Let. Cath. de Chine 8

L'Épiscopat chinois

8 §1. Dans l'Église, Peuple de Dieu, il revient aux seuls ministres sacrés, dûment ordonnés après un enseignement et une formation appropriés, d'exercer l'office d'« enseigner, de sanctifier et de gouverner ». Les fidèles laïcs peuvent, avec une mission canonique de la part de l'Évêque, accomplir un utile ministère ecclésial de transmission de la foi.

§2. Au cours des dernières années, pour des raisons variées, vous, Frères dans l'Épiscopat, vous avez rencontré des difficultés, parce que des personnes non « ordonnées » et parfois même non baptisées contrôlent et prennent des décisions concernant d'importantes questions ecclésiales, y compris la nomination des Évêques, au nom de divers organismes d'État. On a donc assisté à une dépréciation des ministères pétrinien et épiscopal en raison d'une vision de l'Église selon laquelle le Souverain Pontife, les Évêques et les prêtres risquent de devenir de fait des personnes sans office et sans pouvoir. À l'inverse, comme on l'a dit, les ministères pétrinien et épiscopal sont des éléments essentiels et partie intégrante de la doctrine catholique sur la structure sacramentelle de l'Église. Cette nature de l'Église est un don du Seigneur Jésus, car c'est lui qui a établi « d'abord les Apôtres, puis les prophètes et les missionnaires de l'Évangile, et aussi les pasteurs et ceux qui enseignent. De cette manière, le peuple saint est organisé pour que les tâches du ministère soient accomplies, et que se construise le corps du Christ. Au terme, nous parviendrons tous ensemble à l'unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à l'état de l'Homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ » (
Ep 4,11-13).

§3. La communion et l'unité — que l'on me permette de le répéter (cf. n. 5 ) — sont des éléments essentiels et partie intégrante de l'Église catholique: c'est pourquoi le projet d'une Église « indépendante » du Saint-Siège, dans le cadre religieux, est incompatible avec la doctrine catholique.

§4. Je suis conscient des graves difficultés auxquelles vous devez faire face dans une telle situation pour vous maintenir fidèles au Christ, à son Église et au Successeur de Pierre. En vous rappelant que — comme l'affirmait déjà saint Paul (cf Rm 8,35-39) — aucune difficulté ne peut nous séparer de l'amour du Christ, j'ai confiance que vous saurez faire tout votre possible, en vous en remettant à la grâce du Seigneur, pour sauvegarder l'unité et la communion ecclésiales, même au prix de grands sacrifices.

§5. Beaucoup de membres de l'Épiscopat chinois qui, dans les dernières décennies, ont guidé l'Église ont offert et offrent à leurs communautés et à l'Église universelle un témoignage lumineux. Encore une fois, jaillit du coeur un hymne de louange et d'action de grâces au « Pasteur suprême » du troupeau (1P 5,4): en effet, on ne peut pas oublier que beaucoup d'entre eux ont subi la persécution et ont été empêchés d'exercer leur ministère. Et certains d'entre eux ont rendu féconde l'Église par l'effusion de leur sang. Les temps nouveaux et les défis qui en découlent pour la nouvelle évangélisation mettent en évidence la fonction du ministère épiscopal. Comme le disait Jean-Paul II aux Pasteurs de toutes les parties du monde venus à Rome pour la célébration du Jubilé, « le Pasteur est le premier responsable et le premier animateur de la communauté ecclésiale, tant en ce qui concerne l'exigence de la communion que le projet missionnaire. Devant le relativisme et le subjectivisme qui polluent une si grande partie de la culture contemporaine, les Évêques sont appelés à défendre et à promouvoir l'unité doctrinale de leurs fidèles. Soucieux de toute situation où la foi est perdue ou ignorée, ils se dépensent de toutes leurs forces à travailler à l'évangélisation, préparant dans ce but prêtres, religieux et laïcs, et mettant à disposition les ressources nécessaires ».37

§6. En cette même occasion, mon vénéré Prédécesseur rappelait que « l'Évêque, successeur des Apôtres, est quelqu'un pour qui le Christ est tout. Avec Paul, il peut redire chaque jour: ‘‘Pour moi, certes, la Vie c'est le Christ... '' (Ph 1,21). Il doit en porter témoignage par tout son comportement. Le Concile Vatican II enseigne: ‘‘Les Évêques doivent exercer leur charge apostolique comme témoins du Christ devant tous les hommes'' ».38

§7. Concernant le service épiscopal, je saisis l'occasion pour rappeler ce que je disais récemment: « Les Évêques ont pour première responsabilité d'édifier l'Église comme famille de Dieu et comme lieu d'aide réciproque et de disponibilité. Pour pouvoir accomplir cette mission, vous avez reçu, avec la consécration épiscopale, trois charges particulières: lemunus docendi, le munus sanctificandi et le munus regendi, qui, dans leur ensemble, constituent le munus pacendi. En particulier, la finalité du munus regendi est la croissance dans la communion ecclésiale, c'est-à-dire l'édification d'une communauté unie dans l'écoute de l'enseignement des apôtres, dans la fraction du pain, dans les prières et dans l'union fraternelle. Étroitement liée aux tâches d'enseigner et de sanctifier, celle de gouverner — lemunus regendi précisément — constitue pour l'Évêque un authentique acte d'amour envers Dieu et envers son prochain, qui s'exprime dans la charité pastorale ».39

§8. Comme cela se produit dans le reste du monde, en Chine aussi l'Église est gouvernée par des Évêques qui, par l'ordination épiscopale qui leur est conférée par d'autres Évêques validement ordonnés, ont reçu, avec la charge de sanctifier, également les charges d'enseigner et de gouverner le peuple qui leur est confié dans les différentes Églises particulières, avec un pouvoir qui est conféré par Dieu, par la grâce du sacrement de l'Ordre. Les charges d'enseigner et de gouverner « ne peuvent cependant, de par leur nature, être exercées que dans la communion hiérarchique avec la Tête et les membres du Collège » des Évêques.40 En effet, — précise le Concile Vatican II lui-même — « on est constitué membre du Corps épiscopal en vertu de la consécration sacramentelle et par la communion hiérarchique avec la Tête du Collège et avec ses membres ».41

§9. Actuellement, tous les Évêques de l'Église catholique en Chine sont fils du Peuple chinois. Malgré de nombreuses et graves difficultés, l'Église catholique en Chine, par une grâce particulière de l'Esprit Saint, n'a jamais été privée du ministère de Pasteurs légitimes, qui ont conservé intacte la succession apostolique. Nous devons remercier le Seigneur pour cette présence constante et empreinte de souffrance d'Évêques qui ont reçu l'ordination épiscopale conformément à la tradition catholique, à savoir en communion avec l'Évêque de Rome, Successeur de Pierre, et par la main d'Évêques validement et légitimement ordonnés, dans l'observance du rite de l'Église catholique.

§10. Certains d'entre eux, ne voulant pas être soumis à un contrôle indu exercé sur la vie de l'Église et désireux de maintenir une pleine fidélité au Successeur de Pierre et à la doctrine catholique, se sont vus contraints de se faire consacrer clandestinement. La clandestinité ne rentre pas dans la normalité de la vie de l'Église, et l'histoire montre que Pasteurs et fidèles y ont recours uniquement avec le désir tourmenté de maintenir intègre leur propre foi et de ne pas accepter l'ingérence d'organismes d'État dans ce qui touche l'intime de la vie de l'Église. Pour cette raison, le Saint-Siège souhaite que ces Pasteurs légitimes puissent être reconnus comme tels par les Autorités gouvernementales, avec aussi tous les effets civils — autant qu'ils sont nécessaires — et que tous les fidèles puissent exprimer librement leur foi dans le contexte social dans lequel ils vivent.

§11. À l'inverse, d'autres pasteurs, poussés par les circonstances particulières, ont consenti à recevoir l'ordination épiscopale sans mandat pontifical, mais, par la suite, ils ont demandé de pouvoir être accueillis dans la communion avec le Successeur de Pierre et avec leurs autres Frères dans l'Épiscopat. Considérant la sincérité de leurs sentiments et la complexité de la situation, et tenant compte de l'avis des Évêques les plus proches, le Pape, en vertu de sa responsabilité de Pasteur universel de l'Église, leur a concédé le plein et légitime exercice de la juridiction épiscopale. Une telle initiative du Pape naissait de la connaissance des circonstances particulières de leur ordination et de sa profonde préoccupation pastorale dans la perspective de favoriser le rétablissement d'une pleine communion. Malheureusement, dans la majorité des cas, les prêtres et les fidèles n'ont pas été convenablement informés de la légitimation obtenue par leur Évêque, et cela a donné lieu à de nombreux et graves problèmes de conscience. De plus, certains Évêques légitimés n'ont pas posé de gestes qui prouvaient clairement la légitimation obtenue. Pour cette raison, il est indispensable que, pour le bien spirituel des communautés diocésaines intéressées, la légitimation obtenue puisse être rendue publique dans un temps bref et que les Évêques légitimés posent toujours plus des gestes sans équivoques de leur pleine communion avec le Successeur de Pierre.

§12. Il y a enfin certains Évêques — en nombre très réduit — qui ont été ordonnés sans mandat pontifical et qui n'ont pas demandé, ou qui n'ont pas encore obtenu, la légitimation nécessaire. Selon la doctrine de l'Église catholique, ils sont à considérer comme illégitimes, mais validement ordonnés, dans la mesure où il y a la certitude qu'ils ont reçu l'ordination par des Évêques validement ordonnés et que le rite catholique de l'ordination épiscopale a été respecté. Ces derniers, tout en n'étant pas en communion avec le Pape, exercent validement leur ministère dans l'administration des sacrements, même si c'est de manière illégitime. Quelle grande richesse spirituelle en découlerait pour l'Église en Chine si, présentant les conditions nécessaires, ces Pasteurs parvenaient aussi à la communion avec le Successeur de Pierre et avec tout l'Épiscopat catholique! Non seulement leur ministère épiscopal serait légitimé, mais la communion avec les prêtres et les fidèles qui considèrent l'Église en Chine comme une partie de l'Église catholique, unie à l'Évêque de Rome et à toutes les autres Églises particulières répandues à travers le monde, en serait également enrichie.

§13. Dans les différentes nations, tous les Évêques légitimes constituent une Conférence épiscopale, régie par un statut propre qui, selon les normes du Droit canonique, doit être approuvé par le Siège apostolique. Une telle Conférence épiscopale manifeste la communion fraternelle de tous les Évêques d'une nation et traite les questions doctrinales et pastorales qui sont importantes pour toute la communauté catholique dans le pays, sans cependant interférer avec l'exercice du pouvoir ordinaire et immédiat de chaque Évêque dans son propre diocèse. De plus, chaque Conférence épiscopale maintient des contacts opportuns et utiles avec les Autorités civiles du lieu, pour favoriser aussi la collaboration entre l'Église et l'État, mais il est clair qu'une Conférence épiscopale ne peut être soumise à aucune Autorité civile en matière de foi et de vie selon la foi (fides et mores, vie sacramentelle), qui sont de la compétence exclusive de l'Église.

§14. À la lumière des principes exposés ci-dessus, l'actuel Collège des Évêques catholiques de Chine 42 ne peut être reconnu comme Conférence épiscopale par le Siège Apostolique: n'en font pas partie les Évêques « clandestins », à savoir ceux qui ne sont pas reconnus par le Gouvernement, qui sont en communion avec le Pape; y participent des Prélats, qui sont encore illégitimes, et elle est régie par des Statuts qui contiennent des éléments inconciliables avec la doctrine catholique.


37 Homélie pour le Jubilé des Évêques (8 octobre 2000), n. 5: AAS 93 (2001), p. 28; La Documentation catholique 97 (2000), pp. 904-905. Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret sur la charge pastorale des Évêques dans l'Église Christus Dominus, n. CD 6.
38 Jean-Paul II, Homélie pour le Jubilé des Évêques (8 octobre 2000), n. 4: AAS 93 (2001), p. 27; La Documentation catholique 97 (2000), p. 904.
39 Benoît XVI, Discours aux Évêques nommés au cours de l'année (21 septembre 2006): AAS98 (2006), p. 696: L'Osservatore Romano en langue française 39 (2006), p. 3.
40 Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. LG 21. Voir aussi Code de Droit canonique, can. CIC 375 § 2.
41 Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. LG 22. Cf. aussi « Note explicative », n. 2.
42 China Catholic Bishops' College (CCBC).



Nomination des Évêques

9 §1. Comme il est connu de vous tous, un des problèmes les plus délicats dans les relations du Saint-Siège avec les Autorités de votre Pays est constitué par la question des nominations épiscopales. D'un côté, on peut comprendre que les Autorités gouvernementales soient attentives au choix de ceux qui accompliront le rôle important de guides et de pasteurs des communautés catholiques locales, vu les changements sociaux que — en Chine comme dans le reste du monde — une telle fonction a aussi dans le domaine civil. D'un autre côté, le Saint-Siège suit avec un soin particulier la nomination des Évêques, étant donné que cela touche le coeur même de la vie de l'Église, du fait que la nomination des Évêques de la part du Pape est la garantie de l'unité de l'Église et de la communion hiérarchique. Pour cette raison, le Code de Droit canonique (cf. canon CIC 1382) établit de graves sanctions soit pour l'Évêque qui confère librement l'ordination épiscopale sans mandat apostolique, soit pour celui qui la reçoit: une telle ordination représente en effet une douloureuse blessure à la communion ecclésiale et une grave violation de la discipline canonique.

§2. Lorsqu'il concède le mandat apostolique pour l'ordination d'un Évêque, le Pape exerce sa suprême autorité spirituelle: autorité et intervention qui demeurent dans le strict domaine religieux. Il ne s'agit donc pas d'une autorité politique qui s'introduirait de manière indue dans les affaires intérieures d'un État et qui en léserait la souveraineté.

§3. La nomination des Pasteurs pour une communauté religieuse déterminée est comprise, également dans les documents internationaux, comme un élément constitutif du plein exercice du droit à la liberté religieuse.43 Le Saint-Siège aimerait être entièrement libre de la nomination des Évêques; 44 considérant donc le récent chemin particulier accompli par l'Église en Chine, je souhaite que l'on trouve un accord avec le Gouvernement pour résoudre certaines questions concernant soit le choix des candidats à l'épiscopat, soit la publication de la nomination des Évêques, soit la reconnaissance — avec les effets civils dans la mesure où ils sont nécessaires — du nouvel Évêque de la part des Autorités civiles.

§4. Enfin, en ce qui concerne le choix des candidats à l'épiscopat, tout en connaissant vos difficultés en la matière, je désire rappeler la nécessité que ce soient des prêtres dignes, respectés et aimés des fidèles, et des modèles de vie dans la foi, possédant une certaine expérience du ministère pastoral et étant ainsi plus aptes à faire face à la lourde charge de Pasteur de l'Église.45 S'il était impossible de trouver, dans un diocèse, des candidats aptes à être nommés à un siège épiscopal, la collaboration avec les Évêques des diocèses limitrophes peut aider à repérer des candidats idoines.

43 Au niveau universel, on se reportera par exemple aux dispositions de l'article 18, paragraphe 1 du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissemnt des rites, les pratiques et l'enseignement ») et à l'interprétation contraignante pour les États Membres qu'en a donnée le Comité pour les droits de l'Homme des Nations unies dans les « Observations générales n. 22 » (n. 4) du 30 juillet 1993 (« La pratique et l'enseignement de la religion ou de la conviction comprennent les actes indispensables aux groupes religieux pour mener leurs activités essentielles, tels que la liberté de choisir leurs responsables religieux, leurs prêtres et leurs enseignants, celle de fonder des séminaires ou des écoles religieuses, et celle de préparer et de distribuer des textes ou des publications de caractère religieux »).
Au niveau régional, on peut voir par exemple les engagements suivants, décidés au cours de la Réunion de Vienne des Représentants des États participants à la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE): « Afin d'assurer la liberté de tout un chacun de professer et de pratique une religion ou une conviction, les États particpants, entre autres [...] respecteront le droit de ces comunautés [...] à s'organiser conformément à leur propre structure hiérarchique et institutionnelle, à choisir, nommer et remplacer leur personnel conformément à leurs besoins et règles propres, ainsi qu'à tout arrangement librement conclu entre elles et l'État » (Document de clôture de 1989, Principe n. 16 de la section « Questions relatives à la sécurité en Europe »).
Cf. aussi Conc. oecum. Vat. II, Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanae, n. DH 4.
44 Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret sur la charge pastorale des Évêques dans l'Église Christus Dominus, n. CD 20.
45 On se référera à ce sujet aux normes du Code de Droit canonique (cf. CIC 378).


SECONDE PARTIE

ORIENTATIONS DE VIE PASTORALE


Sacrements, gouvernement des diocèses, paroisses

10 Au cours des derniers temps, sont apparues des difficultés liées à des initiatives individuelles de Pasteurs, de prêtres et de fidèles laïcs qui, mus par un généreux zèle pastoral, n'ont pas toujours respecté les devoirs et les responsabilités d'autrui.

À ce sujet, le Concile Vatican II nous rappelle que, si d'un côté tous les Évêques considérés individuellement, « en tant que membres du collège épiscopal et légitimes successeurs des apôtres, sont tenus, de par l'institution et le précepte du Christ, à cette sollicitude pour l'ensemble de l'Église », de l'autre, ils « exercent, chacun pour sa part, leur fonction pastorale sur la portion du peuple de Dieu qui leur est confiée, et non sur les autres Églises, ni sur l'Église universelle ».46

De plus, face à certaines problématiques apparues dans diverses communautés diocésaines durant les dernières années, il est de mon devoir de rappeler la norme canonique selon laquelle tout clerc doit être incardiné dans une Église particulière ou dans un Institut de vie consacrée et doit exercer son ministère en communion avec l'Évêque diocésain. C'est seulement pour des motifs justes qu'un clerc peut exercer son ministère dans un autre diocèse, mais toujours avec l'accord préalable des deux Évêques diocésains, à savoir celui de l'Église particulière où il est incardiné et celui de l'Église particulière où il est appelé à servir.47

Dans de nombreuses circonstances, vous vous êtes posés le problème de la concélébration de l'Eucharistie. À ce sujet, je rappelle qu'elle présuppose, comme conditions, la profession de la même foi et la communion hiérarchique avec le Pape et avec l'Église universelle. Il est donc licite de concélébrer avec des Évêques et des prêtres qui sont en communion avec le Pape, même s'ils sont reconnus par les Autorités civiles et s'ils maintiennent des relations avec des organismes voulus par l'État et étrangers à la structure de l'Église, pourvu que — comme cela a été dit plus haut (
cf. n. 7 alinéa 8 ) — la reconnaissance et les relations ne comportent pas la négation de principes de foi et de communion ecclésiastique, auxquels on ne peut renoncer.

De même, les fidèles laïcs qui sont animés par un sincère amour pour le Christ et pour l'Église ne doivent pas non plus hésiter à participer à l'Eucharistie célébrée par des Évêques et par des prêtres qui sont en pleine communion avec le Successeur de Pierre, et qui sont reconnus par les Autorités civiles. La même chose vaut pour tous les autres sacrements.

Toujours à la lumière des principes de la doctrine catholique, doivent être résolus les problèmes qui se font jour avec les Évêques qui ont été consacrés sans mandat pontifical, même si c'est dans le respect du rite catholique de l'ordination épiscopale. Leur ordination — comme je l'ai déjà dit plus haut (cf. n. 8 alinéa 12 ) — est illégitime mais valide, de même que sont valides les ordinations sacerdotales conférées par eux et que sont aussi valides les sacrements administrés par ces Évêques et par ces prêtres. Ayant cela présent à l'esprit, les fidèles doivent donc rechercher, dans la mesure du possible, pour la célébration eucharistique et pour les autres sacrements, des Évêques et des prêtres qui sont en communion avec le Pape: cependant, lorsque cela n'est pas réalisable sans de graves difficultés pour eux, ils peuvent, pour ce que leur bien spirituel exige, s'adresser aussi à ceux qui ne sont pas en communion avec le Pape.

Je considère enfin opportun d'attirer votre attention sur ce que prévoit la législation canonique pour aider les Évêques diocésains à réaliser leur tâche pastorale. Chaque Évêque diocésain est invité à se servir des instruments indispensables de communion et de collaboration au sein de la communauté catholique diocésaine: la curie diocésaine, le conseil presbytéral, le collège des consulteurs, le conseil pastoral diocésain et le conseil diocésain pour les affaires économiques.

Ces organismes manifestent la communion, favorisent le partage des responsabilités communes et sont d'une grande aide pour les Pasteurs, qui peuvent ainsi être assurés de la collaboration fraternelle de prêtres, de personnes consacrées et de fidèles laïcs.

La même chose vaut pour les différents conseils que prévoit le Droit canonique pour les paroisses: le conseil pastoral paroissial et le conseil paroissial pour les affaires économiques.

Tant pour les diocèses que pour les paroisses, une particulière attention devra être portée aux biens temporels de l'Église, meubles et immeubles, qui devront être enregistrés légalement dans le cadre civil sous le nom du diocèse ou de la paroisse, et jamais sous le nom d'une personne privée (Évêque, prêtre ou groupe de fidèles). En même temps, l'orientation pastorale et missionnaire traditionnelle, qui se résume dans le principe: « Nihil sine Episcopo », demeure valable.

De l'analyse des problématiques ci-dessus exposées, il apparaît clairement que leur véritable solution a sa racine dans la promotion de la communion, qui tire sa force et son élan du Christ, icône de l'amour du Père, comme de sa source. La charité, qui est toujours au-dessus de tout (cf. 1Co 13,1-12), sera la force et le critère du travail pastoral pour la construction d'une communauté ecclésiale qui rend présent le Christ ressuscité à l'homme d'aujourd'hui.

46 Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. LG 23.
47 Cf. Code de Droit canonique, cann. CIC 265-272.


Les provinces ecclésiastiques

11 De nombreux changements administratifs sont intervenus dans le domaine civil au cours des cinquante dernières années. Cela a touché aussi diverses circonscriptions ecclésiastiques, qui ont été supprimées ou regroupées, ou encore modifiées dans leur configuration territoriale sur la base des circonscriptions administratives civiles. À ce sujet, je désire confirmer que le Saint-Siège est disposé à affronter la totalité de la question des circonscriptions et des provinces ecclésiastiques dans un dialogue ouvert et constructif avec l'Épiscopat chinois et — dans la mesure où cela est opportun et utile — avec les Autorités gouvernementales.

Les communautés catholiques

12 Je sais bien que les communautés diocésaines et paroissiales, disséminées dans le vaste territoire chinois, font preuve d'une vie chrétienne particulièrement vivante, de témoignages de foi et d'initiatives pastorales. Il est pour moi consolant de constater que, malgré les difficultés passées et présentes, les Évêques, les prêtres, les personnes consacrées et les fidèles laïcs ont conservé une profonde conscience d'être des membres vivants de l'Église universelle, en communion de foi et de vie avec toutes les communautés catholiques répandues à travers le monde. Dans leur coeur, ils savent ce que veut dire être catholiques. Et c'est précisément de ce coeur catholique que doit naître aussi l'engagement pour rendre manifeste et effectif, tant au sein des différentes communautés que dans les relations entre les différentes communautés, l'esprit de communion, de compréhension et de pardon qui — comme cela a été dit plus haut (cf. n. 5, alinéas 4 et 6 ) — est le sceau visible d'une authentique existence chrétienne. Je suis sûr que l'Esprit du Christ, de même qu'il a aidé les communautés à maintenir vive la foi dans le temps des persécutions, aidera aujourd'hui tous les catholiques à croître dans l'unité.

Comme je le faisais déjà remarquer (cf. nn. 2, alinéa 1; 4, alinéa 1 ), il n'est malheureusement pas encore permis aux membres des communautés catholiques dans votre pays — spécialement aux Évêques, aux prêtres et aux personnes consacrées — de vivre et d'exprimer, pleinement et de manière visible, certains aspects de leur appartenance à l'Église et de leur communion hiérarchique avec le Pape, étant normalement empêchés de libres contacts avec le Saint-Siège et avec les autres communautés catholiques dans les différents pays. Il est vrai que, ces dernières années, l'Église jouit, en regard du passé, d'une plus grande liberté religieuse. Toutefois, on ne peut nier que demeurent de graves limitations qui touchent le coeur de la foi et qui, dans une certaine mesure, étouffent l'activité pastorale. À ce sujet, je renouvelle le souhait (cf. n. 4, alinéas 2-4 ) que, au cours d'un dialogue respectueux et ouvert entre le Saint-Siège et les Évêques chinois, d'une part, et les Autorités gouvernementales, d'autre part, puissent être dépassées les difficultés mentionnées et que l'on parvienne ainsi à une entente profitable, qui sera au bénéfice des communautés catholiques et de la convivialité sociale.


Les prêtres

13 Je voudrais aussi adresser une pensée spéciale et une invitation aux prêtres — de manière particulière aux prêtres ordonnés au cours des dernières années —, qui, avec beaucoup de générosité, ont pris le chemin du ministère pastoral. Il me semble que la situation ecclésiale et socio-politique actuelle rend toujours plus pressante l'exigence de puiser lumière et force aux sources de la spiritualité sacerdotale que sont l'amour de Dieu, une vie inconditionnelle à la suite du Christ, la passion pour l'annonce de l'Évangile, la fidélité à l'Église et le service généreux du prochain.48 Comment ne pas rappeler à ce propos, comme un encouragement pour tous, les figures lumineuses d'Évêques et de prêtres qui, durant les années difficiles du passé récent, ont témoigné d'un amour indéfectible envers l'Église, même par le don de leur vie pour elle et pour le Christ?

Chers prêtres! Vous qui portez « le poids du jour et de la chaleur » (
Mt 20,12), qui avez mis la main à la charrue et qui ne vous retournez pas en arrière (cf. Lc 9,62), pensez aux lieux où les fidèles attendent avec angoisse un prêtre et où, depuis de nombreuses années, en en ressentant l'absence, ils ne cessent d'en souhaiter la présence. Je sais bien que, au milieu de vous, il y a des confrères qui ont dû faire face à des temps et à des situations difficiles, prenant des positions pas toujours partagées du point de vue ecclésial, et qui, malgré tout, désirent revenir dans la pleine communion de l'Église. Dans un esprit de profonde réconciliation, à laquelle mon vénéré Prédécesseur a invité de manière répétée l'Église en Chine,49 je m'adresse aux Évêques qui sont en communion avec le Successeur de Pierre, afin que, avec une âme paternelle, ils apprécient, au cas par cas, et qu'ils donnent une juste réponse à ce désir, recourant — si cela est nécessaire — au Siège Apostolique. Et, comme signe de la réconciliation espérée, je pense qu'il n'y a pas de geste plus significatif que celui de renouveler sous forme communautaire — à l'occasion de la journée sacerdotale du Jeudi saint, comme cela se fait dans l'Église universelle, ou dans une autre circonstance qui sera retenue plus opportune — la profession de foi, comme témoignage de la pleine communion retrouvée, pour l'édification du Peuple saint de Dieu confié à votre soin pastoral, et à la louange de la Très Sainte Trinité.

Je suis conscient que, en Chine aussi, comme dans le reste de l'Église, la nécessité d'une formation permanente appropriée du clergé se fait jour. De là naît l'invitation qui vous est adressée à vous, les Évêques, en tant que responsables des communautés ecclésiales, à penser spécialement aux jeunes prêtres, qui sont toujours davantage soumis à de nouveaux défis pastoraux liés aux exigences de la tâche d'évangéliser une société aussi complexe que la société chinoise actuelle. Le Pape Jean-Paul II nous le rappelait: la formation permanente des prêtres « est une exigence intrinsèque du don de l'ordination et du ministère sacramentel ainsi reçu. Elle se révèle toujours nécessaire, en tout temps. Aujourd'hui cependant, elle est particulièrement urgente, non seulement à cause de la mutation rapide des conditions sociales et culturelles des personnes et des peuples auprès desquels s'exerce le ministère presbytéral, mais aussi pour la ‘‘nouvelle évangélisation'', qui constitue la tâche urgente de l'Église en cette fin du deuxième millénaire ».50

48 Pour une réflexion sur la doctrine et la spiritualité du sacerdoce et sur le charisme du célibat, je renvoie à mon discours à la Curie romaine (22 décembre 2006): La Documentation catholique 104 (2007), pp. 106-107.
49 Cf. Jean-Paul II, Message La mémoire liturgique à l'Église qui est en Chine, à l'occasion du 70e anniversaire de l'ordination à Rome du premier groupe d'Évêques chinois et à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'institution de la hiérarchie ecclésiastique en Chine (3 décembre 2006), n. 4: AAS 89 (1997), p. 256.
50 Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), n. PDV 70: AAS 84 (1992), p. 782: La Documentation catholique 89 (1992), p. 493.



Les vocations et la formation religieuse

14 Au cours des cinquante dernières années, une abondante floraison de vocations au sacerdoce et à la vie consacrée n'a pas fait défaut. Il faut rendre grâce de cela au Seigneur, parce qu'il s'agit d'un signe de vitalité et d'un motif d'espérance. Au long des années, sont apparues ensuite de nombreuses congrégations religieuses autochtones: les Évêques et les prêtres savent d'expérience combien est irremplaçable la contribution des religieuses dans la catéchèse et dans la vie paroissiale sous toutes ses formes; en outre, l'attention aux plus nécessiteux, réalisée aussi en collaboration avec les Autorités civiles locales, est l'expression de la charité et du service du prochain, qui sont le témoignage le plus crédible de la force et de la vitalité de l'Évangile de Jésus.

Je suis cependant conscient qu'une telle floraison s'accompagne aujourd'hui de nombreuses difficultés. L'exigence, tant d'un discernement vocationnel plus attentif de la part des responsables ecclésiaux, que d'une éducation et d'un enseignement plus approfondis des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse, se fait donc jour. En dépit de la précarité des moyens à disposition, il faudra, pour l'avenir de l'Église en Chine, s'attacher à assurer, d'une part, une attention et un soin particuliers aux vocations et, d'autre part, une formation plus solide en ce qui concerne les aspects humain, spirituel, philosophique, théologique et pastoral, à mettre en oeuvre dans les séminaires et dans les instituts religieux.

À ce sujet, la formation au célibat des candidats au sacerdoce mérite une mention particulière. Il est important qu'ils apprennent à vivre et à estimer le célibat comme don précieux de Dieu et comme signe éminemment eschatologique, qui témoigne d'un amour unique pour Dieu et pour son peuple, et qui configure le prêtre à Jésus Christ, Chef et Époux de l'Église. En effet, un tel don est principalement l'expression du « service rendu par le prêtre à l'Église dans et avec le Seigneur »,51 et il représente une valeur prophétique pour le monde d'aujourd'hui.

Quant à la vocation religieuse, dans le contexte actuel de l'Église en Chine, il est nécessaire qu'apparaissent toujours de manière plus lumineuse ses deux dimensions: à savoir, d'un côté, le témoignage du charisme de la consécration totale au Christ à travers les voeux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, et, de l'autre, la réponse à l'exigence d'annoncer l'Évangile dans les conditions historiques et sociales actuelles du Pays.

51 Ibid., n.
PDV 29: AAS 84 (1992), p. 704: La Documentation catholique 89 (1992), p. 468.



Let. Cath. de Chine 8