Bible chrétienne Pentat. 2332

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Rétablissement de l'alliance

Ex 34)


 (Ex 34,5Il appela le Nom de Yahvé: Qui est cet « Il »? Moïse ou Yahvé? Nous laissons indéterminé ce pronom comme il l'est en hébreu. D'après le v. 6, il semblerait que ce soit plutôt Yahvé.

Ex 34,6-7 — La vision demandée par Moïse (33,18*) revient en fait à entendre un nouveau Nom de Yahvé (comparer avec 19,19*): Il est la Miséricorde sans bornes, à la mesure de Sa Fidélité; elle ira jusqu'à réparer le mal, à son Heure (par la Passion et la mort du Fils de Dieu incarné). La miséricorde divine, loin d'être un passe-droit et d'aller contre la justice en laissant le péché impuni, va jusqu'à faire justice (en se sacrifiant elle-même en Jésus Christ), pour nous rendre justes (Ps 22,32). Il nous faut donc prendre dans toute leur force, les expressions: Dieu ne déclare pas innocent; il ne déclare pas qu'il y a non-lieu une fois que le péché a eu lieu. Non, Il ne laisse pas le crime impuni (autre traduction possible), mais il s'en charge lui-même, il en supporte la peine, sur la croix. Que la Rédemption du Christ vienne beaucoup plus tard, ne diminue en rien l'équité de cette miséricorde justifiante ; car du fait de la Résurrection, donc de l'entrée de l'humanité du Christ dans l'éternel, cette Rédemption vaudra pour toutes les générations, passées, présentes et futures.

Ce Nom de Yahvé est donc bien celui que toute l'histoire de l'Ancien Testament, puis du Nouveau, confirmeront. Aussi pouvons-nous appeler Dieu sous ce Nom, dont le souvenir transparaît à maintes reprises dans la prière biblique: Cf. Nb 14,18; Ps 145,8; Jr 32,18; Na 1,3; et les // Ne 9,17-31 ; Jl 2,13-14; Ps 86,15-16.

Ex 34,9-11Aussitôt Moïse... : Il prend la balle au bond, et demande à la Miséricorde le rétablissement de l'Alliance, rompue par le péché d'Israël, et que Dieu a déjà promis de renouer, sur l'intercession de Moïse (33,17). Mais au fond, c'est demander ce qui sera la Nouvelle Alliance. Et c'est bien cela qu'annonce Dieu en réponse (v. 10-11):

Rupert de Deutz: Op. cit. (PL 167,741): « Ce que Moïse demande là, c'est que le Verbe se fasse chair, qu'il habite parmi nous, que nous voyions sa Gloire, qui est la Gloire du Fils Unique du Père... Et Dieu répondit: « Je ferai des signes qui n'ont jamais été vus sur la terre... Ce peuple verra l'oeuvre redoutable... » Quels signes, quelle oeuvre redoutable? sinon que Dieu s'est fait Homme, qu'il est mort, qu'il a été enseveli, qu'il est ressucité le troisième Jour? Car jusqu'à la venue du Fils de Dieu, il n'a plus été fait de signes aussi terribles que ceux de l'Egypte.

La perspective audacieuse ouverte par Rupert serait confirmée par l'hypothèse d'exégètes contemporains, suivant laquelle les disciples d'Emmaus, en disant de Jésus qu'il s'était montré « un prophète puissant en oeuvres et en parole », le désigneraient comme celui qu'annonçait Moïse en Dt 18,15-18*.

Ex 34,28Les Tables de la Loi : C'est ici seulement qu'il nous est dit que c'est Moïse qui les a taillées (34,4), puis y a gravé le Décalogue (34,28). Comparer avec 24,12-18* et 4-7*.

Moïse resta 40 jours et 40 nuits: Il y a donc pour le rétablissement de l'Alliance un nouveau Carême, comme après la première ratification (24,18). Par son propre carême, Jésus montre que la Nouvelle Alliance, est bien

l'accomplissement (demandé par Moïse), de l'ancienne et fragile alliance du Sinaï(// Mt 4,1):

Rupert de Deutz: Op. cit. (PL 167,695-696): Dieu appela Moïse du milieu de la nuée; et cet appel enrichit la nature indigente de l'homme au point que pendant quarante jours il put oublier non seulement le boire et le manger, mais toute la condition humaine. Dans le cas d'Élie également, l'Écriture ne cache pas que son jeûne était en dehors des possibilités humaines, et fut un don de la force de Dieu. Car lorsque l'Ange du Seigneur le touche en lui disant: « Lève-toi et mange » (I R 1R 19), l'auteur inspiré, après avoir écrit qu'il mangea et but, ajoute: « Et par la force de cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits » ...

La Providence divine pourvut ainsi à ce que l'humanité du Christ eût deux témoins de la vérité de son jeûne, l'un choisi dans la Loi, et l'autre chez les Prophètes.

Ex 34,29-35Le voile de Moïse: Nous avons sur ce point, pour guide inspiré, saint Paul lui-même: si le voile est tombé depuis la pleine révélation du Christ (// 2Co 3,6-8), il ne reste pas seulement opaque aux juifs qui ne veulent pas reconnaître en Lui le Messie (// 2Co 3,12-16), mais pour quiconque reste incrédule devant l'Évangile (// 2Co 4,3-5). Que les « ministres » de l'Alliance nouvelle, avec l'assurance de la Vérité de l'Esprit, n'aient pas honte de prêcher et rayonner eux-mêmes cette gloire du Christ! (// 1Co 4,1-2 2Co 3,8).

Rapprocher Moïse (ou Abraham) du Christ, la Nouvelle Alliance de l'Ancienne, n'est pas un anachronisme: dans l'éternité de Dieu, ils se rejoignent et se retrouvent, comme le manifeste la Transfiguration :

Origène: Hom. 12 sur l'Exode (SC 16,249-250): Dans la Loi, le visage seul de Moïse est donc en gloire; mais dans l'Évangile c'est tout entier que Moïse est en gloire: « Voici qu'apparurent Moïse et Élie en gloire, parlant avec Jésus » (Mt 17,1-3). Ici l'Écriture ne dit pas que son visage soit glorifié, mais que Moïse est tout entier en gloire; et c'est alors que s'accomplit pour lui la promesse reçue au Mont Sinaï (Ex 33,23): « Tu me verras par après ». Il vit en effet ce qui arriva dans les derniers jours, et il se réjouit. De même qu'Abraham avait désiré voir le jour du Seigneur, et qu'il le vit et s'en réjouit (Jn 8,56), ainsi Moïse désira également voir le jour du Seigneur, il le vit et s'en réjouit: il eut bien de quoi se réjouir, car cette fois il ne descendit pas de la montagne avec un visage glorifié, mais tout entier glorifié il monta sur la montagne.

Ce Moïse qui avait prophétisé (Dt 18,15) : « Le Seigneur votre Dieu vous suscitera d'entre vos frères un prophète comme moi: écoutez-le en tout », voilà que maintenant il voyait ce prophète présent, et faisant foi de sa parole. Et pour n'avoir aucun doute, il entendit la voix du Père qui disait: « Celui-ci est mon Fils bien-aimê en qui je me complais: écoutez-le » (// Mt 17,5 / Kt).

// 2Co 3,6-16 — Les rabbins interprétaient les dires d'Ex 34,29-35 en ce sens que Moïse aurait mis le voile pour que les israélites ne voient pas la fin du rayonnement, qui ne serait pas prolongé longtemps. Et l'on traduit d'ordinaire les v. 7 et 13 de 2Co 3,7 2Co 3,13 suivant cette interprétation. Mais en ces versets, subtils parce qu'ils sont justement dans la tradition rabbinique, saint Paul oppose à cette interprétation d'une fin matérielle de cette gloire passagère, sa propre interprétation à la lumière de la Nouvelle alliance. Le même participe se retrouve en effet aux versets 2Co 3,4 2Co 3,11 2Co 3,13 2Co 3,14; et pour l'homogénéité du raisonnement de l'Apôtre, il doit garder partout le sens du caractère transitoire de l'Ancienne Alliance, comme dans notre traduction (cf. v. 7.13).

Au v. 13, le ’Télos' grec n'a pas le sens de « fin, terme »: comme notre propre mot de ’fin', qui signifie aussi: but, Télos demande à être traduit ici: « résultat, effet » — un effet de gloire qui, même appartenant au transitoire, était déjà trop fort pour que les israélites puissent le supporter. Au v. 14, faute de pouvoir garder littéralement: « C'est dans le Christ qu'il transite » (que le transitoire devient éternel), nous employons le synonyme: « Il ’passe' », qui a l'avantage de référer au thème de la Pâque, central dans l'Exode (cf. Ex 12,12*). Le neutre ’anakaluptoménon' pourrait alors s'interpréter : « Ils n'ont pas encore découvert que (l'ancienne Alliance’ passe’ dans le Christ).

Au v. 16, Esprit renvoie à l'Esprit au même sens qu'aux versets 6 et 8 : cet esprit qui libère, en qui ’passe’ la lettre, c'est Jésus.


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ÉRECTION DE LA TENTE DE LA RENCONTRE

Ex 35-40)

 — Ex 40,16 — Moïse fit tout ce que Yahvé lui avait ordonné: Cette fidélité du Serviteur de Dieu à tout faire exécuter sur le modèle qui lui avait été révélé (Ex 25,9 * ), est fortement soulignée d'abord par l'exact parallèle entre les ch. 35-39 et les ch. 25-31, qui se répondent comme les « Il fit », à l'ordre de Dieu: « Tu feras ». Mais en outre, des versets 19 à 32 de ce ch. 40, l'expression « comme Yahvé l'avait ordonné à Moïse » revient 7 fois. Sans doute n'est-ce point par hasard. ..

Ex 40,19Il déploya le pavillon sur le tabernacle: D'où la règle que, dans l'église catholique elle-même, « le tabernacle doit être revêtu extérieurement d'un conopée », sorte de voile ou de pavillon qui l'enveloppe ou du moins en couvre la porte (Cf. L'Église en prière, Desclée, 3e éd. « mise à jour suivant la Constitution liturgique de Valican II », 1965, p. 472): Perdurance de l'Ancienne Loi jusque dans ses moindres détails, comme le Christ lui-même l'avait enseigné à ses disciples (Mt 5,17-19). La Tradition chrétienne y tenait d'autant plus que ce détail donnait à ce premier tabernacle une ressemblance de plus avec le Tabernacle véritable, qui est le Christ même :

Cyrille d'alexandrie: Sur St-Jn (pg 73,620 et 625): L'Écriture nous présente encore l’Emmanuel sous une autre image en disant: « Tu couvriras d'un voile l'Arche du Témoignage » (Nb 4,5). L'arche était la demeure de Dieu. Elle était construite de bois imputrescible, entièrement recouvert d'or, et elle contenait la Loi divine, de sorte qu'elle était le type du Verbe de Dieu uni à sa sainte chair: car la Loi, elle aussi, était «parole de Dieu », bien qu'elle ne fût pas la Personne du Fils. L'Arche était couverte d'un voile, car le Dieu Verbe incarné restait caché à beaucoup, revêtu pour ainsi dire de son corps et couvert de sa sainte chair comme d'un voile, au point que certains voulaient le lapider parce qu'il se disait Dieu. D'autres ne craignaient pas de prétendre: « Ne connaissons-nous pas son père et sa mère? »...

L'unique Christ est donc représenté de diverses manières: il est la Tente, à cause du voile de sa chair; il est l'Arche, contenant la Loi divine, en tant que Verbe du Dieu et Père; il est la table des pains de proposition, car il est vie et nourriture ; il est candélabre, en tant que Lumière intelligible et spirituelle; et il est l'autel des sacrifices, le parfum agréable qui monte vers Dieu, puisqu'il est victime pour la vie du monde. Et sur cet autel, tout est sanctifié...

Ex 40,20Il prit le Témoignage: Voir le sens plus général et les acceptions diverses de ce mot à Nb 1,53, ici «‘edût' désigne proprement, d'après les parallèles orientaux, les clauses d'un traité imposé par un suzerain à son vassal. Le ‘Témoignage’ est ici le Décalogue écrit sur les tables de pierre appelées quelquefois ’tables du Témoignage' (Ex 31,18 Ex 32,15 Ex 34,29). En conséquence, l'Arche est appelée ’Arche du Témoignage' (Ex 40,21) », et la Tente elle-même: ’Demeure du Témoignage' (Nb 1,53). Note de BJ à Ex 25,16.

Le Propitiatoire: D'après la description que nous en donne l'Exode, il était d'or pur, et couvert des deux chérubins « faisant corps avec lui, à ses deux extrémités. Les chérubins auront les ailes déployées vers le haut et protégeront le propitiatoire de leurs ailes en se faisant face... C'est là que Je te rencontrerai (poursuit Dieu, parlant à Moïse). C'est de sur le Propitiatoire, d'entre les deux chérubins qui sont sur l'Arche du Témoignage que je te donnerai mes ordres pour Israël » (Ex 25,20 Ex 25,22).

Ex 40,21-22Le voile de séparation. Ainsi l'Arche du Témoignage fut séparée: toujours la ’séparation' (Gn 1,4*; 12,1*; etc...), d'autant plus marquée ici qu'elle doit manifester la Sainteté de Dieu (dans sainteté, il y a l'idée de séparation, par transcendance au Mal ou même à toute imperfection), du Dieu qui demeure au ‘Saint des Saints’.

/ He 9,24; 8,5 — Seulement une image du vrai... signe et ombre des réalités: Toujours le rappel de la valeur de figure de l'Ancien Testament en général, et de la Tente de la Rencontre en particulier. La vérité du Tabernacle et du sacerdoce, c'est Jésus-Christ.

Ex 40,34-38La nuée: celle, précédente, de la Colonne de Nuée, comme celle, à venir, du Temple de Salomon (// 1R 8,10-11), et celle plus encore du Temple définitif, prophétisé par Ézéchiel (// Ez 43,2-7), qui est le Verbe incarné lui-même (cf. Ex Ex 25-31 *, notamment la synthèse présentée à la page 260).

Ainsi, tout l'Exode nous conduit à Lui !...




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LE LÉVITIQUE



De nos jours, la loi n'a pas bonne presse. C'est que, sans nous en rendre compte, nous sommes victimes de l'influence conjuguée de Kant et du subjectivisme (nominaliste), qui ont déformé profondément l'idée spontanée, courante, que l'on se fait de la Loi. Le subjectivisme enlève à la Loi son fondement objectif dans la nature même des choses et de l'homme, si bien qu'elle paraît arbitraire, ou du moins variable suivant les circonstances, simple « conception » entre bien d'autres. Et l'Impératif catégorique lui donne valeur impersonnelle. La seule « voix » assurée est la conscience (JJ. Rousseau), et la seule règle (subjective), la sincérité. On en arrive au point que tout rappel de la Loi attire le soupçon ou l'accusation de légalisme.

C'est tomber dans l'erreur trop fréquente de prétexter l'abus pour condamner la pratique saine et profitable, autrement dit: jeter le bébé avec l'eau du bain... Oui! la conscience est notre guide. Mais fragile et influençable, soit par les préjugés ambiants, soit même par nos propres mauvais instincts. Les sciences de l'homme devraient au moins nous l'avoir appris. Dans la confusion des idées où il devient parfois difficile de savoir discerner le bien du mal, il est d'autant plus nécessaire de pouvoir, au moins sur l'essentiel, se référer à une Norme claire, sûre, absolue, sur laquelle puisse s'appuyer la conscience pour juger de son propre cas, en toute indépendance d'esprit.

la bible comme 'torah'. C'est bien cela que nous offre la Révélation biblique. Car il serait malhonnête de le cacher: La Loi est au coeur de l'Écriture, si bien que ce mot de ’Torah' suffit à désigner ’l'Ancienne Loi' ou Ancienne Alliance.

Mais justement, ainsi qu'on l'a déjà vu (Introduction à Ex 20-24), pour la Bible donc aussi pour tout chrétien, la Loi n'a de sens qu'à l'intérieur de l'Alliance: elle en est l'énoncé même. Pour le rappeler aussi indiscutablement que possible, citons quelques représentants de la Tradition tant juive que chrétienne.

a. néher: Moïse (p. 104-105 et 149-150): « Le terme même de Loi est insuffisant pour marquer la plénitude du mot hébreu thora, que l'on n'a pu réduire à une Loi que par le canal du terme grec nomos qui le traduit dans la Septante. Thora, en hébreu, ce n'est pas l'ordre, mais l'orientation; pas la Loi, mais la Voie, la route sur laquelle est possible un cheminement en commun.

Au vrai, les exigences de la thora s'énoncent rarement à l'impératif, mais presque toujours à cette forme de la grammaire hébraïque que l'on appelle l'imparfait (im-perfectum : ce qui n'est pas encore achevé), qui a bien plus le ton d'une invite que celui d'un ordre, et qui implique l'égalité des participants dans un domaine comparable à la prière plutôt qu'à l'obéissance.

Prière: le terme n'est pas excessif si l'on veut bien réfléchir un instant à la valeur d'un thème par lequel, une fois encore, la thora de Moïse se revêt d'une signification singulière, le thème de l’Amour de Dieu...

Que Dieu aime les hommes, qu'il soit leur père, leur protecteur, leur patron, c'est ce que d'autres génies antiques avaient pressenti, sinon clairement exprimé. Mais que les hommes soient invités à aimer Dieu, voilà qui bouleverse la structure religieuse du monde. Tout se passe comme si Dieu révélait, dans la thora, l'exigence d'amour, parce qu'il avait besoin d'être aimé. C'est cette recherche d'amour qui informe l'Alliance et qui, dès le Sinaï, lui confère sa tonalité à la fois anxieuse et exaltante. D'Adam à Noé, de Noé aux patriarches, des patriarches au Sinaï, Dieu a été inlassablement en quête des hommes. Maintenant, au Sinaï, il les a trouvés définitivement. La nostalgie de Dieu est satisfaite. Dieu a un projet qu'il veut réaliser avec la participation des hommes. Il appelle les hommes à coopérer avec lui. La thora n'est autre chose que l'énoncé des efforts nécessaires à une aventure commune, sur terre, entre Dieu et les hommes. Elle est la charte du Royaume de Dieu sur terre...

... Le débat entre la Loi et la Foi n'aurait jamais provoqué de schisme, s'il ne s'était agi que de choisir entre légalisme et spiritualité. Le judaïsme ’orthodoxe’ savait que, depuis Moïse, depuis Abraham, depuis Adam, la Loi se vivifiait par la Parole, que sa dimension impliquait une intériorité spirituelle, sans laquelle elle n'était qu'une parodie de la Volonté de Dieu...

h. ringgren: La religion d'Israël (p. 142): Ce mot (de Tôrâh) exprime un principe capital de la morale d'Israël: la Loi est la Parole de Dieu, exprime sa volonté et possède une autorité divine. Vivre selon la Loi, c'est faire la volonté de Dieu. Le comportement moral est fixé par les commandements divins. La Loi indique la volonté de Dieu, éclaire l'homme, le rend sage, l'avertit, lui montre le droit chemin (Ps 19,8-12). C'est un don de Dieu pour le plus grand bien de l'homme.

L. bouyer: La Bible et l'Évangile (p. 30): Dans ce contexte, et dans ce contexte seul, la Loi, donnée sur la même montagne de Dieu où le Nom a été révélé, prend sa vraie signification. Elle n'est pas, elle ne sera jamais pour l'Israélite pieux ce fardeau juridique extérieur qui frappe, précisément, qui la voit du dehors... La Loi, c'est la communion avec Yahvé, par l'adoption de ses propres pensées, par l'assimilation à ce qu'il est en lui-même et qu'il a révélé au seul Israël. « Soyez saints comme Je suis saint », ce mot du Lévitique en résume tout le fond. Pour l'Israélite, on voit donc ce que sera, ce que devrait être la préoccupation perpétuelle de la Loi de Dieu. Non point un esclavage 'légaliste', mais, jusque dans le détail prosaïque de l'existence quotidienne, l'attitude de disponibilité, d'attention subjuguée, de réponse totale à la Parole divine qui est le fruit de l'expérience prophétique et dont la vie d'Abraham demeure le modèle. Ainsi, sans nul paradoxe, comme l'a fort bien compris ce Juif chrétien qui a écrit l'épître de Jacques, ‘vivre par la foi' et ’observer la loi' pourra n'être qu'un seul et même programme.

Par ailleurs, l'identification de la Parole et de la Loi qui se cristallise autour de Moïse prépare une autre et capitale extension de l'idée de Parole divine en Israël. Par là en effet, cette Parole cessera tout à fait de se confondre avec l'expérience exceptionnelle de quelques privilégiés...

B. haring: La Loi du Christ (i, 36): La prédication des commandements est essentiellement théocentrique, et en même temps ’responsorielle', ’dialogale'', parce que le ’commandement' est un concept totalement religieux. Dieu lui-même fait précéder la promulgation des commandements au Sinaï, par le double thème de la Religion: Sa Gloire souveraine et sa Révélation d'amour: «Je suis le Seigneur ton Dieu, Je t'ai tiré d'Egypte, maison de servitude » (Ex 20,2). Les commandements de Dieu sont les paroles (Décalogue = Dix paroles) que le divin Amour nous adresse. Ils débouchent dans le grand commandement de charité... ( Paragraphe intitulé : « Commandement et Loi sont et doivent rester des concepts centraux de l'enseignement moral chrétien »).


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Liberté dans la loi.

Si l'Alliance n'est que l'Amour de Dieu s'offrant à la liberté de l'homme (Gn 9,9-10*), comment l'observance de la Loi par où s'accomplit l'Alliance pourrait-elle ne pas être avant tout l'oeuvre de notre liberté? — mais oeuvre de libération d'abord, dans la mesure où l'on n'acquiert sa liberté qu'en se libérant du vieil esclavage (contracté en Adam) :

D. barsotti : Meditazione sull'Esodo (p. 178 ss) : Si la Loi est imposée de l'extérieur, elle ne suffit pas : l'homme ne se sent alors ni protégé, ni garanti, il se sent au contraire menacé de toutes parts : dès le Décalogue, tu dois écouter à l'intérieur Dieu qui te parle à l'intérieur. C'est de l'intérieur que Dieu reprend son oeuvre et la sauve... Le rapport avec Dieu exige la liberté. Une loi purement extérieure deviendrait une malédiction pour l'homme: c'est ce qu'éprouvent Kafka, un Juif du xxe siècle, et saint Paul au premier siècle de l'ère chrétienne... Il faut que la Loi garde son caractère religieux, qu'elle soit l'expression d'une volonté qui s'impose. Le Seigneur dit: « Je suis le Seigneur ton Dieu ». Avant de donner sa Loi, Dieu se révèle lui-même. La Loi est loi parce qu'elle est promulguée par Dieu.

Si l'âme voit dans la Loi un caractère de nécessité, elle lui ôte le caractère d'une rencontre avec Dieu où Dieu parle et l'homme répond; rapports personnels, liberté de la part de Dieu et de la part de l'homme qui veut donner à sa vie une empreinte religieuse; s'impose donc ici une liberté vis-à-vis de la Loi. Le pieux Israélite sent à la fois le besoin de la Loi et le besoin de s'en affranchir ».


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Continuité et transcendance.

Sur tous ces points, tradition juive et chrétienne s'accordent donc fort bien. C'est un mensonge que d'opposer comme on le fait si souvent le Nouveau à l'Ancien Testament, la charité du Christ à la Loi de Moïse, comme si l'Évangile n'était pas l'accomplissement même de la Loi ! Et saint Paul même n'a souligné les insuffisances de la Loi que pour mieux porter à la pratiquer avec la plénitude et la liberté chrétienne: « Détruisons-nous donc la Loi par la foi? Pas du tout ! Bien au contraire, nous confirmons la Loi » (Rm 3,31).

Jamais d'ailleurs, l'Église ne s'est passée de Loi :

g. von rad: Théologie de l'Ancien Testament (n, 352): L'événement salutaire par lequel Israël est devenu la propriété de Yahvé est inséparable de la conformité à certaines normes qui délimitent clairement le cercle des élus, en particulier sur ses bords. Il n'en allait pas autrement dans la jeune Église chrétienne. Elle aussi se savait dès le début liée à certaines normes juridiques qu'elle appliquait sans arrière-pensée. Personne n'ira dire que Paul a légalisé l'état de chrétien parce qu'il a insisté parfois très rigoureusement sur certaines séparations et certaines limites (). L'Eglise chrétienne naissante se voyait placée elle aussi devant la nécessité de se séparer des membres indignes: du simple fait qu'elle existait, il y avait un dedans et un dehors, et la tâche de tracer la frontière entre ces deux domaines s'imposait à nouveau... En ce sens, l'Église primitive savait aussi qu'une Loi lui était imposée, et elle s'y est soumise... »

Mais surtout, comme le note encore G. von Rad, pour la science biblique « il devient évident qu'il ne peut pas exister de théologie de l'Ancien Testament limitée à elle-même » si l'on tient compte « du caractère spécifique essentiel de Ta.t.: le fait qu'il annonce l'événement néotestamentaire du Christ » (Ibid. p. 348). C'est, depuis le début, notre guide de lecture (cf. l'Introduction générale). Pas plus que l'histoire sainte, la Loi n'est donc fermée sur elle-même. Elle reste ouverte aux réinterprétations ultérieures dont le ’Deutéronome' est le type même — puisqu'il ne s'agit pas d'une ’Nouvelle Loi’ mais d'une compréhension renouvelée de l'unique Loi du Sinaï. Et c'est à elle encore que se réfèrent non seulement les prophètes mais le Christ lui-même, et saint Paul. Les préceptes fondamentaux se voient ainsi confirmés, parfois littéralement, tandis que les prescriptions plus matérielles sont interprétées plus à fond, avec tout à la fois plus de rigueur et plus d'universalité: « Vous avez appris: tu aimeras ton prochain... Eh bien moi je vous dis: Aimez vos ennemis »... Ah ! vous prétextez l'Évangile pour faire fi de la Loi de Moïse? Soit! Ne pratiquez plus le talion, mais tendez l'autre joue... (cf. von rad, Ibid. p. 355-362). Dans la continuité éclate la transcendance de l'Évangile.


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Valeur pédagogique et figurative de la loi.

La tradition a donc mis en valeur dans la Loi ce qui, en elle comme dans la vie des patriarches ou les événements de l'Exode, prépare et annonce la Nouvelle Alliance. D'une part, sa valeur pédagogique pour mener au Christ; de l'autre, la préfiguration du sacrifice du Christ et de la sainteté chrétienne :

clément d'alexandrie : Stromates 1,26 (SC 30,166-169): L'Écriture dit avec raison que « la Loi fut donnée par Moïse », pour être la norme du juste et de l'injuste ... Saint Paul ajoute: « La Loi fut établie à cause des transgressions, jusqu'à ce que vînt la « Descendance », objet de la Promesse ». Et pour mieux s'expliquer, il poursuit: « Avant que vînt la Foi, nous étions gardés sous la Loi, enfermés », c'est-à-dire gardés du péché par la crainte, « en vue de cette foi qui serait plus tard révélée: donc la Loi fut notre pédagogue en vue du Christ, jusqu'au jour où nous serions justifiés par la foi » (Ga 3,19 ss)...

Moïse était une Loi qui avait une âme, gouverné qu'il était par le Logos souverain. Il procura un bon régime politique, qui est une belle « éducation des hommes ». Il traita du pouvoir judiciaire, qui est l'art de corriger les pécheurs afin qu'ils apprennent la justice. Le pouvoir de punir est du même ordre, et sait garder la mesure dans le châtiment: tout en punissant, il redresse l'âme. Toute la méthode de Moïse, dirai-je, consiste à éduquer ceux qui peuvent devenir des hommes excellents, et à gagner leurs semblables ...

Que personne ne médise de la Loi comme si elle manquait de bonté et de noblesse du fait des sanctions qu'elle porte. Si le médecin qui guérit une maladie du corps est considéré comme un bienfaiteur, à plus forte raison celui qui s'efforce de libérer notre âme de ses vices prend-il notre intérêt, puisque l'âme est plus précieuse que le corps. Nous supportons piqûres, brûlures et médecines, appelant « sauveur » et « guérisseur » celui qui nous les applique: car ce n'est certes pas la cruauté ni la haine, mais plutôt la règle de son art qui lui fait amputer un membre pour éviter que les parties saines ne se corrompent à leur tour; et personne ne songe à dire que la médecine soit quelque chose de mauvais. Alors, quand c'est de l'âme qu'il est question, ne supporterons-nous pas l'exil, les dommages, l'emprisonnement, pour passer de l'injustice à la justice? La Loi, en effet a souci de ceux qui dépendent d'elle: elle les forme à la piété filiale envers Dieu, elle leur dicte ce qu'il faut faire, elle écarte tout ce qui est péché, infligeant un châtiment même pour des fautes légères. Mais quand elle voit que les choses prennent mauvaise tournure et deviennent irrémédiables parce que le coupable est allé jusqu'au bout de l'iniquité, alors elle prend l'intérêt des autres; et afin d'éviter qu'ils ne se corrompent eux aussi, elle ampute, dirai-je, le membre gangrené: pour le bien général, elle décide qu'il mourra. «Jugés par le Seigneur, dit l'Apôtre, nous sommes châtiés, pour ne pas être condamnés avec le monde » (). Avant lui, le prophète avait dit: « Le Seigneur m'a châtié rudement, mais il ne m'a pas livré à la mort ». Et dans le Deutéronome: « C'est pour t'apprendre la justice qu'il t'a corrigé. Il t'a éprouvé, il t'a fait souffrir la faim et la soif dans le désert, afin que ton coeur connaisse ses lois et son droit, tout ce que je t'ordonne aujourd'hui; et pour que tu saches dans ton coeur que le Seigneur notre Dieu te corrigera comme un homme corrige son fils .

Le bien le plus grand et le plus parfait est d'amener quelqu'un de la malfaisance à la vertu et à une vie droite. Et c'est ce qu'opère la Loi.

Homélie inspirée du Traité sur la Pâque, d'Hippolyte, dans Homélies pascales (SC 27, p. 135-136): La Loi de Moïse est un recueil d'enseignements variés et impératifs, une collection utile à tous de ce qu'il est bon de faire en cette vie, et une initiation mystique aux coutumes de la vie céleste: un flambeau et une lampe, un feu et une lumière, répliques des lampadaires d'en haut. La Loi de Moïse était l'itinéraire de la piété, la règle des moeurs honnêtes, le frein du premier péché, l'esquisse de la Vérité à venir... . La Loi de Moïse était pour la piété un maître et pour la justice un guide; pour les aveugles une lumière et pour les insensés une preuve; pour les enfants un pédagogue et pour les imprudents une amarre; pour les nuques raides une bride, et pour les impatients du joug un joug contraignant. La Loi de Moïse était le messager du Christ, le précurseur de Jésus, le héraut et le prophète du Grand Roi, une école raisonnable, un gymnase nécessaire et un enseignement universel, une doctrine venue à son heure et un mystère temporaire. La Loi de Moïse était un résumé symbolique et énigmatique de la grâce future, annonçant en images la perfection de la Vérité à venir. Par les sacrifices, elle annonçait la Victime, par le sang, le Sang, par l'agneau, l'Agneau, par la colombe, la Colombe, par l'autel le Grand Prêtre, par le Temple le séjour de la divinité, par le feu de l'autel la « Lumière du monde » qui descend d'en haut.

Irénée: Adversus hoereses iv,15,1 (SC 100,548): Dieu n'a nul besoin du service du culte: car il est toujours comblé de tous biens, et Il a en Lui-même toute odeur de suavité, et toutes les fumées des parfums, même avant que Moïse fût. Mais il éduquait le peuple enclin à retourner aux idoles: il le disposait par de nombreuses prestations à persévérer dans le service de Dieu,

Il l'appelait par les choses secondaires aux principales, c'est-à-dire par les figuratives aux véritables, par les temporelles aux éternelles, par les charnelles aux spirituelles, par les terrestres aux célestes... Par ces figures, ils apprenaient à craindre Dieu et à persévérer dans son service. Ainsi la Loi était pour eux un enseignement, en même temps qu'une prophétie de l'avenir.

p. grelot: Sens chrétien de l'A.T. (p. 167-168): Le régime fondé sur la Loi a deux aspects inséparables, mais distincts. D'une part, il renferme des préceptes (les lois, au pluriel), qui donnent au peuple de Dieu ses règles de conduite. D'autre part, il comporte des institutions, qui définissent ses structures. Or le rôle des lois et des institutions n'est pas exactement le même dans l'économie du salut. Les lois, en tant que règles de vie, préparent les coeurs à accueillir l'Évangile du salut, qu'apportera le Nouveau Testament. Les institutions ajoutent à cette fonction pédagogique un élément plus directement connexe à la vie de foi: elles esquissent en effet de façon figurative les réalités du Nouveau Testament...

Comme nous l'avons vu précédemment, le régime religieux de l'Ancien Testament a esquissé, par ses aspects essentiels, les traits fondamentaux du mystère du Christ et de l'Église, si bien que la grâce du salut s'y trouvait déjà présente et agissante...

Le plan du Lévitique, souligné par nos titres et sous-titres, est assez clair. Pour retrouver tel ou tel point plus particulier, exposé parfois à diverses reprises en Ex. Lv. Nb. ou Dt., cf. à la fin du 1° volume le Tableau (systématique), ou bien, à la fin de celui-ci, la Table (alphabétique).


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I. LA LOI DES SACRIFICES ET DU SACERDOCE



ORIGÈNE : Hom 1 sur le Lévitique (pg 12,405) : Lorsque dans les derniers jours, le Verbe de Dieu naquit de Marie revêtu de chair, et se montra en ce monde, autre était ce que l'on voyait de Lui et ce que l'intelligence pouvait en découvrir (car la vision de sa chair était patente pour tous, mais la connaissance de sa divinité n'était donnée qu'à quelques élus). De même, quand le Verbe de Dieu s'adresse aux hommes par la Loi et les prophètes, il ne se présente pas sans les vêtements qui conviennent. Dans son Incarnation, il est vêtu de chair, dans les Saintes Ecritures du voile de la lettre. Le voile de la lettre est comparable à son humanité, et le sens spirituel à sa divinité. Dans le Livre du Lévitique nous trouvons les rites du sacrifice, la diversité des victimes, le service liturgique des prêtres. Suivant la lettre, qui est comme l'humanité du Verbe de Dieu ou le vêtement de sa divinité, dignes et indignes peuvent voir et entendre; mais bienheureux les yeux qui voient l'Esprit divin caché à l'intérieur du voile, et bienheureux ceux qui pour entendre prêtent l'oreille de l'homme intérieur!...

« Si quelqu'un se tourne vers le Seigneur, dit l'Apôtre, le voile est enlevé, car où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté ». C'est donc le Seigneur lui-même, l'Esprit Saint lui-même qu'il nous faut prier, afin qu'il daigne enlever toute obscurité, et que nous puissions contempler l'admirable sens spirituel de la Loi, comme celui qui a dit: « Ouvre mes yeux, que je considère les merveilles de ta Loi. »

Isidore de séville: Sur le Lév. (PL 83,322-321): Chez le peuple hébreu, dont le royaume et le sacerdoce étaient une prophétie du Roi et du Prêtre à venir, ces sacrifices étaient célébrés religieusement ; les païens, de leur côté, immolaient au démon des sacrifices sacrilèges; mais la racine antique de tous ces sacrifices est l'immolation sanglante qui, dès le début du genre humain, rend témoignage à la future Passion du Médiateur. Ce fut Abel qui l'offrit le premier, nous disent les Saintes Écritures...

Le Livre du Lêvitique décrit les diverses victimes qui figuraient la Passion du Christ. Quand le Christ eut été offert, toutes ces autres offrandes cessèrent, parce qu'elles l'avaient précédée à titre de type et d'ombre, préfigurant ce grand sacrifice qu'offrit l'Unique et Vrai Prêtre, Médiateur de Dieu et des hommes...

C'est Lui qui était offert dans le taureau, à cause de la puissance de la Croix; Lui, qui était offert dans l'agneau, symbole d'innocence, dans le bélier, parce que le Bélier conduit le troupeau, dans le bouc à cause de la « ressemblance de la chair dépêché ».

Grégoire de nazianze: Oratio 45, nos 12-13 (Mauristes p. 854-55): La Loi nous est donnée comme un secours: comme une barrière jetée entre Dieu et les idoles pour nous écarter de celles-ci et nous ramener vers Celui-là. Elle commence par faire quelques concessions, pour tenir ensuite la discipline plus serrée. Elle concède des sacrifices pour un temps, afin d'introduire en nous l'idée de Dieu, puis, au temps opportun elle supprime les sacrifices. Sagement, elle nous change peu à peu par ces retranchements, et elle nous livre à l'Évangile quand nous sommes déjà exercés à l'obéissance.

C'est ainsi, et pour ce motif, que la Loi fut donnée: elle devait nous conduire au Christ, et telle est la raison des sacrifices ... C'est un « agneau », que l'on prend, à cause de son innocence . ..Il est «parfait », non seulement par sa divinité, mais même par l'humanité assumée qui est ombre de la divinité, rendue semblable à Celui qui l'a ointe, semblable à Dieu oserai-je dire. «Mâle », parce qu'il est offert pour Adam ; «immaculé », pour guérir la corruption qui vient du péché. Bien qu'il ait, en effet, pris sur lui nos fautes et porté nos maladies, lui-même ne connut pas la corruption ; car il fut éprouvé comme nous en toutes choses, hormis le péché. Le monde mauvais a persécuté la Lumière qui brille dans les ténèbres, mais il ne l'a pas saisie.

Les // témoignent que cette Révélation du vrai sacrifice à travers les préfigurations du Lévitique, fut discernée dès l'A.t. (// Ps 50) et bien entendu, mieux encore par le N.T., une fois accompli le sacrifice du Christ.

1,1-9 — Holocauste: Du fait que la victime se trouve entièrement consumée, le don est plus entier. Mais surtout, par là se trouve mieux reconnue la totale seigneurie de Dieu sur sa création, si bien que l'holocauste est, par excellence, adoration (Cf. Gn Gn 8,20-22 * ).

Cyrille d'alexandrie: Sur le Lév. (pg 69,549): Le Christ est l'holocauste, c'est-à-dire que tout entier, non en partie, il est offert à Dieu et au Père, en agréable odeur.

1.3 — Un jeune taureau sans défaut: Origène: Hom. 1 sur le Lév. (pg 12,407): Le jeune taureau sans défaut ne serait-il pas le « veau gras » que le Père a égorgé pour le retour d'un fils qui avait péri et qui avait dilapidé ses biens ? Et il fit un grand festin, et il y eut une grande joie, si bien que même les anges se réjouirent dans le ciel pour un seul pécheur faisant pénitence.

Cyrille d'alexandrie : Sur le Lév. (pg 69,545): « Quel que soit l'animal offert en sacrifice, dit la Loi, il doit être sans défaut ». Cette qualité du sacrifice revient à l'Emmanuel: Il est. Lui, « le veau gras », le sacrifice sans tache, qui enlève le péché du monde: et comme le chevreau d'un an, il a été immolé pour nous: car suivant la Loi, c'était un chevreau d'un an qui était immolé pour le péché. Il est sans tache, car Lui-même a dit: « Le prince de ce monde vient, et il ne trouve rien en moi... Qui d'entre vous me convaincra de péché? » Et il est immolé «devant le Seigneur, à la porte de la Tente, après qu'on lui ait imposé les mains ». Car la mort du Fils, qui donna sa vie pour la vie du monde, fut offerte devant les yeux de Dieu et son Père. S'il est vrai que « la mort des saints ait du prix aux yeux de Dieu » (Ps 116), comment le Père n'aurait-il pas un regard pour la mort de son Fils? La victime de l'Ancienne Loi était immolée devant la porte: l'Emmanuel, en effet, nous ouvrit par sa mort l'entrée du Saint des Saints. Par la mort du Christ nous avons accès au Temple saint bâti par le Seigneur et non par l'homme : la Jérusalem céleste.

Origène : Hom 1 sur le Lév. (pg 12,408): La victime agréée sera offerte devant le Seigneur à la porte du Tabernacle. Donc, non pas à l'intérieur, mais à l'extérieur. Jésus, en effet, vint dans son propre bien, mais les siens ne le reçurent pas. Il fut offert en holocauste « sur la porte », puisqu'il souffrit en dehors du camp. Les mauvais vignerons, en effet, jetèrent hors de la ville le fils du Père de famille, et le tuèrent. Quelle victime pouvait être plus agréable à Dieu que l'offrande du Christ qui s'offrit lui-même à Dieu?

1.4 — Il imposera sa main sur la tête : pour signifier la solidarité entre le donateur et la victime. Solidarité nécessaire pour que l'agrément de la victime et sa sanctification soit aussi agrément et sanctification du donateur. Pour être vrai, le ’sacrifice' de l'animal ainsi offert doit donc être un engagement au sacrifice de soi-même — et dans la Nouvelle Alliance, s'il n'y a plus même besoin du signe de la victime animale, il ne doit y avoir que plus de vérité à se sacrifier soi-même: « Je vous exhorte, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos corps en victime vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12).

1,5 — En propitiation: pour se rendre Dieu propice (cf. v. 9). Mais plus souvent, ce mot de propitiation signifie plus précisément: valoir le pardon (Ps 130,4 Si 28,5 Dn Si 9,9), par expiation (Si 35,3) ou par rançon-rédemption (Is 43,3): « Dieu nous a aimés et a envoyé son Fils comme propitiation pour nos péchés... non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier... par son propre sang, moyen de propitiation, grâce à la foi » (1 Jn 1Jn 4,10 1Jn 2,2 Rm 3,25). Dans ce même verset 5 du Lv, on trouve aussi mention du sang, autre annonce de notre rédemption par « le sang versé » du Christ (Mt 26,28). Cf. surtout Lv 4*.

1,9 — Le feu: Selon Isidore de séville (PL 83,322), « le feu du sacrifice signifiait que la mort serait ’absorbée dans la victoire' ()». Signification principale du feu : cf. Lv 6,5 *.

... d'agréable odeur: Reviendra comme un refrain, pour signifier l'effet de propitiation des différents sacrifices. Ici encore, l'accomplissement de l'Ancienne Loi n'est pas annulé, mais à réaliser en nous-même, qui avons à être« la bonne odeur du Christ » (Ep 5,2 / Dm).

2,1-3 — Isidore de séville: Sur le Lév. (PL 83,323): Quatre oblations principales doivent être offertes à Dieu en agréable odeur: 1 ° / le taureau sans défaut; 2° / l'agneau; 3° / la colombe et la tourterelle; 4° / la fleur de farine, l'azyme mêlée d'huile et cuite au four. (Nous avons parlé plus haut du taureau et de l'agneau); la tourterelle et la colombe représentent l'humanité du Christ unie à l'Esprit Saint et offerte à Dieu en odeur de suavité par le mystère de la Passion^ Ces trois sacrifices sont offerts par le Christ Jésus. Mais le quatrième, c'est l'Église qui l'offre: la farine annonce l'Église Catholique provenant de multiples grains, assemblée par l'eau du baptême, pétrie de l'huile d'onction, et rendue solide par le feu de l'Esprit Saint.

Lv 2,2Ce mémorial: n'a pas ici le sens technique de: rendre présent aux événements primordiaux (de la première Pâque ou de la Pâque du Christ), comme dans le sacrifice eucharistique (cf. Gn 9,15*; Ex 3,15*; Ex 12 introd.). C'est un mémorial au sens plus général de : rappel du donateur à Dieu, et aussi rappel de Dieu au donateur. Double rappel qui ne doit pas être absent non plus de notre eucharistie.

Lv 2,11 — À la première Pâque, Israël avait emporté une pâte non fermentée, par suite des circonstances (Ex 12,34 Ex 12, . Mais Dieu avait prévenu les circonstances en faisant des pains azymes une prescription rituelle, donc applicable et durable quelles que soient les circonstances (Ex 12,15 * ; sur la permanence des rites, cf. Lv 8,35*). Cette interdiction du ferment vient du même souci qui exige de bâtir l'autel avec des pierres non taillées: par respect de la nature telle que créée par Dieu (Ex 20,25*). Or la création nous est révélée par la Genèse avant tout comme oeuvre de ’séparation' (Gn 1,4*), le mal étant au contraire confusion. Application spirituelle , // ,

Lv 2,13L'emploi du sel pour conserver les aliments lui donne valeur de symbole à la fois de purification (2R 2,20 / Jq) et de conservation (Nb 18,19, Alliance par le sel = engagement à ce qu'elle soit durable). Il est remarquable que le sel soit donné ici comme rappel de l'Alliance, sur laquelle se fonde l'oblation et toute la Loi (cf. Introd. au Lévitique).

De surcroît, donnant saveur aux aliments, le sel symbolise aussi la Sagesse (de ’sapere\ goûter). C'est tout cela que signifie le rite du sel, soit à l'oblation, soit à la naissance (Ez 16,4) et au baptême chrétien. Il est bien dommage que, par crainte excessive des rires provoqués par la grimace du bébé, la récente réforme ait aboli un rite si riche de sens: « N. reçois le sel de la Sagesse: qu'il te purifie pour la vie éternelle... Dieu de nos pères ne permets pas que ton serviteur reste plus longtemps affamé de la nourriture céleste. Qu'il ait toujours la ferveur de l'esprit, soit toujours joyeux dans l'espérance, zélé à te servir ». ... Sans compter que le sel caractérise aussi notre être chrétien à l'égard de nous-même comme du prochain, et son éternelle conservation (// Mc 9,47-49) À noter enfin l'équivalence entre le sel et le feu (v.49 — cf. Lv 6,5*).

Lv 2,14 — Revenant sur l'oblation au ch. 6, 11, le Lévitique ajoute: Quiconque y touchera sera saint ». Origène en voit l'accomplissement dans l'Évangile (Hom 4 sur le Lév. pg 12,442-443) : Le Christ immolé est le sacrifice unique et parfait, dont tous les sacrifices de l'Ancienne Loi n'étaient que le type et la figure. Celui qui touche la chair de ce Sacrifice est immédiatement sanctifié: s'il est impur, il est purifié, s'il est blessé sa blessure est guérie. C'est bien ainsi que l'a compris la femme qui souffrait d'un flux de sang (Mc 5,25-34 / Mf): le Christ était la chair du sacrifice, la chair du Saint des Saints, et parce qu'elle a compris qu'il y avait là en vérité la chair du Saint des Saints, elle s'est approchée: notez qu'elle n'ose pas toucher la chair même — car elle n'était pas encore sanctifiée, n'avait pas encore saisi ce qui est parfait; mais elle a touché la frange du vêtement qui touchait cette chair très sainte; et parce qu'elle touchait avec foi, « une vertu est sortie » de l'humanité du Christ, pour la purifier de son impureté et la guérir de sa maladie.... Ne crois-tu pas que ce texte de la Loi doit s'entendre ainsi: Si quelqu'un touche la chair de Jésus avec les dispositions que nous venons de dire, si avec toute sa foi, toute son obéissance, il s'approche de Jésus comme du Verbe fait chair, celui-là a touché la chair du sacrifice et il est sanctifié.

Cyrille d'alexandrie: Sur le Lév. (pg 69,549): Le Christ, pour nous, « a été fait péché ». Mais, s'il est ainsi abaissé pour nous, il restait cependant saint, — et non pas, comme nous, par participation à un autre, mais par sa propre nature en tant que Dieu. Nous avons foi que par Lui et de Lui, toute créature est sanctifiée, même les anges. Les créatures les plus éminentes, les Trônes et les Principautés, oui, les Séraphins eux-mêmes, ne sont pas sanctifiés autrement que du Père, par le Fils, dans l'Esprit Saint.

Sur l'oblation — de prémices: Lv 9-11*. Cyrille d'alexandrie. (pg 69,540-41): Par le Christ, nous avons obtenu miséricorde et nous avons été renouvelés pour la vie éternelle: « C'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris », dit l'Ecriture. Souffrant en Adam de la corruption du péché, nous devions devenir dans le Christ un sacrifice spirituel, d'agréable odeur à Dieu le Père, incomparablement meilleur que toutes les victimes de la Loi — car celles-ci n’étaient que des ombres figuratives.

Le Christ est donc notre sacrifice de prémices; pour nous, il a tracé et inauguré la voie, ainsi qu'il le dit à son Père dans le Livre des Psaumes: « Sacrifices ni oblations n'ont pu te satisfaire, mais tu m'as formé un corps. Tu ne désirais ni holocaustes ni expiations — alors j'ai dit: Me voici! Je viens, ô Dieu, faire ta volonté. Je le veux absolument »...

Le Christ est ainsi l'offrande spirituelle de nos premiers fruits, car il est les prémices de la nature humaine: premier-né d'entre les morts, le premier entré dans l'incorruptibilité, et pour ainsi dire les prémices de ceux qui se sont endormis. Comme « le grain de froment », il tombe en terre et meurt; et comme l'épi, il se relève multiplié.


Bible chrétienne Pentat. 2332