 355 — Mt 27,55-56 : suite au § 359 — Mt 28,1*. Lc souligne qu'elles restent des Juives observantes de la Loi sabbatique : même une catastrophe comme la mort du Maître ne dispense pas de continuer à suivre la voie de Dieu, jusqu'à ce que, par la Résurrection, le dimanche remplace le Sabbat. Mais ces femmes se préparent à revenir pour l'embaumement du corps, déposé à la hâte, comme l'horaire suffirait à l’indiquer :

Le sabbat pointait (Lc) : Litt. < commençait à luire > (la première étoile) : locution convenue mais qui induirait en erreur des occidentaux pour qui la journée commence au matin, non au coucher du soleil comme chez les Juifs (et comme les fêtes de la liturgie chrétienne, jusqu'à sa récente réforme). Entre la mort, vers 15h, et le début de la Pâque vers 18h, Joseph et Nicodème n'ont pu que donner au Christ une sépulture dont le < provisoire > convenait à merveille...

// Ps 88,2-19 — La Tradition chrétienne met ce psaume d'un homme « déposé dans le fond de la fosse » (v. 7) dans la bouche du Christ enseveli; et l'expression « libre parmi les morts » (v. 6) devient l'annonce prophétique de sa « descente aux enfers »: Cf. § 358 — // Jon 2* et 1P 3,18-21*.

Pierre le Vénérable : Louange du Saint-Sépulcre (Sermon publié dans « Rév. Bénédictine», 1954, p. 232-254, Extrait de p. 243, traduit dans Le monde de Cluny, Éd. Zodiaque 1963, p. 26): J'imiterai le sépulcre du Christ, qui garda son corps pour ainsi dire, au sein de la terre ; moi, je garderai dans mon coeur, qui est en quelque manière au plus profond de mon être, son souvenir continuel. En esprit, je le retiendrai toujours ; il sera en moi comme dans un sépulcre ; il demeurera, suivant la parole du Cantique, < inter ubera mea >. Il sera toujours avec moi, et ne s'écartera de moi en aucun temps. En aucun temps, certes, puisque dédaignant et rejetant tout ce qui n'est pas lui, je m'attacherai à lui seul. Jésus sera ma vie, ma nourriture, mon repos, ma joie. Il sera pour moi la patrie et la gloire. Jésus sera tout pour moi : ici-bas, l'espérance et l'amour me conduiront jusqu'à leurs limites de cette vie, jusqu'au seuil de l'éternité : alors je le verrai face à face, il l'a promis.

C'est dans le même ton que saint Paul, 2Co 5,14-15 en // au § 267 , et Ga 2,19 Ga 6,14 en // au § 168 . « Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est livré pour moi » (Ga 2,20).

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§ 358. La garde du tombeau : Mt 27,62-66


(Mt 27,62-66)

— Sur l'historicité, P. Benoît: Passion... p. 257-258. Voir l'épilogue au § 363 *.

Cet imposteur (ou : séducteur) a dit : Je ressusciterai...Cf. § 166 , § 172 , § 253 , et surtout § 77Jn 2,19-22, où la déclaration avait été faite en public. La malveillance des adversaires de Jésus aurait donc été plus perspicace que la désolation des Apôtres qui, de l'aveu de Saint-Jean, ne comprirent que par la suite ? — Ce n'est malheureusement pas si extraordinaire...

// Ps 41,8-13 Ps 89,49-53 — L'espérance du Juste persécuté est d'autant plus applicable au Christ, dans le cas du Ps 89, que c'est un psaume directement messianique (cf. PC II, III, IV).

// Jon 2,1 Jon 2, Jon 2, Jon 2,11 1P 3,18-21 — Jonas dans son « grand poisson », figure évidente du Christ, descend lui aussi « vers les peuples des temps lointains ». Pierre confirme la croyance chrétienne en cette < descente du Christ aux Enfers > qui es un article de notre Credo (cf. § 357 — // Ps 88).

Irénée: Adv. Hoer. IV, 27,2 (SC 100, p. 738): Le Seigneur est descendu dans les régions inférieures de la terre pour y porter la bonne nouvelle de sa venue, qui est vraiment la rémission des péchés pour ceux qui croient en Lui. Q ils croyaient en Lui, tous ceux qui espéraient en Lui, c'est-à-dire ceux qui d'avance, avaient annoncé ses < économies >* et y avaient coopéré : les juste i les prophètes et les patriarches ; et il leur a remis leurs péchés comme à nous, de sorte que nous ne pouvons plus les leur imputer sans mépriser la grâce de Dieu... car « tous les hommes sont privés de la grâce de Dieu »... Mais ceux qui tendent leurs regards vers sa lumière sont justifiés par la venue du Seigneur.,


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4. LA RÉSURRECTION [§ 359>359]-376).


La Résurrection est le fondement même de la confiance que nous pouvons donner à Jésus, témoin révélateur agréé de Dieu — confiance qui est le ressort même de la foI*. Or nous avons la chance d'arriver après 150 ans d'un débat tumultueux, où des esprits critiques de premier ordre ont essayé toutes les solutions possibles pour expliquer les textes du N.T.autrement que par la réalité l'une résurrection corporelle de Celui qui « était mort et avait été enseveli ». La Bibliographie générale est de 1510 titres, dans Resurrexit (1970), p. 651-745. Vue d'ensemble pour la 1° moitié du XX° siècle : Paul de haes, La résurrection de Jésus dans l’apologétique des 50 dernières années, Rome 1953. Depuis lors, les recherches ont été de plus en plus strictement exégétiques, à la fois dans la igné de la < Formgeschichte >*, et en réaction (favorable ou non) aux thèses de i. BULTMANN, dont l'oeuvre débute au cours des années 20. Le regretté J. Schmitt, dont la compétence et l'objectivité furent au-dessus du commun, en a dressé un ultime bilan, encore assez récent pour être à jour : DBS x (1985), 1-87-582, Résurrection de Jésus dans le kérygme*, la tradition et la catéchèse précédé de : Résurrection dans l'A.T. et le judaïsme, par R. martin-achard, :col. 437-487), avec bibliographie à jour. Cf. aussi les recensions critiques de í. LÉON-DUFOUR, dans Rech. sr 1969, p. 583-622, et d'i. berten dans rspt [971, p. 509-550 (positions de protestants, notamment W. Pannenberg et J Moltmann).

Au coeur du débat, il y a toujours la question simple et décisive : Jésus : est-il ou non ressuscité ? Les objections critiques ont au moins montré que c'était plus complexe, et par conséquent moins élémentaire que les chrétiens, forts de leur foi, ne l'avaient cru spontanément. On verra que la conclusion n'en reste que plus assurée encore. Certains, il est vrai, qui affirment croire à la réalité de cette Résurrection, refusent seulement de la dire < historique > pour bien souligner que l'événement déborde le domaine propre à l'histoire, qui est le temporel. Bien que nous employions le même mot, il y a en effet une différence incommensurable entre la < résurrection > de Lazare — simple réanimation de son corps, prolongeant sa vie de quelques années — et la < Résurrection > par laquelle l'humanité de Jésus entre dans la Gloire et l'Eternité de Dieu: événement transcendant, d'un autre ordre que seulement terrestre, premier chaînon de l'ère nouvelle, eschatologique, c'est-à-dire de l'entrée des hommes dans la Vie du ciel. Par là, il est vrai que ce fait déborde l'histoire, et vaut pour tous les temps (nous y reviendrons); mais ce n'est pas dire que sa portée éternelle empêche cette Résurrection d'avoir eu lieu en un point précis de la terre et en un jour déterminé, c’est-à-dire d'être un de ces faits spatio-temporels dont l'histoire est tissée. En somme : l'événement est doublement réel : s'il est < trans-historique > parce qu'il l'inscrit dans l'Éternel, il n'en est pas moins historique. Certes ! une telle irruption eschatologique du divin dans notre monde quotidien ne peut être reconnue lue par la foi, et en espérance ; mais l'événement a laissé des traces, qui relèvent de la science historique, P. Grelot a situé L'historien devant la Résurrection du Christ, avec des considérations méthodologiques d'exégèse critico-historique éduisant le champ de son enquête (voir ram 1972, p. 221-250). Mais les confusions sont néanmoins des plus fermes : la controverse ayant prouvé que la croyance en la Résurrection du Christ ne pouvait être née, ni de l'influence des mythes grecs, ni du judaïsme contemporain où l'on ne trouve aucune trace d'attente d'un Messie qui aurait à reprendre vie, les seuls documents authentiques sur lesquels puisse fonder son étude un historien se trouvent dans le n t. Or le premier d'entre eux se présente comme l'énoncé de la foi reçue dans l'Église au lendemain même des événements. Si en effet 1Co 15,3-8 date de 56-57, les spécialistes tiennent que la formulation remonte aux années 36, ou 34, ou 37 DBS x,510) — moins de 10 ans après l'événement: On n'aurait pu rêver témoignage plus immédiat ! Quant au < Credo >, de tous les textes conservés dans le (N.T.sans une seule exception ressortent 3 assertions fondamentales : 1. les Apôtres n'étaient pas du tout préparés à imaginer la Résurrection ; 2. S'ils y ont cru, ce fut sur preuves: ils attestent avoir vu (au sens fort: cf. § 359 — Mt 28,7*) le Christ ressuscité; 3. L'insistance porte sur sa corporéité, et sur son identité avec le Jésus d'avant sa mort, mais dans un état inouï, difficile à évoquer.

De cette longue et dure controverse, la conclusion est donc bien établie : les témoins ont eu conscience et volonté de transmettre non pas seulement leur foi (subjective), mais le fait (objectif) dont ils avaient eu connaissance et d'où venait leur foi. L'événement de Pâques est premier par rapport à la foi Pascale (b. Klappert). L'historicité globale de l'événement est donc acquise, même si les modalités extrêmement diverses des témoignages doivent être pesées en elles-mêmes, et interprétées en fonction de l'ensemble, comme le fera notre commentaire, profitant des innombrables lumières qu'y a jetées la Tradition de l'Église non moins que les travaux les plus récents. Cf. entre autres : G. bornkamm: Qui est Jésusl..., p. 206-213; J. Moltmann: Théologie de l'espérance, p. 185-196; ou W. Pannenberg: Christologie..., p. 101-135.

Devant des arguments si forts, on peut se demander pourquoi des esprits de premier plan ont soulevé tant de difficultés, dont certains ne sont jamais sortis. — D'abord, n'oublions pas que les conclusions, même si elles sont assez sûres pour demander l'adhésion à la réalité proprement historique du fait, ne sont jamais suffisantes pour amener à croire, tout motif rationnel, naturel, étant radicalement insuffisant à faire naître la foI*, qui est un don de Dieu. La Résurrection étant comme nous avons dit, en même temps historique et transcendante, qui n'y croit pas est donc amené du même coup à suspecter son historicité.

Or les échappatoires ne manquent pas : 1. Présupposés philosophiques : soit de l'idéalisme, interdisant d'atteindre, au-delà de la subjectivité des témoins, l'objectivité du fait; soit, plus généralement, du nominalisme d'Occam, qui empêche de reconnaître dans les dires des hommes une vérité universelle, enfermés que nous serions dans les limites des catégories d'une culture déterminante; soit enfin, d'une conception de l'histoire trop restreinte aux exigences rationalistes de la science du XIX° siècle (ce qui est anachronique pour des textes datant du 1° siècle de notre ère). On trouvera la dénonciation de ces présupposés par C. Tresmontant, aux p. 203-216 de son Christ hébreu (qui n'a pas été infirmé sur ce point); critique plus complète, et positive, de la critique historique par L. Bouyer: Le Fils éternel, p. 239-256.

2. Mais à cela il faut ajouter les incertitudes inévitables d'une méthode basée sur des données interprétables en tout sens. L'honnêteté scientifique d'un J. Schmitt le rappelle en conclusion de nombre des points examinés : « L'hypothèse, même obvie, reste trop incertaine... pour donner lieu à une prise en considération sérieuse... Peut-être n'est-il pas trop hasardeux de conjecturer... Impossible de se prononcer, faute d'indications suffisantes... On ne peut qu'esquisser une restitution conjecturale, et d'ailleurs partielle... De l'aveu des experts, l'exégèse en est réduite à ces hypothèses... dont la variété s'explique par l'imprécision du texte... Cette question tend à n'offrir plus qu'un intérêt marginal à mesure que la critique prend conscience de ses moyens en l'occurrence limités et d'abord incertains ». Etc...

3. Enfin, on doit avouer qu'il est stupéfiant de voir l'esprit trop systématiquement et négativement < critique > de certains savants, par ailleurs si subtils, multiplier et durcir en contradictions catégoriques ce qui, pour tout lecteur au fait de l'art de raconter ou d'écrire, est simplement le jeu normal de la composition et de l'expression littéraires. Par exemple, si Mt dit: « Allez en Galilée », alors que Lc 24,49 prescrit: « demeurez dans la ville », la différence provient tout bonnement de ce que Lc a choisi de ramasser tout son ch. 24 en une journée menant de Pâques à l'Ascension, de sorte que l'ordre de ne pas quitter Jérusalem vise F entre- Ascension-et-Pentecôte. Il n'ignorait pas pour autant les 40 jours entre Pâques et l'Ascension — à preuve Ac 1,3) — où les apparitions de Galilée trouvent leur place. De son côté, Mt ne nie pas les apparitions de Jérusalem du fait qu'il a préféré tout focaliser sur « une montagne de Galilée » § 370 *).

Mieux vaut donc, ici comme partout, admirer plutôt comment chacun des Évangélistes, en fonction de son propos, choisit et organise les souvenirs en un tout cohérent. C'est la définition même de l’art : que les différents moyens mis en 751 oeuvre convergent de façon à produire l'effet voulu.

C'est d'abord évident pour Lc 24, < composé > de 3 épisodes, dont les deux premiers annoncent et préparent le troisième : les femmes ont à transmettre aux Apôtres le message des Anges; les disciples d'Emmaùs reviennent leur en référer. Les unes et les autres retournent donc « dans la ville » (v. 9.33), d'où les Apôtres ne doivent pas s'éloigner jusqu'à la Pentecôte (v. 49 et 52), car la mission refluera de Jérusalem vers toutes les nations de la terre (v. 47). A cette unité de lieu, Lc joint l'unité de temps : car de la visite matinale au tombeau jusqu'à l'après-midi à Emmaus, puis à l'apparition tardive au Cénacle, tout se passe en une seule journée, comme dans la tragédie classique et pour la même raison, qui est d'accroître par condensation l'intensité dramatique. Pour faire bonne mesure, et dans la foulée, Lc mentionne même finalement l'Ascension — preuve par 9 que pour lui, la chronologie se plie aux besoins de l'action (cf. § 6 — Lc 1,56*). Mais cela ne veut pas dire qu'il ait dans ce but, déformé la réalité, car les 3 scènes rapportées peuvent fort bien s'être passées en ce jour de Pâques. La < condensation > vient seulement du silence de Lc sur tout ce qui a pu se passer ensuite, du lendemain de Pâques à l'Ascension.

Jn 20 semble confirmer cette concentration à Jérusalem. Mais son récit est réparti entre deux pôles: au tombeau, les femmes, les deux disciples, puis l'apparition à Marie de Magdala; au Cénacle, les Apôtres en l'absence de Thomas, puis la nouvelle apparition, avec Thomas. Cela permet à l'Évangéliste de retrouver l'unité de la semaine, dont il s'était servi pour composer les premiers jours de la vie publique de Jésus, du baptême à Cana, en parallèle évident avec la Semaine originelle de Gn 1, et à partir du même « In Principio » (Jn 1,1 // Gn 1,1): cf. § 28 bis. (Sur l'unité de ce ch. 20, cf. § 360 *).

Jn lui aussi tient à embrasser d'un coup le mystère pascal en tous ses fruits : l'Ascension se trouve annoncée à Marie-Madeleine (v. 17), et même le don de l'Esprit habilitant les Apôtres à leur mission est aussi évoqué § 367 *). Ce ch. 20 forme donc un tout, avec finale qui pourrait être celle du IV° Evangile tout entier. Cependant, au v. 30, il est affirmé que, comme les autres Evangelistes, Jn n'a pas voulu tout dire (suivant la prétention ridicule et intenable, au dire de Péguy, de l'historiographie du XIX°); et de fait, vient s'ajouter un ch. 21 faisant place à d'autres apparitions, comme celles de Galilée.

Le cas de Mc 16 est plus difficile : la scène au tombeau se termine de façon tellement paradoxale que l'on a pu la supposer tronquée (voir § 359 — Mc 16,8*), tandis que la suite est d'un autre ordre § 376 *). Mais Mt 28 il visiblement équilibré son dernier chapitre entre les scènes du tombeau — où l'impuissance des gardes fait contraste avec la fidélité des femmes — et la grande apparition, qui se passe « sur une montagne » comme le Ie discours sur lequel s'ouvre le ministère de Jésus (ch. 5-7). Ainsi, par un moyen différent — ici local; en Saint-Jean, temporel (de < la semaine >) — il y a symbolisme convergent pour mettre ce nouveau départ du Christ ressuscité en rapport avec le premier début de sa vie, déjà publique mais encore terrestre.

C'est pourtant loin d'être la seule rencontre entre les Évangiles de la Résurrection. Tout au contraire, leur évidente diversité rend plus significatif l'étage-ment des 3 mêmes types de scènes, en Mt-Lc-Jn (et amorcé jusque dans Mc). Il y a d'abord l'apparition et le message des anges au tombeau: le parallélisme des 4 Évangiles est ici plus suivi, et jusqu'en Saint-Jean où les anges se retrouvent, seulement reportés aux v. 12-13, ainsi que le message (au v. 17). Puis viennent des apparitions privées qui, là où elles sont développées, donnent lieu à des scènes émouvantes de reconnaissance et d’amour : pour Jn au § 361 *; pour Lc au § 364 ; et plus sommairement Mt au § 362 , et Mc 16,9.12-13 au § 376 *). Enfin, ce sont les apparitions plus < ecclesiales > aux < Onze >, qui voient leur mission et d'abord leur foi confirmées, non sans quelque résistance § 365 -368; 370-373). Sur cette structure parallèle, cf. A. Descamps, dans « Biblica » 1959, p. 726-741. Sur la composition propre à chacun des Évangiles, cf. X. Léon-Dufour: Résurrection et message pascal, III, p. 174-245; ou B. Rigaux: Dieu l'a ressuscité, p. 307.

En somme : les 4 récits de la Passion, apparemment si homogènes, incluaient de nombreuses divergences, non seulement sur des points particuliers (comme par exemple l'heure de la comparution de Jésus devant le Sanhédrin) mais sur le déroulement même du procès (interrogatoire d'Anne, propre à Jn, ou intermède d'Hérode, en Saint-Luc). Cela nous avertissait déjà que, même pour ces événements terrestres et faciles à constater, l'uniformité n'est pas de rigueur, et que les variantes ne permettent donc pas de conclure que dans la Résurrection comme dans la Passion, elles seraient l'indice d'une invention des faits. Mais cette diversité, si extrême soit-elle entre les récits de la Résurrection, ne fait que mieux éclater, ici comme dans le reste de l'Evangile, la preuve par < Concordantia discordantium >*. C'est tout cela que doit permettre d'apprécier plus complètement l'analyse de ces § 359 à § 376 .

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Bible chrétienne Evang. - § 356. Le coup de lance: Jn 19,31-37 // Dt 21,22-23)