Catena Aurea 4222

vv. 22-24

4222 Mt 12,22-24

La Glose. - Le Seigneur venait de réfuter les calomnies des pharisiens qui lui reprochaient de faire des miracles le jour du sabbat; mais comme, par une méchanceté plus noire encore, ils dénaturaient les miracles eux-mêmes qu'il opérait par une vertu toute divine en les attribuant à l'esprit impur, l'Évangéliste raconte le prodige qui fut pour eux l'occasion de ce blasphème: «Alors on lui présenta un possédé».

Remi. Ce mot alors se rapporte au moment où il sortait de la synagogue après avoir guéri cet homme dont la main était desséchée. Ou bien cette expression alors signifie un espace de temps plus étendu et voudrait dire alors qu'il prononçait tous les discours, ou qu'il faisait les oeuvres qui sont ici racontés. - S. Chrys. (hom. 41). Quelle malice surprenante dans le démon ! Il avait fermé les deux passages par lesquels la foi aurait pu entrer dans cet homme, c'est-à-dire la vue et l'ouïe; mais le Seigneur va ouvrir l'un et l'autre: «Et il le guérit», ajoute l'Évangéliste. - S. Jér. Nous voyons ici trois prodiges opérés dans un seul homme: l'aveugle voit, le muet parle, le possédé est délivré du démon, et ce miracle extérieur et sensible se renouvelle tous les jours dans la conversion de ceux qui embrassent la foi; après que le démon est chassé de leur âme ils voient la lumière de la foi, et leur bouche, jusqu'alors muette, s'ouvre pour proclamer les louanges de Dieu. - S. Hil. (can. 12 sur S. Matth). Ce n'est pas sans un dessein particulier de Dieu qu'après avoir parlé d'une multitude de personnes guéries en commun, l'Évangéliste nous raconte la guérison particulière d'un homme qui était tout à la fois possédé, aveugle et muet. Il convenait en effet qu'après la guérison dans la synagogue de l'homme dont la main était desséchée, celui dont il est ici question devînt la figure de la guérison spirituelle des nations, et qu'après avoir été possédé du démon, aveugle et muet, il devint l'habitation de Dieu, vît et reconnut le vrai Dieu dans la personne du Christ et rendît gloire à Dieu pour les oeuvres qu'il opérait. - S. Aug. (Quest. Evang., 2, 4). Celui qui ne croit point et qui est l'esclave du démon est tout à la fois possédé, aveugle et muet; il ne comprend pas, il ne confesse pas la foi ou il ne rend pas gloire à Dieu. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 2, 37). Ce n'est pas dans le même ordre que saint Luc raconte ce fait (Lc 11); il parle d'un muet seulement, sans ajouter qu'il fût aveugle; mais de ce qu'il omet une circonstance de ce genre, on ne peut conclure qu'il veut raconter une guérison différente car la suite de son récit revient à celui de saint Matthieu.

S. Hil. (can. 12). A la vue de ce miracle, la foule est dans l'étonnement, mais l'envie des pharisiens ne fait que s'accroître: «Et tout le peuple étonné disait: N'est-ce point là le fils de David ?» - La Glose. Ils l'appellent le Fils de David à cause de sa bonté et de ses bienfaits. - Rab. Tandis que le peuple moins instruit ne cessait d'admirer les prodiges du Sauveur, ceux-ci s'appliquaient toujours à les nier, ou, lorsqu'ils ne le pouvaient, à les révoquer du moins en doute, à les dénaturer par des interprétations malveillantes, comme s'ils étaient l'oeuvre non pas de la divinité, mais de l'esprit immonde, de Beelzébub qui passait pour le dieu d'Accaron. C'est ce qu'ils firent dans cette circonstance. «Les pharisiens entendant cela dirent: Cet homme ne chasse les démons que par Beelzébub, prince des démons».

Remi. Beelzébub n'est autre chose que Beel ou Baal, ou Beelphégor. Beel fut le père de Ninus, roi des Assyriens; il fut appelé Baal parce qu'on l'adorait sur les hauteurs, et Beelphégor à cause de la montagne de Phéga, où son idole était placée. Zébul fut un serviteur d'Abimélech, fils de Gédéon. C'est cet Abimélech qui, après le meurtre de ses soixante-dix frères, éleva un temple à Baal et y établit prêtre Zébub pour chasser les mouches qui s'y rassemblaient en grand nombre à cause de la grande quantité de sang des victimes immolées (cf. Jg 9,28); car Zébub signifie mouche et Beelzébub veut dire l'homme des mouches. Ils l'appelaient prince des démons à cause des impuretés qui déshonoraient son culte. Ne trouvant donc rien de plus infâme à objecter contre le Sauveur, ils disaient que c'était par Beelzébub qu'il chassait les démons. Il faut remarquer que ce nom doit être écrit avec un b à la fin et non avec un t ou avec un d, comme on le voit dans quelques exemplaires fautifs.


vv. 25-26

4225 Mt 12,25-26

S. Jér. Les pharisiens attribuaient au prince des démons les oeuvres de Dieu; Notre-Seigneur répond non à ce qu'ils disaient mais à ce qu'ils pensaient au-dedans d'eux-mêmes (cf. Ps 7,9 Jr 17,10), pour les forcer de croire à la puissance de Celui qui voyait le fond des coeurs. «Or Jésus connaissant leurs pensées», etc. - S. Chrys. (hom. 42 sur S. Matth). Ils avaient déjà accusé plus haut le Seigneur de chasser les démons par Beelzébub, sans qu'il les en eût repris; il voulait laisser à la multitude de ses miracles de leur faire connaître sa puissance, et à sa doctrine de révéler sa grandeur; mais comme ils persévéraient dans cette interprétation calomnieuse, il leur en fait des reproches sévères, bien que cette accusation n'eût pas le moindre fondement, car l'envie n'examine pas la nature de ses accusations, pourvu qu'elle accuse. Cependant Jésus ne leur répond point avec mépris, mais ses paroles sont pleines de douceur et de dignité pour nous apprendre à être doux envers nos ennemis, à ne point nous troubler alors même qu'ils nous accuseraient de choses que nous ne reconnaissons pas en nous et qui n'ont aucun fondement. Cette conduite fait même ressortir l'odieux de leurs calomnies, car un possédé du démon n'aurait pu faire ni paraître une aussi grande douceur, ni connaître les pensées des coeurs. C'est du reste parce que leurs accusations étaient dépourvues de toute raison, qu'ils redoutaient la multitude, et qu'ils n'osaient rendre publique cette accusation contre le Christ; ils se contentaient de l'agiter au fond de leur coeur. C'est pour cela que l'Évangéliste dit: «Or, Jésus connaissant leurs pensées». Le Sauveur, dans sa réponse, ne relève point cette volonté qu'ils avaient de l'accuser; il ne divulgue pas leur méchanceté, il se contente de leur répondre, car son désir était d'être utile aux pécheurs et non pas de dévoiler leurs crimes. Il ne se justifie point non plus à l'aide de témoignages de l'Écriture, car ils n'y auraient fait aucune attention et les auraient expliqués dans un autre sens, mais il tire sa réponse des choses qui arrivent ordinairement. Les guerres qui viennent de l'extérieur sont bien moins funestes que les guerres civiles: c'est ce qui se vérifie également pour tous les corps comme pour tous les êtres. Mais le Seigneur emprunte ses exemples aux choses qui sont plus connues: «Tout royaume divisé contre lui-même sera ruiné», etc. Rien n'est plus puissant sur la terre qu'un royaume, cependant la division est pour lui un principe certain de ruine; que dire après cela d'une ville, d'une maison, divisées contre elles-mêmes. Grand ou petit, tout ce qui combat contre soi-même se détruit nécessairement. - S. Hil. (can. 12). Le sort d'une maison ou d'une cité est ici le même que celui d'un royaume; c'est pour cela qu'il ajoute: «Toute ville ou toute maison divisée contre elle-même ne pourra subsister». - S. Jér. De même que la concorde fait croître les plus petites choses, ainsi la division fait tomber les plus grandes.


S. Hil. (can. 12) La parole de Dieu est riche et féconde, et soit qu'on l'entende dans le sens le plus simple, soit qu'on pénètre dans ses profondeurs, elle est indispensable à tout progrès de l'âme. Laissons donc de côté l'interprétation commune assez claire d'elle-même, et arrêtons-nous au sens intime de ces paroles. Le Seigneur, ayant à repousser l'accusation de faire des miracles par Béelzébub, fait retomber cette accusation sur ses auteurs. En effet, la loi vient de Dieu et la promesse du royaume d'Israël découle de la loi: si le royaume de la loi est divisé contre lui-même, il faut nécessairement qu'il se détruise, et c'est ainsi que le royaume d'Israël a perdu la loi, alors que le peuple de la loi attaquait dans le Christ l'accomplissement de la loi. C'est la ville de Jérusalem qui est ici désignée, elle qui, après avoir dirigé contre le Christ tous les flots de la fureur populaire et mis en fuite les Apôtres avec la multitude des croyants, ne tiendra pas contre cette division, et le Sauveur prédit ici la ruine de cette ville, qui suivit de près cette division. Il ajoute ensuite: Et si Satan chasse Satan, comment son royaume subsistera-t-il? - S. Jér. C'est-à-dire: Si Satan combat contre lui-même et si le démon se déclare l'ennemi du démon, la fin du monde devrait être proche, car il n'y aurait plus de place pour ces puissances ennemies dont les divisions assurent la paix aux hommes. - La Glose. Le Seigneur les renferme donc dans un dilemme dont ils ne peuvent sortir: ou bien le Christ chasse le démon par la puissance de Dieu, ou bien par la vertu du prince des démons. Si c'est par la puissance de Dieu, vos calomnies tombent à faux; si c'est par le prince des démons, le royaume des démons est donc divisé contre lui-même, et il ne peut subsister. C'est pour cela que les pharisiens se retirent de son royaume, et le Sauveur insinue que c'est de leur propre choix, parce qu'ils ont refusé de croire en lui. - S. Chrys. (hom. 42). Ou bien si ce royaume est divisé, il s'est affaibli par cette division et il est perdu; et, s'il est perdu, comment peut-il en renverser un autre? - S. Hil. (can. 12). Ou bien encore si le démon est forcément l'auteur de cette division intestine, et qu'il porte le trouble parmi les démons eux-mêmes, il faut en conclure que celui qui est parvenu à les diviser a plus de puissance que ceux qu'il a divisés; donc le royaume du démon, devenu le théâtre d'une telle division, est détruit. - S. Jér. Si vous pensez, scribes et pharisiens, que les démons se retirent pour obéir à leurs chefs, pour tromper par cette démarche simulée les hommes ignorants, que pouvez-vous dire de ces guérisons miraculeuses dont le Sauveur est l'auteur? A moins que vous ne reconnaissiez aussi dans le démon la puissance de guérir les infirmités du corps et le pouvoir d'opérer des prodiges spirituels.


vv. 27-28

4227 Mt 12,27-28

S. Chrys. (hom. 42). A cette première réponse, Notre-Seigneur en ajoute une seconde beaucoup plus évidente encore: «Et si c'est par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos enfants les chasseront-ils ?» Par les enfants des Juifs, il entend les exorcistes établis par la loi ou les Apôtres sortis de la nation juive. S'il veut parler des exorcistes qui chassaient les démons en invoquant le nom de Dieu, il force les pharisiens par cette question adroite de reconnaître en eux l'oeuvre de l'Esprit saint? Si le pouvoir de chasser les démons, leur dit-il, est dans vos enfants l'oeuvre de Dieu, et non pas des démons, pourquoi cette puissance aurait-elle en moi un autre principe? Ils seront donc eux-mêmes vos juges, non par la puissance qu'ils exerceront sur vous, mais par l'opposition de leur conduite avec la vôtre, puisque c'est à Dieu qu'ils font remonter le pouvoir de chasser les démons, tandis que vous l'attribuez au prince des démons. Si au contraire ces paroles doivent s'entendre des Apôtres, ce qui est plus probable, ils seront leurs juges, parce qu'ils siégeront sur douze sièges pour juger les douze tribus d'Israël (Mt 19). - S. Hil. (can. 12). Or, c'est à juste titre que les Apôtres seront établis leurs juges, eux qui ont été revêtus du pouvoir de chasser les démons, pouvoir que les pharisiens ont refusé de reconnaître dans le Christ lui-même. - Rab. Ou bien encore, c'est parce que les Apôtres avaient la conscience que le Christ ne les avait initiés à aucune science funeste.

S. Chrys. (hom. 42). Le Sauveur ne dit pas ici: Mes disciples, ni mes Apôtres, mais «vos enfants», afin de leur donner toute facilité de reprendre leur dignité, ou, s'ils persévéraient dans leur ingratitude, d'ôter toute excuse à leur impudence. Or, les Apôtres chassaient les démons en vertu du pouvoir que le Sauveur lui-même leur avait donné; cependant les pharisiens ne songeaient pas à les accuser, car ce n'était pas le fait lui-même qu'ils attaquaient, mais la personne du Christ. Il prend les Apôtres pour exemple, afin de leur prouver que c'était sous l'inspiration de l'envie qu'ils parlaient ainsi de lui. Il les conduit ensuite de nouveau à la connaissance de lui-même, en leur démontrant qu'ils sont les ennemis déclarés de leur propre bonheur, et qu'ils s'opposent à leur salut, tandis qu'ils devraient se réjouir de ce qu'il était venu pour leur communiquer des biens ineffables. Or, poursuit-il, si c'est par l'Esprit de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu'à vous». Il leur montre par là que chasser les démons n'est pas l'effet d'une grâce ordinaire; mais un acte de puissance extraordinaire, et c'est pour établir cette vérité qu'il tire cette conclusion: «Donc le royaume de Dieu est parvenu jusqu'à vous». Comme s'il disait: S'il en est ainsi, vous ne pouvez douter de la venue du Fils de Dieu sur la terre. Mais il laisse cette conséquence dans l'obscurité, pour ne pas leur être insupportable. Au contraire, comme il veut les attirer à lui, il ne se contente pas de dire: Le royaume de Dieu est arrivé, mais «il est arrivé jusqu'à vous». Il semble leur dire: Les biens vous arrivent et se répandent sur vous; pourquoi donc vous déclarer contre ce qui doit être votre salut? Ces oeuvres si grandes de la puissance divine ont été prédites par tous les prophètes comme le signe de la présence du Fils de Dieu sur la terre. - S. Jér. Il se désigne lui-même comme ce royaume de Dieu, dont il est dit ailleurs: «Le royaume de Dieu est au milieu de vous» (Lc 17); Et encore: «Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas» (Jn 1). Ou bien encore, c'est ce royaume que Jean-Baptiste et le Seigneur lui-même ont annoncé en ces termes: «Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche» (Mt 3). Il est un troisième royaume de la sainte Écriture qui est enlevé aux Juifs pour être donné à une nation qui lui fera porter des fruits (Mt 21). - S. Hil. (can. 12). Si donc les disciples agissent par la vertu du Christ, et que le Christ agisse lui-même par la vertu de l'Esprit saint, le royaume de Dieu arrive, puisqu'il a été communiqué aux Apôtres par le ministère du médiateur lui-même. - La Glose. On peut dire aussi que l'affaiblissement du pouvoir du démon est une augmentation du royaume de Dieu. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 5). On peut donc donner aussi cette explication: Si je chasse les démons par Béelzébub, même dans votre pensée, le royaume de Dieu est parvenu jusqu'à vous; car ce royaume du démon qui, de votre aveu, est divisé contre lui-même, ne peut subsister. Ce royaume de Dieu dont il parle, c'est celui où les impies subissent leur condamnation, et où ils sont séparés des fidèles qui font maintenant pénitence de leurs péchés.


v. 29

4229 Mt 12,29

S. Chrys. (hom. 42). A cette seconde réponse, Notre-Seigneur en ajoute encore une troisième: «Comment quelqu'un peut-il entrer dans la maison du fort ?» etc. Que Satan ne puisse chasser Satan, c'est chose évidente d'après ce qui précède, et il est également hors de doute que personne ne peut le chasser sans l'avoir tout d'abord vaincu. Notre-Seigneur reproduit donc, mais avec une nouvelle force, la raison qu'il a donnée précédemment: Je suis si loin de demander au démon son appui, que je suis en guerre avec lui et que je le tiens captif, et la preuve, c'est que j'enlève tout ce qu'il possède. C'est ainsi qu'il établit le contraire de ce que ses ennemis cherchaient à lui reprocher. Que voulaient-ils en effet? Persuader que ce n'était point par sa propre puissance qu'il chassait les démons. Or, il leur démontre qu'il a fait captifs, non seulement les démons, mais leur chef lui-même. Ce qu'il a fait le prouve suffisamment. Car comment, sans l'avoir réduit le premier, aurait-il pu se rendre maître des démons qui sont sous ses ordres? Ces paroles contiennent, à mon avis, une prophétie; car non seulement il chasse actuellement les démons, mais il fera disparaître l'erreur de toute la face de la terre, et détruira tous les artifices du démon. Il ne dit pas: Il enlèvera, mais: «Il arrachera», pour montrer la puissance avec laquelle il agit. - S. Jér. La maison du démon, c'est le monde qui est soumis à l'empire du malin esprit, non par la volonté de son Créateur, mais par la grandeur de sa faute. Le fort a été chargé de chaînes, relégué dans l'enfer et brisé sous les pieds du Seigneur. Toutefois nous ne devons pas être sans crainte; car notre adversaire est proclamé «le fort» par la bouche même de son vainqueur. - S. Chrys. (hom. 42). Il l'appelle le fort, pour exprimer son antique tyrannie, due tout entière à notre lâcheté. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 5). Satan tenait les hommes captifs, et ils ne pouvaient s'arracher de ses mains par leurs propres forces, si la grâce de Dieu n'était venue les délivrer. Ce qu'il appelle ses armes, ce sont les infidèles. Il a lié le fort en lui enlevant le pouvoir qu'il avait de s'opposer à la volonté des fidèles qui veulent suivre le Christ, et conquérir le royaume de Dieu. - Rab. Il a pillé sa maison, parce qu'il a délivré des pièges du démon, pour les réunir à son Église, ceux qu'il avait prévus devoir être à lui, ou bien lorsqu'il a donné le monde entier à convertir à ses Apôtres et à leurs successeurs. Par cette comparaison si claire, il leur montre donc qu'il n'est point associé aux opérations mensongères du démon, comme ils l'en accusaient faussement, mais que c'est par la puissance divine qu'il a délivré les hommes de la tyrannie des démons.



v. 30

4230 Mt 12,30


S. Chrys. (hom. 42). A cette troisième raison en succède une quatrième: «Celui qui n'est pas avec moi est contre moi». - S. Hil. (can. 12). Jésus fait connaître combien il s'en faut qu'il ait emprunté la moindre puissance au démon, et il nous laisse entrevoir combien il est dangereux de se faire une mauvaise idée de lui, puisque ne pas être avec lui c'est être contre lui. - S. Jér. Il ne faut pas croire cependant que ces paroles se rapportent aux hérétiques et aux schismatiques, quoiqu'on puisse les leur appliquer par extension; car le contexte et la suite du récit nous forcent de les entendre du démon, en ce se ns qu'on ne peut comparer les oeuvres du Seigneur aux oeuvres de Béelzébub. Le désir du démon, c'est de tenir les âmes captives; le désir du Seigneur, c'est de les délivrer; l'un prêche le culte des idoles, l'autre la connaissance du vrai Dieu; le démon en traîne au mal, le Sauveur rappelle à la pratique des vertus. Or, quel accord est possible entre ceux dont les oeuvres sont si contraires ?

S. Chrys. (hom. 42). Comment donc celui qui n'amasse pas avec moi et qui n'est pas avec moi, peut-il être d'accord avec moi pour chasser les démons? Il désire bien plutôt disperser et détruire ce qui m'appartient. Mais dites-moi, si vous aviez un combat à livrer, celui qui ne voudrait pas venir à votre secours ne serait point par là même contre vous. Car le Seigneur lui-même a dit dans un autre endroit: «Celui qui n'est pas contre vous est pour vous». Il n'y a point ici de contradiction entre ces deux passages: d'un côté le Seigneur veut parler du démon qui est en guerre ouverte avec lui; de l'autre, d'un homme qui était en partie avec les disciples, et dont ils disaient: «Nous avons vu un homme chasser les démons en votre nom». Ce sont les Juifs qu'il paraît surtout avoir ici en vue, et qu'il range dans le parti du démon; ils étaient en effet contre lui, et ils dispersaient ce qu'il cherchait à réunir. On peut admettre aussi qu'il veut parler de lui-même, car il était l'ennemi déclaré du démon, et s'efforçait de détruire ses oeuvres.


vv. 31-32

4231 Mt 12,31-32

S. Chrys. (hom. 42). Le Seigneur a répondu aux pharisiens en justifiant sa conduite; il leur inspire maintenant une salutaire frayeur. Car une partie importante de la correction, c'est non seulement de justifier sa manière d'agir, mais aussi d'y ajouter les menaces. - S. Hil. (can. 12). Il prononce un jugement sévère contre l'opinion injuste des pharisiens et contre la perversité de ceux qui la partagent, en promettant le pardon de tous les péchés, mais en le refusant au blasphème contre l'Esprit. «C'est pourquoi je vous déclare que tout péché et tout blasphème sera remis». - Remi. Remarquons, toutefois, que le pardon n'est pas accordé indistinctement à tout le monde, mais à ceux qui auront fait une pénitence proportionnée à leurs péchés. Ces paroles sont la condamnation de l'erreur de Novatien, qui prétendait que les fidèles ne pouvaient se relever de leurs chutes par la pénitence, ni mériter le pardon de leurs péchés, surtout ceux qui avaient renoncé la foi dans les persécutions.

«Mais le blasphème contre le Saint-Esprit ne leur sera point remis». - S. Aug. (serm. sur les paroles du Seig). Quelle différence entre cette locution: «Le blasphème contre l'Esprit ne sera pas pardonné», et cette autre que nous lisons dans saint Luc: «Si quelqu'un blasphème contre l'Esprit saint, il ne lui sera pas remis» (Lc 11), si ce n'est que la pensée est rendue plus clairement d'une façon que de l'autre, et que le second Évangéliste explique le premier sans le contredire? En effet, cette expression: le blasphème de l'Esprit, a quelque obscurité, parce qu'on ne dit pas de quel esprit il s'agit, et c'est pour la faire disparaître que Notre-Seigneur ajoute: «Et quiconque aura dit une parole contre le Fils de l'homme». Après avoir parlé en général de toute espèce de blasphème, il veut spécifier en particulier le blasphème contre le Fils de l'homme, blasphème qui nous est représenté comme un péché très grave dans l'Évangile de saint Jean, où nous lisons: «Il convaincra le monde de péché, de justice et de jugement; de péché, parce qu'ils n'ont pas cru en moi» (Jn 16). - Le Sauveur ajoute: «Mais celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, il ne lui sera point pardonné». Ces paroles ne signifient donc pas que dans la Trinité l'Esprit saint est supérieur au Fils, erreur que n'a jamais soutenue personne, pas même les hérétiques.

S. Hil. (can. 12). Qu'y a-t-il de plus impardonnable que de nier la nature divine dans le Christ, que de le dépouiller de la substance de l'Esprit du Père qui demeure en lui, alors qu'il opère toutes ses oeuvres par l'Esprit de Dieu, et que Dieu est en lui pour se réconcilier le monde? - S. Jér. Ou bien ce passage doit être entendu ainsi: Si quelqu'un dit une parole contre le Fils de l'homme, scandalisé qu'il est par la chair dont je suis revêtu, et ne voyant en moi qu'un homme, cette opinion, bien qu'elle soit un blasphème et une erreur coupable, sera cependant digne de pardon, à cause de la faiblesse de la nature humaine qui paraît en moi; mais celui qui, en présence d'oeuvres incontestablement divines dont il ne peut nier la puissance, osera cependant me calomnier sous l'inspiration de l'envie, et dire que le Christ, le Verbe de Dieu, et les oeuvres de l'Esprit saint doivent être attribuées à Béelzébub, ne peut espérer de pardon ni dans ce monde ni dans l'autre. - S. Aug. (serm. 2 sur les paroles du Seig). Si tel était le sens de ces paroles, il ne serait question d'aucun autre blasphème, et le seul qui serait irrémissible serait le blasphème contre le Fils de l'homme, c'est-à-dire celui qui ne veut voir en lui qu'un homme. Mais comme il a commencé par dire: «Tout péché et tout blasphème sera remis aux hommes», il est hors de doute que le blasphème contre le Père lui-même est compris dans cette proposition générale; et le seul blasphème qu'il déclare irrémissible est celui qui attaque l'Esprit saint. Est-ce que le Père lui-même a pris la forme d'un esclave, de manière que sous ce rapport l'Esprit saint lui soit supérieur? Et quel est celui qu'on ne pourrait convaincre d'avoir parlé contre l'Esprit saint avant qu'il devint chrétien et catholique? Est-ce que d'abord les païens, lorsqu'ils osent attribuer les miracles de Jésus-Christ à des opérations magiques, ne sont pas semblables à ceux qui lui reprochaient de chasser les démons au nom du prince des démons? Et les Juifs eux-mêmes, et tous les hérétiques qui confessent l'Esprit saint, mais qui nient sa présence perpétuelle dans le corps du Christ, qui est l'Église catholique, ressemblent aux pharisiens qui niaient que l'Esprit saint fût en Jésus-Christ. D'ailleurs, il y a eu des hérétiques, comme les Ariens, les Eunomiens et les Macédoniens, qui ont osé soutenir que l'Esprit saint n'était qu'une créature, ou qui ont nié son existence, jusqu'à prétendre que le Père seul était Dieu, et qu'on lui donnait tantôt le nom de Fils, tantôt le nom de l'Esprit saint; ce sont les Sabelliens. Les Photiniens soutiennent aussi que le Père seul est Dieu, que le Fils n'est qu'un homme, et ils nient complètement l'existence de la troisième personne, de l'Esprit saint. Il est donc évident que les païens, les hérétiques et les Juifs blasphèment contre l'Esprit saint. Faut-il donc les abandonner ou les considérer comme n'ayant plus d'espérance? Si le blasphème qu'ils ont proféré contre l'Esprit saint, ne doit pas leur être remis, c'est donc inutilement qu'on leur promet qu'ils recevront la rémission de leurs péchés dans le baptême, ou par leur entrée dans l'Église? Car Notre-Seigneur ne dit pas: Ce péché ne lui sera remis que dans le baptême, mais: «Il ne lui sera remis ni dans ce monde ni dans l'autre», et ainsi il n'y aurait pour être exempts de ce crime énorme que ceux qui sont catholiques dès leur enfance. - Et au chap. 15: Il en est quelques-uns qui prétendent que le blasphème contre l'Esprit saint est le péché exclusif de ceux qui, après avoir été purifiés dans l'Église par l'eau régénératrice, et après avoir reçu l'Esprit saint, répondent par l'ingratitude, à ce bienfait inestimable du Sauveur, et se plongent de nouveau dans l'abîme du péché mortel, tels que les adultères, les homicides, ou les apostats du nom chrétien ou de l'Église catholique. Mais je ne sais quelle preuve on peut apporter à l'appui d'un pareil sentiment, alors que l'Église ne ferme à aucun crime les portes de la pénitence, et que l'Apôtre nous avertit de reprendre les hérétiques eux-mêmes (2Tm 2), dans l'espérance que Dieu les amènera par la pénitence à la connaissance de la vérité. Enfin le Seigneur n'a pas dit: «Le fidèle catholique qui aura proféré une parole contre l'Esprit saint, mais: «Celui qui aura dit», c'est-à-dire: Quiconque aura dit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans l'autre.

S. Aug. (serm. sur la mont., 1, 43). Nous lisons dans l'apôtre saint Jean (1Jn 5): «Il est un péché qui conduit à la mort; je ne dis pas que quelqu'un doive prier pour ce péché». Or, je dis que ce péché du frère qui engendre la mort, est le péché de celui qui, après avoir connu Dieu par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, attaque la sainte fraternité, ou qui, poussé par une ardente jalousie, se déclare contre la grâce elle-même à laquelle il doit sa réconciliation avec Dieu. L'énormité de ce crime est telle, qu'elle ne laisse plus de place à l'humilité de la prière, alors même que les remords de la conscience forcent le pécheur de reconnaître et d'avouer son crime. Il faut croire que cette disposition de l'âme, à cause de la grandeur du péché, produit déjà quelque chose de l'impénitence finale et de la damnation, et c'est peut-être là ce qu'on peut appeler pécher contre l'Esprit saint, c'est-à-dire par malice et par envie, attaquer la charité fraternelle après avoir reçu la grâce de l'Esprit saint. C'est ce péché qui, selon la déclaration du Seigneur, ne sera remis ni dans ce monde ni dans l'autre. Cette explication nous amène à examiner si les Juifs commirent ce péché contre l'Esprit saint lorsqu'ils accusèrent Notre-Seigneur de chasser les démons au nom de Béelzébub, prince des démons, c'est-à-dire si nous devons regarder cette accusation comme dirigée personnellement contre le Seigneur, parce qu'il dit de lui-même dans un autre endroit: «S'ils ont appelé le père de famille Béelzébub, à combien plus forte raison ses serviteurs». Ou bien, comme ils ne parlaient de la sorte que par un excès de jalousie, et qu'ils n'avaient que de l'ingratitude pour de si grands bienfaits, ne peut-on pas croire que par l'excès même de leur jalousie ils ont péché contre l'Esprit saint, quoiqu'ils ne fussent pas encore chrétiens? Cette explication ne ressort pas des paroles du Seigneur, mais on peut dire cependant qu'il les avertit de recevoir la grâce qui leur est offerte, et après l'avoir reçue, de ne plus retomber dans le péché qu'ils avaient déjà commis. Ils avaient proféré contre le Fils de l'homme une parole pleine de méchanceté; elle aurait pu leur être pardonnée s'ils avaient voulu se convertir et croire en lui; mais si après avoir reçu l'Esprit saint ils avaient continué à porter envie à leurs frères, et à se déclarer contre la grâce qu'ils avaient reçue, ce péché ne leur sera pardonné ni dans ce monde ni dans l'autre. Et en effet, si le Sauveur les avait considérés comme déjà condamnés, sans nulle espérance de retour, il n'aurait pas continué de leur donner des conseils en ajoutant immédiatement: «Ou faites un arbre bon», etc. - S. Aug. (Rétract., 1, 19). Je n'ai pas appuyé cette interprétation, parce que j'ai dit que tel était mon sentiment, en ajoutant, toutefois, pourvu que l'on arrive à la fin de cette vie dans cette disposition d'esprit si criminelle. Il ne faut, en effet, désespérer pendant cette vie d'aucun pécheur, quelque dépravé qu'il soit, et ce ne sera jamais témérité de prier pour celui dont il est permis encore d'espérer le salut.

S. Aug. (serm. 2 sur les paroles du Seig., chap. 1 et 5). Ce passage renferme un grand mystère, et il faut demander à Dieu la lumière nécessaire pour bien l'exposer. Je vous le déclare, mes très chers frères, peut-être dans toutes les saintes Écritures ne trouve-t-on pas une question plus importante et plus difficile. Remarquez d'abord que Notre-Seigneur n'a pas dit: Aucun blasphème contre l'Esprit saint ne sera remis, ni: Celui qui aura dit une parole quelconque contre l'Esprit saint, mais: «Celui qui aura dit la parole». - Et au chap. 6: Il n'est donc point nécessaire de regarder comme irrémissible tout blasphème, toute parole contre l'Esprit saint, il faut seulement reconnaître qu'il y a une parole qui dite contre l'Esprit saint, ne peut obtenir de pardon. Les saintes Écritures ont, en effet, l'habitude de s'exprimer de manière que lorsqu'une chose n'a été dite ni du tout ni de la partie, il n'est pas nécessaire qu'elle puisse s'appliquer à la totalité pour nous défendre de l'entendre de la partie. Ainsi le Seigneur dit aux Juifs (Jn 15): «Si je n'étais pas venu, et si je ne leur avais point parlé, ils ne seraient pas coupables»; Notre-Seigneur n'a pas voulu nous dire que les Juifs eussent été absolument sans péché, mais qu'il y avait un péché que les Juifs n'auraient pas eu si le Christ n'était pas venu. - Et au chap. 18: L'ordre que nous nous sommes prescrit nous fait un devoir d'expliquer quelle est donc cette espèce de blasphème contre l'Esprit saint. Le caractère particulier sous lequel nous est représenté le Père, c'est l'autorité; pour le Fils, c'est la naissance; pour le Saint-Esprit, c'est l'union du Père et du Fils. Or le lien qui unit le Père et le Fils est aussi dans leurs desseins, celui qui doit nous unir tous ensemble entre nous et avec eux: «Car sa charité a été répandue en nos coeurs par l'Esprit saint qui nous a été donné». Nos péchés nous ayant privés de la possession des biens véritables, la charité couvre la multitude des péchés (1P 1). Que ce soit, en effet, dans l'Esprit saint que Jésus-Christ nous remette les péchés, nous pouvons le conclure de ce qu'après avoir dit à ses Apôtres: «Recevez l'Esprit saint», il ajoute aussitôt: «Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez». La première grâce que reçoivent ceux qui croient, c'est donc la rémission des péchés dans l'Esprit saint; c'est contre ce don gratuit que s'élève le coeur impénitent. Donc l'impénitence est ce blasphème contre l'Esprit saint qui ne sera remis ni dans ce monde ni dans l'autre. Car celui qui, «par sa dureté et par l'impénitence de son coeur, amasse un trésor de colère pour le jour de la colère», (Rm 2) celui-là, soit dans sa pensée, soit verbalement, prononce une parole criminelle contre l'Esprit saint par lequel les péchés sont remis. Or, cette impénitence ne peut espérer aucun pardon, ni dans ce monde ni dans l'autre, parce que la pénitence obtient dans ce monde le pardon qui nous ouvre les portes de l'autre vie. - Et au chap. 13: Or, cette impénitence ne peut être définitivement jugée pendant cette vie, car on ne doit désespérer de personne tant que la patience de Dieu peut l'amener à se repentir (Rm 2). Car enfin qu'arrivera-t-il si ceux que vous voyez livrés à toute sorte d'erreurs, et que vous condamnez comme ayant perdu tout espoir, font pénitence avant le moment de leur mort? Quoique ce blasphème se compose de plusieurs paroles et qu'il puisse être très étendu, l'Écriture, suivant sa coutume, en parle comme si ce n'était qu'une seule parole. Ainsi, bien que Dieu ait adressé plusieurs paroles aux prophètes, on lit cependant: «Parole qui fut adressée à tel ou à tel prophète». - Et au chap. 15: Si l'on nous fait ici cette question: Est-ce l'Esprit saint qui seul remet les péchés, ou est-ce le Père et le Fils? nous répondrons que c'est également le Père et le Fils, car le Fils dit du Père: «Votre Père vous remettra vos péchés» (Mt 6) et il dit de lui-même: «Le Fils a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés». Pourquoi donc cette impénitence qui demeure sans pardon n'a-t-elle pour cause que le blasphème contre l'Esprit saint, comme si celui qui se trouve lié par ce péché d'impénitence résistait au don de l'Esprit saint, don qui nous confère la rémission des péchés? - Et au chap. 17: C'est que les péchés qui ne peuvent être remis en dehors de l'Église ne doivent être remis que par la vertu de cet Esprit qui est le principe de l'unité de l'Église, etc. Donc la rémission des péchés, qui est l'oeuvre de la Trinité tout entière, est attribuée spécialement à l'Esprit saint; car il est cet Esprit d'adoption des enfants dans lequel nous crions: Mon Père, mon Père (Rm 8), afin que nous puissions lui dire: «Pardonnez-nous nos offenses». Et comme le dit saint Jean, c'est en cela que nous connaissons que le Christ demeure en nous, parce qu'il nous a rendus participants de son Esprit (1Jn 4,13). C'est ce même Esprit qui est l'auteur de cette société qui ne fait de nous qu'un seul corps, le corps du Fils unique de Dieu. - Et au chap. 20: Car l'Esprit saint est lui-même en quelque sorte la société du Père et du Fils, etc. Et au chap. 22: Celui donc qui se rendra coupable d'impénitence contre l'Esprit saint, qui réunit toute l'Église dans les liens d'une même communion et d'une seule unité, il ne lui sera jamais pardonné.

S. Chrys. (hom. 43). On peut encore dire, suivant la première interprétation, que les Juifs ne connaissaient pas la personne du Christ, mais ils avaient de l'Esprit saint une connaissance suffisante, car c'est lui qui avait inspiré les prophètes. Voici donc le sens des paroles du Sauveur: J'admets que la chair dont je suis revêtu soit pour vous une cause de scandale; mais quant à l'Esprit saint, pouvez-vous dire: Nous ne le connaissons pas? Et vous en subirez le châtiment dans cette vie et dans l'autre; car chasser les démons et guérir les maladies est une oeuvre de l'Esprit saint; ce n'est donc pas à moi seul que vous faites outrage, mais à l'Esprit saint: c'est pourquoi votre condamnation est inévitable dans ce monde et dans l'autre. Il en est qui ne sont punis que dans cette vie, comme ceux qui ont participé indignement aux saints mystères chez les Corinthiens (1Co 11,29-30); il en est qui ne reçoivent leur châtiment que dans l'autre monde, comme le mauvais riche dans l'enfer. Il en est enfin qui sont punis dans ce monde et dans l'autre, comme les Juifs qui furent cruellement châtiés lors de la prise de Jérusalem, et qui auront encore à endurer d'affreux supplices dans l'enfer.

Rab. L'autorité divine de ces paroles condamne l'erreur d'Origène, qui assure qu'après bien des siècles, tous les pécheurs obtiendront leur pardon; et Notre-Seigneur l'a détruite par ces seuls mots: «Il ne lui sera pardonné ni dans cette vie ni dans l'autre». - S. Grég. (Dialog. 4, 34). Ce passage nous donne à entendre que certaines fautes sont pardonnées en ce monde, tandis que d'autres ne sont remises que dans l'autre; car ce qui n'est nié que pour une seule chose est affirmé pour quelques autres. Et cependant on ne peut espérer ce pardon que pour les fautes les plus légères, comme des paroles oiseuses, des rires immodérés, ou les fautes que l'on commet dans la gestion de ses affaires, fautes que peuvent à peine éviter, ceux même qui savent comment on doit se garder de tout péché; ou bien enfin l'ignorance en matière légère. Il est encore d'autres fautes dont nous demeurons chargés après la mort, si elles ne nous ont pas été remises pendant cette vie, etc. Mais il ne faut pas oublier que personne n'obtiendra le par don de ses fautes légères après la mort, à moins d'avoir mérité dans cette vie par ses bonnes oeuvres que ce pardon lui soit accordé.



Catena Aurea 4222