Bible chrétienne Evang. - § 365-370. Les apparitions aux apôtres :

§ 365-370. Les apparitions aux apôtres :



C'est le troisième point du témoignage évangélique sur la Résurrection — le plus décisif. La découverte du tombeau vide, puis les apparitions dites < privées >, le préparaient. Le cadre et les modalités sont si différentes que l'on ne peut mettre en Synopse Mt, Lc, Jn (et Mc 16,14-18, au § 376 *). Sur les influences mutuelles possibles et les sources communes hypothétiques, référons à J. Schmitt : Le récit de la Résurrection dans l'Év. de Lc, p. 228-242; A. George: Les récits d'apparition aux Onze, à partir de Lc 24,36-53 (dans «Résurrection et Exégèse... », p. 75-104); J.M. Guillaume, p. 170-201 ; F. Neirynck, dans Mél. J. Dupont, p. 655-680. Plus l'analyse est minutieuse, plus le départage s'avère difficile, surtout entre Lc et Jn, tant les textes sont emmêlés. Ce qui en ressort paradoxalement, c'est d'abord que l'intention doctrinale marquée, de Jn comme de Lc, va de pair avec un plus grand « souci d'exactitude historique » (Nous l'avons souvent constaté de Jn; sur Lc, cf. i. Schmitt, p. 239-241). Mais il est d'autant plus important d'admirer l'extrême convergence, en profondeur, des 4 Évangiles. En Galilée comme à Jérusalem, le Christ se manifeste cette fois au Collège apostolique, lui démontre la réalité corporelle de sa Résurrection, et donne à ses disciples mission d'évangéliser le monde. Les divergences matérielles même peuvent fort bien se rejoindre en leurs significations.

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§ 365. L’apparition au cénacle : Lc 24,36-43; Jn 20,19-20


(Lc 24,36-43 Jn 20,19-20)

— Le soir de ce jour-là, qui était le premier de la semaine (Jn) : Comme au départ de ce ch. 20 § 359 . Le dimanche chrétien est sorti déjà, prolongeant jusqu'à nous la Présence Pascale de Jésus ressuscité à son Église en corps constitué : la 1° fois autour des Apôtres, désormais en assemblée eucharistique, autour du prêtre, sacrement du Christ. Notre dimanche remonte à Pâques même.

Portes fermées (Jn): Cela indique d'abord le climat général, qui est fait de cette même peur dont les Apôtres avaient été saisis devant la haine du monde, dès la Cène (Jn 14,1 Jn 15,18-19), et qui n'avait fait que croître à Gethsemani puis pendant et depuis la Passion. Mais du même coup, Jn nous avertit de l'état glorieux du Christ ressuscité, qui ne se heurte plus à la matière et à ses limites ou incompatibilités spatiales et temporelles : non pas un corps de fantôme < passe- 771 murailles >, mais une humanité jouissant de l'éternité et de l'ubiquité qui rendent Dieu omniprésent même si normalement invisible. C'est pour bien le souligner que Jn répète l'indication « portes closes » 8 jours plus tard, alors qu'il n'est plus question de peur (v. 27).

Jésus vint : « Expression essentielle chez Jn », qui se retrouve au v. 24 et même en 21,13 (alors que Jésus s'y manifeste depuis le v. 4): peut-être faut-il la mettre en rapport avec l'attente de < la venue du Christ > à la Parousie, que proclament nos eucharisties: «... jusqu'à ce qu'il vienne » (1Co 11,26 — cf.D. Mollat: Et. Jo. p. 151 et 163-164). Il se tint au milieu d'eux (Lc-Jn) : Rend compte surtout de la soudaineté de l'apparition : Il est là !...

et Il leur dit: « La paix soit avec vous »: Jn va même répéter le souhait au v. 21. On a beaucoup discuté sur l'authenticité de cette même mention en Saint-Luc, car les mss. reproduisent son v. 36 sous 3 formes: 1) sans « la paix soit avec vous »; 2) avec; 3) avec, prolongé par: « C'est moi (= Je suis*, n'ayez pas peur» (Voir J.M. Guillaume, p. 164-169). Mais de toute façon, on retrouve l'analogue de « n'ayez pas peur » au v. 38a, et « c'est Moi »* au v. 39. Le souhait de « Paix » lui-même est d'ailleurs un antidote à cette peur. Mais il doit surtout être entendu en écho à la promesse que Jésus avait faite de ce don de 5a propre Paix, dans la double finale du Discours après la Cène (Jn 14,27-31 et 16,33). C'est bien la < Pâque > : comme à la nuit de l'Exode où les portes étaient fermées, sous protection du sang de l'Agneau (Ex 12,7 Ex 12,12-13)... Et voilà que le véritable Agneau de Dieu apparaît, côté ouvert, mais sans que soit brisé aucun de ses os. « Paix, joie, création nouvelle dans la puissance de l'Esprit Saint et la rémission des péchés (Lc 24,47'; Jn 20,22-23).., c'est comme l'archétype de la célébration eucharistique chrétienne, qui actualise en effet pour la foi l'apparition du Ressuscité le soir de Pâques » (D. Mollat, p. 164).

Lc 24,37-42; Jn 20,20 // Gn 43,26-27 Gn 45,1-5 Ac 10,39-43, — C'est la < reconnaissance > proprement dite, bien établie par l'un et l'autre Évangélistes, mais différemment; Lc fait plus expressément part de la crainte que l'apparition puisse être d'un fantôme (v. 37). Jésus y répond tout aussi expressément par deux « arguments », comme dira Ac 1,3) le fait que ses membres sont palpables (invitation à les toucher qui montre que le < Noli me tangere > a un autre sens, spirituel, que la défense de toucher physiquement: cf. § 361 — Jn 20,17a*) ; 2) le fait de manger (v. 41-42 // Ac 10,41). Jn ne retient ici que le 1° argument, puisque le Christ se contente de « montrer » ses plaies. Mais, « à l'actif, ayant Jésus pour sujet, ce verbe a toujours en Saint-Jean valeur de révélation° (D. Mollat: Et. Jo. p. 153; Jn 2,18-22 Jn 5,20 Jn 10,32 Jn 14,8-9). En outre, cette < monstrance > va se redoubler en < démonstration > quasi expérimentale à Thomas § 368 . Aussi par la suite, Jn pourra-t-il mettre en valeur, plutôt que le repas partagé, le repas offert § 371 — Jn 21,12*). En Lc lui-même d'ailleurs, gardons-nous de ne voir qu'un argument apologétique en ce pain et ce poisson grillé, mangés par le Christ ressuscité : comme la « fraction du pain » d'Emmaüs, c'est l'accomplissement du mystère qu'annonçait la multiplication des pains (où il y avait aussi des poissons), et qu'instituait la Cène:

J. Guillet : Jésus-Christ hier et aujourd'hui, p. 166-167 : Alors, le Christ i avait prévenu les Apôtres : c'était la dernière fois qu'il buvait avec eux du fruit de la vigne, jusqu' au jour où ils le boiraient tous ensemble dans le Royaume du Père » (Mt 26,29). Et le voici de nouveau attablé parmi eux, « rompant le pain » et le leur partageant... Ces détails, qui retiennent les Évangélistes, ont un sens : dans tous les repas du Ressuscité, la Cène est présente... Il est sans doute vain de chercher à savoir si le pain que Jésus distribua aux disciples d'Emmaüs était ou non le pain eucharistique, mais, à lire l'ensemble des textes évangéliques, il est clair que le Seigneur qui vient s'asseoir à table avec les siens est celui qui s'est fait leur nourriture... pour que ce corps livré, que ce sang répandu jusqu'à la dernière goutte puisse être l'aliment de leur existence et la source de leur action.

Lc et Jn se rejoignent aussi dans la discrétion avec laquelle est évoquée la transformation des Apôtres, de la stupeur et la crainte à la joie et l'émerveillement (Lc 24,37 Lc 24,41 Jn 20,19 Jn 20,20b). En //, une fois encore Joseph, se faisant reconnaître à ses frères : sa préfiguration de la Passion et de la Glorification du Christ se poursuit jusque-là. Mais elle est d'autant plus remarquable qu'elle annonce le mystère même, d'Incarnation et de Rédemption, du Christ « envoyé comme Joseph en précurseur pour nous sauver » (// Gn 45,5).

Quant au // Ac 10,39-43, ce n'est pas pour rien qu'il a été choisi comme 1° lecture de la messe du jour de Pâques. Pierre y explique en effet pourquoi Jésus ressuscité préfère apparaître « non à tout le peuple mais à des témoins choisis d'avance : notre foi chrétienne passe par les Apôtres et par l'Église ; grâce à la Tradition ininterrompue, elle demeure < apostolique > en même temps que < christique > (cf. par ex. Ep 2,20). De cette Tradition, la profession de foi d'Ignace d’Antioche allant à son martyre, est un des plus émouvants chaînons, au début du n° siècle : Aux Smyrniotes 1-3 (SC 10,154-156) : Le Christ a été véritablement cloué pour nous dans sa chair — c'est grâce au fruit de sa Passion divine et bienheureuse que nous avons la vie — afin de lever son étendard à travers les siècles, avec l'argument de la Résurrection, et pour que ses saints et ses fidèles, tant Juifs que Gentils, soient réunis dans l'unique Corps de son Église...

Moi je sais que, même après sa Résurrection, il est dans la chair. Telle est ma foi. Et quand il vint au groupe qui entourait Pierre, il leur dit : Prenez, touchez-moi et voyez que je ne suis pas un esprit sans corps. Et aussitôt ils le touchèrent et ils crurent, saisis par la puissance de sa chair et de son esprit. C'est pourquoi ils méprisèrent la mort, et furent trouvés plus grands que la mort. Et après sa Résurrection, Jésus mangea et but avec eux, comme étant dans sa chair — bien que spirituellement il eût accompli son retour au Père.

Aux Tralliens 9 (SC 10, p. 118) : Soyez donc sourds quand on vous tient des discours qui sont étrangers à Jésus-Christ : qui est de la lignée de David, qui est [fils] de Marie, qui est véritablement né, qui véritablement a été persécuté sous Ponce Pilote, qui véritablement a été crucifié et est mort, au vu des deux, de la terre et des enfers ; qui véritablement est ressuscité d'entre les morts. C'est son Père qui l'a ressuscité, et c'est encore son Père qui, à sa ressemblance, nous ressuscitera, nous qui croyons en lui. En dehors de lui, nous n'avons pas la vie véritable.

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§ 366. L’envoi en mission des apôtres : Lc 24,44-49


(Lc 24,44-49)

— Les v. 44-46 reprennent la même preuve par les Écritures qu'avec les disciples d'Emmaüs — ils sont là, du reste, d'après les v. 35-36. Toutefois, ce ne sont plus tant les yeux qui sont « ouverts », que < l'Intelligence > (voir § 364 — // Sg 4,17 etc.). C'est la condition préalable « pour qu'ils comprennent les Écritures ». Dans le passage correspondant de Saint-Jean, l'image de l'insufflation de l'Esprit Saint donne à cette « ouverture » sa véritable origine § 367 — Jn 20,22*).

C'est cela même que je vous disais quand j'étais avec vous (// Jn 14,25) : Il faudrait citer ici tant de références, explicites ou non, indiquées dans les // des paragraphes de la vie publique du Christ; et notamment au < Fils de l'homme > § 149 , au < Serviteur > d'Isaïe § 255 , au < Fils de David > § 286 ; au Roi et au Pasteur de Za 9,9-10 et 13,7 § 273 et 336). Suivant sa leçon, les Apôtres ont encore multiplié ces // avec L’A.T., soit dans les sermons des Actes, soit dans les récits des Evangiles (double liste de références par A. George, dans bvc 18/1957, p. 65 et 67).

Lc 24,47 // Jl 2,15 Jl 2,17 2M 12,12 Ps 32,1 Ps 85,9 Ps 55,19 Ps 71,23 Ps 72,14 Ps 107,2 Ps 130,7-8 Jr 31,11 Ps 111,9 — La pénitence et la rémission des péchés : Voilà donc la mission essentielle confiée par le Christ à son Église : « prêcher la pénitence »* (= la conversion = le Retour au Père). Cela vaut « pour toutes les nations » et tous les temps, y compris le nôtre. En grec, le verbe < prêcher > est celui du < Kérygme >*, du message proclamé à son de trompe. Et de fait, c'est la formulation, actualisée pour le temps de l'Église, du < Kérygme >, de l'Évangile prêché par Jésus lui-même sitôt après son baptême et sa victoire sur la tentation du désert : « Le Royaume de Dieu (= la vie céleste de résurrection) est à votre portée ; convertissez-vous y, en vous engageant par la foi dans une vie de fidélité au Christ ressuscité » § 28 *).

et la rémission des péchés : Nestlé préfère la version de quelques mss. : « en vue de la rémission des péchés ». De toute façon, pénitence et rémission ne sont pas f seulement juxtaposées : elles doivent se joindre comme l'oeuvre de l'homme accueillant le don de Dieu. Car c'est la rémission des péchés — que nous vaut gratuitement le sacrifice rédempteur du Christ — qui assure à notre pénitence son effet de réconciliation avec Dieu, même si cette pénitence n'en demeure pas moins la condition pour que nous soit effectivement accordée la rémission de nos péchés. C'est bien ce don de rémission que Jésus transmet à son Église, comme le confirme le passage correspondant de Jn 20,23*. Mais Lc revient au même en écrivant que c'est « en son Nom », c'est-à-dire en vertu de son propre < Pouvoir >*, que l'Église prêchera et assurera « la rémission des péchés », par le Baptême d'abord § 370 *), puis par la suite dans Je sacrement de pénitence réconciliante ou de réconciliation pénitente.

en commençant par Jérusalem: Les disciples d'Emmaüs avaient montré que la foi retrouvée retourne à Jérusalem comme à sa source. De là elle doit rejaillir sur « toutes les nations » (Mt 28,19*).

Lc 24,48 // Is 43,10 Is 43,12 — Plus encore que d'être des prêcheurs, être des témoins, dont la vie même soit le premier et le plus convaincant des témoignages* § 1 — Jn 1,7*). Israël avait été le peuple témoin de Yahvé (// Is 43); l'Église doit être le témoin du Christ, lui-même témoin du Père (Jn 1,18*; 3,16-17*). Mais le contexte des versets précédents auxquels réfère le « en » de « vous en serez les témoins », précise que le témoignage portera sur la rémission des péchés non moins que sur la Résurrection. Pierre ne se vantait pas en présentant les Apôtres comme des « témoins choisis » (Ac 10,41, en // au § 365 .

Lc 24,49 // Is 59,21 Pr 1,23 Sg 1,5 Sg 1,7 Ps 51,14 Ps 104,30 Jl 3,1-2 — Et voici*. J’envoie : au présent, même si la suite du verset montre que Lc vise la Pentecôte (qu'il réserve pour le début des Actes). C'est donc Lc, non moins que Jn 20,22*, qui unit Pâques à la Pentecôte, dans le don de l'Esprit par le Christ (voir au § 367 *).

La Promesse du Père : Telle qu'on peut la lire en effet dans les // Prophétiques et sapientiaux. Jl 3,1 en particulier sera cité par saint Pierre dans sa 1° prédication, au matin de la Pentecôte (Ac 2,16-21).

Ainsi Lc a-t-il pris soin que cette dernière parole de Jésus ressuscité nomme le Père, comme sa première parole d'adolescent (2,49), comme son dernier cri s'adressait à Lui (23,46). S'y ajoute cette fois-ci, la mention du Saint-Esprit sous le beau titre de « Promesse du Père » et de « Force d'En Haut » (Sur les rapports entre l'Esprit et la < Puissance >, cf. § 4 — Lc 1,35*). C'est marquer discrètement combien la Révélation du Christ est, par-dessus tout, trinitaire (A. George : Sur Lc, p. 230).



§ 367. L’envoi en mission des apôtres : Jn 20,21-23


(Jn 20,21-23)

— L'articulation entre scène de reconnaissance et mission est bien marquée par la reprise du souhait de « Paix », ainsi que du « ce disant » (v. 19 et 21 ; 20 et 22).

Jn 20,21) — Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie : C'est ce qu'annonçait la prière sacerdotale de Jésus, en l'assortissant d'une consécration qui trouverait elle aussi son origine dans le Christ « se consacrant lui-même » par sa Passion § 334 — Jn 17,17-19*). À présent, cette sanctification est accomplie pour le Christ, et Il va la transmettre à ses Apôtres avec le Saint-Esprit de toute Sainteté (v. 22* — Sur le rapport entre ces 2 versets 21-22 dans la constitution même de l'Église, cf. § 370 * in fine : Pie XII).

« La présentation de Jésus comme envoyé du Père est au centre de la christologie de Jn », définissant sa mission et même, en un sens, son Être de Verbe (révélateur) incarné. Or le « comme » doit être entendu avec la force qu'il prend dans le IV° Évangile (cf. § 320 et § 334 — Jn 13,34* et 17,21-23*) : « Il signifie plus qu'une analogie. Jésus ne compare pas seulement deux réalités ; Il fait participer ses disciples à la vie qu'il reçoit du Père, au lien de connaissance réciproque qui l'unit au Père, à l'amour du Père pour Lui, à la mission qu'il a reçue du Père » (D. Mollat: Et. Jo., p. 155).

Mais soyons réalistes, comme nous y invite Grégoire le Grand (Hom. 26 in Év. — PL 76,1198) : Le Père a envoyé le Fils, et a établi que celui-ci s'incarnerait pour le salut du genre humain. Il a voulu qu'il vienne dans le monde pour la Passion — et cependant le Père aime le Fils qu'il a envoyé à la Passion. A son tour, notre Seigneur a choisi ses Apôtres et les a envoyés, non pas aux joies de ce monde, mais à la Passion en ce monde, comme Lui-même y avait été envoyé... Cette parole est donc très exacte: « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie » ; c’est-à-dire : quand je vous envoie au milieu des scandales et des persécutions, je vous aime de cette charité dont le Père m'aime, Lui qui m'a envoyé à la Passion.

Jn 20,22 // Gn 2,7 Ez 37,9-10 1Co 15,45-49 — Il souffla sur eux : Unique emploi dans le N.T.du verbe de Gn 2,7 ou Ez 37,9 (et Sg 15,11 où il s'agit (aussi du souffle vital de l'homme). L'Esprit était au départ de la 1° création î (Gn 1,2 Gn 2,7); c'est maintenant une re-création. C'est Yahvé qui a tout créé par i le Verbe (Jn 1,3*); à présent, le Verbe incarné « restaure l'homme de façon " encore plus admirable, en nous associant à sa divinité, Lui qui a daigné partager notre humanité » (Prière sur le mélange de l'eau et du vin à l'offertoire de la messe): c'est ce que développe le // 1Co 15,45-49, conclusion de ce chapitre fondé sur le < Credo > de la Résurrection (1Co 15,3-5, en // au § 360 . Schmitt, qui a étudié ces versets 22-23 dans les Mél. M. Andrieu (1956), p. 415-423, résume ainsi ses conclusions dans DBS x, 575 : « Il est rare qu'un | verset puisse s'éclairer d'un contexte à ce point apte et concluant... par la référence à ses divers parallèles dans la tradition scripturaire : L'acte pascal est la j réplique de l'acte créateur. Les Douze, pour l'heure, sont les représentants de l'humanité rénovée par la foi et par l'Esprit. À mesure que grandira la Communauté des croyants ils en seront les gardiens dûment habilités à en sauvegarder í la permanence dans la condition nouvelle (v. 23) ». Jean Paul II ajoute que, s'il doit y avoir « ce nouveau commencement, cela vient avant tout de ce qu'entre le premier commencement et toute l'histoire de l'homme, s'est interposé, à partir de la chute originelle, le péché qui s'oppose à la présence de l'Esprit de Dieu dans la création et qui, surtout, s'oppose au don que Dieu fait de lui-même à l'homme pour son salut ». C'est pourquoi le Christ, dans le Discours après la Cène (Jn 16,7), liait ce nouveau commencement au mystère de la Rédemption qui en était la condition (Dominum et vivificantem, n° 13).


Recevez l'Esprit Saint : Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'esprit historicisant VI pose la question : Jérôme : Ép. 120 ad Hedybiam, 9 (PL 22,993; Budé VI, 142): Comment se fait-il que selon Saint-Jean le Seigneur insuffla l'Esprit Saint aux Apôtres, et que selon Saint-Luc il promit de l'envoyer après son Ascension? ... Paul nous apprend à discerner diverses grâces de l'Esprit : « Il y a divers dons, mais c'est le même Esprit » (1Co 12,4s).

J'ose dire en toute liberté que du jour où les Apôtres ont donné leur foi au Seigneur, ils ont toujours eu l'Esprit Saint; et ils n'auraient pu faire aucun miracle sans la grâce de l'Esprit Saint; mais ils l'avaient dans une certaine mesure... Puis, le premier jour de la Résurrection ils reçurent la grâce de l'Esprit pour remettre les péchés, baptiser, faire des fils de Dieu et donner l'Esprit d'adoption ; [enfin] le jour de la Pentecôte, ils reçurent [les autres dons de l'Esprit].

En réalité, ni Jn ni Lc ne se soucient du jour exact, puisque le même Lc précisant au début des Actes que l'Ascension eut lieu après « 40 jours », semblerait la situer dans son Evangile au soir même de Pâques § 374 *). Ce qu'ont à nous révéler Jn et Lc, c'est bien plutôt l'unique mystère qui, même s'il s'étale dans le temps en une suite d'événements « historiques », est dans sa réalité d'un seul tenant puisqu'il baigne dans l'Eternel*, donc dans la « tota simul et perfecta possessio ». Et c'est pourquoi, bien que la source des eaux vives du Saint-Esprit ne doive s'ouvrir qu'à la suite de la glorification du Christ § 258 — Jn 7,39*), cette glorification se réalise non seulement dans la Résurrection, mais dans « l'exaltation » sur la Croix elle-même § 309 — Jn 12,23*).

C'est vrai que Jésus avait dit à ses Apôtres qu'il Lui fallait partir, pour leur 775 envoyer l'Esprit (Jn 16,7). Mais « encore fallait-il que le Fils révèle à ses disciples qu'il était, associé à son Père, dispensateur de I Esprit » de la Nouvelle Création, comme Il avait présidé à la première Genèse. Et c'est ce qu'il manifeste en insufflant l'Esprit au soir de Pâques (Cyrille d’Alexandrie : Sur Lc XII — PG 74,713; traduit dans bvc n° 14/1956, p. 51-56). Un rite («souffler») accompagné d'une Parole qui en explique le sens (« Recevez le Saint-Esprit »), c'est la définition même qu'Augustin donne du < sacrement >...

Jn 20,23 — C'est la confirmation, après Résurrection, du < Pouvoir >* de rémission des péchés qui, dans les Synoptiques, a déjà été institué avant § 165 et 180) — Mt 16,19 Mt 18,18*), comme l'apparition au bord du lac de Jn 21 rappelle la pêche miraculeuse du § 38 . Mais cette fois le couple « remettre -retenir » est plus clair que « lier et délier »*. Remettre est évidemment en relation avec la « la rémission des péchés » dans le verset correspondant de Lc 24,47. Si l'on se rappelle que c'est un < Pouvoir > tellement divin que Jésus lui-même ne pouvait prétendre l'exercer qu'en union avec son Père (pardon et guérison du paralytique, au § 40 , on mesure ce qu'a de surhumain (sur-naturel) la transmission de cette grâce de rémission aux Apôtres et à leurs successeurs. Pour une oeuvre aussi divine, il fallait non seulement la garantie que Dieu et le Christ ratifieraient « au ciel » ce que décideraient sur terre les confesseurs, mais l'assistance de l'Esprit divin lui-même — qui vient précisément d'être insufflé aux Apôtres. Grandeur de ce sacrement, au coeur de l'Église...

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§ 368. L’apparition à thomas : Jn 20,24-29


(Jn 20,24-29)

— L'esprit réaliste de cet Apôtre transparaît déjà dans les deux autres occasions où Saint-Jean nous en a parlé : 11,16 et 14,5. Mais ce n'est pas dire qu'il fût moins fidèle et attaché au Christ. Au contraire, il n'avait pas hésité à braver ce qu'il estimait un danger de mort, pour suivre le Christ § 266Jn 11,16-17). S'il ne croit pas aussitôt, ce n'est pas qu'il ne le désire ! On le verra bien à sa réaction immédiate, dès qu'il aura retrouvé son « Seigneur ».

Jn 20,24 — Thomas n'était pas avec eux : Cela ne l'empêche pas plus d'avoir part à la mission, et au don de l'Esprit, et au Pouvoir de remettre les péchés, que ne l'avaient été Eldad et Médad de recevoir l'Esprit de prophétie, bien qu'éloignés du collège des 70 Anciens (Nb 11,26-29).

Jn 20,25 — Nous avons vu... — Si je ne vois : Après l'apparition centrale du § 365 , où voir et croire vont de pair — Jésus « montrant ses plaies » aux Apôtres pour qu'ils puissent être des « témoins » de sa Résurrection — l'apparition à Thomas, symétrique de celle à Marie-Madeleine, rétablit la priorité du croire sur le voir (cf. L. Dupont, dans « Biblica » 1973, p. 491-495). À cette femme aimante, Jésus aussitôt reconnu s'était dérobé (comme aux disciples d'Emmaùs); à l'Apôtre exigeant de pouvoir juger par lui-même, le Christ s'offre, pour une vérification sensible qui le conduira à l'acte de foi (v. 28*), grâce auquel les disciples à venir puissent croire en se passant de voir (v. 29*).

Jn 20,26 // Nb 6,23-26 — Huit jours après : donc encore le dimanche. De ce fait, le Christ semble encourager, instituer l'Assemblée dominicale au cours de laquelle, suivant sa promesse, « Il vient (Jn 20,19*) et se tient au milieu de nous ». Portes fermées, comme au v. 19*. « Paix avec vous » : Comme aux v. 19 et 21. Le // de la Bénédiction d'Aaron montre que la Paix découle du Face à Face.

Jn 20,27 (et Jn 20,25) // Nb 12,6-8 1Jn 1,1-2 — Il semblerait que rien ne comble l'homme autant que la connaissance immédiate et sensible du voir et du toucher. Mais on n'atteint que les apparences. D'où le désir paradoxal de Moïse, comblé de vision et n'en demandant pas moins de voir au-delà : dans sa bonté, Dieu tente l'impossible pour y répondre (Ex 33,18-20 — BC I*, p. 268-273).

Il en va ici de même. Si la requête de Thomas n'était que la provocation sceptique : « Si Dieu existe, que son intervention me le prouve », ne se verrait-il pas opposer le même refus que celui de Jésus aux Pharisiens demandant « des signes » § 120 — Mt 12,38-41) ? Comme le rire d'Abraham et de Sara, la réplique de Thomas aux Apôtres ne viendrait-elle pas plutôt de la peur d'une désillusion, d'autant plus redoutée que le désir secret de son coeur serait de retrouver Jésus vivant ?

Voir et toucher la marque de ses clous dans ses mains... et la plaie de son côté, répond en tous cas par avance à toutes les tentatives de dissoudre la réalité d'une résurrection corporelle de ce même et unique Jésus, crucifié, mort et enseveli au vu de tous les assistants. Jusque dans sa gloire, Jésus demeure à jamais « l'Agneau de Dieu comme égorgé, portant et enlevant le péché du monde, et lui envoyant les 7 dons de l'Esprit Saint » § 24 — Jn 1,29 // Ap 5,6).

saint Léon : 1° Sermon pour l'Ascension (PL 54,398; SC 74,137) : Les traces des clous et de la lance furent maintenus, pour guérir les blessures des coeurs incrédules : non plus par une foi hésitante, mais par une connaissance certaine, les Apôtres tiendraient fermement que la même nature — identiquement la même — avait été déposée dans le sépulcre et siégeait sur le trône de Dieu le Père.

Grégoire le Grand : Hom. 26 in Ev. (PL 76,1197-98) : Choses étonnantes, et contradictoires : son corps est incorruptible — et Il le donne à palper. Ce qui se palpe est nécessairement corruptible ; et ce qui est incorruptible ne peut se palper... Mais de manière admirable, notre Rédempteur se montre incorruptible pour nous inviter à la récompense — et palpable, pour nous confirmer dans la foi. Il démontrait par là que son corps, après la Résurrection, était toujours de la même nature, mais était d'une autre gloire.


Hom, 29 in Év. (PL 76,1213) : Les disciples tardèrent à croire à la Résurrection du Seigneur : n'y voyons pas tant une faiblesse de leur part qu'une assurance pour la fermeté de notre foi. Car c'est bien parce qu'ils doutaient, que la résurrection leur fut démontrée avec un luxe de preuves à l'appui. Et quand nous lisons ces récits, ne sommes-nous pas affermis par leurs doutes mêmes ? Marie-Madeleine, si prompte à croire, ne m'a pas été aussi utile que Thomas dans sa lenteur. Celui-ci, parce qu'il doutait, toucha les cicatrices du Crucifié, et guérit ainsi, d'avance, le doute qui pourrait aujoura"hui blesser nos coeurs.

En même temps, nous reconnaissons bien le coeur du Christ, plein de sollicitude pour la Onzième brebis, isolée, errante dans sa foi, au devant de laquelle « Il vient ». Il ne se fait pas seulement visible et palpable : Il est reconnaissable dans la délicatesse de ce reproche voilé, où n'en éclate que mieux son omni-science et son omniprésence, puisqu'il a entendu la violente réplique de Thomas, survenu après son départ, au soir de Pâques. Autrement dit, la preuve de l'identité du Christ glorifié avec le Jésus terrestre est triplement convaincante, aux sens, à la raison et au coeur.

Jn 20,28 // Ps 100,3-5 — La réaction de Thomas est immédiate. Plus question de vérifier : c'est tout prouvé. Les motifs de croire s'éclipsent devant le soleil de la foi — et de toute façon, le croire est bien au-delà de ce qui a été vu, ici comme pour Jean au v. 8* § 360 .

Mon Seigneur* et mon Dieu : Deux titres proprement divins. Avec, sous-jacente, la reconnaissance éperdue qu'expriment si bien les Ps 93 et 96-100 (qu'il serait bon de relire dans cette optique, mais dans une traduction tenant compte de leur sens messianique, comme celle du pc) : « Le Seigneur a pris possession de son Règne... Le Seigneur, c'est Dieu même... Confessez qu'il est Dieu ! »

Jn 20,29 // Ha 2,4 1P 1,8-9 — Conclusion sur le < voir-croire >, avec supériorité du < croire-sans-voir >. Toutefois, celui-ci est fort de tous les voir dont les Apôtres peuvent désormais être les témoins, comme vont le conclure les v. 30-31 :

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§ 369. Première conclusion du IV° évangile : Jn 20,30-31


(Jn 20,30-31)

— Comme Saint-Luc en son Prologue, comme Saint-Marc en la déclaration qui ouvre son Évangile, Saint-Jean précise lui-même < l'effet > visé, correspondant à celui des autres Évangélistes : la foi, et par la foi, la Vie — éternelle bien entendu (// 1Jn 1,1 — celle-là même qu'annonçait le Prologue. Quant aux < moyens >, nous sommes prévenus que Jn n'a pas prétendu tout dire, et en particulier de ce qui se trouve dans les Synoptiques : le IV° Évangile est à lire comme un faisceau convergent de signes que « Jésus est le Christ, le Fils de Dieu » (= Mc 1,1). Et s'il 777 faut méditer en ce sens les miracles, depuis Cana qui fut « le commencement des signes » § 29 — Jn 2,11*), à plus forte raison ces v. 30-31 doivent-ils inclure les apparitions du Ressuscité dont tout ce chapitre vient de parler. Elles sont donc, elles aussi, des < signes >, pour annoncer non plus l'Heure de la Passion, évidemment, mais la vie de l'Église, telle que la définissait le Discours après la Cène, et la rencontre éternelle avec le Christ lors de la Parousie, dont les « christophaníes Pascales » donnent au moins un aperçu (Cf. A. Feuillet, dans Rech. sr 1975, p. 577-592).

// Ex 4,2-8 Ex 14,31 Nb 14,11 Nb 14,22 Dt 34,10 — Que ce soit au temps de l'Exode ou à la Pâque du Christ, « dans les deux cas le même lien est établi entre le signe et la foi ; dans les deux cas les signes sont mis en rapport avec la contemplation de la gloire divine. L'expression « signes et prodiges » qui, dans les Actes, désigne les miracles accomplis par Jésus ou par ses disciples, est appliquée une fois par Etienne aux prodiges de l'Exode » (A. Feuillet: Ibid. p. 582).

OrD. MOLLAT a montré (dans Et. Jo., p. 97-100) que ce // Entre signes du Pentateuque et de l'Évangile était encore plus généralisé :

— Multiplication des signes : Ex 10,1-2 ; 11,9 // Jn 20,30

Dt4, 34; 6,22

— Ont vu gloire et signes : Nb 14,21-24 // Jn 2,11

— Signe comme épreuve : Dt 4,34; 7,19 // Jn 6,6

— Endurcissement : Nb 14,11 // Jn 12,37

— Coeur pour connaître, Dt 29,1-3 // Jn 12,40-41

yeux pour voir :

— Conclusion : Envoyé de Dieu : Dt 34,11 // Jn 20,30

De Cana aux apparitions de Pâques, le Christ est le Nouveau Moïse*, proposant à la foi de ses disciples de vivre mystiquement ce que signifiait le 1° Exode : Toute la célébration de la nuit Pascale est faite pour nous y engager.

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§ 370. L’envoi en mission des apôtres : Mt 28,16-20


(Mt 28,16-20)

— À mettre en rapport avec les paragraphes correspondants de Lc et Jn § 366 et 367), et Mc 16,15-18 § 376 , même si le cadre en est différent. Pour l'essentiel, on retrouve : apparition aux Onze, reconnaissance du Christ, mission catholique d'évangélisation et de sacramentalisation, garantie éternelle.

Mt 28,16 // Ex 24,9 — La Galilée... rendez-vous : Cf. § 359 — Mt 28,7*. Sur la montagne : Sans précision, de sorte qu'elle garde valeur symbolique, associant le Mont des Béatitudes (Mt 5-7), Le Thabor (Mt 17), et sans doute plus fondamentalement le Sinaï (// Ex 24,9) ou le Temple et le Mont Sion (Ps 68,17 Ps 125,1-2), ou « les monts d'où viendra mon secours » (Ps 121,1), ou enfin le Mont des Oliviers de la dernière réunion et de l'Ascension (Ac 1,12).

Mt 28,17) — Ils le virent et se prosternèrent : Toujours le couple < voir-croire >, puisque cette prosternation est un geste d'adoration; mais aussi peut-être ici, de supplication ou de contrition, comme semblerait l'indiquer la remarque annexe : eux qui avaient douté.

C'est la traduction classique, et seule logique. Elle a été contestée pour raison de grammaire (BJ et Tob: « mais quelques-uns eurent des doutes ». Ou bien même w. grundmann : « les disciples sont partagés entre la foi et le doute »). x. LÉON-DUFOUR, utilisant la grammaire « ordinaire » de Ragon, et l'avis d'A. Pelletier, ose enfin « affronter les sourires sceptiques » de ses pairs, et penser que « s'impose » la traduction : « eux qui avaient [auparavant] douté » (dans Mél. J. Dupont, p. 195-197). Le verbe indique d'ailleurs davantage l'hésitation que le doute intellectuel : c'est le reproche fait par Jésus à Pierre qui, s'étant lancé sur les eaux à la rencontre du Christ, a pris peur § 152 — Mt 14,31). A son habitude, Mc aggrave ce grief en incrédulité et dureté de coeur § 376 — Mc 16,14*).

Mt 28,18-20) — La mission proprement dite (v. 19-20 a) se trouve encadrée par deux Paroles solennelles de « Toute-Puissance » (v. 18) et de Présence (éternelle) pour toute la suite des temps. En cette souveraine assurance, est perceptible le ton même de Dieu « éternel et tout-puissant ».

Mt 28,18 // 2Ch 36,22-23 — Le rapprochement fait par b.J. malina (dans nts 1970-71, p. 87-103) joue non seulement par la structure — autorité, mission, garantie du « Dieu-avec-nous » — mais aussi par la situation, puisque ce sont aussi les derniers versets du 2° Livre des Chroniques, ouvrant ainsi, comme l'Évangile de Matthieu, sur l'à-venir.

Toute-Puissance: La Puissance est un nom de Dieu, notamment dans la déclaration du Christ devant le Sanhédrin : « Vous verrez le Fils de l'homme siégeant à la droite de la Puissance » § 342 — Mt 26,64 // Da 7,14). Jésus avait témoigné dès sa vie publique § 40 — Mc 2,10*) de ce < Pouvoir >* divin (< Exousia >*), qui lui revenait de droit comme Verbe incarné. Mais à présent « toute puissance » est donnée (passivum divinum, sous-entendant : par le Père) à son humanité glorifiée elle-même, sans limite (toute puissance), dans le ciel comme sur terre (et aux Enfers, ajoute Ph 2,9-11, en // au § 168 . Les Onze voient Jésus « né de la descendance de David selon la chair, établi Fils de Dieu en toute puissance, selon l'Esprit de sainteté par sa résurrection des morts » (Rm 1,3-4, en // à Lc 1,32, qui se trouve donc ici accompli).

Athanase : Traité sur < Tout m'a été donné par mon Père > (Mt 11,27 — PG 25,212) : Ces mots concordent avec ce qui est dit en Saint-Jean: « Le Père aime le Fils et Il a tout donné en sa main » (Jn 3,35). Il Lui a tout donné pour que, de même que tout a été fait par Lui, tout put aussi être renouvelé en Lui. Non pour que de pauvre Il devienne riche, ni que, faible, Il reçoive la Puissance : à Dieu ne plaise ! Mais pour que, Sauveur, il restaure toutes choses, en Lui.

Mt 28,19-20 a // 2Ch 36,22-23 Jr 1,7-8 Ez 2,3 Ag 1,13-14 Ps 22,28-29 Ps 111,6 Ps 67,6-7 — Allez : C'est l'envoi. Mission triple : « Enseigner, baptiser, garder les commandements ». Enseignez : Le verbe grec dit bien qu'il ne s'agit pas simplement d'un enseignement intellectuel, mais de « faire des disciples »*, c'est-à-dire des chrétiens qui entreprennent à la suite de leur Maître, l'apprentissage de « la Voie » § 364 — Lc 24,15*).

toutes les nations (// Lc 24,47) : Universalisme spécialement marqué dans Saint-Matthieu : (cf. § 84 — Mt 8,11* ; § 307 — Mt 25,32*). Durant ses années de vie publique, Jésus s'en était volontairement tenu à Israël § 99 et 156) — Mt 10,5-6.23; 15,24). Le temps est arrivé de l'Évangélisation mondiale, proposant le salut « jusqu'aux extrémités des îles » : Is 42,4-6.10; 49,6 etc... Le miracle est que cette mission < catholique >, confiée à une poignée d'humbles gens, se soit réalisée, envers et contre tout...

Baptisez-les : Par-delà la matérialité du rite, doit s'entendre de l'entrée en Alliance — dont le signe était, dans l'A.T., la circoncision (Gn 17 — BC I*, p. 101-102). Désormais, ce sera « le baptême dans l'eau et dans l'Esprit», annoncé au § 78 — Jn 3,5*. Le passage de la mer le préfigurait aussi (Ex 14-15 — Bc I*, p. 228-231; cf. 1Co 10,1-5, en // à BC I / Jw).

au nom de: L'Alliance avec Dieu est intérieure, donc s'imprime dans notre être — 2Co 1,22 ou Ep 1,13 et 4,30 disent que l'Esprit Saint nous marque de son sceau — d'où le < nom nouveau > que reçoit le circoncis ou le baptisé (Gn 17 — BC I*, p. 100-101). Un nom personnel, mais aussi un nom de famille : < chrétien > puisque frère du Christ; < enfant de Dieu >, puisque fils.

du Père, du Fils et du Saint-Esprit: C'est l'énoncé le plus achevé du mystère de l'Unité (« au nom de » est au singulier) et de la Trinité dans l'égalité, des Personnes divines (marquée par l'énumération linéaire du « et... et... » en ex aequo). Mais durant toute sa vie terrestre, Jésus a révélé en acte sa vie trinitaire*, toute polarisée « vers le Père... Moi en Toi et Toi en Moi ». Cf. par exemple : § 1 — Jn 1, 1 b-c*; § 24 — Mt 3,17*; § 110 — Mt 11,25*; § 260 — Jn 8,13-18* et 29-30* (Dom Guillerand). «O Trinité sans division, ô Unité sans confusion, ô Lumière en trois Personnes : Père, Fils et Esprit... » (Syméon le Nouveau Théologien II, 129).

garder tout ce que je vous ai commandé : Après la doctrine et la source sacramentelle, la pratique. Mt rejoint Saint-Jean: « garder mes commandements » ou « ma Parole » § 327 — Jn 14,15*), mais aussi le Discours inaugural — il a lieu également « sur la montagne » — qui insistait sur la nécessité de traduire en actes notre adhésion à l'intégralité de la Loi (Mt 5,17-19 Mt 7,13-27).

Mt 28,20 b // Is 43,5-7 Ex 3,12 Ex 33,15-16 Gn 39,2 — Avec vous : Garantie de toute vocation (cf. les //), et privilège du disciple*. C'est le nom même de Jésus : < Emmanuel >, < Dieu-avec-nous > § 17 — Mt 1,23*). Mais la réciproque n'est pas moins souhaitable : < nous-avec-Lui > (cf. § 337 — Mt 26,37-38*). Ainsi l'Alliance avec Abraham s'était ouverte sur l’assurance : « Marche en ma présence et sois parfait » (Gn 17,1); ainsi Joseph en Egypte (comme l'Eglise est dans le monde). Mais c'est mieux encore l'accompagnement de Moïse et d'Israël par Yahvé, durant l'Exode, qui préfigure celui du Christ à son Eglise, dans la Nouvelle Alliance (// Ex 3 et 33).

Jérôme : Sur Mt IV,28 (PL 26,218) : En promettant qu'il est avec ses disciples jusqu'à la consommation des siècles, le Christ promet à la fois qu'ils seront toujours victorieux, et que Lui-même ne délaissera jamais ceux qui croient en Lui.

Plus fondamentalement, « le Christ parle ici à ses fidèles comme à un seul corps, et même pas seulement aux Apôtres, car les Apôtres ne demeureraient pas jusqu'à la consommation des siècles. » Cette solennelle Promesse vaut donc pour l'Église constituée dans sa hiérarchie... « Mieux encore que les prophètes antiques, envoyés au seul peuple d'Israël, et qui se récusèrent souvent, les Apôtres ne répliquèrent rien, alors que le Christ les envoyait dans le monde entier, se fondant sur sa Parole que, dans les circonstances difficiles même. Il serait avec V Eglise pour rendre tout facile » (d'après jean damascène : Fragmenta in Mt; PG 96,1411). En particulier, cette divine assistance est la source de son infaillibilité « lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi et les moeurs » (1° Concile du Vatican, du 1839 ou fc 484) — Sur l'ensemble de la question, voir « Catholicisme » v, 1549-1571).

D'une si constante — « tous les jours » — intime et active Présence, Jésus avait indiqué le répondant: c'est le Paraclet, envoyé par Lui-même et le Père « pour qu'il reste avec vous éternellement, auprès de vous et en vous » § 327 — Jn 14,16-17* ; cf. Jn 16,7-11). Mt et Jn se rejoignent donc, pour définir le mystère de l'Église qui est, comme le Christ lui-même, Verbe incarné, à la fois humaine (en ses pasteurs comme en ses membres) et divine (en son Chef et en son Inspirateur). Cesserait donc montrer qu'on n'y a rien compris que d'opposer comme on le fait l'Église < juridique > ou < l'institution > à une < Communion >, hors-cadre parce que toute spirituelle : « Il ne peut y avoir aucune opposition, aucun désaccord réels entre la mission dite invisible du Saint-Esprit et la fonction juridique, reçue du Christ, des Pasteurs et des Docteurs ; car — comme en nous le corps et l'âme — elles se complètent et s'achèvent mutuellement, elles proviennent d'un seul et même Sauveur, qui n'a pas seulement dit en insufflant l'Esprit : < Recevez le Saint-Esprit >, mais qui a encore ordonné hautement et clairement: < Comme mon Père m'a envoyé, ainsi je vous envoie > et < Qui vous écoute, m'écoute > » (Pie XII : Enc. Mystici Corporis, fin de la 1° Partie).

jusqu'à la consommation des siècles: Ainsi, loin de clore une histoire passée, cette finale en point d'orgue de Saint-Matthieu — non moins que celles de Mc 16,20, Lc 24,47-49.53*, et Jn 21,19.23.25* — s'ouvre sur le temps de l'Église, lui-même ouvrant sur l'Éternité.

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Bible chrétienne Evang. - § 365-370. Les apparitions aux apôtres :