Bernard sur Cant. 64

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SERMON LXIV.

Tentations des religieux plus avancés. Leurs renards, c'est-à-dire, tentations le plus redoutables pour eux. Les hérétiques sont aussi des renards pour l'Église; il faut les prendre.

1. Je viens m'acquitter de la promesse que je vous ai faite. «Prenez-nous les petits renards qui ravagent les vignes, car notre vigne a fleuri (Ct 2,15).» Les renards sont les tentations. Il est nécessaire qu'il y ait des tentations (2Tm 2,5). Car qui sera couronné, sinon celui qui aura légitimement combattu? Or, comment combattre si personne n'attaque? Lors donc que vous entrez au service de Dieu, tenez-vous ferme dans sa crainte (Si 2,1), et préparez votre âme à la tentation, assuré que tous ceux qui veulent vivre saintement en Jésus-Christ, souffriront persécution (2Tm 3,12). Or, les tentations varient selon la différence des temps. Pour les commencements, qui sont comme les tendres fleurs des plantes nouvelles, il est certain qu'ils sont attaqués par la violence du froid dont nous avons parlé dans le discours précédent, et contre lequel nous avons averti les commençants de se tenir en garde. Quant à ceux qui sont plus avancés, les puissances ennemies n'osent pas s'opposer ouvertement à leurs saints exercices; mais elles ont coutume, comme des renards artificieux,de tendre secrètement des piéges, qui sont en apparence des vertus, mais, en effet, de véritables vices. Combien par exemple, en ai-je connus qui, entrés dans les voies de la vie, arrivés à un état même assez parfait, marchaient et s'avançaient avec courage et avec confiance dans les sentiers de la justice et qui se sont vus honteusement et malheureusement supplantés par les finesses de ces renards, ils ont gémi, mais bien tard, de voir les fruits des vertus suffoqués en eux.

2. J'ai vu un religieux qui courait bien dans les voies de Dieu, il fut attaqué soudain de cette pensée, qui était sans doute un de ces petits renards. A combien de mes frères, de mes parents, de mes amis, si j'étais en mon pays, pourrais-je faire part du bien dont je jouis seul maintenant? Ils m'aiment et ils se rendraient aisément à mes conseils. Pourquoi faire cette perte? Il faut que je les aille trouver, et que, en sauvant plusieurs d'entre eux, je me sauve aussi avec eux. Pourquoi appréhenderais-je de changer de lieu! pourvu que je fasse du bien, qu'importe en quel lieu je sois? et d'ailleurs je ne saurais être en un meilleur lieu , qu'en celui où je recueillerai plus de fruit. Bref, ce pauvre malheureux s'en va et périt, plutôt comme un chien qui retourne à son vomissement, que comme un banni qui revient en son pays. Il se perdit sans sauver aucun de ceux qu'il pensait sauver. Voilà un petit renard, savoir, cette espérance trompeuse qu'il conçoit de gagner ses parents à Dieu, vous pouvez aussi par vous-mêmes, en remarquer en vous d'autres ou de pareils à celui-là.

3. Voulez-vous néanmoins que je vous en montre encore un? Je vous en montrerai même jusqu'à trois et jusqu'à quatre, si je vois que cela vous rende vigilants pour prendre ceux que vous découvrirez peut-être dans votre vigne. Il arrive quelquefois qu'un religieux qui avance dans la vertu et sent que Dieu verse sur lui des grâces abondantes, conçoit un désir de prêcher, non pas ses parents et ses proches, selon cette parole «Je n'ai point eu d'égard, à la chair et au sang (Ga 1,16),» mais dans un mouvement plus pur et dans un dessein plus utile et plus généreux, il veut instruire indifféremment toutes sortes de 'personnes, il croit en cela faire preuve d'une grande prudence, car il craint de tomber dans la malédiction du Prophète, s'il retient caché le froment, et ne le distribue point aux peuples (Pr 11,26), et d'aller contre l'Évangile, s'il ne prêche en public et sur les toits, ce qu'on lui a dit en secret et à l'oreille (Mt 10,27). Mais c'est là un renard, et un renard d'autant plus dangereux en comparaison du premier, qu'il sait mieux se cacher et qu'il est plus fin. Voici néanmoins comment il le faut prendre. Moise dit: «Vous ne labourerez point avec le premier né du boeuf (Dt 15,20).» Ce que saint Paul interprétait ainsi: «N'élevez point au sacerdoce un nouveau converti, de peur que, s'enorgueillissant, il ne tombe dans la condamnation du Diable ().» Le même apôtre dit encore: «Que personne ne doit s'ingérer, de lui-même, dans l'honneur de la cléricature, mais qu'il y faut être appelé de Dieu comme Aaron (He 5,4).» Et ailleurs: «Comment prêcheront-ils, s'ils ne sont pas envoyés de Dieu (Rm 10,15).» Et nous savons de plus que l'office d'un religieux, n'est pas d'enseigner, mais de pleurer (S. Hieron. contr. Vigil). De toutes ces raisons et autres semblables, je forme un filet, et je prends le renard, de peur qu'il ne détruise ma vigne. Car il est clair et indubitable par toutes ces autorités, qu'il ne convient point à un religieux de prêcher en public, que cela n'est point avantageux à un novice, et que ce n'est point permis à celui qui n'a point reçu mission pour cet effet. Quelle destruction de l'âme, n'est-ce donc point de violer en même temps ces trois règles? Donc, toutes les pensées de cette nature, soit qu'elles vous viennent de vous-mêmes, soit de la suggestion du mauvais ange, regardez-les toujours comme un renard fin et rusé, c'est-à-dire comme un mal véritable coloré de l'apparence d'un bien.

4. Mais en voici encore un autre, combien la solitude a-t-elle vu de religieux, qui étaient bien fervents dans leurs monastères, et qu'elle a ensuite vomis tièdes, ou gardés contre la loi érémitique, non-seulement relâchés dans les conduits mais dissolus. Il a été évident à la vue d'un tel dégât causé dans leurs vignes, c'est-à-dire à la vue d'un si grand dérèglement de vie et de conduite, qu'un renard était passé par là. Ils croyaient que dans la solitude ils recueilleraient des fruits spirituels avec bien plus d'abondance que dans une communauté, où ils ne recevaient que des grâces ordinaires; ils s'imaginaient que cette pensée était bonne, mais l'événement montra que ce n'était qu'un renard qui ravageait leur vigne.

5. Que dirai-je de cette superstition et de ces abstinences blâmables de quelques-uns d'entre nous, qui nous tourmentent si souvent, et qui les rendent si incommodes? Toutes les divisions que ces singularités produisent, ne ruinent-elles pas la conscience de ceux qui pratiquent ces abstinences et ne détruisent-elles pas autant qu'elles peuvent, cette grande vigne plantée de la main de Dieu même, en détruisant l'union qui doit être entre vous tous? «Malheur à celui qui est cause du scandale (Mc 26,24)!» Celui, dit le Sauveur, qui scandalisera l'un de ces petits (Mc 9,41).» Ce qui suit ces paroles est bien dur; mais combien celui-là mérite-t-il d'être traité plus sévèrement, qui scandalise une si sainte compagnie? Certes, celui qui est tel, quel qu'il soit, sera jugé d'une manière bien rigoureuse. Mais remettons cela à une autre fois.

6. Considérons maintenant, ce que dit l'Époux de ces petits et fins renards qui ravagent les vignes. Ils sont petits, non parce qu'ils ont peu de malice, mais parce qu'ils se glissent subtilement. Car cet animal est très-fin de sa nature, et très porté à nuire en secret. C'est pourquoi il me semble qu'il désigne fort bien certains vices très-subtils, qui se couvrent de la ressemblance des vertus, tels que sont ceux dont j'ai déjà donné quelques exemples, quoique en fort petit nombre. Car ils ne peuvent nuire que parce qu'ils veulent passer pour des vertus, à cause de quelque rapport qu'ils ont avec elles. Mais ce sont des pensées vaines des hommes, ou des suggestions des mauvais anges, des anges de Satan qui se transforment en anges de lumière (2Co 11,13), et pré parant leurs flèches dans leur carquois, c'est-à-dire en secret, afin d'en percer d'un lieu obscur ceux qui ont le coeur droit (Ps 10,2). Aussi je crois qu'ils sont appelés petits, parce que les autres vices étant visibles, attendu qu'ils sont grossiers, ceux-ci étant plus délicats, ne sont pas si aisés à découvrir, ce qui fait qu'ils sont presque inévitables, si ce n'est pour les parfaits, et pour les personnes expérimentées et clairvoyantes qui savent discerner le bien du mal et surtout les esprits, et qui peuvent dire avec l'Apôtre:» Nous n'ignorons pas les ruses de Satan, ni ses pensées (2Co 2,11),» peut-être même, est-ce pour cela que l'Époux ne recommande pas de les exterminer, de les chasser ou de les tuer, mais de les prendre; c'est parce que ces petites bêtes spirituelles et fines doivent être observées avec toute sorte de soin et de vigilance, si on veut les prendre et les attraper dans leurs propres finesses. Lors donc qu'on en a découvert la malice, mis la fraude aujour, ou convaincu la fausseté, on peut fort bien dire que l'on a pris le petit renard qui détruisait la vigne. C'est ainsi, en effet, que nous disons qu'un homme est pris dans ses discours, comme on lit dans l'Évangile, que «Les Pharisiens s'assemblèrent pour prendre Jésus-Christ dans ses paroles (Mt 22,15).»

7. Voilà donc, comment l'Époux ordonne de prendre les petits renards qui ravagent les vignes, c'est-à-dire de les surprendre, de les découvrir, de les convaincre. Il n'y a que cette espèce d'animal qui ait cela de particulier, qu'étant reconnu il ne nuit plus en sorte que le connaître c'est le vaincre. Car à moins d'être fou, qui se laisse tomber sciemment et volontairement dans un piège qu'il a découvert? Il suffit donc pour éviter ces sortes de vices, de les prendre, de les mettre au jour, puisque dès qu'ils paraissent, ils disparaissent. Il n'en est pas ainsi des autres. Car ils viennent à découvert, ils nuisent à découvert, ils s'assujettissent ceux mêmes qui les connaissent, ils surmontent ceux qui leur résistent parce qu'ils combattent à force ouverte, non par ruse et stratagème. Aussi contre ces bêtes furieuses qui attaquent ainsi ouvertement, ce qu'il faut, ce n'est pas les chercher, mais les dompter. Il n'y a que ces petits renards, qui sont extraordinairement dissimulés, qu'il suffit de tirer au jour, car ils sont couchés dans des tanières, et de surprendre dans leurs finesses, parce qu'aussitôt qu'on les connaît, ils ne font plus de mal. C'est donc pour cette raison, qu'il est ordonné de prendre ces renards et qu'on les appelle petits. Ou bien ils sont nommés ainsi, pour que, observant soigneusement les vices dans leur naissance et dans leur commencement, vous les preniez pendant qu'ils sont encore petits, de peur que s'ils grandissent ils ne nuisent davantage et ne deviennent plus difficiles à prendre.

8. Si nous entendons ces paroles dans un sens allégorique en sorte que les Églises soient les vignes, et les renards les hérésies, ou plutôt. les hérétiques mêmes, le sens simple et naturel est donc qu'on doit prendre les hérétiques plutôt que les chasser. Mais qu'on les prenne non par les armes, mais par des raisonnements qui réfutent leurs erreurs, et que, pour eux, s'il se peut, on les réconcilie avec l'Église catholique, et qu'on les ramène à la vraie foi. Car telle est la volonté de celui qui veut que tous les hommes soient sauvés, et viennent à la connaissance de la vérité (1Tm 21,3). Il témoigne bien que c'est, en effet, là sa volonté, puisqu'il ne dit pas simplement, prenez les renards, mais «prenez-nous les petits renards.» Il veut donc qu'on les prenne pour lui et pour son Épouse, c'est-à-dire pour l'Église catholique, lorsqu'il dit, prenez-les-nous. C'est pourquoi lorsqu'un catholique instruit et versé dans ces matières, entreprend de disputer contre un hérétique, il doit se proposer en le réfutant de le convertir, et se rappeler cette parole de l'apôtre saint Jacques; que «celui qui retirera le pécheur de l'erreur où il est engagé, délivrera son âme de la mort et couvrira la multitude de ses péchés ().» S'il ne veut pas revenir, et si après le premier et le second avertissement, on ne le peut réduire, parce qu'il est entièrement perverti, il faudra fuir sa compagnie selon le commandement de l'Apôtre (Tt 3,10). Et il vaudra mieux, comme je crois, le chasser, ou le lier que le laisser ravager les vignes.

9. Toutefois que celui qui a vaincu et convaincu un hérétique, réfuté ses hérésies, distingué clairement et nettement la vérité d'avec la vraisemblance, montré par des raisons évidentes et irréfragables que ses dogmes sont corrompus. et enfin réduit au silence un esprit opiniâtre, qui s'élève contre la science de Dieu ne croie point n'avoir pas bien fait. Il n'a pas laissé de prendre le renard, quoique ce ne soit pas pour son salut, il a pris pour l'Epoux et pour l'Épouse mais d'une autre manière. Car si cet hérétique n'est pas sorti de sa fange, l'Église pourtant se trouve par, là confirmée dans la foi; or l'Époux se réjouit du progrès de l'Épouse, parce que la voix du Seigneur est notre force Esd 2,18), et il prend part à nos avantages, puisqu'il daigne s'associer à nous avec tant de bonté en commandant qu'on prenne les renards, non pour lui seul, mais pour nous avec lui. «Prenez-nous, dit-il, les renards,» qu'y a-t-il de plus familier que cette parole? Ne vous semble-t-il pas qu'il parle là comme un père de famille, qui ne veut rien avoir en propre, mais qui possède tout en commun avec sa femme, ses enfants et ses domestiques? Or celui qui parle ainsi est un Dieu, quoiqu'il ne parle pas comme Dieu, mais comme Époux.

10. «Prenez-nous les renards.» Voyez-vous combien est sociable en ses paroles celui qui n'a point d'associé en sa gloire? Il pouvait dire: Prenez-moi, mais il a mieux aimé dire, prenez-nous, afin de nous avoir pour compagnons dans cette capture. O douceur, ô grâce, ô force, de l'amour! Est-il possible que le souverain de tout soit devenu l'un d'entre tous? Qui a fait cela? L'amour, qui ignore ce que c'est que rang et dignité, qui est riche en bonté, puissant en affection, efficace en persuasion: Qu'y a-t-il de plus violent que l'amour? Il triomphe de Dieu même. Mais qu'y a-t-il aussi de plus doux? Etrange merveille, je vous prie, il est violent pour la victoire, et il est doux pour la violence qu'on lui fait. «Car il s'est anéanti soi-même (Ph 2,7),» afin que vous sussiez que c'est un effet de son amour, si sa plénitude s'est répandue, si sa grandeur s'est abaissée, si sa singularité s'est associée. Avec qui, ô admirable Époux, avez-vous un commerce si étroit et si familier: «Prenez-nous ces renards,» dites-vous. Pour qui avec vous? Est-ce pour l'Église des Gentils? Elle est composée d'hommes mortels et pécheurs. Nous savons qui elle est, mais vous, qui êtes-vous, pour être si amoureux et si passionné de cette Ethyopienne(Nb 12,1)? Voue n'êtes pas un autre Moise, vous êtes plus que Moise. N'êtes-vous pas celui qui surpasse en beauté tous les enfants des hommes (Ps 45,3)? J'ai trop peu dit. Vous êtes la lumière de la vie éternelle (He 1,3), la splendeur et la figure de la substance de Dieu (Rm 9,5). Enfin vous êtes un Dieu élevé au dessus de toutes choses, et béni dans tous les siècles. Ainsi soit-il.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON. POUR LE LXIV SERMON sur le Cantique n. 8.

291. Je dis donc qu'on doit les prendre, mais non point par les armes. C'est aussi l'avis de saint Augustin dans sa lettre CXXVII. Ad Donat «Nous voulons. dit-il, corriger, non pas tirer les donatistes; sans vouloir négliger d'user à leur égard de la discipline, comme ils le méritent, pourtant notre pensée n'est point de leur faire souffrir les supplices même qu'ils ont mérités. Réprimez donc leurs péchés, mais faites-le sans anéantir ceux qui doivent se repentir d'avoir péché, etc.» Le même père, dans ses lettres CLVIII, CLIV et CLX, aux préfets Marcellin et Apringins, les exhorte à punir les hérétiques, sans aller toutefois jusqu'à les frapper de mort, car ils ne doivent point oublier la vertu chrétienne de la douceur. Cependant dans la lettre XLVIII à Vincent, il montre, par de nombreux exemples, que les hérétiques ont été ramenés à la foi catholique par la crainte et par la vigueur des lois. Toutefois, il déclare que, quant à lui, il n'a pas toujours été de l'opinion qu'on dùt traiter les hérétiques avec rigueur, mais plutôt qu'on devait les persuader par la prédication. Cependant l'exemple et le sentiment des autres lui ont fait changer de manière de voir, et penser qu'on pouvait légitimement recourir aux lois, aux armes du pouvoir civil contre les hérétiques, à condition pourtant, qu'on ne le fasse que dans l'intention de les amener à résipiscence. Il s'appuie, pour soutenir cette opinion, sur la comparaison parfaitement juste d'un fou qui court se jeter dans un précipice, à qui on rend un véritable service en lui liant les pieds et les mains, et il confirme son dire par le fait d'un grand nombre de Circumcellionsramenés ainsi à l'Église. «Or, dit-il, jamais ils ne seraient revenus à de meilleurs sentiments sans ces lois qui vous déplaisent tant (il s'adressait à Vincent Rogatien), et par lesquelles ils ont été liés comme de vrais frénétiques qu'on garrotte.» Et plus loin il Continue: «Voilà donc les exemples qui m'ont fait revenir à l'avis de mes collègues. Car, pour moi, dans le principe, ma pensée était qu'on ne devait ramener personne de force à l'unité du Christ, qu'on ne devait procéder contre eux que parla parole, les combattre que par la discussion, les vaincre que par la raison, si on ne voulait point avoir dès chrétiens feignant d'être chrétiens, quand nous savons qu'au fond de l'âme ils sont, hérétiques. Telle était mon opinion, mais elle dut céder, sinon aux raisons, du moins aux nombreux exemples qui m'étaient apportés pour la combattre. En effet, an premier rang, on m'opposait ma propre ville épiscopale, qui, après 'avoir été tout entière dévouée aux erreurs de Dona;, revint à la vraie foi sous l'impression de la crainte que lui inspiraient les lois des empereurs. Or elle déteste maintenant votre erreur au point de faire douter qu'elle l'ait jamais partagée, etc.» Il nous apprend. par deux mots, dans la même lettre, pour quelle raison il voulait qu'on ajoutât la crainte et la violence à la force de la doctrine. «C'est que si on les instruit sans les forcer à entrer, il arrivera que, endurcis dans leur vieilles habitudes, ils n'en rentreront que plus difficilement encore dans les voies du salut.» Telle fut la doctrine de saint Augustin dont notre saint ne s'éloigne ordinairement pas. Aussi, dans son sermon LXVI, sur le Cantique n. 42, s'exprime-t-il ainsi: «Il faut non pas imposer mais persuader la foi Quoique, après tout, on me saurait douter qu'il vaut mieux encore contraindre les hérétiques par le glaive de celui qui ne l'a point reçu en vain, que de les laisse. dans leur erreur.» Par-là on voit qu'il n'est pas difficile de concilier les opinions différentes qu'ont eues les saints sur ce sujet. Ainsi on doit procéder par la douceur à l'égard de ceux dont la conversion semble facile; ceux-là, mieux vaut les éclairer que les contraindre. Mais pour ceux qui s'efforcent de répandre le venin de la perfidie dans le cour des autres, il faut les arrêter par la sévérité des lois. (Note de Horstius. )


SERMON LXV.

65 Hérétiques clandestins: saint Bernard signale leurs principes religieux, leur soin de cacher leurs mystères et leur scandaleux commerce avec les femmes.

1. Je vous ai déjà fait deux sermons sur le même verset. J'ai dessein de vous en faire encore un troisième, si vous ne vous ennuyez point de l'entendre. Et je pense même qu'il est nécessaire que je le fasse, car, pour ce qui regarde notre vigne domestique, qui n'est autre que vous, mes frères, je crois que dans les deux discours précédents, je l'ai assez prémunie contre les embûches de trois sortes de renards, je veux dire des flatteurs, des médisants, et de quelques esprits séducteurs, qui sont savants et accoutumés à présenter le mal couvert des apparences du bien. Mais il n'en va pas ainsi de la vigne du Seigneur; je veux dire de cette vigne qui a empli toute la terre, et dont nous faisons partie; cette vigne si grande, plantée de la main du Seigneur rachetée de son sang, arrosée de sa parole, provignée par sa grâce, rendue féconde par son esprit. Si j'ai songé à ce qui nous appartenait en propre, je n'ai encore rien dit qui pût servir à futilité commune et générale. Or, ce qui m'émeut davantage pour elle, c'est que j'en vois beaucoup qui la ravagent, et peu qui la défendent, et que sa défense même est difficile. Et ce qui cause cette difficulté, c'est que ses ennemis se cachent. Car l'Église ayant toujours eu des renards, même dès son commencement, elle les a bientôt trouvés et pris. Un hérétique combattait ouvertement; car un hérétique est principalement appelé ainsi, parce qu'il désire vaincre publiquement,» et il succombait. Ces renards étaient donc aisés à prendre; ce n'est pas qu'il n'y en eût qui demeurassent rebelles à la lumière dé la vérité, mais on les attachait seuls dehors et ils séchaient. On croyait avoir pris le renard, lorsqu'on avait condamné l'impiété, et mis l'impie dehors, où il vivait seulement pour la montre, sans pouvoir porter de fruits. De sorte que, selon la parole d'un prophète, elle avait les mamelles sèches, et le ventre stérile (
Os 9,14); parce qu'une erreur réfutée publiquement ne repousse plus, et qu'une fausseté découverte ne germe plus.

2. Que ferons-nous pour prendre ces renards malicieux, qui aiment mieux nuire que vaincre, et qui ne veulent pas même paraître publiquement, mais qui rampent et se glissent par surprise? Tous les hérétiques se sont toujours proposé pour but d'acquérir de la gloire, par la singularité de leur doctrine. Mais il y a une hérésie ici, plus maligne et plus artificieuse que toutes les autres, car elle se repaît des pertes d'autrui, et néglige sa propre gloire. Je crois qu'elle s'est instruite par les exemples des anciennes hérésies, qui une fois découvertes, ne pouvaient plus échapper, mais étaient prises aussitôt. Par un sacrifice tout nouveau, elle opère habilement ses mystères d'iniquité, et elle le fait avec d'autant plus de licence, qu'elle agit d'une manière plus cachée. Ils se sont donné, comme l'on dit, rendez-vous dans les endroits écartés, et ils ont concerté ensemble de méchants discours. Jurez, parjurez-vous, se disent-ils l'un à l'autre, plutôt que de divulguer le secret. Autrement, ils ne veulent pas qu'on jure le moins du monde, à cause de ces mots du Sauveur dans l'Évangile; «Ne jurez point par le ciel, ni par la terre (Mt 5,34).» O gens stupides et insensés, âmes pharisiennes, vous rejetez un moucheron, et avalez un chameau. Il ne faut pas jurer, et il serait permis de se parjurer, comme si la permission de ce dernier n'emportait pas celle de l'autre. En quel endroit de l'Évangile trouvez-vous cette exception, vous qui n'en perdez pas un seul iota, comme vous vous en glorifiez faussement. N'est-il pas visible que ce n'est que par superstition que vous défendez les jurements, puisqu'en même temps, vous avez la hardiesse d'autoriser les parjures? 0 étrange perversité! Ce qui n'est conseillé que pour une plus grande perfection, je veux dire ne point jurer, ils l'observent avec autant de rigueur que si c'était un précepte, et ce qui est établi par une loi immuable, de ne se point parjurer, ils en dispensent à leur fantaisie, comme d'une chose indifférente, de peur qu'on ne publie leur secret. Comme s'il n'y allait pas de la gloire de Dieu de révéler les choses utiles. Est-ce qu'ils portent envie à sa gloire? Mais je crois plutôt que c'est qu'ils ont honte de découvrir des choses qu'ils savent bien être honteuses. Car on dit qu'ils font un secret des choses infâmes et abominables. Le dos des renards ne sent pas bon.

3. Mais je ne veux point parler des choses qu'ils nieraient. Qu'ils répondent seulement à celles qui sont manifestes. Est-ce que, suivant l'Évangile, ils ne veulent pas donner le Saint aux chiens, et les perles aux pourceaux? Mais n'est-ce pas confesser ouvertement qu'ils ne sont pas de l'Église, que de regarder comme des chiens et des pourceaux tous ceux qui sont de l'Église? Car ils croient que tous ceux, sans exception, qui ne sont point de leur secte, ne doivent point avoir part à ce dont ils font un mystère. Quelle que soit leur doctrine, ils né me répondent point, car ils craignent trop de se découvrir; néanmoins ils n'échapperont pas. Répondez-moi donc, vous qui êtes plus sages qu'il ne faut, et plus fous qu'on ne saurait dire. Le secret que vous cachez est-il de Dieu, ou non? S'il est de Dieu, pourquoi ne le publiez vous pas pour sa gloire? Car il y va de la gloire de Dieu de révéler ce qui vient de lui. Et s'il ne l'est pas, pourquoi ajoutez-vous foi à ce qui n'est pas de Dieu, sinon parce que vous êtes un hérétique? Qu'ils découvrent donc un mystère qui vient de Dieu, pour la gloire de Dieu, ou qu'ils nient que ce soit un mystère de Dieu et qu'ils confessent qu'ils sont des hérétiques; ou du moins qu'ils se déclarent ouvertement ennemis de la gloire de Dieu, puisqu'ils ne veulent pas déclarer une chose qui serait si avantageuse à sa gloire. Car on ne peut aller contre ce que dit l'Écriture: «la gloire des Rois, c'est de cacher leur secret (a) et celle de Dieu de le révéler (Pr 25,2).» Si vous ne voulez pas le révéler, c'est que vous ne voulez pas glorifier Dieu. Mais peut-être ne recevrez-vous pas ce texte de l'Écriture. Je le crois, car les hérétiques font profession de ne suivre que l'Évangile, et d'être les seuls qui le suivent. Qu'ils répondent donc à l'Évangile: «Ce que je vous dis dans les ténèbres, dit Jésus-Christ, dites-le en plein jour, et ce que je vous dis à l'oreille, prêchez-le sur les toits (Mt 10,27).» Il ne vous est plus permis maintenant de vous taire. Jusques à quand tiendrez-vous caché ce que Dieu commande de publier? Jusques à quand votre Evangile sera-t-il caché? Sans doute votre Evangile n'est pas celui de saint Paul, car il déclare que le sien n'est point caché: «Mon Evangile, dit-il, n'est point secret, et il ne l'est que pour ceux qui se perdent (2Co 4,3).» Prenez garde qu'il n'ait entendu parler de vous qui tenez votre Evangile secret, n'est-il pas évident que vous vous perdez? Mais peut-être ne recevrez-vous pas non plus les Epîtres de saint Paul? Je l'ai ouï dire de quelques-uns d'entre vous. Car vous ne vous accordez pas en toutes choses, bien que vous nous soyez tous contraires.

a Dans la Vulgate telle que nous l'avons maintenant, c'est le contraire; on lit, en effet, au chapitre 25, verset 2, des Proverbes Pr 25,2: «La gloire de Dieu est de cacher sa parole, et celle des rois, de l'étendre.» La version des Septante favorise le sens donné par la vulgate. Voir les notes de Horstius.

4. Mais enfin vous recevez tous, si je ne me trompe, avec la même déférence que l'Évangile, les paroles, les écrits, et les traditions de ceux qui ont conversé corporellement avec le Sauveur. Cependant, ont-ils tenu leur Evangile secret? Ont-ils caché les faiblesses de la chair de Dieu même, l'horreur de sa mort, l'ignominie de sa croix? Tant s'en faut, ils ont publié ces choses par toute la terre. Où est cette vie et cette conduite apostoliques dont vous vous vantez tant? Ils crient, et vous, vous murmurez tout bas. Ils parlent en public, et vous, en cachette. Ils volent comme des nuées (Is 60,8), et vous, vous vous cachez dans les ténèbres, et sous terre. En quoi leur ressemblez vous Est-ce en ce que vous ne menez pas des femmes avec vous? mais vous vous enfermez avec elles. Or, il n'y a pas tant lieu à concevoir des soupçons contre ceux qui se font accompagner par des femmes, que contre ceux qui demeurent avec elles. Mais qui peut rien soupçonner de fâcheux de ceux qui ressuscitaient les morts? Faites de semblables miracles, et quand je verrai une femme coucher avec vous, je croirai que c'est un homme. Autrement n'êtes-vous pas téméraires de vouloir usurper les privilèges de ceux dont vous n'imitez pas la sainteté? Être toujours avec une femme, et n'en point user, n'est-ce pas un plus grand miracle que de ressusciter les morts? Vous ne pouvez faire ce qui est moins, et vous voulez que je croie de vous ce qui est plus. Vous êtes tous les jours assis à table à côté d'une jeune fille; votre lit est dans la même chambre que le sien; vos yeux sont attachés sur ses yeux durant la conversation, vos mains touchent ses mains durant le travail, et vous voulez qu'on vous estime continent? Quand vous le seriez, en effet, vous me donneriez lieu de croire que vous ne l'êtes pas. Vous m'êtes un sujet de scandale. Otez la cause du scandale, si vous voulez passer pour un véritable sectateur de l'Evangile, comme vous vous en vantez si fort. L'Evangile ne condamne-t-il pas celui qui scandalise une seule personne de l'Eglise? Et vous, vous scandalisez toute l'Eglise. Vous êtes un renard qui ravagez la vigne du Seigneur. Aidez-moi, mes frères, à le prendre. Ou plutôt, ô saints anges, prenez-le pour nous. Il est extrêmement adroit, il est couvert de sa malice et de son impiété. Il est si petit, et si subtil, qu'il échappe aisément aux yeux des hommes. Mais se dérobera-t-il aussi aux vôtres? C'est à vous que cette parole s'adresse comme aux compagnons de l'Epoux: «Prenez-nous les petits renards.» Faites donc ce qu'on vous commande; prenez-nous ce renard si artificieux, que nous poursuivons en vain depuis si longtemps déjà. Enseignez-nous, et suggérez-nous le moyen de découvrir ses fourberies. Car c'est là prendre le renard, parce qu'un faux catholique nuit bien plus qu'un hérétique découvert et reconnu tel. (a) Or, il n'appartient point à l'homme de savoir ce qui se passe dans l'homme, à moins qu'il ne soit éclairé par l'esprit de Dieu, ou instruit par l'entremise des anges. Quelle marque donnerez-vous pour faire connaître à tout le monde cette hérésie pernicieuse qui sait si bien déguiser non-seulement ses paroles , mais aussi sa conduite.

a Plusieurs manuscrits donnent une leçon plus simple de ce passage, et font dire à saint Bernard: «qu'un vrai hérétique.» Les premières éditions des oeuvres de notre Saint, et plusieurs autres manuscrits, ont préféré la version que nous donnons.

5. Et certes le dégât fait dans la vigne, et qui est encore tout frais, fait voir que le renard y a pénétré. Mais je ne sais par quelle adresse cet animal rusé confond tellement les traces de ses pas qu'il n'y a presque pas moyen de voir par où il entre, ni par où il sort. On voit bien son oeuvre, mais on n'en voit point l'auteur, tant il a soin de déguiser les apparences. Si vous l'interrogez sur sa foi, il n'y a rien de plus chrétien. Sa conduite parait irrépréhensible, et il semble justifier ses discours par ses actions. On le voit, pour témoigner sa foi, fréquenter l'Eglise, honorer les prêtres, offrir des présents à l'autel, se confesser, participer à tous les sacrements. Qu'y a-t-il de plus catholique? Quant à ce qui concerne les moeurs, il ne trompe personne, il ne s'élève au dessus de personne, il ne frappe personne. De plus, son visage est pâle de jeûnes, il ne mange point son pain dans l'oisiveté, il travaille de ses mains pour gagner sa vie. Où est maintenant le renard? Nous le tenions, comment s'est-il échappé de nos mains?


Comment a-t-il disparu si vite? Poursuivons-le, cherchons-le, nous le reconnaîtrons à ses fruits. Car le ravage causé dans les vignes est une preuve certaine que le renard a passé par-là. Les femmes quittent leurs maris, et les maris leurs femmes, pour les suivre. Les clercs et les prêtres, tant jeunes que vieux, abandonnent leurs peuples et leurs églises, et on les trouve parmi ceux qui s'appliquent à faire quelque métier. Ne sont-ce pas là de grands ravages? N'est-ce pas l'oeuvre des renards?

6. Mais peut-être tous ne font-ils pas des choses si manifestes; ou s'ils en font, peut-être est-il bon de le prouver. Comment prendrons-nous ceux-là? Retournons au commerce et aux rapports qu'ils ont avec les femmes. Car il n'y en a pas parmi eux qui soit exempts de ce désordre. Je demande à l'un d'eux, quel qu'il soit: Dites-moi, vous qui faites l'homme de bien, quelle est cette femme qui est chez vous, et où l'avez-vous prise? Est-ce votre femme? Non, dira-t-il, car cela ne conviendrait pas au voeu que j'ai fait. C'est donc votre fille. Non. Quoi donc, est-ce votre soeur, votre nièce, quelques parente, ou quelque alliée! Nullement. Comment donc votre continence peut-elle être en sûreté avec elle? Cela ne vous est point permis. Si vous ne le savez, l'Église défend cette sorte de cohabitation à ceux qui ont fait voeu de chasteté (Concile de Nicée, Canon III). Si vous ne voulez scandaliser l'Église, renvoyez cette femme. Autrement cela seul fera croire de vous toutes les autres choses qui ne sont pas aussi visibles que celles-là.

7. Mais, dit-il, en quel lieu de l'Évangile me montrerez-vous que cela soit défendu? Vous en avez appelé à l'Évangile? Vous irez à'Évangile. Si vous voulez obéir à l'Évangile, vous ne ferez point de scandale, car il défend absolument de donner du scandale. Or vous en donnez en ne chassant pas cette femme, selon les ordonnances de l'Église. Auparavant vous étiez suspect, mais maintenant on jugera avec certitude que vous méprisez l'Évangile, et que vous êtes ennemi de l'Église. Qu'en pensez-vous, mes frères? S'il demeure dans son opiniâtreté, et qu'il n'obéisse ni à l'Évangile, ni à l'Église, y aura-t-il encore lieu d'hésiter? Ne vous semble-t-il pas que la fraude est découverte, et que le renard est pris? S'il n'éloigne point cette femme, il n'ôte point le scandale. S'il n'ôte point le scandale, le pouvant faire, il viole l'Évangile. Que doit faire l'Église, sinon de le chasser lui-même, puisqu'il ne veut point chasser la cause du scandale, de peur que, désobéissant à l'Évangile, elle ne devienne semblable à lui? Car l'Évangile lui commande de ne pas épargner même son oeil lorsqu'il le scandalise, ni sa main, ni son pied, mais de les arracher, de les retrancher, et de les jeter loin d'elle (Mt 5,29). «S'il n'obéit point à l'Église, dit le Sauveur, regardez-le comme un païen et comme un publicain (Mt 18,17).»

8. Avons-nous réussi à quelque chose? Je pense que oui, nous avons pris le renard, puisque nous avons découvert sa fraude. Les faux catholiques qui se cachaient pour détruire la vigne de l'Église, paraissent maintenant. Pendant que vous mangiez avec moi des mets délicieux, le corps et le sang de Jésus-Christ, lorsque nous vivions en bonne intelligence dans la maison du Seigneur, vous pouviez me persuader ou plutôt me séduire, selon cette parole du sage: «L'homme fourbe trompe son ami par de beaux discours (Pr 11,9).» Mais maintenant, suivant le sage conseil de saint Paul, je fuirai l'hérétique après l'avoir averti une et deux fois (Tt 3,10), sachant que celui qui est tel est entièrement perdu, et qu'ainsi je dois bien prendre garde qu'il ne me perde moi-même. C'est donc quelque chose, selon le sage, que les méchants soient pris dans leurs propres embûches (Pr 11,6), surtout ces méchants qui ont l'adresse de se servir de piéges au lieu d'armés. Car le combat et la lutte en champ clos, c'est ce qu'ils n'oseraient accepter, attendu que ce sont des gens méprisables, des rustres, des hommes sans lettres, et faibles au dernier point. Enfin ce sont des renards et de petits renards. Leurs erreurs mêmes ne sont ni soutenables, ni bien subtiles. Aussi neles persuadent-ils qu'à des femmes de la campagne, et à des ignorants, tels que tous ceux de cette secte que j'ai vus jusqu'ici. Car je ne me rappelle point, dans la quantité de dogmes qu'ils tiennent, leur avoir jamais rien entendu dire de nouveau et d'extraordinaire, or ce sont des choses communes, soutenues il y a longtemps par les anciens hérétiques, et ruinées mille fois par nos docteurs. Néanmoins il faut voir quelles sont ces inepties (a), tant celles dont ils sont tombés imprudemment d'accord dans les différentes disputes qu'ils ont eues contre les catholiques, que celles qu'ils ont laissé échapper eux-mêmes, sans y prendre garde, dans les différends qu'ils ont eus entre eux où celles mêmes qu'ont découvertes quelques-uns d'entre eux qui sont retournés à l'Église; ce n'est pas que j'aie l'intention de répondre à toutes, ce n'est pas nécessaire, mais seulement afin qu'on les connaisse. Mais ce sera le sujet d'un autre discours pour la louange et pour la gloire de l'époux de l'Église, Jésus-Christ Notre Seigneur qui, étant Dieu par des sus toutes choses, est béni dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

a Saint Bernard traite de même «d'inepties,» les erreurs d'Abélard, dans la lettre CLXX, n. 1. Il emploie le même mot «ineptie» dans le même sens dans le sermon suivant n. 4. L'Église de Lyon a fait usage du même terme dans son livre contre les inepties et contre les erreurs de Jean Scott.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON.
POUR LE LXVe SERMON SUR LE Cantique n. 3.

292. La gloire des rois est de cacher leur parole, etc. Saint Grégoire le, Grand a entendu ces mots dans le même sens, dans son livre I sur Ézéchiel, homélie 6, au commencement. Or, aujourd'hui nous lisons tout le contraire dans notre Vulgate; il y a cri effet: «La gloire de Dieu est de cacher sa parole, et celle des rois d'étudier leur conduite (Pr 5,2).» Aussi Cornelius à Lapide dit-il, que saint Grégoire a fait là une lourde faute, et en conséquence, non-seulement il corrige ce passage de l'Écriture, mais même, si je ne me trompe, il change les paroles, la pensée et le but de saint Grégoire. En effet, dans cet endroit, saint Grégoire se proposait de nous convaincre que si dans ces paroles du Prophète, se cadraient des mystères d'une grande obscurité, cependant, comme il y va de la gloire de Dieu que nous les recherchions, que nous découvrions le sens mystérieux de ses paroles, c'est à quoi nous devons employer tons nos efforts, etc. Il est évident que c'est dans le même sens que saint Bernard cite ces paroles. Notre remarque n'a pas pour but de critiquer la leçon originale du texte, mais de montrer comment les Pères l'ont lue, selon que leurs citations diffèrent du texte de notre Vulgate. Qui s'imaginera qu'on doive les corriger tous sur la Vulgate? Disons en passant que cette parole de l'ange Raphaël aux deux Tobie «car il est bon de tenir caché le secret d'un roi, mais il y a de l'honneur à découvrir et à publier les oeuvres de Dieu (Tb 12,7),» convient parfaitement à la pensée de Salomon, selon la leçon des Pères. D'ailleurs ce n'est point notre affaire mais celle des interprètes, de concilier la pensée des Pères avec le proverbe de Salomon; pour nous, nous avons autre chose à faire pour le moment. (Note de Horstius).



Bernard sur Cant. 64