Bible chrétienne Pentat. 3102

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Le sacrifice expiatoire

Lv 4)


 — Baudouin de ford : Le sacrement de l'autel (SC 93,92 SC 93,98) : Dans les sacrifices charnels, la signification mystique de la Loi se référait principalement à trois choses: la faute de l'homme, la peine encourue par sa faute, et la grâce de la délivrance. Ces sacrifices démontraient à l'homme ce qu'il était devenu par le péché, et de quelle peine il était digne. Car ayant mérité la mort par sa désobéissance, et condamné à mort par la sentence divine — et donc débiteur de la mort — il ne reçut cependant pas de la Loi l’ordre de se mettre à mort lui-même, de solder par sa propre mort le prix qu'il devait: il reçut l'ordre d'offrir un animal pour prix de son rachat. Avec raison il fut estimé à l'égal d'une brebis de boucherie, car par sa folie il s'était rendu semblable à un animal, et était plus digne de mort que l'animal égorgé à sa place.

Homme créé à l'image de Dieu! Vois donc à quel point tu es déprécié. Si tu regardes dans quelle déchéance tu as été jeté loin de la face de Dieu, ton prix équitable est un bouc ou un bélier....

L'homme reçoit donc l'ordre d'immoler à sa place un agneau, pour figurer la grâce de la libération et la miséricorde du libérateur, qui par sa mort devait délivrer l'homme à la fois de la faute et de la mort. Car la folie de l'homme, autrement dit sa faute, est la cause de la mort: la mort de l'homme est la peine de la faute — mais la mort du Christ est la mort de la faute et de la mort. Quant à l'ordre de manger l'agneau égorgé, il annonçait que le Christ se donnerait lui-même à nous comme notre rançon et notre nourriture.

Lv 4,3Le prêtre consacré par l'onction: cf. 8,12*. S'il a péché, et rendu le peuple coupable: Rupert de Deutz: De Trinitate... In Leviticum (PL 167,757): Quel est ce prêtre, qui fit pécher tout le peuple, sinon Adam, le premier homme, qui aurait dû agir en prêtre et glorifier le Seigneur par un perpétuel sacrifice de louange? — Car il avait été formé pour cela, créé à l'image et ressemblance de Dieu, et placé dans le paradis avec la bénédiction du Créateur. Au lieu de remplir son office, il pécha, et fit pécher le peuple, c'est-à-dire tous ses descendants.

« Pour son péché, il offrira au Seigneur un tourillon parfait; il l'amènera devant le Seigneur à la porte de la Tente du Témoignage, lui imposera les mains, et l'immolera au Seigneur ». C'est bien ainsi que les choses se passèrent: Adam — non en personne, mais le même dans sa nature — Adam, dis-je le Nouvel Adam, le Christ Jésus, Dieu et homme, offrit pour son péché le taurillon sans défaut: pour son péché, c’est-à-dire pour le péché des siens. Car de notre péché, il fit par grâce sa propre dette. Et c’est pourquoi il dit dans le psaume: « Ce que je n'ai pas pris, eh bien, je le rends ! (Ps 69). Quel taurillon offrit-il? Lui-même: son corps sans défaut, descendant de ces taureaux géants que furent les patriarches, conçu et né sans tache de péché. Il amena cette victime à la porte de la Tente, la vraie Tente, la Tente céleste qui nous était fermée, afin de nous ouvrir par son propre sang le Saint des saints. Il lui imposa les mains et l'immola au Seigneur, c'est-à-dire qu'il se montra obéissant et s'offrit en sacrifice à Dieu et son Père.

Lv 4,5-7Le sang, l'aspersion du sang: Cf  vtb à l'article ’Sang'. Le sang, c'est la vie (Gn 9,3-6*). Comme la vie, il appartient à Dieu, et prend donc valeur sanctificatrice, expiatrice (// Lv 17,11), donc aussi valeur d'Alliance (Ex 24, barsotti) ou de rétablissement de l'Alliance après le péché, comme ici. Mais mieux encore dans l'Alliance Nouvelle, scellée dans le sang du Christ (He 9,7-14/ Mg; cf. Rm Rm 3,25 Ep 1,7), auquel nous unit la communion eucharistique ().

Lv 4,13-35 — Nous ne retenons pas la suite de ce ch. 4, où sont répétées les dispositions des premiers versets pour le sacrifice en expiation des péchés, cette fois du peuple entier, de son chef ou d'un simple particulier, rupert de deutz (Op. cit. PL 167,761) en donne ce commentaire: « Si c'est tout le peuple d'Israël qui a péché par ignorance, et ensuite a compris... » Tout ce qui précède aurait pu être écrit même si le péché originel avait été le seul effacé par la mort du Christ. Mais comme le dit l'Apôtre, « La grâce justifie la multitude à partir d'innombrables péchés » (Rm 5). Avec ce témoignage de l'Apôtre, la foi catholique tient pour certain que non seulement le péché originel mais encore tous les péchés actuels nous sont remis par la Passion du Christ, le Fils de Dieu. Après que le premier homme eut péché — lui qui devait être le prêtre dans le paradis de Dieu — toute la nombreuse population du genre humain tomba dans l'ignorance de Dieu et accumula ses péchés actuels sur le péché originel. Et dans l'Ancien Testament, les Anciens étaient les seuls à imposer les mains sur les bêtes immolées; mais sur la tête de la victime spirituelle, la tête du Christ, nous imposons les mains nous tous, qui avons été baptisés dans sa mort. Car Dieu a posé sur sa tête tous nos péchés et cela par nos mains, c'est-à-dire par la foi et la profession de ceux qui croient.

Lv 6,5Le feu perpétuel: Cf vTB à l'article 'Feu'. Rappelons seulement le Buisson Ardent (Ex 3), la fournaise du Sinaï (Ex 19,18): « Dieu est un feu consumant » (Dt 4,24 Is 33,14 He 12,29). Et le Christ l'apporte avec lui (// Lc 12,49 Mc 10,39). D'où le rôle du feu comme ratification du sacrifice concluant l'Alliance (Gn 15,17*; Lv 1,9 et 9,24; 1R 18,38, etc...). On n'est jamais sauvé que « comme à travers le feu » éprouvant la valeur de notre vie, que ce soit à notre mort ou au Dernier Jour ().

Mais si le feu brûle les scories, il en fait une lumière qui, elle aussi doit brûler perpétuellement dans le Temple où Dieu demeure (Lv 24,1-4 * ).

3103

L'investiture des prêtres

Lv 8-10)


 — La séquence est caractéristique; les prêtres sont d'abord lavés, puis revêtus de leurs ornements sacerdotaux — « de gloire », précise le // Si 45,7 — puis consacrés par l'onction et la communion aux victimes du sacrifice.

La fonction sacerdotale en ressort clairement, telle que l'expliciteront encore les // Si 45 et He 5. Les prêtres sont appelés à rester au Temple, d'abord (Lv 8,33), comme gardiens des rites et du culte (Lv 8,35*), notamment des sacrifices (Lv 9,1 ss // He 5,1). Ils sont par conséquent médiateurs (He 5,1), mandataires de l'Alliance (Si 45,7-15) pour en communiquer les bénédictions à tout le peuple (Lv 9,23*), dont l'essentielle, source de toutes les autres bénédictions, est la présence de Yahvé, de sa Gloire, de sa Shekinah (Lv 9,23 cf. Ex 12,21-23*). Et enfin, ils ont à enseigner la Loi, et à discerner entre le pur et l'impur, le saint et le profane (ce qui est l'objet des n° et mc Parties du Lévitique (Lv 10,10-11 // Si 45,17).

En tout cela, le N.T. nous invite à reconnaître le vrai prêtre, le ‘Messie', le ’Christ', l'Oint en son être même, de par l'union personnelle ('hypo-statique') de sa nature humaine à la nature divine — donc l'unique médiateur, qui reste au Temple, trois jours quand il a douze ans. C'est Lui, le sacrificateur qui se sacrifie lui-même, source de la Nouvelle Alliance et de ses bénédictions, par un culte intangible ’en mémoire de Lui', et par la Loi exigeante qu'il nous a enseignée.

Mais à ce sacerdoce unique, non seulement les prêtres ont à participer, mais tout le peuple chrétien en sa qualité de ’sacerdoce royal': et de fait, l'initiation chrétienne comporte baptême, avec eau, onction, vêtement, et sacrifice eucharistique, c'est-à-dire la même séquence que dans le Lévitique :

Jérôme: Sur Isaïe 66 (PL 24,673): De même que celui qui a reçu la circoncision du coeur est Juif dans le secret, car « nous sommes la circoncision, nous qui servons l'Esprit de Dieu » (Ph 3,3), et qui offrons des sacrifices spirituels agréables à Dieu... ainsi sont prêtres et lévites dans le secret ceux qui le sont selon l'ordre de la foi et non suivant la descendance.

Lv 8,6-9 — Origène: Hom 6 sur le Lév. (pg 12,467-69): Écoutez bien cette consécration: car vous aussi vous êtes, suivant la promesse de l'Écriture, les prêtres de Dieu « Peuple élu, sacerdoce saint » (1P 2,9)... Mais si tu veux revêtir le Christ, purifie-toi, de même que Moïse a purifié Aaron.

Veux-tu voir que Moïse est toujours avec Jésus, c'est-à-dire la Loi avec les Évangiles? L'Évangile va te l'enseigner (Mt 17). Quand Jésus fut transfiguré, Moïse et Élie apparurent avec Lui en gloire, pour t'apprendre que la Loi, les prophètes, et l'Évangile, convergent et demeurent en une seule gloire. C'est pourquoi Pierre se fait dire qu'il n'y comprend rien, quand il veut dresser trois tentes. Car il y a une seule Tente pour la Loi, les prophètes, et l'Evangile, et cette Tente est l'Église de Dieu... .

Avant de parler des vêtements du pontife, rappelons qu'il y a un seul grand Pontife, notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'il est non seulement prêtre, mais le Prêtre des prêtres; et non seulement pontife, mais le Pontife des pontifes; et non seulement Prince des prêtres, mais le Prince des princes des prêtres, de même qu'il est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs ... Et avant d'énumérer les vêtements sacrés, rappelons-nous ces vêtements de malheur dont fut revêtu le premier homme après son péché: « Dieu leur fit des tuniques de peau », empruntées à des animaux. Voilà bien ce qui convenait au pécheur: une tunique de mortalité, solde de son péché et signe de la corruption du tombeau

D. barsotti: Meditazione sull'Esodo (p. 212): Adam, après le péché, s'aperçoit qu'il est nu: le péché l'a dépouillé. C'est donc qu'auparavant il était vêtu. Suivant la mystique hébraïque, qui probablement date du judaïsme, c'est-à-dire de l'époque où furent écrits ces chapitres, Adam avant le péché n'était pas nu: il était vêtu, mais vêtu de lumière, vêtu de cette splendeur et de cette gloire dont la grâce ornera l'homme — vêtu de cette robe nuptiale avec laquelle il convient de se présenter devant le Seigneur. Après le péché, Adam reconnaît qu'il est nu, privé de ce vêtement de lumière. Dieu alors couvre cette nudité, mais avec un vêtement de mortalité, d'humiliation, de peine...

En acceptant l'Alliance avec Dieu, l'homme doit maintenant prendre un autre vêtement, se dépouiller de ces peaux mortes et se vêtir autrement, pour entrer en la divine présence. Au baptême, le prêtre dit au candidat: « Reçois ce vêtement blanc, prends la résolution de ne jamais le perdre, porte-le jusqu'à ce que tu arrives au ciel ». Le chrétien est ainsi orné d'un vêtement de lumière... Le changement de vêtement manifeste l'entrée dans le monde divin.

Aussi la Tradition s'est-elle attachée à charger de sens les phases de la vêture, et chacune des pièces dont se compose le vêtement: cela vaut du simple prêtre revêtant les ornements sacerdotaux, comme en témoignent à l'envi les prières que l'Église lui met alors à la bouche; mais le vêtement d'Aaron lui-même est d'un symbolisme encore plus certain, dans la mesure où c'est Dieu lui-même qui en a prévu l'ordonnance et la texture même.

Entre autres, choisissons le commentaire de saint Jérôme, pour montrer accessoirement que, si attaché soit-il à la littéralité de la Bible, cela ne l'empêche nullement de chercher aux moindres détails de l’A.T. valeur spirituelle, et permanente jusque dans le N.T., donc pour nous aussi. C'est d'autant plus remarquable qu'il ne s'agit pas ici d'un commentaire herméneutique, mais d'une simple Epître à Fabiola, l'une de ses dirigées spirituelles:

Nous lisons dans le Lévitique (8,6) que, suivant l'ordre du Seigneur, Moïse lava Aaron et ses fils: déjà les rites sacrés d'un baptême signifiaient la purification du monde et la sanctification de toutes choses. On ne reçoit pas les vêtements et ornements sacerdotaux avant de s'être lavé et d'être rené, homme nouveau dans le Christ.

Au ch. 21,11, il est prescrit que le Grand Prêtre n'entrera pas là où il y a un mort. Partout où il y a le péché — et avec le péché la mort — le Pontife n'entre pas.

« Il ne sortira pas du lieu saint, de peur de profaner le sanctuaire (ou : la consécration — il est notable que Jérôme traduise ici ‘sanctuarium’ par ‘sanctifi-cationem', qui peut aussi signifier, d'ailleurs, sanctuaire, mais s'applique aussi plus directement à l'homme, au sacerdoce, à tout chrétien) — car il a été marqué par l'onction de son Dieu (Lv 21,12). Nous rendrons compte de chaque parole oiseuse, commente saint Jérôme: tout ce qui n'édifie pas les auditeurs se tourne en danger pour celui qui a parlé. Si je fais ou si je dis quelque chose de répréhensible, je sors du lieu saint, et je souille la parole du Christ... Le Pontife doit être sans tache, et d'une telle vertu qu'elle s'identifie à demeurer toujours dans le lieu saint: et qu'il soit toujours prêt à offrir des victimes pour le peuple, car « l'onction sainte » est sur lui... Nous tous qui avons été baptisés, nous avons revêtu le Christ: gardons cette tunique que nous avons reçue : gardons-la sainte dans le lieu saint.

Lv 8,7 — Moïse lui imposa l'Ephod: il est ainsi décrit au ch. 28 de l'Exode: « On le fera brodé en or, en pourpre violette et écarlate, en cramoisi et en fin lin retors, portant aux épaulettes deux pierres de cornaline sur lesquelles se trouveront gravés, six par six, les noms des fds d'Israël, en mémorial » (Ex 28,6-14). Toute l'Écriture atteste que l'Ephod est sacré, et destiné au seul Pontife. Quand elle nous dit que Samuel enfant portait l'éphod, ou que David en était orné devant l'Arche, il faut discerner ente l'ornement du Pontife, tissé de quatre couleurs et d'or, ou le simple vêtement de lin qui avait la même forme que celui du Pontife.

Le pectoral (v. 8) est le plus petit mais le plus sacré des ornements du Pontife. C'est un tissage de quatre couleurs et d'or, comme l'éphod, long et large d'une paume; en double, pour ne pas se déchirer facilement, car douze pierres d'une grosseur remarquable et d'un grand prix y sont serties sur quatre rangs... Sur les pierres sont sculptés les noms des douze tribus.

Les quatre couleurs représentent les quatre éléments dont l'univers est constitué. Le lin est attribué à la terre d'où il pousse, la pourpre à la mer qui produit ses coquillages, le hiacynthe à l'air parce qu'il est de la même couleur, le vermillon au feu ... Ces couleurs sont mêlées d'or pour signifier que la providence divine et la vie divine pénètrent toutes choses... La ceinture qui entoure la poitrine du prêtre et resserre sa tunique de lin (le lin = la terre), représente l'océan qui entoure la terre...

Il était juste que le Pontife de Dieu, portant sur ses vêtements la représentation de toutes les créatures, montrât ainsi que tout ce qui existe a besoin de la miséricorde de Dieu, et que par l'offrande du sacrifice toute créature fût purifiée. Par ses paroles comme par ses vêtements, il prierait non pour ses enfants, ses parents ou ses proches, mais pour toute la création.

L'Urim et le Tummim : On ne sait exactement en quoi il consistaient, mais il semble qu'ils servaient à tirer les sorts, où le croyant voyait la décision de Dieu, maître même de ce qui, pour nous, n'est que hasard. C'est ainsi que Saiil consulte Yahvé, en 1S 14,41-42. Comparer avec Ac 1,24-26.

Lv 8,9Moïse posa la tiare sur la tête d'Aaron, et sur la tiare, devant sa face, la lame d'or, le diadème de consécration: Cf. Ex 28,36, « Tu feras une fleur d'or pur et tu y graveras en intaille, comme un sceau: ’consacré à Yahvé’... elle sera sur la tiare ; c'est sur le devant de la tiare qu'elle sera :

Le Grand Prêtre a un diadème, et porte sur son front le nom de Dieu. Il est orné du diadème royal, il est parvenu à l'âge parfait du Christ, sa gloire doit être protégée, toujours. Il ne déchirera pas ses vêtements (Lv 21,10), car ils sont blancs, immaculés, ils suivent l'Agneau. Thamar déchira sa tunique quand elle perdit son intégrité; Caïphe, quand il perdit le sacerdoce, déchira publiquement ses vêtements (Mt 26).

Le diadème d'or brille sur le front. La connaissance de toutes les créatures ne nous sert en effet de rien si nous ne sommes couronnés de la science de Dieu ... Tout reste imparfait si l'on ne cherche pas le digne aurige: il faut que le Créateur domine les créatures et dirige lui-même ce qu'il a fondé. (jérôme, PL 22, 619, 610, 611, 615, 616, 617-619, 610,621).

Lv 8,9 — Origène: Hom 6 sur le Lév. (pg 12,472): Après avoir orné Aaron de tous les vêtements sacrés, Moïse lui impose la mitre avec le diadème de consécration: lame d'or sur laquelle était gravé le Nom même de Dieu. Cela veut dire, à mon sens, qu'au-dessus de tout ce que l’on peut savoir, la connaissance de Dieu est la science des sciences.

Lv 8,10-12 // Ex 30,22-32 Si 45,15Pour tout consacrer: revient en refrain aux v. 10,11-12, et en Ex 30,29-30: L'onction est consécratoire. D'où l'importance de la composition de l'huile avec laquelle se fait l'onction, et son usage exclusivement sacré (Ex 30). Nous avons un premier exemple de cette onction, par Jacob, sur la pierre de Béthel (Gn 28,18*). Mais toute onction surtout réfère à l'Oint par excellence, qui recevra pour cela même le titre de Messie ou de Christ (vtb, ‘Onction’).

Rupert de Deutz: Op. cit. (PL 167,787.789.791): Cette huile dont notre Seigneur le Fils de Dieu fut oint — et c'est pourquoi on l'appelle Messie en hébreu et Christos en grec — cette huile est le Saint-Esprit ; et l'onction des rois, des prêtres et des prophètes, n’en était qu'un signe, un indice matériel...

L'Église reçut l'Esprit Saint dans les patriarches, les rois et les prophètes, avant que ne fût oint le Saint des saints, le Grand Pontife, Jésus-Christ Fils de Dieu...

Le sacerdoce antique, figure du sacerdoce nouveau, est consacré d'abord par l'huile, ensuite par le sang, cela parce que le Grand Pontife du Tabernacle vrai et céleste fut consacré d'abord par l'Esprit Saint, puis par son propre sang.

ephrem : Hymne 3 sur l'Epiphanie (Lamy i, 34) : Dans l'onction d'Aaron, mes Frères, les cornes de l'autel étaient marquées du sang vil des animaux. Mais dans l'onction de la Vérité, c'est le sang vivant, vivifiant, qui se répand dans vos corps, qui se mêle à vos âmes et qui marque vos maisons.

// He 9,23-24 He 5,7-10 — Toujours la continuité et la transcendance, ici du Sacerdoce de la Nouvelle Alliance par rapport à l'Ancienne.

En He 5,7-10, série de participes hymniques, que nous respectons en gardant cette suite de « Lui qui... »

// He 7,26 — éphrem : Hymne des azymes n (Lamy i, 576 ss) :

Les prêtres souillés n'étaient pas dignes d'offrir l'Agneau (immaculé, victime pacifique qui apportait la paix au ciel et à la terre, pacifiant toutes choses par son sang.

De ses mains, il rompit le pain, en signe du sacrifice de son corps ; il offrit le calice, en signe de l'oblation de son sang. Il revêtit le sacerdoce de Melchisédech, qui était sa figure.

Lv 8,35 (cf. aussi Nb 3,7) — Vous accomplirez les rites en toute exactitude: Littéralement: « Vous observerez les observances rituelles ». La répétition de la même racine hébraïque souligne combien il est de l'essence même du rite d'être « id quod observatur ». L'exécution exacte, normalement intangible (sauf décret de l'autorité suprême, seule compétente) est donc indispensable, pour qu'une cérémonie prenne valeur, force, efficacité rituelle, et par conséquent aussi pour la sécurité vitale des fidèles. On ne l'observe pas moins dans les religions païennes de l'antiquité que dans la religion biblique. Littré cite: « Nos rites, nos mystères ne peuvent point changer, ne sont point incertains / Comme ces faibles lois qu'inventent les humains ». Le Grand Larousse: « Ce qui se fait, s'accomplit comme dans un ordre prescrit, traditionnel ». D'où l'expression: « c'est devenu un rite », que Robert interprète: « Pratique réglée, invariable ».

Prétendre 'adapter', inventer, créer des rites à sa guise, comme il est de mode aujourd'hui, c'est tout simplement anéantir le rite. Et s'il est vrai qu'il y a pratiquement équivalence entre rite et liturgie (Grande Encyclopédie Larousse: « La liturgie est l'ensemble des rites de la célébration du service divin »; cf. Dom Martène: De antiquis ecclesiae ritibus), on doit reconnaître que les prêtres qui prennent ces libertés, condamnées au Concile de Vatican il comme depuis lors, enlèvent aux ’célébrations' qu'ils imaginent plus parlantes, leur valeur proprement liturgique, incomparable à toute autre forme de prière et de culte. C'est se rendre coupable non seulement devant les fidèles privés de ce à quoi ils ont le droit le plus strict, mais devant l'Église et devant Dieu : « Vous accomplirez les rites en toute exactitude ».

Lv 9,23Ils bénirent le peuple: Sur la bénédiction, fruit de l'Alliance, dès l'origine avec Abraham, cf. Gn 12,2-3* et 14,18-20*. La formule (rituelle) de la bénédiction sacerdotale sera donnée en Nb 6,22-27.

Lv 10,9 // Lc 7,31-35 Mt 26,29Vous ne boirez pas de vin...: Comme exemple des perspectives infinies, non seulement christologiques mais éternelles, qu'ouvre l'Ancienne Loi jusque dans ses prescriptions les plus apparemment dépassées, quand elle est comprise à la lumière du N.T., citons Origène: Hom 7 sur le Lév (PG 12,476 ss): La Loi demande à Aaron et à ses fils de ne pas boire de vin quand ils s'approchent de l'autel. Voyons comment cette loi s'applique au vrai Pontife, notre Seigneur Jésus-Christ, et à ses prêtres et fils, nos Apôtres. Remarquons d'abord qu'avant d'approcher de l'autel, le Vrai Pontife boit du vin avec ses prêtres; mais sur le point d'approcher de l'autel et d'entrer dans la Tente du Témoignage, Il s'abstient de vin. Le Sauveur était venu en ce monde afin d'offrir sa chair en victime à Dieu pour nos péchés: avant de l'offrir, il buvait du vin, et on le traitait de buveur, d'ami des pécheurs et des publicains (Mt 9,10-11 et // Lc 7,33-35). Mais quand vint le temps de sa croix, sur le point d'approcher de l'autel où il immolerait sa chair en victime, « Il prit le calice, dit l'Ecriture, il le bénit et le donna à ses disciples en disant: Prenez et buvez »: Buvez, vous qui pour le moment n'approchez pas de l'autel. Mais lui, parce qu'il approchait de l'autel, il dit: « Je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'au jour où je le boirai, nouveau, avec vous, dans le Royaume de mon Père ». Si quelqu'un de vous écoute avec des oreilles purifiées, il peut entrevoir le secret du mystère ineffable: ... Le Sauveur attend, pour boire du vin avec nous; il nous attend pour se réjouir. Jusqu'où attendra-t-il? Jusqu'à ce qu'il ait consommé son oeuvre, jusqu'à ce que nous soyons tous soumis au Christ, et le Christ à son Père. Puisque tous, nous sommes membres de son Corps, on peut dire qu'en quelque manière il n'est pas soumis, tant que nous ne sommes pas soumis d'une soumission parfaite, tant que moi, dernier des pécheurs, je ne suis pas soumis. Mais quand il aura consommé son oeuvre et amené toute créature à son achèvement parfait, alors on pourra dire qu'« Il est soumis » en ceux qu'il soumet à son Père, ceux en qui Il a consommé l'oeuvre que son Père lui avait confiée, pour que Dieu soit tout en toutes choses... Il ne boit pas de vin maintenant, parce qu'il se tient devant l'autel et pleure mes péchés, mais il en boira quand tout lui sera soumis, que tous seront sauvés, que la Mort, suite du Péché, sera détruite. Alors, ce sera l'allégresse.

... Et les saints aussi, qui nous ont précédés, nous attendent, lents et paresseux que nous sommes : leur joie n'est pas parfaite, aussi longtemps qu'il y a lieu de pleurer nos péchés. L'Apôtre m'en est témoin, qui dit: (He 11,40) : « Dieu a voulu qu'ils n'arrivent pas à l'achèvement sans nous ». Vois donc: Abraham attend! Isaac, Jacob et tous les prophètes nous attendent, pour posséder avec nous la parfaite béatitude ! C'est pourquoi ce grand mystère est retardé jusqu'au jour du Jugement: car il s'agit d'un seul Corps, qui attend d'être justifié: d'un seul Corps, qui ressuscitera au jour du Jugement. Si tu es saint, tu auras la joie en sortant de cette vie, mais cette joie ne sera pleine que quand aucun membre du Corps ne manquera plus : tu attendras, toi aussi, les autres, comme tu es attendu. Or, si toi, qui n'es qu'un membre, ne peux avoir la parfaite allégresse quand un autre membre est absent, combien plus notre Seigneur et Sauveur qui est à la fois l'Auteur et la Tête du Corps entier? Car dans son Corps qui est l'Église, il veut habiter lui-même comme l'âme de ce Corps dont chaque mouvement suivra sa volonté, afin que s'accomplisse cette parole du prophète: « En eux, j'habite rai et me promènerai » (Lv 26,12). Alors nous serons parvenus à cette maturité dont l'Apôtre dit: «Je vis mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi ».

Alors notre Pontife boira le vin « nouveau », dans le ciel nouveau, sur la terre nouvelle, dans l'homme nouveau, avec les hommes nouveaux, avec ceux qui chantent le cantique nouveau. (Sur cette 'Novitas', cf. p. 300-301).

// Lc 7,35 — La forme verbale du grec est visiblement calquée sur le mode hébreu qui nous invite à traduire: « La Sagesse est reconnue, est déclarée juste ».


3200

II. LA LOI DE PURETÉ ET LES PURIFICATIONS DE LA FOI


3201

Aliments purs et impurs :

Lv 11

Dès ce chapitre apparaît le leit-motiv de la Loi de Sainteté, coeur du Lévitique (cf. IIIe Partie): « Vous serez saint parce que Je suis saint » (répété par 2 fois au v. 44). La sainteté inclut la séparation*, de par l'incompatibilité entre le pur et l'impur. Et l'impur provient — dans la plupart des cas interdits — de la confusion dans les caractères distinctifs entre les espèces.

Vous entrerez dans ma sainteté (v. 44): plutôt que l'habituelle traduction: « Vous vous sanctifierez », afin de rendre aussi le mode du verbe, en hébreu (hitpaël). La sainteté n'est pas tant acquise à la force du poignet qu'accession gratuite et participation à la Vie divine: « Les plus grandes promesses nous ont été données, afin que vous deveniez associés ('koinônoi') à la nature divine, vous étant arrachés à la corruption que la convoitise fait régner dans le monde» (2P 1,4).

Il n'est pas de point dont le N.T. nous ait plus expressément libéré que de ces interdictions alimentaires: cf./ Mt 15,11. Une vision l'a confirmé à saint Pierre (Ac 10,10-16). Nous préférons toutefois mettre en // Col 2,8 ss., plus général encore. On y retrouve, outre l'invitation à se libérer des « idées courantes trop humaines » (v. 8 et 22), ainsi que des pièges de la surenchère orgueilleuse (v. 23), l'assurance qui doit guider notre lecture de toute l'Ancienne Alliance, à savoir: passer « de l'ombre à la réalité » (v. 17). Ce mot de réalité ne se trouve pas dans le texte grec; mais il traduit l'antithèse voulue, capitale, entre « l'ombre » (ou la figure), et « le corps » (la réalité), qui est le Christ.

Isidore de séville: Sur le Lév. (PL 83,325.326.327): Il faut d'abord savoir que tout ce que Dieu a créé est pur: purifié par l'autorité même du Créateur. Il n'y a rien à reprocher dans l'être de quelque créature que ce soit, car le reproche retomberait sur le Créateur. Mais cette loi fut donnée aux fils d'Israël pour les faire revenir aux moeurs des patriarches qu'ils avaient perdues en Egypte, ayant adopté les coutumes d'une nation barbare...

Cependant le Christ est venu. Lui qui est la fin de la Loi. Il a ouvert ce qui, dans la Loi, était fermé ; il a révélé ce qui était obscur. Maître insigne, docteur céleste, il a rendu visible, en montrant la Vérité, ce que l'antiquité avait voilé de son ombre...

«Mangez ce qu'on vous apporte!» Donc, toutes les créatures ont retrouvé leur bénédiction première. Mais attention: tout est pur en tant que créature de Dieu: est souillé cependant ce qui a été immolé aux démons: « Si l'on vous dit: ’Ceci a été immolé aux démons', n'en mangez pas » (Cf. 1Co ).

Cette liberté présuppose donc une plus rigoureuse purification de notre coeur « d'où vient tout ce qui souille l'homme » (Mt 15,17-20/57î). Ici encore la transcendance de la Loi nouvelle, loin d'affadir l'Ancienne, la rend plus exigeante en l'intériorisant...

3202

Purification de l'accouchée:


Lv 12 — Ainsi Marie, la toute pure, Jésus, le tout offert, n'ont pas dédaigné d'agir humblement « suivant la loi de Moïse » (Lc 2,22):

Rupert de Deutz: Op. cit. (PL 167,802): L'Esprit prophétique a religieusement précisé la loi, en disant: «si, après avoir reçu la semence, elle enfante ...» D'avance, il voyait qu'il y aurait une femme qui, dans l'avenir, enfanterait sans avoir reçu la semence. Autrement, il n'aurait pas donné cette précision. Donc une seule femme, la seule et unique Mère du Christ Fils de Dieu, fut parfaitement libre de la nécessité de la loi; et cependant, par un mouvement spontané d'humilité, elle se soumit à la loi, ce qui est tout à sa louange.

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Purification du lépreux:


Lv 13-14 — Le rite réfère au Mystère pascal, suivant l'interprétation de Cyrille d'alexandrie (Sur le Lév. pg 69,561), qu'on aurait tort de juger une allégorie artificielle; car au moins pour l'essentiel, il se borne à relever le symbolisme naturel de mort et de libération (qu'on trouvait déjà dans les rêves du grand panetier et du grand échanson, en Gn 40,9-13*): L'oiseau est immolé au-dessus de l'eau vive; un second passereau est trempé dans cette eau, puis on le laisse s'envoler sans lui faire aucun mal. C'est ainsi que le Christ a été immolé pour nous, à cette différence près qu'il était le même identiquement, dans la mort et surmontant la mort. « Mort dans sa chair, dit l'Écriture, vivant dans l'esprit » — esprit par lequel il s'en alla « prêcher aux esprits qui étaient en prison » (1P 3,18-19). Car, en tant qu'il s'est fait homme, il a supporté la mort, mais en tant qu'il est vraiment « Vie née de la Vie » il se montre plus fort que la mort. C'est pourquoi le passereau vivant était plongé dans la mort du passereau immolé...

En tout cas, le rite annonce notre sacrement du baptême (qui est bien participation au Mystère pascal du Christ : Rm 6), par l'immolation au-dessus d'un vase recevant de l'eau de source ( = l'eau vive): de même en effet, pour baptiser, il est exigé que l'eau ait coulé, pour qu'il y ait symbole de l'eau vive de purification (ainsi que rappel du sang et de l'eau qui ont coulé du côté du Christ sur la croix, où la Tradition chrétienne a aimé voir la source des sacrements). Si cela paraît bien matériel, on aura au chapitre suivant un autre exemple que la foi passe par le contact avec le Christ (// Mc 5,25-34* ).

// Jb 2,7-10 Lc 17,11-19 Mt 8,1-4 — L'application morale est claire, mais moins évidente lorsque nous sommes atteints nous-même par la maladie, ou qu'une fois rétablis, la santé retrouvée nous paraît tellement aller de soi que nous oublions d'en remercier Dieu... Il est clair aussi que le Christ, encore cette fois se conforme à la loi du Lévitique, en renvoyant les lépreux guéris aux prêtres, « avec l'offrande que Moïse a prescrite » (comparer Mt 8,4 et Lc 17,14 avec Lv 14,2).

Lv 15 // Mc 5,25-34 — purification du sang: L'exemple de cette femme confirme ce que Job révélait déjà: la maladie est invitation à une purification de la foi, pour s'en remettre plus entièrement à Celui qui, loin d'être « souillé par notre souillure » (Lv 15,26-27) est assez totalement pur pour prendre sur lui notre péché de façon à nous en délivrer. Et comme la foi de cette femme s'exprime dans cette recherche d'un contact, si minime soit-il, ainsi notre foi s'accomplit dans la démarche sacramentelle qui nous met au contact avec la mort et la résurrection du Christ.


Bible chrétienne Pentat. 3102