Catena Aurea 5409

vv. 9-14

5409 Mt 24,9-14

Rab. Le Seigneur découvre ici la justice de ce déluge de maux qui viendront fondre sur Jérusalem et sur toute la Judée : « Alors ils vous livreront», etc. - S. Chrys. (hom. 75). Ou bien dans un autre sens, les disciples, en entendant les prédictions qui avaient pour objet la ruine de Jérusalem, se croyaient en dehors de ces calamités, qu'ils regardaient comme un châtiment qui leur était étranger, et ils espéraient et désiraient vivement pour eux dans l'avenir un sort plus prospère, or le Sauveur leur annonce de graves épreuves pour leur inspirer une certaine sollicitude. Il les avait prémunis plus haut contre les artifices des séducteurs, il leur prédit mainte nant la violence des tyrans: «Alors ils vous livreront pour être tourmentés, et ils vous feront mourir». Il entremêle les maux qui leur sont propres au récit des malheurs communs à tous les hommes, pour adoucir ces maux par ce rapprochement, et il ajoute à ce motif de consolation, en leur découvrant la cause de ces tribulations, c'est qu'ils souffriront à cause de son nom: «Et vous serez haïs de toutes les nations, à cause de mon nom». - Orig. Mais comment les chrétiens ont-ils été l'objet de la haine même des peuples qui habitent les extrémités de la terre? On peut répondre que le mot «tous», est mis ici par amplification pour «plusieurs». Ces autres paroles: «Alors ils vous livreront», offrent une nouvelle difficulté; car avant l'accomplissement de ces prédictions, les chrétiens ont eu à souffrir bien des tribulations. Nous répondons que les chrétiens seront alors livrés à des tribulations comme jamais ils n'en ont enduré. En effet, ceux qui sont dans le malheur aiment à en rechercher les causes, et à en trou ver une raison qu'ils puissent mettre en avant pour se justifier. Il était donc naturel aux idolâtres de dire que ces guerres, ces famines, ces pestes étaient l'effet de la désertion du culte des dieux par cette multitude d'hommes qui se faisaient chrétiens, que les chrétiens étaient même cause des tremblements de terre, et c'est pour cela que l'Église fut en butte aux persécutions.

S. Chrys. (hom. 75). A ce double combat, que leur livreront et les séducteurs et leurs ennemis, il en ajoute un troisième, c'est celui qu'ils auront à soutenir contre les faux frères. «Et alors plusieurs seront scandalisés», etc. Ecoutez l'Apôtre gémissant sur cet état de lutte continuelle: «Nous avons souffert des combats au dehors, des frayeurs au dedans». (2Co 7,5). Et ailleurs: «Nous avons été en péril parmi les faux frères», (2Co 11,26) et c'est d'eux qu'il dit dans le même endroit: «Tels sont les faux apôtres, ouvriers trompeurs», et c'est d'eux aussi que Notre-Seigneur parle en ces termes: «Et il s'élèvera un grand nombre de faux prophètes», etc. Quelque temps avant la ruine de Jérusalem, on vit paraître plusieurs faux prophètes, qui se disaient chrétiens, et qui en séduisirent un grand nombre; ce sont ceux que saint Paul appelle de faux frères et saint Jean des antéchrists (1Jn 2,18) - S. Hil. (can. 26). Tel fut Nicolas, l'un des sept diacres, qui en pervertit beaucoup par une apparence hypocrite de vérité, et Simon le magicien, qui, versé dans les opérations diaboliques, corrompit un grand nombre de chrétiens par ses faux miracles.

S. Chrys. (hom. 75). Et ce qui rendra cette épreuve plus pénible encore, c'est qu'ils n'auront point les consolations de la charité. «Et parce que l'iniquité sera venue à son comble, la charité de plusieurs se refroidira». - Remi. C'est-à-dire l'amour véritable de Dieu et du prochain; car, plus un homme se livre à l'iniquité, plus aussi le feu de la charité s'éteint dans son coeur. - S. Jér. Remarquons que le Sauveur ne dit pas que la foi ou la charité seront éteintes dans tous les coeurs, mais dans le coeur d'un grand nombre, car la charité devait persévérer dans les Apôtres et dans leurs semblables, selon cette parole de saint Paul: «Qui nous séparera de la charité de Jésus-Christ». Et c'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute: «Celui qui persévéra jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé». - Remi. Jusqu'à la fin, c'est-à-dire jusqu'à la fin de sa vie, car celui qui aura persévéré jusqu'à la fin de sa vie dans la charité, et dans la confession du nom de Jésus-Christ, ce lui-là sera sauvé.

S. Chrys. (hom. 75). Il prévient ensuite cette objection de ses disciples: «Comment donc pourrons-nous vivre au milieu de tant de maux ?»Et il leur promet bien davantage, non seulement ils vivront, mais ils enseigneront partout l'univers: «Et cet Évangile du royaume sera prêché par toute la terre». - Remi. Le Seigneur savait que ses disciples seraient attristés de la destruction de Jérusalem et de la ruine de leur nation; il les console donc en leur apprenant que le nombre de ceux qui embrasseraient la foi parmi les nations serait beaucoup plus grand que celui des Juifs qui périraient. - S. Chrys. (hom. 75). Voulez-vous être certains que l'Évangile a été annoncé en tous lieux avant la ruine de Jérusalem? écoutez saint Paul proclamer: «Leur voix a retenti par toute la terre» (Rm 10,18); et voyez-le voler lui-même de Jérusalem en Espagne (Rm 15,24). Or, si un seul apôtre a pris pour son partage une si grande partie de la terre, jugez de ce qu'ont dû faire tous les autres. Aussi, le même Apôtre, écrivant aux Colossiens les progrès de l'Évangile, leur dit: «Qui croît et fructifie dans toute créature qui est sous le ciel» (Col 1,6 Col 1,23). C'est là une des plus grandes preuves de la puissance de Jésus-Christ, qu'en trente ans environ l'Évangile ait rempli toutes les parties du monde habitable. Mais, quoique l'Évangile ait été prêché en tous lieux, tous cependant n'y ont pas cru; c'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Pour servir de témoignage à toutes les nations», c'est-à-dire pour être comme une accusation contre ceux qui n'auront pas voulu croire; car ceux qui auront embrassé la foi déposeront contre ceux qui l'auront rejetée et les condamneront. C'est avec justice que la ruine de Jérusalem est arrivée après que l'Évangile eût été prêché par toute la terre: «Et alors la fin arrivera», c'est-à-dire la destruction de Jérusalem. En effet, après avoir vu la puissance de Jésus-Christ briller partout d'un si vif éclat, et parcourir tout l'univers en si peu de temps, quelle excuse pouvaient-ils apporter pour persévérer dans leur ingratitude ?

Remi. On peut aussi rapporter tout ce passage à la fin du monde: «Car alors plusieurs trouveront des occasions de scandale» et abandonneront la foi, en voyant le grand nombre des méchants, leur prospérité et les miracles de l'antéchrist; «et ils persécuteront leurs frères»; et l'antéchrist enverra «de faux prophètes qui en séduiront un grand nombre; et l'iniquité sera à son comble», parce que le nombre des méchants s'augmentera, «et la charité se refroidira» parce que le nombre des bons diminuera. - S. Jér. Le signe de l'avènement du Sauveur sera la prédication de l'Évangile dans tout l'univers, de manière que personne ne puisse apporter d'excuse. Quant à ces paroles: «Vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom», on peut les expliquer en disant que, dès maintenant, toutes les nations se sont réunies contre les chrétiens; mais lorsque les prédictions du Sauveur s'accompliront, les persécutions, de partielles qu'elles étaient, deviendront générales et s'étendront partout à tout le peuple de Dieu. - S. Aug. (Lettre 80 à Hesych). Il en est qui pensent que cette prédiction: «L'Évangile du royaume sera prêché dans tout l'univers», a été accomplie par les Apôtres eux-mêmes; mais cette assertion ne repose pas sur des documents assez certains, car il est encore dans l'Afrique un grand nombre de peuplades barbares, parmi lesquelles, au rapport des captifs qui viennent de ces contrées, l'Évangile n'a pas encore été prêché. Cependant, on ne peut dire en aucune manière que la promesse de Dieu leur est étrangère, car ce ne sont pas seulement les Romains, mais toutes les nations, que Dieu a promises par serment à celui qui devait naître d'Abraham (Gn 12,3 Gn 18,18 Gn 22,18 Gn 26,4 Gn 28,14). Il faut donc que l'Église s'établisse dans toutes les nations où elle n'existe pas encore, non pas dans ce sens que tous ceux qui les composent embrasseront la foi, car alors comment s'accompliraient ces autres paroles: «Vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom», s'il ne se trouvait parmi les nations des hommes pour haïr, et d'autres pour être l'objet de cette haine? Les apôtres n'ont donc point prêché l'Évangile par toute la terre, puisqu'il est encore des nations où il n'a pas encore pénétré. Quant à ces paroles citées par l'Apôtre: «Le son de leur voix a retenti par toute la terre», bien qu'elles paraissent se rapporter au passé, elles ont cependant l'avenir pour objet dans la pensée de saint Paul, comme dans celle du roi prophète. Le même Apôtre dit ailleurs que l'Évangile croit et fructifie dans tout l'univers, pour nous montrer jusqu'où il devait s'étendre dans ses développements. Si donc nous ignorons à quel temps l'Évangile doit remplir le monde entier, nous ne savons pas davantage quand doit arriver la fin du monde, car elle n'arrivera certainement pas auparavant. - Orig. Lors donc que toutes les nations auront entendu la prédication de l'Évangile, alors arrivera la fin du monde: «Et alors, dit le Sauveur, la fin arrive ra», car il est encore aujourd'hui, non seulement des nations barbares, mais des peuples habitant nos contrées, qui n'ont pas entendu prêcher les vérités chrétiennes. - La Glose. On peut admettre toutefois l'une et l'autre de ces deux explications, pourvu que l'on entende cette diffusion de l'Évangile dans deux sens différents. Si, par exemple, on l'entend du fruit de la prédication, qui est d'établir dans toutes les nations l'Église composée de ceux qui croient en Jésus-Christ, comme l'explique saint Augustin, c'est un signe qui doit précéder la fin du monde, mais qui n'a point précédé la ruine de Jérusalem. Mais si on ne l'entend que de la renommée de l'Évangile, cette prédiction s'est accomplie avant la ruine de Jérusalem, car les disciples de Jésus-Christ étaient alors répandus dans les quatre parties du monde, ce qui a fait dire à saint Jérôme «Je ne pense pas qu'il soit resté une seule nation qui ne connaisse point le nom de Jésus-Christ», et, quand même elle n'aurait pas entendu les prédicateurs de l'Évangile, elle a dû recevoir nécessairement une idée de la foi chrétienne.

Orig. Dans le sens moral, celui qui doit recevoir dans son âme ce glorieux avènement qu'y produit la parole de Dieu, doit s'attendre que les puissances ennemies lui dresseront des embûches selon l'étendue de ses progrès, et se préparer comme un vigoureux athlète. Jésus-Christ, qui demeure en lui, sera un objet de haine pour tous, et moins encore pour les nations de la terre que pour les esprits de malice répandus dans les airs. Dans les discussions, il y en aura très-peu qui parviendront à la plénitude de la vérité; le plus grand nombre se scandalisera; on verra se séparer de la vérité, et ceux qui la trahiront, et ceux qui s'accuseront les uns les autres parce qu'ils seront divisés sur le point de la vraie doctrine, et que, par là même, ils se haïront mutuellement. Il s'en trouvera beaucoup encore qui n'expliqueront pas les choses futures et n'interpréteront pas les prophètes d'une manière conforme aux principes de la foi; ce sont ceux qu'il appelle des prophètes qui en séduiront un grand nombre et refroidiront la charité, qui était auparavant le fruit de la simplicité de la foi. Mais celui qui aura eu le courage de persévérer dans la doctrine de la tradition apostolique sera sauvé; et c'est ainsi que l'Évangile, répandu dans toutes les âmes, sera en témoignage à toutes les nations, c'est-à-dire à toutes les pensées pleines d'incrédulité.


vv. 15-22

5415 Mt 24,15-22

S. Chrys. (hom. 75). Notre-Seigneur avait parlé précédemment de la ruine de Jérusalem en termes obscurs; il l'annonce ici ouvertement et cite à l'appui une prophétie qui sera pour eux un motif de croire à la destruction du peuple juif. «Lors donc que vous verrez l'abomination de la désolation», etc. - S. Jér. Ces paroles: «Que celui qui lit comprenne», etc., sont dites pour nous inviter à pénétrer le sens caché de ce passage. Or, voici ce que nous lisons dans le prophète Daniel: «Et, au milieu de la semaine, l'oblation et le sacrifice cesseront; l'abomination de la désolation sera dans le temple, et, jusqu'à la fin du temps, la consommation persévérera sur la solitude» (Da 9,27).

S. Aug. (Lettre 80 à Hesych). Saint Luc voulant préciser le temps où cette abomination de la désolation aurait lieu, c'est-à-dire lors du siège de Jérusalem, rapporte ici ces paroles du Seigneur: «Lorsque vous verrez Jérusalem entourée par une armée, sachez que sa désolation est proche» (Lc 21,20). - S. Chrys. (sur S. Matth). C'est ce qui me fait croire que, dans la pensée du Sauveur, cette abomination c'est l'armée elle-même qui désola Jérusalem la ville sainte. - S. Jér. On peut l'entendre aussi de l'image de César que Pilate fit placer dans le temple, ou de la statue équestre d'Adrien, qui, jusqu'à ce jour, est restée dans le lieu appelé le Saint des Saints. Car, dans le style de l'Ancien Testament, abomination veut dire idole, et le mot de désolation lui est ajouté, parce que l'idole avait été placée dans le temple désert et désolé. - S. Chrys. (hom. 75). Ou bien, dans cette abomination, on peut voir encore la statue de celui qui désola la cité et le temple, statue qui fut placée dans l'intérieur du temple. Or, pour qu'ils sachent que toutes ces choses arriveront de leur vivant, le Sauveur ajoute: «Lorsque vous verrez», etc. Admirez ici la puissance de Jésus-Christ et le courage des Apôtres, qui ne craignaient pas de prêcher l'Évangile dans un temps où les Juifs étaient attaqués de toutes parts. Les Apôtres, qui avaient été choisis parmi les Juifs, établirent des lois nouvelles, en face de la puissance des Romains, qui dominaient alors sur la Judée; les Romains réduisirent en captivité un nombre infini de Juifs, et ils ne purent vaincre douze hommes sans armes et sans défense. Or, comme bien des fois les Juifs s'étaient relevés après de grands désastres, par exemple au temps de Sennachérib (2R 19,20 2Ch 32 Is 27), d'Antiochus (1M 1,13 2M 5,9-10), le Sauveur ne veut point que l'on conçoive une semblable espérance, et il commande à ses disciples de s'enfuir: «Alors que ceux qui sont dans la Judée», etc. - Remi. Il est certain que tous ces événements s'accomplirent aux approches de la ruine de Jérusalem. Lorsque les armées romaines s'avancèrent, tous les chrétiens qui étaient dans la Judée, avertis par un signe miraculeux, comme le rapporte l'histoire ecclésiastique, s'enfuirent au loin, et, traversant le Jourdain, ils vinrent dans la ville de Pella, où ils demeurèrent quelque temps sous la protection du roi Agrippa dont il est parlé dans les Actes des Apôtres. Cet Agrippa était soumis à l'empire romain avec la partie du peuple juif qu'il gouvernait.

S. Chrys. (hom. 76). Notre-Seigneur fait voir ensuite que les calamités qu'il vient de prédire, sont inévitables pour les Juifs, et l'extrémité des malheurs qui les attendait: «Que celui qui sera sur le toit ne descende pas», etc. Il valait beaucoup mieux se sauver sans son manteau que d'être tué en rentrant pour le prendre; c'est pour cela que le Sauveur ajoute, en parlant de celui qui sera dans les champs: «Et que celui qui sera dans les champs, ne revienne pas», etc. Si ceux qui se trouvent dans la ville doivent s'enfuir, à plus forte raison ceux qui sont au dehors doivent se garder d'y chercher un refuge. Il est facile encore de faire le sacrifice de ses richesses, et ou peut remplacer ses vêtements, mais comment échapper aux incommodités inséparables de la nature? Comment une femme enceinte pourra-t-elle facilement prendre la fuite? Comment celle qui allaite pourra-t-elle abandonner son nouveau-né? «Malheur aux femmes qui seront grosses ou nourrices», etc. Malheur aux premières, parce que le poids de leur grossesse ralentit leur marche et les empêche de fuir; malheur aux autres, parce qu'elles sont retenues par l'amour qu'elles ont pour leurs enfants, et qu'elles ne pourront sauver ceux qu'elles allaitent. - Orig. (Traité 29 sur S. Matth). Ou bien encore, malheur à elles, parce qu'il ne sera plus temps de s'apitoyer ni sur le sort des femmes enceintes, ni sur celles qui nourrissent, ni sur leurs enfants. Et comme Notre-Seigneur parlait ici pour les Juifs qui croyaient ne pouvoir s'éloigner le jour du sabbat qu'à la distance d'un mille, il ajoute donc: «Priez que votre fuite n'arrive pas pendant l'hiver, ni au jour du sabbat». - S. Jér. Car, pendant l'hiver, la rigueur du froid empêche de s'enfuir dans les lieux solitaires, et de se cacher dans les montagnes du désert; et le jour du sabbat il y a pour eux transgression de la loi s'ils veulent prendre la fuite, et danger de mort s'ils se déterminent à rester.

S. Chrys. (hom. 76). Vous pouvez remarquer ici que c'est aux Juifs que s'adresse ce discours; car les Apôtres ne devaient ni observer le sabbat, ni se trouver dans la Judée lorsque Vespasien vint faire le siège de Jérusalem. D'ailleurs plusieurs d'entre eux étaient déjà morts, et si quelques-uns vivaient encore, ils se trouvaient alors dans d'autres parties du monde. Mais pour quelle raison veut-il que l'on ait recours à la prière? La voici: «Car l'affliction de ce temps-là sera si grande», etc. - S. Aug. (lettre 80 à Hésych). Nous lisons dans saint Luc: «Ce pays sera accablé de maux, et la colère du ciel tombera sur ce peuple; ils passeront par le fil de l'épée, et ils seront emmenés captifs dans toutes les nations» (Lc 21,23). Or, au rapport de Josèphe qui a écrit l'histoire des Juifs, ce peuple vit fondre sur lui de si grandes calamités, qu'on peut à peine les croire; aussi est-ce avec raison que Notre-Seigneur assure qu'il n'y a point eu de tribulation pareille depuis le commencement du monde, et qu'il n'y en aura jamais. Car, en supposant qu'au temps de l’antéchrist, l'affliction doive être aussi grande ou même plus grande, il faut entendre ici qu'il n'y en aura point de semblable pour le peuple juif. En effet, si ce peuple doit être le premier à recevoir alors l’antéchrist, il sera bien plutôt l'auteur que la victime de la tribulation.

S. Chrys. (hom. 76). Je demanderai aux Juifs quelle est donc la cause de ces maux accablants que la colère divine a fait tomber sur eux, et qui surpassent tous ceux qui ont précédé? Il est évident que c'est le crime audacieux de la croix, et la condamnation prononcée contre Jésus-Christ par le peuple. Mais le Sauveur va plus loin, et leur déclare qu'ils méritaient encore un plus terrible châtiment: «Et si ces jours n'avaient été abrégés, nul homme n'aurait été sauvé». C'est-à-dire si la guerre des Romains contre Jérusalem avait duré plus longtemps, elle eût fait périr tous les Juifs sans exception. Il parle ici de tous les Juifs, de ceux qui habitaient la Judée, et de ceux qui se trouvaient au dehors; car les Romains ne faisaient pas seulement la guerre à ceux qui étaient dans la Judée, mais ils poursuivaient encore tous ceux qui étaient dispersés dans les différentes contrées de l'empire. - S. Aug. (lettre 80 à Hésych). Quelques interprètes me paraissent avoir donné l'explication véritable des jours dont il est ici question, et qui signifieraient les calamités elles-mêmes, de même qu'en d'autres endroits de la sainte Écriture, nous voyons cette expression: «Les jours mauvais». (Gn 47 Ps 94,13 Ep 5,16) Car ce ne sont pas les jours qui sont mauvais, mais les événements qui arrivent durant ces jours. Or, le Sauveur dit que ces maux seront abrégés, parce que par une grâce de Dieu qui donnera la force de les supporter, ils seront moins sentis, et pour ainsi dire diminués, comme si on abrégeait leur durée.

S. Chrys. (hom. 76). Les Juifs auraient pu dire que c'était la prédication de l'Évangile et les disciples de Jésus-Christ qui étaient cause de tous ces malheurs; le Sauveur leur déclare donc que s'ils n'avaient pas au milieu d'eux ses disciples, ils auraient été entièrement exterminés: «Mais en faveur des élus, ces jours seront abrégés». - S. Aug. (lettre à Hésych). Nous ne devons pas douter qu'au temps de la ruine de Jérusalem, il n'y eut parmi le peuple juif des élus de Dieu qui avaient passé de la circoncision à la foi chrétienne, ou qui devaient croire dans la suite et que Dieu avait choisis pour ses élus avant la création du monde; c'est en leur faveur que ces jours seront abrégés; afin qu'on puisse en supporter plus facilement les épreuves. Il en est qui prétendent que ces jours seront abrégés par une marche plus rapide du soleil, de la même manière que le jour fut autrefois prolongé à la prière de Josué, fils de Navé (Jos 10,12-14) - S. Jér. Mais ils oublient cette parole des livres saints: «Par votre ordre, le jour subsiste tel qu'il est». Il nous faut donc admettre que ces jours ont été abrégés selon leur nature, c'est-à-dire que ce n'est pas leur étendue, mais leur nombre qui a été abrégé, de peur que des épreuves trop prolongées ne vinssent à ébranler la foi des chrétiens. - S. Aug. (lettre à Hésych). Il ne nous faut pas croire cependant que la succession des semaines de Daniel ait été dérangée, parce que ces jours ont été abrégés; ou bien qu'elles n'ont pas eu alors leur accomplissement, qui n'aurait lieu qu'à la fin des temps, car saint Luc déclare expressément (Lc 21,20) que la prophétie de Daniel a reçu son accomplissement à l'époque de la destruction de Jérusalem. - S. Chrys. (hom. 76). Remarquez ici l'admirable économie de l'Esprit saint; l'Évangéliste saint Jean n'a rien écrit sur ces événements, pour qu'on ne pût dire qu'il avait écrit après les faits accomplis, puisqu'il vécut encore longtemps après la ruine de Jérusalem. Mais les autres Évangélistes qui sont morts auparavant, et qui n'ont pu voir aucun de ces événements, les ont écrits pour faire éclater de toutes parts, la puissance divine de la prophétie.

S. Hil. (can. 25). Nous pouvons encore, dans un autre sens, voir tous les signes précurseurs de l'avènement du Seigneur dans ces paroles: «Lorsque vous verrez», etc. Car le prophète Daniel a eu ici en vue les temps de l'antéchrist. L'antéchrist est appelé abomination, parce qu'il est venu contre Dieu, pour usurper l'honneur qui n'est dû qu'à Dieu; c'est l'abomination de la désolation, car il doit désoler la terre par les guerres et les flots de sang qu'il répandra. C'est pour cela même que les Juifs le recevront, qu'il s'assiéra dans le lieu le plus sacré du temple, et que les infidèles lui rendront les honneurs divins dans l'endroit même où les saints adressaient à Dieu leur prière. Et comme le caractère particulier de l'erreur des Juifs sera d'embrasser le mensonge après avoir rejeté la vérité, le Sauveur ordonne à ses disciples d'abandonner la Judée, et de fuir dans les montagnes, pour éviter la persécution ou la corruption auxquelles ils seraient exposés en restant au milieu d'un peuple qui doit croire à l'antéchrist. Quant à ces paroles: «Que celui qui est sur le toit ne descende pas», etc., on peut les entendre dans ce sens: Le toit est le faîte de la maison, le complément est comme la perfection de tout l'édifice. Celui donc qui est en haut de la maison, c'est-à-dire dans la perfection de son coeur, renouvelé par la régénération, élevé par les sentiments de son âme, ne devra pas céder à la convoitise et descendre aux basses jouissances de la terre. De même: «Celui qui sera dans le champ», etc., c'est-à-dire celui qui s'applique à l'accomplissement des préceptes, ne devra pas retourner aux occupations de sa vie passée, qui le recouvrirait de nouveau du vêtement de ses anciens péchés. - S. Aug. (lettre à Hésych). Car il faut prendre garde de se laisser vaincre par les tribulations, et de descendre des hauteurs de la vie spirituelle aux bassesses d'une vie toute charnelle, ou bien de se relâcher et de regarder en arrière, après qu'on a fait des progrès en s'avançant vers ce qui était devant soi (Ph 3,13) - S. Hil. Ces paroles: «Malheur aux femmes qui seront grosses, ou nourrices en ce temps-là», ne doivent pas s'entendre des femmes grosses dans le sens naturel, mais des âmes appesanties sous le poids de leurs péchés, et qui, ne se trouvant ni sur les toits, ni dans les champs, ne pourront éviter la tempête de la colère qui les attend. Malheur aussi à ceux qui sont nourris, cette menace s'adresse à ces âmes faibles qui sont formées à la connaissance de Dieu comme les enfants qui ne se nourrissent encore que de lait; malheur à elles, parce que ne pouvant fuir devant l'antéchrist, et étant d'ailleurs incapables de souffrir, elles ne pourront ni éviter le péché, ni recevoir la nourriture du pain véritable. - S. Aug. (serm. 2 sur les par. du Seig). Ou bien, la femme grosse est celui qui désire le bien d'autrui, et la femme qui nourrit, celui qui s'est emparé de l'objet de sa convoitise. Malheur à l'un et à l'autre au jour du jugement ! Notre-Seigneur ajoute: «Priez pour que votre fuite n'arrive point durant l'hiver, ni au jour du sabbat», etc. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 37). C'est-à-dire que personne ne soit surpris en ce jour, ou dans la tristesse, ou dans la joie que causent les choses de la terre. - S. Hil. Ou bien encore, dans le froid de la mort, que produisent les péchés, ou dans l'oisiveté des bonnes oeuvres; car le châtiment sera bien sévère, heureusement Dieu abrégera ces jours en faveur des élus, de manière que leur courte durée puisse faire triompher de la violence du mal.

Orig. Dans le sens mystique, l'antéchrist, qui est toute parole de mensonge, se tient fréquemment dans le sanctuaire des Écritures de l'Ancien et du Nouveau Testament. Ceux qui le voient doivent fuir de la Judée, qui est la lettre, sur les montagnes sublimes de la vérité. Or, celui qui se trouvera sur le toit de la parole, et qui se tiendra sur ce sommet, ne doit pas en descendre sous le prétexte d'emporter quelque chose de sa maison; s'il est dans les champs, dans ce champ où se trouve caché un trésor, et qu'il retourne en arrière, il s'exposera à la séduction de la parole de mensonge, sur tout s'il s'est dépouillé de ses vêtements anciens, c'est-à-dire du vieil homme, et qu'il ait retourné sur ses pas pour le reprendre. C'est alors que l'âme qui porte encore dans son sein, et n'a pas encore enfanté les fruits de la parole, encourt la malédiction; car elle laisse mourir le fruit qu'elle avait conçu, et elle perd l'espérance qui est fondée sur les actes de la vérité. Il en sera de même de l'âme qui aura enfanté le fruit de la parole, mais qui ne l'aura pas nourri suffisamment. Or, que ceux qui s'enfuient vers les montagnes prient que leur fuite n'ait lieu ni en hiver ni au jour du sabbat. Car les âmes qui sont établies dans le calme et la tranquillité peuvent obtenir de marcher dans la voie du salut; mais si l'hiver les surprend, elles tomberont au pou voir de ceux qu'elles veulent éviter. Qu'elles prient donc pour que leur fuite n'arrive ni durant l'hiver, ni au jour du sabbat. Il en est qui observent le repos du sabbat en s'abstenant d'oeuvres mauvaises, mais sans en faire de bonnes; que votre fuite n'ait pas lieu dans ce jour de sabbat, complètement vide de bonnes oeuvres; car on ne sera pas facilement victime de l'erreur, à moins qu'on ne soit entièrement dépouillé de bonnes oeuvres. Mais quelle tribulation plus grande pour nous que de voir nos frères victimes de la séduction, que de nous voir nous-mêmes plongés dans l'agitation et le trouble? Les jours, ce sont les préceptes et les dogmes de la vérité; et toutes les explications que cherche à en donner une fausse science (cf. 1Tm 6,20) viennent ajouter aux épreuves de ces jours que Dieu abrége par les moyens qu'il choisit dans sa sagesse.


vv. 23-28


5423 Mt 24,23-28

S. Chrys. (hom. 76). Après que Notre-Seigneur a terminé les prédictions qui avaient rapport à Jérusalem, il arrive à ce qui concerne son avènement, et il en fait connaître les signes précurseurs; connaissance utile, non seulement pour eux, mais encore pour nous, et pour tous ceux qui viendront après nous: «Alors si quelqu'un vous dit», etc. Or, de même que lorsque l'Évangéliste dit dans un autre endroit: «En ces jours-là vint Jean-Baptiste», il n'a point voulu parler du temps qui suivit immédiatement les événements qu'il vient de raconter, puisqu'il y eut trente ans d'intervalle, de même en employant ici cette expression: «Alors», il passe sous silence tout le temps intermédiaire qui devait s'écouler depuis la ruine de Jérusalem jusqu'aux signes avant-coureurs de la fin du monde. En révélant à ses disciples les signes de son second avènement, le Sauveur leur en lait connaître d'une manière certaine le lieu, en même temps que les artifices des séducteurs. Cet avènement ne se fera plus comme la première fois à Bethléem, dans un petit coin de la terre, et sans que personne en soit prévenu; mais le Seigneur viendra dans tout son éclat, et il ne sera nullement nécessaire d'annoncer son arrivée; c'est pour cela qu'il ajoute: «Si quelqu'un vous dit: Voici que le Christ est ici, ou là, ne le croyez point». - S. Jér. Il nous apprend par là que le second avènement n'aura pas lieu comme le premier dans l'humilité, mais dans toute la manifestation de sa gloire. C'est donc une folie de chercher dans un endroit limité ou réservé celui qui est la lumière du monde (Jn 8,9 Jn 8,12).

S. Hil. (can. 25). Et cependant comme les hommes seront livrés à de violentes angoisses, les faux prophètes, affectant de vouloir faire connaître le secours que les fidèles peuvent tirer de la présence du Christ, soutiendront faussement qu'il se trouve réellement dans une multitude d'endroits, pour soumettre au culte de l'antéchrist les hommes accablés et abattus par les tribulations. «Car il s'élèvera de faux christs et de faux prophètes», etc. - S. Chrys. (hom. 76). Le Sauveur veut parler ici de l'antéchrist et de quelques-uns de ses agents, qu'il appelle de faux christs et de faux prophètes, tels qu'on en vit un grand nombre au temps de la prédication des Apôtres. Mais avant le second avènement, ils seront mille fois plus dangereux que les premiers: «Car ils feront de grands prodiges et des choses étonnantes».

S. Aug. (Liv. des 83 Quest., quest. 78). Notre-Seigneur nous avertit ici que même les hommes livrés à toute sorte de crimes peuvent opérer certains miracles que les saints ne peuvent faire, sans qu'ils jouissent pour cela d'un plus grand crédit aux yeux de Dieu. En effet, les magiciens d'Egypte n'étaient pas plus agréables à Dieu que le peuple d'Israël, qui ne pouvait faire les prodiges qu'ils opéraient, bien que Moïse en ait opéré de plus éclatants par la puissance de Dieu. Or, Dieu n'a pas donné à tous les saints ce privilège, pour ne pas exposer les âmes faibles à tomber dans cette erreur que le don de faire des miracles est supérieur aux oeuvres de justice, qui seules nous obtiennent la vie éternelle. Lors donc que les magiciens opèrent des prodiges semblables à ceux que font quelquefois les saints, c'est à des titres et par des motifs différents; les uns n'y cherchent que leur propre gloire, les autres que la gloire de Dieu; les premiers agissent alors en vertu d'un certain pouvoir que Dieu a laissé aux esprits de malice, conformément à leur nature, et par certains commerces qu'ils entretiennent avec ces esprits, ou en reconnaissance des services qu'ils leur rendent (Ep 6,12 Col 2,15); les saints, au contraire, n'opèrent ces prodiges qu'au nom de cette puissance souveraine aux ordres de laquelle toute créature est soumise. Qu'un propriétaire soit obligé d'abandonner son cheval à un soldat, qu'il le livre au contraire à celui qui le lui achète, qu'il le donne ou qu'il le prête à qui bon lui semble, ce sont choses toutes différentes. Il arrive encore quelquefois que de mauvais soldats, par une violence que réprouve la discipline militaire, effraient certaines gens en se couvrant de l'autorité de leur chef pour leur extorquer ce que la loi ne les oblige pas de donner; de même il peut arriver souvent que de mauvais chrétiens, ou des schismatiques, ou des hérétiques, aient recours au nom de Jésus-Christ, aux paroles sacrées, ou aux sacrements de la religion chrétienne pour exiger certaines concessions des puissances infernales. Et lorsque ces puissances cèdent ainsi à l'ordre des méchants, elles ne le font que pour séduire les hommes, dont les égarements font toute leur joies C'est donc par des procédés tout différents que les magiciens, les bons chrétiens et les mauvais opèrent des prodiges. Les magiciens les opèrent au moyen de pactes particuliers; les bons chrétiens, au nom de la justice divine; et les mauvais, au moyen des signes extérieurs de cette justice. Et il ne faut pas s'en étonner, car on peut croire sans absurdité que tous les phénomènes extérieurs dont nous sommes témoins sont l'oeuvre des puissances infernales qui sont répandues dans les airs. - S. Aug. (de la Trinité, 3, 8 et 9). Gardons-nous cependant de croire que tous les éléments visibles obéissent aveuglément à ces anges prévaricateurs; ils obéissent bien plutôt à Dieu, qui a donné ce pouvoir aux mauvais anges. Nous ne devons pas non plus donner le nom de créateurs à ces mauvais anges; car d'où vient leur puissance? De ce que la pénétration inhérente à leur nature leur fait connaître les causes productrices cachées des faits naturels, qu'ils les répandent sous l'influence convenable des éléments, et offrent ainsi l'occasion de les produire ou de leur donner de plus grands développements. Car même parmi les hommes, il en est qui savent quelles herbes, quelles chairs, quels sucs ou quels liquides mélangés ensemble donnent naissance à certains animaux; mais les hommes ne peuvent que difficilement obtenir ce résultat, parce qu'ils manquent de cette intelligence pénétrante et de cette agilité de mouvements que leur refusent leurs membres tout maté riels et privés de l'énergie nécessaire.

S. Grég.. (Moral., 15, 39). Lorsque l'antéchrist aura opéré ces prodiges étonnants en présence des hommes charnels, il les entraînera tous à sa suite; car tous ceux qui placent leurs jouissances dans les biens de ce monde, se soumettront sans restriction à son empire. Voilà pourquoi le Sauveur ajoute: «Jusqu'à séduire, s'il était possible, les élus eux-mêmes». - Orig. Cette expression: «S'il est possible», est hyperbolique, car Notre-Seigneur n'a point dit positivement: «De telle sorte que les élus eux-mêmes seraient séduits»; mais il a voulu nous montrer que les discours des hérétiques sont insinuants et persuasifs, et capables d'ébranler même ceux qui n'obéissent qu'aux inspirations de la sagesse. - S. Grég. . (Moral., 23, 27). Ou bien, comme le coeur des élus peut être agité par un sentiment de crainte, sans que toutefois leur constance en soit ébranlée, le Sauveur renferme ces deux effets dans une même pensée, et il ajoute: «S'il était possible»; car il ne peut se faire que les élus tombent dans les pièges que leur tend l'erreur. - Rab. Ou bien, ces paroles ne signifient pas que l'élection divine sera sans effet, mais que ceux qui paraissaient être du nombre des élus au jugement des hommes, seront entraînés dans l'erreur.

S. Grég.. (hom. 35 sur les Evang). Les traits qui sont prévus font des blessures moins profondes; aussi le Sauveur dit à ses disciples: «Voici que je vous l'ai prédit». Notre-Seigneur nous déclare quels seront les maux avant-coureurs de la fin du monde, afin que lorsqu'ils arriveront, ils nous causent d'autant moins de trouble, qu'ils ont été prévus; c'est pour la même raison qu'il ajoute: «Si donc quelqu'un vous dit: Voici qu'il est dans le désert», etc. - S. Hil. En effet, les faux prophètes, dont il a parlé plus haut, affirmeront tantôt que le Christ est dans le désert, pour corrompre les hommes par le poison de l'erreur; tantôt qu'il est dans des endroits retirés pour les asservir plus sûrement au joug tyrannique de l'antéchrist. Mais le Seigneur nous déclare ici qu'il ne se cachera dans aucune retraite, qu'il ne se découvrira point en particulier à un petit nombre de témoins, mais qu'il manifestera sa présence en tous lieux et aux yeux de tous les hommes, comme l'indiquent les paroles suivantes: «De même que l'éclair part de l'Orient, et apparaît jusqu'à l'Occident», etc.

S. Chrys. (hom. 76). Le Sauveur, qui a décrit précédemment les circonstances de la venue de l'antéchrist, nous retrace ici les signes de son propre avènement. De même que l'éclair n'a besoin ni de précurseur ni de héraut, mais brille en un moment dans tout l'univers, même aux yeux de ceux qui sont dans l'intérieur de leurs demeures, ainsi le glorieux éclat qui entourera l'avènement du Christ apparaîtra dans tout l'univers à la fois. Il nous donne encore un autre signe de son avènement en ajoutant: «Partout ou sera le corps, là les aigles s'assembleront», c'est-à-dire la multitude des anges, des martyrs et de tous les saints. - S. Jér. Le mystère de l'avènement de Jésus-Christ nous est rendu sensible dans un fait naturel dont nous sommes tous les jours témoins. On rapporte que les aigles et les vautours sentent l'odeur des cadavres situés même au-delà des mers, et se rassemblent à cette distance autour de cette pâture. Si donc des oiseaux privés de raison, et par le seul instinct naturel, sentent l'endroit où gît un cadavre peu considérable, malgré la distance qui les en sépare, avec combien plus d'ardeur la multitude des fidèles s'empressera-t-elle de se réunir autour du Christ, dont l'éclair part de l'Orient et brille en même temps jusque dans l'Occident? Par le corps (en grec óùìá ou ðéþìá, et que le latin rend d'une manière plus expressive par le mot cadaver, parce que le corps tombe sous les coups de la mort), nous pouvons entendre la passion du Christ. - S. Hil. Pour ne pas nous laisser ignorer le lieu où il apparaîtra, il ajoute: «Partout où sera le corps, là les aigles s'assembleront». Il appelle les saints des aigles à cause du vol rapide de leur corps tout spirituel, et il nous les montre se réunissant sous la conduite des anges, dans le lieu même de sa passion; car il est juste que le Sauveur révèle la gloire de son avènement dans l'endroit même où il nous a mérité par ses humiliations et ses souffrances la glorieuse éternité. - Orig. (traité 30 sur S. Matth). Et remarquez qu'il ne dit pas: Partout où sera le corps, là se rassembleront les vautours et les corbeaux, mais: «Les aigles s'assembleront», pour exprimer ainsi la magnificence et la royauté de tous ceux qui ont cru à la passion du Sauveur. - S. Jér. On donne le nom d'aigles à ceux dont la jeunesse s'est renouvelée comme celle de l'aigle (Ps 52) (?), et qui s'élèvent sur des ailes comme l'aigle, pour se rendre à la passion du Sauveur. - S. Grég. (Moral., 31, 22). Ces paroles: «Partout où sera le corps, là s'assembleront les aigles», peuvent encore s'entendre dans ce sens: Comme je suis assis sur le trône des cieux avec le corps que j'ai revêtu dans mon incarnation, je délivrerai les âmes des élus avec leur corps, et je les élèverai jusqu'au ciel.

S. Jér. Ou bien encore on peut entendre ce passage des faux prophètes, car au temps de la captivité de la nation juive, on vit s'élever des chefs qui affirmaient qu'ils étaient le Christ, à ce point que pendant le siège de Jérusalem par les Romains, le peuple fut divisé en trois factions. Mais il est plus naturel d'entendre ces paroles, comme nous l'avons fait, de la fin du monde. On peut, en troisième lieu, l'entendre des combats des hérétiques contre l'Église, et de ces antéchrists qui s'élèvent contre le Christ, sous le prétexte d'une fausse science. - Orig. Traité 29 sur S. Matth). En principe, il n'y a qu'un seul antéchrist, mais il se divise en plusieurs espèces, comme si nous disions: Un mensonge ne diffère pas d'un autre mensonge. Or, de même que le véritable Christ n'avait que de saints prophètes, ainsi chaque faux christ a sous lui une multitude de faux prophètes qui donnent pour la vérité, dans leurs prédications, la fausse doctrine de l'antéchrist auquel ils appartiennent. Lors donc qu'on entendra dire: «Le Christ est ici ou il est là, il ne faudra point porter ses regards au dehors, ailleurs que dans l'Écriture, car c'est dans la loi, dans les prophètes et dans les écrits des Apôtres qu'ils puisent leurs prétendues raisons à l'appui de leurs erreurs. Ou bien ces paroles: «Voici que le Christ est ici, ou il est là», s'appliquent dans leur intention, non pas au Christ, mais à quelque imposteur qui se couvrira de son nom, comme serait, par exemple, un sectateur de la doctrine de Marcion, ou de Basilide ou de Valentin. - S. Jér. Si quelqu'un donc vous a donné l'espérance que vous trouveriez Jésus-Christ dans le désert de l'idolâtrie ou dans la doctrine des philosophes, ou dans les réduits ténébreux des hérétiques qui promettent de vous révéler les secrets de Dieu, ne le croyez pas; mais croyez que la foi catholique brille dans l'Église de l'Orient à l'Occident. - S. Aug. (Quest. évang., 11, 38). Par l'Orient et par l'Occident, Notre-Seigneur a voulu nous faire comprendre l'univers entier, dans lequel l'Église devait s'étendre. C'est dans le sens de ces paroles: «Vous verrez le Fils de l'homme venant sur les nuées», que Notre-Seigneur se sert ici du mot éclair, parce que c'est du sein des nuées que jaillissent les éclairs. Après avoir établi d'une manière claire et évidente l'autorité de l'Église dans tout l'univers, c'est avec raison qu'il recommande à ses disciples et à tous les fidèles de ne point ajouter foi aux schismatiques et aux hérétiques. Tout schisme, en effet, et toute hérésie s'établit sur un point de la terre et y occupe une place, ou se glisse dans des réunions secrètes et ténébreuses pour tromper la curiosité de l'esprit humain, et c'est ce que signifient ces paroles: «Si quelqu'un vous dit: Le Christ est ici ou là» (ce qui indique une partie ou une contrée de la terre), «ou dans le lieu le plus retiré de la maison», ce qui signifie les conventicules secrets et ténébreux des hérétiques. - S. Jér. Ou bien ces expressions: «Dans le désert» et «dans les endroits cachés», signifient que les faux prophètes trouveront moyen de tromper les hommes dans les temps de persécution et d'épreuves.

Orig. (traité 29 sur S. Matth). Ou bien, toutes les fois que les hérétiques citent à l'appui de leurs erreurs des écritures apocryphes et qui ne sont pas reçues dans l'Église, ils semblent dire: «Voici que la parole de vérité est dans la solitude», tandis que lorsqu'ils s'appuient sur les Écritures canoniques, admises par tous les chrétiens, ils paraissent dire: «Voici que la parole de vérité est dans vos demeures», Mais ces promesses ne doivent pas nous faire sortir des premières traditions reçues dans l'Église. Peut-être encore le Seigneur veut-il nous prémunir contre ceux dont la doctrine est tout à fait étrangère à l'Écriture par ces paroles: «Si l'on vous dit: Le voici dans la solitude», ne sortez pas de la règle de la foi; contre ceux qui se couvrent en apparence de l'autorité des Écritures par ces autres: «Si l'on vous dit: Le voici dans le lieu le plus retiré, ne le croyez pas». Car la vérité est semblable à l'éclair qui part de l'Orient et paraît jusque dans l'Occident. Ou bien le Sauveur s'exprime de la sorte parce que l'éclair de la vérité est soutenu par tous les passages de l'Écriture. L'éclair de la vérité sort donc de l'Orient, c'est-à-dire des commencements de la vie de Jésus-Christ, et se prolonge jusqu'à sa passion, qui est comme son couchant; ou bien depuis l'origine du monde jusqu'aux derniers écrits des Apôtres. Ou bien encore, l'Orient est la loi, et l'Occident, la fin de la loi et de la prophétie de Jean-Baptiste. Or, l'Église seule n'ôte rien soit à l'expression, soit au sens de cette vérité qui brille comme un éclair, elle n'ajoute rien non plus sous prétexte de prophétie. Ou bien enfin le Seigneur veut nous mettre en garde contre ceux qui nous disent: «Voici le Christ», sans nous le montrer dans l'Église, qui seule a vu s'accomplir en elle l'avènement tout entier du Fils de l'homme, dont voici la promesse: «Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles».

S. Jér. Ces paroles nous invitent à méditer la passion de Jésus-Christ, et à nous réunir dans tous les endroits de l'Écriture où il en est question (cf. Ps 21,18 Is 53,7), afin qu'elle puisse nous conduire jusqu'au Verbe de Dieu.



Catena Aurea 5409