Catena Aurea 5314

v. 14

5314 Mt 23,14

S. Chrys. (hom. 73). Notre-Seigneur, poursuivant ses invectives contre les pharisiens, leur reproche leur voracité, et ce qui est plus affreux encore, d'arracher, non pas aux riches, mais aux veuves, de quoi satisfaire leurs appétits insatiables, et d'aggraver ainsi l'indigence qu'ils auraient dû soulager. «Malheur à vous, scribes et pharisiens, qui dévorez les maisons des veuves», etc. - La Glose. C'est-à-dire, malheur à vous qui n'avez d'autre but dans votre superstition que de vous enrichir en dépouillant le peuple sur lequel vous dominez. - S. Chrys. (sur S. Matth). Les femmes sont généralement imprudentes, et ne pèsent pas avec la raison tout ce qu'elles voient ou tout ce qu'elles entendent. Elles sont, de plus, faibles, et tournent facilement du bien au mal, ou du mal au bien. Les hommes sont plus prudents et plus fermes; aussi les hypocrites, qui affectent les dehors de la sainteté, cherchent surtout à exploiter les femmes, parce qu'elles sont incapables de découvrir leurs ruses hypocrites, et suivent en aveugles leur direction par un motif de conscience et de religion. Mais c'est principalement des veuves qu'ils trafiquent, d'abord parce qu'une femme est moins facile à tromper lorsqu'elle a son mari pour conseiller, et qu'ensuite étant en puissance de mari, elle ne peut disposer aussi facilement de ses biens. Or, en couvrant ainsi de confusion les prêtres juifs, le Seigneur avertit les prêtres chrétiens de n'avoir point de relations plus fréquentes avec les veuves qu'avec les autres; car si l'intention n'est pas mauvaise, cette conduite autorise toujours les mauvais soupçons.

S. Chrys. (hom. 73). Mais la manière dont ils exerçaient leurs rapines était bien plus coupable encore. «En faisant de longues prières». Tout homme qui fait le mal est digne de châtiment, mais celui qui cherche à couvrir du voile de la religion le mal qu'il fait, mérite une peine bien plus rigoureuse; aussi le Sauveur ajoute: «C'est pour cela que vous serez jugés plus sévèrement». - S. Chrys. (sur S. Matth). D'abord parce que vous êtes pleins d'iniquité, et parce qu'ensuite vous vous couvrez du masque de la sainteté, et que vous colorez votre avarice des apparences de la religion, et que vous remettez ainsi les armes de Dieu entre les mains du démon, en faisant aimer l'iniquité sous le voile de la piété. - S. Hil. (can. 24). Ou bien, comme ils ferment l'entrée du royaume des cieux, en continuant à parcourir en maîtres et à exploiter les maisons des veuves, ils subiront un jugement plus rigoureux, parce qu'ils porteront la peine de leurs propres péchés et de l'ignorance d'autrui. - La Glose. Ou bien, ils seront condamnés plus sévèrement, parce que le serviteur qui connaît la volonté de son maître, et qui ne l'exécute point, sera frappé de plusieurs coups (Lc 12,47).


v. 15

5315
Mt 23,15

S. Chrys. (hom. 73). A ces reproches, le Seigneur en ajoute encore d'autres, il accuse les pharisiens d'être impuissants pour convertir la multitude, puisqu'ils se donnent tant de mal pour convertir un seul homme, et non seulement d'abandonner, mais de perdre ceux qu'ils ont convertis, en les corrompant par les exemples de leur vie dépravée: «Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites qui parcourez la mer», etc. - S. Hil. Ils parcourent la mer et la terre, c'est-à-dire qu'ils blasphèment en tous lieux l'Évangile de Jésus-Christ en soumettant quelques prosélytes au joug de la loi par opposition à la justification qui vient de la foi. Ces prosélytes étaient ceux qui passaient de l'idolâtrie dans la synagogue, et dont cet unique prosélyte dont parle le Sauveur, représente le petit nombre; car, même après la prédication de Jésus-Christ, leur doctrine n'a pas entièrement perdu son autorité, mais tout homme qui embrasse la foi des Juifs, devient un enfant de l'enfer. - Orig. Or, tous ceux qui font profession de judaïsme depuis la venue du Sauveur, apprennent à partager les sentiments de ceux qui s'écrièrent alors: «Crucifiez-le», c'est pour cela qu'il ajoute: «Et après qu'il est devenu votre prosélyte, vous faites de lui un fils d'enfer deux fois plus que vous». - S. Hil. Il devient digne d'une peine deux fois plus grande, et pour n'avoir pas reçu la rémission des péchés qu'il a commis précédemment, et pour être entré dans la société des persécuteurs de Jésus-Christ. - S. Jér. Ou bien, le zèle des pharisiens et des scribes à parcourir toute la terre, avait pour but de faire un prosélyte parmi les Gentils, pour mêler un étranger incirconcis au peuple de Dieu. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ils ne l'instruisaient pas dans un sentiment de miséricorde ou dans le désir de le sauver, mais c'était par avarice, afin qu'il augmentât le nombre de ceux qui fréquentaient la synagogue, et par là même le revenu des sacrifices; ou enfin par un motif de vaine gloire. Comment, en effet, celui qui s'enfonce lui-même dans l'abîme du mal, peut-il délivrer un autre de ses péchés? Peut-on avoir plus de miséricorde pour autrui que pour soi-même? C'est donc par ses oeuvres qu'un homme prouve qu'il veut en convertir un autre ou en vue de Dieu, ou par un motif de vanité. - S. Grég. (Moral., 31, 7). Les hypocrites, dont la conduite est toujours mauvaise, ne laissent pas d'enseigner une doctrine saine et d'engendrer, par là, des enfants à la foi et à la pratique du bien, mais ils sont incapables de les nourrir par l'exemple d'une vie vertueuse; car plus ils s'identifient eux-mêmes avec les intérêts et les choses de la terre, plus aussi ils laissent tomber par leur négligence ceux qu'ils avaient enfantés dans une vie toute terrestre, et c'est ainsi qu'ayant le coeur endurci, ils ne donnent aux enfants qu'ils ont engendrés, aucune marque de la tendresse qui leur est due.

C'est pour cela que Notre-Seigneur dit ici de ces hypocrites: «Et lorsque vous avez fait un prosélyte, vous en faites un fils de l'enfer». - S. Aug. (contre Faust, 16, 29). Et cela, non parce que les prosélytes recevaient la circoncision, mais parce qu'ils imitaient les moeurs corrompues de ceux dont le Sauveur avait défendu à ses disciples de suivre les exemples par ces paroles: «Ils sont assis sur la chaire de Moïse», etc. (Mt 23,3), paroles où nous voyons à la fois d'un côté, l'honneur extraordinaire qu'il rend à la chaire de Moïse, qui forçait pour ainsi dire les docteurs corrompus qui y étaient assis, à enseigner la vérité, et de l'autre, malgré cela, la damnation du prosélyte qui devenait fils de l'enfer, non pas en obéissant aux enseignements de la loi, mais en imitant la conduite de ceux qui l'instruisaient. Or, il devient fils d'enfer deux fois plus qu'eux, parce qu'il n'observait pas une loi qu'il avait embrassée de son propre choix. - S. Jér. Ou bien dans un autre sens, lorsqu'il était païen, son erreur était simple et ordinaire, mais maintenant qu'il voit les moeurs dépravées de ceux qui sont devenus les maîtres, il comprend qu'ils détruisent par leur conduite la force de leurs enseignements, et retourne à ce qu'il avait rejeté, redevient païen et prévaricateur, et digne d'un châtiment plus rigoureux. - S. Chrys. sur S. Matth). Ou bien encore, peut-être que lorsqu'il suivait le culte des idoles, il pratiquait la justice au moins par respect humain, tandis qu'étant devenu juif, il est entraîné par les exemples de ses maîtres pervers, et devient plus mauvais qu'eux. - S. Chrys. (hom. 73). En effet, lorsqu'un maître est vertueux, ses disciples imitent ses vertus, mais s'il leur donne l'exemple du mal, ils vont plus loin que lui dans la carrière du vice. - S. Jér. Ce prosélyte est appelé fils de l'enfer comme on dit: fils de perdition, fils de ce siècle. Tout homme est appelé fils de celui dont il fait les oeuvres. - Orig. Ce passage nous apprend qu'il y aura une différence dans les tourments de ceux qui tomberont dans les enfers, puisque l'un est appelé simplement fils de l'enfer, et l'autre, fils de l'enfer deux fois plus que lui. Or, il faut considérer si l'on ne devient pas fils de l'enfer en général (comme le Juif ou le Gentil), ou en particulier par les différentes espèces de péchés, de telle sorte, que d'un côté le juste verrait sa gloire s'augmenter en proportion du nombre de ses bonnes oeuvres, et le pécheur ses supplices se multiplier selon la multitude de ses péchés.


vv. 16-22

5316 Mt 23,16-22

S. Jér. Les pharisiens, en portant des bandelettes de parchemin et des franges plus larges que les autres, recherchaient la gloire par cette vaine apparence de sainteté, et par la gloire, le profit qui leur en revenait. Notre-Seigneur les accuse encore d'impiété en leur dévoilant une autre fausse tradition qu'ils avaient accréditée, c'est-à-dire que tout homme qui, dans une discussion, dans une contestation, dans un cas douteux, avait juré par le temple, n'était pas réputé coupable de parjure, si, plus tard, il était convaincu de n'avoir pas observé son serment. Et c'est ce qu'il leur reproche ici: «Malheur à vous qui dites: Si un homme jure par le temple, ce n'est rien», etc., c'est-à-dire: «Il ne doit rien». Mais s'il jurait par l'or et par l'argent qui étaient offerts aux prêtres dans le temple, on le forçait aussitôt d'accomplir son serment. «Mais celui qui aura jugé par l'or du temple», etc. - S. Chrys. Le temple a pour objet direct la gloire de Dieu et le salut des hommes, l'or, au contraire, bien qu'il se rapporte à la gloire de Dieu, est offert surtout pour la satisfaction des hommes et l'utilité des prêtres. Les pharisiens prétendaient donc que l'or qui avait pour eux de l'attrait, et les dons qui servaient à leur entretien étaient plus sacrés que le temple lui-même, afin de porter ainsi le peuple à multiplier ces dons plutôt qu'à offrir des prières dans le temple. Aussi Notre-Seigneur leur adresse-t-il ce juste reproche: «Insensés et aveugles ! Lequel est plus grand ?» etc. Il est encore aujourd'hui beaucoup de choses que les chrétiens entendent d'une manière déraisonnable. Qu'une occasion se présente, ils considèrent comme de peu d'importance le serment qu'ils font par le nom même de Dieu, et ils mettent bien au-dessus le serment fait par l'Évangile. On peut donc leur dire aussi: «Insensés et aveugles ! Car les Écritures existent pour Dieu, et non pas Dieu pour les Écritures». Dieu qui donne à l'Évangile son caractère de sainteté est donc plus grand que l'Évangile qu'il sanctifie. - S. Jér. Et si quelqu'un encore venait à jurer par l'autel, personne ne le regardait comme coupable de parjure, tandis qu'on lui faisait scrupuleusement observer le serment qu'il avait fait par les dons et les offrandes, c'est-à-dire par les victimes et par les autres choses offertes sur l'autel. Or, toute cette conduite avait pour unique motif l'amour des richesses, plutôt que la crainte de Dieu. «Et quiconque a juré par l'autel, ce n'est rien», etc. Le Seigneur leur reproche ici leur conduite tout à la fois insensée et pleine de fourberie, parce que l'autel vaut beaucoup mieux que les victimes consacrées sur l'autel.

Il ajoute: «Aveugles que vous êtes, lequel est le plus grand ou le don, ou l'autel qui sanctifie le don? - La Glose. Dans la crainte de les voir se jeter dans cet excès d'infamie, de prétendre que l'or était plus sacré que le temple, et l'offrande plus sainte que l'autel, il leur oppose cette autre raison péremptoire, que le serment fait par l'autel et le temple, contient le serment qui est fait par l'or et par le don: «Celui qui jure par l'autel, jure par l'autel, et par tout ce qui est dessus. - Orig. Et comme les Juifs avaient l'habitude de jurer par le ciel, il complète la leçon qu'il leur donne en ajoutant: «Et celui qui jure par le ciel, jure par le trône de Dieu», etc. Ils n'échappent donc pas, comme ils se l'imaginent, au danger de jurer par Dieu, en jurant par le trône de Dieu, c'est-à-dire par le ciel. - La Glose. Car celui qui jure par la créature qui est essentiellement dans la dépendance de Dieu, jure par la divinité qui gouverne la créature. - Orig. Le serment a pour objet de rendre plus certaines les choses qu'on affirme. On peut donc regarder comme un serment le témoignage des Écritures que nous apportons pour appuyer les choses que nous affirmons. La sainte Écriture serait alors le temple de Dieu; l'or, le sens qu'elle renferme, et de même que l'or qui n'est pas dans le temple, ne peut être regardé comme sanctifié, ainsi tout sens qui est étranger à l'Écriture n'est point consacré, quelque admirable qu'il paraisse d'ailleurs. Nous ne devons donc point nous servir de nos propres pensées pour confirmer la doctrine de l'Évangile, à moins que nous ne puissions établir qu'elles sont consacrées par l'Écriture sainte où elles se trouvent. L'autel est le coeur qui est la partie la plus noble de l'homme, les dons et les voeux placés sur l'autel sont toutes les choses dont le coeur est le siège, comme la prière, les saints cantiques, l'aumône, le jeûne. Ce qui sanctifie le voeu de l'homme, c'est son coeur qui forme le voeu, et c'est pourquoi le voeu ne peut être plus noble que le coeur de l'homme qui lui donne naissance. Si donc la conscience de l'homme ne lui reproche rien, il doit avoir confiance en Dieu, non à cause des dons qu'il lui offre, mais parce que, pour m'exprimer ainsi, il a bien construit l'autel de son coeur. Nous disons en troisième lieu qu'au-dessus du temple, c'est-à-dire au-dessus de toute Écriture, et au-dessus de l'autel, c'est-à-dire de tout coeur, réside une intelligence qui est appelée ciel, et qui est comme le trône de Dieu, sur lequel, lorsque nous serons dans l'état parfait, nous verrons face à face la vérité à découvert (1Co 13,10).

S. Hil. (can. 25). Notre-Seigneur nous enseigne aussi qu'après l'avènement du Christ, toute confiance dans la loi est superflue; car ce n'est pas la loi qui sanctifie le Christ, mais le Christ qui sanctifie la loi dans laquelle il avait placé comme son trône et son siège. C'est donc une absurdité de vénérer ce qui est sanctifié, et de dédaigner celui qui est la source de toute sanctification. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 34). Nous entendons aussi par le temple et l'autel Jésus-Christ lui-même; par l'or et les offrandes, les louanges et les sacrifices de prières que nous offrons en Jésus-Christ et par Jésus-Christ; car ce ne sont pas ces choses qui sanctifient le Christ, mais le Christ qui les sanctifie.



vv. 23-24

5323 Mt 23,23-24

S. Chrys. (hom. 73). Le Seigneur avait reproché plus haut aux scribes et aux pharisiens de lier des fardeaux pesants, et de les placer sur les épaules des autres, alors qu'eux-mêmes ne voulaient pas les remuer du bout du doigt, il les accuse ici d'être d'une grande exactitude dans de petites choses, tandis qu'ils ne tenaient aucun compte des points les plus importants de la loi. «Malheur à vous, leur dit-il, scribes et pharisiens hypocrites qui payez la dîme», etc. - S. Jér. Laissant là pour le moment toute interprétation mystique, nous dirons que Dieu ayant ordonné à son peuple d'offrir dans le temple la dîme de tous ses biens pour l'entretien des prêtres et des lévites dont Dieu était le seul héritage, les pharisiens n'avaient d'autre préoccupation que de faire porter dans le temple cette offrande exigée, tandis qu'ils abandonnaient complètement d'autres obligations bien plus importantes, comme Notre-Seigneur le leur reproche: «Et vous avez laissé ce qu'il y a de plus important dans la loi», etc. Il leur reproche aussi, par là, leur avarice, eux qui exigeaient avec tant de soin la dîme des herbes les plus viles, et qui ne tenaient aucun cas des principaux commandements, comme d'observer la justice dans les différends, la miséricorde envers les pauvres, la foi en Dieu. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien dans un autre sens, les prêtres, pleins d'avarice, reprenaient sévèrement celui qui avait négligé de payer la dîme des plus petites choses, comme s'il avait commis un grand crime; mais s'il avait fait tort à son prochain, s'il s'était rendu coupable d'offense envers Dieu, ils ne songeaient même pas à lui en faire un reproche, uniquement préoccupés de leurs intérêts et pleins d'indifférence pour la gloire de Dieu et le salut des hommes. Car c'est pour sa gloire que Dieu nous a fait un précepte de la justice, de la miséricorde, de la foi, tandis que la dîme n'a d'autre fin que l'utilité des prêtres, et Dieu l'a établie pour que les prêtres pussent se consacrer au service du peuple dans les choses spirituelles, et que les peuples leur fournissent de quoi subvenir à leurs besoins temporels. Mais il arrive que tous se montrent pleins de sollicitude pour leurs intérêts, tandis que l'honneur de Dieu les trouve tout à fait insensibles; ils défendent leurs droits avec un zèle excessif, mais n'ont pas le moindre souci de rendre à l'Église les services dont ils lui sont redevables. Que le peuple néglige de payer les dîmes, vous les entendez tous murmurer; mais qu'ils soient témoins de prévarication du peuple, pas un seul ne lui en fera le moindre reproche. Toutefois, comme parmi les scribes et les pharisiens il en était qui faisaient partie du peuple, il n'est pas inutile de donner une autre explication qui puisse s'appliquer à ceux qui payaient la dîme; car l'expression décimer signifie à la fois celui qui reçoit la dîme et celui qui la paie. Dans ce sens, les scribes et les pharisiens payaient la dîme des moindres choses (Nb 18,2 et suiv.) par ostentation de religion, tandis qu'ils étaient injustes dans leurs jugements, sans miséricorde pour leurs frères, et incrédules à l'égard de la vérité.

Orig. Mais comme il pouvait arriver que quelques-uns, entendant le Sauveur s'exprimer de la sorte, négligeraient de payer la dîme des choses moins importantes, il ajoute avec sagesse: «Et il fallait observer ces choses», c'est-à-dire la justice, la miséricorde, la foi, et ne pas omettre les autres, c'est-à-dire la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin. - Remi. Ces paroles de Notre-Seigneur nous apprennent qu'il faut accomplir avec la même fidélité tous les commandements de la loi, les plus grands comme les plus petits. Il condamne en même temps ceux qui s'imaginent que l'aumône qu'ils font des fruits de la terre, les rend tout à fait impeccables, tandis que ces aumônes leur serviront de rien, s'ils ne s'efforcent de mettre fin à leurs péchés. - S. Hil. C'était assurément une moindre faute d'omettre de payer la dîme d'une herbe quelconque que de manquer à un devoir de charité, aussi le Seigneur leur adresse ce reproche ironique: «Conducteurs aveugles, qui avez grand soin de passer ce que vous buvez, de peur d'avaler un moucheron». - S. Jér. Je pense que par le chameau, il faut entendre ici les grands préceptes, la justice, la miséricorde et la foi; et par le moucheron, la dîme de la menthe, de l'aneth, du cumin et d'autres légumes de vil prix. Nous avalons pour ainsi parler, et nous négligeons les préceptes les plus importants, et sous prétexte de religion, nous déployons beaucoup de zèle pour les petites choses qui nous apportent du profit. - Orig. Ou bien, ils filtrent le moucheron, c'est-à-dire qu'ils se gardent des moindres fautes que Notre-Seigneur compare à des moucherons, tandis qu'ils avalent le chameau en commettant les plus grands crimes qu'il compare à des chameaux, dont la difformité égale la grandeur. Les scribes, dans le sens moral, sont ceux qui ne veulent voir dans l'Écriture que ce que la lettre seule exprime, tandis que les pharisiens sont ceux qui se justifient eux-mêmes, et se séparent des autres en leur disant: «Ne m'approchez pas, car je suis pur». La menthe, l'aneth et le cumin servent à assaisonner les aliments, mais ne peuvent tenir place des aliments essentiels, et c'est ainsi que dans la vie chrétienne, il est des choses nécessaires pour notre justification, comme la miséricorde, la justice et la foi, tandis qu'il en est d'autres qui sont comme l'assaisonnement de nos actions, et semblent leur donner un goût plus agréable, comme l'éloignement de folles joies du monde, le jeûne, les génuflexions et autres actes semblables. Or, comment ne pas considérer comme aveugles ceux qui ne voient pas? Car que sert d'être comme un économe fidèle dans les petites choses, si on néglige les plus importantes. Les pharisiens trouvent donc leur condamnation dans les paroles du Sauveur qui ne défend pas d'être fidèle aux moindres observances, mais qui nous commande d'accomplir avec beaucoup plus de soin les points les plus importants de la loi. - S. Grég. (Moral., 1, 7). Ou bien dans un autre sens, le moucheron pique en bourdonnant, et le chameau s'incline pour recevoir les fardeaux dont on veut le charger. Les Juifs passèrent le moucheron, lorsqu'ils demandèrent la grâce d'un voleur séditieux, et ils avalèrent le chameau en s'efforçant d'étouffer par leurs cris celui qui était descendu volontairement pour prendre sur lui les fardeaux de notre mortalité.


vv. 25-26

5325 Mt 23,25-26


S. Jér. Sous des expressions différentes, Notre-Seigneur accuse ici, comme précédemment, d'hypocrisie et de mensonge, les pharisiens qui voulaient paraître aux yeux des hommes tout différents de ce qu'ils étaient dans le secret de leurs demeures: «Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites», etc. Il ne leur reproche pas une pratique superstitieuse dans l'usage des plats et des coupes, mais d'affecter aux yeux des hommes les dehors trompeurs de la sainteté, ce que prouvent évidemment les paroles suivantes «Au dedans, au contraire, vous êtes pleins de rapine et d'impureté». - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien, il fait ici allusion à une pratique des Juifs, qui toutes les fois qu'ils devaient entrer dans le temple, ou pour offrir des sacrifices, ou pour une solennité, se purifiaient et lavaient leurs vêtements, et tout ce qui était à leur usage, tandis qu'aucun d'eux ne songeaient à se purifier de ses péchés. Dieu, cependant, n'a ni louanges pour la propreté du corps, ni blâme pour les souillures dont il peut être couvert. Admettez, toutefois, que Dieu a en horreur les taches et les souillures que les corps et les vases contractent nécessairement par l'usage que nous en faisons, pensez-vous qu'il ne verra pas avec plus d'horreur encore les souillures de la conscience, que nous pouvons toujours, si nous le voulons, conserver pure et sans tache? - S. Hil. (can. 24). Le Sauveur condamne ici la sotte vanité de ceux qui observent avec un soin scrupuleux des pratiques stériles, et qui négligent les oeuvres si utiles de la perfection. Car dans une coupe, c'est l'intérieur qui sert, et si cet intérieur est malpropre, à quoi peut servir qu'il soit net au dehors? C'est donc l'éclat intérieur de la conscience qu'il faut chercher pour arriver par là à la pureté extérieure du corps; et c'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Aveugle pharisien, nettoie d'abord le dedans de la coupe et du plat». - S. Chrys. (sur S. Matth). Le Sauveur ne veut point ici parler d'une coupe ou d'un plat matériels, mais de cette coupe spirituelle, figurée par ces objets; cette coupe peut être pure aux yeux de Dieu, sans que l'eau l'ait jamais purifiée, et au contraire, si le péché vient à la souiller, elle sera toujours impure, et misérable devant Dieu, quand bien même toute l'eau de la mer et des fleuves serait employée à la purifier.

S. Chrys. (hom. 73). Remarquez que lorsque Notre-Seigneur parlait de la dîme, il a dit: «Il fallait pratiquer ces choses sans omettre les autres; car la dîme est une espèce d'aumône, et en quoi l'aumône peut-elle être nuisible? Toutefois, en s'exprimant ainsi, Notre-Seigneur ne veut point recommander de nouveau les observances légales. Mais en traitant ici des souillures et des purifications légales, il n'ajoute rien de semblable, et se contente de dire que la pureté extérieure est une conséquence nécessaire de la pureté intérieure, en désignant le corps par l'extérieur de la coupe et du plat, et l'âme par l'intérieur. - Orig. Apprenons de là qu'il nous faut travailler à être justes, plutôt que de chercher à le paraître. Celui qui ne cherche qu'à paraître juste, nettoie l'extérieur, et prend soin des apparences, mais il laisse son coeur et sa conscience dans l'abandon. Celui, au contraire, qui s'applique à purifier l'intérieur, c'est-à-dire ses pensées, par une conséquence nécessaire, purifie tout ce qui paraît au dehors. Or, tous les maîtres de fausses doctrines sont comme des coupes purifiées à l'extérieur sous les dehors de la religion dont ils se couvrent, mais au dedans ils sont pleins de rapine et d'hypocrisie, et ne tendent qu'à entraîner les hommes dans l'erreur. La coupe et le plat sont des vases dont on se sert, l'une pour boire, l'autre pour manger, et nous figurent tout discours qui est pour notre âme une boisson spirituelle, toute parole qui lui sert d'aliment. Celui donc qui s'applique à faire des discours étudiés, plutôt qu'à les remplir d'un sens utile et salutaire, ressemble à une coupe parfaitement nettoyée au dehors, mais pleine au dedans des souillures de la vanité. Les livres de la loi et des prophètes sont aussi des coupes pleines d'un breuvage spirituel et des plats couverts des aliments nécessaires à notre âme. Les scribes et les pharisiens ne s'occupent que de démontrer la pureté du sens extérieur et littéral, tandis que les disciples de Jésus-Christ s'efforcent de faire briller le sens spirituel dans tout son éclat.


vv. 27-28

5327 Mt 23,27-28

Orig. Le Sauveur vient de dire qu'ils étaient pleins de rapine et d'impureté; il ne craint pas de dire encore ici qu'ils sont pleins d'hypocrisie et d'iniquité, et de les comparer à des ossements de morts et à un amas d'immondices: «Malheur à vous scribes et pharisiens, parce que vous ressemblez à des sépulcres», etc. - S. Chrys. (sur S. Matth). C'est avec raison que les corps des justes sont appelés des temples, parce que l'âme règne dans le corps du juste comme Dieu dans un temple, ou parce que Dieu lui-même habite dans les corps des justes. Les corps des pécheurs, au contraire, sont appelés des tombeaux de morts, parce que l'âme est morte dans le corps du pêcheur, et qu'on ne peut la considérer comme vivante, puisqu'elle ne produit rien au dehors qui ait l'apparence de la vie ou qui vienne de l'esprit. - S. Jér. Les sépulcres sont enduits de chaux au dehors, recouverts de marbres et parsemés d'or et de peinture; mais, au dedans, ils sont pleins d'ossements de morts, ce qui fait dire à Notre-Seigneur: «Ils paraissent beaux aux yeux des hommes, mais, au dedans, ils sont pleins d'ossements de morts et de toute sorte de pourriture». C'est ainsi que ces maîtres pervers, dont la conduite dément les enseignements, professent une grande pureté à l'extérieur par la netteté de leurs vêtements et l'humilité de leur langage, tandis qu'ils sont pleins, à l'intérieur, de toute espèce de pourriture, d'avarice et de libertinage. C'est ce que le Sauveur exprime clairement en ces termes: «C'est ainsi qu'au dehors vous paraissez justes», etc. - Orig. En effet, toute vertu, qui n'a que l'apparence, c'est-à-dire qui n'a pas Dieu pour fin, est morte, ou plutôt ce n'est pas même une vertu, pas plus qu'un homme mort n'est un homme, pas plus que les comédiens qui jouent le rôle de personnages étrangers ne sont eux-mêmes les personnages qu'ils représentent, ils renferment donc autant d'ossement de mort et de pourriture que leur intention vicieuse affecte de vertus au dehors. Au dehors, ils paraissent justes aux yeux des hommes, non pas de ceux que l'Écriture appelle des dieux, mais de ceux qui meurent comme le reste des hommes. - S. Grég. (Moral., 26, 23). Au tribunal du juge sévère, ils ne pourront point s'excuser sur leur ignorance, puisqu'en voulant paraître aux yeux des hommes ornés de toutes les vertus, ils déposent contre eux-mêmes qu'ils connaissent les voies de la justice. - S. Chrys. (sur S. Matth). Or, dites-moi, hypocrites que vous êtes, si c'est une chose louable d'être mauvais, pourquoi ne voulez-vous point paraître au dehors ce que vous êtes en réalité? Car ce qu'il est honteux de paraître, il est bien plus honteux de l'être en effet; et, ce qu'il est beau d'être au dehors, il est bien plus beau de l'être en réalité. Soyez donc ce que vous voulez paraître, ou paraissez ce que vous êtes réellement.



vv. 29-31

5329 Mt 23,29-31

S. Jér. Le Sauveur, par un raisonnement des plus habiles, convainc les pharisiens d'être des enfants d'homicides, alors que, pour obtenir de la gloire parmi le peuple, et lui donner une haute idée de leur sainteté, ils élevaient des tombeaux aux prophètes que leurs ancêtres avaient tués: «Malheur à vous, leur dit-il, scribes et pharisiens, hypocrites, qui bâtissez, etc». - Orig. (Traité 26 sur S. Matth). Cette malédiction, prononcée contre ceux qui bâtissaient des tombeaux aux prophètes, ne paraît pas motivée, car, en cela, ils faisaient une oeuvre louable, comment donc méritaient-ils cette malédiction? - S. Chrys. (hom. 74). Il ne les accuse donc pas d'élever ces tombeaux, mais il condamne l'intention qui les porte à les construire, car ce n'est pas pour honorer ceux qui ont été mis à mort, mais pour chercher dans le meurtre même des prophètes un sujet d'ostentation, et, dans la crainte que, par le laps du temps, la destruction de ces tombeaux ne laissât tomber la mémoire d'un si grand forfait. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien ils se disaient en eux-mêmes: Si nous faisons du bien aux pauvres nous aurons peu de témoins, et ce sera l'affaire d'un instant; ne vaut-il donc pas mieux élever des monuments que tous pourront voir, non seulement dans le temps présent, mais encore dans la suite des siècles ! Insensé, que vous servira ce souvenir après votre mort, si vous êtes tourmenté là où vous serez, et loué là où vous ne serez pas ! Or, ce reproche, que Notre-Seigneur fait aux Juifs, est en même temps une leçon pour les chrétiens, car s'il n'avait eu en vue que les Juifs dans ces paroles, il se fût contenté de les leur adresser, et ne les aurait pas fait transmettre à la postérité; elles ont donc été dites pour eux et écrites pour nous. Si donc un homme, indépendamment du bien qu'il fait d'ailleurs, élève des édifices sacrés, il augmente le nombre de ses bonnes oeuvres; mais, s'il ne peut présenter aucune autre bonne action, il n'a pour mobile de sa conduite qu'un désir de gloire toute humaine, et ce ne peut être pour les martyrs un sujet de joie de voir employer et leur honneur un argent qui coûte tant de larmes aux pauvres. Les Juifs, d'ailleurs, ont toujours professé le culte du passé et des anciens, en même temps qu'ils méprisaient et persécutaient leurs contemporains. En effet, comme les reproches des prophètes leur étaient à charge, ils les persécutaient et les mettaient à mort; puis ensuite leurs enfants reconnaissaient les fautes de leurs pères, et leur élevaient des tombeaux comme témoignage de l'innocence dés prophètes et des regrets qu'ils éprouvaient de leur mort; et, en même temps, ils persécutaient eux-mêmes les prophètes, qui leur reprochaient leurs crimes, et ils devenaient leurs meurtriers: «Et vous dites, ajoute Notre-Seigneur: Si nous eussions vécu du temps de nos pères nous ne nous fussions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes. - S. Jér. S'ils ne le disent pas en propres termes, ils le disent assez haut par leurs oeuvres, en élevant des monuments magnifiques et fastueux à la mémoire des prophètes que leurs pères ont massacrés. - S. Chrys. (sur S. Matth). Leurs oeuvres étaient donc la traduction fidèle des pensées de leur coeur. Or, le Sauveur nous révèle ici le défaut habituel de tous les hommes livrés au mal: chacun d'eux voit, à la première vue, les fautes de son prochain, et ne reconnaît que très-difficilement les siennes. En effet, pour juger les fautes des autres, notre coeur est calme et tranquille; mais, s'agit-il de nos fautes personnelles, il perd ce calme et cette tranquillité, et c'est ce qui fait que nous pouvons tous être facilement de bons juges en ce qui concerne les autres, tandis qu'il n'y a que l'homme vraiment juste et sage qui puisse être son propre juge.

«Vous vous rendez ainsi témoignage vous-mêmes que vous êtes les enfants de ceux qui ont tué les prophètes». - S. Chrys. (hom. 75). Quelle raison peut-on avoir de reprocher d'être le fils d'un homicide à celui qui ne partage pas les sentiments de son père? Aucune évidemment. Si donc Notre-Seigneur s'exprime de la sorte, c'est pour leur faire entendre à mots couverts qu'ils ont hérité de la malice de leurs pères. - S. Chrys. (sur S. Matth). En effet, la conduite des parents est en général un témoignage de la conduite des enfants. Ainsi, que le père soit vertueux et la mère vicieuse, ou réciproquement, il arrivera que les enfants imiteront tantôt le père, tantôt la mère; si le père et la mère ont une conduite semblable, il peut arriver que des parents vertueux donnent le jour à des enfants vicieux, ou que des enfants vertueux sortent de parents vicieux, mais c'est l'exception; de même qu'il est aussi en dehors des lois ordinaires de la nature qu'un enfant naisse avec six doigts et sans yeux. - Orig. (Traité 25). Dans les prophéties, le sens historique et littéral c'est le corps; mais le sens spirituel est l'âme, et les lettres de la sainte Écriture, aussi bien que les livres, sont comme les sépulcres. Ceux donc qui s'arrêtent au sens historique honorent les corps des prophètes déposés dans les lettres comme dans autant de sépulcres, et on les appelle pharisiens, c'est-à-dire séparés, parce qu'ils séparent l'âme des prophètes de leur corps.



Catena Aurea 5314