Bernard, Lettres 274

LETTRE CCLXXIV. A HUGUES, ABBÉ DE TROIS-FONTAINES, PENDANT SON SÉJOUR A ROME.


L'an 1151

Saint Bernard témoigne tout son regret d'avoir recommandé le neveu de l'évêque d'Autan: il désapprouve celui-ci d'avoir donné la prévôté à son parent.

Je suis au regret d'avoir écrit pour le jeune homme dont il s'agit et je voudrais qu'on pût révoquer la grâce que j'ai sollicitée pour lui; car en écrivant en sa faveur j'ai donné lieu de croire que j'approuvais ce que son oncle (Hugues évêque d'Auxerre) a fait quand il a eu le tort de le nommer prévôt; tandis qu'il n'en est absolument rien, quelque affection que j'aie pour lui; cédant à l'étroite, amitié qui me liait à l'oncle, je me suis laissé aller à écrire en faveur du neveu, mais j'avoue qu'en ce cas mon affection m'a entraîné trop loin et n'était pas assez épurée de tout sentiment terrestre; d'ailleurs je me trouvais sous le coup de la perte que je venais de faire de cet ami, et le chagrin m'a porté à agir avec trop peu de réflexion. Je passerai peut-être dans l'esprit du Pape pour un homme léger, mais j'aime mieux risquer de perdre son estime par l'aveu de l'indiscrète précipitation avec laquelle je lui ai écrit, que d'offenser Dieu par le moindre mensonge. Au reste, ma lettre était aussi discrète et réservée que possible sur le chapitre de la prévôté, je n'en dis pas un mot au Pape, parce que je me rappelais fort bien que ses deus prédécesseurs en avaient autrement disposé et avaient confirmé ce qui fut réglé touchant cette dignité par un privilège spécial qu'il serait bien que vous pussiez rétablir et faire observer. Je voudrais qu'il pût laver la mémoire de ce saint évêque. de la tache dont la chair et le sang l'ont souillée et qu'il procurât quelque autre bien à ce jeune homme.




LETTRE CCLXXV. AU PAPE EUGÈNE, SUR L'ÉLECTION D'UN ÉVÊQUE D'AUXERRE.



L'an 1151



Saint Bernard informe le Pape de la mauvaise foi qui avait présidé à l'élection d'un évêque d'Auxerre.


Lorsque je vous écrivis pour l'Église d'Auxerre, j'ignorais qu'après la première élection dont j'avais eu connaissance on en avait fait une seconde, de sorte que les craintes que je vous témoignais étaient comme une prophétie que l'événement est venu justifier, car ce que j'appréhendais est arrive. Veuillez vous rappeler comment les choses se sont passées à Nevers (a), et vous verrez qu'il en a été de même en cette circonstance; c'est par le même artifice et, dit-on, par la même personne que les intrigants ont réussi à faire faire une seconde élection pour écarter les deux premiers élus et leur substituer une créature de leur choix. Ils m'ont fait engager à écrire en leur faveur, mais j'ai voulu auparavant m'assurer des faits avec certitude et j'ai envoyé sur les lieux mêmes un religieux de confiance pour se renseigner exactement sur la manière dont les deux élections se sont faites. Il se présenta à L'église, et après avoir pris avec le plus grand soin toutes les informations possibles, il apprit de tous les témoins qu'il put réunir, qu'il n'y avait pour la seconde élection qu'un seul prêtre, le frère du religieux Geoffroy b, nommé Hugues, un seul diacre nommé Etienne, et de tout le reste du personnel de l'église, que les chefs de la cabale, le chantre, l'archidiacre et le trésorier; encore n'est-il pas bien certain que celui-ci fût du nombre, attendu qu'il était absent. Au contraire, le premier élu avait réuni les suffrages non-seulement de tout le clergé inférieur, mais de neuf diacres et de onze prêtres: l'archiprêtre, qui faisait le douzième, s'il n'était neutre, penchait plutôt pour la première élection, tout en protestant qu'il n'avait souscrit encore ni à l'une ni à l'autre. Le prêtre Hugues, dont j'ai parlé plus haut, était chargé de la garde du sceau de l'église c; mais, agissant en homme de parti plutôt qu'en homme de paix, il le livra à ceux de sa faction sans tenir aucun compte de ce que son devoir exigeait qu'il fit. Voilà comment toute cette affaire s'est passée. De là je conclus, avec ma liberté ordinaire, qu'on doit empêcher que le méchant ne puisse se féliciter de sa malice, que le sage n'ait à rougir de s'être laissé tromper et qu'une Eglise demeure plus longtemps en suspens.



a Saint Bernard s'exprime de même à 'a fin de la lettre suivante: c'est nue allusion aux troubles qui ont signalé l'élection de Raymond à l'évêché de Nevers. Voir la lettre deux cent quarante-cinquième.b Qui semble avoir été le candidat de l'opposition; mais l'élection d'Alain, qui avait été abbé du monastère de Larivour, situé dans le diocèse de Troyes, finit par prévaloir. Alain a fait un abrégé de la vie de saint Bernard. Dans les Actes des évêques d'Auxerre on lit que l'évêché demeura vacant pendant une année entière. Voir les lettres deux cent quatre-vingtième et deux cent quatre-vingt-deuxième avec leurs notes.c Il semble d'après cela qua cette époque l'Eglise d'Auxerre avait déjà un sceau distinct de celui de l'évêque.



LETTRE CCLXXVI. AU MÊME PAPE, APRÈS LA MORT DE L'ÉVÊQUE D'AUXERRE.



L'an 1151


Saint Bernard informe le souverain Pontife que le diacre Etienne a fait faire à l'évêque d'Auxerre un testament impie et scandaleux qu'il l'engage à casser.


1. C'est encore moi avec mes avis que je n'aurais pas manqué de vous suggérer plus tôt si j'avais connu plus tôt ce que je ne fais que d'apprendre à l'instant. Un homme s'est trouvé qui a fait faillir Israël, c'est-à-dire, un saint évêque (a), en le laissant mourir presque intestat après l'avoir vu tout troublé des approches de la mort, et même on pourrait dire aux prises avec elle. Après avoir légué fort peu de chose, presque rien, aux pauvres et aux églises, il fit légataire de presque tous les biens de la mense épiscopale, aux suggestions et sur les instances du diacre Etienne, un de ses neveux, un tout jeune homme du monde incapable de servir l'Eglise. Il lui laissa, dit-on, les revenus de sept églises, les dîmes et les prés situés dans une forêt dépendante de l'évêché, sans compter, ce qui met le comble au scandale, tout l'or qu'il possédait, ses écuries, et même celles du monastère, parce que les siennes ne pouvaient suffire an voyage de Rome qu'il doit entreprendre pour aller vous demander de vouloir bien ratifier ce testament. Plusieurs personnes pensent que l'évêque est mort sans savoir qu'il avait fait toutes ces donations; c'est le diacre Etienne qui aurait fait ces legs comme il l'entendait et aurait ensuite apposé le sceau de l'évêque au bas du testament; cela paraît d'autant plus croyable, que l'an dernier, le fait est certain, comme ce prélat semblait être à la dernière extrémité, on lui fit faire à ce même neveu la donation d'une paroisse dont il ne put se rappeler, quand il eut recouvré la santé, qu'il avait disposé de la sorte. Quelle apparence d'ailleurs qu'un évêque si saint et si dégagé des choses de ce monde eût fait un pareil testament s'il avait eu encore conscience de ses actes et toute sa présence d'esprit? L'homme le plus mondain pourrait-il reconnaître dans cet acte la dernière volonté d'un prêtre, le fait d'un homme sage et détaché de la terre, qui juge tout et n'est lui-même jugé par personne? Ne serait-ce pas au contraire un prélat jugé de Dieu et des hommes, si son testament devait être maintenu tel qu'il est?

a II se nommait Hugues; saint Bernard l'appelle un saint évêque dans son livre III de la Considération, n. 11. Horstius s'étend assez longuement dans ses notes sur le testament de cet évêque. On voit, dans les Actes des évêques d'Auxerre, chap. V, qu'il avait donné à son neveu le titre d'une prévôté dépendante de son chapitre.

2. Vous donc, serviteur de Dieu, vous qui avez en main le glaive de Pierre, retranchez cet opprobre de la religion et ce scandale de l'Eglise; en justifiant cet évêque du crime dont on charge sa mémoire, vous adoucirez la douleur amère que ressentent ses pieux amis, ceux qui l'aiment lion pas selon la chair, mais selon l'esprit, et vous calmerez en même temps celle dont votre coeur a dû être saisi. Nouveau Phinées, levez-vous, opposez-vous comme une barrière au mal, apaisez l'émotion, calmez l'agitation qui s'est produite. Oui, levez-vous comme un mur inexpugnable: les enfants de ce siècle vont tenter les derniers efforts et faire le siège de votre constance, qu'ils vous trouvent insensible aux intérêts de la chair et du sang; vous n'aurez pour l'oncle d'affection véritable qu'en vous montrant inflexible contre le neveu.

3. Au reste il faut que vous sachiez que deux personnes de piété, le doyen de Saint-Pierre d'Auxerre et le prieur de Saint-Eusèbe, se préparaient à vous aller trouver pour soutenir en leur propre nom et au nom de l'abbé de Saint-Laurent la première élection de. l'Eglise d'Auxerre, quand le parti opposé a eu recours à l'autorité du comte de Nevers (a) pour les empêcher de donner suite à leur projet. Ce prince les fit venir en sa présence, leur défendit de se mêler de cette affaire, et leur fit de grandes menaces pour les en détourner. L'abbé m'a envoyé le prieur de sa maison, qui est son propre frère, pour m'informer de toutes ces choses, et me prier, de concert avec le doyen, de vous en informer. Je vous le répète donc: souvenez-vous de ce qui s'est passé à Nevers. Vous savez que c'est quelquefois suivre la règle que de s'en écarter; aux yeux des personnes sages et prudentes, les deux clefs que vous avez reçues représentent, l'une le pouvoir discrétionnaire, et l'autre l'autorité régulière dont vous êtes investi.





NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON



LETTRE CCLXXVI.



187. Un saint évêque ..... Il se nommait Hugues et avait été abbé de Pontigny avant d'être évêque d'Auxerre. Il mourut le 10 octobre 1151. On peut voir l'histoire de sa conversion miraculeuse et de la sainteté de sa vie dans Henriquez, livre II des Fasci., distinct. 10, chap. XXVIII; dans le Ménologe, au 21 janvier, et dans la Vie de saint Bernard, livre 3, chap. III.



Saint Bernard, qui connaissait la sainte vie de ce prélat, se montre non moins surpris que contristé de voir qu'au moment de mourir, et quand il n'avait déjà presque plus conscience de ce qu'il faisait, il ait, d'après le conseil et les suggestions d'un certain Etienne, si peu donné aux pauvres et aux églises, qu'on aurait pu dire qu'il ne leur avait pour ainsi dire rien laissé, tandis qu'il léguait tous ses biens à son neveu, jeune séculier qui ne pouvait être utile à l'Eglise. Il est même peu éloigné de croire que le diacre Etienne ait tout fait à l'insu de cet évêque, aussi prie-t-il le Pape de faire acte de zèle et d'autorité pour réprimer une action aussi indigne. Est-il, en effet, rien de pire que de prendre le patrimoine de Jésus-Christ, lesbiens de l'Eglise et le trésor des pauvres pour les donner à des proches et à des amis charnels? Ce n'est, hélas! un mal que trop commun de nos jours, depuis que l'Eglise a cessé de casser, avec la même rigueur qu'autrefois, ces testaments impies que Dieu même semble frapper de sa réprobation en ne permettant pas que les héritages acquis de la sorte profitent à ceux qui les reçoivent ou parviennent à un troisième héritier. Peut-on d'ailleurs s tonner et gémir assez quand on voit que bien souvent les ecclésiastiques font preuve dans leurs testaments de beaucoup moins de piété et de religion que les laïques eux-mêmes? Il n'est pas rare en effet de voir ces derniers donner leurs biens aux pauvres et aux églises, taudis que les premiers les oublient dans leurs testaments, pour ne songer qu'à ceux qui leur sont unis par les liens de la chair et du sang. N'est-ce pas le contraire qui devrait avoir lieu?

Le saint concile de Trente les avertit en termes aussi graves que précis «de ne pas songer à enrichir leurs proches et leurs amis avec les revenus de l'Eglise, s'ils ne veulent aller contre les canons des Apôtres qui leur défendent de donner les biens des églises, qui ne sont autres que les biens de Dieu même, à leurs parents. Pourtant, s'ils ont des parents pauvres, ils pourront leur venir en aide comme ils le feraient pour tous autres pauvres; bien plus, le saint synode exhorte tous les ecclésiastiques à se dépouiller le plus possible de cette affection tout humaine qu'ils pourraient ressentir pour leurs frères, leurs neveux et leurs autres parents, comme étant une source abondante de maux pour l'Eglise.» Voir le concile de Trente, section 25, de la Réform., chap. I.

On pourrait faire voir, s'il en était besoin, comment les ecclésiastiques vraiment pieux, cardinaux, évêques et autres se sont montrés animés de cet esprit dans les temps anciens comme à des époques plus rapprochées de nous; ainsi, pour ne citer que des exemples récents, on vit saint Charles Borromée, cardinal-archevêque de Milan, qui avait plein pouvoir de tester, disposer de tous ses biens en oeuvres pies, et no laisser rien par testament aux membres de sa famille.

Voir la Vie de ce saint, par Charles de la Basil. de Saint-Pierre. On en dit autant des cardinaux Tolet et Bellarmin. Jean Molanus, théologien de l'université de Louvain, a écrit un excellent traité sur les dispositions testamentaires en faveur des oeuvres pies. Il fait la remarque, dans son chapitre 13, que saint Bernard a parlé des testaments dans plusieurs de ses lettres, notamment dans les soixante-quatrième, deux cent dix-huitième et deux cent soixante-seizième, et il prend occasion des paroles de notre Saint pour donner d'utiles conseils au sujet des testaments, et pour engager les testateurs à ne faire que des dispositions valides ou permises, et claires, en termes exempts de toute ambiguïté, après mûre réflexion et dans la pleine jouissance de toutes leurs facultés. Voici même en quels termes il s'exprime à propos des paroles de saint Bernard: «Par ce dernier exemple, les ecclésiastiques peuvent se convaincre qu'ils ne doivent pas attendre, pour faire connaître leurs dernières volontés, qu'affaiblis par le mal et les idées troublées par l'approche de la mort, ils soient hors d'état de faire autre chose que ce qu'il plaira à des amis charnels de leur suggérer, au lieu de suivre leurs propres pensées.»

Pour plus amples détails sur cette matière, voir nos Sept Trompettes de la discipline ecclésiastique, et principalement Salvien aux églises catholiques (Note de Horstius).




LETTRE CCLXXVII. AU MÊME PAPE, POUR L'ABBÉ DE CLUNY.



Saint Bernard prie le Pape d'accueillir cet abbé avec bienveillance et de le traiter avec honneur.



Je peux vous paraître extravagant en vous recommandant l'abbé de Cluny et en faisant comme si je voulais protéger un homme dont tout le monde recherche la protection. Aussi est-ce moins pour lui que pour moi que je vous écris, c'est une satisfaction de coeur que je me donne, je n'ai pas d'autre but en vous écrivant. Il me semble qu'au moyen de cette lettre je ne cesserai pas pendant tout le voyage d'être dans la société de celui que je ne puis suivre autrement, je défierai ainsi la chaîne élevée

a Guillaume IV. Il avait succédé en 1147 à son pire Guillaume 3, qui était entré chez les Chartreux. Voir la lettre deux cent quatre-vingtième, n. 3.

des Alpes, avec leurs neiges éternelles, et la distance des lieux, de nous séparer l'un de l'autre. Grâce à cette lettre) je me trouve en ce moment partout à ses côtés, il ne va nulle part sans moi; c'est une faveur dont je devrais lui savoir infiniment de gré, si ce n'était a présent pour mon coeur comme un besoin impérieux de le suivre, une sorte de nécessité qui me dispense de toute reconnaissance. Je vous prie d'honorer dans ce grand homme un des membres les plus honorables du corps de Jésus-Christ, un vrai vase d'honneur plein de grâce et de vérité et comblé de bonnes oeuvres. Renvoyez-le-nous ensuite aussi comblé de qu joie et de bonheur que son retour doit ici en faire goûter à une foule de personnes. Versez sur lui à profusion toutes les glaces dont il est digne, afin qu'il les répande sur nous en pareille abondance quand il nous reviendra. S'il vous demande quelque chose au nom du Seigneur Jésus, il ne saurait être exposé à essuyer un refus de votre part, car il faut que vous sachiez que sa main généreuse assiste les pauvres de notre ordre et leur fournit aussi largement que spontanément pour subsister tout ce qu'il peut prendre sur les biens de son abbaye sans donner lieu de murmurer aux religieux de sa maison. Je dis, au nom du Seigneur Jésus, et voici pourquoi: c'est que s'il venait à cous prier, comme j'ai des motifs pour le supposer et le craindre, de le décharger a de la conduite de son troupeau, il n'est personne qui s'imagine qu'il puisse demander une pareille chose au nom du Seigneur. Car je crois bien que depuis que vous l'avez vu, cet homme est devenu encore plus timoré et plus parfait. Vous savez d'ailleurs qu'à peine placé à la tête de son ordre il entreprit de le réformer en plusieurs points (b), particulièrement dans la pratique des jeûnes et du silence, et dans l'habitude de porter des habits d'étoffes précieuses et recherchées.


a Il est probable que Pierre le Vénérable songeait à se décharger de son abbaye pour se retirer auprès de saint Bernard, comme il le dit lui-même dans sa lettre, qui est la deux cent soixante-quatrième de la collection de celles de saint Bernard.b C'est ce qu'attestent ses remarquables statuts dans la bibliothèque de Cluny. Voir Orderic, livre 13, à l'année 1132.


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON



LETTRE CCLXXVII.



188. Pour l'abbé de Cluny, Pierre le Vénérable; il allait à Rome présenter ses hommages au pape Eugène, pour lequel saint Bernard lui donna cette lettre de recommandation. Il parle ainsi lui-même de ce voyage dans le livre Il des Miracles, chap. XXV: «La première année du pontificat d'Eugène, je fis le voyage de Rome, tant pour présenter mes respects à ce pape que pour visiter notre commune mère, l'Eglise romaine» (liv. 6, lettre quarante-sixième). En écrivant à saint Bernard, il dit: «Je l'avais vu, - le pape Eugène, - la première année de son pontificat, quand j'allai à Rome.» Liv. 6, lettre quarante-quatrième). Pendant ce voyage, il fut pillé, comme il l'écrivit ensuite au pape Eugène, par le marquis Opizon, dont la troupe infestait alors l'Italie, et ne recouvra ce qu'on lui avait enlevé qu'avec l'assistance des habitants de Plaisance. Il lit un second voyage, en 1151, pour rendre une seconde fois visite au pape Eugène; il en recul, comme on le voit par une de ses lettres à saint Bernard (livre 6, lettre, quarante-sixième), un accueil on ne peut plus bienveillant, dont il se crut redevable à la bonne amitié de notre Saint (Note de Mabillon).




LETTRE CCLXXVIII. AU MÊME PAPE, POUR L'ÉVÊQUE DE BEAUVAIS.


c C'était Henri, frère de Louis le Jeune, qui devint plus tard archevêque de Reims. Voir les lettres deux cent soixante-neuf, trois cent cinquième et trois cent septième. Quand le roi Louis, son frère, l'eut fait entrer dans les ordres, le pape Honorius le traita comme son pupille, ainsi qu'on le voit par une lettre de ce Pontife, rapportée dans le tome III du Spicilège, page 150. Après cette lettre il s'en trouve une autre adressée au légat du saint Siège, dans laquelle le roi Louis demande pour son fils fleuri une prébende dépendante de l'église de Pontoise. Avant d'être évêque de Beauvais, il fut abbé de Sainte-Marie d'Etampes, puis archidiacre d'Orléans, comme on le voit dans le cartulaire de Saint-Martin-des-Champs.


Il n'est pas nécessaire de vous prouver que vous devez exaucer la prière de votre fils l'évêque de Beauvais; vos entrailles de père vous diront assez éloquemment qu'il n'est rien de plus convenable et de plus juste pourtant tant je ne puis m'empêcher de vous faire remarquer que ce jeune prélat mérite par sa piété et par le zèle qu'il déploie pour son Eglise, non-seulement vos louanges, mais encore votre appui. Dès qu'il se sentira soutenu par une main aussi puissante que la vôtre, il en deviendra encore plus pieux, plus fervent et plus fort au milieu des épreuves sans cesse renaissantes que les méchants suscitent à, son Eglise (a). Je vous prie aussi d'accorder au frère Arnoulphe de Blaïole la grâce qu'il vous demande, maître Guy que je vous envoie vous dira ce dont il s'agit. Il vous apprendra également, si vous daignez l'entendre, ce que l'abbesse du Paraclet (b) vous supplie de lui accorder si vous le trouvez bon.


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON


LETTRE CCLXXVIII.



189. Au milieu des épreuves sans cesse renouvelées que les méchants suscitent à son Eglise. Yves de Chartres s'exprime à peu près dans les mêmes termes en parlant de l'état de l'Eglise de Beauvais: «Cette église, dit-il dans sa lettre quatre-vingt-septième, depuis longtemps ne sait plus ce que c'est que d'avoir de bons pasteurs; aussi lui semble-t-il tout naturel de n'en avoir que de mauvais, et regarde-t-elle presque comme un crime d'en élire d'autres....»

Ce que l'abbesse du Paraclet... Héloïse, femme d'Abélard s'étant faite religieuse, elle devint abbesse d'un monastère de femmes situé à Argenteuil, sur la Seine, dans le diocèse de Paris.

En 1127, les religieux de l'abbaye de Saint-Denys, ayant prouvé.. par des titres fort anciens, que cette maison leur avait été donnée par Hermenrique et son épouse Numma, en reprirent possession après avoir cessé pendant bien longtemps de l'occuper.

Théodrade, fille de Charlemagne, avait réuni dans ce monastère des femmes qui en furent chassées plus tard pour avoir cessé de vivre en religieuses.

Quelque temps auparavant, Abélard avait obtenu de l'abbé de Saint-Denys la permission de se retirer dans une solitude des environs de Troyes, où il se construisit, avec de la paille, du foin et des roseaux, un oratoire qu'il dédia à la sainte Trinité, et qui reçut plus tard le nom de Paraclet, parce que son fondateur avait enfin trouvé là un peu de consolation après tous ses malheurs. Dans la suite il céda ce monastère à Héloïse (Note de Horstius).


CCXXXVII-CCXLILET. CCXLII-CCXLIVLET. CCXLIV-CCXLVIIILET. CCL-CCLIIILET. CCLIV-CCLVLET. CCLXXIV-CCLXXVIIILET. CCLXXIX-CCLXXXII

LET. CCCXXX-CCCXXXVIIILET. CCCXXXIX-CCCXLVLET. CCCXCII-CCCXCVIIILET. CDXXI-CDXXXILET. CDXXXII- CDXXXVIIILET. CDXXXIX-CDXLILET. LETTRE CCLXXIX. AU COMTE HENRI (c).

LETTRE CCLXXX. AU PAPE EUGÈNE, POUR L'AFFAIRE D'AUXERRE.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

LETTRE CCLXXXI. A BRUNO, ABBÉ DE CIARRAVALLE (c).

LETTRE CCLXXXII. AU ROI DE FRANCE LOUIS LE JEUNE, AU SUJET DE L'ÉLECTION DE L'ÉVÊQUE D'AUXERRE.




a Il en est parlé dans deux lettres d'Anselme au pape Urbain II; ce sont les trente-troisième et trente-quatrième du livre 2, et dans une d'Yves dont Horstius parle dans ses notes.b C'était Héloïse, connue aussi sous le nom d'Helwide, comme on peut le voir par deux lettres de Hugues Metellus, «A la vénérable Helwide, abbesse du Paraclet. Il n'est bruit parmi nous que de la supériorité dont vous faites preuve sur les personnes de votre sexe; vous les dépassez toutes dans l'art d'écrire en prose ou en vers, et, qui mieux est, dans la vie exempte de toute mollesse féminine que vous menez.....» Saint Bernard lui rendit plusieurs fois visite et daigna la justifier dans ses discours, comme on le voit dans la lettre cinquième d'Abélard. Voir aux notes de la fin du volume ce que Horstiusdit d'Héloïse et de l'abbaye du Paraclet, située dans le diocèse de Troyes.




LETTRE CCLXXIX. AU COMTE HENRI (c).


c Fils deThibaut, comte de Champagne,et lui succéda en 1151.


Saint Bernard le prie de raire réparer le dommage que ses sujets avaient causé.

Le pieux abbé d de Châtillon m'a établi gardien, après Dieu, de tous ses biens, en partant pour Rome; or il est arrivé que des gens de Beaufort fort au service d'un certain Simon ont volé un troupeau de porcs qui lui appartiennent; j'aurais préféré, je l'avoue, qu'ils eussent pris les nôtres. Je vous prie de les lui faire rendre. Le Roi des rois vous a fait prince afin que vous fissiez servir votre pouvoir à protéger les gens de bien, à réprimer les méchants, à défendre les pauvres et à rendre la justice aux opprimés. Voilà quel est votre devoir en qualité de prince. Si vous le remplissez, vous avez lieu d'espérer que Dieu étendra et fortifiera votre domination. Si au contraire vous négligez de l'accomplir, il est à craindre pour vous que Dieu vous fasse descendre du rang que vous occupez et vous dépouille du pouvoir que vous avez reçu. Fasse le ciel qu'il n'en soit jamais ainsi!


d C'était Baudouin., le même que celui à qui est adressée la lettre quatre cent unième, et que la quatre cent deuxième nous montre évêque de Noyon. L'abbaye de Châtillon dont il est question est celle des chanoines réguliers de Saint-Augustin de Châtillon-sur-Seine, diocèse de Langres, où saint Bernard apprit les premiers éléments des lettres et qu'il fit devenir régulière de séculière qu'elle était auparavant. Voir la Vie de saint Bernard, livre I, chap. Ier, n. 3, C'est à tort que plusieurs auteurs out cru qu'il s'agissait ici d'un autre Châtillon, situé en Neustrie; en effet, le monastère dont Baudouin était abbé se trouvait à peu de distance de Clairvaux, puisqu'en partant pour Rome cet abbé confie la garde de ses biens à saint Bernard; de plus, Beaufort, que le contexte de la lettre de saint Bernard nous présente comme peu éloigné de Châtillon, est situé sur la Voire, qui se jette dans l'Aube au-dessous de Clairvaux et de Bar-sur-Aube. Enfin dans les plus anciens titres de l'abbaye de Châtillon-sur-Seine, de même que dans la liste de ses abbés, on voit que le successeur d'Aldon, premier abbé de Châtillon, est Baudouin, second abbé de ce monastère.



LETTRE CCLXXX. AU PAPE EUGÈNE, POUR L'AFFAIRE D'AUXERRE.



Vers l'an 1152



Saint Bernard, que le souverain Pontife avait chargé de notifier sa sentence dans l'affaire de l'élection de l'évêque d'Auxerre, se plaint du peu de cas qu'il en fait.



1. Vous faites bien pour consoler mes ennuis et soutenir ma faiblesse de ne pas vous lasser de m'écouter favorablement pendant le peu de jours que j'ai encore à passer sur la terre; oui, vous faites bien d'agir de la sorte et de me traiter sinon comme je le mérite, du moins comme il vous sied de le faire. Je me donnerai bien de garde d'abuser de votre extrême bonté en la faisant servir à mes propres vues, et je me sens dans la disposition de recevoir avec la même égalité d'âme vos refus ou vos grâces selon qu'il vous plaira. Sans doute, comme tout le monde, j'aime bien qu'on abonde dans mon sens, mais je. serais bien fâché que ce fût au détriment de la justice et de la vérité ou en opposition avec votre propre volonté. Je vous parle de la sorte afin que vous ne me croyiez ni insensible ni ingrat. A présent je prie Votre Sainteté de me permettre de lui exposer ce dont il est question. Tant qu'on n'attaque que moi, je ne trouve pas qu'il y ait lieu pour moi de m'en préoccuper beaucoup, le tort qu'on peut me faire est facile à réparer: d'ailleurs je ne connais rien de tel pour guérir les blessures de mon âme que les affronts et les injures, et je dois d'autant moins m'en émouvoir que mon néant ne mérite pas autre chose que cela. Mais lorsque les injures des méchants rejaillissent jusque sur l'oint du Seigneur, la patience m'échappe, je l'avoue, et je ne puis plus conserver mon calme habituel. Vous ai-je jamais demandé le pouvoir de gouverner les diocèses, de disposer des évêchés et de faire des évêques? Quel plaisant spectacle je donnerais! - Ce serait la fourmi attelée à un char. Vous avez confirmé l'élection d'un sujet si évidemment digne de la place qui lui est destinée, que ses adversaires mêmes ne trouvent rien à lui reprocher!

2. La résolution que vous avez prise a été signifiée à qui de droit et publiée où elle devait l'être; mais si nous en attendons encore aujourd'hui les heureux résultats, ne vous en prenez qu'à celui à qui vous vous en êtes rapporté pour cette affaire, la religion n'a pas de plus grand ennemi que lui, la raison le gêne et la justice l'épouvante; il a eu l'audace de trahir votre secret et de rendre votre décision illusoire, et n'a pas reculé à la pensée de se montrer tel qu'il est, en sacrifiant à son ambition le respect qu'il vous doit. J'ai eu le dessous, mais qu'importe? J'accepte cette humiliation que je ne dois qu'à mon zèle pour l'obéissance. J'ai bu le calice, mais l'amertume en passe jusqu'à vous, car il est évident qu'en blâmant votre arrêt ou plutôt en en altérant le sens, il s'attaque à plus haut que moi qui n'ai fait que le publier, c'est-à-dire à vous-même qui l'avez porté. Eh quoi! on rendra invalide l'élection d'une personne a en tous points irréprochable? De deux choses l'une: il faut que la décision dont vous m'avez fait porteur produise son effet, ou que je passe pour menteur aux yeux de tout le monde. Mais il vaut mieux pour vous et il est plus digne du successeur des Apôtres que celui qui a fait tout le mal ne puisse pas s'en glorifier.

3. Cependant on n'a pas laissé d'exécuter la plus grande partie de vos ordres. Des trois commissaires chargés de cette affaire, un seul a refusé de donner son consentement comme les deux autres, il ne vous reste donc qu'à parler pour y suppléer et vous ne risquez rien à le faire. Vous ne sauriez craindre en effet de scandaliser ceux dont le Seigneur a dit «Laissez-les, ce sont des aveugles et des conducteurs d'aveugles (Mt 15,14);» et pour le reste, tous les fidèles, la plus saine partie du clergé, le roi lui-même, enfin l'Église entière s'en réjouira. Vous avez déjà signalé votre vertu par une foule de bonnes oeuvres; mais je ne crois pas que vous puissiez en faire une plus glorieuse que celle-là. Je ne disconviens pas que les gens du parti opposé ont nommé plusieurs religieux, mais ce fut moins parce qu'ils étaient religieux que parce qu'ils devaient être impuissants à réprimer leur malice et à repousser leurs violences, leur vertu les touchait peu, mais leur faiblesse les rassurait. Le



a on ne sait si saint Bernard veut parler ici d'Alain ou de celui à qui Alain fut subssitué par une seconde élection, lequel était probablement de Regny, bourgade du diocèse d'Auxerre, s'il faut lui appliquer ce que saint Bernard dit un peu plus loin, au n. 4 de cette lettre. Begny est une abbaye de Cisterciens. Mais Alain était Belge de naissance, des environs de Lille. Voir aux notes de la fin du volume.



comte (a) de Nevers ne marche point sur les traces de son père, il s'est mis, en cette circonstance comme dans toutes les autres, du parti opposé au bien; il se jette sur les terres et les propriétés des églises comme un lion affamé sur sa proie, et aimerait mieux avoir un Juif ou un Mahométan que celui qu'on a élu pour évêque, parce que c'est le seul qui semble capable de découvrir sa mauvaise foi et de s'opposer à ses mauvais desseins. j'ai même appris d'un certain nombre d'ecclésiastiques que pour affaiblir le parti qui lui est contraire, il leur a imposé silence à force de menaces et de mauvais traitements.

4. En un mot, si l'on veut dans ce diocèse ruiner les maisons religieuses, exposer les églises au pillage, faire outrager la religion et réduire en servitude l'évêché mêmes dont les biens excitent la convoitise du comte, ii n'y a qu'à empêcher celui de Regny d'être évêque. Qu'est devenu ce zèle que vous avez déployé dans l'affaire d'Yorck? ne le verrons-nous point éclater en cette circonstance comme alors? Cet homme, à l'exemple de l'intrus d'Yorek, est venu à la cour, m'a-t-on dit, pour vous brouiller avec elle, et je ne doute pas qu'il ne mette tout en oeuvre pour y réussir. Permettez-moi de vous rappeler l'affaire de l'évêque de Lunden, puisqu'il n'y a plus de motifs pour en retarder la solution quelle qu'elle doive être. Je finis en ajoutant qu'il est de la plus glande importance pour l'honneur du saint Siège, du plus grand avantage pour le gouvernement de l'Eglise, et du plus grand intérêt pour la tranquillité de votre conscience, que vous ayez un chancelier (b) juste, vertueux et aimé de tout le monde, car il est fâcheux de publier un décret oit l'on puisse trouver à redire, mais il est honteux de le faire tel après y avoir longtemps réfléchi.


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON



LETTRE CCLXXX.



190. Eh quoi! on rendra invalide l'élection d'une personne. A la mort de Hugues, évêque d'Auxerre, en 1151, «le reste du clergé se mit en devoir de lui donner un successeur, comme c'est la coutume, dit saint Bernard, livre III de la Considération, chapitre II; mais un jeune homme interjeta cet appel, demandant qu'il ne fût pas procédé à l'élection avant qu'il eût eu le temps d'aller à Rome et d'en revenir; mais il ne tint lui-même aucun compte de son propre appel. Voyant qu'on se mettait peu en peine de sa personne et qu'on regardait son opposition comme déraisonnable, il réunit autour de lui le plus d'électeurs qu'il put (voir la lettre deux cent soixante-quinzième), et trois jours après que les autres eurent fait leur élection, il fit lui-même la sienne.»

En apprenant ce qui s'était passé, le pape Eugène remit l'élection à trois commissaires, comme on le voit dans cette lettre; saint Bernard en était un. S'étant mis d'accord avec un des deux autres commissaires sans pouvoir faire accepter leur candidat au troisième, il demande au pape Eugène de suppléer, par sa propre décision, à la voix qui leur manque pour être unanimes. On croit que l'élu fut Alain qui succéda en effet à Hugues. Voici en quels termes le livre des Sépulcres de Clairvaux parle de lui . «A droite de monseigneur Geoffroy, en son vivant évêque de Langres, faisant face au choeur, gitmonseigneur Alain, évêque d'Auxerre. Elevé dès son enfance dans un monastère d'une petite ville de France appelée Lille, il reçut l'habit à Clairvaux, des mains de saint Bernard. Plus tard il devint abbé de La Rivour; il gouverna ce monastère pendant douze ans et, avec l'aide de Dieu, il l'enrichit de toutes manières, tant en propriétés qu'en bons religieux ..... La dernière année de la vie de saint Bernard, il fut élu à l'unanimité évêque d'Auxerre, où il exerça l'hospitalité d'une manière admirable envers les religieux ..... Après treize ans d'épiscopat, il se démit de sa charge pastorale du consentement du souverain Pontife et revint à son cher Clairvaux, où il mourut le 14 octobre 118l.»

Quand on dit qu'il a été élu à l'unanimité, cela doit s'entendre en ce sens qu'il finit par réunir tous les suffrages, comme saint Bernard lui-même l'expose au roi Louis dans sa lettre deux cent quatre-vingtdeuxième (Note de Mabillon).

191. Le comte de Nevers ne marche point sur les traces de son père..... Saint Bernard parle ici de Guillaume 4, dont le père, Guillaume 3, fut un prince très-religieux et très-pieux. Hugues, moine d'Auxerre, parle ainsi de ce dernier: «En 1147, Guillaume, comte de Nevers, abandonne son comté et foule aux pieds les grandeurs du monde, pour se retirer chez les Chartreux, où il a le bonheur de terminer ses jours, dans l'exercice de l'humilité et de la pauvreté la plus grande, l'année même de, sa conversion.» (Note de Mabillon.)

192. Empêcher celui de Régny ou Réninghe. C'est sans doute par ironie que saint Bernard s'exprime ainsi, car il semble qu'il fait allusion, en cet endroit, à Alain, qu'il désigne parle nom de Réninghe, probablement parce qu'il était originaire de ce petit bourg situé sur I'Yper, en Belgique, car le surnom de Lille, qu'on trouve quelquefois ajouté à son nom, ne lui vient que de ce qu'il fut élevé dans cette ville, comme on peut le conclure d'un passage du livre des Sépulcres de Clairvaux, que nous avons cité plus haut, et dans lequel, sans parler du lieu de sa naissance, il est dit seulement: «Qu'il fut élevé, dès son enfance, dans un monastère d'une petite ville de France appelée Lille.»

Il ne semble pas qu'on doive tirer son nom de Régny, dont nous parlons à l'année 1128 de notre Chronologie; car, de Clairvaux, nous voyons qu'il alla à La Rivouren qualité d'abbé de ce monastère; il ne le quitta plus tard que pour monter sur le siège, d'Auxerre.

Il est vrai qu'on peut encore expliquer les choses autrement et dire que le candidat qui réunit le plus de voix dans la seconde élection pour l'évêché d'Auxerre, fut un religieux de Régny en faveur duquel saint Bernard se prononce dans sa lettre; mais cette élection étant encore contestée, il s'en fit une troisième, dans laquelle Alain eut tous les suffrages pour lui (Note de Mabillon).

a Guillaume 4, dont il est parlé dans la lettre deux cent soixante-quatre. Quoi qu'en dise saint Bernard, il n'en est pas moins certain que ce comte enrichit plusieurs églises de bénéfices; il restitua aussi au monastère de Vezelay les biens que son père en avait détournés; il donna de grandes propriétés foncières à l'abbaye de Pontigny; et entre autres monastères qui se ressentirent de ses largesses, on peut citer en particulier celui de Saint-Germain d'Auxerre où il a son tombeau dans le chapitre, bien qu'il n'eût demandé à être enterré que dans le cimetière de cette abbaye.b Il est probable que le chancelier Guy, à qui est adressée la lettre trois cent soixante-septième, était mort.





Bernard, Lettres 274