Catena Aurea 4233

vv. 33-35

4233 Mt 12,33-35

S. Chrys. (hom. 43). Notre-Seigneur ne se contente pas de cette première réfutation, il veut les confondre par de nouvelles raisons. Ce n'est pas sans doute pour se justifier à leurs yeux, il l'avait fait suffisamment, mais pour changer les dispositions de leur coeur. Il leur dit donc: «Ou dites qu'un arbre est bon», etc., paroles qui veulent dire: Personne d'entre vous n'a osé dire qu'il était mal de délivrer les hommes du démon. Toutefois, comme ils n'attaquaient pas les oeuvres elles-mêmes, mais qu'ils prétendaient que le démon en était l'auteur, il leur démontre que cette accusation est contraire à toutes les règles du raisonnement ainsi qu'à toutes les idées reçues, et que de pareilles inventions sont le comble de l'impudence. - S. Jér. Il les tient resserrés dans un raisonnement que les Grecs appellent áöõôïí et que nous pouvons appeler raisonnement qu'on ne peut éluder. Il les renferme comme dans un cercle d'où ils ne peuvent sortir et les presse par les deux faces de cet argument: Si le démon est mauvais, leur dit-il, il ne peut faire des actions qui soient bonnes; et si les actions dont vous avez été témoins sont bonnes, le démon ne peut en être l'auteur, car il n'est pas possible que le bien puisse naître du mal ou le mal venir du bien. - S. Chrys. (hom. 43). En effet, on juge l'arbre à son fruit, et non pas le fruit par l'arbre, comme le dit Notre-Seigneur lui-même: «Car c'est par le fruit que l'on connaît l'arbre». - Bien que ce soit l'arbre qui produise le fruit, c'est cependant le fruit qui détermine l'espèce de l'arbre. Mais pour vous, vous faites le contraire. Vous ne trouvez rien à reprendre dans les oeuvres, et vous condamnez l'arbre en m'appelant possédé du démon.

S. Hil. (can. 12). Il réfute donc les calomnies des Juifs qui, tout en comprenant que les oeuvres du Christ exigeaient une puissance divine, ne voulurent pas cependant reconnaître sa divinité; mais en même temps il condamne tous ceux dont la foi pervertie devait dans la suite embrasser avec ardeur les différentes hérésies qui ont nié sa divinité et son unité de nature avec le Père, malheureux qui ne pouvaient, comme les Gentils, s'excuser sur leur ignorance, et qui cependant n'avaient pas la connaissance de la vérité. Cet arbre, c'est le Sauveur lui-même revêtu de la nature humaine, parce qu'en effet la fécondité intérieure de sa puissance se répand au dehors en fruits abondants et variés. Il faut donc faire un bon arbre avec de bons fruits, ou un arbre mauvais avec de mauvais fruits, non pas qu'un bon arbre puisse être mauvais ou qu'un mauvais arbre puisse être bon, mais par cette comparaison le Sauveur veut nous faire comprendre qu'il faut abandonner le Christ comme étant inutile, ou s'attacher à lui comme étant la source féconde de tout bon fruit. Vouloir prendre un moyen terme, attribuer quelques privilèges au Christ et nier ses qualités essentielles, le vénérer comme Dieu, et le dépouiller de son union substantielle avec Dieu, c'est un blasphème contre l'Esprit saint. Saisi d'admiration à la vue de la grandeur de ses oeuvres, vous n'osez pas lui refuser le nom de Dieu, et par je ne sais quelle mauvaise disposition de votre esprit vous lui contestez la noblesse de son origine en niant son unité de nature avec le Père. - S. Aug. (serm. 12 sur les paroles du Seigneur). Ou bien encore le Seigneur nous rappelle ici l'obligation d'être de bons arbres si nous voulons produire de bons fruits, car ces paroles: «Faites un bon arbre et que ses fruits soient bons» renferment un précepte salutaire auquel nous devons obéir, tandis que les paroles suivantes: «Faites un arbre mauvais et que ses fruits soient mauvais» ne nous imposent pas l'obligation d'agir de la sorte, mais nous avertissent d'éviter une pareille conduite. Notre-Seigneur avait ici en vue des hommes qui, tout mauvais qu'ils étaient, prétendaient pouvoir dire de bonnes choses ou faire de bonnes actions; il leur déclare que cela est impossible, car il faut changer l'homme si l'on veut changer ses oeuvres; si l'homme persiste dans ce qui le rend mauvais, il ne peut faire de bonnes oeuvres; s'il persévère dans ce qui le rend bon, il ne peut en faire de mauvaises. Or, le Christ a trouvé tous les arbres mauvais, mais il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu à tous ceux qui croyaient en lui.

S. Chrys. (hom. 43). Comme il défendait ici non pas ses intérêts, mais les oeuvres de l'Esprit saint, il leur adresse ces reproches justement mérités: «Race de vipères, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, vous qui êtes mauvais ?» En leur parlant de la sorte, il accuse leur conduite et tout à la fois il la fait servir de preuve de ce qu'il vient de dire. Vous qui êtes de mauvais arbres, semble-t-il leur dire, vous ne pouvez pas porter de bons fruits: je ne suis donc pas étonné que vous parliez de la sorte, car vos pères étaient vicieux, votre éducation a été mauvaise, et vous avez une âme portée au mal. Remarquez qu'il ne dit pas: «Comment pouvez-vous dire de bonnes choses alors que vous êtes une race de vipères ?» car voici la construction naturelle de la phrase: «Comment pouvez-vous dire de bonnes choses, étant mauvais comme vous l'êtes ?» Il les appelle race de vipères parce qu'ils se glorifiaient de leurs ancêtres et, pour anéantir leur orgueil, il les sépare de la race d'Abraham et leur déclare que leurs aïeux leur ressemblaient. - Rab. Ou bien en les appelant race de vipères il veut dire qu'ils sont les enfants et les imitateurs du démon, eux qui interprètent ses actions en mauvaise part, ce qui est le propre du démon.

«La bouche parle de l'abondance du coeur». Un homme parle de l'abondance du coeur quand il connaît l'intention qui le fait parler, vérité que le Sauveur développe plus clairement en ajoutant: «L'homme qui est bon tire de bonnes choses de son bon trésor, et celui qui est mauvais tire de mauvaises choses d'un trésor mauvais». Le trésor du coeur c'est l'intention que l'âme se propose et d'après laquelle le juge intérieur détermine le mérite de l'action; c'est elle qui fait que des actions éclatantes ne reçoivent quelquefois qu'une légère récompense, et que, par suite de la négligence d'un coeur que la tiédeur domine, des actes de vertus héroïques sont faiblement récompensés par le Seigneur. - S. Chrys. (hom. 43). Il donne encore ici une preuve de sa divinité qui pénètre le fond des coeurs, et il nous apprend que non seulement les paroles coupables, mais les mauvaises pensées, recevront leur châtiment. Du reste, c'est une conséquence naturelle que l'excès de la malice du coeur se répande au dehors par les paroles qui sortent de la bouche. Aussi, lorsque vous entendez un homme proférer de mauvais dis cours, tenez pour certain que la malice de son âme est bien plus grande que ne l'indiquent ses paroles, car elles ne sont que l'exubérance de la corruption de son coeur; c'est en cela que ce reproche est plus sévère et plus sensible pour les Juifs, car si leurs paroles sont si mauvaises, jugez combien la source d'où elles découlent doit être corrompue. Voici en effet ce qui arrive ordinairement: c'est que la langue, retenue par la honte, ne répand pas immédiatement tout son venin, tandis que le coeur, qui n'a aucun homme pour témoin de ses actes, se livre sans crainte à tout le mal qui se présente à la volonté, car Dieu est son moindre souci, et lors que le mal déborde à l'intérieur, il se répand à l'extérieur par les paroles, ce qui fait dire au Seigneur: «C'est de l'abondance du coeur que la bouche parle»; et encore: «L'homme tire ses paroles du trésor de son coeur».

S. Jér. En disant: «L'homme qui est bon tire de bonnes choses d'un bon trésor», le Sauveur fait voir aux Juifs coupables de blasphème à l'égard de Dieu dans quel trésor ils ont puisé ces blasphèmes; ou bien cette pensée se rapporte à ce qui précède et leur montre que de même qu'un homme qui est bon ne peut dire de mauvaises choses, de même celui qui est mauvais ne peut en dire de bonnes; ainsi le Christ ne peut faire de mauvaises oeuvres et le démon ne peut en faire de bonnes.


vv. 36-37

4236 Mt 12,36-37

S. Chrys. (hom. 43). A la suite de ces reproches, le Seigneur cherche à inspirer aux Juifs une grande crainte en leur apprenant que ceux qui se seront rendus coupables de crimes semblables seront punis du dernier supplice: «Or, je vous déclare que les hommes rendront compte au jour du jugement de toute parole inutile qu'ils auront dite». - S. Jér. Voici le sens de ces paroles: Si une parole oiseuse qui n'édifie en rien ceux qui l'entendent n'est point sans danger pour celui qui la dit, et si au jour du jugement chacun doit rendre compte de ses discours, à combien plus forte raison vous qui calomniez les oeuvres de l'Esprit saint, et qui dites que je chasse les démons par Beelzéhub, rendrez vous compte de semblables calomnies. - S. Chrys. (hom. 43). Il ne dit pas: «La parole inutile que vous aurez dite», car son dessein est d'enseigner tout le genre humain et de rendre son discours moins dur pour les Juifs. Or, la parole oiseuse est celle qui contient un mensonge ou une calomnie; quelques-uns l'étendent à la parole vaine, à celle par exemple qui excite un rire immodéré ou qui est contraire à la décence et à la pudeur. - S. Grég. (hom. 9, sur les Evang). Ou bien la parole oiseuse est celle qui n'est motivée ni par une véritable utilité, ni par une juste nécessité.

S. Jér. C'est une parole qui est sans utilité pour celui qui parle comme pour celui qui écoute; par exemple, lorsqu'au lieu d'entretiens sérieux nous nous entretenons de choses frivoles ou que nous racontons les récits fabuleux de l'antiquité. Quant à celui qui se livre aux bouffonne ries, rit à gorge déployée et blesse la pudeur dans ses discours, il n'est pas seulement coupable d'une parole oiseuse, mais de discours criminels. - Remi. A cette vérité se rattache la maxime suivante: «C'est d'après vos paroles que vous serez condamnés; c'est d'après vos paroles que vous serez justifiés». Nul doute qu'on ne soit condamné pour les mauvaises paroles qu'on aura dites; mais quant aux bonnes paroles, elles ne pourront justifier que celui qui les aura dites avec une conviction intime et une intention vertueuse. - S. Chrys. (hom. 43). Remarquez que ce jugement n'a rien de trop sévère: vous serez jugés non point sur ce qu'on aura dit de vous, mais sur ce que vous aurez dit vous-même; ce ne sont donc pas ceux qui sont accusés qui doivent craindre, mais ceux qui accusent les autres, car personne ne sera forcé de s'accuser du mal qu'il aura entendu et dont il aura été l'objet, il ne sera responsable que du mal qu'il aura dit lui-même.


vv. 38-40

4238 Mt 12,38-40

S. Chrys. (hom. 44). Le Seigneur avait bien des fois réduit les pharisiens au silence et mis un frein à leur impudence; ils se rejettent donc de nouveau sur ses oeuvres, ce que l'Évangéliste étonné nous raconte en ces termes: «Alors quelques-uns des scribes lui dirent», etc. Alors, c'est-à-dire quand ils auraient dû se rendre, pleins d'admiration et d'étonnement; mais ils persévèrent dans leur malice et ils lui disent pour le surprendre: «Nous voudrions que vous nous fassiez voir un prodige».

S. Jér. Ils demandent des prodiges, comme si les faits qu'ils ont vus jusqu'ici n'étaient pas des prodiges. Saint Luc explique plus clairement quelle espèce de miracle ils lui demandent: Nous voudrions que vous nous fassiez voir un prodige dans le ciel (Lc 11,15). Peut-être voulaient-ils que comme Elie il fît descendre le feu du ciel (2R 1), ou qu'à l'exemple de Samuel, il fît en plein été et contrairement à ce qui arrive dans ces contrées, il fit gronder le tonnerre, briller les éclairs et tomber la pluie (1S 7 1S 12). Mais n'auraient-ils pas trouvé le moyen de calomnier ces prodiges en disant qu'ils étaient le résultat de causes secrètes et variées qui agissent sur l'atmosphère? Car, puisque vous calomniez ce que vous voyez de vos yeux, ce que vous touchez de la main, ce dont vous ressentez l'utilité, que ne diriez-vous pas d'un miracle qui viendrait du ciel? Vous répondriez sans doute que les magiciens en Egypte ont fait eux-mêmes beaucoup de prodiges dans les airs (Ex 7-8).

S. Chrys. (hom. 43). Leurs paroles sont pleines à la fois d'adulation et d'ironie. Ils avaient commencé par outrager le Sauveur en le traitant de possédé du démon; ils cherchent à le flatter maintenant en l'appelant Maître. Aussi leur répond-il avec sévérité: «Cette génération méchante», etc. Lorsqu'ils le chargeaient d'injures, il leur répondait avec douceur; mais lors qu'ils veulent le prendre par la flatterie il leur fait les plus vifs reproches; il prouve ainsi qu'il était supérieur à toute faiblesse, incapable de s'irriter des outrages ou de faiblir devant la flatterie. Or, voici le sens de ces paroles: «Qu'y a-t-il d'étonnant que vous agissiez ainsi contre moi qui suis pour vous un inconnu, quand vous vous êtes conduit de la même manière à l'égard de mon Père dont vous aviez éprouvé tant de fois la puissance et que vous avez abandonné pour courir aux autels du démon ?» Il les appelle «génération méchante» parce qu'ils n'ont jamais eu que de l'ingratitude pour leurs bienfaiteurs. Les bienfaits ne font que les rendre plus mauvais, ce qui est le comble de la perversité. - S. Jér. Le mot «adultère» qu'il ajoute est parfaitement choisi, parce que cette génération avait abandonné son mari et que, suivant Ezéchiel, elle s'était livrée à plusieurs amants (Ez 16,15 Ez 16,24-25 Ez 16,33). - S. Chrys. (hom. 43). Il se déclame ainsi l'égal de Dieu son Père, puisque c'est pour n'avoir pas voulu croire en lui que cette génération est devenue adultère.

Rab. Il va maintenant leur répondre non pas en leur faisant voir un prodige dans le ciel, mais en le tirant des profondeurs de la terre. Il a donné ce signe dans le ciel, mais à ses disciples, en leur dévoilant la gloire de l'éternelle félicité, d'abord en figure sur la montagne (Mt 17), et puis en réalité lorsqu'il s'éleva dans les cieux (Mc 16). Il ajoute: «On ne lui donnera pas d'autre signe». - S. Chrys. (hom. 43). Il parle ainsi, parce que ce n'était pas pour les amener à lui qu'il faisait des miracles, car il savait qu'ils étaient plus durs que la pierre, mais c'était pour en convertir d'autres. Ou bien c'est parce qu'ils ne devaient pas être témoins d'un signe tel qu'ils le demandaient. En effet, il leur donna plus tard un signe, alors qu'ils apprirent à connaître sa puissance par leur propre châtiment, et c'est ce qu'il leur fait entendre à mots couverts en leur disant: «On ne lui donnera pas de signe», paroles dont voici le sens: J'ai répandu sur vous mes bienfaits à profusion, aucun d'eux ne vous a portés à rendre hommage à ma puissance; vous la connaîtrez donc par le châtiment qui vous attend, lorsque vous verrez la destruction de votre cité. Il entremêle ici une prédiction de sa résurrection, qu'ils devaient aussi connaître un jour par leur supplice, «si ce n'est le signe du prophète Jonas». La croix n'aurait jamais été l'objet de la foi si elle n'avait eu pour elle le témoignage des miracles, et si elle n'avait pas été crue, la résurrection ne l'aurait pas été davantage; c'est pour cela qu'il l'appelle un signe, et que pour en faire reconnaître la vérité il en rappelle une figure prophétique: «Car, de même que Jonas fut dans le ventre de la baleine», etc. - Rab. Il fait voir aux Juifs qu'ils sont aussi coupables que les Ninivites, et que leur ruine est imminente s'ils ne font pénitence; mais de même que Jonas, en annonçant le châtiment, indique les moyens de l'éviter (Jon 3), ainsi les Juifs ne doivent pas désespérer de leur pardon, si du moins, après la résurrection de Jésus-Christ, ils font pénitence. Jonas, dont le nom signifie colombe et celui qui gémit, figure celui sur lequel l'Esprit saint descendit en forme de colombe (Lc 3), et qui s'est chargé de nos souffrances (Is 53,4). La baleine qui engloutit Jonas au milieu de la mer (Jon 2) signifie la mort que Notre-Seigneur Jésus-Christ a endurée sur la croix. Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, le Christ demeura le même temps dans le tombeau. Jonas fut jeté sur le rivage, le Christ a ressuscité dans sa gloire.

S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 24). Quelques auteurs qui paraissent ignorer la manière de s'exprimer de l'Écriture, ont voulu compter pour une nuit les trois heures qui s'écoulèrent de la sixième à la neuvième et pendant lesquelles le soleil fut obscurci, et pour un jour les trois autres heures, depuis la neuvième jusqu'au coucher du soleil, pendant lesquelles il éclaira de nouveau la terre. Vint ensuite la nuit du sabbat, et en la comptant avec le jour qui suivit on a deux nuits et deux jours. Après le jour du sabbat vient la nuit du premier jour de la semaine (c'est-à-dire la nuit qui précède le dimanche) dans laquelle le Seigneur est ressuscité. Nous avons donc deux nuits et deux jours et de plus une nuit, alors même qu'on devrait la comprendre tout entière, et que nous ne prouverions pas que le point du jour était la partie extrême de cette nuit. C'est ainsi que sans compter ces six heures (dont trois heures de nuit et trois heures de jour), nous avons réellement trois jours et trois nuits, et il ne nous reste plus qu'à démontrer que cette explication est conforme à l'usage de l'Écriture, qui prend souvent la partie pour le tout. - S. Jér. Ce n'est pas que Jésus-Christ ait été les trois jours entiers et les trois nuits dans les enfers, mais on entend que ces trois jours et ces trois nuits sont formés d'une partie du jour de la Pâque, d'une partie du dimanche et du jour du sabbat tout entier. - S. Aug. (De la Trinité, 4, 9). L'Écriture elle-même nous témoigne que ces trois jours ne furent pas complets; mais la seconde partie du premier jour et la première partie du troisième jour sont comptées pour des jours entiers; quant au jour intermédiaire, c'est-à-dire le deuxième jour, il est complet et a ses vingt-quatre heures, douze de nuit et douze de jour. La nuit qui précéda la première aurore où la résurrection du Seigneur eût lieu appartient au troisième jour. Car de même que les premiers jours de l'homme sur la terre se comptent du jour à la nuit comme symbole de sa chute future, de même les jours se comptent ici de la nuit au jour comme figure de la réparation de l'homme. - S. Chrys. (hom. 44). Il ne leur dit pas clairement qu'il ressusciterait, car ils se seraient moqués de lui; mais il le leur donne à entendre pour qu'ils pussent croire par la suite ce qu'il avait prédit par avance. Il ne dit pas simplement: «Dans la terre», mais «dans les entrailles de la terre» pour exprimer une véritable sépulture, et afin que personne ne pût soupçonner que sa mort n'était qu'apparente. Il dit clairement qu'il y restera trois jours, afin que l'on ne pût douter de la réalité de sa mort. D'ailleurs la figure de la résurrection est une preuve de sa réalité, car Jonas ne fut pas seulement en apparence, mais bien réellement dans le ventre de la baleine. Or la vérité n'aurait-elle existé qu'en apparence, tandis que la figure a existé en réalité? Les disciples de Marcion sont donc de véritables enfants du démon, en affirmant avec leur maître que la passion du Christ n'a été qu'imaginaire; ajoutons que le signe du prophète Jonas, qui devait être donné à cette génération est une preuve que le Sauveur devait souffrir la mort pour les Juifs, quoiqu'ils n'en dussent tirer aucun profit (cf. Jon 1,5).


vv. 41-42

4241 Mt 12,41-42

S. Chrys. (hom. 44). On aurait pu croire que les Juifs auraient un jour le même sort que les Ninivites, et qu'ils se convertiraient après la résurrection du Sauveur, comme les Ninivites s'étaient convertis à la voix de Jonas et avaient ainsi sauvé leur ville de la destruction qui la menaçait. Notre-Seigneur déclare ici qu'un sort tout différent leur est réservé; et loin que le bienfait de sa mort leur soit utile, elle ne fera qu'aggraver leur supplice, comme il le prouvera plus bas par l'exemple du démon. Il montre d'abord ici l'équité de leur condamnation: «Les habitants de Ninive se lèveront, dit-il, au jour du jugement contre cette génération». - Remi. Le Seigneur, en s'exprimant de la sorte, établit clairement qu'il n'y aura qu'une seule résurrection pour les bons et pour les méchants, contre quelques hérétiques qui ont prétendu qu'il y aurait une résurrection pour les bons et une pour les méchants. Il détruit en même temps cette opinion fabuleuse des Juifs qui disent que la résurrection aura lieu mille ans avant le jugement, et il déclare ouvertement, au contraire, que le jugement suivra immédiatement la résurrection: «Et ils condamneront cette génération». - S. Jér. Ce ne sera pas en prononçant contre elle le jugement souverain, mais par la simple opposition de leur conduite; c'est pour cela qu'il ajoute: «Parce qu'ils ont fait pénitence à la voix de Jonas, et voilà plus que Jonas ici». Le mot hic doit être pris comme adverbe de lieu, et non pas comme pronom. Jonas (selon la version des Septante) ne prêcha que pendant trois jours; j'ai prêché pendant un temps beaucoup plus long; il s'adressait aux Assyriens, nation infidèle; je m'adresse aux Juifs, peuple de Dieu; il ne fit que prêcher sans opérer de miracles, et moi, après tant et de si grands prodiges, je suis accusé calomnieusement de connivence avec Béelzébub.

S. Chrys. (hom. 44). Le Seigneur, non content de cet exemple, en ajoute un autre: «La reine du Midi», etc. Cet exemple est plus frappant encore que le premier. Jonas alla trouver les Ninivites; la reine du Midi n'attendit pas que Salomon se rendit près d'elle, mais elle alla le trouver elle-même, et c'était une femme, une barbare, habitant des contrées éloignées; elle n'était pas dominée par la crainte de la mort, mais par le seul désir d'entendre les paroles de la sagesse. Cette femme s'est donc rendue ici, moi j'y suis venu; elle est arrivée des extrémités de la terre, et moi je parcours les villes et les campagnes; elle discuta sur les arbres et sur les plantes, et moi j'enseigne d'ineffables mystères. - S. Jér. Cette reine du Midi condamnera le peuple juif, de la même manière que les Ninivites condamneront les Israélites incrédules. Cette reine est la reine de Saba dont il est question au livre 3 des Rois (1R 10,1-13) et au 2 des Paralipomènes (2Ch 9,1-12). Elle abandonna son peuple et son royaume et à travers mille difficultés elle vint dans la Judée pour entendre la sagesse de Salomon, et lui offrit une multitude de présents (1R 10,10 2Ch 9,9). Les Ninivites et la reine de Saba sont la figure des nations qui ont embrassé la foi et qui ont été préférées au peuple d'Israël. - Rab. Les Ninivites représentent ceux qui renoncent au péché; la reine de Saba, ceux qui ne connaissent pas le péché; car la pénitence efface le péché, mais la sagesse apprend à l'éviter.

Remi. Le nom de reine convient admirablement à l'Église, parce qu'elle sait diriger sa conduite; c'est d'elle que le Psalmiste a dit: «La reine s'est tenue debout à votre droite» (Ps 45,10 NV). C'est la reine du Midi, parce qu'elle est pleine du feu de l'Esprit saint. Le vent brûlant du Midi est une figure de l'Esprit saint. Salomon, dont le nom signifie le pacifique, représente celui dont il est dit «C'est lui qui est notre paix» (Ep 2,14).


vv. 43-45

4243 Mt 12,43-45

S. Chrys. (hom. 44). Le Seigneur avait dit aux Juifs: «Les habitants de Ninive s'élèveront au jour du jugement et condamneront cette génération». Mais dans la crainte que le temps si éloigné de cette condamnation ne la leur fit mépriser et n'encourageât leur négligence, il leur apprend qu'ils auront à souffrir des châtiments très sévères non seulement dans l'autre vie, mais dans celle-ci, et il leur fait connaître sous le voile d'une parabole le supplice qui leur est réservé: «Lorsque l'esprit impur», etc. - S. Jér. Il en est quelques-uns qui prétendent que ce passage s'applique aux hérétiques. L'esprit immonde qui habitait d'abord en eux, lorsqu'ils étaient encore infidèles, disent-ils, a été chassé par la confession de la vraie foi; mais lorsqu'ils ont embrassé le parti de l'hérésie, et qu'ils ont orné de fausses vertus la maison intérieure de leur âme, le diable revient les trouver après avoir pris avec lui sept autres esprits, il fixe en eux son séjour, et rend leur dernier état pire que le premier. Le sort des hérétiques est, en effet, plus déplorable que celui des infidèles; car dans les infidèles vous pouvez rencontrer l'espérance de la vraie foi, mais dans les hérétiques vous ne trouverez que les luttes et les déchirements de la discorde. Cette explication a pour elle quelque probabilité et quelque apparence de science, cependant je ne sais si elle est fondée sur la vérité. En effet, la conclusion de cette parabole: «C'est ce qui arrivera à cette génération criminelle», nous force de l'appliquer, non aux hérétiques, ou à n'importe quels autres hommes, mais au peuple juif, si nous voulons que l'ensemble de ce passage ne reste pas vague, indéterminé, susceptible de sens divers, et ne perde de sa clarté par des interprétations sans fondement, mais qu'il forme un tout parfaitement en rapport avec les antécédents et les conséquences. L'esprit impur est donc sorti des Juifs lorsque la loi leur fût donnée et lorsqu'ils l'eurent chassé, il a erré dans les solitudes des nations, comme l'indiquent les paroles suivantes: «Il va par des lieux arides». - Remi. Les lieux arides, ce sont les coeurs des Gentils que n'ont jamais arrosés les eaux salutaires, c'est-à-dire les saintes Écritures. - Rab. Ou bien, ces lieux arides, ce sont les coeurs des fidèles qui, après avoir été purifiés de la mollesse des pensées dissolues, sont explorés par l'ennemi perfide de notre salut qui cherche à y fixer son séjour; mais il s'éloigne des âmes chastes, et ne peut trouver que dans le coeur des méchants un repos qui lui soit agréable. C'est pour cela que le Seigneur ajoute: «Et il ne le trouve pas».

Remi. Le démon pensait avoir trouvé dans le coeur des Gentils un repos éternel, mais Notre-Seigneur ajoute: «Et il ne le trouve pas», parce que les Gentils ont embrassé la foi, lorsque le Fils de Dieu se fut rendu visible par le mystère de l'incarnation. - S. Jér. Après la conversion des Gentils, le démon, ne trouvant plus en eux de repos, dit: «Je reviendrai dans la maison d'où j'étais sorti, chez les Juifs que j'avais quittés en premier lieu, et, en y revenant, il trouve cette maison vide, nettoyée et parée». En effet, ce temple des Juifs était vide, et le Christ n'y demeurait plus, lui qui avait dit: «Levez-vous, sortons d'ici» (Jn 14,31). Les Juifs n'étant plus sous la garde de Dieu et de ses anges, et n'ayant pour ornement que les observances superflues de la loi, et les traditions des pharisiens, le démon revient dans sa première demeure, il en prend possession avec sept autres esprits, et le dernier état de ce peuple devient pire que le premier. En effet, les Juifs qui blasphèment contre Jésus-Christ dans les synagogues sont les esclaves d'un bien plus grand nombre de démons que ne l'étaient leurs ancêtres dans l'Egypte avant d'avoir reçu la loi; car on n'était pas aussi coupable de ne pas croire en celui qui devait venir, que de ne pas le recevoir lorsqu'il était venu. Ce nombre de sept autres esprits que le démon prend avec lui est mis ici ou à cause des jours de la semaine, ou à cause du nombre des dons de l'Esprit saint. Ainsi de même que dans Isaïe sept esprits de vertus différentes viennent se reposer sur la fleur de la tige de Jessé (Is 11,2), de même, à l'opposé, nous voyons un nombre égal de vices consacré dans la personne du démon. C'est donc avec dessein que Jésus dit du démon qu'il prend sept esprits avec lui, ou à cause de la violation du sabbat, ou à cause des péchés mortels qui sont contraires aux sept dons du Saint-Esprit.

S. Chrys. (hom. 44). Ou bien le Sauveur veut faire comprendre aux Juifs la grandeur du châtiment qui les attend. Voyez, leur dit-il, ceux qui, étant possédés du démon, sont délivrés de cette tyrannie; s'ils tombent ensuite dans le relâchement, ils s'attirent de plus terribles épreuves; ainsi en sera-t-il de vous-mêmes. Vous étiez autrefois les esclaves du démon, lorsque vous adoriez les idoles, et que vous immoliez vos enfants aux démons; cependant je ne vous ai pas abandonnés, j'ai chassé le démon par les prophètes, et je suis venu moi-même en personne pour vous délivrer d'une manière plus complète. Mais loin de répondre à de si grands bienfaits, vous n'en êtes devenus que plus mauvais (car c'est un plus grand crime de mettre à mort le Christ qu'un prophète), c'est pourquoi de plus terribles châtiments vous sont réservés. Et en effet, ce qu'ils eurent à souffrir sous Vespasien et Titus fut mille fois plus affreux que ce qu'ils avaient enduré en Égypte, à Babylone, et sous Antiochus (1M 1 et 1M 2,5-7). Il va plus loin encore, et leur fait voir le triste état de leur âme dépouillée de toutes vertus, et devenue pour le démon une proie bien plus facile qu'auparavant. Or, ce n'est pas seulement dans les Juifs, mais dans nous-mêmes que cette parabole trouve son application. Si après avoir reçu la lumière de la foi et la rémission de nos premières fautes, nous y retombons de nouveau, la peine des fautes suivantes sera beaucoup plus sévère; c'est pour cela que Notre-Seigneur dit au paralytique: «Vous voilà guéri, ne péchez plus, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis» (Jn 5,14). - Rab. Lorsqu'un homme se convertit à la foi, le démon, chassé de son âme par le baptême, parcourt les lieux arides, c'est-à-dire les coeurs des fidèles. - S. Grég. (Moral. 33, 3). Les lieux arides et sans eau sont les coeurs des justes; la règle forte et sévère qu'ils s'imposent dessèche dans leur âme les eaux des concupiscences charnelles. Les lieux humides, au contraire, sont les âmes des hommes attachés à la terre; la concupiscence de la chair, en les pénétrant de ses eaux corrompues, les rend molles et sans cohésion, et le démon y imprime d'autant plus profondément les traces de son iniquité, qu'il marche dans ces âmes comme sur une terre détrempée et sans consistance.

Rab. Or, en rentrant dans sa maison d'où il était sorti, il la trouve vide de bonnes actions par suite de sa négligence, purifiée de toutes souillures, c'est-à-dire de ses anciens vices, par le baptême; ornée de fausses vertus par l'hypocrisie. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 8). Le Seigneur nous apprend encore par ces paroles qu'il en est dont la foi sera si faible, qu'ils retourneront au monde, incapables qu'ils seront des travaux de la mortification. En nous faisant remarquer que le démon prend avec lui sept autres esprits, il veut nous faire comprendre que celui qui tombe des hauteurs de la justice devient en même temps hypocrite. En effet, lorsque la concupiscence de la chair, chassée par les oeuvres ordinaires de la pénitence, ne trouve pas un lieu d'agréable repos, elle revient avec plus d'empressement, et s'empare de nouveau du coeur de l'homme, pour peu qu'il se soit laissé aller à la négligence. Alors la parole de Dieu ne peut plus avoir d'accès par la saine doctrine pour habiter cette maison une fois nettoyée de ses souillures; et comme cette concupiscence de la chair ne prend pas seulement avec elle les sept vices qui sont opposés aux sept dons de l'Esprit saint, mais qu'elle affectera par hypocrisie d'avoir ces mêmes vertus, on peut dire qu'elle revient avec sept démons plus méchants, c'est-à-dire avec les sept démons de l'hypocrisie, de manière que l'état de cet homme devienne pire que le premier. - S. Grég. (Moral. 7, 7). Il arrive souvent aussi que, lorsque l'âme vient à s'enorgueillir de ses premiers pas dans la perfection, et veut en être louée comme de véritables vertus, elle donne entrée à son ennemi furieux contre elle, et qui s'acharne avec d'autant plus de violence à sa ruine, qu'il a éprouvé de douleur d'en avoir été chassé, ne fût-ce que pour quelque temps.



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