Bible chrétienne Pentat. 4120

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LE VOEU DE NAZIRÉAT ET LA BÉNÉDICTION D'AARON

Nb 6)

Nb 6,1-5 // Lc 1,15 et Jg 13,3: — Rapports entre naziréat et Jésus le naziréen, cf. Gn 49,26*. Naziréen (6,1), c'est l'homme qui fait le voeu de naziréat (6,4 — même racine, mais forme verbale: « s'abstenir »).

Nb 6,22-27 — Sur la Bénédiction, cf. Introduction à Gn 4-11 Gn 9,25-27 * ; 12,2-3* et 14,18-20*; 27,30-38*; Ex 12,31-33*; Ex 18 // Ps 136*. Et te garde: ajoute à la fécondité de la grâce divine, une protection — nécessaire comme jamais à ce peuple toujours en danger, image de l'Église « militante », que le Christ demande aussi à son Père de « garder en ton Nom » (// Jn 17,11 — comparer aussi avec Nb 6,27, où il en est appelé au Nom divin).

Nb 6,25 // Ps 4,7-8 — On retrouve ici et là même abondance, fruit de la bienveillance de Dieu. Ps Ps 4,7 peut se traduire soit « Fais lever sur nous la lumière de ta Face » (en étroit // avec Nb 6,25), soit « Signe-nous de la lumière de ta Face », suivant l'interprétation de la Septante. Dans ce cas, l'illumination est donnée comme intérieure, et se trouve expliquée en 2Co 3,18 / Od et 4,6 / B.

Nb 6,26Et te donne la paix: « Shalom ». « Ce mot est employé pour désigner tous les aspects de la vie humaine dans la pleine maturité donnée par Dieu: justice, vérité, communion, paix etc... Ce seul mot résume tous les dons de l'âge messianique; le nom même du Messie peut se réduire au Shalom (Mi 5,3 Ep 2,14). L'Evangile est un évangile de shalom (Ep 6,15) et le Dieu proclamé dans cet évangile peut souvent être appelé Dieu de Shalom. Le shalom n'est pas quelque chose que l'on puisse objectiver et mettre à part... C'est pourquoi il doit être découvert comme don de Dieu dans des situations effectives » (The Church for others, coe 1966, p. 14-15).

On sait que dans ’Jérusalem', il y a ’salem' = shalom. Melchisédech est roi de Shalem (Gn 14,17-20*). Sur la paix comme caractéristique des temps ouverts par le Messie, cf. Is 11,1-9; Os 2,20; Mt 10,12-13.

procope de gaza: Sur les Nombres (pg 87,807): « Ils imposeront mon Nom sur les fils d'Israël ». Tu vois: c'est le Nom du Seigneur qui donne sa valeur à la bénédiction, ce n'est pas la bouche de celui qui la prononce. Et, pour qui la reçoit avec foi, la bénédiction vaut même si c'est un pêcheur qui l'a prononcée. Tel fut le cas quand Balaam prononça son augure sur les fils d'Israël.

Nb 7,8 — Sur la dédicace de la Tente de la Rencontre (cf. Ex Ex 40). procope de gaza y voit le rappel que c'est en nous-même, comme membre du Christ, que se trouve l'Abri pour la Rencontre avec Dieu: Moïse oignit la Tente et son mobilier avec l'huile sainte dont on avait coutume d'oindre les prêtres et les rois, afin que les objets de la Tente fussent sacrés et puissent servir aux usages sacrés. Ces objets représentaient les hommes, c'est pourquoi on les traita avec le même honneur, et même avec un plus grand honneur: parce qu'ils permettaient aux hommes d'approcher de Dieu. Mais c'est l'homme lui-même qui est le domicile de Dieu et le « vase de bénédiction » ... car nous sommes inclus dans le Corps du Christ, et dans la Tente sacrée (Ibid. 807-808).

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L'ordre de marche

Nb 9-10)


Nb 9,15-22 // Lc 9,29-36 — C'est Dieu qui décide et mène tout. Si la présence de Dieu est donnée à son Peuple, c'est pour l'amener à le suivre (alliance de la ’Shekinah' et de la ’Merkabah', cf. L. Bouyer, en Ex 24,9-11 *). Dans le N.T. la Nuée apparaît aussi comme manifestation que le Christ est bien l'Emmanuel: «Dieu avec nous». Mais c'est pour nous demander aussitôt de « l'écouter », et « te suivre où que tu ailles » (Lc 9,57). Suivre est le verbe qui définit l'attitude requise de tout disciple du Christ (Lc 5,11 et 27; 7,9; 9,23 et 57-61; Jn 1,36-43 Jn 8,12 Jn 10,4 Jn 12,26 Jn 13,36-37 Jn 21-19).

Cyrille d'alexandrie : Sur St-Jean (pg 73,615) -.Après que la Sagesse « se fût bâti une maison » ainsi qu'il est écrit (Pr 9,1), et se fût élevé un temple plus vrai — ce temple pris de la Vierge — le Dieu Verbe, qui est dans le sein de Dieu et son Père, descendit dans cette demeure par un dessein divin et impénétrable : il se fit homme. Pour les hommes qui désormais marchaient en plein jour, « illuminés » suivant la parole de saint Paul, il devait être la nuée qui les protégerait de son ombre; pour ceux qui ne le connaissaient pas, et étaient encore assis dans les ténèbres, il serait le feu qui les illuminerait et les transformerait en l'ardeur de l'Esprit.

Rupert de Deutz: Op. cit. i, 24 (PL 167,861): Il est glorieux, au sens historique, que l'armée d'Israël ait décidé son départ ou son repos d'après les ordres du Seigneur. Mais ces exemples nous orientent vers des réalités célestes plus glorieuses encore: à savoir que nos pères, nos guides, qui nous ont annoncé les mystères du Christ Fils de Dieu, se mettaient en route non suivant leur propre impulsion mais quand l'Esprit de Jésus le leur ordonnait. Car nous lisons dans les Actes: « Ils comptaient aller en Bithynie, mais l'Esprit de Jésus ne le leur permit pas ... Paul eut une vision: un Macédonien se tenait devant lui... Aussitôt nous décidâmes départir, certains que Dieu nous appelait à les évangéliser ». Donc, eux aussi partaient sur l'ordre du Seigneur, et la nuée les précédait: la nuée qui est le Christ selon son corps humain.

(Nb 10,1-2/ 1 Th 1Th 4,16-18Les trompettes : Le // se justifie suivant les perspectives eschatologiques indiquées dès les 1° chapitres de ce Livre (cf. Nbl // Lc 2,1-5 Nb 2 // Ap 21).

Nb 10,8-10Ce sont les prêtres qui sonneront des trompettes: théodoret: Question 15 (pg 80,368): Il appartenait aux seuls prêtres de sonner la trompe, parce qu'elle signifiait un appel de Dieu. L'Écriture ajoute en effet: « Dans vos jours de fête, dans vos liesses et vos néoménies, vous sonnerez de la trompe, et ce sera pour vous un rappel en présence du Seigneur votre Dieu » (Nb 10,10).

Nb 10,11-12 // Ps 68,2-5 Ps 68,8-9 Le 1° verset de ce psaume correspond exactement à Nb 10,35, le Ps 68 tout entier est empli du souffle proprement épique animant les 12 tribus dans leur montée vers la Terre Promise et Jérusalem (v. 10-18), comme préfiguration de l'Ascension du Christ et de l'humanité à sa suite (v. 19), portée par un souffle encore plus irrésistible: l'Esprit de la Pentecôte. Et de même que Nb 10,13-28 énumère les tribus suivant leur ordre de marche, le Ps 68 s'extasie sur les processions liturgiques, faites pour rappeler rituellement cet itinéraire spirituel universel de l'homme à son Dieu (v. 25-28). Ainsi l’a.t. (Nb) et le N.T. (montée de Jésus à Jérusalem, en Lc 9,51 ss.) mènent jusqu'à l'entrée au ciel que miment les processions liturgiques faisant accéder le Peuple de Dieu jusqu'au sanctuaire: une même perspective harmonise ces «4 sens» (cf. Introd. générale): historique, chrétien, eschatologique, liturgique. Voir le commentaire de rupert à Nb 10,35*.

Nb 10,33L'Arche marcha devant eux pendant 3 jours, pour leur chercher un lieu de repos: procope de gaza: Sur les , Au départ de ces hommes, il leur fut très utile de sentir qu'ils avaient Dieu pour chef et guide. Mais laissons le type: ici, nous sommes invités à regarder le Christ. Nous précédant de trois jours, il conduit au repos tous ceux qui le suivent pour passer de l'enfer au séjour éternel... C'est Lui qui a inauguré pour nous ce départ vers le ciel; il l'a dit: «Je partirai, et je vous préparerai une place ».

Nb 10,35Lève-toi, Seigneur, et que tes ennemis se dispersent: Remarquons qu'il appelle « ennemis de Dieu » les ennemis du peuple... Les adversaires de la gloire divine s'enfuirent quand le Christ fut victorieux par la Croix... La prière de Moïse était l'ombre de l'intercession du Christ.

Le même Moïse priait le Seigneur en arrivant à la halte : « Reviens, Seigneur, vers les myriades d'Israël », ce qui signifiait: Arrête l'arche, et donne au peuple un campement. Il rendit ainsi le Seigneur très familier aux Israélites, leur montrant que Dieu était leur compagnon de route (Ibid).

Rupert de Deutz : Op. cit. i, 29 (PL 167,866) : Quand la nuée s'élevait, les princes plaçaient le peuple en ordre de marche, et Moïse restait en contemplation du modèle que le Seigneur lui avait montré sur la montagne. Il répétait, l'Écriture en témoigne: «Lève-toi, Seigneur! » ou: « Que Dieu se lève, et que ses ennemis se dissipent ! » Où donc Dieu se lève-t-il? Là même où la nuée qui s'élève montre pour ainsi dire qu'il se lève. L'esprit prophétique du Psalmiste a pénétré ce que signifient cette nuée qui s'élève et ces princes qui conduisent l'armée: «T'élevant dans les hauteurs, tu as emmené captive la captivité, tu as donné des dons aux hommes » (Ps 68,19). La suite du psaume poursuit dans le même sens mystérieux: « On a vu tes pas, Seigneur, les pas de mon Dieu, de mon roi, dans le sanctuaire : les princes venaient d'abord avec les chantres; au milieu, les jeunes filles jouant du tambourin. Là, le petit Benjamin en extase. Les princes deJuda, les princes de Zabulon, les princes de Nephtali ». L'Apôtre vient à la suite du psalmiste: à visage découvert, et arrachant le voile, il parle plus clairement que les autres du sens des deux Testaments ; il explique ce que représente l'élévation de la nuée, déclare qui sont les princes du camp, décrit l Ascension du Christ et ses dons: « À chacun de nous, dit-il, la grâce est donnée suivant la mesure du don du Christ. S'élevant dans les hauteurs, il a emmené ses captifs, il a donné ses dons aux hommes: il les a fait les uns apôtres, les autres prophètes, d'autres évangélistes, d'autres pasteurs et docteurs, pour la perfection des saints, pour l'oeuvre du ministère, pour l'édification du Corps du Christ » (Ep 4). Que Dieu se lève donc! C'est-à-dire: que le Christ monte dans les hauteurs; et, une fois que s'est élevée la nuée de sa chair, que ses ennemis soient mis en fuite par ces princes envoyés vers nous — apôtres, évangélistes, prophètes, docteurs, pasteurs — et avec eux par « Benjamin en extase » qui est Paul ravi au troisième ciel. C'est ce qui fut fait, et se fera jusqu'à la fin des siècles, jusqu'à la victoire consommée.

Quand l'Arche s'arrêtait. Moïse disait: «Reviens, Seigneur, vers les myriades de l'armée d'Israël ». Ceci arrivera quand la plénitude des nations sera entrée: alors, le Seigneur reviendra vers l'Israël selon la chair.


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II. LES TENTATIONS DU DÉSERT

Nb 11-19)


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ENTRE DÉCOURAGEMENT ET EXALTATION

Nb 11-14).

Nb 11,4-6 (Cf. Ex 16,2-3) — On pourrait en rapprocher encore la parole du Christ : « Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas bien disposé au Royaume de Dieu » (Lc 9,62).

Nb 11,10-15 Nb 11,18-28 // Mt 23,37 Mt 15,32-33 — éphrem: Sermo de Domino nostro (Lamy 1,238): La force de l'humilité est telle, que Dieu, Vainqueur universel, ne peut vaincre sans elle: pour faire contrepoids à un peuple dur, il établit Moïse, le plus humble de tous les hommes (Nb 12,3). Pour délivrer son peuple, Dieu, qui n'a besoin de rien, eut besoin de l'humilité de Moïse: il fallut que la douceur de celui-ci supportât le murmure et la colère d'un peuple exaspéré. Quand l'orgueil agitait le peuple, l'humilité, par la prière, apaisait les révoltes. Si l'humilité d'un homme qui bégayait sauva six cent mille hommes, combien en sauvera plus encore l'humilité de Celui qui rend les bègues éloquents? Car l'humilité de Moïse ne fut que l'ombre de l'humilité du Seigneur.

Moïse souffre comme le Christ lui-même, de notre « lenteur à croire ». Face à l'impossible nécessité de nourrir les foules, au désert comme sur les bords déserts du lac de Tibériade, le Discours sur le Pain de Vie nous explique que ces miracles de Ta.t. et même du N.T. sont surtout un avertissement de la nourriture de vie éternelle qui nous est nécessaire (Jn 6,26 ss.), et que Dieu nous donne surabondamment en son Fils même. Le // se poursuit dans la réalisation du miracle (cf. Oa: Nb 11,31-33 // Mt 15,34-37).

Nb 11,24-30 (préparé dès Nb 11,16-17) — Origène: Hom. 6 sur NB, L'Écriture rapporte que Dieu, prenant «de l'Esprit de Moïse » en donna aux soixante-dix Anciens: «Et l'Esprit s'étant reposé sur eux (Nb 11,25), tous prophétisèrent ». Ne t'imagine pas que Dieu enleva à Moïse quelque substance matérielle et corporelle, la divisa en soixante-dix portions, et donna à chacun des Anciens une toute petite part. Il serait impie de concevoir de cette manière la nature de l'Esprit Saint. Mais voici une explication figurative de ce discours mystérieux : Moïse — l'Esprit qui était en Moïse — peut se comparer à une lampe d'une splendeur éblouissante, à laquelle Dieu alluma les soixante-dix autres lampes; et l'éclat de la lumière principale passa dans ces soixante-dix lampes, de telle sorte que la lumière originelle ne souffrit aucun dommage de cette dérivation ...

Et l'Esprit se reposa sur eux,et ils prophétisèrent: Mais en aucun d'eux l'Esprit ne se reposa autant que sur le Sauveur, car il est écrit de Lui: (Is 11,2-3): « L'Esprit de Dieu se reposera sur Lui: l'Esprit de sagesse et d'intelligence ... etc. » Et encore (Jn 1,33): «Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer... » « Demeurer », voilà ce qui n'est dit de nul autre.

procope de gaza : Sur les Nb (pg 87-824) : « Les Anciens prophétisèrent tous ensemble, de manière qu'ils n'eurent pas l'air de rivaliser avec Moïse, mais montrèrent seulement qu'ils avaient part à l'Esprit. Tous ceux qui ont été nommés reçoivent l'Esprit, qu'ils se trouvent dans un lieu ou dans un autre: car le souffle de la Divinité n’est pas lié par le lieu ni par le nombre ... Le serviteur de Moïse proteste, non par envie, mais par souci de la gloire de son Maître.

// Ac 19 Jl 3 Lc 9,49-50 Jn 3,26, L'effusion de l'Esprit annonce les temps messianiques, prophétisés par Joël, accomplis dans l'Evangile et les Actes. Avec la même tentation de jalousie spirituelle et de prétention au monopole dont triomphe l'humilité de Jean-Baptiste comme celle de Moïse.

j. de vaulx : Les Nombres (p. 157) : L'interprétation chrétienne s'appuie directement sur les grands enseignements du texte. Déjà saint Jean réunit les 3 thèmes du pain du ciel, de la chair et de l'Esprit dans l'annonce de l'Eucharistie (Jn 6,49-51 Jn 6,63), corps du Christ donné pour nourriture, qui doit être reçu avec discernement (1Co 11,27-32) et qui est d'ailleurs lié au don de l'Esprit (cf. J.M. van cangh: Le thème des poissons dans les récits évangéliques de la multiplication des pains, r.b. t. 78,p. 76-80).

Chargé comme Moïse de nourrir le peuple, et n'y parvenant pas seul, l'évêque est aidé par les prêtres (‘Presbuteroi', anciens) qui participent à son triple pouvoir royal, sacerdotal et prophétique. Ceux-ci, tels les 70 anciens, reçoivent la grâce du second ordre des mains de l'évêque, rempli de l'Esprit Saint comme Moïse. Le rapprochement se trouve déjà dans la Tradition Apostolique ^'hippolyte (n° 8 — «Sources chrétiennes », p. 38). On le trouve dans la plupart des rites d’ordinations, en Orient comme en Occident (h. denzinger: Ritus Orientalium, Wûrzburg 1863, t. 2,p. 12s.; ). lécuyer: Le sacerdoce dans le mystère du Christ, Cerf 1957,p.; Le Pontifical Romain, monition ’consecrandi' et préface consécratoire ; Concile Vatican II, « Presb. Ord. » N° 7). Les variantes de la Vulgate suggèrent que cette effusion de l'Esprit est un don de Dieu, intérieur, permanent, donné en participation à celui de l'évêque et subordonné au sien.

On notera enfin que l'Esprit qui repose sur le Christ, représenté ici par Moïse (Origène: Hom. 6) est répandu en dehors des 70 et que Moïse le voudrait donné au peuple entier. C'est donc l'Église entière qui doit être charismatique et spirituelle et pas seulement ceux qui y remplissent une fonction (mais on voit aussi qu'il n'y a pas à opposer ’Anciens’ et ‘Prophètes’, fonction ministérielle et charisme prophétique, comme le voudrait von RAD Ainsi, sans forcer le texte, on peut l'utiliser pour expliquer les liens réciproques entre l'évêque, les prêtres, et les fidèles, entre les fonctions et les charismes dans l'Église: autant de réponses de Dieu aux besoins et aux appels de l'humanité pécheresse.

Mais l'Esprit est Don de Dieu : nul ne peut y prétendre de lui-même, fût-il de la famille de Moïse (comme Aaron et Myriam, au ch. 12), ou des lévites comme Coré, ou descendant de Ruben, l'aîné destitué, comme Datân et Abiram (Nb 16).

Nb 12,1-15 — procope de gaza: Sur les , Miryam et Aaron parlèrent contre Moïse au sujet de la fille de Jéthro qu'il avait prise : c’est tout à fait ridicule, après trente ans de mariage, et alors qu'aucune loi n’interdisait encore aux Juifs le mariage avec des étrangères... Aaron et Miryam ne se doutent pas que Moïse est la figure du Christ, à qui l'on reprocha d’évangéliser la Samarie.

Origène: Hom. 6 sur Nb (pg 12,611): Pour expliquer brièvement ce passage, disons que Miryam représente le premier peuple : Moïse, c'est-à-dire la Loi du Seigneur, contracte un mariage avec cette Éthiopienne qui s'est rassemblée d'entre les nations. Moïse, c'est-à-dire la Loi spirituelle, prend cette épouse, et à cause de cela, Miryam qui est la Synagogue s'indigne et le méprise, de même qu'Aaron, qui représente les prêtres et les pharisiens ... Or Dieu les juge: il confirme les noces de l'Ethiopienne, et permet volontiers à Moïse d'habiter avec elle. Au contraire il repousse Miryam et Aaron, et il rend Miryam lépreuse. Mais cette lèpre ne durera pas toujours: quand la semaine du monde sera presque accomplie, Miryam sera rappelée dans le camp; car à la fin du monde, quand la plénitude des nations entrera (Rm 11,25-26), alors tout Israël sera sauvé lui aussi; et la lèpre disparaîtra du visage de Miryam car elle retrouvera la beauté de la foi, elle recevra la splendeur de la connaissance du Christ: son vrai visage lui sera rendu quand les deux troupeaux n'en feront plus qu'un, sous l'unique Pasteur (cf. RUPERT, 872).

Nb 12,3 Nb 12,6-8 Grandeur unique de Moïse, au-delà de tous les prophètes, j. de vaulx: Op. cit. (p. 163): Voyant la face de Dieu, établi sur toutes sa maison, Serviteur de Yahvé, Moïse peut être comparé au Christ, sans qu'on soit obligé de forcer le texte. En effet le Christ seul a vu le Père et l'a fait connaître (Jn 1,18 Jn 6,46), mais son témoignage n'a pas été reçu (Jn 3,11). Aussi l'exégèse chrétienne tire-t-elle parti des deux thèmes du chapitre... (Cf. b.m. lavaud: Moïse et St-Paul ont-ils eu la vision du Dieu dès ici-bas? dans « Revue Thomiste » 1930, p. 75-83).

procope de gaza: Sur les Nombres (pg 87,825): «Moïse était le plus doux des hommes »: Il supporte l'injure en silence. Il y fallut une grande maîtrise de soi. Dieu fit sienne l'humiliation de ce serviteur fidèle. C'est ce qui se réalisa pour le Christ.

Rupert de Deutz: Op. cit. i, 34 (PL 167,870): Parce que le nombre des prophètes venait d'être augmenté (Nb 11), quand soixante-dix Anciens avaient reçu de l'esprit prophétique de Moïse, on a l'impression que le très grand prophète, Moïse, en était comme rapetissé et dévalorisé. C'est une chose qui arrive même dans l'Eglise du Christ: des disciples devenus illustres osent mépriser leur père et prélat. C'est à quoi Paul faisait allusion quand il disait aux Corinthiens : « Désormais vous êtes riches, vous régnez sans nous, et puissions-nous régner, nous aussi, avec vous! » (1Co 4). Quand Moïse fut ainsi humilié, le Seigneur voulut faire un exemple. Pourquoi? Moïse, nous dit l'Écriture, était l'homme le plus doux de tous les hommes qui demeuraient sur la terre. Louange merveilleuse ! Grand éloge d'une vertu insigne! Si tous les prélats en étaient ornés, ils pourraient dire: « Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ » (1Co 11,1). Moïse, « le plus doux de tous les hommes », ne se défendait pas; et par là-même il constituait Dieu son Défenseur, dans la mesure même où il se taisait. Car: «A moi la vengeance! C'est moi qui rendrai! », dit le Seigneur.

Origène: Hom. 7 sur Nb (pg 12,613-14): Quand donc Moïse a-t-il vu la Gloire du Seigneur? — Quand notre Seigneur fut transfiguré sur la montagne, entouré de Moïse et d'Elie avec lesquels il s'entretenait (Mc 9,3). Le Livre des Nombres continue: « Comment n'avez-vous pas craint de vous attaquer à mon serviteur Moïse? » Je crois qu'ils s'attaquent à Moïse, ceux qui à la lecture du Lévitique ou des Nombres, par exemple, n expliquent pas selon l'Esprit ce qu'ils lisent dans la Loi, mais se scandalisent et critiquent: « À quoi nous servent ces préceptes? » disent-ils. Pour que les auditeurs n'y trouvent pas un obstacle, donnons-nous donc la peine d'étudier la Loi: tournons-nous vers le Seigneur pour qu'il nous enlève le voile de la lettre, et pour que nous ne déformions pas le visage de Moïse, mais le laissions apparaître, au contraire, dans sa Gloire.

Nb 12,13-15 — Origène: Hom. 7 sur , Cracher à la figure, c'est la marque de la répudiation. En la personne de Miryam, c'est le premier peuple qui est répudié: Dieu lui crache à la figure. Isaïe nous livre ailleurs le sens de ce geste quand il dit (40,15) : « Des gouttes d'eau, un crachat, voilà ce que sont pour lui les nations » (Cf. rupert, Op. cit. 7,35, PL 167,872).

// et — S'il en allait ainsi dans l'Ancienne Alliance, comment la Nouvelle Alliance aurait-elle de moindres exigences, et de moindres conséquences?

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Le découragement des explorateurs

Nb 13-14):


Nb 13 // Lc 9,1-6 et 10,17-22: Cyrille d'alexandrie (pg 69,606-615), rapprochant les 12 explorateurs des 72 annonciateurs du Royaume de Dieu, y voit l'annonce que rien ne doit nous effrayer, puisque les disciples du Christ tiennent de lui pouvoir de vaincre « toute la puissance de l'Ennemi »; bien davantage, dès ici-bas, nous pouvons nous réjouir de ce que « nos noms sont déjà inscrits au ciel » (// Lc 10,19-20), où le Christ lui-même nous prépare une maison, une ville, un Royaume (Jn 14,2-3 He 11,16 Mt 25,34).

Suivant cette même perspective, Origène voit dans les géants de Nb 13,33 l'image des « principautés et puissances, autorités de ce monde de ténèbres ». Car ce n'est pas « contre des adversaires de chair et de sang » que nous avons à lutter, (Ep 6,12), mais contre « le fort armé » que seul vaincra « un plus fort » : le Christ (pg 12,618-619).

Nb 14 // Ps 78,3 Ps 78,7-11 Ps 95,10-11 — Les Psaumes reviennent souvent sur ces « tentations du désert », et plus précisément le Ps LE 95,8-11 vise Nb 13-14 aux Hébreux nous apprend à lire ces versets du Ps 95 comme s'adressant encore à nous, dans le permanent « Aujourd'hui » de la Parole de Dieu. De cette longue démonstration (He 3,7 à 4,11), nous dégageons en // les articulations principales.

Comme ce passage de l'Épître aux Hébreux se conclut immédiatement sur l'avertissement des exigences de la Parole de Dieu (mais aussi du bon guide que nous avons dans cette Parole de Dieu incarnée, qui est le Christ — cf. He He 4,12-17), Rupert met en rapport l'exploration des Nb et l'étude des Saintes Écritures, pour atteindre au Repos de Dieu (Sur ce Repos, cf. Gn 2,1-3* et Ex 33,12-17*). Ne prenons pas l'amusant symbolisme dont il pare le célèbre retour des explorateurs portant à deux la grappe énorme, pour une invention gratuite: c'est plutôt une broderie autour de la signification spirituelle permanente du récit biblique :

Rupert de Deutz: Op. cit. i, 37 (PL 167,874-75): Que signifie cette terre, sinon le repos du Seigneur? Quel est, dis-je, ce repos du Seigneur « aujourd'hui », ayant donc son jour déterminé, après le septième jour où le Seigneur se reposera de ses oeuvres? C'est la Résurrection de la chair. La Résurrection du Christ est le glorieux repos du Seigneur. Ce « repos », cette « Terre des vivants », nous sommes envoyés pour l'explorer, nous tous qui avons en mains les Saintes Écritures. C'est pour ceux qui comprennent l'Écriture que l'on chante: « Le Seigneur vous a introduits dans une terre où coulent le lait et le miel, afin que la Loi du Seigneur soit toujours dans votre bouche ». À force de lire et de scruter, montons dans cette terre excellente, explorons-la: nous sommes arrivés à la colline de la grappe: le rameau est coupé avec son raisin, deux hommes le portent sur un brancard. Qu'est-ce que le torrent de la grappe, sinon la Passion de notre Seigneur Jésus Christ? ... Car en lisant les prophètes, nous comprenons qu'il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât d'entre les morts.

Comment le rameau a-t-il été coupé avec sa grappe, sinon par le feu de la Passion. Son âme a été détachée du corps. Il est arrivé à ce rameau ce que les prophètes avaient prédit: « Il a été retranché de la terre des vivants » (Is 53). Et ce rameau coupé, deux hommes le portent: cela signifie que deux peuples adorent le Christ en Croix, et confessent qu'il est ressuscité des morts. Naturellement, celui qui marche en avant du brancard ne voit pas ce qu'il porte, mais celui qui vient derrière l'a toujours devant les yeux: c'est pourquoi le premier peuple ne vit pas la grappe, c'est-à-dire le Christ, qu'il portait par la foi; mais nous qui suivons, nous voyons la réalité du salut, elle nous est présente, alors que ceux-là n'en avaient que l'espérance... L'un de nos « explorateurs » a dit: « Ce qui fut dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux et que nos mains ont palpé ... » (Uni).

Nb 14,5-23 — Comparer l'intercession de Moïse avec celle qui suit l'apostasie du Veau d'Or, Ex 32,11 à 33,17.

Origène: Hom 8 sur Nb (pg 12,621): L'épisode de Nb 14,11-12: «Je les détruirai et je ferai de toi une grande nation », ne signifie pas que la nature divine soit sujette à la colère, mais veut nous faire connaître la charité de Moïse pour son peuple, et la bonté de Dieu, infiniment plus grande que tout mal quel qu'il soit: avec Dieu, il y a toujours place pour l'espérance ... et la menace divine n'est pas irritation mais prophétie. Car Dieu, plus tard, assumerait en effet une autre nation — l'immense peuple des nations — mais non par Moïse, qui s'excuse parce qu'il sait que cette grande nation promise aura son appel non en Moïse mais en Jésus Christ, et que ce peuple ne sera pas appelé « mosaïque », mais « chrétien ».

Nb 14,24 — procope de gaza: Sur les , Il déclare que seul Caleb entrera dans la Terre Promise, parce qu'animé d'un esprit de foi et d'obéissance. Il met à part Josué, parce que Josuê est la figure du vrai Josué, Sauveur du peuple.

Nb 14,34 — Origène : Hom 8 sur , «À une année par jour d'exploration, vous serez punis de vos péchés pendant quarante ans ». Je redoute de scruter ce mystère: si tout pécheur doit faire un an de pénitence pour un jour dépêché, nous qui péchons tous les jours combien de siècles — ou de « siècles de siècles » nous faudra-t-il pour effacer nos péchés? Ici, dira-t-on peut-être, Dieu se montre juste mais non pas clément. Écoute un exemple matériel: quand le corps reçoit une blessure, si le coup n'a pris qu'un instant, combien faudra-t-il de temps et de douleurs avant d'obtenir la guérison? Et si tu passes des blessures du corps à celles de l'âme — qui est blessée chaque fois qu'elle pèche — combien de temps crois-tu nécessaire pour les guérir? Si nous pouvions voir combien notre homme intérieur est blessé par le péché, nous résisterions, comme dit l'Écriture, «jusqu'à la mort » !

... Mais du moment même où tu te retournes vers Dieu, tu es sauvé: car tu trouves un avocat, qui pour toi intercède auprès du Père; et il a beaucoup plus de poids que Moïse, qui cependant pria pour le peuple d'Israël et fut exaucé. Et peut-être cet épisode de Moïse se trouve-t-il dans l'Écriture pour nous donner confiance, comme le dit saint Jean dans son Épître: « Ne péchez pas ! Mais si l'un de vous pèche, nous avons un avocat auprès du Père: Jésus, le Juste... » À lui la gloire dans les siècles des siècles !

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Le respect des commandements de dieu

Nb 15)


 — Comme entre les ch. 5 à 9, s'intercalent ici quelques lois: sur les offrandes à joindre aux sacrifices, les prémices, l'expiation des fautes commises par inadvertance — et il est notable que, même dans ces cas-là, où il n'y a pas de culpabilité (subjective), il faille pourtant un « rite d'expiation » pour le mal (objectif) commis: car pour être involontaire, il n'en est pas moins réel, mauvais, à réparer.

Nb 15,32-36 // Lc 23,55-56 et Mc 16,1-2 — À la violation du Sabbat s'oppose le respect de la Loi du Vieux testament, qui préside ainsi à la naissance du Nouveau Testament: le mystère de la Pâque chrétienne accomplit la Pâque juive et le dimanche accomplira le sabbat, sans abolir la Loi (Mt 5,17-19).

Sur la sévérité du châtiment, cf. Introduction à Nb in fine.

Nb 15,37-41 // Mt 9,20-22 — A l'air sans rapport avec ce qui précède. En réalité tout se tient: c'est un exemple qui montre une autre manière, plus insidieuse, de manquer à la Loi, comme l'observe procope de gaza : Sur , Les pharisiens amplifiaient leurs franges, par vaine gloire. Il peut arriver que l'on commette une faute par l'observance même de la loi, en l'appliquant mal.

Mais prendre prétexte d'une application formaliste de la Loi pour y renoncer, serait «jeter le bébé avec l'eau du bain ». Jésus lui-même n'a pas dédaigné de mettre en pratique ce mémorial de la Loi: il portait ces franges, signe de son attachement à « tous les commandements de son Père » (Nb 15,39). Fidélité à laquelle correspond la foi qui sauve cette pauvre femme de son hémorragie.

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La révolte de coré

Nb 16-17)


Nb 16,1 : procope de gaza: SurNb (pg 87,837): La postérité de Ruben s'insurge contre Moïse. Descendants du premier-né, ils estiment que le premier rang doit leur revenir, parce qu'ils sont la tribu princière. Les descendants d'Aaron s'insurgent aussi, se basant sur leur origine sacerdotale.

// Ex 19,6 Is 61,6 — Dès l'Ancienne Alliance, Israël est appelé à être un « Royaume de prêtres ». A fortiori les disciples du Christ (1P 2,5). Mais cela n'autorise pas les simples « membres de la Communauté » à exercer les fonctions proprement sacerdotales, et à réclamer l'égalité avec Moïse et Aaron (Nb 16,3). Le sacerdoce royal est plutôt appelé, d'après S. Pierre et S. Paul, à «offrir vos personnes en hostie vivante» (1P 2,5; Rm 12,1; cf. Ex 19,6*).

Nb 16,5 — « Celui qui est à Lui (Dieu), choisi, consacré; qu'il laisse approcher, qu'Il fera approcher »: L'accès à Dieu ne se conquiert pas, il est donné, par un seul Médiateur, notre grand prêtre Jésus-Christ, dont les prêtres sont le sacrement au milieu de la Communauté chrétienne (Rm 5,2 He passim).

// Lv 10,1 Si 45,18 Dt 11,6-7 He 2,1-3 — C'est que Dieu est le Saint.

Il « manifeste sa sainteté comme un feu dévorant » (Dt 4,24 He 12,29). « Qui pourrait tenir devant ce feu dévorant » (Is 33,14), sinon les seuls saints, au paradis, et ceux qui dans leur fragilité et imperfection terrestre ont été habilités à pénétrer dans le Saint des Saints (He 9)? Même Coré, un lévite pourtant, même les propres fils d'Aaron ne sont pas prêtres par naissance, mais par la vocation de Dieu (// Lv 10,1-2). Le sort de Coré, Datân et Abiram est un exemple qui ne doit pas être oublié (/'Si 45,18-19; Dt 11,6 He 2,1-3).

Nb 16,13 — procope de gaza: Sur , C'est Dieu même qu'ils insultent, en la personne de Moïse. Moïse aurait pu dire: « Les insultes de ceux qui t'insultaient sont tombées sur moi » (Ps 69,10).

Nb 16,20-23 — Origène: Hom 9 sur , À Sodome, on cherchait un minimum de dix justes; et si on les avait trouvés, la Pentapole aurait pu être sauvée. Mais à présent, deux suffisent pour sauver tout le peuple des Israélites. Quel est donc le pouvoir, le mérite de ces deux hommes, qui sauvent de l'Exterminateur plus de six cents milles hommes? ... Moïse et Aaron ayant donc reçu l'ordre de sortir de l’Assemblée pour que Dieu la détruise, voyons ce qu'ils vont faire: ils sont saints, ils sont parfaits, ils sont disciples de l'Évangile plutôt que de la Loi; et donc ils aiment leurs ennemis, et prient pour ceux qui les persécutent. Ceux-là voulaient les tuer — mais eux supplient, la face contre terre.

Nb 16,28Yahvé m'a envoyé, ... et je ne fais rien de moi-même: En cela Moïse présage le Christ, Envoyé du Père, qui ne fait rien de soi-même, mais toujours ce qui plaît au Père (Jn 8,28-29 et passim).

Nb 16,29-30 — Le Christ invoque la même raison de croire en sa mission, de par les signes miraculeux qu'il en a donnés (Jn 14,10-11 Jn 15,24).

Nb 16,31-33 — procope de gaza: Sur , Ils furent engloutis dans la terre. La création frémit, contre ceux qui se révoltent contre le Créateur. À la mort de Jésus aussi, « la terre trembla, les rochers se fendirent et de nombreux corps des saints endormis ressuscitèrent... » (Mt 27,51-52). Cf. // Jn 11,41-44*.

// Jn 11,41-44 et Lc 2,34-35 — Parallèle antithétique: En ressuscitant Lazare, Jésus arrache à la terre celui qu'elle avait déjà englouti. Mais il s'agit de Lazare. En fait, Jésus reste le signe de contradiction, pour la chute comme Coré, ou le relèvement comme Lazare, suivant que nous prétendons nous passer de Lui ou recourons à Lui.

Nb 16,35Un feu jaillit, venant de Yahvé: car il est un feu consumant, cf. plus haut, // Lv 10

Nb 16,19-35 // Jud 3-24 — Coré se trouve expressément nommé au v. 11. Pour bien situer cette citation, et donc son rapport avec Nb 16, il faut remarquer sa structure antithétique entre ceux qui sont sauvés (v. 5, avec référence à l'Exode) et ceux qui sont perdus, suivant qu'ils ont donné ou non leur foi (v. 3 et 5).

De ces derniers, Jude relève d'abord deux exemples: les anges déchus (v. 6), Sodome (v. 7). Motif: la chair (v. 7-8 et 10), le mépris de la hiérarchie (v. 6 et 8 — comme Coré), le blasphème qui renie la Gloire de Dieu (v. 8-10). Autrement dit: la révolte contre l'ordre établi par Dieu, du rapport entre l'homme et la femme, des hommes entre eux et des hommes avec le Dieu de Gloire.

Ceci introduit une nouvelle antithèse entre S. Michel Archange (cf. Dn 10,13.21; Za 3,2 et surtout Ap 12,7-9 / Z), avec une allusion obscure au combat autour du « corps de Moïse », qui viendrait d'une tradition apocryphe (« L'assomption de Moïse », début du r siècle après jc), et le diable avec tous ceux de son parti, dont Caïn, Balaam (Nb 25) et Coré. Suit une série d'images fulgurantes, avec évocation delà Parousie et du Jugement (v. 14-15), et retour aux 3 griefs fondamentaux ci-dessus: convoitise, murmure ou flatterie, démesure (v. 16).

Dernière antithèse entre les disciples du Christ et ces « moqueurs damnés » (v. 17 — Cf. Ps Ps 1,1), entre ceux qui se fondent sur la foi, espèrent en la miséricorde et se gardent dans la charité de Dieu (v. 20-21 ; cf. Jn Jn 17,11), et les mauvais anges qui, à l'inverse, n'ont pas gardé la hiérarchie — au sens actif d'accepter que la grâce divine se communique du haut en bas de l'échelle des êtres créés, par la médiation de l'échelon supérieur (suivant la vision mystique de Denis, dit Aréopagite).

Conclusion pratique: Si violente soit-elle, l'antithèse ne doit pas amener les chrétiens à condamner les impies : à la miséricorde divine pour eux-mêmes (v. 21), qu'ils répondent par la miséricorde (v. 23) et tentent de les arracher au feu (éternel, mais qui apparaît aussi dans le châtiment de Coré: Nb 16,35*), sans faire cependant aucune concession aux souillures de la chair (v. 23; cf. v. 7 et 10).

Finale apaisée (v. 24) : Confiance en Dieu qui lui-même nous gardera (comparer avec v. 21 et 6) irréprochables, et au besoin nous rétablira immaculés en présence de sa Gloire (cf. Eph. Ep 1,3, « en Lui, le Christ, élus... pour être saints et immaculés en sa présence »). À lui cette Gloire de nous avoir sauvés par Jésus-Christ.

Et Coré nous est donné — par Jude comme par Nb — en exemple (antithétique) à ne pas suivre.

Sur les Anges et démons, cf. textes patristiques en Gn 1,4*. Ainsi que l'introduction du P. Louis bouyer à leur iconographie (« Points cardinaux » 21, Ed Zodiaque 1972).

Nb 17,1-5Ils ont péché au prix de leur âme: Tel est donc l'enjeu (Mt 10,28). Il se retrouve, popularisé, dans les innombrables légendes sur les âmes « vendues au diable ». Elles ne sont pas à mépriser, car le mystère même de notre « Rédemption » est nommé à partir d'une image semblable, pour concrétiser à quel prix nous sommes sauvés: « L'homme à lui seul ne se rachète pas: à Dieu jamais ne paiera sa rançon. La rédemption des âmes est d'un prix infini, qui leur manque absolument » (Ps 49,8-9). « Vous avez été bel et bien rachetés... par un sang précieux comme d'un agneau sans tache, le Christ » ().

Ces encensoirs ayant été présentés devant Dieu, ils sont consacrés : même s'il n'est pas rendu par qui de droit, tout culte engage: sacrifice par lequel les objets du culte se trouvent consacrés...

Nb 17,6-15 // Sg 18,20-25 — Exemple de la puissance de l'intercession, non plus seulement d'un Abraham ou d'un Moïse, mais du Sacerdoce comme tel, avec cet encensoir légitimé par l'épreuve avec ceux de Coré (16,17), et par l'origine du feu pris à l'autel (17,11 — comparer avec la bénédiction du feu à l'orée de la vigile pascale). Même arrêt de la plaie divine, au temps de David, par l'offrande d'un sacrifice sur le Haut-Lieu où sera édifié le temple de Jérusalem, et près duquel mourra le Christ (2S 24).

Il courut au milieu de l'Assemblée... entre les morts et les vivants (Nb 17,12-13)... Il se tint au milieu (// Sg 18,23): L'intercesseur est bien un « médiateur ». Le Livre de la Sagesse souligne en outre l'importance de la majesté du vêtement sacerdotal (v. 24-25): « Dans la splendeur sacrée, adorez le Seigneur! » (Ps 29,2 Ps 96,9).

Faire la propitiation: procope de gaza: Sur Nb (pg 87,841): Quand Aaron arrête le fléau en se dressant entre les morts et les vivants, l'événement même montre que Dieu l'a choisi comme propitiation pour son peuple.

Origène: Hom. 9 sur Nb (pg 12,629-630): Si tu comprends cette histoire, si tu vois pour ainsi dire ce Pontife, debout au milieu des vivants et des morts, élève-toi maintenant jusqu'à la pointe de cette parole, et vois comment le vrai Pontife, Jésus Christ, ayant pris l'encensoir de la chair humaine, se tint au milieu des vivants et des morts et ne permit pas à la mort d'aller plus loin, mais, comme le dit l'Apôtre, détruisit celui qui avait l'empire de la mort (He 2,14). C'est devant ce mystère à venir que l'Exterminateur fut saisi de crainte; car il reconnaissait les figures de l'encensoir, de l'encens et du feu: il voyait d'avance la victime qu'offrirait à Dieu ce Pontife debout entre les vivants et les morts. C'est une image préfigurative, qui sauva ce jour-là les Israélites: mais nous, la Vérité du Salut est venue jusqu'à nous.


Bible chrétienne Pentat. 4120