Catena Aurea 5332

vv. 32-36

5332 Mt 23,32-36

S. Chrys. (hom. 75). Après avoir reproché aux scribes et aux pharisiens d'être les enfants de ceux qui ont tué les prophètes, il leur prouve maintenant qu'ils leur sont égaux en malice, et que c'était un mensonge de dire qu'ils n'auraient point participé à leurs oeuvres, s'ils avaient vécu de leur temps: «Achevez de combler la mesure de vos pères», paroles qui ne renferment pas un ordre, mais qui sont une simple prédiction de ce qui doit arriver. - S. Chrys. (sur S. Matth). Il leur prophétise donc qu'à l'exemple de leurs pères, qui ont versé le sang dés prophètes, ils mettront à mort eux-mêmes le Christ, les apôtres et les autres saints. C'est ainsi que, dans une dispute avec un ennemi, si vous lui dites: «Faites-moi tout le mal que vous voulez me faire», ce n'est pas un ordre, mais une preuve que vous comprenez ses desseins. Or, quant à l'accomplissement de cette prophétie, les Juifs ont, en réalité, dépassé la mesure de leurs pères, qui n'avaient mis à mort que des hommes, tandis qu'eux, au contraire, ont crucifié un Dieu. Mais, comme il a subi volontairement la mort qu'il avait choisie, il ne leur en fait point un crime, il ne leur reproche que la mort des apôtres et des autres saints. Aussi il ne leur dit pas: «Dépassez», mais «Comblez la mesure de vos pères», car, un juge également juste et bon méprise les outrages dont il est l'objet, pour ne venger que les injustices commises à l'égard des autres. - Orig. (Traité 26 sur S. Matth). Ils remplissent encore la mesure des iniquités de leurs pères, par cela seul qu'ils ne croient pas eu Jésus-Christ. Or, la cause de leur incrédulité fut qu'ils ne s'attachèrent jamais qu'au sens littéral et historique des Écritures, sans vouloir reconnaître le sens spirituel qu'elles renfermaient.

S. Hil. (can. 24). C'est parce qu'ils doivent combler la mesure des desseins criminels de leurs pères que le Sauveur les appelle des serpents et une race de vipères «Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous d'être condamnés au feu de l'enfer ?» - S. Jér. Jean-Baptiste leur avait déjà tenu le même langage (Mt 3,7 Lc 3,7). De même, leur dit-il, que des vipères naissent d'autres vipères; ainsi, vous êtes nés homicides de pères également homicides. - S. Chrys. (sur S. Matth). Il les appelle «Races de vipères», parce qu'il est dans la nature des vipères de venir au jour en déchirant le sein de leurs mères, et qu'ainsi font les Juifs, qui con damnent toujours leurs pères et blâment leur conduite. Il leur demande donc: «Comment éviterez-vous d'être condamnés au feu de l'enfer ?» Est-ce en élevant des tombeaux aux Saints? Mais, le premier degré de la piété, c'est d'aimer la sainteté, et après cela, les saints; et c'est inutilement qu'on veut honorer les justes en méprisant la justice, car les saints ne peuvent accorder leur amitié à ceux que Dieu regarde comme ses ennemis. Serait-ce le vain nom que vous portez qui vous délivrera, parce que vous faites partie du peuple de Dieu? Mais je pense, quant à moi, qu'un ennemi déclaré vaut mieux qu'un faux ami; ainsi Dieu a-t-il plus en horreur celui qui se proclame son serviteur et qui obéit à la volonté du démon. - (Idem hom. 45). Devant Dieu, celui qui se prépare à commettre un homicide est déjà réellement homicide avant qu'il ait consommé son crime, car c'est la volonté que Dieu récompense ou punit, pour le bien ou pour le mal qu'elle veut faire; les oeuvres ne sont que le témoignage de la volonté, et Dieu les exige, non pas qu'il en ait besoin pour motiver son jugement, mais pour les hommes, afin que tous comprennent qu'il est juste dans ses jugements. Or, Dieu fournit aux méchants l'occasion de pécher, non pour les forcer à mal faire, mais pour dévoiler aux yeux des hommes leur iniquité; et il ménage également aux bons l'occasion de faire le bien pour faire connaître la pureté de leurs intentions est ainsi qu'il donne aux scribes et aux pharisiens l'occasion de révéler leurs mauvais desseins, et voilà pourquoi il conclut en ces termes: «C'est pour cela que je vais vous envoyer des prophètes, et des sages, et des scribes». - S. Hil. C'est-à-dire les apôtres, car ils sont prophètes par la révélation que Dieu leur fait des événements à venir; sages par la connaissance qu'ils ont de Jésus-Christ; scribes par leur intelligence de la loi. - S. Jér. Ou bien, il faut voir ici les différentes grâces que Dieu répandit sur les disciples de Jésus-Christ, et que l'Apôtre énumère dans son épître aux Corinthiens (1Co 12,8-10). Les uns sont prophètes et prédisent l'avenir; les autres sages, parce qu'ils savent le moment où il doivent parler; les autres scribes, c'est-à-dire très instruits dans la loi. De ce nombre fut Etienne, lapidé par les Juifs; Paul, qui périt par le glaive; Pierre, qui fut crucifié, et les disciples qui furent battus de verges, comme nous lisons dans les Actes, et que les Juifs poursuivirent de ville en ville en les chassant de la Judée, et les forçant de passer chez les Gentils. - Orig. Ou bien encore, les scribes que Jésus-Christ envoie sont ceux que l'esprit de l'Évangile vivifie et que la lettre ne tue pas comme la lettre de la loi (2Co 3,6), qui fait tomber ceux qui la suivent dans de vaines superstitions. Or, le simple récit de l'Évangile suffit pour conduire au salut. Les scribes de la loi flagellent par leurs attaques les scribes de l'Évangile dans leurs synagogues, tandis que les hérétiques, qui sont les pharisiens spirituels, flagellent les chrétiens de leurs langues, et les persécutent de ville en ville d'une persécution tantôt extérieure, tantôt spirituelle, en s'efforçant de les chasser des livres des prophètes, de ceux de la loi et de l'Évangile, comme d'une cité qui leur appartient.

S. Chrys. (hom. 74). Il leur montre ensuite que ces crimes ne demeureront pas impunis, et leur imprime une crainte indicible par les paroles qui suivent: «Afin que tout le sang innocent qui a été répandu retombe sur vous», etc. - Rab. C'est-à-dire toute la vengeance que réclame le sang des justes qui a été répandu. - S. Jér. il est hors de doute que cet Abel soit celui qui a été tué par son frère Caïn, et à la justice duquel non seulement le Sauveur, mais le récit de la Genèse, (Gn 4) rendent témoignage. Mais quel est ce Zacharie, fils de Barachie, car nous trouvons dans l'Écriture un grand nombre de personnes qui portent le nom de Zacharie? Pour nous prémunir ici contre toute erreur volontaire, Notre-Seigneur ajoute: «Que vous avez tué entre le temple et l'autel». Or, les uns pensent que ce Zacharie est le onzième des douze petits prophètes, et le nom de son père est favorable à cette opinion. Mais l'Écriture ne nous dit pas dans quelle circonstance il a été tué entre le temple et l'autel, d'autant plus que de son temps il restait à peine quelques ruines du temple. D'autres veulent que ce soit Zacharie, père de Jean-Baptiste. - Orig. Une tradition qui est venue jusqu'à nous, nous apprend qu'il y avait dans le temple un lieu où il était permis aux vierges de venir adorer Dieu, mais où l'on ne permettait pas d'entrer à celles qui avaient été dans les liens du mariage. Or, lorsque Marie entra dans le temple pour y prier après la naissance du Sauveur, elle se tint dans l'endroit réservé aux vierges; ceux qui savaient qu'elle était devenue mère voulurent l'en empêcher, mais Zacharie leur répondit qu'elle était digne d'occuper la place des vierges, puisqu'elle était encore vierge. Ils l'accusèrent donc d'agir ouvertement contre la loi, et le tuèrent entre le temple et l'autel, et c'est ainsi que Notre-Seigneur peut dire en toute vérité à ceux qui étaient présent: «Que vous avez tué», etc. - S. Jér. Cette explication, toutefois, n'étant pas appuyée sur l'autorité de l'Écriture, peut être rejetée aussi facilement qu'on l'admet. D'autres prétendent qu'il s'agit de Zacharie qui fut tué par Joas, roi de Juda, entre le temple et l'autel, c'est-à-dire dans le parvis; mais il faut remarquer que ce Zacharie ne fut pas fils de Barachias, mais du grand-prêtre Joiadas. Barachias, dans la langue hébraïque, veut dire le béni du Seigneur, tandis que le nom de Joiadas signifie, en hébreu, la justice. On lit cependant dans l'Évangile dont se servent les Nazaréens, fils de Joiadas, au lieu de fils de Barachias.

Remi. Mais pourquoi le Sauveur n'a-t-il parlé que du sang répandu jusqu'à Zacharie, alors que les Juifs répandirent ensuite le sang d'un si grand nombre de saints? En voici la raison: «Abel, pasteur de troupeaux, fut tué au milieu des champs; Zacharie, qui était prêtre, fut mis à mort entre le temple et l'autel», et le Seigneur choisit ces deux personnages, parce qu'ils représentent tous les saints martyrs appartenant soit à l'ordre des laïques, soit à celui des prêtres. - S. Chrys. (Hom. 74). Il fait encore mention d'Abel pour montrer aux Juifs que c'est aussi par une noire envie qu'ils mettraient à mort le Christ et ses disciples, et il rappelle le meurtre de Zacharie, parce que dans ce meurtre se trouve réuni le double crime d'avoir été commis sur la personne d'un homme juste, et dans le lieu saint. - Orig. Le nom de Zacharie signifie souvenir de Dieu, celui donc qui cherche à éteindre le souvenir de Dieu dans l'âme de ceux qu'il scandalise, répand en quelque sorte le sang de Zacharie, fils de Barachie; car c'est par la bénédiction de Dieu que nous conservons le souvenir de Dieu. Les impies anéantissent encore le souvenir de Dieu toutes les fois que le temple de Dieu est déshonoré par le libertinage, et que son autel est souillé par l'indignité des prières qu'on y offre. Abel signifie deuil, celui donc qui ne croit pas à cette parole: «Heureux ceux qui pleurent», répand le sang d'Abel, c'est-à-dire rejette cette vérité que les larmes sont salutaires. Il en est, en effet, qui répandent la vérité des Écritures comme s'ils en répandaient le sang; car toute Écriture qui n'est point comprise dans son sens véritable est une Écriture morte.

S. Chrys. (hom. 74). Or, afin de leur enlever toute excuse et tout prétexte de dire: Nous avons été scandalisés de ce que vous avez envoyé les Apôtres aux nations, le Sauveur leur prédit qu'il leur enverra ses disciples, et il fait allusion à la vengeance que Dieu tirera de leur mort en ajoutant: «Je vous le dis en vérité, toutes ces choses viendront sur cette génération», etc. - La Glose. Cette prédiction ne s'adresse pas seulement à la génération présente, mais à la génération des méchants toute entière dans le passé comme dans l'avenir, parce que tous ne forment qu'une seule cité et qu'un seul corps, la cité et le corps du démon. - S. Jér. C'est un principe dans l'Écriture d'admettre deux générations: celle des bons et celle des méchants. Elle dit de la première (Ps 62): «La génération des justes sera bénie »; et dans ce passage, la génération des méchants est appelée génération de vipères. Ceux donc qui se rendirent coupables contre les Apôtres des mêmes crimes qu'avaient commis Caïn et Joas, sont compris dans la même génération. - S. Chrys. (hom. 75). Ou bien dans un autre sens, comme le supplice de l'enfer, dont le Seigneur les menaçait, devait tarder encore quelque temps, il les menace de châtiments immédiats en leur disant: «Tout cela viendra sur cette race qui est aujourd'hui». - S. Chrys. (sur S. Matth). De même que toutes les grâces que les saints ont méritées dans chacune des générations qui se sont succédé depuis le commencement du monde, ont été accordées à ceux qui, dans ces derniers temps, ont reçu Jésus-Christ; ainsi tous les châtiments que les méchants ont mérités depuis le commencement du monde, sont venus fondre dans ces derniers temps sur les Juifs, parce qu'ils ont rejeté Jésus-Christ. Ou bien, de même que toute la justice réunie des saints qui ont précédé, et en général de tous les saints, n'a pu obtenir une si grande abondance de grâces que celle que Dieu a répandue sur les hommes par Jésus-Christ; ainsi les péchés réunis de tous les impies n'ont point mérité d'aussi grands châtiments que ceux qui vinrent fondre sur les Juifs, tels que ceux que les Romains firent souffrir à ce malheureux peuple, et qui furent suivis d'une peine non moins terrible pour toutes les générations suivantes, celle d'être rejetées de Dieu jusqu'à la fin du monde, et d'âtre le jouet et la risée de tous les autres peuples. Car aussi, quel plus grand crime que de ne pas recevoir le Fils de Dieu qui venait à eux avec tant de miséricorde et d'humilité, mais de lui faire souffrir une mort aussi cruelle? Ou bien, lorsqu'une nation ou une cité se rend coupable, Dieu ne la punit pas aussitôt, mais il attend pendant plusieurs générations, et lorsqu'il a décrété de perdre cette cité ou cette nation, il semble la rendre responsable des péchés de toutes les générations précédentes, parce qu'elle souffre elle seule tout ce qu'ont mérité ces générations. C'est ainsi que la génération actuelle des Juifs paraît punie pour les crimes de ses ancêtres, bien qu'elle ne reçoive que le juste châtiment dû à ses propres crimes.

S. Chrys. (hom. 74). Celui qui a été témoin des prévarications d'un grand nombre, et qui, loin de devenir meilleur, retombe dans les mêmes fautes ou dans de plus graves encore, se rend digne de plus grands châtiments.


vv. 37-39

5337 Mt 23,37-39

S. Chrys. (hom. 74). Le Sauveur s'adresse ensuite à la ville de Jérusalem elle-même pour l'instruction de ceux qui l'écoutent: «Jérusalem, Jérusalem», répétition qui exprime toute sa compassion et son amour. - S. Jér. Sous le nom de Jérusalem, ce n'est pas aux pierres ni aux édifices de cette ville qu'il s'adresse, mais à ses habitants sur lesquels il pleure avec toute l'affection d'un père pour ses enfants. - S. Chrys. (sur S. Matth). Il prévoit la destruction de cette ville, et les maux que les Romains doivent lui faire endurer, et il se rappelle en même temps le sang des saints qu'elle avait répandu, et qu'elle devait répandre encore, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Toi qui tues les prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés». Tu as scié en deux le prophète Isaïe que je t'avais envoyé, tu as lapidé mon serviteur Jérémie, tu as répandu la cervelle d'Ezéchiel en le traînant sur les pierres. Comment pourras-tu jamais être sauvée, toi qui ne permets à aucun médecin d'arriver jusqu'à toi ?» Et il ne lui dit pas: Toi qui as tué, ou qui as lapidé, mais «qui tues et qui lapides», c'est-à-dire il est comme dans ta nature de tuer et de lapider les saints; et en effet, elle a traité les Apôtres comme elle avait autrefois traité les prophètes. - S. Chrys. (hom. 74). Après s'être ainsi adressé à cette ville homicide, et lui avoir dévoilé toute l'horreur des meurtres qu'elle avait commis, le Sauveur ajoute comme pour s'excuser: «Combien de fois ai-je voulu réunir tes enfants !» Comme s'il disait: Non seulement tu n'as pu par tant de meurtres éteindre l'amour que j'ai pour toi, mais j'ai voulu t'unir intimement à moi, non pas une fois ou deux, mais dans une multitude de circonstances; et pour lui exprimer la grandeur de sa tendresse, il ne dédaigne pas de se comparer à une poule. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 32,) Cet animal a une tendresse excessive pour ses petits, elle s'affecte de leurs infirmités jusqu'à en devenir malade elle-même, et ce que vous trouverez difficilement dans les autres oiseaux, elle couvre ses petits de ses ailes, et les défend contre le milan. C'est ainsi que notre mère, la sagesse de Dieu, devenue infirme en quelque sorte par son union avec notre chair, selon cette parole de l'Apôtre: «Ce qui paraît en Dieu une faiblesse est plus fort que les hommes», protège notre infirmité, et résiste aux attaques du démon qui voudrait nous enlever.

Orig. Le Sauveur appelle les Juifs enfants de Jérusalem dans le sens que nous appelons les enfants des citoyens ceux qui leur succèdent. Il dit: «Combien de fois ai-je voulu», lorsqu'il est certain cependant qu'il n'a enseigné qu'une seule fois les Juifs dans la vérité de sa chair, parce que le Christ a toujours été présent, et dans Moïse, et dans les prophètes et dans les anges que Dieu envoyait pour sauver les hommes dans toutes les générations. - Rab. Que les hérétiques cessent donc de ne faire remonter l'origine du Christ qu'à sa naissance du sein de la vierge, qu'ils cessent de prêcher un autre Dieu de la loi et des prophètes. - S. Aug. (Enchir., chap. 99). Où est donc cette puissance par laquelle il fait tout ce qu'il veut sur la terre et dans le ciel, s'il est vrai qu'il ait voulu rassembler les enfants de Jérusalem, et qu'il n'ait pu le faire? N'est-ce pas plutôt Jérusalem qui ne voulut pas lui laisser rassembler ses enfants, et cependant malgré son opposition, n'a-t-il pas rassemblé réellement tous ceux qu'il a voulu ?

S. Chrys. (hom. 74). Il leur prédit ensuite le châtiment qu'ils avaient toujours redouté, la destruction du temple et de la ville: «Le temps s'approche où votre demeure sera déserte». - S. Chrys. (sur S. Matth). De même que le corps, après sa séparation d'avec l'âme, commence par se refroidir, puis tombe en pourriture et en dissolution; ainsi notre temple intérieur, lorsque le Saint-Esprit s'en sera retiré, se remplira de troubles, de rébellion jusqu'à son entière destruction. - Orig. Notre-Seigneur Jésus-Christ fait toujours les mêmes menaces à ceux qui n'ont pas voulu se laisser rassembler sous ses ailes: «Voici que votre maison demeurera dé serte», c'est-à-dire votre âme et votre corps. Et si quelqu'un de vous refuse de se réunir sous les ailes de Jésus-Christ, du moment où il se refusera à cette réunion (par l'acte de sa volonté plutôt que par un acte extérieur), il cessera de voir la beauté du Verbe jusqu'à ce qu'il se repente de son obstination et qu'il dise: «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur». C'est, en effet, lorsqu'un homme se convertit à Dieu, que le Verbe béni de Dieu descend dans son coeur: «Car je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais jusqu'à ce que vous disiez: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur». - S. Jér. C'est-à-dire vous ne me verrez plus jusqu'à ce que vous ayez fait pénitence et reconnu hautement que je suis celui que les prophètes ont annoncé, le Fils du Père tout-puissant, Les Juifs ont donc un temps marqué pour le repentir; qu'ils confessent que celui qui vient au nom du Seigneur est béni, et ils seront admis à contempler le visage du Christ. - S. Chrys. (hom. 74). Ou bien dans un autre sens, il annonce ici en termes couverts son second avènement; alors que tous les Juifs, sans exception, l'adoreront comme leur Dieu; quant à l'expression «désormais», elle se rapporte au temps de sa mort sur la croix.


CHAPITRE XXIV


vv. 1-2

5401 Mt 24,1-2

Orig. (traité 27 sur S. Matth). Après que Notre-Seigneur Jésus-Christ eut prédit tous les maux qui devaient tomber, sur la ville de Jérusalem, il sortit du temple qu'il avait préservé de sa destruction tant qu'il y était resté: «Jésus étant sorti du temple s'en allait». Chacun de nous aussi devient le temple de Dieu, à cause de l'esprit de Dieu qui habite en lui (1Co 3,16 1Co 6,19 2Co 6,16), et c'est à lui seul qu'il doit imputer l'abandon où Jésus-Christ le laisse en sortant de son coeur. «Et ses disciples s'approchèrent de lui», etc. On se demande naturellement pourquoi ils lui montrent les constructions du temple comme s'il ne les avait jamais vues. La raison en est que Notre-Seigneur ayant prédit plus haut la ruine du temple, les disciples qui l'entendirent, s'étonnèrent qu'un édifice de cette grandeur et de cette magnificence dût être entièrement détruit, et ils lui en firent voir la beauté, pour le fléchir en faveur de cet édifice, et l'engager à ne point accomplir les menaces qu'il avait faites. Or, la nature humaine nous offre elle-même une admirable structure, puisqu'elle est devenue le temple de Dieu, et encore aujourd'hui les disciples de Jésus-Christ et les autres saints, proclamant les prodiges que Dieu a opérés en faveur de cette pauvre nature humaine, intercèdent auprès de Jésus-Christ pour qu'il n'abandonne point le genre humain en punition de ses péchés.

«Mais il leur dit: Vous voyez tous ces bâtiments? je vous le dis en vérité, ils seront tellement détruits, qu'il n'y restera pas pierre sur pierre. - Rab. L'histoire nous donne le véritable sens de cette prédiction: quarante-deux ans après la passion du Sauveur, la ville fut détruite avec le temple, sous Vespasien et Tite, empereurs romains. - Remi. C'est par un dessein providentiel que le temple disparut avec les cérémonies de la loi aussitôt la révélation de la loi de grâce; car autrement, ceux qui étaient encore faibles dans la foi, voyant que les institutions qui avaient Dieu pour auteur, et que les prophètes avaient consacrées, continuaient à subsister, se seraient éloignés insensiblement de la pureté de la foi pour embrasser un judaïsme tout charnel. - S. Chrys. (Hom. 75). Mais comment s'est vérifiée cette prédiction qu'il ne resterait pas pierre sur pierre? Ou bien, le Sauveur a voulu parler d'une destruction complète, ou de la destruction des parties du temple qu'ils avaient sous les yeux; car il est des parties qui ont été détruites jusque dans les fondements. J'ajouterai que ce qui s'est accompli de cette prédiction est pour nous un motif de croire que les autres parties seront elles-mêmes entièrement détruites.

S. Jér. Dans le sens mystique, aussitôt que le Seigneur fut sorti du temple, tout l'édifice de la loi et la disposition des commandements ont été entièrement détruits, de manière que les Juifs ne peuvent plus en observer la moindre partie, et que tous les membres privés de leur chef sont dans une lutte continuelle les uns avec les autres. - Orig. Tout homme qui reçoit dans son âme la parole de Dieu, devient le temple de Dieu. Si après avoir péché, il conserve encore quelque vestige de foi et de religion, ce temple est en partie renversé et en partie debout. Mais, au contraire, si après son péché, il ne prend plus aucun souci de son salut, il tombe en ruines de jour eu jour jusqu'à ce qu'il se sépare tout à fait du Dieu vivant, et alors il ne reste plus en lui pierre sur pierre des commandements de Dieu, et la destruction est complète.


vv. 3-5


5403 Mt 24,3-5

Remi. Le Seigneur, continuant son chemin, parvint jusqu'au mont des Oliviers. Or, comme il avait prédit clairement la destruction complète du temple dont quelques-uns de ses disciples lui avaient fait admirer chemin faisant la magnifique structure, lorsqu'il fut arrivé sur Le mont des Oliviers, ils s'approchèrent de lui pour l'interroger, comme le remarque l'Évangéliste: «Lorsqu'il se fut assis sur la montagne des Oliviers». - S. Chrys. (hom. 75). Ils s'approchèrent de lui secrètement, parce qu'ils avaient à lui faire d'importantes questions; car ils désiraient connaître le jour de son avènement par le désir ardent qu'ils avaient d'être témoins de sa gloire. - S. Jér. ils lui demandent trois choses: premièrement à quelle époque doit avoir lieu la destruction de Jérusalem: «Dites-nous quand toutes ces choses arriveront»; secondement, à quel temps le Christ doit venir: «Et quel sera le signe de votre avènement ?» troisièmement, quand doit arriver la fin du monde: «Et quel signe il y aura de la consommation du siècle». - S. Chrys. (hom. 75). Saint Luc rapporte que les disciples n'adressèrent au Sauveur qu'une seule question sur la ville de Jérusalem, parce qu'ils pensaient que l'avènement du Christ et la fin du monde suivraient immédiatement la ruine de Jérusalem. D'après saint Marc, ce ne furent pas tous les disciples qui l'interrogèrent sur la ruine de Jérusalem, mais seulement Pierre, Jacques Jean et André qui parlaient à Jésus plus librement et sans crainte.

Orig. La montagne des Oliviers est la figure de l'Église, formée de toutes les nations. - Remi. Cette montagne ne porte pas d'arbres stériles, mais des oliviers, dont l'huile entretient la lumière qui dissipe les ténèbres, repose les membres fatigués par le travail, et rend la santé aux malades. Or, Notre-Seigneur, assis sur la montagne des Oliviers, en face du temple, s'entretient de la ruine de ce temple et de la destruction de la nation juive, pour montrer par la position même qu'il occupe, que tout en restant calme et tranquille au milieu de son Église, il ne laisse pas de condamner l'orgueil des impies. - Orig. Le laboureur qui est assis sur la montagne des Oliviers, c'est le Verbe de Dieu établi dans l'Église, c'est-à-dire Jésus-Christ qui ne cesse de greffer les branches de l'olivier sauvage sur l'olivier franc des patriarches. Or, ceux qui mettent leur confiance en Jésus-Christ, désirent connaître quel sera le signe de son avènement et de la consommation du siècle. Il y a deux avènements du Verbe dans l'âme: le premier a lieu par cette prédication du Christ qui paraît une folie, et qui annonce que Jésus-Christ est né, et qu'il a été crucifié; le second avènement se fait dans les hommes parfaits dont saint Paul a dit «Nous parlons le langage de la sagesse au milieu des hommes parfaits», et à ce second avènement vient se joindre la consommation du siècle dans l'homme parfait, pour qui le monde a été crucifié» (Ga 6,14).

S. Hil. (can 25) Comme les disciples font à Jésus-Christ trois questions différentes, elles sont divisées en autant de propositions distinctes pour le temps où ces événements doivent arriver Notre Seigneur répond d'abord à la question qui a pour objet la destruction de la ville, et il confirme sa réponse par la vérité de sa doctrine, afin que ses disciples ne tombent point dans les pièges que les hommes du mensonge pourraient tendre à leur ignorance: «Et Jésus leur répondit: Prenez garde que nul ne vous séduise, car plusieurs viendront en mon nom, disant Je suis le Christ» - S. Chrys. (hom. 75) Il ne leur parle pas immédiatement dans sa réponse de la ruine de Jérusalem, ni de son second avènement, mais il leur signale les dangers contre lesquels il fallait tout d'abord les prémunir. - S. Jér. Un des séducteurs, dont il leur parle ici, fut Simon le Samaritain dont il est question dans les Actes des Apôtres (Ac 8,9-13), qui se proclamait la grande vertu, et qui avait écrit entre autres choses dans ses ouvrages: «Je suis la parole de Dieu; je suis le tout-puissant; je suis tout ce que Dieu possède». Mais saint Jean l'Évangéliste ne dit-il pas dans une de ses épîtres: «Vous avez entendu dire que l'antéchrist doit venir; or, il y a maintenant plusieurs antéchrists ?» Pour moi, je pense que tous les hérésiarques sont des antéchrists, qui enseignent, sous le nom du Christ, une doctrine contraire à la sienne, et il n'est pas étonnant que nous en voyions plusieurs qui se laissent séduire par eux, puisque le Seigneur a dit: «Et ils en séduiront un grand nombre». - Orig. Ils en séduisent un grand nombre, parce que la porte qui conduit à la perdition est large, et qu'il en est beaucoup qui entrent par cette porte (Mt 7,13). Ce signe est suffisant pour reconnaître la séduction des antéchrists qui viennent dire: «Je suis le Christ», ce que nous ne voyons pas que Jésus-Christ ait jamais dit; car les oeuvres toute divines qu'il opérait, la doctrine qu'il enseignait et sa vertu étaient des témoignages plus que suffisants pour établir qu'il était le Christ. Or, tout discours qui fait profession d'expliquer les Écritures selon la règle de la foi, et qui ne contient pas la vérité, est un antéchrist; car Jésus-Christ est la vérité, tandis que antéchrist n'a que l'apparence de la vérité. Nous trouvons également que Jésus-Christ est la réunion de toutes les vertus, et que l'antéchrist n'a que les dehors trompeurs de ces mêmes vertus; car toutes les différentes espèces de bien que Jésus-Christ a réellement en lui pour l'édification des hommes, l'antéchrist les a toutes en apparence pour séduire les saints. Nous avons donc besoin du secours de Dieu, pour qu'aucune parole, aucune influence ne puisse nous nuire; car s'il est dangereux de rencontrer quelqu'un dont la conduite soit contraire à la règle des moeurs, il est bien plus dangereux encore de rencontrer un homme qui est en opposition avec la véritable règle d'interprétation des Écritures.


vv. 6-8


5406 Mt 24,6-8


S. Aug. (Lettre à Hésych). Notre-Seigneur répond aux questions de ses disciples en leur faisant connaître les différentes circonstances des événements qui doivent suivre, c'est-à-dire soit de la ruine de Jérusalem à l'occasion de laquelle ils l'avaient interrogé, soit de son avènement par l'Église, dans laquelle il ne cesse de se manifester jusqu'à la fin des siècles, et de se révéler dans les nouveaux membres auxquels il donne naissance tous les jours, soit enfin de la consommation des siècles où il viendra pour juger les vivants et les morts. Or, comme il énumère les signes particuliers à ces trois événements, il nous faut examiner attentivement les signes qui sont propres à chacun d'eux, pour ne point appliquer à l'un ce qui se rapporte à l'autre. - S. Chrys. (hom. 75). Il leur parle d'abord des combats qui devaient se livrer sous les murs et dans l'enceinte de Jérusalem «Vous entendrez des combats et des bruits de guerre». - Orig. (Traité 28 sur S. Matth). Celui qui entend les cris que poussent les combattants, entend les combats; celui qui entend le récit des combats qui ont lieu dans des pays éloignés, entend des bruits ou des rumeurs de combats.

S. Chrys. (hom. 75). Mais comme cette prédiction pouvait jeter le trouble dans l'âme de ses disciples, il les rassure en leur disant «Gardez-vous bien de vous troubler»; et il les dissuade de la fausse idée où ils étaient que la fin du monde suivrait immédiatement la guerre qui devait détruire Jérusalem en ajoutant: «Il faut que toutes ces choses arrivent, mais ce ne sera pas encore la fin». - S. Jér. C'est-à-dire gardons-nous de croire que le jour du jugement est proche, car Dieu le tient en réserve pour un autre temps, et le Seigneur en trace clairement les signes avant-coureurs dans les paroles suivantes: «Car on verra se soulever peuple contre peuple, et royaume contre royaume», etc. - Rab. Ou bien, il prévient ses Apôtres de ne pas se laisser effrayer lorsque ces choses arriveront, au point de s'enfuir de Jérusalem et de la Judée, car ce ne sera pas encore la fin, mais ce ne sera que dans quarante ans qu'aura lieu la dévastation de toute la contrée qui sera suivie de la destruction sans retour de la ville et du temple, événements auxquels il fait allusion en disant: «On verra se soulever peuple contre peuple et royaume contre royaume». Or, il est certain que ces calamités épouvantables désolèrent littéralement cette malheureuse contrée. - S. Chrys. (hom. 75). Il va plus loin, et pour leur montrer qu'il combattra lui-même contre les Juifs, non seulement il prédit des guerres, mais les fléaux dont la main de Dieu les frappera. - Rab. Remarquons que ces paroles: «Une nation s'élèvera contre une nation», expriment surtout la division qui régnera entre les hommes; ces autres: «Il y aura des pestes», les diverses maladies du corps; ces autres: «Et des famines», la stérilité de la terre, et ces dernières: «Et des tremblements de terre en divers lieux», les effets de la vengeance divine. - S. Chrys. (hom. 75). Et toutes ces calamités n'arriveront pas selon le cours ordinaire des choses humaines, mais par l'effet de la colère de Dieu; aussi ne les prédit-il pas simplement comme des événements qui doivent arriver en même temps, mais il insiste avec dessein sur cette circonstance: «Et toutes ces choses ne seront que le commencement des douleurs», c'est-à-dire des maux qui doivent fondre sur la nation juive.

Orig. Ou bien dans un autre sens, de même que les corps sont travaillés par la maladie avant de mourir, ainsi est-il nécessaire que la terre, tombant pour ainsi dire en langueur, soit ébranlée avant sa dissolution par des tremblements multipliés, que l'air, infecté de vapeurs pestilentiel les, exerce partout une influence mortelle, et que la vertu vivifiante de la terre venant à s'éteindre, les fruits soient étouffés dans leur germe, Or, la disette des vivres fera nécessairement tomber les hommes dans l'avarice, et les mettra aux prises les uns avec les autres. Mais comme les révoltes et les guerres ont tantôt pour cause l'avarice, tantôt l'ambition et l'amour de la vaine gloire, on peut donner une raison plus profonde encore de celles qui éclateront à la fin du monde. De même que l'avènement de Jésus-Christ fut une source de paix toute divine pour un grand nombre de nations, de même le débordement de l'iniquité, refroidissant la charité d'un grand nombre, sera cause que Dieu et son Christ les abandonneront; et l'on verra renaître les guerres, parce que la vertu des saints ne s'opposera plus au développement des causes qui sont comme une semence de dissensions. Les puissances ennemies, de leur côté, ne trouvant plus d'obstacles dans les saints et dans Jésus-Christ, exerceront librement leur puissance sur les coeurs des hommes, et soulèveront les nations contre les nations, et les royaumes contre les royaumes. S'il est vrai, comme le pensent quelques-uns, que les famines et les pestes soient l'oeuvre des anges de Satan, ces fléaux ne feront que s'accroître sous l'action de ces puissances hostiles; car elle ne sera plus combattue par les disciples de Jésus-Christ qui sont le sel de la terre et la lumière du monde, et qui étouffaient les germes semés par la malice du démon, comme autrefois les prières saintes (1S 12 Jr 14-15 1R 17-18 2R 2,3-4,7) obtenaient la cessation des famines et des pestes que les péchés du peuple juif attiraient sur lui. Le Sauveur prédit avec raison que ces calamités arriveront en divers lieux; car Dieu ne veut pas perdre tout d'un coup le genre humain, mais il ne lui fait éprouver que successivement les effets de sa justice, pour lui laisser le temps de se repentir. Or, si lorsque ces calamités se feront sentir les hommes n'en deviennent point meilleurs, elles iront toujours en augmentant: «Et toutes ces choses ne seront que le commencement des maux qui doivent suivre», et qui feront souffrir aux impies les douleurs les plus aiguës. - S. Jér. Dans le sens mystique, ce royaume qui se soulève, cette peste produite par ceux dont les discours sont comme une gangrène (2Tm 2) qui répand insensiblement sa corruption, et la faim de la parole de Dieu, et l'agitation de toute la terre, et la séparation de la vraie foi, paraissent devoir s'entendre surtout des hérétiques qui, en combattant les uns contre les autres, assurent la victoire de l'Église. - Orig. Or, il faut que tous ces événements s'accomplissent avant que nous voyions la perfection de la sagesse qui est en Jésus-Christ, mais ils ne seront pas suivis immédiatement de cette fin que nous cherchons; car cette fin toute pacifique sera bien loin de devenir le partage de tels hommes. - S. Jér. Ces paroles: «Toutes ces choses ne seront que le commencement des douleurs», seraient mieux traduites par «Le commencement des enfantements», de sorte que l'arrivée de l'antéchrist devrait être considérée comme le moment de la conception plutôt que de l'enfantement.



Catena Aurea 5332